- Mercredi 15 Janvier 2025
- Proposition de loi relative à la lutte contre l'antisémitisme dans l'enseignement supérieur - Désignation de rapporteurs
- « 20ème anniversaire de la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées : quel bilan pour l'école inclusive ? » - Audition de Mmes Caroline Pascal, directrice générale de l'enseignement scolaire, Isabelle Saurat, déléguée interministérielle à l'accessibilité, MM. Jérémie Boroy, président du Conseil national consultatif des Personnes handicapées, et Thierry Bour, conseiller École inclusive et Enseignement supérieur auprès du délégué interministériel à la stratégie nationale pour les troubles du neuro-développement
Mercredi 15 Janvier 2025
- Présidence de M. Laurent Lafon, président -
La réunion est ouverte à 9 h 30.
Proposition de loi relative à la lutte contre l'antisémitisme dans l'enseignement supérieur - Désignation de rapporteurs
La commission désigne MM. Pierre-Antoine Levi et Bernard Fialaire rapporteurs de la proposition de loi n° 26 (2024-2025) relative à la lutte contre l'antisémitisme dans l'enseignement supérieur.
« 20ème anniversaire de la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées : quel bilan pour l'école inclusive ? » - Audition de Mmes Caroline Pascal, directrice générale de l'enseignement scolaire, Isabelle Saurat, déléguée interministérielle à l'accessibilité, MM. Jérémie Boroy, président du Conseil national consultatif des Personnes handicapées, et Thierry Bour, conseiller École inclusive et Enseignement supérieur auprès du délégué interministériel à la stratégie nationale pour les troubles du neuro-développement
M. Laurent Lafon, président. - Mes chers collègues, le 11 février prochain, le Sénat organisera un colloque à l'occasion des 20 ans de l'adoption de la loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.
En amont de cet événement, afin de le préparer en lien avec le groupe d'études handicap dont plusieurs d'entre vous sont membres, il me semblait important d'organiser une table ronde pour dresser un bilan des dispositions relatives à l'école adoptées dans le cadre de ce texte. L'école inclusive est en effet un sujet particulièrement important pour notre commission. Je sais que nombre d'entre vous sont impliqués sur ce sujet. Je rappellerai nos récents travaux sur l'amélioration de la situation des accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH) ainsi que sur la prise en charge des élèves en situation de handicap pendant la pause méridienne. C'est également une thématique récurrente de nos questions aux différents ministres de l'Éducation nationale qui se sont succédé dans le cadre de la présentation des budgets.
Hasard du calendrier et du contexte politique, le Sénat reprendra l'examen des crédits de la mission « Enseignement scolaire » ce samedi sur les amendements relatifs à l'école inclusive.
Pour effectuer ce bilan, nous accueillons aujourd'hui Mme Caroline Pascal, directrice générale de l'enseignement scolaire, Mme Isabelle Saurat, déléguée interministérielle à l'accessibilité, M. Thierry Bour, conseiller pour l'école inclusive et l'enseignement supérieur, et qui représente la délégation interministérielle à la stratégie nationale pour les troubles du neurodéveloppement, et enfin M. Jérémie Boroy, président du Conseil national consultatif des personnes handicapées.
Mesdames et messieurs, je vous remercie de votre présence et de votre contribution à nos travaux sur ce sujet. Je rappelle que la loi de 2005 reconnaît le droit pour tout enfant à une scolarisation en milieu ordinaire et pose le principe d'un parcours de scolarisation adapté aux besoins de chaque enfant handicapé.
20 ans après son adoption, quel bilan tirer ? Nous sommes conscients des efforts importants réalisés. Je ne citerai que deux chiffres pour les illustrer. En 2006, environ 155 000 enfants en situation de handicap étaient scolarisés en milieu ordinaire. À la rentrée 2024, ils étaient 513 000. Toutefois, au-delà de cette appréciation quantitative, qu'en est-il du bilan qualitatif sur l'accueil de ces enfants ? Quelles sont les marges de progression en tant que professionnels que vous avez pu identifier ?
Avant de donner la parole à chacun d'entre vous pour un propos liminaire d'une dizaine de minutes, permettez-moi de poser quelques questions plus ciblées à chacun d'entre vous. Madame Pascal, pouvez-vous nous dresser un bilan général de la loi de 2005 du point de vue du ministère de l'éducation ? Les objectifs qu'elle avait fixés vous semblent-t-ils atteints ?
Madame Saurat, l'accessibilité recouvre notamment l'adaptation du bâti scolaire, sujet sur lequel se sont beaucoup impliquées les collectivités territoriales ces dernières années. Pouvez-vous faire le point sur les principaux obstacles à l'accessibilité dans les établissements relevant du public, les ERP, et notamment dans les établissements scolaires. Quel est le coût de la mise aux normes d'un ERP en ce domaine et comment sont accompagnées les collectivités territoriales notamment d'un point de vue financier ?
Monsieur Bour, pouvez-vous revenir notamment sur les conséquences de la loi de 2005 sur la prise en charge des élèves souffrant d'un trouble de neurodéveloppement ? Où en est le déploiement de la stratégie nationale 2023-2027 pour les troubles du neurodéveloppement ? Quelles améliorations permet-elle pour les élèves et familles concernées ?
Enfin, Monsieur Boroy, quel regard portez-vous sur cette loi ? Avec le recul, quels sont les principaux points de blocage pesant sur une école inclusive pour tous les élèves ? Des évolutions réglementaires ou législatives vous semblent-elles nécessaires ?
Sans plus tarder, je vous donne la parole en commençant par Madame Pascal et vous rappelle que cette audition fait l'objet d'une captation vidéo diffusée sur le site internet du Sénat.
Mme Caroline Pascal, directrice générale de l'enseignement scolaire. - Monsieur le président, mesdames et messieurs les sénateurs, cette audition est l'occasion de dresser un point d'étape essentiel à l'approche des 20 ans de la loi du 11 février 2005. Celle-ci constitue un texte fondamental pour l'inclusion dans notre système éducatif des élèves en situation de handicap. Elle a marqué à la fois un tournant historique dans la reconnaissance du droit à l'éducation pour tous, ce que je considère à la fois comme un devoir et un honneur de l'école. À travers cette loi, la République a affirmé que l'école devait être accessible à tous sans distinction et que chaque enfant, quelle que soit sa situation, méritait une place dans la société.
Avant de revenir sur quelques éléments de bilan, les perspectives à venir et les réalisations en cours pour faire avancer ce projet d'école pour tous, je rappellerai les origines du projet de loi envisagé dès 2003 par le président de la République, Jacques Chirac. À l'époque, on estimait à 150 000 le nombre d'enfants en situation de handicap exclus du système scolaire ordinaire. Je le cite : « une société se juge notamment à l'attention qu'elle porte aux plus fragiles et à la place qu'elle réserve par conséquent aux personnes qui souffrent d'un handicap ».
Le parcours très complexe des familles pour accompagner leurs enfants avait été alors mis en lumière, conduisant à la création d'un lieu unique pour recueillir leurs besoins : les maisons départementales pour les personnes handicapées (MDPH). La réponse apportée au constat qui avait été fait a été très rapide. Trois ans plus tard, 155 000 élèves supplémentaires étaient scolarisés en milieu ordinaire. Dix ans après le vote de la loi, en 2016, la scolarisation en milieu ordinaire des élèves en situation de handicap avait augmenté de 80 %. C'était un succès tangible et mesurable, qui démontrait l'engagement de l'État et de l'école à faire de l'inclusion une priorité.
Aujourd'hui, plus de 500 000 élèves en situation de handicap sont scolarisés dans des établissements ordinaires, ce qui représente une augmentation de 180 % par rapport à 2006.
Il nous faut mesurer la transformation de l'école que cela implique et l'engagement des équipes pédagogiques qui se sont emparées de ce défi avec force et conviction. Je tiens à les en remercier ainsi qu'à souligner le travail considérable par les équipes éducatives et par les professeurs pour permettre cette scolarité pour tous, qu'ils considèrent devoir aux élèves et aux familles.
