Mercredi 20 novembre 2024

- Présidence de M. Jean-François Longeot, président -

La réunion est ouverte à 09 h 30.

Projet de loi de finances pour 2025 - Crédits relatifs aux paysages, à l'eau et à la biodiversité et à l'expertise, à l'information géographique et à la météorologie - Examen du rapport pour avis

M. Jean-François Longeot, président. - Nous entamons ce matin le traditionnel cycle d'examen automnal des avis budgétaires de notre commission, qui s'achèvera la semaine prochaine. Cette séquence budgétaire nous permettra d'examiner huit rapports pour avis, retraçant non seulement les crédits, mais également et surtout les politiques publiques thématiquement liées aux compétences socles de notre commission, à savoir l'aménagement du territoire, les transports et l'environnement.

Les circonstances dans lesquelles notre commission, et plus globalement le Sénat, examine le projet de loi de finances cette année, sont particulières, à double titre. Premièrement, le texte que nous examinons cette année est atypique par rapport aux années précédentes. Le 12 novembre dernier, l'Assemblée nationale a rejeté la première partie du projet de loi de finances. Conformément au cadre organique, la seconde partie du PLF ne peut être mise en discussion dans une Assemblée si la première partie n'a pas été adoptée. Le rejet de la première partie a donc immédiatement mis fin à la discussion à l'Assemblée nationale. Contrairement aux années précédentes, c'est le texte initial déposé par le Gouvernement que nous examinerons en séance publique à partir du lundi 25 novembre prochain pour la première partie, puis du lundi 2 décembre pour la deuxième partie.

Deuxièmement, le contexte budgétaire dans lequel s'inscrit l'examen de ce projet de loi de finances est également particulier en raison de la dégradation marquée de nos finances publiques. Le déficit public devrait atteindre 6,1 % du PIB en 2024. Face à cette situation, afin de rassurer nos partenaires européens concernant notre trajectoire budgétaire, le Gouvernement s'est fixé l'objectif de ramener ce déficit sous la barre des 5 % du PIB dès 2025. Les ressources et les crédits prévus par ce PLF visent à atteindre cet objectif, ce qui conduira à modifier substantiellement les équilibres et les engagements budgétaires qui ont été pris ces dernières années. C'est donc dans ces conditions très singulières que nos rapporteurs pour avis ont travaillé.

Je ne crois pas inutile de rappeler brièvement les règles de la discussion budgétaire et l'esprit des rapports pour avis. Comme vous le savez, l'examen du projet de loi de finances se décompose en deux parties, la première consacrée principalement aux recettes et aux conditions générales de l'équilibre financier et la seconde relative aux dépenses et aux moyens des politiques publiques. C'est au sein de cette partie que les crédits sont regroupés en missions, en programmes et en actions selon la finalité de la dépense, conformément à la nomenclature établie par la LOLF (loi organique relative aux lois de finances). Les missions correspondent aux grandes politiques publiques de l'État, les programmes sont l'unité de l'autorisation parlementaire des dépenses afin de définir le cadre de mise en oeuvre des politiques publiques : ils constituent une enveloppe globale et limitative de crédits, relevant d'un seul ministère. Les programmes regroupent un ensemble cohérent d'actions qui permettent de préciser la destination prévue des crédits et d'améliorer la lisibilité des dépenses budgétaires en fonction de leur finalité.

Les rapports pour avis de notre commission n'ont pas vocation à doublonner les rapports spéciaux. Les commissaires des finances s'inscrivent dans une approche budgétaire, financière et comptable afin d'analyser les crédits des missions budgétaires. Ils s'intéressent à l'ingénierie du projet de loi de finances, en visant l'exhaustivité des mouvements et des crédits. Notre démarche à nous est transversale et thématique : nous sommes plus enclins à interroger la pertinence des politiques publiques climatiques et environnementales, à expertiser la cohérence des trajectoires de décarbonation, à évaluer les stratégies de développement et d'évolution des infrastructures de transport et à porter un regard critique sur les stratégies budgétaires et sectorielles d'adaptation au changement climatique. C'est ainsi que les rapporteurs pour avis concentrent leur travail d'analyse sur la mission « Écologie, développement et mobilité durables » qui regroupe une partie substantielle des crédits affectés aux champs de compétence de notre commission. Les rapporteurs s'intéressent également aux missions « Cohésion des territoires », « Économie » et « Relations avec les collectivités territoriales », supports du financement de stratégies d'aménagement du territoire, mais également à toutes les autres missions susceptibles d'héberger des crédits intéressant notre commission.

Voilà, mes chers collègues, les quelques informations de cadrage dont je voulais vous faire part avant la présentation par Guillaume Chevrollier des crédits relatifs aux paysages, à l'eau et à la biodiversité et à l'expertise, à l'information géographique et à la météorologie.

M. Guillaume Chevrollier, rapporteur pour avis sur les crédits relatifs aux paysages, à l'eau et à la biodiversité et à l'expertise, à l'information géographique et à la météorologie. - Il me revient l'honneur de vous présenter mon rapport pour avis sur les crédits du programme 113 « Paysages, eau et biodiversité » et 159 « Expertise, information géographique et météorologie » de la mission « Écologie, mobilité et développement durables ».

Disons-le d'emblée, l'exercice 2025 marque, pour la première fois depuis dix ans, une rupture dans la trajectoire de progression continue des crédits budgétaires consacrés à la biodiversité. Dans le projet de loi de finances soumis à notre examen, le Gouvernement a fait le choix de mettre à contribution la majorité des opérateurs de l'État pour participer au redressement des comptes publics : la mission Écologie n'échappe pas à cette logique. La stratégie nationale pour la biodiversité 2030 fera ainsi face à un « trou d'air », avec une diminution de moitié des dotations budgétaires consacrées à la mise en oeuvre des mesures prévues.

