Mardi 19 novembre 2024

- Présidence de M. Claude Raynal, président -

La réunion est ouverte à 9 h 00.

Mission d'information sur la dégradation des finances publiques depuis 2023, son suivi par l'administration et le Gouvernement et les modalités d'information du Parlement sur la situation économique, budgétaire et financière de la France - Communication (sera publié ultérieurement)

Le compte rendu de cette réunion sera publié ultérieurement.

- Présidence de M. Stéphane Sautarel, vice-président -

La réunion est ouverte à 15 h 00.

Projet de loi de finances pour 2025 - Mission « Écologie, développement et mobilité durables » (et article 60) et compte d'affectation spéciale « Financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale (FACÉ) » - Programmes « Paysages, eau et biodiversité », « Prévention des risques », « Énergie, climat et après-mines », « Service public de l'énergie », « Conduite et pilotage des politiques de l'écologie, du développement et de la mobilité durables » et « Fonds d'accélération de la transition écologique dans les territoires » et « Sûreté nucléaire et radioprotection » - Programmes « Infrastructures et services de transports » et « Affaires maritimes, pêche et aquaculture » - Budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » - Programme « Expertise, information géographique et météorologie » - Examen des rapports spéciaux (sera publié ultérieurement)

Le compte rendu de cette réunion sera publié ultérieurement.

La réunion est close à 17 h10.

Mercredi 20 novembre 2024

- Présidence de M. Claude Raynal, président -

La réunion est ouverte à 9 h 00.

Projet de loi de finances pour 2025 - Mission « Relations avec les collectivités territoriales » (et articles 61 à 64) et compte de concours financiers « Avances aux collectivités territoriales et aux collectivités régies par les articles 73, 74 et 76 de la Constitution » - Examen du rapport spécial

M. Claude Raynal, président. - Nous commençons nos travaux par l'examen du rapport de nos collègues Stéphane Sautarel et Isabelle Briquet sur les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » (RCT), les articles 61 à 64 et le compte de concours financiers « Avances aux collectivités territoriales et aux collectivités régies par les articles 73, 74 et 76 de la Constitution ».

Mme Isabelle Briquet, rapporteure spéciale de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » et du compte de concours financiers « Avances aux collectivités territoriales et aux collectivités régies par les articles 73, 74 et 76 de la Constitution ». - Comme vous le savez, les crédits de la mission RCT ne représentent qu'une petite partie des transferts financiers de l'État aux collectivités. Ils s'élèvent à 4 milliards d'euros dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2025 quand les transferts de l'État sont estimés à près de 104 milliards d'euros, et même 151 milliards d'euros, au sens large, si l'on inclut les fractions compensatrices de TVA accordées en contrepartie des réformes fiscales.

Les crédits du programme 119, qui porte les dotations de soutien à l'investissement local ainsi que les dotations de décentralisation, ont été maintenus en autorisations d'engagement (AE) à leur niveau de 2024 et enregistrent une légère hausse en crédits de paiement (CP). Ainsi, la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR), la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL), la dotation de soutien à l'investissement des départements (DSID) et la dotation politique de la ville (DPV) restent stables par rapport à la loi de finances initiale (LFI) de 2024.

Il en est de même pour les dotations de décentralisation des communes, des départements et des régions. Je signalerai ici toutefois que, depuis la LFI de 2024, les dotations des régions ont diminué de 467 millions d'euros, soit près d'un tiers de leur montant, avec la création d'un vecteur de compensation unique de la compétence des régions en matière de formation professionnelle, qui prend la forme d'une part fixe du produit de l'accise sur les énergies revenant à l'État.

Enfin, le projet de loi de finances ne revient pas sur les hausses récentes de la dotation pour les titres sécurisés (DTS) et de la dotation de soutien aux communes pour les aménités rurales, qui ont chacune vu leurs crédits rehaussés à hauteur de 100 millions d'euros. Pour mémoire, la DTS avait été augmentée par le projet de loi de fin de gestion (PLFG) pour 2023 afin de traiter l'afflux des demandes de titres d'identité dans un délai raisonnable, montant repris en LFI pour 2024. Quant à la dotation aménités rurales, ancienne dotation de biodiversité, elle est passée de 41,6 millions d'euros à 100 millions d'euros en loi de finances pour 2024. Sur ce point, Stéphane Sautarel et moi-même saluons une réforme qui s'inscrit dans le sens des conclusions du rapport d'information de la commission des finances sur le verdissement des concours financiers de l'État aux collectivités territoriales. La dotation aménités rurales offre désormais une reconnaissance de l'importance du travail réalisé par les communes rurales dans les zones classées, et gagnerait sans doute à être étoffée.

M. Stéphane Sautarel, rapporteur spécial de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » et du compte de concours financiers « Avances aux collectivités territoriales et aux collectivités régies par les articles 73, 74 et 76 de la Constitution ». - Sur ce point, si je partage le satisfecit d'Isabelle Briquet, je note que ce sont trop souvent les communes les plus vulnérables qui supportent cette charge de ruralité au bénéfice de tous. C'est pourquoi j'ai souhaité porter un amendement en vue d'augmenter l'enveloppe de la dotation de 10 millions d'euros, afin de leur confier des moyens supplémentaires pour accomplir leur mission.

Mme Isabelle Briquet, rapporteure spéciale. - Les dotations d'investissement affectées aux collectivités dans ce PLF pour 2025 sont donc stables par rapport à la LFI pour 2024. Je ne saurais m'en contenter à titre personnel. D'abord, cette stabilité constitue malgré tout un effort des collectivités, en n'intégrant pas le coût de l'inflation, dont le taux est prévu à 1,8 % en 2025 par ce PLF. Surtout, ces crédits s'inscrivent dans un PLF qui, dans son ensemble, demande un effort sans précédent aux collectivités pour combler un déficit qu'elles n'ont pas créé. Le simple maintien des dotations d'investissement du programme 119 n'est pas à la hauteur des enjeux auxquels les collectivités sont confrontées.

En effet, les collectivités devront faire face, dans les prochaines années, à des investissements colossaux, d'une part, sur leurs bâtiments pour répondre aux enjeux du réchauffement climatique et de la transition écologique et, d'autre part, sur les transports pour répondre aux nécessités de nouvelles mobilités.

C'est l'occasion pour moi de saluer la nouvelle loi du 29 mars 2024 sur les investissements relatifs à la transition écologique des bâtiments scolaires, qui représentent 50 % du parc immobilier des collectivités. Cette loi, issue de la mission d'information du Sénat sur le bâti scolaire à l'épreuve de la transition écologique, permet désormais de diminuer de moitié le reste à charge de la collectivité maître d'ouvrage et ainsi de mieux mobiliser les fonds accordés par l'État.

Je souhaite aborder l'avancée du plan Marseille en grand et notamment son volet écoles, pour lequel une dotation de 254 millions d'euros avait été ouverte en LFI pour 2022 au programme 119. Dans le cadre de notre mission d'information réalisée cette année sur le sujet, nous avions émis des doutes sur la capacité de la société publique des écoles marseillaises (SPEM), société créée dans le cadre de ce plan, à engager les consultations, lancer les travaux et livrer les équipements dans les délais prévus entre 2025 et 2031. La lente montée en charge se confirme puisque, avec 56,8 millions d'euros inscrits en CP au PLF pour 2025, l'ensemble des paiements effectués depuis 2022 se portera à 125,5 millions, soit la moitié de l'enveloppe de 254 millions d'euros que j'ai mentionnée.

Les crédits du programme 122, qui concernent essentiellement des aides destinées à soutenir les collectivités faisant face à des situations exceptionnelles, enregistrent simultanément une forte baisse de 28,7 % en AE, soit 85,3 millions d'euros, et une hausse notable de 26 % en CP, soit 64,8 millions d'euros. Cette évolution résulte essentiellement de l'extinction des AE affectées au fonds de soutien exceptionnel pour l'accompagnement des collectivités touchées par la tempête Ciaran. Ce fonds avait été créé à l'occasion de la LFI pour 2024 et doté de 80 millions d'euros en AE et 30 millions d'euros en CP. Aucun engagement n'est prévu à ce titre en 2024 ; en revanche 48 millions d'euros sont prévus en CP pour couvrir les restes à payer.

Enfin, parmi les principaux fonds exceptionnels, on peut noter que 63,8 millions d'euros sont prévus en 2024 en CP au titre du fonds Violences urbaines, créé en 2023 et financé à hauteur de 100 millions d'euros par le dégel de la réserve de précaution et des ouvertures de crédits en loi de finances de fin de gestion pour 2023. Les crédits prévus visent à couvrir les restes à payer en 2025.

Contrairement aux années précédentes, nous sommes en désaccord sur la question de l'adoption des crédits de la mission. Là où Stéphane Sautarel accepte la stabilité proposée des crédits comme un moindre mal et a travaillé à des solutions atténuatrices, pour ma part, comme l'ensemble de mon groupe, je ne peux que dénoncer le sort général réservé aux collectivités territoriales par ce PLF.

M. Stéphane Sautarel, rapporteur spécial. - Le compte de concours financiers « Avances aux collectivités territoriales et aux collectivités régies par les articles 73, 74 et 76 de la Constitution » voit notamment transiter le produit des impositions locales versées mensuellement par l'État aux collectivités territoriales. Au total, 134,1 milliards d'euros sont prévus à ce titre pour 2025, soit 1,2 milliard de plus qu'en LFI 2024. Ce dynamisme reste très modéré au regard de la progression de 8 milliards d'euros qui avait été constatée l'an passé.

Après plusieurs années de hausse résultant de la modification du panier de ressources des collectivités issues des différentes réformes de la fiscalité locale, il se confirme que le dynamisme des impositions locales se tassera en 2025.

Ces impositions n'ont d'ailleurs de locales que le nom puisqu'elles correspondent en réalité de plus en plus à des fractions d'impôts nationaux reversées aux collectivités. En effet, les collectivités locales bénéficient désormais de fractions de TVA pour un montant total de près de 52,5 milliards d'euros en 2024, que ce PLF propose de maintenir en 2025.

Comme pour les crédits de la mission RCT, je vous propose de donner un avis favorable à l'adoption des crédits de ce compte de concours financiers, qui n'est que le résultat mécanique des versements par douzième des ressources locales, là où Isabelle Briquet maintient sa position de principe sur les crédits proposés dans ce PLF.

J'en viens à la présentation des quatre articles rattachés à la mission.

L'article 61 porte diverses mesures en lien avec la répartition de la dotation globale de fonctionnement (DGF) en 2025.

En premier lieu, il prévoit une hausse de 300 millions d'euros des composantes péréquatrices de la DGF, dont 150 millions d'euros au titre de la dotation de solidarité rurale (DSR), 140 millions d'euros au titre de la dotation de solidarité urbaine (DSU), et 10 millions d'euros au titre de la dotation de péréquation des départements.

Si le maintien du montant global de la DGF proposé à l'article 29 du présent PLF implique que cette hausse soit intégralement financée par les collectivités territoriales, nous n'avons pas souhaité revenir sur cette progression, car nous souhaitons encourager la trajectoire d'augmentation de la péréquation, et singulièrement l'effort particulier en faveur des communes rurales dont témoigne la progression rapide de la DSR. Nous appelons également de nos voeux une réforme de plus grande ampleur de la DGF, conformément aux recommandations du rapport du groupe de travail sur la décentralisation conduit par le président Larcher.

L'article 61 prévoit en outre diverses mesures d'ajustement des modalités de calcul des indicateurs financiers utilisés pour la répartition des dotations de péréquation. Il s'agit essentiellement de mieux appréhender les charges des collectivités territoriales, soit par l'élargissement du périmètre des logements sociaux pris en compte pour la répartition de la DSU, soit en supprimant le critère lié à la propriété de la voirie pour la répartition de la DSR, afin de supprimer un biais lié à l'intégration intercommunale. L'article ne prévoit en revanche aucune mesure visant à ralentir l'application de la réforme de l'effort fiscal : neutralisée à hauteur de 90 % en 2024, elle ne serait plus neutralisée qu'à 60 % en 2025, ce qui représente une « marche », comme l'ont appelée plusieurs élus, considérable.

Nous vous proposons ainsi un amendement qui vise à assurer la neutralisation financière de cette réforme à hauteur de 80 % en 2025, afin d'atténuer le choc que représenterait le retour à la trajectoire initialement prévue pour l'application de cette réforme.

L'article 62 prévoit une réforme des modalités de répartition du prélèvement au titre du Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales (Fpic) dans le cadre de la métropole du Grand Paris (MGP), à la suite d'une censure, en question prioritaire de constitutionnalité (QPC), du Conseil constitutionnel. Les dispositions censurées, qui régissaient la répartition dérogatoire du Fpic au sein de la MGP depuis sa création, seraient sensiblement rapprochées du droit commun, ce qui ne nous a pas semblé poser de problème en principe. Bien évidemment, nous serons attentifs lors des débats à la position des élus franciliens, qui sont les premiers concernés.

Cet article rectifie également une erreur de plume relative à la définition des ressources fiscales agrégées, qui détermine le plafond de prélèvement au titre du Fpic auquel peuvent être soumises les communes contribuant au fonds de solidarité des communes de la région Île-de-France (FSRIF). Enfin, il procède à la validation législative des actes administratifs pris en méconnaissance du texte erroné.

L'article 63 porte diverses mesures de répartition de la fiscalité afférente aux déchets radioactifs, qui constitue un sujet important pour les territoires de la Meuse et de la Haute-Marne, qui sont les premiers concernés. Il encadre d'abord les modalités de répartition du produit du tarif de stockage de la taxe sur les installations nucléaires de base (IBN) afférente au centre de stockage de déchets radioactifs existant actuellement dans l'Aube, sans rendre nécessaire un changement de la situation actuelle. Il prévoit les modalités de répartition du tarif de stockage afférent au centre industriel de stockage géologique (Cigéo), qui doit ouvrir à compter de 2030 et ne générera donc aucun revenu avant cette date. Il prévoit enfin une adaptation, à titre transitoire dans l'attente de l'ouverture du Cigéo, de la répartition du tarif d'accompagnement afin d'accompagner les collectivités dans la mise en oeuvre du projet de territoire autour de ce centre.

Ces dispositions ne nous ont pas non plus semblé poser de difficulté particulière. Là encore, nous serons toutefois très attentifs à la position des élus des territoires concernés.

J'en viens enfin à l'article 64, qui crée un fonds de réserve des collectivités territoriales.

Ce dispositif nous semble, à Isabelle Briquet comme à moi, très problématique. Le dispositif proposé est en effet trop brutal et inabouti pour être acceptable. D'abord, le montant du prélèvement, déterminé en vertu d'un critère d'écart de solde, aboutirait en 2025 à un prélèvement théorique d'un montant vertigineux, de 14,2 milliards d'euros. Seules 450 collectivités seraient concernées ; elles contribueraient donc toutes à hauteur de 2 % de leurs recettes réelles de fonctionnement (RRF), indépendamment de leurs capacités contributives.

Ensuite, ce dispositif crée des effets de seuil massifs entre les collectivités prélevées et celles qui sont exonérées du prélèvement, soit en raison de leur taille - mais non de leur richesse, ce qui paraît injuste -, soit au regard de critères qui semblent avoir été définis de façon arbitraire et dans l'urgence.

Par ailleurs, des marges de manoeuvre que nous estimons excessives seraient laissées au Comité des finances locales (CFL) pour majorer les reversements du fonds de réserve et surtout pour répartir les sommes reversées entre le bloc communal, les départements et les régions.

Pour toutes ces raisons, nous vous proposons de supprimer, purement et simplement, ce fonds de réserve.

Toutefois, la situation budgétaire très dégradée du pays impose une participation de tous, à la hauteur de leurs responsabilités, à l'effort de redressement des finances publiques. À ce titre, et parce qu'elles bénéficient de 151 milliards d'euros de transferts financiers de l'État chaque année, les collectivités territoriales, dont la bonne gestion n'est plus à prouver, doivent également contribuer. L'amendement que nous présentons traduit toutefois le souhait d'abaisser très fortement leur contribution au redressement des comptes publics, à hauteur de 2 milliards d'euros sur les 5 milliards d'euros initialement demandés par le Gouvernement dans le PLF pour 2025.

La commission des finances propose un dispositif nouveau, qui n'opérerait aucun prélèvement de ressources au profit de l'État, mais vise uniquement à lisser dans le temps les recettes des collectivités territoriales qui sont en mesure de contribuer au redressement des comptes publics.

La contribution au titre de ce dispositif serait de 1 milliard d'euros en 2025, répartie entre le bloc communal, les départements et les régions, en tenant compte du niveau des recettes de chaque catégorie de collectivités, mais aussi de leurs situations financières relatives, mesurées par leur taux d'épargne brute moyen. Il est en effet nécessaire de prendre en compte, notamment, la situation globalement très dégradée des départements.

Au sein de chaque catégorie de collectivités, la contribution serait répartie entre les collectivités dont les capacités contributives sont les plus importantes au regard de leur population, de leur potentiel financier par habitant et de leur revenu par habitant, de manière très progressive afin d'éviter tout effet de seuil. Les premières collectivités contributrices seraient ainsi largement préservées, tandis que celles dont les capacités à contribuer sont les plus grandes participeraient significativement à l'effort collectif.

Dans tous les cas, aucune collectivité ne contribuerait au-delà de 2 % de ses RRF.

J'aurais souhaité pouvoir vous proposer un dispositif de mise en réserve d'une part des recettes, directement dans les comptes des collectivités concernées. Cette option, qui a ma préférence, n'a toutefois à ce stade pas abouti et des discussions sur sa faisabilité se poursuivent avec le Gouvernement. J'ai donc pris le parti de vous proposer un dispositif qui, sans constituer une mise en réserve individuelle, s'en rapproche le plus possible.

Le dispositif que je vous propose aujourd'hui permet de reverser les sommes mises en réserve principalement aux collectivités contributrices, afin qu'elles ne soient pas lésées. Pour assurer la recevabilité de ce dispositif au regard de la loi organique relative aux lois de finances (Lolf), il ménage toutefois une marge de péréquation. Les prérogatives du CFL seraient réduites, les représentants constitutionnels des collectivités territoriales se trouvant dans nos murs et non au-dehors. Le CFL conserverait tout de même la capacité de majorer ou minorer la part de péréquation dans un intervalle strictement défini, si certaines collectivités souhaitent développer la péréquation entre elles.

En conclusion, le dispositif que je vous propose aujourd'hui me semble éminemment plus acceptable que celui qui est présenté par Bercy, et je vous invite à l'adopter afin de tenir nos engagements, en associant les collectivités territoriales au redressement des comptes publics tout en modérant le fardeau qu'elles portent et en le rendant plus juste.

Mme Isabelle Briquet, rapporteure spéciale. - Je salue le travail de Stéphane Sautarel, avec cette proposition de dispositif atténuateur et moins injuste que celui du projet initial, même si je ne le voterai pas, n'en partageant pas le principe.

M. Jean-Michel Arnaud, rapporteur pour avis de la commission des lois sur la mission « Relations avec les collectivités territoriales » et le compte de concours financiers « Avances aux collectivités territoriales et aux collectivités régies par les articles 73, 74 et 76 de la Constitution ». - Je salue à mon tour le travail de Stéphane Sautarel sur la dernière partie de son rapport, qui nous offre des perspectives meilleures que celles qui sont proposées par le Gouvernement.

J'attire votre attention sur le programme 122, destiné notamment aux collectivités locales qui ont été particulièrement exposées aux catastrophes naturelles et qui en subissent les conséquences financières. Le dispositif a montré tout son intérêt dans le Nord-Pas-de-Calais ainsi que dans plusieurs départements bretons. Après en avoir discuté avec Stéphane Sautarel, je proposerai, lors de l'examen de la deuxième partie du PLF, un amendement visant à accompagner d'autres collectivités dans trois départements : la Loire, l'Ardèche et les Hautes-Alpes, eux-mêmes éprouvés au cours des douze derniers mois. Pour ce faire, nous essayerons de trouver des solutions intelligentes en lien avec le Gouvernement.