Ce résultat sans précédent qui témoigne de l'ampleur du chemin parcouru ne se limite pas aux chiffres. Il concrétise le droit fondamental d'accéder à l'éducation dans un environnement scolaire qui respecte et prend en compte la diversité des besoins. L'une des dernières mesures entrées en vigueur à la rentrée scolaire 2024 concerne l'attribution d'un numéro d'identification, l'INE (Identifiant National Étudiant), à tous les élèves, qu'ils soient scolarisés en milieu ordinaire ou en milieu spécialisé. Cette mesure technique permet de mieux suivre le parcours de ces enfants, de leur éviter des ruptures de scolarité, notamment géographiques.
Les moyens engagés pour accompagner la mise en oeuvre de l'inclusion scolaire sont considérables : plus de 3,7 milliards d'euros en 2022. Depuis 2013, le nombre d'AESH (accompagnants d'élèves en situation de handicap) a augmenté de manière exponentielle. Près de 140 000 professionnels travaillent désormais chaque jour à l'accompagnement des élèves. Les dispositifs de scolarisation adaptés tels que les ULIS (unités localisées d'inclusion scolaire), les dispositifs pour les troubles du neurodéveloppement ou encore les pôles d'enseignement de jeunes sourds, ont permis d'offrir à chaque élève une scolarité adaptée à ses besoins.
Malgré ces avancées, on ne saurait nier que des difficultés et des défis demeurent. Bien que les moyens humains et matériels aient considérablement augmenté, la réalité reste parfois complexe. En 2024, plus de 29 000 élèves en situation de handicap, scolarisés en milieu ordinaire, attendent toujours une place en établissement médico-social (EMS). C'est une augmentation de plus de 24 % par rapport à 2023. De même, plus de 11 000 élèves sont en attente d'affectation en dispositif ULIS. Ainsi, beaucoup reste à faire afin de garantir une école véritablement inclusive et accessible à tous. Je citerai le Premier ministre dans sa déclaration de politique générale hier : « la politique d'inclusion scolaire atteint une masse critique ». Nous devons tous en être conscients. 3,3 % des élèves scolarisés sont reconnus en situation de handicap et parmi ces élèves, 60 % bénéficient d'un accompagnement humain par un AESH.
Les pratiques pédagogiques adaptées de nos professeurs peuvent représenter une première réponse aux troubles et aux difficultés de l'apprentissage de nos élèves. Ce faisant, ces professeurs ont également amélioré les apprentissages pour l'ensemble des élèves, en encourageant l'innovation pédagogique et en mettant en avant des méthodes d'enseignement plus adaptatives et plus diversifiées.
Nous devons aujourd'hui nous interroger sur la pertinence de la réponse apportée au regard des besoins réels de l'élève, notamment le recours systématique ou quasi-systématique à la compensation. C'est là, et permettez-moi de terminer sur ce point, que les pôles d'appui à la scolarité ou PAS, que nous expérimentons depuis la rentrée scolaire, prennent toute leur importance. Ces pôles constituent des structures novatrices. Ils visent à renforcer la coopération entre l'école, le secteur médico-social et les acteurs libéraux. Ils permettent d'apporter une réponse rapide et de qualité aux besoins des élèves, qu'ils soient en situation de handicap ou non et d'accompagner de manière personnalisée chaque parcours. J'ai pu observer dans le cadre de la visite du PAS de l'Aisne vendredi dernier, que les délais d'action sont exceptionnels : deux jours pour que la famille ou l'équipe éducative ait une réponse, quinze jours pour qu'un plan d'actions soit construit, six mois pour établir un premier bilan. L'objectif est de créer une culture commune de travail entre l'Éducation nationale et le secteur médico-social, de mettre en place un cadre juridique clair et de proposer des formations croisées pour les différents acteurs des parcours scolaires des élèves. Ce n'est plus seulement une question de places disponibles mais une question de parcours adapté et individualisé.
Ces premiers retours sur les PAS, expérimentés dans quatre départements - l'Eure-et-Loir, le Var, l'Aisne et la Côte-d'Or - sont extrêmement positifs. Depuis la rentrée 2024, 1 137 élèves y sont accompagnés. Les familles et les équipes éducatives que j'ai pu rencontrer se félicitent de pouvoir échanger et collaborer avec des acteurs qui partagent non seulement une vision commune mais une expertise croisée. Quant aux enseignants, éducateurs et directeurs de MDPH, ils témoignent également de l'efficacité de cette approche qui permet d'adapter rapidement les aménagements pédagogiques et de mieux répondre aux besoins spécifiques des élèves.
Il est donc impératif de poursuivre nos efforts. La loi de 2005 a permis une prise de conscience collective des enjeux de l'inclusion. Elle a transformé nos écoles en des lieux plus ouverts et plus accessibles. Bien évidemment les marges de progrès sont encore importantes. Il est désormais temps de réfléchir à une nouvelle étape plus qualitative. L'école inclusive n'est pas seulement un droit pour certains, c'est un atout pour tous les élèves qui, à un moment ou un autre, peuvent avoir besoin d'un « coup de pouce », pour tous les professeurs qui s'inscrivent dans une dynamique collective, notamment en travaillant directement avec les personnels du secteur médico-social, ainsi que pour la société qui grandit de l'attention qu'elle porte aux plus fragiles.
Pour cela, nous devons faciliter le parcours des familles et des élèves en supprimant un certain nombre d'obstacles administratifs et logistiques. C'est une des réussites du PAS.
Nous devons ensuite continuer à former et accompagner les équipes pédagogiques pour qu'elles puissent faire face à la diversité des profils scolaires. J'insiste sur ce point. Nous avons des enseignants extrêmement motivés et très disponibles ; il ne faut pas les laisser démunis face à des situations qui ne relèvent plus de l'école. Cela suppose de travailler main dans la main avec les acteurs du secteur médico-social pour construire des parcours cohérents, fluides, répondant aux besoins de l'enfant et parfois hors de l'école.
En conclusion, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les sénateurs, si la loi du 11 février 2005 a permis de véritables avancées, nous devons continuer à penser l'école inclusive comme un processus vivant, en constante évolution. L'objectif est clair : garantir à chaque enfant, quelle que soit sa situation, un parcours scolaire qui respecte sa singularité, ses besoins, son rythme, et ses talents. Il convient également de trouver pour chacun la solution la plus adaptée et l'accompagnement des professionnels dont il a besoin.
Mme Isabelle Saurat, déléguée interministérielle à l'accessibilité. - Mesdames et Messieurs les sénateurs, je commencerai mon propos en rappelant succinctement ce qu'est la délégation interministérielle à l'accessibilité. Elle a une mission de coordination en matière d'accessibilité physique, numérique et téléphonique. Il s'agit des « couches basses » de l'accessibilité indispensable pour réussir l'inclusion scolaire. Nous intervenons en co-construction avec l'Éducation nationale et les collectivités territoriales.
J'aborderai ici l'accessibilité physique, l'accessibilité numérique et le développement de solutions innovantes.
Pour renforcer l'accessibilité physique, la Conférence nationale du Handicap (CNH) d'avril 2023 a créé le fonds territorial d'accessibilité. Celui-ci est doté de 1,5 milliard d'euros sur 5 ans afin de concourir à la mise en accessibilité, en particulier des établissements recevant le public, dont 500 millions d'euros pour co-financer des projets portés par les collectivités territoriales. Ces crédits sont inclus dans la DSIL (dotation de soutien à l'investissement local), gérée par les préfets. Le taux moyen de subvention de l'État pour les projets sélectionnés est de 30 %.
Par ailleurs, l'instruction qui a été envoyée par la direction générale des collectivités locales (DGCL) aux préfets pour l'année 2024 demande que l'enveloppe de subvention consacrée aux projets d'accessibilité soit 50 % plus élevée que celle consommée en 2023. Une attention spécifique est également portée aux projets de mise en accessibilité des équipements sportifs. Nous serons en mesure de communiquer le montant des dépenses réalisées en 2024 d'ici la mi-mars, grâce aux données fournies par la DGCL.