L'an dernier, nous avions salué le doublement des crédits consacrés à la préservation des espaces naturels et au renforcement de la résilience hydrique, à la suite du « plan eau ». Un examen attentif de l'exécution en 2024, avec les mises en réserve, les gels, les surgels et les annulations de crédits, fait néanmoins ressortir que les opérateurs de la transition écologique n'ont en réalité pas profité de cette ambition inscrite en loi de finances initiale l'année dernière. En d'autres termes, les moyens nouveaux n'ont pas été versés à l'OFB et aux parcs nationaux à la hauteur de l'approbation parlementaire : les dotations versées aux opérateurs sont largement restées virtuelles. Au lieu des 512 millions d'euros de crédits votés au titre du programme 113, seuls 385 millions d'euros ont été attribués, soit à peine 75 % des crédits de paiement autorisés.

Cette mise en perspective conduit à relativiser la réduction en 2025 des moyens budgétaires consacrés à l'eau et à la biodiversité. La rigueur budgétaire a en réalité commencé dès février 2024, alors que nous avions approuvé une ambition budgétaire inédite à la suite de la SNB et du nouveau cadre mondial pour la biodiversité adopté lors de la COP15 à Montréal. Le programme 113 proposé à notre approbation s'élève à 445,6 millions d'euros en CP, soit une baisse de 13 % par rapport au montant inscrit en loi de finances initiale pour 2024... ou une hausse de 15 % par rapport aux montants effectivement décaissés - même si 2025 se caractérisera certainement par des gels et des mises en réserve. Ces écarts entre l'autorisation parlementaire et la réalisation effective en fin d'exercice me conduisent à penser que la prévisibilité budgétaire est préférable à des évolutions erratiques et non anticipées. Les opérateurs que j'ai entendus en audition m'ont tous indiqué qu'il était indispensable de garder un cap cohérent et lisible en faveur de la préservation de la biodiversité : les évolutions budgétaires doivent pouvoir être anticipées, faute de quoi il sera plus difficile d'atteindre les objectifs environnementaux que nous nous sommes assignés. L'inscription dans le temps long est nécessaire pour piloter les politiques de préservation de la biodiversité et renforcer notre résilience hydrique. Plutôt que des doublements de crédits ensuite annulés à bas bruit, il est préférable que les moyens alloués à la transition écologique progressent de façon régulière et soutenable pour les finances publiques.

En valeur absolue, les opérateurs sont globalement épargnés par la trajectoire de restriction budgétaire, avec un maintien des schémas d'emplois, sauf pour les agences de l'eau qui perdent 3 ETPT. Cette situation pourrait néanmoins évoluer, le Gouvernement ayant déposé un amendement à l'Assemblée nationale réduisant de 166 ETPT le plafond d'emplois de la mission, sans que soit connue la ventilation entre programmes. On constate également une augmentation des subventions pour charges de service public, de 15 millions d'euros pour l'OFB, de 1,5 million d'euros pour les parcs nationaux et une stabilisation pour les autres opérateurs. Cette progression est cependant neutralisée par les évolutions de la masse salariale, du fait des mesures décidées au niveau national - protection sociale complémentaire, revalorisation du quasi-statut de l'environnement, hausse du compte d'affection spéciale Pensions - ainsi qu'en raison du glissement vieillesse-technique.

L'essentiel de l'effort budgétaire est ainsi concentré sur les stratégies nationales (biodiversité, aires protégées, etc.) plutôt que sur les opérateurs. La baisse des dotations conduira cependant à des effets de bord, qui priveront les opérateurs de dotations complémentaires : ainsi, au lieu d'une dotation de 39,5 millions d'euros pour la mise en oeuvre de la SNB, l'OFB bénéficiera uniquement d'une augmentation de 10 millions d'euros de sa subvention pour charges de service public.

Deux points de vigilance ont retenu mon attention au cours des huit auditions que j'ai menées. En premier lieu, le relèvement de 175 millions d'euros du plafond de recettes des agences de l'eau n'aura pas lieu en 2025, comme prévu par le « plan eau », mais seulement en 2026. En outre, un amendement du Gouvernement prévoit un prélèvement exceptionnel de 130 millions d'euros dans la trésorerie des agences, sans considérer les restes à payer et les engagements pris pour soutenir les investissements des collectivités, ce qui limitera leur capacité d'intervention à un moment où la résilience hydrique de notre pays doit être prioritaire. Il s'agit d'un détournement du principe selon lequel l'eau paye l'eau, susceptible de générer des retards de paiement, une diminution des acomptes, des tensions sur la trésorerie des agences de l'eau qui limiteront leur capacité à soutenir les collectivités les plus dépendantes des aides. Cette situation est en outre susceptible de conduire à une érosion du consentement à payer des usagers de l'eau qui siègent dans les comités de bassin. De leur côté, les parcs nationaux font face à une saturation croissante de leur dotation budgétaire par leur masse salariale : dix parcs sur onze consacrent entre 80 % et 98 % de leur dotation à la rémunération de leur personnel, ce qui obère leur capacité à investir dans la protection des milieux et à atteindre l'objectif des 10 % du territoire sous protection forte.