Pour le reste, les principaux éléments, notamment la stabilité des crédits et les dotations en direction des collectivités, dont les deux principales d'entre elles, la DETR et la DSIL, ont été exposés par les rapporteurs spéciaux.

Enfin, je vous remercie de votre invitation. Elle me permettra de mieux porter la parole des collectivités locales devant la commission des lois.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Il ressort de ce rapport que, globalement, les dotations demeurent stables. Merci à Stéphane Sautarel qui, dans une certaine forme d'urgence, est parvenu à proposer, avec l'objectif de réduire significativement la participation des collectivités territoriales à l'effort de redressement des comptes, un dispositif non seulement moins coûteux pour elles que le projet du Gouvernement, mais qui répond aussi bien aux propos du Premier ministre. Celui-ci a reconnu le caractère inabouti du projet initial et s'est dit à l'écoute du Sénat et des propositions que le président Larcher a récemment rappelées.

L'idée consiste à être plus juste et plus mesuré quant à l'effort qui est demandé, en le répartissant sur un périmètre plus important de collectivités - avec un peu plus de 2 500 d'entre elles, relevant des quatre blocs communal, intercommunal, départemental et régional - et en retenant un mode de calcul plus acceptable, qui inclut un plafond de 2 % des ressources. Beaucoup nous ont remonté le caractère relativement inéquitable du projet du Gouvernement. Avec cette proposition, l'enveloppe totale de l'effort attendu s'établirait à 1 milliard d'euros. Par les plafonds qu'elle intègre, elle permet également d'éviter tout risque de double imposition pour les collectivités qui relèvent d'un statut singulier, par exemple Paris, qui est à la fois ville et département.

Nous avons conscience que le dispositif proposé n'est pas pleinement abouti. La question se pose notamment quant à sa recevabilité financière au regard des dispositions de la Lolf. La jurisprudence du Conseil constitutionnel nous indique la nécessité d'y inclure une dose de péréquation. Mais les éléments en sont désormais posés ; il convient de s'efforcer de l'améliorer afin de progresser significativement par rapport au dispositif imaginé dans le PLF, et que certains ont pu qualifier de résurgence de l'esprit de Cahors. Je soutiens donc cette proposition.

M. Albéric de Montgolfier. - Je formulerai un regret et poserai une question. D'une part, nous n'en serions pas là sans la suppression de la taxe d'habitation. Elle nous contraint à une recherche permanente d'expédients. D'autre part, quel vous semble être l'apport de l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) dans ce processus de relation avec les collectivités territoriales ?

M. Bernard Delcros. - Merci aux deux rapporteurs pour leur présentation précise.

Nous sommes au fil du temps parvenus à créer puis à réformer utilement, l'année dernière, la dotation aménités rurales. Elle constitue un premier pas vers la reconnaissance de l'apport de l'espace rural à la société tout entière en matière, notamment, de protection de la biodiversité. Vous proposez son augmentation, par amendement, à hauteur de 10 millions d'euros. J'y souscris sans réserve et je pense que cette dotation doit être amenée à évoluer encore dans les années à venir.

Vous proposez par ailleurs une baisse du prélèvement de 3 milliards à 1 milliard d'euros. Une telle mesure me paraît beaucoup plus raisonnable et j'y suis également favorable.

Vous appuyez le nouveau dispositif que vous présentez, par lequel nous passerions de 450 à environ 2 500 collectivités - dont près de 2 400 communes -, sur trois critères : la population, le potentiel financier et le revenu par habitant. Pourriez-vous nous en dire davantage sur ces critères qui me semblent pertinents ?

Sur la réforme de la DGF, je pense qu'elle n'est pas possible à enveloppe constante.

Enfin, des voix s'élèvent en faveur d'une fusion des trois dotations aux investissements, DETR, DSIL et fonds vert. J'y suis résolument opposé parce qu'elles n'ont pas la même vocation. La DETR est, par exemple, réservée aux territoires ruraux. J'aimerais connaître votre avis sur le sujet.

M. Grégory Blanc. - J'évoquerai deux points. En premier lieu, les exonérations de taxe foncière pour les logements sociaux qui représentent 1 milliard d'euros ; les communes concernées n'en obtiennent une compensation qu'à hauteur de 38 millions d'euros. Par le passé, un gouvernement s'était engagé à revenir sur ces exonérations, mais j'ai l'impression que, cette année encore, ce qui pourrait être la première mesure de péréquation ne sera pas prise.

En second lieu, je veux revenir sur l'amendement qui nous est proposé. Le dispositif prévu sur le fonds de précaution, ou de réserve - selon la dénomination que l'on retient -, est pour le moins innovant et tend à corriger un projet quelque peu baroque. Je salue à mon tour le courage de notre rapporteur spécial. Cependant, quand quelque chose dysfonctionne, le meilleur moyen de le corriger consiste parfois à reconnaître son erreur et à revenir en arrière. Avant de me prononcer sur cet amendement, je voudrais savoir quelles collectivités sont concernées, et à quelle hauteur, et quelles évaluations vous avez conduites.

Je note également que vous envisagez toujours un prélèvement sur les départements. De deux choses l'une : soit on s'efforce de croire contre toute évidence qu'il peut être accepté, soit on reconnaît que le compte n'y est pas. Un effort supplémentaire de 0,5 point sur les droits de mutation à titre onéreux (DMTO), soit une augmentation de 0,25 %, ne compensera pas les baisses qui interviennent par ailleurs, en tenant également compte de l'augmentation des dépenses sociales, qui ne manquera pas non plus de survenir. Il nous faut les uns et les autres rester attentifs et trouver des solutions pour les départements.

À titre personnel, je considère comme une provocation le maintien d'un prélèvement à hauteur de 220 millions d'euros ; et je pense que la plupart des départements continueront de le vivre de la même façon.

M. Marc Laménie. - Il était important de rappeler que l'ensemble des transferts financiers de l'État aux collectivités territoriales représente 151 milliards d'euros.

Sur le programme 119, je rejoins Bernard Delcros lorsqu'il souligne la nécessité de bien y identifier la DETR, qui reste l'une des principales dotations à côté de la DSIL, du fonds vert ainsi que de la DPV. On peut par ailleurs regretter la suppression de la réserve parlementaire. Pourriez-vous nous éclairer sur le fonctionnement des commissions DETR et des commissions DSIL, qui paraît très variable d'un département à l'autre ?

M. Pierre Barros. - Il me paraît assez inapproprié d'associer les collectivités territoriales à l'effort de redressement des comptes publics de l'État.

Sur le calcul de leur contribution, je lis, dans L'Essentiel que vous nous avez remis que « la contribution serait répartie entre les collectivités dont les capacités contributives sont les plus importantes au regard de leur population, de leur potentiel financier par habitant et de leur revenu par habitant, de manière très progressive, afin d'éviter tout effet de seuil. » Ces critères n'assurent nullement qu'elles disposeront d'une épargne suffisante pour contribuer à la hauteur de ce qui leur sera demandé et certaines pourraient ainsi se retrouver en grande difficulté. Il ne leur resterait alors d'autre choix que celui de se reporter sur la fiscalité locale, laquelle se résume à la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB), et ce seront en définitive les habitants qui paieront. Enfin, les critères retenus me paraissent extrêmement simplistes et ils ne résolvent pas les problèmes d'effets de seuil.

M. Raphaël Daubet. - Je reviendrai sur les dotations d'investissement. La stabilité prévue dans le PLF ne me semble témoigner d'aucune ambition. Je le regrette, car le moment serait opportun d'en accélérer le processus afin de soutenir le plus possible les collectivités locales. Les projets sont présents, comme les besoins, et de plus en plus matures, ce que la consommation de la totalité des crédits en AE atteste. Celle des CP requiert en revanche davantage de temps. Nous avons également besoin d'un choc de simplification et de déconcentration, en tout cas de faciliter la réalisation des projets.

Dans le Lot, la DETR a seulement pu aider cette année 50 % des projets déposés par les communes auprès de la préfecture. On aurait pu aisément y dépenser en AE le double des crédits de la DETR que le département a reçus.

A-t-on mesuré l'effet de levier de la DETR sur les investissements qui soutiennent la croissance du pays ? Que représente ici 1 milliard d'euros ? Connaît-on par ailleurs le volume financier des projets qui ont été déposés par rapport à ceux qui bénéficient effectivement de la dotation ?

M. Michel Canévet. - Nous apprécions le maintien des dotations à l'investissement, car nous savons que ce sont les territoires qui stimulent l'investissement dans notre pays.

Concernant les ponctions sur les collectivités territoriales que le Gouvernement a prévues, nous n'avons pas la mémoire courte et nous nous rappelons que, il y a peu de temps, la contribution au redressement des finances publiques a significativement altéré la capacité de nos collectivités à agir. La proposition gouvernementale d'une ponction d'environ 5 milliards d'euros nous paraît donc particulièrement sévère à leur endroit, particulièrement en considération de la situation d'un certain nombre de départements. Prenons garde que cette capacité à agir ne soit pas davantage entamée, d'autant que nous savons que les dépenses réelles de fonctionnement (DRF) des départements s'avèrent extrêmement contraintes compte tenu du rôle qu'ils tiennent.

Au sein du groupe Union Centriste, nous apprécions la qualité du travail que le rapporteur spécial Stéphane Sautarel a mené, mais nous estimons qu'il mérite une réflexion approfondie. Aussi nous abstiendrons-nous au moment du vote sur la mission, en l'état actuel des choses.

M. Jean-Baptiste Olivier. - Personne en réalité n'est disposé à consentir des efforts. Nous le constatons mission après mission : on ne peut rien retrancher, alors que notre pays s'appauvrit et que c'est désormais un fait qu'il faille réduire les dépenses, ce à quoi les collectivités doivent contribuer. Je rappelle à la gauche que c'est François Hollande qui s'est très largement attaqué à la DGF et à nos amis macronistes que c'est Emmanuel Macron qui a supprimé la taxe d'habitation, ce qui a représenté une perte de 25 milliards d'euros par an.

En l'occurrence, il est proposé de réduire l'effort de 5 milliards à 1 milliard d'euros quand, dans le même temps, la DGF progresse de 300 millions d'euros. En définitive, l'effort demandé aux collectivités n'excède donc pas 700 millions d'euros.

M. Pascal Savoldelli. - Un aggiornamento s'impose sur la taxe d'habitation. Mais peut-être irons-nous de surprise en surprise et que la majorité sénatoriale en proposera le rétablissement, sur des critères plus justes...

Je reconnais un travail rigoureux de la part du rapporteur spécial, à ceci près que ce ne sont pas 5 milliards d'euros, mais beaucoup plus que l'on demande comme effort aux collectivités territoriales. Les seules cotisations aux caisses de retraite vont représenter entre 2 et 3 milliards d'euros de dépenses à leur charge. On ne saurait critiquer un passif résultant de choix antérieurs tout en étant dans une sorte de déni sur la situation présente.

J'observe que le dispositif proposé revient à abaisser le niveau de la DGF d'environ 2 % pour les collectivités territoriales qui seront concernées par la contribution. Or à chaque fois qu'on y a procédé, on a constaté une diminution de l'investissement local, et ce quelle que soit la majorité politique en place dans ces collectivités. Ici, elle atteindrait vraisemblablement une valeur à deux chiffres, ce qui influerait négativement sur la croissance.

En outre, qu'est-ce que ce dispositif changera au niveau d'endettement de notre pays ? Rien, à mon avis. Je pense qu'il s'agit d'un faux débat.

M. Thierry Cozic. - Une note récente de la fondation Jean-Jaurès évalue les conséquences des choix du Gouvernement sur les investissements locaux. Elles équivaudraient à une diminution de 12 milliards d'euros de ces investissements en 2025, soit une baisse de 18 % par rapport à 2023. Le tout avec une progression de l'endettement public.

Quelles que soient les améliorations qui lui sont apportées, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain ne peut accepter le dispositif. Les collectivités ne sont en effet pas responsables de la situation actuelle.

Mme Christine Lavarde. - Nous pouvons saluer le travail de Stéphane Sautarel, qui présente une solution moins désavantageuse et moins injuste que celle de la version initiale. Sa solution élimine un certain nombre de problèmes posés notamment par un prélèvement forfaitaire sur les dépenses, avec d'inévitables effets de seuil et d'assiette.

En réponse à ceux qui nous invitent à ne rien faire, remarquons qu'il conviendrait dans ce cas de repenser l'ensemble de notre organisation dans le sens d'un surcroît de déconcentration, c'est-à-dire que l'État n'interviendrait plus dans le champ de compétence des collectivités locales. Il faudrait alors aussi supprimer immédiatement 5 milliards d'euros de dépenses sur le budget de l'État. Avancez-vous des propositions en ce sens ? J'en doute et, dans ces conditions, la solution qui nous est proposée pour 2025 constitue un moindre mal ; car je pense que des contraintes supplémentaires nous imposeront des efforts structurels en 2026.

M. Claude Raynal, président. - Chacun fait connaître ses positions, comme il est de tradition sur ce type de sujet. C'est le jeu de la politique.

Je soulèverai, pour ma part, trois questions.

D'une part, je ne sais pas exactement quel est l'objectif du Gouvernement. Nous pouvons certes comprendre qu'il s'agit de limiter les dépenses des collectivités. Mais veut-il améliorer la trésorerie de l'État ? Cette considération est sans doute marginale. Il me semble par ailleurs comprendre qu'il entend prendre en charge des dépenses exceptionnelles de certaines collectivités. Il a ainsi annoncé devant l'Assemblée des départements de France (ADF) qu'il serait prêt à accepter une diminution notable de l'effort des départements. Se pose encore la question des dépenses exceptionnelles en Nouvelle-Calédonie ou des accidents climatiques, que ce fonds de réserve devait servir à prendre en compte. Tous ces sujets ont été évoqués. L'amendement proposé me conduit précisément à m'interroger sur un retour des fonds aux collectivités qui financent le dispositif. Si dans l'esprit du Gouvernement ce dispositif vise à venir en aide aux collectivités locales en substitution de l'État, le dispositif que vous proposez ne le permet plus. Pour que l'amendement soit opérant, il lui faut correspondre à l'objectif du Gouvernement, à moins que cet objectif ne soit lui-même redéterminé. Est-il simplement question de geler la dépense de grandes collectivités ? Ou ce fonds de réserve a-t-il vocation à être redistribué ?

D'autre part, si le Gouvernement acceptait cette proposition, quelle serait alors sa demande de rééquilibrage financier ? La suppression de 2 milliards d'euros de recettes supposerait en effet une compensation par d'autres recettes ou par une diminution de dépenses d'un même montant.

Enfin, ce fonds est-il conçu pour une durée de trois ans ou devra-t-il être renouvelé tous les ans ? Je suis étonné par le nombre de mesures de ce PLF 2025 dont l'application ne semble pas devoir excéder un an. Ici, cependant, je ne perçois pas que la volonté de bloquer les financements des collectivités locales doive cesser au bout d'un an.

M. Stéphane Sautarel, rapporteur spécial. - Je commencerai par quelques éléments de réponse de portée générale.

Sur l'article 64 et l'effort contributif demandé aux collectivités, nous avons cherché à le ramener de 5 milliards à 2 milliards d'euros. Dans la mesure où nous partageons la nécessité d'un effort en vue de maintenir le déficit public à 5 % du PIB à la fin de 2025, cela signifie qu'il faudra trouver par ailleurs des économies. Le sujet dépasse les limites de la mission dont je traite. Je ne vous propose pas de transférer, par compensation, l'économie qui serait réalisée avec ce dispositif vers d'autres contributions ou concours aux collectivités. L'amendement ne prévoit ainsi pas de réduction de la DGF ou d'un autre dispositif.

S'il est entendu que les collectivités ne sont pas responsables de la situation des finances publiques de notre pays, nous reconnaissons que, dans le contexte actuel, il convient que chacun prenne sa part de l'effort, à condition que celui-ci soit socialement et territorialement supportable.

Je ne disconviens pas que d'autres mesures affectent les collectivités. Il est, par exemple, question, à l'occasion de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), d'une augmentation du taux de cotisation patronale à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) qui aurait une incidence. La commission des affaires sociales du Sénat présente à ce titre des amendements destinés à étaler la hausse sur quatre ans, au lieu de trois, afin d'en limiter les conséquences. Nous pourrions également évoquer le fonds vert, qui concerne le financement des collectivités.

Sur les 5 milliards d'euros de l'effort global, 3 milliards d'euros revenaient au fonds de réserve ou de précaution, 1,2 milliard à l'écrêtement de TVA et 800 millions d'euros au fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA). Le rapporteur général a présenté un amendement destiné à éviter cette mesure sur le FCTVA. La mesure d'écrêtement de TVA, si on peut la regretter, paraît, quant à elle, admise. Ramener l'effort à 2 milliards d'euros, sur les 5 milliards demandés, revient à rapporter la contribution au dispositif de fonds de réserve à environ 1 milliard au lieu des 3 milliards initialement proposés.

Il est permis de considérer que le Gouvernement poursuit notamment l'objectif de freiner la dépense et que les mesures qu'il présente sont d'abord des mesures d'urgence. Elles ne s'accompagnent pas moins de demandes de réformes plus structurelles. On peut penser aux aspects normatifs ou encore au coût de la commande publique. Il faut en effet y travailler, au risque de se retrouver dans un an dans une situation analogue à celle d'aujourd'hui.

Dans ma contre-proposition relative à l'article 64, ma volonté est de préserver l'épargne des collectivités, ce qui me paraît être l'enjeu majeur. Il s'agit, d'une part, qu'elles gardent un niveau d'investissement ou de service qui réponde aux besoins de nos territoires et de nos concitoyens, et, d'autre part, de ne pas provoquer d'effet récessif du fait d'une diminution de l'investissement public.

Enfin, quant à la méthode retenue, et en réponse à Michel Canévet, je souligne le caractère d'urgence dans lequel nous intervenons. Je comprends le besoin qu'il exprime de prendre quelque recul pour analyser dans le détail les mesures proposées. Il nous était cependant difficile de disposer de plus d'éléments que nous n'en exposons aujourd'hui devant vous.

J'en viens à présent plus précisément aux questions que les uns et les autres ont soulevées.

Monsieur le rapporteur général, avant toute chose je vous remercie de votre accompagnement dans la recherche de solutions. Je reconnais avec vous la relative stabilité du périmètre des dotations d'investissement, nonobstant la question qui revient chaque année sur les compensations et les variables d'ajustement, qu'on peut regretter et sur laquelle il faudra un jour prendre des mesures.

Monsieur le président Raynal, l'objectif du Gouvernement, tel que nous le comprenons, consiste à lisser les recettes des collectivités dans le temps. Nous pensons que le dispositif pourrait également servir à terme aux collectivités elles-mêmes dans des situations de crise. Toutefois, nous convenons que cet objectif ne transparaît pas dans le dispositif tel qu'on nous le propose. Ce dispositif semble par ailleurs avoir vocation à durer plus d'un an : on le présente en effet souvent comme une mesure s'appliquant sur trois années de suite.

Je précise que le dispositif initial prévoyait une péréquation dans la répartition du fonds de réserve ou de précaution. Pour notre part, après avoir entendu l'ensemble des associations d'élus locaux, nous avons souhaité ne pas conserver une telle redistribution péréquatrice. Si nous restons favorables à la péréquation, nous pensons qu'il faut l'organiser autrement, avec les dispositifs déjà existants, et non par l'utilisation de ce fonds. Dans sa redistribution, on pourra ensuite s'interroger, mais son objectif, de notre point de vue, consiste à mettre en réserve des recettes de collectivités, en vue d'un retour de ces ressources vers ces mêmes collectivités.

J'ajoute que j'aurais préféré une mise en réserve directement dans les comptes des collectivités. Cela aurait été un gage de confiance à leur endroit et cela aurait préservé leur épargne brute. Nous ne sommes à ce stade pas parvenus à obtenir ce résultat, mais nous continuons d'y travailler.