J'insiste sur l'existence de guides du bâti scolaire pour la maternelle, l'élémentaire et le secondaire. L'accessibilité du bâti scolaire y est globalement abordée, en prévoyant la luminosité, la répartition des classes, des salles de repos ou de retour au calme. Lors de mes déplacements, j'ai pu observer que certaines communes élaborent la programmation de leurs travaux en traitant en même temps la question de la rénovation énergétique, de l'accessibilité et de l'école inclusive. D'autres mettent à profit la réduction des effectifs scolaires pour récupérer des espaces qu'ils dédient à une classe de retour au calme ou à une classe ULIS. Enfin, plusieurs projets pensent l'accessibilité globalement en incluant l'école et les rues adjacentes afin de pouvoir se déplacer en toute sécurité.
Il est toutefois difficile de dresser un bilan, car il n'existe pas de base de données complète sur le sujet. J'y reviendrai à la fin de mon intervention.
Mon deuxième point concerne l'accessibilité numérique. On dénombre 21 projets dans le champ de l'enseignement suivis trimestriellement par la délégation interministérielle au numérique. En trois ans, nous avons pu constater une amélioration sensible de l'accessibilité numérique. Nous avons mené une large politique d'audits (95 % des audits programmés ont été réalisés) qui nous a permis de constater que seuls 73 % de ces 21 projets étaient conformes au référentiel général d'amélioration de l'accessibilité (RGAA).
Pour être conforme au RGAA, tant le « contenant » que le « contenu » doivent être accessibles. Le « contenant » inclut par exemple la capacité d'agrandir les caractères ou de naviguer sans utiliser la souris. L'État a prévu des formations non seulement pour les personnels travaillant dans le domaine du numérique, mais aussi pour ceux en charge de la communication, afin que cette dernière soit pensée dès l'origine pour être accessible. À titre d'exemple, un travail important a été fait sur les sites internet relatifs à l'orientation et l'affectation à la fin du collège - qui concerne plus de 500 000 usagers par an - et qui présentent des taux élevés de satisfaction et de conformité au RGAA.
Je vous rappelle que l'autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM) a été chargée en 2023 de réaliser des contrôles sur les sites internet. Je ne peux vous présenter aujourd'hui les chiffres dans le champ scolaire, mais nous pourrons demander à l'ARCOM d'effectuer une extraction des contrôles réalisés pour les porter à la connaissance de votre commission.
Pour notre part, la délégation interministérielle est en train de rédiger un rapport sur l'accessibilité numérique à destination de la Commission européenne.
Le troisième élément que je souhaite aborder est le dispositif de soutien à la production de ressources numériques. La direction du numérique pour l'éducation (DNE) a créé un label « Édu-up » apprécié par les entreprises se lançant dans le domaine éducatif. C'est un des rares secteurs à disposer d'un label dédié. Nous savons que ce domaine est propice à l'innovation. C'est pourquoi, nous travaillons avec la direction générale des entreprises (DGE) afin de faciliter la création et le développement d'entreprises qui oeuvrent dans le domaine du handicap et de l'autonomie. Rappelons que la création d'une filière autonomie-handicap a été fortement accélérée dans le cadre des Jeux olympiques et paralympiques.
Enfin, s'agissant des données d'accessibilité, il n'existe pas de source unique. Parmi les nombreuses sources, on compte la plateforme « Accès libre », sur laquelle plus de 500 000 bâtiments ont été recensés, dont des établissements scolaires. Nous disposons également de bases spécialisées. Dans le cadre des Jeux olympiques, l'Agence nationale du sport a financé la plateforme Data ES qui recense l'ensemble des établissements sportifs.
Enfin, en lien avec la direction interministérielle du numérique (Dinum), nous travaillons à la création d'un point national d'accès aux données d'accessibilité ouvert à tous.
M. Thierry Bour, conseiller École inclusive et Enseignement supérieur auprès du délégué interministériel à la stratégie nationale pour les troubles du neurodéveloppement. - Mesdames et Messieurs les sénateurs, à titre liminaire, je rappellerai les missions du délégué interministériel, telles que définies par décret. Celles-ci consistent à assurer le suivi de la mise en oeuvre, au niveau interministériel, de la stratégie nationale pour les troubles du développement, sa prise en compte dans les politiques ministérielles associées ainsi que sa déclinaison territoriale. Elles visent également à garantir le recours régulier à l'expertise et à l'expérience des usagers, des professionnels et des scientifiques.
La stratégie nationale actuelle de mise en oeuvre de la loi de 2005 fait suite à trois plans qui se sont succédé entre 2005 et 2017. Le premier plan dit « autisme » a été lancé à la suite d'une condamnation de la France par le Conseil de l'Europe pour le non-respect des droits des personnes autistes. Ces plans ont conduit à des progrès notables en termes d'une part, de repérage, de diagnostic et d'orientation, et d'autre part, d'accompagnement des personnes et de soutien aux familles. Ils ont également contribué à renforcer la formation, la recherche scientifique et le pilotage des politiques publiques pour garantir le respect des droits des personnes concernées.
En matière d'éducation, ces plans se sont traduits progressivement par la mise en oeuvre de formations spécifiques à destination des enseignants et d'un accompagnement renforcé des enfants en milieu ordinaire via les AESH. Ils ont également permis la création au sein des établissements scolaires de dispositifs spécifiques - comme les ULIS, ou des unités d'enseignement maternel autisme, les UEMA, créées dans le cadre du troisième « plan autisme » -, ainsi que le développement de centres d'enseignement spécialisé pour les élèves handicapés et des services d'éducation spéciale et de soins à domicile (SESSAD).
La stratégie 2018-2022 s'est inscrite dans la continuité des précédents plans en permettant de renforcer la scolarisation des élèves autistes à travers deux nouveaux dispositifs, les unités d'enseignement en élémentaire autisme (UEEA) et les dispositifs d'autorégulation (DAR), ainsi que par l'ouverture de nouvelles ULIS à l'école, au collège et dans les lycées professionnels. 102 postes de « professeurs-ressource » TSA (Trouble du spectre de l'autisme) ont été créés au niveau national, soit un poste par département, afin d'accompagner au plus près des territoires les enseignants qui accueillent des élèves avec un trouble du spectre de l'autisme. L'accès aux études supérieures est également facilité avec la mise en oeuvre du programme Aspie Friendly comprenant un accompagnement des étudiants autistes ainsi que des formations pour les personnels de l'enseignement supérieur.
La nouvelle stratégie 2023-2027 pour les troubles du neurodéveloppement, autisme, Dys, TDAH (Trouble de déficit de l'attention avec/sans hyperactivité) et TDI (trouble dissociatif de l'identité), a élargi cette politique publique à l'ensemble des troubles du neurodéveloppement.
Cette stratégie a permis, à la rentrée 2023, la création de 120 dispositifs TND (Trouble du neurodéveloppement) supplémentaires, soit 47 UEMA, 44 UEEA et 29 DAR. Par ailleurs, 25 postes de « professeurs-ressource » TND ont été créés. À la rentrée 2024, ce sont 62 nouveaux dispositifs qui ont vu le jour : 20 UEMA, 11 UEEA et 31 DAR.
Actuellement, 589 dispositifs (326 UEMA, 158 UEEA et 105 DAR) accompagnent plus de 4 900 élèves avec des TND. D'ici 2027, ce seront 210 nouveaux dispositifs qui seront créés. Le programme Aspie Friendly est étendu aux étudiants avec des TND, sous le nouveau nom Atypie Friendly. Actuellement, 50 % des étudiants concernés en bénéficient.
En conclusion, il y a eu des efforts notables en termes de formation, d'information, de sensibilisation des enseignants et des professionnels du secteur éducatif ainsi que des améliorations de la scolarisation des élèves avec des TND. Néanmoins, la stratégie mise en place est perfectible : l'offre proposée est jugée parfois trop complexe pour les familles et les professionnels. Il peut, en effet, s'avérer difficile pour une famille ou les professionnels d'identifier la solution la plus pertinente pour l'enfant. Il serait opportun de simplifier cette offre et de lui apporter une certaine souplesse pour assurer une meilleure couverture territoriale : par exemple la création d'un dispositif dans une école maternelle ne couvre pas nécessairement tout le territoire.
Il convient également d'éviter toute filiarisation, conséquence d'une stratégie basée uniquement sur des dispositifs spécifiques par typologie de troubles - à rebours de l'esprit de l'école inclusive - , et d'opter pour des approches axées sur les besoins. En effet, sans nier la spécificité de certains troubles, les élèves peuvent avoir des troubles différents mais des besoins similaires.