Face à cette nouvelle donne budgétaire, les opérateurs devront faire preuve d'agilité et d'inventivité pour renforcer l'efficience de leur action, à travers des mesures de rationalisation et d'économies, pour « faire aussi bien avec moins ». La forte diminution des crédits consacrés à la SNB 2030 conduira ainsi l'OFB à renforcer les mutualisations des fonctions supports avec les parcs nationaux et à augmenter le nombre de projets communs, portés par plusieurs établissements publics. Les parcs nationaux devront quant à eux rechercher plus activement des financements extérieurs, auprès des collectivités territoriales, de l'Union européenne, des acteurs privés et du mécénat. Si 2025 constitue une année de transition budgétaire pour renforcer l'efficacité de l'action environnementale, il faudra que le ministère de la transition écologique soit vigilant afin d'accompagner les opérateurs face aux risques budgétaires et de trésorerie auxquels ils pourraient être confrontés en cours d'année. L'agilité budgétaire des opérateurs ne réglera cependant pas tout : il est illusoire de penser que l'on pourra à terme atteindre nos objectifs environnementaux sans les moyens adéquats. Après le nécessaire effort de réduction du déficit public, les prochains exercices budgétaires devront renouer avec une trajectoire budgétaire plus conforme aux enjeux environnementaux. N'oublions pas que les politiques d'adaptation coûtent bien moins chères que les dépenses de réparation : les épisodes météorologiques extrêmes l'ont dramatiquement montré...

J'en viens désormais aux crédits du programme 159 relatifs à l'expertise, l'information géographique et la météorologie, qui portent les moyens budgétaires et humains pour le Cerema, l'IGN et Météo-France. À titre liminaire, je voudrais insister sur l'importance croissante de ces opérateurs de l'expertise et de la donnée. La décision politique dans un monde qui se complexifie du fait du changement climatique implique de plus en plus de données et de paramètres à suivre - cartographiques, météorologiques et les modélisations qui en découlent. La data est devenue une composante à part entière de la compréhension et de l'élaboration des stratégies d'adaptation face aux changements rapides qui bouleversent nos habitudes et nos certitudes en matière d'aménagement du territoire. Ces données de Météo-France ou de l'IGN sont stratégiques à un double titre : elles permettent d'affiner la compréhension des défis climatiques qui affectent le territoire et d'éviter les phénomènes de mal-adaptation. L'action publique environnementale doit se nourrir de toute l'expertise publique disponible, pour renforcer la résilience des territoires et anticiper les défis auxquels doivent se préparer l'État et les collectivités territoriales.

Rappelons que ces opérateurs ont été confrontés à une évolution structurelle de leur modèle économique, du fait de la mise à disposition gratuite des données publiques en 2021, non compensée financièrement par l'État, alors que dans le même temps les coûts de production, de stockage et de diffusion des données augmentaient. Cet arrêt de la monétisation des données qu'ils produisent a nettement réduit la capacité de ces établissements publics à trouver des ressources extra-budgétaires. En conséquence, ils dépendent plus étroitement de l'évolution de leur subvention pour charges de service public et sont moins en mesure de faire face aux restrictions budgétaires. Ainsi, pour le prochain PLF, l'IGN voit ses moyens réduits de 7 ETPT et fera face à un déficit de financement de 15 millions d'euros des missions statutaires par la subvention pour charges de service public. Météo-France bénéficiera d'une augmentation de 2 millions d'euros de sa subvention, mais elle sera entièrement neutralisée par la hausse des dépenses de personnel du fait des mesures salariales décidées au niveau national. La gratuité des données météorologiques engendre en outre un manque à gagner annuel estimé à 3 millions d'euros.

2025 constituera donc une année charnière pour ces opérateurs qui participent à l'amont de la décision publique, à l'heure où les défis qui touchent à la production de données publiques de qualité et souveraines sont accrus par la révolution de l'intelligence artificielle, qui constituera vraisemblablement un puissant levier de croissance, avec des prévisions plus précises et fiables ainsi que des cartographies plus régulières et approfondies du territoire. Il est regrettable que la soutenabilité des champions français en la matière soit le fait de l'argent public, à travers les dotations budgétaires et les conventionnements avec les directions centrales. La capacité de ces opérateurs à investir dans la recherche et le développement est essentielle pour que la France reste dans la « course à la donnée souveraine ». La participation de l'ensemble des établissements publics à l'effort de redressement des comptes publics est évidemment légitime, mais j'appellerai toutefois le Gouvernement à la vigilance quant à la préservation de notre capacité à disposer d'une expertise et d'une connaissance publique à la hauteur des enjeux environnementaux, indispensable notamment au déploiement du plan national d'adaptation au changement climatique (Pnacc 3).

En résumé, 2025 se caractérisera par un creux dans l'ambition des stratégies environnementales financées par des dotations budgétaires, avec une forte baisse des crédits destinés au déploiement de la SNB et une ponction contre-productive dans la trésorerie des agences de l'eau. L'effort de redressement de nos comptes publics exige cependant un effort de tous les opérateurs pour redresser la trajectoire insoutenable de notre endettement. Les directeurs généraux des structures m'ont indiqué qu'ils feront preuve d'agilité et d'inventivité pour continuer à remplir aussi bien leurs missions et déployer les stratégies environnementales en tentant d'en réduire le moins possible l'ambition. Une fois que nous aurons regagné des marges de manoeuvre budgétaire et une trajectoire de dépenses soutenables par rapport aux recettes, il faudra cependant veiller à ce que les crédits de l'eau, de la biodiversité et de l'expertise soient à la hauteur des défis environnementaux qui sont face à nous.

Pour ces raisons, je vous propose d'émettre un avis favorable aux crédits inscrits aux programmes 113 et 159.

M. Hervé Gillé. - Je suis surpris par le contenu du rapport et par la position qu'il défend. Accepter la situation actuelle, alors que le « plan eau » a défini des objectifs et des stratégies qui concernaient notamment les agences de l'eau, me semble incohérent.
Le rapporteur a souligné, dans ses constats que je partage, qu'un effort sera consenti au niveau de la biodiversité, en particulier sur la protection des aires d'alimentation de captage ; cependant, les opérateurs vont devoir rester en rase campagne s'agissant de la mise en oeuvre de leur propre stratégie : comment peut-on se satisfaire de cette évolution budgétaire ? Ce n'est pas acceptable.