Je remercie Bernard Delcros de son soutien à l'augmentation de la dotation aménités rurales.

En ce qui concerne les critères de répartition de la contribution entre les collectivités, que plusieurs d'entre vous ont évoqués, l'indice synthétique retenu tient compte du potentiel financier par habitant et du revenu par habitant. Contribuent les collectivités dont l'indice est supérieur à 110 % de la moyenne pour le bloc communal et à la médiane pour les départements. La contribution est ensuite répartie entre les contributeurs en fonction de leur population, multipliée par l'indice synthétique. Il nous a semblé plus juste d'utiliser cet indicateur que de nous en tenir à l'absence d'indicateur que le Gouvernement proposait, en s'en tenant au seul critère de la taille des collectivités.

Pour répondre à la préoccupation que plusieurs de nos collègues ont exprimée au sujet des départements, et que je partage, je signale que le dispositif que nous proposons en exclut 50 ; il en reste donc autant qui sont contributeurs, mais nous ne sommes plus en présence d'un système binaire - entre contributeurs et non-contributeurs - avec des effets de seuil : désormais, un principe de progressivité s'applique, la contribution pouvant représenter de 0,1 % à 2 % des RRF de la collectivité. Des 50 départements qui seraient contributeurs, un seul le serait à hauteur de 2 %. La plupart des autres en resteraient à des niveaux de contribution relativement symboliques. L'effort qui les concernerait atteindrait ainsi le total de 220 millions d'euros, au lieu du montant initial de 1,2 milliard d'euros. Et nous finirions avec ce PLF à un solde positif à leur égard, ce qui permettrait de maintenir le mécanisme de péréquation des DMTO qu'ils ont su organiser entre eux.

En revanche, nous ne disposons pas de liste précise des communes qui seraient concernées. Il s'agirait cependant des plus « riches », mais avec, pour certaines d'entre elles, des niveaux de contribution de nouveau relativement faibles.

Je rappelle que le dispositif que nous proposons s'intitule « dispositif de lissage conjoncturel des recettes fiscales des collectivités territoriales ». On voit que la notion de « fonds » a totalement disparu.

Monsieur Olivier, sans entrer dans le débat, l'effort attendu serait ramené non de 5 milliards à 1 milliard d'euros, mais de 5 milliards à 2 milliards d'euros.

Monsieur Savoldelli, nous partageons la même préoccupation quant au risque d'une diminution de l'investissement local. D'où, à notre sens, la nécessité de concevoir des dispositifs qui gardent au maximum l'épargne dans les comptes des collectivités. C'est, de notre point de vue, la clé de celui que nous avons élaboré. Je trouve paradoxal d'afficher une relation de confiance renouvelée avec les collectivités et de commencer par leur confisquer une part de leur épargne.

Madame Lavarde, merci de vos commentaires et du regard que vous portez sur le dispositif. Il tente de résoudre, dans l'urgence, une équation complexe. Il nécessite aussi d'être accompagné de mesures en effet plus structurelles, si nous ne souhaitons pas revivre plusieurs années de suite la même situation, voire connaître une situation plus difficile encore à l'avenir.

Mme Isabelle Briquet, rapporteure spéciale. - Monsieur Laménie, les parlementaires sont associés aux réunions et aux décisions des commissions DETR et DSIL. Mais chacune semble avoir ses propres modes de fonctionnement interne. Dans l'expérience qui est la mienne, il n'y a pas de dossiers dont je n'aurais pas connaissance. Cela devrait être le cas partout. Dans le cas contraire, il conviendrait peut-être de s'adresser au préfet.

Monsieur Daubet, on estime que l'effet de levier des dotations sur les investissements est de 1 à 4. Pour rappel, l'ensemble des dotations - DETR, DSIL, DPV et DSID - s'élève à un total de 8,4 milliards d'euros. Ce montant entraîne des effets considérables en matière d'investissement local, ce qui justifie mes craintes qu'il ne soit prochainement réduit.

Monsieur Delcros, je vous rejoins sur le fait qu'une réforme de la DGF - quoique nous la souhaitions - ne saurait s'envisager sereinement à moyens constants. Concernant la fusion des dotations, je partage votre inquiétude sur le risque qu'elle ferait courir aux collectivités d'en perdre une partie des montants. Entre la simplification des dispositifs que les élus appellent de leurs voeux et la fusion des dotations, il existe une marche qui pourrait leur être préjudiciable. Il convient donc de l'aborder collectivement avec beaucoup de précautions.

M. Stéphane Sautarel, rapporteur spécial. - Le PLF ne prévoit pas de fusion des dotations d'investissement, mais une réflexion existe sur le sujet. Localement, on plaide de longue date sur l'unicité des dossiers ou sur leur instruction commune ou partagée. Sans doute, du point de vue administratif, des améliorations pourraient-elles être apportées. À titre personnel, et indépendamment du contexte, j'estime qu'envisager un rapprochement entre DSIL, DSID et fonds vert ne serait pas aberrant en raison des objectifs communs qui sont les leurs. Le fonds vert, par exemple, aurait autant sa place dans la mission RCT que dans la mission « Écologie, développement et mobilité durables » - cela a d'ailleurs été souligné hier à l'occasion de l'examen du rapport spécial. En revanche, la spécificité de la DETR doit être absolument préservée, car les bénéficiaires de cette dotation, limités aux territoires ruraux, ne sont pas les mêmes que ceux des autres dispositifs.

Monsieur de Montgolfier, l'ANCT relève plus directement de la mission « Cohésion des territoires » que de la présente mission. À son sujet, deux questions se posent immédiatement. La première intéresse ses moyens au service des programmes qu'elle porte ; la seconde a trait à l'ingénierie, qui s'avère très disparate d'un point de vue géographique. Mais c'est surtout la remise en cause plus large du rôle des agences de l'État, catégorie à laquelle l'ANCT appartient, qu'il convient de rappeler, ainsi que le désengagement significatif de l'Etat vis-à-vis des dispositifs contractuels Sans doute un travail reste-t-il à conduire sur le possible rapprochement de l'ANCT et du Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema).

Article 42

M. Stéphane Sautarel, rapporteur spécial. - L'amendement II.7 (FINC.1) concerne l'augmentation de 10 millions d'euros de la dotation aménités rurales.

L'amendement II.7 (FINC.1) est adopté.

La commission décide de proposer au Sénat d'adopter les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », sous réserve de l'adoption de son amendement.

EXAMEN DES ARTICLES RATTACHÉS

Article 61

Mme Isabelle Briquet, rapporteure spéciale. - L'amendement II.9 (FINC.2) vise une neutralisation à hauteur de 80 % en 2025 de l'impact financier de la réforme de l'effort fiscal intervenue en LFI pour 2022.

L'amendement II.9 (FINC.2) est adopté.

La commission décide de proposer au Sénat d'adopter l'article 61, sous réserve de l'adoption de son amendement.

Article 62

La commission décide de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, l'article 62.

Article 63

La commission décide de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, l'article 63.

Article 64

M. Stéphane Sautarel, rapporteur spécial. - L'amendement II.10 (FINC.3) vise à supprimer l'article 64, en vue de lui substituer un autre mécanisme, prévu par l'amendement II.11 (FINC.4) portant article additionnel.

L'amendement II.10 (FINC.3) est adopté.

La commission décide de proposer au Sénat de supprimer l'article 64.

Après l'article 64

L'amendement II.11 (FINC.4) portant article additionnel est adopté.

La commission décide de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits du compte de concours financiers « Avances aux collectivités territoriales et aux collectivités régies par les articles 73, 74 et 76 de la Constitution ».

Projet de loi de finances pour 2025 - Mission « Défense » - Examen du rapport spécial

M. Claude Raynal, président. - Nous examinons à présent les crédits de la mission « Défense ».

M. Dominique de Legge, rapporteur spécial de la mission « Défense ». - L'examen du budget de la mission « Défense » aurait pu être une formalité cette année, une simple application de ce que prévoit pour 2025 la loi de programmation militaire (LPM) 2024-2030, adoptée l'année dernière dans un contexte de bouleversements stratégiques. Mais il n'en est rien, car, d'une part, des enjeux budgétaires significatifs sont apparus en gestion depuis 2023, et, d'autre part, l'information du Parlement tend à se réduire dans certains domaines. Dans les deux cas, j'appelle à la vigilance.

Je commencerai, comme il est de coutume, par présenter les grandes tendances du budget de la défense pour 2025.

Les ouvertures de crédits demandées s'élèvent à un peu plus de 93 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 60 milliards d'euros en crédits de paiement (CP), ce qui fait de la mission le troisième poste du budget de l'État, après l'enseignement scolaire et la charge de la dette.

Sur le périmètre de la LPM, c'est-à-dire hors contribution au compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions », les crédits demandés s'élèvent à 50,5 milliards d'euros, soit une progression de 3,3 milliards d'euros par rapport à 2024. Il s'agit là d'un effort conséquent - le plus important de ce projet de loi de finances (PLF) -, qu'on ne peut que saluer, a fortiori dans un contexte général d'efforts de redressement des comptes publics. Cette progression est strictement conforme à la marche annuelle prévue par la LPM.

Concrètement, la hausse des crédits se répercute sur l'ensemble des « opérations stratégiques » de la mission, qui sont transversales aux différents programmes de la mission. Seule la contribution au CAS « Pensions » est en légère baisse.

Le principal poste de hausse des crédits concerne les « programmes à effet majeur », qui regroupent les opérations d'armement les plus structurantes. Les dépenses afférentes connaîtront en 2025 une augmentation de près de 1,5 milliard d'euros en CP. Le deuxième poste principal de hausse concerne la dissuasion nucléaire, dont les crédits augmentent de plus de 500 millions d'euros.

Sont également en augmentation, dans une moindre ampleur, les crédits en matière d'infrastructures, d'activité opérationnelle ou encore de maintien en condition opérationnelle des matériels. En outre, les dépenses de personnel progressent de 93 millions d'euros.

Enfin, en autorisations d'engagement, la forte augmentation des crédits permet de poursuivre l'avancée de projets structurants, parmi lesquels le renouvellement des sous-marins nucléaires lanceurs d'engins et le lancement en phase dite de « réalisation » du porte-avions de nouvelle génération.

J'en viens aux effectifs. Vous le savez, depuis 2020, les armées ont connu de grandes difficultés pour atteindre les schémas d'emploi fixés, dans une conjoncture marquée par de fortes tensions sur le marché du travail.

Dans ce contexte, le schéma d'emploi inscrit au PLF 2024 prévoyait un solde positif de seulement 400 équivalents temps plein (ETP), contre 700 prévus par la LPM 2024-2030. Même si c'est donc au prix d'une moindre ambition, le schéma d'emploi devrait être tenu, pour la première fois depuis 2020 ; nous ne pouvons que nous en réjouir. Pour 2025, le schéma d'emplois visé est de + 700 ETP, soit un niveau conforme à la LPM. Je note qu'aucun schéma d'emploi n'a été exécuté à ce niveau depuis 2019.

J'en viens à ce qui, à défaut de fâcher, appelle a minima à la vigilance de notre part.

Mon premier point d'attention concerne plusieurs éléments relatifs à l'exécution budgétaire de la mission « Défense » en 2023 et 2024.

Vous le savez, les crédits de la mission augmentent régulièrement depuis 2019. C'est en particulier le cas depuis 2023, année dite de « pré-LPM 2024-2030 », qui a été l'occasion d'ouvertures exceptionnelles de crédits en gestion. En 2024, les crédits de la mission ont nettement progressé, cette fois dans le cadre de la nouvelle LPM proprement dite.

Dans le même temps - c'est le revers de la médaille -, le ministère a dû assumer un programme d'achats significatif pour atteindre les cibles capacitaires et opérationnelles fixées pour 2030. En outre, il a dû faire face, en 2022 et 2023, à un niveau d'inflation très élevé, réduisant mécaniquement son pouvoir d'achat. Enfin, il a subi des arbitrages gouvernementaux, en particulier fin 2023, ayant consisté à reporter des paiements et les crédits associés sur l'année suivante, afin de limiter l'ampleur du déficit public exécuté. Les travaux de la mission d'information sur la dégradation des finances publiques depuis 2023, dont Claude Raynal était le président et Jean-François Husson le rapporteur, ont montré comment, sur proposition des services de Bercy, il a été décidé de reporter des crédits du ministère des armées de 2023 sur 2024 afin de limiter le déficit exécuté pour 2023.

Dans ces conditions, alors qu'il a été décidé du maintien des ambitions d'acquisition, les crédits effectivement disponibles pour être consommés, bien qu'en hausse, n'ont pas permis de couvrir l'ensemble des paiements dus au titre de 2023 et 2024. En bref, le ministère a davantage acheté qu'il n'a pu payer. Dès lors, le report de charges a servi de variable d'ajustement. Concrètement, depuis 2023, le ministère reporte une part croissante des paiements dus au titre des livraisons effectuées.

Ce phénomène est relativement classique en début de période de programmation : de nombreux achats sont réalisés, au prix d'une augmentation du report de charges, avant que ce dernier ne se réduise en seconde partie de LPM, à mesure que les achats diminuent et que les crédits continuent d'augmenter.

Néanmoins, la hausse du report de charges est aujourd'hui particulièrement significative, pour ne pas dire inquiétante. Entre fin 2022 et fin 2024, son niveau est passé de 3,9 milliards d'euros à 6,8 milliards d'euros, c'est-à-dire une augmentation presque équivalente à une marche annuelle de progression des crédits en LPM - à savoir 3,3 milliards d'euros. Fin 2024, le report de charges représente plus de 20 % des crédits de la mission, hors personnel, contre moins de 14 % fin 2022.

Je rappelle qu'il s'agit d'une forme de dette, qu'il nous faudra bien régler un jour ou l'autre aux fournisseurs. Si le ministère devait aujourd'hui la liquider en totalité, le déficit public exécuté augmenterait ainsi d'un quart de point de PIB.

Je veux être clair : je n'appelle pas le ministère des armées à réduire ses achats. Ils sont nécessaires pour atteindre les objectifs capacitaires et opérationnels en 2030, déjà revus à la baisse dans la LPM. Je ne plaide pas non plus pour réduire les crédits de la mission, ce qui aggraverait encore le report de charges. Mais il est difficile de parler d'une économie de guerre quand on demande à la base industrielle et technologique de défense (BITD) d'assurer une partie de la trésorerie du ministère.

Le deuxième point de vigilance concerne l'information du Parlement sur la mission « Défense ». En effet, le ministère tend, ces dernières années, à réduire l'information du Parlement pour certaines données importantes.

Ainsi, les estimations des surcoûts liés aux engagements opérationnels des armées en 2024, qui ont vocation à être financés par des contributions interministérielles en fin de gestion, ne m'ont pas toutes été communiquées cette année. Les surcoûts liés aux opérations extérieures et aux missions intérieures seraient relativement stables par rapport à 2024, s'établissant à environ 1,3 milliard d'euros. En revanche, nous n'avons pas le détail des surcoûts liés aux jeux Olympiques et Paralympiques, à la crise en Nouvelle-Calédonie, au renforcement du flanc oriental de l'OTAN et au soutien à l'Ukraine.

Le Parlement n'est donc pas en mesure de déterminer, à ce stade, si les surcoûts sont intégralement couverts par les crédits disponibles à cet effet, c'est-à-dire ceux qui sont ouverts par le projet de loi de finances de fin de gestion pour 2024, à savoir 837 millions d'euros de crédits nouveaux, qui s'ajoutent à une provision prévue en loi de finances initiale, de 800 millions d'euros, dédiée aux surcoûts liés aux opérations extérieures et aux missions intérieures. Cela ne suffira sans doute pas.

Ensuite - et c'est encore plus significatif -, le Parlement n'est plus informé depuis deux ans des niveaux de disponibilité des matériels militaires et de l'activité des forces dans les documents budgétaires, prétendument pour éviter de révéler à nos compétiteurs notre potentiel militaire. Je vous ai déjà parlé de cette difficulté, notamment dans le cadre de la présentation de mes travaux de contrôle il y a quelques semaines sur le maintien en condition opérationnelle des matériels militaires. Il s'agit, me semble-t-il, d'une vraie difficulté, et ce d'autant plus que les niveaux de disponibilité des équipements et d'activité des forces sont encore insatisfaisants.

Je peine par ailleurs à croire que nos compétiteurs dépendent de la transmission de documents budgétaires au Parlement pour se faire une idée de la capacité de nos forces armées.

En conclusion, le budget de la mission « Défense » pour 2025 s'inscrit dans la trajectoire de la LPM et en respecte les principes. Il doit être salué, a fortiori dans un contexte général d'efforts de redressement des comptes publics. Il convient néanmoins de faire preuve de vigilance au regard de l'exécution budgétaire de 2023 et 2024, notamment en termes de reports de charges. En outre, l'exécution du budget pour 2025 devra s'accompagner d'une information suffisante du Parlement : si l'adoption d'une LPM est nécessaire et utile, il ne s'agit en aucun cas d'un blanc-seing budgétaire pour sept ans. Le respect de la trajectoire prévue relève de l'examen annuel approfondi des budgets proposés. Or cet examen, pour être éclairé, doit être pleinement informé. J'y serai attentif.

Sous réserve de ces observations, je me prononce en faveur de l'adoption des crédits de la mission.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Je rejoins la conclusion de Dominique de Legge : il faut se questionner chaque année sur les lois de programmation, quelles qu'elles soient. Une grande vigilance s'impose en particulier sur la consommation effective des crédits. Lorsqu'un effort national massif est demandé, il faut accepter d'envisager de revoir l'ensemble des missions, y compris celles qui s'inscrivent dans le cadre d'une loi de programmation. Aucune mission ne doit échapper à notre examen minutieux et nous devons disposer des informations nécessaires pour nous assurer de la bonne exécution de chacune d'entre elles.

M. Marc Laménie. - Le travail d'investigation mené par notre collègue Dominique de Legge résume parfaitement les caractéristiques de ce budget particulièrement important. Parce que nous sommes tous très attachés à nos militaires, la question de leur recrutement et de leur fidélisation apparaît en effet centrale.

La Journée défense et citoyenneté (JDC) permet de susciter des vocations : serait-il possible d'en savoir plus sur leur coût, leur répartition, le contenu des programmes ? Je pense aussi au service militaire volontaire, financé pour partie par la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation ».

Nous dénombrons aussi quelques classes de défense dans nos départements, mais pas suffisamment selon moi, alors que c'est pourtant le lien avec l'éducation nationale qui permet de susciter des vocations parmi les collégiens et les lycéens. On constate aussi que les militaires partent souvent après quelques années de contrat, ce qui est coûteux pour le budget de l'État. Quelles sont les pistes envisagées en haut lieu ?

M. Vincent Delahaye. - Je n'avais pas voté la loi de programmation militaire, considérant que nous n'avions pas les moyens de financer une croissance aussi importante des crédits. Comme l'a souligné le rapporteur général, il est toujours possible de réinterroger une loi de programmation, surtout après la baisse inédite des recettes par rapport aux prévisions - 24 milliards d'euros - que nous avons connue en 2024.

On demande aux collectivités locales des efforts pour près de 10 milliards d'euros, mais on augmente de 3 milliards d'euros le budget de la défense sans s'interroger plus avant. Le budget de la défense est passé de 35 milliards d'euros en 2019 à 50 milliards aujourd'hui. Il serait de 41 milliards d'euros seulement si nous nous étions contentés de suivre l'inflation. Il me semble que la mission « Défense » devrait elle aussi participer à l'effort de redressement des comptes publics.

M. Rémi Féraud. - À ce stade, nous nous abstiendrons sur les crédits de la mission. L'esprit de la LPM nous semble globalement respecté, et les efforts budgétaires généraux ne doivent pas se faire au détriment de notre réarmement.