Par ailleurs, les moyens de compensation humaine ne sauraient suffire sans un travail d'accessibilisation aux savoirs et apprentissages par l'Éducation nationale. Des apprentissages plus accessibles permettraient de réduire les besoins en termes de compensation humaine ou matérielle.
M. Jérémie Boroy, président du Conseil national consultatif des Personnes handicapées. - Monsieur le Président, mesdames et messieurs les sénateurs, je vous remercie de nous avoir associés à vos travaux. La mission du Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH) est d'assurer la participation et la représentation des personnes handicapées, de leurs familles, des professionnels qui contribuent à leur autonomie au quotidien ainsi que de co-construire l'ensemble des politiques publiques qui les concernent. Notre principale mission consiste à garantir la mobilisation de tous les acteurs de la puissance publique, de l'ensemble des ministères à l'accès au droit commun des personnes handicapées. C'est pourquoi nous sommes particulièrement attachés aux travaux du Comité interministériel du handicap, mis en place en 2009, qui constitue un des outils privilégiés pour mobiliser l'ensemble des acteurs - ministères, administrations, acteurs de la société - autour d'une feuille de route mise à jour régulièrement. La question de l'école et de l'éducation y trouvent bien évidemment toute leur place.
Je vous remercie de vous être saisis, comme d'autres, de l'opportunité du 20e anniversaire de la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées pour en dresser un bilan mais aussi pour nous projeter dans l'avenir.
Si on fait régulièrement référence à la loi de 2005, une des lois fondatrices de nos politiques, il existe d'autres cadres de référence auxquels le CNCPH est particulièrement attaché, tel que celui de la Convention internationale relative aux droits des personnes handicapées des Nations Unies, qui apporte une définition du handicap plus précise que celle de 2005. Je pense également à la Convention internationale des droits de l'enfant qui définit la place de l'enfant et la prise en compte de la parole de l'enfant dans nos dispositifs. La déclaration de Salamanque de 1994 définit le cadre de l'école pour tous. Enfin, l'article L. 111-1 du code de l'éducation, issu de la loi de 2013 pour la refondation de l'école de la République, dispose que le service public de l'éducation « reconnaît que tous les enfants partagent la capacité d'apprendre et de progresser ».
Avant de partager avec vous quelques observations, je voudrais aborder le sujet de ce jour sous l'angle de la sémantique. Nous avons l'habitude, depuis quelques années, de parler de « l'école inclusive ». Or, au fil du temps, on s'est aperçu qu'on se référait d'une part, à l'école, et d'autre part, à l'école inclusive, comme si cette dernière ne concernait que les élèves handicapés. C'est une erreur car il n'existe qu'une seule école. C'est l'école pour tous. C'est l'école que nous connaissons et qui doit être en capacité de s'adapter à tous les besoins ainsi qu'à tous les profils.
S'agissant du bilan de la loi de 2005, celui-ci est très important. S'il convient de ne retenir qu'un élément parmi tant d'autres, c'est certainement le droit de scolarisation en milieu ordinaire, qui constitue une promesse très forte. Il s'est traduit par de nombreux changements depuis 20 ans, même si nous sommes encore loin du compte. Cette thématique est souvent abordée de manière quantitative, ce qui est légitime. J'entends même l'expression de « masse critique », qui n'est peut-être pas appropriée par rapport aux enjeux qui sont les nôtres. Toutefois, au-delà des chiffres, il y a bien évidemment la question de la qualité des dispositifs proposés.
Tout d'abord, la directrice générale de l'enseignement scolaire a évoqué l'inscription des élèves à l'école. Aux termes de la loi de 2005, chaque enfant est inscrit dans l'école de référence de son quartier. Lors de son inscription, il est éventuellement décidé de mettre en place un dispositif particulier ou une modalité d'accompagnement. Or on s'est aperçu que ce n'était toujours pas le cas 20 ans après le vote de la loi. Cela conduit le CNCPH à préconiser la mise en oeuvre d'un « chantier de rattrapage » pour que tous les élèves, quels qu'ils soient, disposent bien d'un numéro INE.
Ce chantier est aujourd'hui engagé. Je m'en réjouis car la question n'est pas symbolique. En effet, cette réforme achève de faire basculer la responsabilité de l'éducation de tous les enfants dans le périmètre du ministère de l'éducation nationale. C'est fondamental. Nous constatons que certains élèves n'ont toujours pas accès à certains dispositifs, faute de disposer d'un tel numéro parce que ces dispositifs sont fléchés pour les élèves ayant un INE. Ce point est primordial. Je vous encourage à suivre ce chantier auprès du ministère pour en évaluer l'impact.
Le deuxième point essentiel est celui de l'accessibilité. L'accès de tous les élèves à l'école exige au préalable une accessibilité des locaux. C'est le cadre qui a été fixé par la loi de 2005. Or c'est peut-être sur ce point que d'importants efforts restent à faire. On ne peut parler d'accès à l'école si les écoles, collèges et lycées, ne sont pas accessibles et ne sont pas aux normes. Si d'aucuns invoquent le besoin de stabiliser les bilans chiffrés, nul besoin d'être un expert pour constater que ce n'est pas le cas. Je vous rappelle que la loi de 2005 avait fixé une échéance de 10 ans. En 2015, le législateur a introduit dans la loi des agendas d'accessibilité programmée afin d'accorder un délai supplémentaire de 3 à 9 ans aux acteurs publics et privés, dont les collectivités, pour se conformer à l'obligation d'accessibilité. La période de 9 ans est désormais achevée depuis le mois de septembre dernier. Ce qui n'est donc pas accessible, à ce jour, est hors la loi. Je le répète, tout établissement scolaire qui ne serait pas accessible est hors la loi. On invoque souvent le manque de ressources, de moyens et de temps. Néanmoins, la loi de 2005 est entrée en vigueur il y a 20 ans. Il est grand temps de l'appliquer. Ces derniers mois, la France a été capable de s'engager dans des missions extraordinaires, tels que les Jeux olympiques et paralympiques de Paris. La réhabilitation de Notre-Dame en cinq ans démontre que l'on peut engager les ressources et expertises nécessaires à la réalisation d'un projet avec une mobilisation des acteurs, dans des délais très restreints.
C'est pourquoi nous proposons que la puissance publique prévoie un plan que nous pourrions appeler « Notre-Dame de l'accessibilité » afin qu'en un an, deux ans voire trois ans maximum, nous puissions rattraper le retard pris dans des domaines prioritaires en matière d'accessibilité : je pense aux établissements scolaires ou aux lieux d'accès aux soins. Nous préconisons une action identique en matière d'accessibilité numérique, qu'il s'agisse des supports numériques, des outils pédagogiques ou encore du livre scolaire. Les retards constatés sont incompréhensibles et ne sont plus acceptables alors que des réponses sont à notre portée. Il est urgent de disposer d'un plan de rattrapage dans les plus brefs délais.
L'accessibilité de l'école réside également dans la capacité des enseignants à faire cours à l'ensemble de leurs élèves. Or à l'instar de l'accessibilité des bâtiments, la formation des enseignants ne peut plus sans cesse être reportée. Peut-être qu'une intervention législative sur ce sujet serait nécessaire.
Un autre enjeu est le renforcement de la coopération avec le secteur médico-social afin que l'ensemble des ressources qui y sont aujourd'hui disponibles viennent en appui de l'Éducation nationale. C'est l'un des objectifs des pôles d'appui à la scolarité, les PAS. Le Gouvernement a fixé comme objectif une couverture du territoire en PAS d'ici 2027. Nous souhaitons que ce calendrier soit tenu.
Le CNCPH a travaillé ces trois dernières années à la rédaction d'un cahier des charges de l'accessibilité des sites de l'enseignement supérieur. Sylvie Retailleau, alors ministre de l'enseignement supérieur, a lancé un appel à projets pour identifier des universités pionnières en la matière. Désignées l'été dernier, elles sont au nombre de six et bénéficient d'un appui financier du ministère de l'enseignement supérieur. Elles joueront le rôle de préfiguratrices pour voir ce qu'il est possible de faire en matière d'accessibilité dans l'enseignement supérieur. Une démarche similaire pourrait être mise en place pour les établissements scolaires.