Le douzième programme d'intervention des agences de l'eau souffre de cette consolidation financière à venir ; de plus, aujourd'hui, on ne répond absolument pas aux besoins fixés par les plans pluriannuels d'investissements. Le prélèvement de 130 millions d'euros dans la trésorerie des agences de l'eau est également une aberration si l'on veut conduire une stratégie à court, moyen et long terme. La réponse actuelle, fortement limitée par la crise budgétaire à laquelle nous faisons face, n'est absolument pas satisfaisante eu égard aux priorités. On constate ainsi des attitudes paradoxales : on nous annonce une grande conférence sur l'eau début 2025 mais on ne crée pas les conditions permettant d'accompagner l'ensemble des acteurs à tous les niveaux.

Vous avez tous voté le rapport de la mission d'information La gestion durable de l'eau : l'urgence d'agir pour nos usages, nos territoires et notre environnement et je regrette vivement qu'aucune de ses préconisations et orientations n'ait été reprise. Il est regrettable que la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable ne relaye pas mieux les conclusions des travaux de notre mission d'information. Nous avons conduit, avec Rémy Pointereau, un travail en bonne intelligence en essayant de trouver une forme de consensus sur un sujet délicat et nous y sommes parvenus. Pourtant, les propositions que nous avions formulées ne font l'objet d'aucune traduction dans l'avis budgétaire ou sous forme d'amendement. Par conséquent, à titre personnel, et je pense que ce sera également la position de mon groupe politique, je voterai contre ce rapport qui n'est pas acceptable en l'état.

La problématique de l'eau monte en puissance à tous les niveaux et cela concerne en particulier le secteur industriel ainsi que la problématique des prélèvements. On dit que la protection des aires d'alimentation de captage est urgente et prioritaire, mais nous ne faisons que différer nos réponses. Gouverner, c'est prévoir : face à une crise budgétaire, il est inacceptable de se contenter d'appliquer le rabot budgétaire indistinctement, sans prioriser les sujets consensuels. Cette absence de traduction budgétaire des recommandations de notre rapport d'information est complètement paradoxale et, pour cette raison, je ne peux sincèrement pas voter ce rapport.

M. Jacques Fernique- On a bien compris la tonalité du rapport qui s'inscrit dans la nouvelle donne budgétaire : plusieurs remarques du rapporteur vont en effet dans ce sens. Les politiques de la transition écologique sont particulièrement affectées et il est clair que la trajectoire budgétaire qui se profile n'est pas celle de la planification écologique. Or l'agilité et l'inventivité des acteurs ou des opérateurs ne pourront pas compenser les réductions de moyens. Au-delà des éléments de langage, la réalité est que les crédits de la stratégie nationale de biodiversité sont divisés par deux et on voit mal comment le « plan eau » pourrait atteindre ses objectifs avec un budget réduit.

Le rapport qui vient de nous être présenté ne cache pas ce « creux dans l'ambition », selon l'expression du rapporteur. À mon sens, c'est plus qu'un creux : on s'enfonce dans l'ornière et on patinera sur place. Je pense qu'on ne prend pas la juste mesure du coût de l'inaction qui, dans ces domaines, serait catastrophique.

J'ai eu beau consulter depuis hier soir l'application informatique Demeter qui nous permet de prendre connaissance des amendements proposés par le rapporteur, je n'en ai trouvé aucun. On sait que le débat budgétaire ne s'est pas déroulé dans des conditions normales et donc que le projet de loi de finances qui nous est proposé est une version assez abrupte, qui nécessite à l'évidence - même si on accepte l'idée qu'il faut faire des économies - des ajustements ; or je n'en vois aucun ce matin. Je comprends la posture politique qui conduit à accepter cette rigueur budgétaire, mais je ne crois pas qu'il soit responsable de la part de notre commission du développement durable de renoncer de cette façon à répondre aux défis environnementaux.

Marie-Claude Varaillas. - Je partage entièrement les propos du rapporteur sur le manque de crédits alloués au programme 113 ; cependant, ses prises de position contredisent ses constats. C'est pourquoi je souscris totalement aux remarques de mon collègue Hervé Gillé. Je tiens à alerter sur les difficultés qui s'annoncent, tout particulièrement pour les opérateurs, et le défi du transfert de compétences en matière d'eau et d'assainissement que nous devrons relever avec des agences de l'eau qui vont, une fois de plus, être ponctionnées, cette fois-ci à hauteur de 130 millions d'euros, c'est-à-dire un montant considérable. Par conséquent, nous voterons également contre ce rapport.

M. Guillaume Chevrollier, rapporteur pour avis. - Merci, chers collègues, pour vos observations et votre soutien quant aux constats que je tire des évolutions budgétaires prévisibles à l'heure où nous parlons. L'avis budgétaire permet de présenter une situation en prenant en compte deux principaux éléments de contexte. D'une part, au sein de cette commission, nous partageons des objectifs communs autour d'une stratégie nationale de biodiversité ambitieuse et la nécessité de la mise en oeuvre effective d'un « plan eau » dans nos territoires. D'autre part, nous héritons d'une situation budgétaire exceptionnellement préoccupante.

Le constat, c'est qu'il y a tout de même des moyens qui sont mis sur la table et seront déployés dans les territoires. L'approche est moins ambitieuse que celle de la loi de finances adoptée l'année dernière mais n'oublions pas que les moyens autorisés par le Parlement n'ont pas été intégralement déployés, tant s'en faut. À moyens constants, il faut reconnaître que des investissements significatifs sont consentis. Compte tenu de la situation budgétaire que vous connaissez, je propose en responsabilité l'adoption de ces crédits, même si effectivement il y aura un « trou d'air », avec un coût de l'inaction qui sera, j'en suis fermement convaincu, plus élevé que les mesures d'adaptation, avec des risques de mal-adaptation. Il faudra - et le Gouvernement a indiqué que telle était son intention - à l'issue du budget 2025, redonner une ligne d'horizon au pays, garantir une mise en oeuvre effective des objectifs et redonner de la lisibilité sur la base d'une vraie trajectoire évitant les à-coups. Cette dernière observation vaut tout autant pour les politiques environnementales que pour les politiques liées aux infrastructures : il ne faut pas fonctionner par à-coups ; j'en conviens, mais ce n'est pas à l'échelle d'un seul exercice budgétaire qu'on parviendra à régler tous les problèmes. Aujourd'hui, nous faisons face à une situation budgétaire exceptionnelle, et c'est à l'aune de celle-ci que je motive mon avis favorable à l'adoption des crédits.