Vous proposez d'approuver les crédits de la mission, mais vous déplorez aussi l'absence d'informations précises dans certains domaines. Ne craignez-vous pas que la charge des opérations en Nouvelle-Calédonie, en Roumanie, ou encore dans les pays baltes ne vienne grever la trajectoire de la LPM ? Ne faudrait-il pas être plus exigeant avec le Gouvernement, et s'assurer qu'il ne s'agit pas de faire porter par le budget de la défense des opérations qui sont généralement prises en charge au niveau interministériel ?

M. Michel Canévet. - Monsieur le rapporteur spécial, vous évoquez un risque significatif d'atteindre un niveau de dépenses supérieur aux crédits dédiés pour les opérations extérieures (Opex), malgré les crédits ouverts par le projet de loi de finances de fin de gestion pour 2024. Avez-vous une idée de l'ampleur des crédits supplémentaires qui seraient nécessaires pour assurer la couverture des dépenses ?

Vous avez également mentionné des reports de charge qui augmentent pour le ministère des armées, affectant les entreprises travaillant dans le secteur de la défense, ce qui est contraire aux ambitions portées par l'État. Comment allons-nous résoudre ce problème ? Ces retards perturbent-ils financièrement la BITD ? Je n'ai pas entendu de réclamation particulière à ce sujet dans mon département. En avez-vous reçu de votre côté ?

M. Jean-Raymond Hugonet. - Je peux partager certains avis, notamment celui de mon collègue Vincent Delahaye quant à la légitimité des interrogations sur chacune des dépenses, mais s'il y a bien un budget sur lequel des efforts surdimensionnés seraient véritablement coupables, c'est celui de la défense. Ce budget a été mis à mal pendant des années et, au regard de la situation mondiale et de ce que décident nos voisins allemands - pour ne parler que d'eux -, je crois que la question se pose beaucoup moins. Réduire considérablement ces crédits reviendrait à jouer avec une partie de notre assurance, et je pense qu'il faut réfléchir à deux fois avant de prononcer quelque coupe claire que ce soit dans le domaine militaire.

Mme Vanina Paoli-Gagin. - Rappelons-nous que la LPM a permis de remettre à niveau un domaine régalien qui avait été délaissé, comme malheureusement une série d'autres secteurs. Le contexte géopolitique doit sans doute nous amener à considérer que nécessité fait loi et je vous engage à prêter attention notamment à ce qui se passe en Finlande et au message de préparation à un conflit qu'envoient les autorités à la population. Je pense que nous devons absolument voter les crédits de cette mission, particulièrement pour cet exercice budgétaire.

M. Emmanuel Capus. - Merci au rapporteur spécial pour la qualité de son rapport. Je partage les propos de Mme Paoli-Gagin et de M. Hugonet, notre groupe étant particulièrement attaché au maintien de ces crédits de la défense - voire à leur augmentation - au regard de la poursuite de la guerre en Europe et de l'inquiétante élection de Donald Trump aux États-Unis. Cette situation doit nous conduire à renforcer notre propre défense et à prendre en main notre destin.

Notre position est extrêmement simple : les crédits régaliens doivent être maintenus ou augmentés ; les autres missions doivent voir leurs crédits diminuer sensiblement. C'est ce que j'ai proposé sur la mission « Travail, emploi et administration des ministères sociaux » avec une diminution des crédits de 12 % : des choix forts et difficiles doivent être effectués par notre commission.

Par ailleurs, les efforts en faveur de l'équipement des forces connaissent une augmentation très nette des crédits, mais le rapporteur spécial indique dans son rapport qu'elle ne couvre pas complètement, dans certains domaines, les importants besoins d'acquisition de nos armées, notamment à la suite des cessions d'avions Rafale à la Grèce et à la Croatie, ainsi que de canons Caesar et, prochainement, d'avions Mirage pour l'Ukraine. Quel est le montant de ces cessions de matériels, qui ne semblent pas être incluses dans les besoins financiers visés par le rapport ?

Mme Nathalie Goulet. - Où en est le Fonds européen de défense (FED) ? Par ailleurs, nous aurions besoin d'identifier un véritable budget dédié à la lutte contre les influences étrangères.

M. Dominique de Legge, rapporteur spécial. - Je me satisfais d'avoir provoqué un débat au sein de notre commission. Dans le contexte actuel, la question de la soutenabilité de la LPM telle qu'elle a été écrite est effectivement posée.

Nous observons finalement aujourd'hui les conséquences du péché originel de la LPM, dont je rappelle que l'enveloppe s'élevait à 400 milliards d'euros, auxquels s'ajoutaient 13,3 milliards d'euros de recettes extrabudgétaires. Dès le début, nous avions bien indiqué avec nos collègues de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées qu'environ la moitié de ces dernières recettes était réelle - dont la contribution du service de santé des armées (SSA) -, mais que tel n'était pas le cas pour le reste. Il était ainsi notamment prévu des reports de charges, présentés comme des recettes, dès le départ.

Toutefois, les montants atteints aujourd'hui pour les reports de charge sont très élevés, sans qu'une parfaite transparence ne soit assurée à ce sujet, de la même manière que pour les indicateurs dont je parlais tout à l'heure, dont les résultats ne sont plus publiés. J'ai indiqué au chef d'état-major des armées, que j'ai rencontré il y a quelques jours, que le meilleur service à rendre aux armées ne consistait certainement pas à ne pas tout dire à la représentation nationale, qui est fondée à voter les crédits.

Monsieur Delahaye, le report de charges en début de LPM n'est pas en soi si problématique. Il est assez logique que nous engagions des montants plus importants en début de LPM, de manière à payer au fur et à mesure.

J'ai cependant un problème car on ne me dit pas jusqu'où ira ledit report de charges, ni à partir de quelle date nous allons réduire nos commandes et profiter de l'augmentation des crédits pour payer ce qui constitue en réalité une dette.

Par ailleurs, la hausse du report de charges est à mettre en perspective avec le fait que nous avons perçu des « dividendes de la paix » pendant trente ans. Alors que l'effort de la nation en faveur de sa défense était de l'ordre de 4,8 % du PIB trois décennies plus tôt, il atteint désormais péniblement 2 % du PIB. Dans le cadre du contrôle budgétaire sur le maintien en condition opérationnelle des matériels militaires, j'avais ainsi indiqué que le nombre d'avions de combat et de chars dont nous disposons a été divisé respectivement par trois et six. Si nous ne sommes pas fondés à remettre en cause l'indispensable effort de réarmement, nous devons en même temps exiger de disposer de tous les éléments permettant d'apprécier la soutenabilité de cette LPM.

Parmi les bonnes nouvelles, monsieur Laménie, le schéma d'emploi a été mieux exécuté cette année et les perspectives sont plutôt positives pour 2025. Le contexte économique, avec un marché de l'emploi moins favorable, a sans doute contribué à la fidélisation des personnels et à l'atteinte des objectifs de recrutement.

Concernant les surcoûts opérationnels, dont les Opex, monsieur Féraud, ont été débloqués 1,637 milliard d'euros, dont 800 millions d'euros de provision et 837 millions d'euros ouverts par le projet de loi de finances de fin de gestion. On nous explique que le seul besoin de financement pour les Opex et les missions intérieures serait in fine de 1,3 milliard d'euros. Je peine à croire que les 330 millions d'euros restants suffiront à financer les surcoûts liés au flanc oriental, à l'Ukraine et à la Nouvelle-Calédonie. J'espère que nous y verrons plus clair au moment où nous serons saisis du projet de loi relatif aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l'année 2024.

S'agissant de la BITD, monsieur Canévet, ce sont surtout les sous-traitants qui semblent souffrir. Je peine néanmoins à voir ce qui se passe en deuxième ligne, derrière les grands industriels.

Monsieur Hugonet et madame Paoli-Gagin, je vous remercie pour vos interventions, car nous sommes sur la même longueur d'onde. Pour ce qui est des besoins de recomplètements, monsieur Capus, cela concerne des matériels spécifiques cédés à d'autres pays, dont les Rafale. Cela prend en effet du temps de les fabriquer et de les intégrer aux armées, même si l'on a les crédits associés.

Madame Goulet, une démarche est engagée à l'échelle européenne dans le prolongement du FED afin d'aider à l'acquisition de matériels, mais nous ne sommes en l'espèce même pas dans l'épaisseur du trait avec seulement 1,5 milliard d'euros en jeu, un montant à comparer aux 50 milliards d'euros du budget de la défense française. Il ne s'agit donc que d'une amorce de solution et pas d'une réponse à nos problèmes de financement actuels.

La commission décide de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission « Défense ».

Projet de loi de finances pour 2025 - Mission « Action extérieure de l'État » - Examen du rapport spécial (sera publié ultérieurement)

Le compte rendu de cette réunion sera publié ultérieurement.

Missions et moyens du centre de crise et de soutien du ministère de l'Europe et des affaires étrangères - Contrôle budgétaire - Communication (sera publié ultérieurement)

Le compte rendu de cette réunion sera publié ultérieurement.

Projet de loi autorisant l'approbation de l'avenant à la convention entre la France et la Suisse du 9 septembre 1966 modifiée, en vue d'éliminer les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune et de prévenir la fraude et l'évasion fiscales - Désignation d'un rapporteur

La commission désigne Mme Nathalie Goulet rapporteur sur le projet de loi n° 706 (2023-2024) autorisant l'approbation de l'avenant à la convention entre la France et la Suisse du 9 septembre 1966 modifiée, en vue d'éliminer les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune et de prévenir la fraude et l'évasion fiscales, sous réserve de sa transmission.

Questions diverses

M. Albéric de Montgolfier. - Quand le Gouvernement déposera-t-il ses amendements sur le PLF afin que nous puissions éventuellement les amender ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Nous n'avons pas encore de visibilité mais je relaierai votre demande.

M. Albéric de Montgolfier. - Il serait important que la représentation nationale puisse avoir le temps de se prononcer et éventuellement d'amender, même si nous ne sommes pas complètement dans l'inconnu.

La réunion est close à 11 h 50.

La réunion est ouverte à 16 h 30.

Projet de loi de finances pour 2025 - Mission « Pouvoirs publics » - Examen du rapport spécial (sera publié ultérieurement)

Le compte rendu de cette réunion sera publié ultérieurement.

Projet de loi de finances pour 2025 - Mission « Administration générale et territoriale de l'État » - Examen du rapport spécial

Mme Florence Blatrix Contat, rapporteure spéciale de la mission « Administration générale et territoriale de l'État ». - Les crédits demandés pour la mission « Administration générale et territoriale de l'État » (AGTE) s'élèvent à 4,9 milliards d'euros en crédits de paiement (CP) et à 4,7 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE), ce qui représente une hausse de plus de 6 % pour les CP et une baisse de 15 % pour les AE. Corrigée de l'inflation, la hausse des CP est plutôt de l'ordre de 4,5 %.

Si les crédits de la mission semblent relativement préservés, au niveau agrégé, ils sont légèrement en-deçà de la trajectoire votée dans le cadre de la loi du 24 janvier 2023 d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi). Au regard de l'érosion des crédits constatée depuis une dizaine d'années, il ne s'agit donc pas d'un budget fastueux pour les services centraux du ministère de l'intérieur et l'administration territoriale de l'État (ATE). La semaine passée, Bruno Retailleau a d'ailleurs admis devant nos collègues de la commission des lois que l'ATE était « à l'os ».

La hausse globale de tous les postes de dépenses des préfectures et sous-préfectures traduit un effort de rattrapage, particulièrement en ce qui concerne l'immobilier. Les dépenses immobilières de l'ATE augmentent de 41 millions d'euros en 2025, en particulier pour l'investissement de l'État propriétaire. Ces dépenses s'élèvent à 83,5 millions d'euros en AE et à 60,5 millions d'euros en CP, ce qui représente une hausse de 33,4 % en AE et de 37,5 % en CP par rapport à la loi de finances initiale pour 2024. Depuis l'entrée dans la programmation issue de la Lopmi, les dépenses d'investissement de l'ATE ont augmenté de 71 % entre 2023 et 2025.

Si je tiens à saluer cette dynamique, j'ai pu constater, lors du contrôle budgétaire que j'ai mené l'été dernier, que ces moyens ne sont pas suffisants pour relever les défis de la transition écologique, auxquels le patrimoine de l'ATE est confronté. Cette revalorisation des dépenses immobilières ne s'inscrit pas dans le cadre d'une planification solide des besoins de rénovation énergétique, alors même que les obligations nationales et européennes se renforcent dans ce domaine, notamment avec la révision de la directive sur la performance énergétique des bâtiments, qui oblige les États membres à rénover les 16 % de bâtiments les moins performants d'ici à 2030. De plus, les dépenses de loyers, ayant augmenté de 7 % depuis 2023, sont à l'origine d'une rigidité des dépenses immobilières, qui empêche de réorienter les crédits vers de l'investissement dont l'administration territoriale aurait pourtant besoin.

Par ailleurs, en 2025, la promesse de réarmement de l'État territorial ne sera pas tenue, alors même que 45 postes devaient être créés dans le cadre de la Lopmi. Non seulement le schéma d'emploi est neutre mais le plafond d'emploi diminue de 182 équivalents temps plein (ETP). En effet, il a été décidé de ne pas pourvoir tous les postes d'experts de haut niveau créés hors plafond de la Lopmi, qui étaient censés accompagner les préfectures pour des compétences dont elles ne disposent pas. Lors de mon déplacement en Indre-et-Loire, j'ai constaté l'effet direct de cette mesure puisqu'un directeur en gestion de projet immobilier ne pourra pas être recruté pour suivre la réhabilitation d'une cité administrative prévue pour 2025. Le projet demeure donc en suspens.

Cet exemple est typique du quotidien des services déconcentrés : de nombreuses missions doivent être menées à bien sans les moyens humains nécessaires. Alors que nous entrons dans la dernière année du plan « missions prioritaires des préfectures », qui reprenait de fait la quasi-totalité de leurs missions, il apparaît qu'aucune priorité n'a été assumée et qu'aucune perspective ne se dessine pour la suite. L'absence d'allocation de moyens à la hauteur des besoins a eu des effets délétères sur au moins trois missions, pourtant jugées prioritaires.

En premier lieu, les services en charge du séjour, de l'éloignement et de l'asile sont aux abois et tournent grâce à des vacataires infra-annuels dans la plupart des territoires. Si un plan triennal de renfort en vacataires à destination de ces services a été mis en oeuvre de 2022 à 2024, nous ignorons quel sera le niveau de renfort pour 2025.

Toutefois, la priorité devrait plutôt être à la consolidation de ces services et à la fidélisation des compétences, ce que ne permet pas la contractualisation massive des effectifs, privilégiée par le Gouvernement. Par ailleurs, les gains attendus par l'administration numérique pour les étrangers en France (Anef), censée dématérialiser toute la procédure, peuvent difficilement être mesurés alors que cette application n'est pas pleinement déployée. Tous les titres de séjour ne sont pas encore disponibles sur l'application et de nombreuses pièces ne peuvent pas être téléversées au moment de la demande, ce qui nécessite un traitement par mail. L'Anef ne traite seule qu'environ 20 % des dossiers, ce qui laisse une grande marge de progression.

En deuxième lieu, les services en charge du contrôle de légalité et du contrôle budgétaire sont en souffrance. Leurs effectifs sont encore en baisse et ils ne sont plus en mesure d'effectuer des contrôles efficients. En conséquence, ils doivent souvent abandonner certains pans entiers de leur activité, comme celui de la commande publique. La situation ne semble pas s'être améliorée depuis le rapport de la Cour des comptes de 2022, dans lequel on lisait : « un contrôle dont la qualité n'est pas suffisante, au regard de ses obligations constitutionnelles ».

En troisième lieu, la délivrance des titres se remet à peine de la crise des délais observée en 2022, alors même que le niveau des demandes demeure toujours bien plus élevé qu'avant la crise sanitaire. Selon les estimations de France Titres, jusqu'à 13,5 millions de titres pourraient être délivrés en 2024. Le délai moyen de délivrance s'améliore et se rapproche de l'objectif de 15 jours. Il est de l'ordre de 13 jours pour les cartes d'identité et de 20 jours pour les passeports. En revanche, le projet d'identité numérique, désormais pleinement porté par France Titres, se développe lentement et, à date, seules 1,2 million d'identités numériques ont été créées.

Enfin, je tiens à insister sur la transformation numérique, axe prioritaire de la Lopmi, qui pourrait faciliter de nombreuses tâches répétitives pour les agents en préfecture. Ces derniers sont demandeurs d'évolutions numériques, notamment pour le contrôle de légalité ou la délivrance de titres. L'utilisation de l'intelligence artificielle a été repoussée à l'horizon 2030, alors que les préfectures auraient tout à gagner à se servir de cette technologie.

Ainsi, au regard de l'ensemble des enjeux, qu'ils soient écologiques, humains ou numériques, la présence de l'État territorial ne doit pas faiblir. Les moyens alloués aux préfectures et aux sous-préfectures pour 2025 répondent a minima à cet impératif et sont plutôt insuffisants.

Concernant le programme 216 « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur », la réalisation de deux projets immobiliers majeurs se poursuit en 2025. D'une part, 139,4 millions d'euros en CP sont destinés à assurer le paiement du marché global de construction du site unique de la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) à Saint-Ouen. D'autre part, 296,4 millions d'euros en CP sont consacrés au projet « Universeine », qui a vocation à accueillir plusieurs services de l'administration centrale du ministère de l'intérieur à Saint-Denis, sur l'ancien site du village olympique « Paris 2024 ».

Par ailleurs, je souhaite insister sur le renforcement nécessaire du pilotage de deux volets de dépenses du ministère de l'intérieur.

Tout d'abord, les dépenses liées à la protection fonctionnelle et au contentieux sont essentielles pour assurer la fonction juridique du ministère, qui consiste à assurer la défense de l'État pour les litiges relevant de sa compétence, notamment en matière de contentieux des étrangers et de police administrative. Ces dépenses sont systématiquement sous-évaluées alors qu'elles sont très dynamiques. Il convient de procéder à la remise à niveau de ces crédits, afin d'assurer au mieux la défense de l'État devant les juridictions administratives et judiciaires.

Ensuite, j'évoquerai les actions financées par le fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD), à destination de la prévention de la délinquance et de la radicalisation, de la sécurisation et de la lutte contre les dérives sectaires, dont l'utilisation est coordonnée par le secrétariat général du comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR). La répartition territoriale des crédits est assez peu transparente et la fongibilité des enveloppes des programmes financés peut mener à un certain dévoiement de l'utilisation des crédits. Ainsi, faute de dépôt de projets par des associations, les crédits a priori fléchés pour la prévention de la radicalisation sont utilisés, dans plusieurs départements, pour équiper les communes en dispositifs de vidéoprotection ou organiser des escape games sur le communautarisme. On pourrait attendre une meilleure allocation de ces fonds.

En Indre et Loire, de nombreuses communes sont d'ailleurs en attente de CP pour financer des équipements de vidéoprotection et, ce, depuis 2022. La direction des entreprises et partenariats de sécurité et des armes (Depsa), en charge du pilotage de tous les projets de vidéoprotection sur la voie publique depuis 2023, a fait savoir aux responsables de programmes régionaux qu'il n'y aurait pas, a priori, de dotation pour 2024. Cette situation est inacceptable et il faut procéder à une revue des différents engagements gérés au niveau des préfectures.

En conclusion, en dépit du contexte budgétaire contraint, les crédits de la mission sont en hausse. Ainsi, malgré les réserves importantes que j'ai exprimées, notamment en ce qui concerne les effectifs, je propose d'adopter ces crédits.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Derrière un rapport qui porte sur des sujets techniques, se trouvent de nombreuses problématiques de vie pratique. J'aurai quelques questions, plus que des observations.

En ce qui concerne la délivrance de titres d'identité, quel est le coût supporté par les collectivités territoriales ? Avant, l'État prenait la totalité en charge. Par ailleurs, vous avez dit que le nombre de pièces d'identité délivrées reste élevé ; quelles sont les explications ? Plusieurs rallonges budgétaires ont été allouées ; y aura-t-il un point d'équilibre financier ?