Enfin, vous m'avez interrogé sur les évolutions législatives à envisager. J'en vois plusieurs. Premièrement, nous souhaitons le vote d'une loi de programmation pour définir des trajectoires budgétaires précises ainsi que les responsabilités de chacun que ce soit pour l'accessibilité des établissements, la création de supports numériques ou la formation des personnels. Cela permettra, par ailleurs, à la France de se conformer à la Convention relative aux droits des personnes handicapées.
Il nous semble également important de simplifier les différents dispositifs et clarifier la responsabilité de l'Éducation nationale. Il est impératif que celle-ci soit maître de l'ensemble des ressources et dispositifs nécessaires à l'école pour tous.
Enfin, le développement des pôles d'appui à la scolarité doit être sécurisé par la loi.
Mme Laure Darcos. - Je vous remercie pour vos interventions préliminaires. Nous pouvons nous réjouir que beaucoup de choses aient été faites dans ce domaine.
L'enseignement supérieur, certes à la marge de la thématique de cette table ronde, a été peu évoqué. Nous savons que les marges de progrès sont importantes en matière d'accessibilité et d'adaptation pour les étudiants en situation de handicap. J'aimerais avoir votre avis sur ce sujet.
Vous avez également évoqué le statut des AESH. Nous plaidons pour qu'ils disposent de temps complets, stables, si possible dans le même établissement, auprès des mêmes élèves. Grâce à notre collègue Cédric Vial, l'État a désormais la charge financière de l'accompagnement des élèves en situation de handicap pendant la pause méridienne. Les collectivités sont déjà sous pression budgétaire et financière. Mais au-delà de ce temps méridien, comment faire pour mieux former les AESH tout au long de leurs années d'exercice ? Je pense notamment au numérique. Nous savons que beaucoup d'enfants ont besoin de logiciels adaptés pour suivre les cours. Or il n'est pas toujours simple de leur obtenir des tablettes ou des ordinateurs.
Comment attirer plus de personnes vers ces métiers, sans créer un corps supplémentaire ? Nous savons que la plupart des AESH sont des personnes touchées par le handicap dans leur famille, mais ces métiers ne sont pas toujours attractifs. Des postes restent vacants. Personnellement, je connais deux enfants atteints d'autisme dans un petit village de l'Essonne qui ne trouvent pas de place en institut médico-éducatif (IME) et n'ont pas d'AESH. Ces enfants errent dans les couloirs de cette école primaire, ce qui est inconcevable à notre époque.
Mme Annick Billon. - Je vous remercie pour votre présentation.
Madame Pascal, vous nous avez indiqué que 29 000 élèves sont en attente de solution et 11 000 en attente d'une place dans des dispositifs ULIS. Pouvez-vous nous dire à quoi est due cette attente ? Est-ce qu'il n'y a pas suffisamment de places depuis plusieurs années ? N'oublions pas que derrière tous ces élèves, il y a des familles !
Par ailleurs, disposez-vous de données sur le parcours et la réussite des élèves en situation de handicap scolarisés en milieu ordinaire ? Il me semble que c'est un élément majeur lorsque l'on évoque l'école inclusive. Est-ce que le fait de rentrer dans ces dispositifs est une garantie de succès du parcours scolaire ?
Ma troisième question porte sur la chute démographique justifiant pour le Gouvernement la suppression de 4 000 suppressions de postes. Cette baisse démographique a été assez peu anticipée. Celle-ci peut peut-être constituer une opportunité pour bâtir une meilleure école inclusive. Qu'en pensez-vous ?
Enfin, l'école inclusive dépend de différents acteurs, notamment l'aménagement des espaces publics et le transport. Dans quelle mesure, par exemple, le transport joue-t-il un rôle dans la non-accessibilité de l'école ? C'est un sujet majeur dans nos territoires majoritairement ruraux.
L'accessibilité de l'école dépend à la fois de la politique du Gouvernement, mais également des collectivités locales et de l'Éducation nationale. La collaboration entre tous ces acteurs est-elle optimale et efficace ? Peut-on l'améliorer ?
Mme Marie-Pierre Monier. - Je me réjouis de l'organisation de cette table ronde par notre commission. Elle témoigne de notre attachement à ce sujet.
On peut se satisfaire du nombre d'élèves en situation de handicap qui sont accueillis depuis 2005, mais il faut s'interroger sur les conditions de leur accueil qui ne sont pas toujours satisfaisantes.
Je voudrais revenir sur le statut des AESH. Vous le savez, ils sont devenus en quelques années la deuxième catégorie de personnel de l'Éducation nationale. Leurs effectifs ont fortement augmenté. Certes, les AESH ont bénéficié de revalorisation dont la cédéisation au bout de trois ans d'exercice. Toutefois, leur rémunération est toujours inférieure au seuil de pauvreté. La majorité des AESH travaille à temps partiel avec 62 % de quotité de travail en moyenne. Cela concerne beaucoup de femmes. 37 % des AESH ont 50 ans ou plus.
Une proposition de loi a été déposée à l'Assemblée nationale pour créer un corps de fonctionnaires propre aux AESH. Cela me semble important parce qu'ils sont auprès des élèves et qu'ils les accompagnent. On a besoin de gens présents, formés et que l'on puisse garder dans le temps.
J'ai récemment échangé avec une AESH qui travaille depuis trois ans avec des élèves autistes dans une filière technologique. Elle a souligné le manque d'adaptation des internats, les carences d'accompagnement sur le temps périscolaire et l'impossibilité pour ces élèves de partir en voyage scolaire. Avez-vous également travaillé sur ce sujet ? Vous avez parlé des PAS et des pôles inclusifs d'accompagnement localisés (PIAL). Personnellement, je n'ai pas un bon retour sur les PIAL, car les AESH sont souvent amenés à avoir beaucoup d'élèves sous leur responsabilité et à faire de nombreux déplacements. Il serait temps, je pense, de faire un bilan des PAS avant de les généraliser et de revenir à un accompagnement plus personnalisé. Qu'en pensez-vous ?
Nous devons également agir davantage pour que ces élèves se voient garantir toutes les chances de réussite tout au long de leur parcours scolaire. Celui-ci doit être choisi et non subi. Or, comme le pointe un rapport de la Cour des comptes, l'orientation en filière professionnelle est prépondérante pour les élèves en situation de handicap. C'est aussi faute de dispositifs adaptés dans les lycées généraux et technologiques et par manque d'informations suffisantes pour les parents et les élèves concernés dans leur processus d'orientation.
Enfin, seuls 58 000 étudiants se déclarent en situation de handicap dans l'enseignement supérieur. Il y a donc une déperdition de jeunes par rapport à leur nombre dans les lycées généraux et technologiques.
Mme Sabine Drexler. - Ma première question concerne les PAS expérimentés dans quatre départements. Pouvez-vous nous en dire plus sur leur fonctionnement et leur mission ? Quels professionnels y interviennent ? Et est-ce que la généralisation du dispositif est envisagée ?
Ma deuxième question porte sur les solutions d'accompagnement et de scolarisation qui sont actuellement proposées pour les élèves qui présentent les troubles du neurodéveloppement les plus lourds. Est-ce que ces solutions sont satisfaisantes ?
Mme Monique de Marco. - Je souhaite revenir sur la formation des enseignants. Ceux-ci ne sont souvent pas suffisamment préparés pour répondre aux exigences liées à la diversité des handicaps, qu'il s'agisse de handicaps moteurs, sensoriels, cognitifs ou psychologiques. Comment peut-on préparer les enseignants à gérer cette diversité de situations dans leur classe, de la maternelle au lycée ? M. Bour a évoqué des pistes, notamment une approche par les besoins. M. Boroy a souligné qu'on ne peut plus reporter les enjeux de la formation. Pouvez-vous préciser vos propositions ?
Mme Mathilde Ollivier. - Je voulais revenir sur les PAS. Plusieurs questions ont déjà été posées sur ce dispositif, sur le bilan de sa mise en oeuvre depuis un an et la manière dont les prochaines étapes sont envisagées. J'ai une question complémentaire sur la coordination et l'articulation entre les PAS et les MDPH, et l'évaluation du handicap par les MDPH.