M. Jean-François Longeot, président. - Avec mon groupe, je voterai ce rapport. Parmi les objections qui ont été soulevées, une d'entre elles me gêne un peu : on essaie de faire croire que la difficulté serait imputable à la mauvaise volonté de la part de notre commission. Or tel n'est pas du tout le sujet : nous sommes toutes et tous responsables, dans nos diverses fonctions, de la gestion et de la résolution de situation budgétaire problématiques que nous connaissons. De ce point de vue, je trouve que le rapport de notre collègue Guillaume Chevrollier fait preuve d'une très grande honnêteté intellectuelle ; en effet, on pourrait toujours essayer de faire croire qu'on va rajouter des crédits ici ou là, mais on crée des déceptions en disant à celles et ceux qui nous entendent « vous n'avez pas à vous inquiéter, on s'occupe de tout » pour ensuite se heurter à la réalité. Bien entendu, j'aimerais aussi que les moyens augmentent pour faire plus, éviter de ponctionner les agences de l'eau... Cependant, nous avons tous été des élus locaux et nous avons été contraints de faire des choix budgétaires face à un manque de ressources. Ainsi, j'estime que ce rapport de bon sens prend vraiment en compte la situation globale et je l'approuve.

M. Hervé Gillé. - Personnellement, je pense quand même que notre commission devrait défendre certaines positions. On peut très bien avoir des positionnements politiques différenciés en fonction des enjeux : je le comprends parfaitement et nos débats sont toujours marqués du respect mutuel de nos divergences tout en essayant autant que possible de nous accorder sur des stratégies partagées pour faire avancer des sujets importants. Je suis d'avis qu'une commission doit défendre des idées qui peuvent prendre diverses formes, soit des amendements d'appel, soit des amendements qui expriment différentes préférences politiques, tout en promouvant les priorités affichées par la commission. À cet égard, le fait qu'aucun amendement ne soit proposé par le rapport me conduit personnellement à m'interroger. Un comportement budgétairement responsable ne doit pas empêcher de défendre des positions prises par la commission, tout particulièrement sur le sujet de l'eau, éminemment prioritaire, qui monte en puissance sur le territoire national.

M. Jean-François Longeot, président. - J'ai bien compris votre propos mais on peut aussi avoir une position politiquement cohérente avec les orientations de l'institution sénatoriale en prenant en compte ce que nous disent le rapporteur général du budget, au nom de la commission des finances, ainsi que le Président Larcher : cette cohérence me paraît tout aussi logique que la position que vous défendez.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits des programmes « Paysages, eau et biodiversité » et « Expertise, information géographique et météorologie ».

Projet de loi de finances pour 2025 - Crédits relatifs aux crédits relatifs aux transports ferroviaires, fluviaux et maritimes. - Examen du rapport pour avis

M. Philippe Tabarot, rapporteur pour avis sur les crédits relatifs aux transports ferroviaires, fluviaux et maritimes. - En préambule, je tiens à saluer mon collègue Olivier Jacquin, rapporteur pour avis sur les transports routiers. Nous avons mené plusieurs auditions de concert et nous vous présenterons des amendements communs. Je remercie également Franck Dhersin et Jacques Fernique pour leur présence lors des auditions préparatoires.

Je suis heureux de vous présenter les principales orientations de mon rapport pour avis sur les crédits relatifs aux transports ferroviaires, fluviaux et maritimes du PLF pour 2025.

Je souhaite en premier lieu aborder la question cruciale du financement des infrastructures de transports. Sur ce point, ma philosophie est claire : les transports sont pris dans un mouvement de tenaille intenable. D'un côté, la pression fiscale s'accroît : contribution exceptionnelle sur les bénéfices des grandes entreprises, contribution exceptionnelle sur le résultat d'exploitation des grandes entreprises de transport maritime, hausse souhaitée par le Gouvernement du tarif de solidarité sur les billets d'avion... La situation dégradée des finances publiques oblige, je le regrette, à faire preuve de créativité budgétaire. De l'autre côté, alors que ces recettes sont assises sur le secteur des transports, elles ne sont pas fléchées vers leur financement. Pire encore, un mouvement de « fuite des recettes » s'annonce. J'en veux pour preuve la diminution de 700 millions d'euros d'affectation de la TICPE à l'Agence de financement des infrastructures de France (Afit France) dans le PLF pour 2025 par rapport au PLF pour 2024. L'agence a d'ailleurs déjà subi une baisse de près de 400 millions d'euros de fiscalité affectée en cours d'année par rapport à ce qui était prévu en loi de finances initiale pour 2024, alors que nous nous réjouissions il y a un an du montant de son budget, qui devait être de 4,6 milliards d'euros. Pour 2025, le PLF prévoit un montant de recettes totales de 3,7 milliards d'euros. Un tel niveau correspond au scénario de « cadrage budgétaire » décrit par le Conseil d'orientation des infrastructures (COI), et non au scénario de « planification écologique », qui est pourtant la feuille de route du Gouvernement en la matière. Ce mouvement de ciseau, entre hausse de la pression fiscale et désaffectation des recettes, est, à long terme, contradictoire avec la nécessité d'assurer le report modal et la décarbonation des mobilités. Je vous propose donc un amendement, signé également par Olivier Jacquin, tendant à limiter la diminution du montant de TICPE affecté à l'Afit France, en fléchant 350 millions d'euros supplémentaires vers le budget de l'agence par rapport aux prévisions qui figurent dans le PLF pour 2025. Concernant également l'Afit France, il me paraît indispensable, si le Gouvernement dépose de nouveau un amendement sur le tarif de solidarité sur les billets d'avion, qu'une partie des recettes ainsi dégagées soit fléchée vers l'agence. Celle-ci est d'ailleurs d'ores et déjà destinataire d'une fraction de cette taxe.