Vos propos sur le FIPD m'ont rappelé le fonds Marianne. Comment expliquer le peu de lisibilité que vous mentionnez ? Procéder à une revue des engagements à l'échelle des départements semble en effet indispensable. J'ai le sentiment que nous avons plutôt laissé filer les choses. Il s'agit pourtant de sujets sensibles, qui entrent pleinement dans les pouvoirs régaliens de l'État. Des éléments complémentaires seront les bienvenus.

M. Michel Canévet. - J'apprécie que l'augmentation des crédits dédiés à l'investissement dans les bâtiments de l'ATE ait été mise en exergue. En effet, les efforts à fournir sont nombreux, notamment pour assurer la transition écologique. Ces efforts nécessiteront-il encore des hausses de crédits à l'avenir ?

En ce qui concerne France Titres, monsieur le rapporteur général, je ne dirais pas qu'auparavant, tout était assuré par l'État. Les usagers étaient accueillis en mairie, pour remplir le dossier adressé à l'administration de l'État et pour récupérer leur titre d'identité. Nous avons supprimé de nombreuses étapes, grâce au numérique, et nous avons concentré dans quelques mairies la délivrance des titres pour l'ensemble des administrés.

Comment se fait-il que la trajectoire budgétaire de France Titres se dégrade ? Des besoins financiers importants sont-ils encore à prévoir ? Sa situation financière est-elle préoccupante ? Pour y répondre, ne faudrait-il pas augmenter la taxe sur les passeports ?

M. Marc Laménie. - A-t-on une idée de la répartition des effectifs entre l'administration centrale et l'administration territoriale ? Les préfectures et sous-préfectures ne sont pratiquement plus ouvertes au public, ce qui est regrettable, et leurs effectifs sont en baisse depuis plusieurs années. Pouvez-vous préciser le nombre de sous-préfectures en 2024, a-t-il vocation à être stable au regard des fermetures et des fusions opérées ces dernières années ?

Comment expliquer la part importante des loyers dans les dépenses immobilières ? J'étais persuadé que l'État restait propriétaire de ce patrimoine considérable. Quant aux dépenses d'investissement, elles progressent fortement ; tous les projets sont-ils indispensables ? Pourraient-ils être différés ou échelonnés ?

Enfin, s'agissant des maisons France Services, pouvez-vous détailler dans quelle mesure répondent-elles aujourd'hui aux attentes des citoyens, si elles entrent dans le champ de la mission ?

Mme Isabelle Briquet. - Le réarmement territorial annoncé n'aura pas lieu, puisque nous sommes loin de suivre la trajectoire de créations de postes. Pour mémoire, plus de 11 000 postes ont été supprimés ces dix dernières années et nous constatons les manques engendrés dans les services des préfectures. Le contrôle de légalité est exsangue alors qu'il s'agit d'une mission importante, au service des collectivités. Pour les services d'accueil des étrangers, de nombreux vacataires sont appelés en renfort alors qu'une telle mission nécessiterait des personnels titulaires. Quelle est la proportion de ces vacataires dans ces services ? Rien que pour ce point nous nous abstiendrons, malgré la hausse affichée des crédits.

La revalorisation des crédits pour la rénovation des bâtiments est insuffisante, quand il faut gravir une marche énorme pour atteindre la conformité en la matière. Le programme prévoyait des ventes de bâtiments afin de dégager des fonds pour la réhabilitation ; avez-vous des éléments à partager à ce sujet ?

Il me semblait que les crédits alloués à la vidéoprotection ne devaient plus être couverts par le FIPD ; qu'en est-il ?

M. Olivier Paccaud. - En ce qui concerne le FIPD, vous évoquez une répartition territoriale des crédits peu transparente, ce que je confirme. Dans le département de l'Oise, où une politique de diffusion de la vidéoprotection est menée, grâce à des subventions non négligeables du département et au soutien du conseil régional, les demandes soumises au FIPD n'aboutissent presque jamais. Les rares qui reçoivent une réponse favorable sont liées à des projets mis en oeuvre dans les communes les plus grandes. Ce dispositif ne concerne-t-il que les agglomérations et les grandes communes ?

S'agissant de la délivrance des titres, Michel Canévet a insisté sur le fait que les communes participaient jadis à cette tâche, mais elles ne jouaient en fait que le rôle de boîte aux lettres. Elles assument désormais la prise d'empreintes et d'autres opérations qui nécessitent du personnel, et, qu'on le veuille ou non, un désengagement de l'État est à l'oeuvre, alors que la délivrance des titres d'identité est une compétence régalienne par excellence.

En outre, vous avez évoqué des délais moyens de délivrance des titres qui me semblent bien supérieurs dans la réalité - en tout cas dans mon département -, en dépit de la multiplication bienvenue des lieux de délivrance.

Mme Florence Blatrix Contat, rapporteure spéciale. - Pour ce qui est du coût des titres sécurisés pour les communes munies de dispositifs de recueil, lesdites communes bénéficient de la dotation pour les titres sécurisés qui avait été réévaluée. Certaines d'entre elles m'ont indiqué que ce montant suffisait pour couvrir l'intégralité des coûts, tandis qu'il ne suffit pas pour d'autres.

La hausse des titres sécurisés devient quant à elle structurelle, nos auditions n'ayant pas permis d'en identifier toutes les causes.

Monsieur Canévet, l'effort à fournir en matière d'immobilier de l'État est considérable. Nous l'avions estimé dans notre rapport à 227 millions d'euros d'ici à 2027, alors que l'effort supplémentaire fourni cette année ne s'élève qu'à 60 millions d'euros. Nous n'en sommes donc qu'à la première étape d'un programme d'investissements très importants.

Mme Briquet évoquait la vente de bâtiments afin de dégager des ressources, il ne m'a pas été communiqué d'informations en ce sens. La tendance semble être plutôt à l'acquisition et aux constructions neuves, avec notamment la poursuite de la construction de la nouvelle sous-préfecture de Palaiseau.

Une bonne partie de l'immobilier de l'État territorial est détenu par les départements, voire par les communes : la ville de Strasbourg est ainsi propriétaire de la préfecture. Les possibilités de cessions ne sont donc pas si grandes et il faut privilégier la rationalisation, ce qui m'amène à la problématique des loyers. Il faudrait engager des travaux conséquents afin de réduire significativement le montant des locations, mais les moyens nécessaires ne sont actuellement pas disponibles. Une foncière pourrait être un outil permettant de mieux gérer l'immobilier de l'État, mais les ministères - et notamment celui de l'intérieur - ne semblent guère enthousiastes, même si des expérimentations de structures préfiguratives d'une foncière interministérielle seront lancées dans les régions Grand-Est et Normandie à partir de janvier 2025.

Monsieur Laménie, 233 sous-préfectures sont ouvertes en 2024, soit un chiffre stable depuis deux ans. Aucune création ou suppression de préfecture n'a été annoncée pour 2025. La plupart sont ouvertes au public, et disposent soit d'un point d'accueil numérique pour accompagner les usagers, soit d'un dispositif France Services. Certaines sous-préfectures sont ainsi labellisées, mais avec la participation financière d'autres acteurs.

Madame Briquet, les vacataires représentent de manière pérenne 10 % des emplois en préfectures. Je ne dispose pas du chiffre exact pour les services en charge du séjour, de l'éloignement et de l'asile, mais à titre de comparaison, le pourcentage de vacataires atteint environ 30 % pour l'instruction des titres sécurisés..

Concernant la vidéoprotection, les lieux de culte continuent de relever du FIPD, tandis que la voie publique relève de la direction des entreprises et des partenariats de sécurité et des armes (DEPSA), étant précisé que les préfectures interviennent dans le processus : les collectivités locales engagent donc des dépenses de vidéoprotection sans savoir à quelle date elles seront remboursées.

Monsieur Paccaud, vous avez tout à fait raison au sujet de la répartition des dépenses du FIPD dans les territoires, la moitié d'entre elles allant à l'Île-de-France et à la région Provence-Alpes-Côte d'Azur. Cette répartition peut s'expliquer au regard des enjeux de radicalisation et prévention de la délinquance dans ces territoires, mais la lisibilité des crédits allouée devrait être améliorée.

Les délais de délivrance, par ailleurs, peuvent en effet varier d'un département à l'autre, mais se sont tendanciellement réduits. Je pense que nous pourrions davantage optimiser les processus et je regrette que la direction du management de l'administration territoriale et de l'encadrement supérieur (DMATES) ne souhaite pas aller plus vite dans le déploiement de l'intelligence artificielle, car elle permettrait des gains d'efficience pour les contrôles répétitifs réalisés par les centres d'expertise et de ressources des titres (CERT). De nombreux progrès restent à accomplir sur le plan numérique et le ministère de l'intérieur n'est pas particulièrement en avance sur le sujet.

La commission décide de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l'État ».

Projet de loi de finances pour 2025 - Mission « Économie » et compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés » - Examen du rapport spécial

M. Thierry Cozic, rapporteur spécial de la mission « Économie » et du compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés ». - Comme vous le savez, mes chers collègues, la mission « Économie » est une mission très composite. Elle porte des crédits de plusieurs administrations rattachées à Bercy, ainsi que ceux d'un nombre conséquent d'opérateurs. En outre, elle héberge de nombreux instruments budgétaires, dont certains sont structurels et d'autres temporaires.

Le point commun de tous ces administrations, opérateurs et instruments budgétaires, c'est qu'ils ont vocation à être déployés en faveur de l'emploi, de la croissance, des exportations, de la concurrence ou encore de la protection des consommateurs.

Je commencerai mon propos en exprimant, au nom de Frédérique Espagnac et moi-même, un regret : la mission « Économie » se voit appliquer, dans le cadre de l'effort des finances publiques engagé par l'État, une logique de rabot budgétaire, au détriment de plusieurs dispositifs dont l'intérêt a pourtant largement été démontré.

Les crédits de la mission diminuent d'environ 583 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE), soit 13,8 %, et d'environ 408 millions d'euros en crédits de paiement (CP), soit près de 9,5 %.

La baisse des crédits de la mission porte principalement sur deux programmes : d'une part, le programme 134 « Développement des entreprises et régulations », qui porte d'ailleurs près des deux tiers des crédits de la mission ; d'autre part, le programme 343 « Plan France Très Haut Débit », sur lequel ma collègue reviendra plus en détail.

Plutôt que d'entrer dans une analyse fastidieuse de l'évolution des nombreux outils portés par la mission, nous vous proposons de concentrer notre propos sur quelques faits saillants du budget pour 2025.

Tout d'abord, les moyens des administrations et des opérateurs sont globalement en baisse dans le PLF. Les dépenses de personnel sont relativement stables, puisqu'elles augmentent d'à peine 0,5 %, mais le plafond d'emplois de l'État diminue de 27 équivalents temps plein travaillés (ETPT). Pour les opérateurs, l'effort demandé est encore plus conséquent, puisque le nombre d'emplois sous plafond diminue de 101 ETPT.

La direction générale du Trésor (DGT) voit ses effectifs diminuer de 6 ETPT. Toutefois, nous nous félicitons de la préservation des emplois consacrés au réseau économique à l'étranger, conformément à la recommandation que nous avons formulée dans notre rapport de contrôle de juin 2021 sur les services économiques régionaux de la DGT.

Pour ce qui concerne la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), nous avions recommandé dans notre rapport de contrôle de septembre 2022 de mettre fin à la dynamique de suppression de postes, trop marquée depuis 2007, aboutissant à la disparition de plus de 900 ETPT. Nous avions proposé de recréer 49 postes, au bénéfice de tous les territoires.

Notre recommandation a été entendue ces deux dernières années, puisque ce sont exactement 49 ETPT qui ont été recréés sur cette période. Toutefois, l'année 2025 marque un retour en arrière - 3 ETPT sont supprimés -, alors même que la DGCCRF voit son champ d'action se diversifier avec l'essor de l'économie numérique.

Je pense notamment aux nombreuses enquêtes menées par ce service sur le drop shipping, modèle de vente en ligne qui connaît une forte expansion depuis quelques années. Dans ce modèle, le vendeur n'est en charge que de la commercialisation du produit, et c'est le fournisseur partenaire, situé généralement à l'étranger - notamment en Chine - qui se charge de la gestion du stock et de l'expédition de la marchandise au consommateur final. Ce procédé est à l'origine de nombreuses pratiques illicites, qui peuvent être liées à la qualité et la sécurité des produits, à leur origine, aux faux avis en ligne, à la disponibilité des produits, et surtout aux délais de livraison et à l'absence de remboursement. Face à la montée en puissance de ces pratiques frauduleuses, il nous semble nécessaire que la DGCCRF soit dotée de moyens à la hauteur des enjeux.

Les opérateurs de la mission prennent également largement leur part dans le redressement de nos finances publiques. À l'exception de l'Autorité de la concurrence, qui voit sa dotation stabilisée, tous les opérateurs de la mission connaissent une baisse de leurs crédits. Nous avons mis l'accent dans nos travaux sur le cas d'Atout France, dont la baisse conséquente des crédits et des emplois semble traduire l'amorçage d'une fusion avec Business France annoncée par le Premier ministre dans son discours de politique générale. À nouveau, ma collègue Frédérique Espagnac reviendra plus en détail sur ce point.

Je poursuis avec les principales évolutions des instruments budgétaires en faveur des entreprises portées par la mission.

La première évolution concerne la compensation dite « carbone ». Elle est octroyée aux sites électro-intensifs exposés au risque de fuite de carbone, pour compenser les coûts liés au système européen des quotas d'émissions, à savoir le quota carbone. Sont notamment concernés les secteurs de la sidérurgie, du papier, ou encore de la chimie. Depuis plusieurs années, la hausse du prix du carbone conduit à une augmentation mécanique du coût de la compensation. En 2025, elle atteint plus de 1 milliard d'euros, en baisse de 23 millions d'euros par rapport à la loi de finances initiale (LFI) pour 2024.

La deuxième évolution concerne Bpifrance. Nous nous félicitions l'an dernier de la création, sur le programme 134, d'une ligne budgétaire dotée de 100 millions d'euros et dédiée au financement des actions d'accompagnement des entreprises de Bpifrance. Cette création était pour nous une avancée notable : nous considérions effectivement que cette politique publique en faveur des entreprises devait être budgétisée et soumise annuellement au vote du Parlement. Or, la ligne budgétaire est purement et simplement supprimée dans le PLF 2025 ! Il s'agit d'un retour en arrière regrettable du point de vue du contrôle du Parlement sur les financements de Bpifrance. Il ressort de nos auditions que Bpifrance devrait être amenée à poursuivre ses actions d'accompagnement des entreprises par la mobilisation de ses fonds propres.

La troisième évolution ayant retenu notre attention concerne la création dans ce PLF d'une nouvelle enveloppe consacrée à la décarbonation de l'industrie, dotée dans le texte initial de 50 millions d'euros en AE. Le Gouvernement a déposé un amendement à l'Assemblée nationale visant à majorer ces crédits de 1,5 milliard d'euros en AE, qui sera très probablement redéposé en séance publique au Sénat. Si nous souscrivons à l'objectif de décarbonation de notre économie portée par cette enveloppe, nous déplorons la méthode. Elle nuit considérablement à la lisibilité de nos débats. Au regard de l'ampleur des montants annoncés, il aurait été préférable que le Gouvernement fasse l'effort d'inscrire ces crédits dans le texte initial, d'autant plus que nous ne disposons à ce stade que de très peu d'informations sur le dispositif qui les portera, ainsi que sur sa temporalité.

J'en viens maintenant à un sujet qui a particulièrement retenu notre attention lors de nos travaux : le désengagement de l'État du financement des pôles de compétitivité.

Créés en 2005, les pôles de compétitivité sont des structures de mise en relation des entreprises, des centres de recherche et de formation dont l'activité porte sur un ou plusieurs thèmes communs. Les pôles cherchent à développer les relations entre leurs membres pour favoriser les synergies, stimuler l'innovation et atteindre une plus grande efficacité économique. Ils font l'objet de financements publics de l'État et des collectivités locales, ainsi que de financements privés issus des cotisations payées par les membres des pôles ou des prestations qui leur sont facturées.

Les pôles de compétitivité ont fait la démonstration de leur intérêt pour le développement du tissu économique local et l'investissement privé dans la recherche et développement (R&D). En moyenne, chaque euro d'aide publique engagé engendrerait près de 2,8 euros de dépenses en R&D privée. L'adhésion à un pôle de compétitivité a un effet positif sur les entreprises exportatrices, dont les exportations augmenteraient de 20 %. Les pôles de compétitivité ont également un impact positif sur l'emploi, correspondant à environ un emploi créé pour moins de 7 000 euros dépensés.

Pourtant, l'enveloppe de 9 millions d'euros consacrée à ces pôles a été supprimée dans ce PLF. Ce choix nous semble regrettable et particulièrement surprenant dans un contexte où le Gouvernement affirme vouloir engager notre pays dans la voie de la réindustrialisation. Il nous semble nécessaire de rétablir cette ligne budgétaire et nous vous présenterons un amendement en ce sens.

Mme Frédérique Espagnac, rapporteure spéciale de la mission « Économie » et du compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés ». - J'aborderai pour ma part trois sujets : l'état du déploiement de la fibre optique ; les compensations des missions de service public au groupe La Poste ; la fusion d'Atout France et de Business France annoncée par le Gouvernement, sur laquelle nous sommes très réservés.

Le plan France Très Haut Débit porte l'objectif d'un déploiement complet de la fibre optique à l'horizon de 2025. Il est financé en particulier par le programme 343, dont l'objet est de subventionner les réseaux d'initiative publique (RIP) dans des zones où le déploiement de la fibre n'est pas rentable pour les opérateurs. Ces RIP sont mis en oeuvre dans le cadre de projets portés et financés par les collectivités territoriales.

Il ressort de notre analyse que les crédits du programme 343 subventionnant les RIP ont des effets positifs sur le déploiement dans les zones concernées. Toutefois, il y a en réalité de quoi s'inquiéter sur l'atteinte de l'objectif d'un déploiement de la fibre optique sur l'ensemble du territoire en 2025, dans les zones RIP et ailleurs. À ce jour, seuls 87 % des locaux recensés en France sont éligibles à la fibre optique, c'est-à-dire raccordables. En outre, le taux de déploiement est très hétérogène sur le territoire.

Surtout, les crédits consacrés au plan France Très Haut Débit ont fait l'objet de coupes budgétaires massives en cours d'année 2024, coupes qui sont visiblement amenées à se poursuivre en 2025.

Le décret du 21 février dernier a en effet annulé 37,8 millions d'euros en AE et 116,8 millions d'euros en CP sur le programme 343, et le projet de loi de finances de fin de gestion (PLFG) pour 2024 prévoit lui aussi l'annulation de près de 84,6 millions d'euros en CP. L'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), qui gère les financements dédiés au plan France Très Haut Débit, devrait néanmoins disposer de suffisamment de trésorerie pour garantir le décaissement des crédits nécessaires en 2024.

Toutefois, le PLF 2025 prévoit une nouvelle diminution massive des crédits consacrés aux RIP. En effet, aucune AE n'est inscrite et seulement 200,1 millions d'euros sont prévus, soit une baisse de plus de 52 % par rapport à l'an dernier. Il ressort de nos auditions que cette enveloppe pourrait être insuffisante pour garantir la poursuite du déploiement de la fibre sur le territoire en 2025. Cette situation risque de se répercuter sur les collectivités locales, qui devront, dans les cas où leur situation financière le permet, se substituer à l'État pour garantir le financement des projets.

À défaut, cette situation se répercutera sur les opérateurs et encore plus sur leurs sous-traitants, fragilisant ainsi le tissu économique local. Ce désengagement de l'État nous semble particulièrement préoccupant et nuit à la crédibilité de la parole publique, puisque, rappelons-le, le déploiement de la fibre sur l'ensemble du territoire en 2025 avait fait l'objet d'un engagement gouvernemental.