Représentant les Français de l'étranger, je voulais également faire une remarque sur la mise en place de l'école inclusive au sein du réseau de l'Agence pour l'Enseignement Français à l'Étranger (AEFE). Je ne manquerai pas de poser la question à l'AEFE que nous auditionnons la semaine prochaine. Les AESH à l'étranger dépendent en général du droit local. Leurs conditions d'exercice sont celles du pays dans lequel ils exercent. Leur situation se caractérise par une forte insécurité professionnelle liée à des conditions de travail complexes et à l'application d'un code du travail local.
Mme Evelyne Corbière Naminzo. - Je vous remercie d'avoir organisé cette table ronde sur un sujet qui touche le quotidien de nombreuses familles et de nombreux professionnels.
Je souhaite souligner la grande solitude des enseignants qui découvrent parfois l'existence de difficultés particulières que rencontre un élève dans leur classe et qui alertent les parents. Je rejoins la position de mes collègues sur la formation de ces enseignants. Leur métier est en constante évolution.
L'école inclusive n'est pas une école optionnelle, mais le nouveau visage de l'école d'aujourd'hui qu'il nous faut améliorer.
Vous avez évoqué la responsabilité partagée entre l'État et les collectivités territoriales dans la mise à disposition de matériel adapté pour les enseignants. Est-il possible d'uniformiser les modalités d'action pour rendre cette mise à disposition plus fluide ? Le métier d'enseignant ne doit pas être un « parcours du combattant » quand il accueille dans sa classe un enfant qui a un besoin particulier.
Combien d'élèves sont aujourd'hui concernés par une situation de handicap ou nécessitent un besoin particulier ? Sont-ils scolarisés dans des classes où les enseignants sont des contractuels qui n'ont pas toujours reçu une formation aussi solide qu'on pourrait l'espérer ?
Je rejoins l'analyse de ma collègue Marie-Pierre Monier sur la réforme du statut des AESH. La nouvelle école qui est en train de se dessiner inclut ces professionnels dont il faut pérenniser les emplois et stabiliser leurs conditions de travail.
Face à la complexification des parcours de prise en charge des élèves en situation de handicap, quel est le niveau d'information des enseignants tant dans la formation initiale que continue sur les différents dispositifs existants pour accompagner ces élèves ? Ils doivent en effet pouvoir rassurer les familles et les informer sur les parcours existants ainsi que les délais de prise en charge.
Enfin, je regrette qu'il n'y ait pas eu d'expérimentation des PAS en outre-mer.
Mme Karine Daniel. - Les 20 ans de cette loi nous permettent de dresser un bilan avec, effectivement, des avancées et des progrès, mais aussi de constater le chemin qui reste à parcourir pour l'inclusion des enfants, quelle que soit leur situation.
Ma collègue Annick Billon a fait tout à l'heure un bref rappel sur la singularité de l'accueil dans les espaces ruraux. Il y a également des tensions dans les départements qui présentent des fortes dynamiques démographiques, comme en Loire-Atlantique par exemple. Dans ce département où la population augmente, environ 1 000 enfants sont en attente de solutions ou ont des solutions inadaptées. C'est considérable.
Cela me conduit à vous interroger sur la géographie des solutions. La question du transport des enfants en situation de handicap présente des problèmes sous deux aspects. Premièrement, les transports parfois excessifs engendre une fatigue importante pour les enfants concernés. Certains d'entre eux parcourent 50 km pour se rendre dans leur établissement. Est-ce acceptable pour un enfant en situation normale ? Non. Est-ce acceptable pour un enfant qui, en plus, a des difficultés ? Ce ne l'est pas non plus.
Ces transports sont coûteux et à la charge des collectivités. Et parfois, on nous rapporte le manque de coordination entre l'Éducation nationale et les collectivités organisatrices. J'aimerais savoir s'il y a des propositions d'amélioration pour travailler mieux sur la géographie et peut-être l'optimisation des solutions. Ce serait pour moi un élément de progrès très important.
Mme Samantha Cazebonne. - Ma question concerne les Français de l'étranger. Depuis la loi du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance, nous avons permis à davantage d'élèves d'être accueillis dans les lycées français à travers le monde. Cependant, si cela fonctionne plutôt bien, j'ai pu constater lors de mes déplacements qu'un certain nombre d'enseignants ne sont pas encore suffisamment formés.
Pour des raisons diverses et variées, ma collègue Mathilde Ollivier expliquait tout à l'heure que beaucoup de ces établissements sont sous statut de droit local. Par conséquent, il relève de la responsabilité de la direction de mettre en place ou non ces formations.
Ne pourrions-nous pas inclure dans nos critères d'homologation des établissements des heures de formation obligatoires ? Beaucoup de familles n'ont que le dispositif d'enseignement français à l'étranger pour accueillir leurs enfants en situation de handicap. Même les systèmes scolaires locaux ne le permettent pas. Nous sommes pour beaucoup une source d'espoir et d'attente, mais nos enseignants sont parfois en décalage par rapport à cette nécessité d'accueil.
Enfin, les parents ont du mal à monter les dossiers MDPH. Lorsqu'on réside à l'étranger, les difficultés sont importantes face à des MDPH situées en France. Peut-être que certaines MDPH pourraient être désignées pour suivre les Français de l'étranger permettant à ces familles d'être mieux accompagnées.
M. Laurent Lafon, président. - Les thèmes abordés sont nombreux : le statut des AESH, les transports et la coordination des acteurs d'un point de vue géographique, ou encore la mise en oeuvre des PAS... Plusieurs questions se recoupent.
Mme Caroline Pascal. - Plusieurs questions portent sur les AESH. Sans toutefois réduire ou négliger les difficultés que rencontrent ces professionnels, en grande partie à temps partiel, nous constatons leur montée en puissance très forte puisque nous sommes aujourd'hui à 130 000 AESH. Par conséquent, la formation et l'intégration de ces métiers dans l'école ont eu besoin de temps. Ce n'est pas totalement anormal.
Le ministère a mis en place la cédéisation des personnels à partir de trois ans d'exercice du métier d'AESH, qui est une partie de la réponse à la fidélisation. Une indemnité de fonction particulière a été créée et l'échelle indiciaire bénéficie d'une revalorisation globale depuis juillet 2023. Il y a ainsi une reconnaissance de ce métier, y compris au sein des équipes éducatives. Les AESH ont d'ailleurs toute leur place au sein de ces équipes.
Les conditions d'accueil par les chefs d'établissement ou par les directeurs d'école des AESH ont été améliorées. Souvent, les AESH ne travaillent pas à temps complet au sein d'un même établissement ou d'une même école. Ils n'étaient pas systématiquement accueillis par le chef d'établissement ou le directeur d'école. Nous leur avons demandé une amélioration sur ce point.
Une formation obligatoire de 60 heures a été mise en place lors du recrutement des AESH. Nous avons également amélioré l'accès aux plans départementaux, régionaux et nationaux de formation. Il va de soi que nous ne sommes pas encore au bout du chemin. Du côté du ministère, nous avons plutôt travaillé à un plan métier qu'à un changement de statut. Mais ce plan métier contient l'ensemble des points que je viens de développer et sur lesquels nous pourrons continuer d'avancer.
Je pense que les PAS constituent une solution intéressante. Certes, ils ne répondent pas aux questions de transport des élèves en situation de handicap vers l'école. Mais ils permettent de faire venir à l'école des professionnels, notamment des ergothérapeutes et des psychomotriciens. L'idée est de faire de l'école le point de rencontre avec les professionnels de santé ou paramédicaux et ainsi d'éviter aux familles et élèves un certain nombre de déplacements. Nous ne souhaitons pas qu'il y ait au sein de l'école une partie « école inclusive », mais avoir une école pour tous et y faire venir pour les besoins spécifiques de certains élèves les professionnels nécessaires. Tel est l'objectif du PAS.
Ces structures permettent également d'apporter des réponses dans des délais plus courts qu'actuellement. Cette amélioration des délais doit faciliter le travail des familles quand elles doivent faire reconnaître les besoins de leurs enfants. Les équipes enseignantes peuvent très rapidement obtenir un premier niveau de réponse. Mes collègues reviendront sur le matériel adapté. Mais il s'agit d'abord de considérer tout ce que l'école peut apporter comme réponse à des troubles de l'apprentissage. Si on regarde les quatre départements qui sont préfigurateurs des PAS, 70 % des réponses immédiates suffisent à répondre à la situation qui a été évoquée soit par l'équipe enseignante, soit par la famille. Il peut s'agir de matériel adapté ou de conseils de travail de la part des professionnels médico-sociaux qui viennent soutenir les enseignants face aux besoins spécifiques de leurs élèves et traiter les troubles d'apprentissage.