De telles corrections ne suffiront malheureusement pas à renverser complètement la situation, ce qui me paraît impossible vu la situation dégradée de nos finances publiques. Si 2025 peut faire figure « d'année blanche » compte tenu du contexte budgétaire contraint, elle doit rester une exception. Je vous rappelle à ce propos que le ministre chargé des transports a annoncé devant notre commission que se tiendrait début 2025 une conférence nationale sur le financement des mobilités. Cet événement doit permettre de dégager de nouvelles recettes durables affectées en faveur des infrastructures de transport. Je pense en particulier aux recettes issues du marché carbone européen (SEQE-UE) assises notamment sur le secteur des transports et, à plus long terme, à une part du produit des péages autoroutiers à la fin des concessions d'autoroutes en cours. Cette conférence devra permettre de préciser l'origine, la ventilation et le rythme d'engagement des 100 milliards d'euros de crédits du « Plan de nouvelle donne ferroviaire » présenté par Élisabeth Borne, alors Première ministre, en février 2023.

J'en viens maintenant aux autorités organisatrices de la mobilité (AOM), qui assurent le financement des transports du quotidien et des transports régionaux. Elles n'ont actuellement pas les moyens de faire face au mur d'investissements nécessaires pour déployer les services express régionaux métropolitains (Serm). D'ailleurs, au cours de l'examen de la loi Serm, la commission n'avait pas manqué de s'inquiéter de l'absence de garantie sur le financement de leurs dépenses d'investissement et de fonctionnement. C'est la raison pour laquelle nous avions introduit dans le texte le principe de l'organisation d'une conférence nationale de financement sur les Serm, qui se fait attendre. J'estime donc impératif de tenir au plus vite cette conférence, qui aurait dû avoir lieu avant le 30 juin dernier. Les régions, qui sont AOM pour les transports ferroviaires régionaux conventionnés, seront particulièrement impliquées dans ces projets de Serm. Or, elles ne disposent d'aucune ressource dédiée pour exercer leur compétence mobilité, ce qui les contraint à la mettre en oeuvre sur leur dotation générale de fonctionnement.

Face à ce double constat, je vous propose deux amendements, communs avec mon collègue rapporteur pour avis Olivier Jacquin, afin, en premier lieu, d'augmenter le taux plafond de versement mobilité (VM) de 0,2 point à destination des AOM qui ont obtenu la labellisation d'un projet de Serm et, en second lieu, de créer une part régionale de VM à hauteur de 0,2 point pour permettre aux régions de participer au financement des Serm et faire face à la hausse des péages ferroviaires. Ces deux évolutions seraient conditionnées à une consultation des organisations des employeurs et ne concerneraient que les entreprises de plus de 50 salariés. Elles seraient en outre liées à une hausse significative de l'offre de service : il ne s'agit pas de demander aux entreprises de financer la gratuité des transports publics. Ces dispositifs participeraient également d'une logique d'équité territoriale, puisque les AOM d'Île-de-France ont obtenu de pouvoir augmenter le taux de VM perçu afin d'assurer le financement du Grand-Paris-Express.

Je soutiendrai également deux amendements que vous présentera mon collègue rapporteur Olivier Jacquin. Le premier vise à assouplir les conditions requises pour lever le VM au profit des AOM situées en zone peu dense en leur permettant de prélever le VM pour l'organisation d'un panel de services de transport plus large que les transports collectifs réguliers, prenant en compte le transport à la demande et les mobilités partagées et actives. Le second tend à allouer aux communes et groupements de communes exerçant la compétence voirie une fraction égale à un douzième du produit prévisionnel de la taxe sur les infrastructures de longue distance. Cela devait représenter environ 50 millions d'euros.

En outre, l'exonération fiscale et sociale du bénéfice de la prise en charge par l'employeur du coût de l'abonnement de transport en commun de ses employés pour la fraction qui excède son obligation légale (50 %) arrive à terme. Afin que les salariés du secteur privé puissent bénéficier de ce niveau de prise en charge, au même titre que les salariés du secteur public, je vous propose, de concert avec Olivier Jacquin, de prolonger ce dispositif incitatif. Ce ne serait qu'une possibilité ouverte à l'employeur, non une obligation.