À cet égard, nous vous présenterons tout à l'heure un amendement visant à sécuriser la concrétisation du plan France Très Haut Débit à Mayotte en 2025. Ce département a un taux de couverture internet fixe très haut débit de 40 %, très largement inférieur à la moyenne nationale. Au total, 55 millions d'euros sont nécessaires en AE pour engager la signature de la délégation de service public.

Notre assemblée avait inscrit dans LFI 2024 une enveloppe de 50,5 millions d'euros en AE pour compléter les 4,5 millions d'euros déjà provisionnés en 2023. Mais cette enveloppe a été fortement réduite en raison du décret d'annulation de crédits du 21 février 2024. Faute de financements suffisants, la concrétisation de ce projet n'est à ce jour pas garantie. Il nous semble donc essentiel de rétablir ces crédits, conformément à la position exprimée par notre assemblée l'année dernière.

J'en viens aux quatre compensations financées par la mission « Économie » et versées à La Poste au titre de ses différentes missions de service public.

Concernant la compensation au titre de sa mission d'accessibilité bancaire, la baisse envisagée en 2025 est conforme à la trajectoire pluriannuelle prévue. La dotation s'établira à 269 millions d'euros.

La dotation pour financer la mission de transport postal de la presse est, quant à elle, en baisse par rapport à 2024 et sera de 38,4 millions d'euros. Une réforme du transport de presse a été mise en oeuvre depuis 2023 afin de favoriser le report des éditeurs vers le portage. Cette réforme était censée alléger les charges assumées par La Poste au titre de cette mission de service public. Toutefois, cette réforme n'a pas eu les effets escomptés, alors qu'en parallèle, le montant de la compensation versée au titre du transport de presse a été divisé par deux ! Cette situation n'est pas soutenable, et il faudra en tout état de cause que la représentation nationale s'interroge à l'avenir sur les modalités de financement de cette mission de service public essentielle.

La mission de service universel postal est compensée en 2025 à hauteur de 500 millions d'euros, soit un montant stable par rapport à l'année dernière. Je relève que, depuis deux ans, la part variable de 20 millions d'euros censée être accordée en fonction du taux de lettres vertes effectivement livrées à J+ 2 par La Poste n'est pas prévue dans le PLF, alors que les résultats de l'entreprise en matière de délais de livraison sont conformes aux objectifs fixés.

Enfin, des questions majeures demeurent sur la mission d'aménagement et de développement du territoire de La Poste. Cette mission essentielle consiste, comme vous le savez, à maintenir des points de contact dans l'ensemble du pays.

Elle fait l'objet d'un financement par le biais du fonds postal national de péréquation territoriale, alimenté par deux canaux : d'un côté, des allégements de fiscalité locale ; de l'autre, une dotation budgétaire. L'objectif est d'apporter, par ces deux biais, une compensation globale de l'État de 174 millions d'euros.

Dans un contexte de baisse de rendement des allégements de fiscalité locale, liée notamment à la baisse de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), la dotation avait été rehaussée en 2023 de 74 millions d'euros à 105 millions d'euros. Mais la dotation est maintenue depuis 2023 à ce même niveau, alors que le rendement des abattements fiscaux a diminué. La Poste estime que 15 millions d'euros manqueront en 2025 pour atteindre le niveau de compensation cible de 174 millions d'euros.

Ce chiffrage nous semble cohérent, et c'est pourquoi nous vous proposerons un amendement rehaussant de 15 millions d'euros la dotation budgétaire. J'insiste sur le fait qu'il s'agit d'une mission de service public essentielle à nos territoires et que l'amendement n'a vocation qu'à maintenir le niveau global de compensation prévu dans le cadre du contrat conclu entre l'État et La Poste.

Je souhaiterais enfin attirer votre attention sur le projet de fusion entre Atout France et Business France, annoncée par le Premier ministre lors de son discours de politique générale d'octobre dernier. L'ambition du Gouvernement est de réaliser des économies budgétaires, notamment par une mutualisation du réseau international de ces deux opérateurs.

Or les gains qu'est censée générer cette fusion sont aujourd'hui très loin d'être démontrés et nous laissent même présager un résultat inverse. Cette réforme a été visiblement annoncée sans avoir été sérieusement préparée, et sans que les acteurs concernés aient été consultés. J'insiste sur le fait que les missions d'Atout France et de Business France ne se recoupent pas totalement. Atout France dispose d'une compétence « métier », illustrée par son action de développement de l'offre touristique sur le territoire français. Une fusion précipitée des deux opérateurs pourrait conduire à un affaiblissement de cette offre, avec des conséquences négatives en termes de retombées économiques pour le secteur du tourisme.

Par ailleurs, les suppressions d'effectifs au sein d'Atout France qui résulteraient de cette fusion pourraient impliquer des procédures de licenciement et reclassement de certains agents particulièrement coûteux. La fusion des deux opérateurs soulèvera enfin de nombreuses difficultés juridiques induites par la différence de statut entre Atout France, groupement d'intérêt économique (GIE), et Business France, établissement public industriel et commercial (Épic).

Nous sommes donc très sceptiques quant à l'intérêt de cette réforme, dont les contours sont encore flous. D'après nos informations, une étude a été lancée par le Gouvernement pour identifier les différentes traductions possibles de ce rapprochement entre Atout France et Business France. Nous serons particulièrement attentifs à ses conclusions, qui devraient être rendues d'ici début 2025.

En tout état de cause, Thierry Cozic et moi-même souhaitons pouvoir approfondir ce sujet l'an prochain, dans le cadre de nos travaux de contrôle.

En conclusion, nous considérons que le budget de la mission « Économie » pour 2025 n'est, en l'état, pas satisfaisant. Nous serons toutefois favorables à l'adoption des crédits, sous réserve de l'adoption des amendements que nous vous proposons.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Cette présentation laisse apparaître une attention particulière à différents acteurs, qu'il s'agisse des opérateurs publics ou des pôles de compétitivité.

S'agissant de ces derniers, nous constatons qu'ils perdent en visibilité au fil du temps, en raison d'opérations de communication multiples et d'une superposition avec d'autres dispositifs - tels que les Territoires d'industrie - qui rendent la situation complexe et l'évaluation de la valeur ajoutée de l'ensemble malaisée. Alors que nous recommandons aux collectivités locales de rechercher des chefs de file et des regroupements, ceux-ci sont rarement mis en oeuvre, ce qui soulève un problème d'efficacité de la dépense publique.

J'entends la demande visant à rétablir les fonds de ces pôles de compétitivité, mais j'invite les rapporteurs spéciaux à proposer, en séance publique, une vraie mesure d'économie, pour rendre cet amendement acceptable.

Concernant la Poste, j'ai bien conscience de la situation de sous-compensation des missions de service public assurées par le groupe. Le problème ne se limite d'ailleurs pas à la seule mission d'aménagement du territoire, comme les rapporteurs l'ont très justement souligné. Il me semble que ce sujet ne pourra être réglé uniquement par cet amendement de crédits, et doit faire l'objet d'un débat plus large que nous pourrions avoir en séance publique.

Enfin, je suis pleinement favorable à l'amendement proposé pour Mayotte, qui répond à une véritable urgence.

Mme Sylviane Noël, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques sur la mission « Économie ». - La commission des affaires économiques examinera mercredi prochain mon rapport pour avis sur les crédits dédiés au commerce, à la consommation et à l'artisanat de la mission « Économie ». Ayant achevé mes auditions, je peux d'ores et déjà vous communiquer quelques premières conclusions.

D'abord, la DGCCRF : ses dépenses hors titre 2 augmentent en raison du déménagement de l'école de formation des agents. Cette opération spécifique mise de côté, ces crédits hors titre 2 sont en baisse de 3 % par rapport à 2024. Les effectifs sont quant à eux globalement stables. La DGCCRF prend donc sa part à l'effort de réduction des dépenses, proportionnellement au champ large de ses missions.

Au niveau du commerce, l'an dernier, le fonds territorial d'accessibilité prévoyait 300 millions d'euros d'ici à 2028 pour financer les travaux de mise en accessibilité des petits commerces. Ces crédits ne sont pas présents au PLF 2025 en raison du très faible succès de ce fonds, qui s'explique sans doute par un reste à charge trop important pour les entreprises et une faible mobilisation pour l'atteinte des objectifs de mise en accessibilité, en l'absence de sanctions. Sur le principe, je le regrette, mais il est de bonne gestion de ne pas pérenniser un fonds qui ne fonctionne pas.

Concernant l'artisanat, la stratégie nationale des métiers d'art a totalement disparu du PLF 2025, alors que 3,4 millions d'euros de crédits lui étaient dédiés en 2024. Seuls 200 000 euros sont prévus pour la gestion du label « Entreprise du patrimoine vivant » (EPV) par voie de marché public. Avec seulement 200 000 euros, non seulement l'objectif de 2 500 entreprises labellisées en 2025 ne sera pas atteint, mais le marché public risque d'être rompu, exposant l'État à un versement d'indemnités au gestionnaire ainsi qu'à un remboursement des entreprises qui avaient payé une redevance pour l'instruction de leur dossier, pour un montant allant jusqu'à 1 950 euros par entreprise. Ces indemnités et remboursements seront plus onéreux que le rétablissement des crédits nécessaires à la préservation du label, qui s'élèvent à 1,5 million d'euros ! Je proposerai donc un amendement en ce sens.

Un mot, aussi, sur Atout France : sa subvention pour charge de service public est en baisse de près de 13 % et l'avenir de l'opérateur est incertain à la suite de l'annonce de sa fusion avec Business France. Il me semble que la rationalisation des opérateurs est favorable à la bonne gestion des deniers publics, mais j'attends d'en savoir davantage, notamment concernant les modalités de cette fusion puisqu'Atout France est un GIE tandis que Business France est un établissement public. Il est probable que le Parlement soit saisi de cette fusion.

Enfin, je souhaite souligner l'effort de contribution à la réduction de la dépense publique des chambres de métiers et de l'artisanat (CMA) et des chambres de commerce et d'industrie (CCI).

Je proposerai donc un avis favorable à la commission des affaires économiques, avec l'amendement mentionné concernant le label EPV.

M. Christian Redon-Sarrazy, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques sur la mission « Économie ». - Les crédits de l'action 23 « Industrie et services » sont en baisse sensible par rapport au budget 2024, avec une diminution de 11 % en AE et de 13 % CP. En excluant la compensation carbone, qui représente comme les années précédentes plus de trois quarts des crédits de l'action, la baisse est encore plus drastique, avec - 39 %. Dans une période critique pour l'industrie, cette diminution considérable affecte pourtant certains mécanismes de soutien qui se sont avérés efficaces et peu coûteux.

La quasi-totalité des lignes de l'action 23 fléchées vers le soutien à l'industrie sont en baisse ; de plus, la subvention pour charges de service public de Business France diminue de 10 %. On ne peut que s'interroger, de surcroît, sur la suppression du financement de l'activité « fonds de garantie et accompagnement » de Bpifrance, notamment sur le volet de l'accompagnement, qui bénéficie pour moitié à des entreprises industrielles.

L'efficacité du dispositif a en effet été mise en évidence par plusieurs études scientifiques, notamment par rapport à des aides financières du même montant. Surtout, alors que les défaillances d'entreprise sur douze mois sont en hausse de plus de 20 % par rapport à octobre 2023 et que l'horizon semble particulièrement s'assombrir pour les entreprises industrielles, la suppression de la ligne d'accompagnement à la restructuration et à la résilience des PME, qui finançait des prestations d'appui et de conseil dans le cadre de la mission de restructuration des entreprises pilotées par la direction générale des entreprises (DGE), pose question.

En outre, la DGE ne dispose pas des ressources en interne pour assurer ces missions, a fortiori avec le schéma d'emplois négatif qui s'annonce et une diminution de 16 équivalents temps plein (ETP) sur 2025.

En ce qui concerne les pôles de compétitivité, le transfert en 2019 d'une partie des crédits étatiques aux régions et plusieurs années de baisse des engagements de l'État sont à relever. Un financement stable de 9 millions d'euros par an de la part de ce dernier avait été arrêté pour la cinquième phase du programme, qui couvrait la période 2023-2026. Ce montant n'est pas renouvelé dans le PLF 2025, mettant en péril le fonctionnement de certains pôles dont les financements étatiques représentent en moyenne un tiers du budget. Compte tenu de leur importance et du montant modeste de l'enveloppe concernée, qui représente à peine 0,2 % des crédits de la mission, je proposerai à la commission des affaires économiques le maintien de ces crédits en 2025 et en 2026.

Pour ce qui concerne la compensation carbone versée aux industries électro-intensives des secteurs soumis au risque de fuite de carbone, qui représentera un budget initial de 1 milliard d'euros pour la deuxième année consécutive, le coût pour les finances publiques devrait continuer à augmenter à long terme, principalement en raison de l'évolution du prix des quotas carbone et de l'augmentation de la consommation d'électricité dans les secteurs éligibles.

Malgré son coût très important pour les finances publiques, cet outil est pour l'heure indispensable à la compétitivité de l'industrie française, par rapport tant à nos voisins qu'aux États tiers. Il conviendra donc de le maintenir au terme de la révision du dispositif à laquelle procédera la Commission européenne en 2025. L'accent est souvent mis sur sa soutenabilité, d'autant qu'il pourrait être nécessaire, dans un avenir proche, de mettre en place des mécanismes similaires au profit de secteurs industriels situés en aval de ceux qui sont concernés par le mécanisme de la taxe carbone aux frontières de l'Union européenne.

En effet, ces industries en aval se trouveront exposées au risque de fuite de carbone et de pertes de marchés à l'export, ainsi qu'à la concurrence d'États tiers susceptibles de flécher leur production moins carbonée vers l'Europe. Cela pourrait notamment être le cas de la filière automobile, déjà en grande vulnérabilité.

Comme les années précédentes, la commission des affaires économiques remarque que la mission « Économie » ne représente que la portion congrue de la politique industrielle de la France. À l'exclusion de la compensation carbone, la plupart des aides directes ou indirectes à l'industrie passent désormais par le plan France 2030 pour un montant de 54 milliards d'euros, sans commune mesure avec les crédits de la mission. On ne peut que déplorer l'éclatement de ces moyens, qui n'offre pas une visibilité satisfaisante sur la conduite de la politique industrielle française.

On peut en outre s'interroger sur cette répartition qui pourrait laisser penser que la seule industrie digne d'intérêt serait celle des grandes entreprises, à même de répondre aux appels d'offres France 2030, alors même que 70 % des capacités de réindustrialisation se trouvent au niveau de l'industrie déjà implantée sur le territoire français.

Dans le PLF 2025, la seule nouvelle ligne dédiée à l'industrie de la mission « Économie » concerne la décarbonation de l'industrie. Cette ligne, qui a vocation à prendre le relais d'appels à projets auparavant financés via France 2030, n'est cependant dotée que de 50 millions d'euros, bien loin des 50 milliards à 70 milliards d'euros d'investissements et de surcoûts nécessaires au financement de la décarbonation pour la période 2023-2030, selon les calculs du ministère de l'industrie.

Un amendement déposé par l'ancien ministre de l'industrie vise cependant à abonder cette enveloppe à hauteur de 1,5 milliard d'euros afin de donner une visibilité aux porteurs de projets dès à présent et de sécuriser la mise en service de projets à moyen terme. Bien que l'objectif de soutien à la décarbonation de l'industrie soit partagé par la commission des affaires économiques, la méthode consistant à faire plus que doubler, par amendement, le montant total des crédits de la mission consacrée aux politiques industrielles est discutable.

Sous réserve du vote, notamment, de l'amendement concernant les pôles de compétitivité, je proposerai un vote négatif sur le volet de cette mission compte tenu des réductions drastiques qui sont proposées.

M. Sébastien Fagnen, rapporteur pour avis de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable sur la mission « Économie ». - La commission de l'aménagement du territoire et du développement durable a d'ores et déjà examiné l'avis qui vous est présenté.

Il porte sur les deux versants du volet relatif à l'aménagement numérique du territoire, à savoir les infrastructures et l'accompagnement aux politiques dites d'inclusion numérique. Pour ce qui est du plan France Très Haut Débit, notre collègue Frédérique Espagnac a rappelé l'essentiel : nous constatons une baisse drastique des crédits dévolus à ce plan essentiel pour la couverture en fibre optique du territoire national, avec une diminution de près de 280 millions d'euros des crédits inscrits entre 2024 et 2025.

À l'occasion d'une table ronde organisée par notre commission, l'ANCT a eu l'occasion de rappeler ce point, qui fait écho au seul amendement que nous avons émis dans le sillage de notre avis et qui concerne Mayotte. À cet égard, nous rejoignons les rapporteurs spéciaux et défendons un montant similaire, afin que le RIP de Mayotte puisse enfin être mis en oeuvre. L'année dernière, il nous avait en effet été objecté que la copie n'était pas prête : c'est désormais chose faite, il ne manque que les crédits. Il faut pouvoir amorcer la réalisation de ce plan que les Mahorais attendent tout particulièrement.

Nous avons conçu cet avis budgétaire avec, en ligne de mire, l'abandon progressif du réseau cuivre, totalement méconnu de la population, mais aussi des élus locaux. Cela me permet d'aborder la question des raccordements complexes. Si nous pouvons nous satisfaire de l'ouverture de lignes de crédits dédiés, aussi bien sur le domaine public que sur le domaine privé - à hauteur de 16 millions d'euros pour ce dernier -, nous sommes encore loin des sommes estimées par le Conseil général de l'économie (CGE), pour qui les montants nécessaires à une couverture complète du territoire en fibre optique sont compris entre 640 millions d'euros et 1 milliard d'euros.

Je vous ferai grâce de la question de la qualité des raccordements, régulièrement abordée par notre collègue Patrick Chaize. Lors de la table ronde que je mentionnais précédemment, il a néanmoins fait état de signes d'ouverture permettant d'envisager dans les prochaines semaines ou les prochains mois, un examen à l'Assemblée nationale de la proposition de loi adoptée par le Sénat sur ce sujet en 2023. Ce serait un pas en avant considérable.

En ce qui concerne l'inclusion numérique, nous devons être particulièrement vigilants quant à la baisse de crédits pour le dispositif des conseillers numériques France Services, de l'ordre de 14 millions d'euros. En 2023, le gouvernement de l'époque avait pourtant affiché un dispositif financier sur trois ans, afin d'accompagner nos concitoyens sur le chemin de l'inclusion numérique. Malheureusement, cette baisse de crédits se matérialisera probablement par une réduction de 4 000 à 1 500 conseillers numériques, alors que les besoins persistent et se renouvelleront sans cesse du fait de l'évolution des usages numériques.

Nous avons auditionné l'ANCT à ce sujet, ainsi que l'association Emmaüs Connect, particulièrement inquiète pour les communes rurales et les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV). Cette baisse des crédits aura des conséquences importantes, car les collectivités locales ne pourront pas assumer le transfert de charges : il faudra supprimer ces postes récemment créés, alors même que les associations et collectivités qui mettant en oeuvre cette politique s'accordent à dire qu'elle apporte une totale satisfaction.

Malgré cela, nous avons rendu un avis favorable, sous réserve de l'adoption de l'amendement permettant la mise en oeuvre du RIP à Mayotte.

M. Grégory Blanc. - Je partage les remarques de nos rapporteurs, en particulier sur les pôles de compétitivité. Au regard du discours tenu sur la réindustrialisation du pays et alors qu'une série de plans sociaux sont en cours, il serait incompréhensible de fragiliser ces pôles : nous avons au contraire besoin d'acteurs qui nous aident à accompagner la réindustrialisation, sans oublier le fait que les régions ont tendance, parallèlement, à réduire leur soutien. Ainsi, il n'est pas rare de voir ces pôles perdre de 20 % à 25 % de leur financement, ce qui doit nous inquiéter profondément.