J'ai été très frappée par la simplicité de certaines réponses apportées aux enseignants. Ainsi, changer de police de caractères et ne pas justifier un texte dans les documents distribués aux élèves bénéficient à tous les élèves car cela facilite l'accès à la lecture et apporte une réponse pour un certain nombre de troubles du neurodéveloppement. Il ne s'agit pas pour l'enseignant de faire un double travail mais de comprendre qu'un texte « non justifié » et en « arial » convient à tout le monde, résout une partie des besoins particuliers des élèves et ne porte aucun préjudice aux autres.
Cela recoupe la thématique de la formation initiale et continue des enseignants et les réflexions sur une évolution globale de la formation initiale des enseignants. L'idée de renforcer, notamment pour les professeurs des écoles, la formation initiale, en la faisant démarrer dès l'entrée à l'université, permettra d'inclure la formation à l'inclusion de tous les élèves et l'appréhension des besoins spécifiques beaucoup plus facilement qu'aujourd'hui.
Pour la formation continue, vous connaissez nos difficultés de remplacement des enseignants en formation.
Le PAS présente l'avantage de pouvoir former les équipes éducatives sur place, grâce à l'intervention dans les établissements de personnels médico-sociaux ou d'éducateurs spécialisés. Les plans d'action des spécialistes médico-sociaux dans le cadre de PAS comportent souvent un volet formation des enseignants sur les troubles de l'apprentissage.
Madame la sénatrice Corbière Naminzo, j'ai entendu vos propos sur l'absence de PAS en outre-mer. Je le regrette comme vous. Nous allons étudier cette possibilité lors du déploiement progressif de ces structures. Pour les premiers PAS préfigurateurs, nous avons travaillé de manière très coordonnée avec la direction générale de la cohésion sociale (DGCS) et le ministère de la santé pour identifier des départements où il y avait une habitude de travail sur le terrain entre l'agence régionale de santé (ARS) et l'Éducation nationale.
Cela ne fait que quatre mois que les PAS sont réellement en place. Une mission s'est déjà rendue dans deux des quatre départements. Nous continuons à faire remonter des éléments de bilan et nous allons travailler à leur ajustement pour qu'il soit le plus efficace possible. Cela suppose un travail de coordination entre le médico-social et l'Éducation nationale, qui se révèle être sans doute l'atout majeur de ces PAS. Sur le terrain, les équipes travaillent très bien ensemble. En revanche, il reste des difficultés à constituer ce qu'on appelle le plateau technique, c'est-à-dire les paramédicaux ou les professionnels de santé qui peuvent intervenir, surtout dans des territoires ruraux où la ressource médicale est déjà rare. S'il reste des ajustements à faire, je trouve cette solution particulièrement prometteuse. Notre objectif est une généralisation à 100 % en 2027.
Dans le contexte budgétaire actuel et pour permettre de créer rapidement des postes dans les PAS, nous réfléchissons à y redéployer une partie des ressources humaines déjà mise en place au service de l'inclusion des élèves et du traitement des besoins spécifiques.
Je ne peux répondre à la place de l'AEFE notamment sur le statut des AESH travaillant dans leur réseau. Je souhaite toutefois souligner que la question de la formation des enseignants s'y pose comme pour l'ensemble des personnels. L'important est surtout de ne pas laisser nos enseignants démunis face à des situations qui peuvent être multiples au sein d'une même classe. Je crois que la question se pose notamment et plus particulièrement dans le premier degré où les enseignants ont la charge de leur classe toutes les heures de chaque semaine. La solution n'est pas uniquement dans la compensation. Le nombre d'AESH augmente de 8 % tous les ans. D'autres solutions doivent être trouvées.
Madame la sénatrice Billon, vous m'avez interrogée sur les 29 000 élèves en situation de handicap en attente de place en EMS et les 11 000 élèves en attente d'affectation en ULIS. Nous ouvrons chaque année plus de dispositifs ULIS et pourtant nous voyons augmenter le nombre d'élèves en attente de place dans ces dispositifs. C'est un travail à très long terme.
M. Thierry Bour. - La question de la formation des enseignants est un enjeu majeur. Une formation initiale de qualité, du point de vue théorique, didactique et pédagogique, garantit déjà un enseignement de qualité.
Au-delà de cela, la question de l'accessibilité est cruciale. Peut-être faut-il envisager d'intégrer la question de l'accessibilité universelle dans tous les contenus disciplinaires de la formation initiale des enseignants ? On n'apprend pas à un enseignant à enseigner simplement les mathématiques, mais à enseigner les mathématiques accessibles dès l'origine. Cela doit être l'un des enjeux de la formation.
Vous nous interrogez sur la mise en place d'une approche par besoin plutôt que par trouble. Nous pourrions engager une réflexion sur la place du médico-social et du sanitaire au sein même des PAS. Les PAS sont une réponse de premier niveau, des réponses de second niveau demeurent lorsque celles proposées par les PAS ne suffisent pas.
Nous avons déployé un certain nombre de dispositifs par typologie de troubles dans le cadre de la stratégie nationale. Il faut peut-être envisager d'en sortir, car on ne pourra pas implanter des UEMA et des UEEA dans chaque école maternelle ou élémentaire !
Sans dégrader les réponses spécifiques en fonction des troubles, nous devons mettre en place une approche par besoin, avec des dispositifs plus polyvalents. Cela permettrait d'accompagner les élèves là où ils sont. Les chiffres ont évolué. Depuis la loi de 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, les élèves en situation de handicap sont scolarisés massivement dans les écoles.
La transformation de l'offre médico-sociale doit aussi se poursuivre pour que l'accompagnement des élèves se fasse là où ils sont scolarisés. Un éducateur spécialisé est, je dirais par culture, polyvalent. Il peut exercer dans un établissement général comme dans un établissement spécialisé. Un ergothérapeute va répondre à des besoins dans le champ de l'ergothérapie.
Lorsqu'on regarde les parcours des élèves en situation de handicap, on se rend compte qu'ils sont confrontés à un nombre assez impressionnant de professionnels au cours de leur parcours. Il serait souhaitable d'avoir un ancrage plus territorial pour assurer une continuité du parcours des élèves : majoritairement, ils fréquentent des établissements proches géographiquement de la maternelle au lycée.
Le rôle des MDPH est de notifier une orientation. En fait, ce que souhaitent les familles, c'est qu'on prenne en compte les besoins de leur enfant. Si l'on mettait en place une plateforme qui prenne en charge, avec des géométries très variables, les besoins des élèves, peut-être que cela permettrait de résoudre un certain nombre de problématiques issues des notifications. On voit parfois une mise en concurrence des parents, induite par notre système, pour l'accès à un dispositif.
En ce qui concerne l'enseignement supérieur, une circulaire recense l'ensemble de la réglementation. Un guide à destination des universités est également en cours de rédaction. N'oublions pas non plus les référents handicap ainsi que les services de santé. Enfin, je rappelle que, dans le supérieur, il revient à l'étudiant de se déclarer en situation de handicap, ce qui peut expliquer partiellement la différence de chiffres entre étudiants et élèves handicapés.
Au-delà du statut des AESH, se pose la question de leur fonction et de leur rôle. L'un des risques que l'on peut voir lors d'une affectation d'AESH est une forme de délégation de l'enseignement à l'accompagnant. Nous devons réfléchir face à l'absence d'adaptation de l'enseignement et davantage travailler sur le rôle de l'enseignant dans ce travail d'accessibilisation.
L'autorégulation déployée dans le cadre de la stratégie de travail avec la DGESCO, la DGCS et la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) permettra de dépasser la notion de dispositif. Les cahiers des charges de cette autorégulation parus en septembre dernier proposent de penser l'école avec le médico-social, c'est-à-dire de penser un élargissement de l'école aux compétences médico-sociales implantées dans l'école et au service de tous : des élèves avec un trouble du neurodéveloppement, mais également de tous les élèves dans un établissement ainsi que de toute la communauté éducative. Les compétences sont dans l'établissement et on ne se pose plus la question du dispositif à choisir ou encore de l'existence d'une enclave médico-sociale au sein du système éducatif.