J'en arrive à la question spécifique du transport ferroviaire. Le réseau devrait bénéficier de financements pour sa régénération et sa modernisation à hauteur de 3,3 milliards d'euros en 2025. Cependant, les investissements en faveur de la régénération du réseau ne permettront pas de renverser la poursuite de son vieillissement. Quant à ceux en faveur de sa modernisation, ils sont encore trop limités, que ce soit pour déployer le système de gestion du trafic européen (dit ERTMS) ou la commande centralisée du réseau (CCR). Sans financements nouveaux, SNCF Réseau n'achèvera en effet la mise en place de la CCR qu'en 2070. Il existe aujourd'hui un consensus sur le fait qu'environ 1,5 milliard d'euros supplémentaires sont nécessaires a minima pour régénérer et moderniser le réseau. La révision du contrat de performance entre SNCF Réseau et l'État pourrait être donc l'occasion de définir une nouvelle trajectoire d'investissements en faveur du réseau, rompant avec le scénario actuel qui, en l'état, va conduire à un vieillissement du réseau entraînant une baisse de performance et une chute du trafic incompatibles avec l'objectif d'augmentation de la part modale du transport ferroviaire. Dans le cas contraire, comme l'a mis en avant l'Autorité de régulation des transports, SNCF Réseau entrerait dans une spirale négative de paupérisation, liée à la diminution du trafic et donc de ses recettes. Alors que les péages ferroviaires, déjà les plus élevés d'Europe, ne pourront représenter qu'une partie des moyens du gestionnaire d'infrastructure, dégager de nouvelles recettes en faveur du réseau est un impératif. Nous en revenons toujours à cette question ! Les entreprises de transport ferroviaire subissent en effet une augmentation des péages ferroviaires versés au gestionnaire d'infrastructure. Les redevances versées à SNCF Réseau devraient ainsi augmenter de 6 % entre 2024 et 2025 pour le transport ferroviaire conventionné. Pour le TGV, cette hausse est de 2,5 %. Ces hausses prévues en 2025 s'inscrivent dans une dynamique durable. Or, cette situation fragilise le processus d'ouverture à la concurrence du secteur, car elle grève la rentabilité des services. En outre, nous voyons poindre une nouvelle difficulté. Dans un contexte de péages ferroviaires élevés, les nouveaux entrants se positionnent uniquement sur les marchés à haut potentiel. Or, SNCF Voyageurs assure des dessertes de TGV rentables, mais également des dessertes déficitaires, entre lesquelles existe une forme de péréquation. C'est une forme de délégation de service public qui n'en porte pas le nom. Il y a donc un risque de dégradation du service sur les lignes les moins rentables puisque SNCF Voyageurs sera concurrencé sur les segments rentables et seul sur les segments déficitaires. En clair, on privatiserait les profits et on socialiserait les pertes. Afin de prévenir une telle situation qui serait inacceptable, il me paraît donc opportun d'étudier les pistes suivantes : moduler les péages ferroviaires en fonction de la rentabilité des sillons ou attribuer les sillons par lots comprenant des dessertes plus ou moins rentables. La commission devrait d'ailleurs consacrer prochainement une table ronde pour dresser un bilan d'étape sur l'ouverture à la concurrence du transport ferroviaire, afin, notamment, d'étudier cette question.

Ce processus est d'ailleurs supervisé par un régulateur indépendant, l'Autorité de régulation des transports (ART). Je crains que sa dotation de fonctionnement, de 15 millions d'euros, puisse l'empêcher d'assumer convenablement l'ensemble de ses missions. Je souhaite donc alerter le Gouvernement sur cette situation.

La question du fret ferroviaire ne peut être éludée. L'année 2023 a été marquée par des difficultés conjoncturelles prononcées (grèves liées à la réforme des retraites, effondrement du tunnel de la Maurienne), une chute de 17 % du trafic et, malheureusement, une forme de report modal inversé vers le transport routier. Si l'année 2024 devrait cependant amorcer un début de retour à la normale, l'atteinte de l'objectif d'un doublement de la part modale du fret ferroviaire introduit par la loi « Climat et résilience » du 22 août 2021 d'ici 2030 n'est pas encore en vue. J'accueille donc avec satisfaction le passage de l'aide à l'exploitation des services de wagons isolés de 70 millions d'euros en 2024 à 100 millions d'euros en 2025. Cependant, je regrette que cette hausse ait été pour partie faite au détriment de l'aide au démarrage de nouveaux services, dont le montant diminue de 16 millions d'euros en 2025. Je ne peux que prendre acte du déploiement du plan de discontinuité de fret SNCF. Sur ce dossier, cette solution était la « moins mauvaise », compte tenu du risque de faillite de l'entreprise dans l'hypothèse d'une absence d'accord avec la Commission européenne. La faillite, cela implique aussi le licenciement de 5 000 cheminots ; le plan de discontinuité préserve l'emploi et ne prévoit que le transfert de 500 cheminots vers SNCF Voyageurs. Toutes les parties prenantes le savent. Je suis donc quelque peu contrarié de voir ce sujet instrumentalisé dans le dialogue social par certains syndicats afin d'obtenir des concessions salariales avant Noël. Il va peut-être falloir reprendre l'examen de certaines propositions de loi sénatoriales déposées sur l'exercice du droit de grève dans les transports... Demain on peut entrevoir que certains syndicats appellent une « grève d'échauffement » qui coûtera 20 millions d'euros à la SNCF.

J'en viens à présent au transport fluvial et maritime. Tout d'abord, les jeux Olympiques et Paralympiques ont mis en valeur le fort potentiel environnemental du transport fluvial : par-delà la cérémonie d'ouverture de juillet dernier qui a marqué les esprits, le recours au transport fluvial pendant les chantiers olympiques a permis d'éviter la circulation de près de 50 000 camions. Or la transition écologique de la flotte fluviale est un vrai défi financier, qu'il s'agisse des dépenses liées au déploiement de bornes électriques ou du coût particulièrement élevé des bateaux « zéro émission ». Nous veillerons à ce que ces sujets soient au coeur de la stratégie nationale fluviale, lancée par le précédent Gouvernement en février 2024 et attendue pour le début de l'année prochaine.

Autre sujet de préoccupation : le financement des investissements de Voies navigables de France (VNF) en faveur du réseau fluvial, dont le Conseil d'orientation des infrastructures (COI) avait pointé la dégradation préoccupante liée à des décennies de sous-investissements. À ce titre, la baisse significative des fonds de concours de l'Afit France dédiés à l'entretien et au développement du réseau fluvial interroge, tant les besoins sont considérables : le ministre en a convenu lors de son audition. Nous devrons donc être attentifs à ce que la conférence nationale sur le financement des mobilités, annoncée pour 2025, aborde cette question.