Nous voterons donc en faveur de ces amendements, avec un avis qui restera en suspens durant le temps nécessaire pour lever le gage sur l'ensemble de la mission.

M. Jean-Marie Mizzon. - Concernant le rapprochement d'Atout France et de Business France, il me semble avoir appris, chemin faisant, que les fusions des structures n'étaient pas toujours source d'économies, notamment lorsque ces dernières sont publiques. La fusion des régions, de l'aveu même de la chambre régionale des comptes du Grand Est, a été un fiasco en la matière... En l'occurrence, je ne connais pas le statut juridique de ces deux entités, ni l'ampleur des budgets en cause. Il me semble cependant qu'elles remplissent pour partie les mêmes missions.

Mme Frédérique Espagnac, rapporteure spéciale. - Ce n'est pas tout à fait le cas.

M. Jean-Marie Mizzon. - Pourquoi avez-vous ces doutes sur la fusion ? Dans le secteur privé, les fusions permettent de réaliser des économies et fonctionnent en général. Quel est le statut des personnels des deux entités ? Pourquoi l'opération ne permettrait-elle pas des économies ?

Par ailleurs, je regrette que l'on ne s'occupe plus de l'inclusion numérique. Le sujet avait été pris au sérieux à l'occasion du plan de relance, ce qui avait conduit à consacrer 250 millions d'euros à cette politique, qui reste une urgence de tous les instants. Je regrette cette évolution, mais il s'agissait d'un financement par des crédits de circonstance. Il est regrettable que le PLF ne prévoie pas de crédits suffisants, car des millions de personnes ont besoin d'une mise à niveau : sans politique dédiée, elles continueront à vivre le martyre consistant à se retrouver face à un écran sans savoir quoi faire.

Mme Florence Blatrix Contat. - Je remercie les rapporteurs. Nous soutiendrons l'amendement portant sur les pôles de compétitivité, car la moitié des jeunes pousses de la tech qui partent aux États-Unis ne le décident pas seulement pour des raisons fiscales ; ils le font, aussi afin de bénéficier d'un écosystème auquel contribuent lesdits pôles.

Par ailleurs, nous déplorons la diminution de crédits de Business France au moment même où notre commerce extérieur commence à peine à relever la tête, tout comme la baisse des crédits alloués à l'économie sociale et solidaire (ESS).

Enfin, je regrette que la baisse des plafonds de taxes affectées aux CMA et aux CCI soit supérieure à ce qui avait été négocié avec l'État, alors qu'il s'agit d'acteurs essentiels pour les entreprises dans nos territoires.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Je précise que nous avons adopté, lors de l'examen de la première partie en commission, un amendement visant à rétablir les plafonds de taxes affectées aux CCI et CMA, conformément à la trajectoire négociée avec l'État.

M. Thierry Cozic, rapporteur spécial. - Les pôles de compétitivité représentaient une petite partie de la mission et n'avaient pas été identifiés comme un sujet de préoccupation les années précédentes, mais de réelles inquiétudes ont émergé les concernant. Les entreprises qui y participent sont souvent plus viables et durables que les autres, et ces pôles ont démontré leur intérêt. Alors que nous cherchons à réindustrialiser le pays, j'estime que l'adoption de notre amendement enverrait un signal fort.

Mme Frédérique Espagnac, rapporteure spéciale. - Lesdits pôles permettent de créer un emploi pour 7 000 euros, sans oublier leur effet de levier pour les dépenses de R&D.

Par ailleurs, Atout France compte environ 300 salariés de droit privé, tandis que l'effectif de Business France, qui est un Épic, s'établit à 1 500 salariés. En raison de la différence de statuts, nous nous dirigerions vers 300 suppressions de postes, ce qui représenterait 12 à 15 millions d'euros, alors que seuls 5 millions d'euros sont provisionnés du côté d'Atout France à ce jour, d'où nos inquiétudes. En outre, nous pensons que la disparition du budget d'Atout France consacré à la promotion touristique aura des conséquences à moyen et long termes pour nos territoires.

Comme l'a indiqué le rapporteur général, la commission a effectivement proposé le rétablissement du plafond de taxes affectées aux CCI, tout en prévoyant, en contrepartie, un prélèvement de 20 millions d'euros sur leurs fonds de roulement. Cette proposition est conforme à ce qui avait été négocié entre les CCI et l'État, mais cela peut induire, pour les CCI régionales, des difficultés à réaliser des investissements.

Enfin, nous souscrivons naturellement aux propositions avancées par le rapporteur général pour La Poste.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - J'insiste sur le fait qu'il faudra présenter des mesures d'économie pour compenser les propositions coûteuses qui seraient adoptées. Enfin, je le répète, je soutiens la démarche s'agissant du projet de déploiement de la fibre à Mayotte.

M. Thierry Cozic, rapporteur spécial. - Sur le sujet du déploiement du plan France Très Haut Débit à Mayotte, la convention est prête à être signée, mais l'ANCT refuse de s'engager tant que les crédits font défaut.

M. Claude Raynal, président. - Je soumets au vote l'amendement FINC.1, qui concerne ce territoire de Mayotte.

L'amendement FINC.1 est adopté.

M. Thierry Cozic, rapporteur spécial. - Pour tenir compte des remarques formulées par le rapporteur général, nous retirons les amendements FINC.2 et FINC.3 en vue d'en présenter deux autres, retravaillés, en séance.

Les amendements FINC.2 et FINC.3 sont retirés.

La commission décide de proposer au Sénat d'adopter les crédits de la mission « Économie », sous réserve de l'adoption de son amendement.

La commission décide de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits du compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés ».

La réunion est close à 18 h 40.

Jeudi 21 novembre 2024

- Présidence de M. Claude Raynal, président -

La réunion est ouverte à 9 h 05.

Projet de loi de finances pour 2025 - Seconde partie - Examen définitif de l'équilibre, des missions, des budgets annexes, des comptes spéciaux et des articles rattachés

M. Claude Raynal, président. - Mes chers collègues, nous démarrons notre réunion par l'examen définitif de l'équilibre, des missions, des budgets annexes, des comptes spéciaux et des articles rattachés de la seconde partie du projet de loi de finances (PLF) pour 2025.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Nous voici réunis pour la traditionnelle « réunion balai », mais dans des conditions différentes des années précédentes.

En effet, il s'agit habituellement de confronter les votes que notre commission des finances a déjà émis, par anticipation, avec le texte adopté par l'Assemblée nationale, qu'il s'agisse des crédits des missions, des budgets annexes et des comptes spéciaux ou des articles rattachés.

Or, nos collègues députés ont cette fois rejeté la première partie du PLF, le 12 novembre dernier. En conséquence, l'ensemble du texte est considéré comme ayant été rejeté, et c'est le texte du Gouvernement qui a été transmis cette nuit au Sénat, précisément celui sur lequel nos votes ont déjà porté.

Nous n'avons donc pas à nous prononcer sur les modifications adoptées par l'Assemblée nationale. Le déficit budgétaire prévu par le PLF demeure celui qui est inscrit dans le texte initial, à savoir 142,1 milliards d'euros.

Nous pouvons toutefois accueillir encore des amendements sur certains sujets.

Je vous propose ainsi de confirmer définitivement les votes de la commission des finances sur toutes les missions, tous les budgets annexes, tous les comptes spéciaux et les articles rattachés aux missions, ainsi que les amendements qu'elle a adoptés, à l'exception des votes émis pour les missions « Culture », « Direction de l'action du Gouvernement », « Enseignement scolaire », « Médias, livre et industries culturelles », « Audiovisuel public », « Recherche et enseignement supérieur », ainsi que des comptes spéciaux qui s'y rattachent.

La commission confirme définitivement ses votes émis sur toutes les missions, tous les budgets annexes, tous les comptes spéciaux et les articles rattachés aux missions, ainsi que les amendements qu'elle a adoptés, à l'exception des votes émis pour les missions « Culture », « Direction de l'action du Gouvernement », « Enseignement scolaire », « Médias, livre et industries culturelles », « Audiovisuel public », « Recherche et enseignement supérieur », ainsi que des comptes spéciaux qui s'y rattachent.

MISSION « CULTURE »

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Réunie le 13 novembre, la commission des finances a adopté, sans modification, les crédits de la mission.

Je vous propose pour cette mission l'adoption d'un amendement de crédits qui vise à limiter l'accès au pass Culture aux seuls élèves boursiers de l'éducation nationale, soit environ un quart des jeunes scolarisés dans le second cycle de l'enseignement secondaire.

Le pass Culture a fait l'objet de nombreuses évaluations critiques au cours des dernières années, concluant que ce dispositif, du moins pour sa part individuelle, est coûteux et largement inefficace en termes d'ouverture sociale.

M. Jean-Baptiste Olivier. - Si le dispositif est très inefficace, pourquoi le conserver ?

M. Michel Canévet. - Ne faudra-t-il pas remettre en cause une série de politiques menées par l'État si nous voulons effectivement réaliser des économies ? Si la décentralisation a conduit à confier aux collectivités territoriales un certain nombre de compétences, l'État souhaite systématiquement reproduire les dispositifs mis en place par les collectivités territoriales : il faudra faire des choix.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - À ce stade, je ne préconise pas une coupe brutale, même si je propose une réduction très sensible du dispositif. Le pass Culture avait vocation à permettre à des populations sociologiquement éloignées de la culture d'y accéder, et j'ai choisi de conserver cet objectif.

L'amendement FINC.1 est adopté.

La commission décide de proposer au Sénat d'adopter les crédits de la mission « Culture » tels que modifiés par son amendement.

MISSION « DIRECTION DE L'ACTION DU GOUVERNEMENT »

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Réunie le 24 octobre, la commission des finances a adopté les crédits de la mission tels que modifiés par un amendement. Elle a adopté sans modification les crédits du budget annexe.

Le rapporteur spécial vous propose un second amendement de crédits sur cette mission.

M. Christopher Szczurek, rapporteur spécial. - Nous avions fait adopter un amendement de gel des dotations de certaines autorités administratives indépendantes (AAI) à hauteur de 15 millions d'euros. Certains de nos collègues avaient fait remarquer à juste titre qu'il serait de bon ton - même symboliquement - de geler également la dotation de l'Ordre de la Légion d'honneur.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Avis favorable.

L'amendement FINC.2 est adopté.

La commission décide de proposer au Sénat d'adopter les crédits de la mission « Direction de l'action du Gouvernement » tels que modifiés par ses amendements. Elle confirme sa décision de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits du budget annexe.

MISSION « ENSEIGNEMENT SCOLAIRE »

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Réunie le 31 octobre, la commission des finances a adopté les crédits de la mission tels que modifiés par un amendement. Le rapporteur spécial vous propose trois amendements de crédits supplémentaires sur cette mission.

M. Olivier Paccaud, rapporteur spécial. - L'amendement FINC.3 vise à réduire de 20 millions d'euros la subvention de service public au réseau Canopé, dédié à la formation continue des enseignants. Or d'autres opérateurs assument des missions similaires, dont les instituts nationaux supérieurs du professorat et de l'éducation (Inspé) et les écoles académiques de la formation continue (EAFC), un rapport de la Cour des comptes ayant soulevé une problématique d'efficience.

Dès lors, la subvention prévue de 85 millions d'euros semble trop élevée, d'autant plus que le réseau Canopé disposait d'un fonds de roulement d'environ 25 millions d'euros à la fin 2023. Je vous propose donc cette baisse de subvention de 20 millions d'euros, avec en contrepartie une augmentation des crédits alloués à l'Union nationale des maisons familiales rurales (MFR), considérant l'augmentation du nombre d'élèves dans ce réseau. Afin de leur garantir une scolarité dans les meilleures conditions, une hausse de la dotation à hauteur de 12 millions d'euros me semble justifiée.

L'amendement FINC.4 concerne l'Office national d'information sur les enseignements et les professions (Onisep). Je suggère de diminuer sa subvention de 5 millions d'euros sur les 22,7 millions d'euros proposés, car la compétence d'information sur l'orientation a été transmise aux régions depuis 2019. Voilà un parfait exemple de doublon qui doit faire l'objet d'une rationalisation, ainsi que l'avait souligné la Cour des comptes.

Enfin, l'amendement FINC.5 vise à revenir sur la baisse du nombre d'enseignants envisagée par le Gouvernement. Le PLF pour 2025 prévoyait une diminution de 3 815 postes d'enseignants dans le premier degré, ce qui aurait notamment eu des répercussions sur les écoles rurales, déjà très touchées ces dernières années. L'amendement a pour objet de ne supprimer que 1 815 postes dans le premier degré, les 185 postes restants devant l'être dans le second degré.

Le coût de cette mesure s'élève à 74 millions d'euros et pourrait être compensé en prenant sur les crédits du programme 141 « Enseignement scolaire du second degré », destinés au pacte enseignant. En effet, le pacte enseignant, qui était doté de 700 millions d'euros en 2024, doit être doté de 800 millions d'euros dans le cadre du PLF pour 2025, alors que son efficacité est perfectible et qu'il n'a suscité l'adhésion que de 30 % des enseignants. Il me semble préférable d'utiliser une partie de cette enveloppe pour maintenir des postes d'enseignants.

M. Michel Canévet. - Je souscris totalement à la motivation qui anime le rapporteur spécial au sujet de l'orientation : est-il utile que l'État continue à la soutenir de manière très significative, alors même que la compétence a été confiée aux régions ? De plus, l'effort demandé me paraît modeste et pourrait être accentué.

M. Stéphane Sautarel. - Je remercie le rapporteur spécial pour ces amendements, les deux premiers donnant une direction, même symbolique. Je soutiens complètement le troisième amendement relatif à la diminution du nombre de suppressions de postes d'enseignants, car le niveau qui nous était proposé faisait craindre des coupes très brutales, en particulier en milieu rural.

M. Grégory Blanc. - Environ une moitié du réseau des MFR se concentre dans le Maine-et-Loire, en Vendée et en Loire-Atlantique. Je n'ai pas eu de retour particulier sur des difficultés que rencontreraient ces structures, qui effectuent un très bon travail en accueillant des élèves qui ne seraient pas forcément acceptés ailleurs.

M. Olivier Paccaud, rapporteur spécial. - Monsieur Canévet, je suis tout à fait d'accord quant à l'existence d'un doublon en matière d'orientation : à terme, les régions devront totalement assumer cette mission, qui leur a été confiée par la loi.

Monsieur Blanc, les effectifs des MFR progressent de 1 600 élèves sur l'ensemble du territoire. Une légère augmentation du budget est prévue, mais elle ne correspond pas à cette hausse. Plus largement, monsieur Sautarel, une réflexion devrait être engagée sur l'organisation des territoires scolaires ruraux, afin d'étudier une éventuelle refonte des périmètres et de la carte de l'éducation prioritaire.

Les amendements FINC.3, FINC.4 et FINC.5 sont adoptés.

La commission décide de proposer au Sénat d'adopter les crédits de la mission « Enseignement scolaire » tels que modifiés par ses amendements.

MISSIONS « MÉDIAS, LIVRE ET INDUSTRIES CULTURELLES » ET « AUDIOVISUEL PUBLIC »

Compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public »

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Réunie le 30 octobre, la commission des finances a adopté sans modification les crédits des deux missions « Médias, livre et industries culturelles » et « Audiovisuel public ». Nous devrons également nous prononcer sur le compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public », actuellement à zéro euro puisque les crédits dédiés à l'audiovisuel public sont inscrits sur la mission « Audiovisuel public ».

Le rapporteur spécial vous propose tout d'abord un amendement de crédits sur la mission « Médias, livre et industries culturelles ».

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur spécial. - Comme je l'avais indiqué lors de l'examen de la mission le 31 octobre, une part importante de la baisse des crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles » était concentrée sur le fonds de soutien à l'expression radiophonique (FSER). En effet, celui-ci bénéficiait en 2024 de 35 millions d'euros de crédits, ce montant étant étrangement ramené à 25 millions d'euros en 2025.

Le Gouvernement avait déposé à l'Assemblée nationale un amendement visant à abonder ce fonds afin de revenir au niveau de 2024 : si tout porte à croire qu'il va rééditer l'exercice, la confiance n'exclut pas le contrôle et je dépose donc un amendement similaire à celui qui n'a pas pu être examiné à l'Assemblée nationale.

L'amendement FINC.6 est adopté.

La commission décide de proposer au Sénat d'adopter les crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles » tels que modifiés par son amendement.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - L'Assemblée nationale a adopté conforme hier la proposition de loi organique permettant de financer l'audiovisuel public par une imposition affectée en 2025. Je déposerai lundi prochain, sur la première partie du PLF, un amendement rétablissant une fraction de TVA. Ce rétablissement tiendra compte d'un effort supplémentaire demandé à l'audiovisuel public.

Cela aura donc une incidence directe sur la mission « Audiovisuel public » et le compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public ».

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur spécial. - En effet, l'Assemblée nationale a adopté hier, par un vote conforme à celui de notre assemblée, la proposition de loi organique portant réforme du financement de l'audiovisuel public. Le Gouvernement devra en tirer les conséquences en seconde partie en abondant les crédits du compte de concours financiers. Il conviendra ensuite de rejeter les crédits de la mission « Audiovisuel public », qui a vocation à disparaître.

Je vous propose donc de confirmer l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Audiovisuel public » et l'adoption, sans modification, des crédits du compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public », qui est actuellement vide.

La commission confirme sa décision de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission « Audiovisuel public ». Elle propose au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits du compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public ».

MISSION « RECHERCHE ET ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR »

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Réunie le 6 novembre, la commission des finances a adopté les crédits de la mission tels que modifiés par un amendement.

Je vous propose l'adoption d'un second amendement de crédits visant à réduire la trésorerie excédentaire du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) de 100 millions d'euros.

Cet amendement, qui avait déjà été déposé l'année dernière, tire les conséquences d'une revue de dépenses de l'Inspection générale des finances (IGF), qui avait identifié des niveaux de trésorerie excédentaire chez plusieurs opérateurs de l'État.

Les informations transmises à la commission permettent d'identifier des marges de manoeuvre importantes dans la trésorerie du CNRS, qui est de 1,5 milliard d'euros, dont 490 millions d'euros de trésorerie disponible. La ponction proposée de 100 millions d'euros laisse donc une marge suffisante pour que l'activité de recherche du CNRS ne soit pas affectée en 2025.

L'amendement FINC.7 est adopté.

La commission décide de proposer au Sénat d'adopter les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » tels que modifiés par ses amendements.

Projet de loi de finances de fin de gestion pour 2024 - Examen du rapport

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Nous examinons pour la deuxième année un projet de loi de finances de fin de gestion (PLFG) : le texte se limite pour l'essentiel à ajuster les crédits relatifs à l'exercice 2024, sans contenir ni autoriser la présence de mesures fiscales.

Comme pour le projet de loi de finances (PLF) pour 2025, nous sommes placés dans une situation très singulière pour un texte financier, puisque le Sénat doit examiner le texte initial proposé par le Gouvernement et non celui qui a été modifié par l'Assemblée nationale, puisque nos collègues députés l'ont rejeté mardi soir.

Tout d'abord, comme à l'accoutumée, je souhaite vous présenter le scénario macroéconomique retenu par le Gouvernement ainsi que la situation générale des finances publiques en 2024, que j'ai déjà qualifiée devant vous de véritable « sortie de route » budgétaire. Dans un second temps, je me concentrerai sur le budget du seul État, qui est le coeur de ce texte.

Comme lors du dépôt du PLF pour 2025, le Gouvernement anticipe une croissance du PIB de 1,1 % en 2024. Cette estimation se situe 0,3 point en dessous de celle qui a été prévue dans le PLF pour 2024, qui était de 1,4 %. Située pile dans la moyenne des prévisions du Consensus des économistes et parfaitement en ligne avec les principales prévisions « institutionnelles », cette prévision de croissance est donc crédible, d'autant que, selon les dernières données de l'Insee, l'acquis de croissance au troisième trimestre est déjà de 1,1 %. Cela ne veut pas dire que la croissance ne pourra pas au final être inférieure à ce chiffre en cas de récession au quatrième trimestre par exemple. Toutefois, il est prévu, au quatrième trimestre, que les facteurs de croissance compensent le contrecoup des jeux Olympiques qui, lui, freinerait la croissance.