Mme Isabelle Saurat. - Étant dans une mission interministérielle, je vais essayer de donner quelques éléments sur les universités. Évidemment, le ministère serait mieux placé que nous pour en parler.
Tout d'abord, le sujet de l'accessibilité fonctionnelle, notamment du bâti, est avant tout une question de réglementation qui intègre des problématiques de sécurité des personnes. L'accès à un bâtiment peut être considéré comme respectant la loi de 2005 parce qu'il a obtenu une autorisation pour déroger aux règles d'accessibilité.
Au-delà de cette réglementation, nous avons besoin de réfléchir aux parcours des personnes. La conception d'un établissement tel qu'une université nécessite d'imaginer le parcours de ses utilisateurs.
L'enseignement supérieur annonce un taux d'accessibilité fonctionnelle du bâti de l'ordre de 85 %. Cela signifie qu'on sait accueillir des étudiants dans leur vie quotidienne pour aller en cours, pour aller à la bibliothèque, pour aller au restaurant universitaire... Cela ne signifie pas que 85 % des bâtis sont accessibles réglementairement.
Deuxièmement, si l'on prend les sites internet des universités, et selon les contrôles effectués par l'ARCOM, on constate que 95 % des universités ont réalisé un audit de leur site Internet pour évaluer leur niveau d'accessibilité. De plus, 95 % d'entre elles disposent d'un schéma pluriannuel de mise en accessibilité.
Je tiens également à signaler que chaque université doit avoir des référents « handicap inclusion » pour faciliter l'accueil des jeunes. Cependant, cette approche est trop parcellaire. C'est précisément ce que nous cherchons à éviter avec l'approche globale mise en place au sein des six universités préfiguratrices. Celles-ci incluent une accessibilité des supports pédagogiques, de la scolarité en elle-même et des examens.
M. Jérémie Boroy. - Pour répondre à quelques-unes des questions, je voudrais confirmer que la baisse démographique est bien évidemment une opportunité incroyable pour accélérer l'école pour tous. Elle permet une réduction du nombre d'élèves par classe, notamment pour celles accueillant des élèves handicapés. Par ailleurs, les espaces libérés dans les écoles pourraient être utilisés pour accueillir entre les murs de l'école des dispositifs qui, aujourd'hui, sont en dehors.
Cette baisse démographique doit permettre aux acteurs sur le terrain de mieux collaborer ensemble. On nous a demandé si tout le monde travaillait bien, main dans la main, que ce soit pour l'école ou l'accessibilité d'une manière générale. La réponse est non. Lorsque je me déplace dans les régions, je vois bien que les pratiques diffèrent d'une ville à l'autre, d'un département à l'autre, d'un bassin de vie à l'autre. Parfois, il y a une culture historique de collaboration, parfois non. On peut parfois mettre des années à trouver un plan d'action commun. Afin de garantir une égalité de traitement sur tout le territoire, il est nécessaire d'inciter tous les acteurs à formaliser leur plan d'action commun en faveur de l'accessibilité.
En matière de formation, il faut bien évidemment aller plus loin. Au-delà des 25 heures dans le cadre de la formation initiale, tout le monde doit pouvoir être formé aux pratiques pédagogiques accessibles et inclusives. Des stages devraient également être obligatoires pour que tous les futurs enseignants soient bien familiarisés avec l'ensemble des environnements des élèves handicapés au sein de l'école.
Pour revenir sur l'écart des chiffres au moment du passage à l'université, les étudiants n'ont pas besoin d'un protocole officiel pour pouvoir bénéficier d'aménagements, contrairement au primaire et au secondaire où la reconnaissance du handicap est formalisée par un projet personnalisé de scolarisation.
Je voudrais attirer votre attention sur l'accessibilité réelle et sur le statut de conformité des établissements. Un certain nombre d'établissements ont un statut dit conforme, parce qu'ils ont obtenu des dérogations qui peuvent être légitimes à un instant t. Cela signifie que certains services peuvent ne pas être accessibles. C'est pour cela que nous souhaitons une clause de revoyure des dérogations accordées. Certaines sont des contraintes techniques ou financières qui peuvent évoluer avec le temps.
Cela suppose que nous ayons la connaissance la plus précise du statut de l'accessibilité de chaque établissement dans chaque ville, dans chaque département et dans chaque région. Sans cette connaissance fine, les acteurs sur le terrain ne pourront pas adapter leur plan de montée en charge pour permettre l'école et l'université pour tous.
Enfin, je voulais rebondir sur les propos de M. Bour sur la nécessité d'anticiper tous les besoins des élèves. La construction de nouveaux établissements scolaires constitue une belle opportunité de penser une école parfaitement accessible.
M. Thierry Bour. - Je voudrais ajouter un dernier mot à propos de la question de la formation. Au-delà de la formation initiale et continue, les enseignants doivent pouvoir bénéficier de réponses de proximité. Il devrait être possible de les informer au travers de conférences sur ce qu'est l'autisme, les troubles du neurodéveloppement par exemple. De telles formations existent lorsque des acteurs du secteur médico-social, implantés dans les écoles, apportent leur expertise, sans toutefois être prescriptifs par rapport à ce que doit faire l'enseignant : chacun doit rester dans son champ de compétences.
M. Michel Savin. - Je souhaite aborder un sujet qui a été peu évoqué lors de cette table ronde, pourtant très intéressante. Ma question concerne l'accueil des jeunes en situation de handicap dans la pratique sportive à l'école, tant en termes d'accessibilité que de formation.
Il est souvent constaté que les enfants en situation de handicap sont dispensés de la pratique du sport. C'est en totale contradiction avec la volonté politique du comité olympique et paralympique de développer la pratique du sport, y compris pour les enfants handicapés.
Les enseignants sont parfois confrontés à des difficultés, notamment en raison d'une formation insuffisante. Sont-ils formés pour accueillir les enfants handicapés dans la pratique du sport à l'école ? Il serait intéressant d'avoir votre réponse sur ce point.
En outre, les enseignants utilisent-ils les fichiers du comité paralympique sur la pratique de découverte du para-sport ? Le comité paralympique a mis en place des actions en direction de l'Éducation nationale, à la fois pour le premier degré et pour les professeurs d'éducation physique et sportive (EPS) du second degré. Ces dispositifs sont-ils effectivement appliqués ?
Il est certes important d'avoir des équipements accessibles, mais si la pratique elle-même n'est pas accessible, cela pose également un problème.
Mme Caroline Pascal. - Dans le cadre du programme « génération Paris 2024 », une attention particulière a été portée à la politique sportive à l'école à travers la nomination de référents et des enseignants engagés dans cette démarche. La question de l'inclusion de tous les élèves dans les pratiques sportives a été au coeur des réflexions. Dans ce domaine également, les pratiques évoluent. Je tiens à souligner combien le certificat d'aptitude au professorat d'éducation physique et sportive (CAPEPS), qui est le concours de recrutement des enseignants d'éducation physique et sportive, est en avance par rapport aux autres disciplines sur la prise en compte des besoins particuliers des élèves.
Les Jeux paralympiques ont été une visibilité extraordinaire du besoin de pratiques sportives pour tous et de la capacité à faire du sport ensemble, quelle que soit la situation des uns et des autres. Le ministère souhaite que perdure la dynamique des jeux Olympiques et Paralympiques. Il est en train de retravailler une circulaire sur le sujet qui date de plus de dix ans.
M. Laurent Lafon, président. - Je tiens à remercier tous les participants. Cette réunion alimentera notre intervention dans le cadre du colloque qui se tiendra le 11 février prochain, au Sénat, sur les 20 ans de la loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. J'interviendrai au nom de la commission en synthétisant ces propos. Cela nous a permis ce matin de faire un point avec vous sur ce sujet auquel nous sommes particulièrement attachés. Je vous remercie.
Cette réunion a fait l'objet d'une captation vidéo disponible en ligne sur le site du Sénat.
La réunion est close à 11 h 40.