Cependant, ne nous y trompons pas, il n'y a pas matière à donner le moindre satisfecit au gouvernement précédent, dont la prévision, révisée à 1 % au moment du programme de stabilité (PStab) en avril dernier, a finalement été atteinte. En effet, c'est sur la base d'une composition de la croissance complètement différente qu'elle a été faite.

À l'arrivée, la croissance, qui devait être tirée par la consommation, a été essentiellement soutenue par la demande publique et par le commerce extérieur. Cela a un lien direct avec le dérapage du déficit public cette année : sans ces chiffres très dégradés, la croissance n'aurait jamais atteint ce niveau. Je ne crois pas que ce soit la politique économique qu'ait défendue le précédent gouvernement.

En ce qui concerne l'état des finances publiques, il est, nous le savons, très préoccupant, voire catastrophique. Le Gouvernement prévoit pour 2024 un déficit de 6,1 % du PIB, identique à celui qui a été prévu au moment du dépôt du PLF pour 2025. Le déficit, en 2024, serait donc plus élevé qu'en 2023, à un moment où il s'élevait à 5,5 % du PIB, ce qui constituait déjà un niveau inédit hors période de crise.

Par ailleurs, rappelons-le, en 2023, ce déficit de 5,5 % avait été annoncé à 4,9 % en PLFG pour 2023. Ce n'est donc pas parce que nous sommes en fin de gestion que l'estimation est nécessairement exacte. Espérons toutefois ne pas avoir, au début de l'année prochaine, les mêmes mauvaises surprises que cette année. Comme nous ne cessons de le rappeler, l'État porterait l'essentiel du déficit.

Nous l'avons également dit dans le cadre de notre mission d'information sur la dégradation des finances publiques depuis 2023, mais il faut le redire : la principale cause de la dégradation des recettes provient de l'État. La prévision de croissance retenue dans le PLF 2024 était surévaluée : 1,4 % au lieu de 1,1 % réalisé. S'y ajoute une prévision d'élasticité des prélèvements obligatoires à la croissance trop optimiste : de 1,1 au lieu de 0,7. Le cumul de ces deux facteurs a conduit à surestimer les recettes dans le PLF 2024. Au total, les prélèvements obligatoires sont inférieurs de 41,5 milliards à la prévision initiale.

Par ailleurs, les dépenses des collectivités sont supérieures de 13,4 milliards à la prévision initiale, mais il s'agit davantage d'une probable erreur de prévision que d'une dérive des comptes des collectivités. Enfin, les dépenses liées à l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) ont été légèrement plus élevées que prévu.

J'en viens maintenant à la description du budget de l'État. Le déficit budgétaire serait de 163,2 milliards d'euros en 2024, soit une dégradation de 16,3 milliards d'euros par rapport au déficit de 146,9 milliards d'euros prévu par la loi de finances initiale (LFI).

Comme vous le savez, l'année a été marquée par des mouvements de crédits importants. Sur le périmètre du budget général, le 21 février dernier, un décret a annulé 10,1 milliards d'euros. Cette annulation a été plus que compensée par un report de 16,1 milliards d'euros.

Sur ce périmètre, 1,9 milliard d'euros nets sont annulés par le PLFG. Toutefois, le Gouvernement prévoit que tous les crédits restants - quasiment 450 milliards d'euros - ne seront pas consommés ; seuls 438,5 millions d'euros le seraient en dépenses nettes de remboursements et dégrèvements d'État.

En outre, des gels et surgels ont été pratiqués en cours d'année, réduisant la visibilité des gestionnaires de crédits. Un exemple frappant concerne la gendarmerie qui a dû cesser, ou en tout cas reporter temporairement, le paiement de loyers à des collectivités locales et à des bailleurs sociaux en fin d'année. Le paiement des bourses aux étudiants sur critères sociaux est également mis en difficulté. Dans certains ministères, des contrats de personnels n'ont pu être renouvelés, au dernier moment et sans anticipation.

Cette situation n'est pas satisfaisante et, comme je l'ai expliqué avant-hier avec le président Raynal, le gouvernement précédent aurait dû présenter un projet de loi de finances rectificative (PLFR) plutôt que de recourir à de tels expédients de régulation budgétaire.

L'aggravation du déficit, entre les 146,9 milliards d'euros de la LFI et les 163,2 milliards d'euros estimés aujourd'hui, résulte principalement de moins-values en recettes. Les explications données en présentant les grands équilibres du PLF pour 2025, il y a deux semaines, demeurent valables, avec des moindres recettes de 14,3 milliards d'euros d'impôt sur les sociétés (IS) et de 5,3 milliards d'euros d'impôt sur le revenu (IR). La moins-value relative à la TVA s'est quelque peu atténuée depuis l'estimation réalisée en septembre.

L'évolution des dépenses nettes du budget général, en revanche, va dans le sens d'une amélioration du solde prévisionnel de 7,4 milliards d'euros. Je relève une légère amélioration - 1,6 milliard d'euros - par rapport à l'estimation révisée fournie au moment du dépôt du PLF, signe d'un effort particulier afin, notamment, de consommer le moins possible les crédits mis précédemment en réserve.

Au total, le déficit budgétaire demeurerait très supérieur au niveau, pourtant élevé, atteint dans les années 2010, avant une nette décrue, espérons-le, en 2025.

L'évolution des recettes correspond, là encore, à ce que j'ai déjà expliqué il y a deux semaines. Les recettes fiscales nettes sont en diminution de 24,3 milliards d'euros par rapport à l'estimation en LFI. J'avais noté, il y a un an, que l'estimation de l'IS pour 2024 à 72 milliards d'euros était particulièrement élevée et peu documentée. Le bénéfice fiscal était attendu en hausse de 14 % ; celle-ci n'a été que de 1 %. Le produit de la TVA a souffert, car la croissance a davantage reposé sur les exportations, qui ne rapportent pas de TVA. De même, les revenus 2023 se sont avérés atones, ce qui a pesé sur les recettes d'IR.

Les recettes non fiscales sont prévues à un niveau de 23,7 milliards d'euros, en hausse de 1 milliard d'euros par rapport à la LFI. En particulier, les dividendes et recettes assimilées ont bénéficié notamment du reversement de l'excédent du fonds de réserve des retraites des agents de la Banque de France, à hauteur de 800 millions d'euros.

Je souhaite également évoquer les prélèvements sur recettes. Le prélèvement à destination de l'Union européenne (UE) est révisé en hausse de 700 millions d'euros, afin de compenser une baisse du commerce international qui pèse sur les droits de douane. Quant aux prélèvements sur recettes à destination des collectivités territoriales, ils s'établiraient à 44,9 milliards d'euros, en diminution de 100 millions d'euros par rapport à la LFI.

En particulier, le coût du « filet de sécurité », mis en place pour faire face à la croissance des prix de l'énergie, ne coûterait en 2024 que 150 millions d'euros, contre une prévision de 400 millions d'euros. À l'inverse, le prélèvement sur les recettes de l'État au profit du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) serait de 7,2 milliards d'euros, contre une prévision de 7,1 milliards d'euros.

J'en viens désormais aux dépenses. Celles-ci occupent la plus grande partie de mon rapport, car l'objet principal du PLFG est d'assurer les fins de mois ou la fin d'année des ministères. L'an dernier, j'avais qualifié ce texte de riche, voire opulent, en mesures relatives aux crédits. Cette année, on revient à une certaine mesure.

Sur le périmètre des dépenses de l'État, c'est-à-dire hors remboursements et dégrèvements et dépenses liées à la dette, les dépenses sont inférieures en 2024 de 2,7 milliards d'euros à celles de 2023, et de 5,5 milliards d'euros à celles qui sont prévues en LFI. La loi de programmation prévoyait 491 milliards d'euros ; nous sommes à 486,4 milliards d'euros. Il convient de s'en féliciter, mais cet effort n'est ni exagéré ni la marque d'une austérité brutale ; il s'agit d'une réponse, partielle, à l'aggravation de la situation des dépenses publiques et à la chute des recettes.

Ce texte marque un début de rupture par rapport aux années précédentes. C'est la première fois depuis 2019 - et la quatrième fois en treize ans - que les annulations de crédits dépassent les ouvertures dans le collectif budgétaire de fin d'année. Cet effort se voit également dans la liste des missions dont les crédits augmentent ou diminuent. Les ouvertures de crédits les plus importantes concernent les dépenses supplémentaires liées aux jeux Olympiques et Paralympiques, à la situation en Nouvelle-Calédonie, à la dynamique de certaines prestations sociales et au coût des élections législatives anticipées.

La mission « Sécurités », concernée par plusieurs de ces enjeux, bénéficie de la plus importante augmentation de crédits. Au-delà des missions liées à la sécurisation des jeux Olympiques et Paralympiques et à celles de renfort en Nouvelle-Calédonie, ces ouvertures de crédits doivent aussi permettre à la gendarmerie, comme je l'ai évoqué précédemment, de payer ses loyers de fin d'année.

Le surcoût des prestations sociales - l'allocation aux adultes handicapés (AAH) à hauteur de 158,8 millions d'euros, et l'aide universelle d'urgence pour les personnes victimes de violence conjugale à hauteur de 28,8 millions d'euros - justifie les ouvertures de crédits sur la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ». Ces ouvertures sont partiellement compensées par des annulations portant sur les crédits mis en réserve.

S'agissant des missions dont les crédits sont en diminution, la mission « Investir pour la France de 2030 » fait l'objet d'une annulation importante de 1,2 milliard d'euros, justifiée par le lissage de la trésorerie des opérateurs. Cela rejoint l'analyse de notre rapporteur spécial, M. Somon, qui a proposé un amendement en ce sens dans le PLF pour 2025.

La mission « Cohésion des territoires » fait l'objet d'une ouverture de crédits de 250 millions d'euros au titre de la sous-budgétisation de l'hébergement d'urgence, annoncée dans le rapport de notre mission d'information sur la dégradation des finances publiques depuis 2023, publié le 12 juin dernier. Au total, toutefois, les annulations de crédits sont plus importantes au titre des aides personnelles au logement - 300 millions d'euros constituant une aide de guichet - et de la sous-utilisation des crédits de la rénovation des logements privés ; ainsi, près de 60 % des crédits initialement prévus sur cette politique auront été annulés. Enfin, la participation de l'État en 2024 au nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU) est annulée.

Concernant la mission « Engagements financiers de l'État », le reflux de l'inflation permet de réduire la charge de la dette de 537 millions d'euros par rapport à la prévision, mais 140 millions d'euros sont ouverts en raison d'une sinistralité plus importante que prévu sur les prêts garantis par l'État (PGE).

Je ne vais pas détailler toutes les ouvertures et annulations de crédits, décrites dans mon rapport pour chaque mission et compte spécial. Les crédits de nombreuses missions diminuent par annulation de crédits mis en réserve, ou bien les besoins sont moins importants que prévu pour les contributions au compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions ». Ces annulations n'empêchent pas les ministères d'accomplir leurs missions en fin d'année. Pour cette raison, certaines missions ont des crédits globalement en baisse alors qu'elles font l'objet d'ouvertures de crédits significatives pour certains dispositifs. Par exemple, la mission « Défense », comme c'est souvent le cas, reçoit des crédits pour financer des surcoûts opérationnels liés aux opérations extérieures (Opex), aux jeux Olympiques et Paralympiques, au déploiement sur le flanc oriental de l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord (Otan), ainsi que pour les opérations en Nouvelle-Calédonie et l'aide à l'Ukraine.

Je termine habituellement cette présentation en évoquant des augmentations d'emplois ; cette année, le PLFG n'aborde pas cette question, car, pour une fois, le plafond des autorisations d'emploi n'est pas majoré.

Les sept articles du projet de loi se contentent, pour la plupart, de tirer les conséquences des évolutions présentées. Seuls les articles 1er et 2 prévoient des mesures de fond.

L'article 1er réduit de 393,3 millions d'euros le plafond d'affectation à l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afitf) d'une fraction du produit de l'accise sur les carburants, dans le cadre de l'effort de redressement des comptes publics. En revanche, il accroît de 9,1 millions d'euros le plafond d'affectation à Voies navigables de France (VNF) du produit de la redevance hydraulique, afin de tenir compte de la perception tardive, en 2024, de recettes que l'établissement aurait dû encaisser en 2023.

L'article 2 diminue de 50,7 millions d'euros la fraction de TVA attribuée aux organismes d'audiovisuel public pour 2024, conséquence de la réduction des moyens accordés au programme de transformation lancé en 2024. Notre commission avait soulevé des doutes quant à la portée réelle des crédits correspondant à ce plan et à leur effet levier sur la transformation des sociétés.

Au total, d'une part, ce texte tire les conclusions d'une exécution budgétaire troublée par le refus du gouvernement précédent de présenter au printemps un PLFR, qui aurait permis de redresser la barre plus tôt. Des efforts sont réalisés pour contenir la dépense publique, tout en assurant les dépenses nécessaires en fin d'exercice. D'autre part, il ajuste les crédits afin de permettre l'accomplissement des missions en fin d'année, et remplit donc bien la mission de ce type de texte. En conséquence, je vous propose de l'adopter.

Néanmoins, je vous propose un amendement, en forme de protestation durable contre la manière dont le Gouvernement traite le Parlement. Sur l'initiative de notre commission, la loi de finances rectificative (LFR) de décembre 2022 avait prévu d'allouer 50 millions d'euros à l'entretien du réseau routier géré par les collectivités territoriales. Or, en gestion, cette autorisation parlementaire n'a pas été mise en oeuvre. L'année suivante, toujours sur l'initiative de notre commission, la loi de finances de fin de gestion (LFG) a alloué 60 millions d'euros à ce réseau routier local. Hier, j'ai appris que ces crédits ont été annulés ou réorientés. Sachant les besoins importants des collectivités en la matière, je propose désormais une enveloppe de 70 millions d'euros au profit des collectivités qui gèrent des réseaux routiers. Nous verrons bien combien de temps l'exécutif peut se moquer du Parlement.

De la même manière, des crédits supplémentaires avaient été sollicités pour l'entretien des ponts ; ceux-ci ont été bien fléchés et utilisés.

M. Jean-Raymond Hugonet. - Je vous adresse mes remerciements chaleureux. Au cours de votre conférence de presse sur la mission d'information sur la dégradation des finances publiques depuis 2023, et si j'en juge par la réaction de l'ancien ministre de l'économie et des finances et la violence de ses propos - votre rapport serait « truffé de mensonges » -, vous avez parfaitement traduit la colère et l'exaspération qui sont les miennes. Alors que vous m'aviez précédemment mis en garde, monsieur le président, contre la tentation de surjouer notre indignation et d'ajouter de la crise à la crise, je constate avec plaisir que nous exprimons finalement de la même manière notre colère...

M. Marc Laménie. - Merci au rapporteur général de sa présentation pédagogique. Je reviens sur la surestimation des recettes fiscales, à la suite des questions qui ont été posées à l'ancien ministre chargé des comptes publics : elle représente tout de même 5 milliards d'euros pour l'impôt net sur le revenu, puisque nous atteignons 88,1 milliards d'euros dans le PLFG 2024, au lieu des 93,4 milliards d'euros attendus dans la LFI 2024, et jusqu'à 14 milliards d'euros en ce qui concerne l'impôt net sur les sociétés. Comment expliquer un tel écart, quand les autres recettes fiscales nettes et la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) sont restées stables ? Quelle est, du reste, la composition de ces recettes fiscales nettes ?

Mme Florence Blatrix Contat. - Votre rapport dépeint le constat du dérapage de nos finances publiques, avec un déficit passant de 4,4 % à 6,1 % du PIB, ce que vous étayez largement. Une révision crédible des prévisions de croissance et le contrôle des dépenses - ces dernières ayant même connu une diminution de 6 milliards d'euros -, ne l'ont pas empêché en raison de recettes qui ne se sont pas avérées à la hauteur des attentes. Vous évoquez également les ouvertures de crédits qu'ont rendues nécessaires des dépenses supplémentaires liées notamment au coût des élections législatives anticipées, à la situation en Nouvelle-Calédonie, ou encore à l'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques.

Nous partageons certainement tous ce constat d'un dérapage de nos finances publiques. Je crois cependant que le Gouvernement n'en a pas pris la mesure ou qu'il n'a pas voulu agir suffisamment tôt. Nous pensons qu'un PLFR devait intervenir en temps et en heure, afin de prendre acte des difficultés sur les recettes et, éventuellement, en vue de les ajuster et de trouver de nouvelles ressources. Cela n'a pas été fait et cette carence explique la situation dans laquelle nous nous trouvons. Le présent PLFG atteste ainsi d'un manque criant d'anticipation du Gouvernement et de son renoncement à une politique fiscale corrective qui aurait été nécessaire. Nous ne saurions lui donner quitus et nous nous opposerons cette année au PLFG.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Je ne suis pas surpris du soutien de notre collègue Jean-Raymond Hugonet. L'avis était unanime. Je perçois aussi que les Français comprennent ce qui est essentiel dans notre constat, à savoir que personne n'assume totalement la responsabilité d'un lourd héritage. Il faut désormais faire montre de volontarisme pour remédier à la situation.

Monsieur Laménie, je rappelle que le dérapage résulte, pour une part, d'un écart technique et, pour une autre part, d'un optimisme quelque peu excessif sur les prévisions de croissance - chacun restant libre de se forger sa propre opinion sur ce point. En étant légèrement provocateur, je dirai que les ministres se sont efforcés de nous expliquer que s'ils exerçaient bien une influence sur ces prévisions, ils découvraient avec nous certains résultats, en raison d'une étanchéité parfaite entre le politique et les principales directions de l'administration publique centrale. Cela revient à manipuler un peu la vérité.

Quant aux autres recettes fiscales nettes, elles incluent notamment les droits de mutation à titre gratuit (DMTG), qui représentent quelque 20 milliards d'euros, ainsi que le prélèvement de solidarité.

Enfin, je note que Florence Blatrix Contat et moi-même partageons le même constat sur l'exercice budgétaire de 2024, sans cependant que nous aboutissions à la même conclusion pour le vote...

Article 4

L'amendement FINC.1 est adopté.

La commission décide de proposer au Sénat d'adopter le projet de loi de finances de fin de gestion pour 2024, tel que modifié par son amendement.

Projet de loi de finances de fin de gestion pour 2024 - Désignation des candidats pour faire partie de l'éventuelle commission mixte paritaire

La commission soumet au Sénat la nomination de M. Claude Raynal, M. Jean-François Husson, Mme Christine Lavarde, M. Stéphane Sautarel, M. Vincent Delahaye, M. Thierry Cozic et M. Stéphane Fouassin comme membres titulaires, et de M. Jean-Baptiste Olivier, Mme Marie-Carole Ciuntu, M. Jean-Marie Mizzon, Mme Florence Blatrix Contat, M. Pascal Savoldelli, Mme Vanina Paoli-Gagin et Mme Ghislaine Senée comme membres suppléants de l'éventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de finances de fin de gestion pour 2024.

Questions diverses

M. Claude Raynal, président. - Lundi prochain, nous prendrons connaissance des avis du rapporteur général sur les amendements de séance portant sur le projet de loi de finances pour 2025. Plutôt qu'en entendre la longue énumération, nous vous les présenterons récapitulés dans un tableau, ce qui nous permettra de nous concentrer sur ceux qui retiennent davantage que d'autres notre attention. Cette nouvelle procédure est issue de la réflexion collective qui s'est notamment traduite dans les mesures proposées par le groupe de travail conduit par Mme Vermeillet.

La réunion est close à 10 h 00.