S'agissant de l'ambitieux chantier de la modernisation du réseau fluvial dans lequel VNF s'est engagé, dans la mesure où les gains de productivité attendus de l'automatisation de certains ouvrages ne produiront pas leurs effets avant quelques années, le Contrat d'objectifs et de performance (COP) conclu entre l'opérateur et l'État pour la période 2020-2029 (et révisé en décembre 2023) prévoit une stabilisation du plafond d'emplois de VNF jusqu'en 2026. Je m'en étais félicité devant vous il y a un an, car cette mesure intervient après plusieurs années de réductions d'effectifs particulièrement sévères, avec - 15 % en dix ans. Cette pause de la baisse des ETP est non seulement bienvenue pour aider VNF à mener de front ses différentes missions ; mais aussi nécessaire pour un climat social apaisé dans l'établissement.

Compte tenu de ces enjeux, je veux croire que l'accord conclu l'année dernière entre VNF et l'État ne sera pas remis en cause dans le contexte budgétaire complexe que nous connaissons...

S'agissant des ports maritimes, nous devrons veiller à deux sujets majeurs dans le cadre de la conférence de financement qui s'annonce. Le premier porte sur les enjeux d'attractivité des ports français. J'ai évoqué, lors de l'audition du ministre Durovray, la décision récente de grands armateurs de fret de ne plus desservir Marseille et Le Havre avec leurs porte-conteneurs géants, ce qui soulève des inquiétudes au regard des objectifs ambitieux fixés par la Stratégie nationale portuaire de 2021 en termes de gains de part de marché. La conférence de financement devra aborder les questions relatives à la fiabilité des infrastructures portuaires, au renforcement de leur dimension logistique et intermodale et à leur interconnexion avec l'arrière-pays, qui sont autant d'éléments de leur attractivité. D'autre part, s'agissant des défis du financement de la décarbonation des ports, le règlement européen sur le déploiement d'une infrastructure pour carburants alternatifs « Afir » de septembre 2023, que j'ai évoqué à l'occasion du précédent PLF, suppose le déploiement de 42 branchements électriques à quai d'ici 2030 dans cinq grands ports maritimes. Les branchements réalisés ou programmés à ce jour ont mobilisé ou mobiliseront pour une large part des crédits du Plan de relance et des financements dans le cadre des CPER 2023-2027. Il faudra encore trouver des financements pour huit branchements complémentaires entre 2028 et 2030, nous serons attentifs à cette question.

J'en viens, pour finir, au transport maritime. Les crédits inscrits dans le PLF pour 2025 traduisent tout d'abord une contraction des mécanismes de soutien à l'emploi maritime. D'une part, la prise en charge des cotisations salariales pour les entreprises d'armement maritime, mise en place en 2022 pour trois ans, s'interrompt à la fin de cette année, conformément au calendrier annoncé. D'autre part, comme le prévoit l'article 7 du PLFSS, les exonérations de charges patronales seront désormais réservées aux entreprises de transport de passagers, comme c'était le cas avant la loi « Leroy » de 2016. Ces mesures s'inscrivent, nous ne le savons que trop, dans un contexte budgétaire sur lequel je ne reviendrai pas. Je déplore toutefois qu'elles interviennent à un moment où les armateurs, confrontés comme nous le savons à une intense concurrence internationale, font face à d'importantes pressions sur les coûts, en raison notamment du poids financier de la transition écologique du secteur. J'ai plus particulièrement été alerté sur les risques que font courir ces dispositions au pavillon français dans les secteurs des navires câbliers, qui ont un rôle majeur en termes de souveraineté, et des navires dédiés aux énergies marines renouvelables (EMR), marché émergent et prometteur pour les entreprises françaises. J'ai du reste, à titre personnel, cosigné un amendement au PLFSS pour étendre l'exonération des charges patronales à ces deux catégories d'armateurs, pour lesquelles les enjeux de compétitivité sont particulièrement sensibles.

Ensuite, l'article 12 du PLF institue une contribution exceptionnelle dont seront redevables, au cours de deux exercices, certaines entreprises de transport maritime qui bénéficient du régime de taxation au tonnage. Je rappelle que le seuil élevé de chiffre d'affaires, 1 milliard d'euros, défini par l'article 12 cible, de fait, le groupe CMA-CGM, fleuron français du secteur. Je tiens sur ce point à exprimer deux convictions fortes. D'une part, la participation des entreprises de transport maritime à l'effort de redressement des comptes publics ne pose pas de difficulté particulière, mais cette contribution doit rester exceptionnelle et ne doit pas fragiliser nos armateurs sur le marché mondial qui est particulièrement concurrentiel. D'autre part, cette contribution exceptionnelle ne doit pas être le prétexte à une remise en cause de la taxe au tonnage, qui est un élément décisif de la protection du pavillon français : ce dispositif a été mis en place en 2003 pour que nos armateurs relèvent du même régime fiscal que 86 % de la flotte mondiale. Or la taxe au tonnage a fait l'objet, dans le débat politique des derniers mois, de propositions qui me paraissent pour le moins contestables, voire risquées. Je suggère donc que notre commission ait une position ferme sur ce point.

Pour terminer, je vous proposerai d'émettre un avis favorable sur les crédits relatifs aux transports ferroviaires, fluviaux et maritimes.

M. Jean-François Longeot, président. - Merci pour cet exposé.

M. Hervé Maurey, rapporteur spécial de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » sur les programmes « Infrastructures et services de transports » et « Affaires maritimes, pêche et aquaculture ». - Je me réjouis de me retrouver parmi vous. Philippe Tabarot a présenté hier en commission des finances les grandes lignes de son rapport de ce matin et je tiens à dire que nous sommes tout à fait en phase sur les conclusions que l'on peut tirer des crédits qui nous sont proposés. Comme vous le savez, le budget pour 2025 est très contraint parce qu'il a été élaboré dans des délais très courts par le Gouvernement et qu'il y a une impérieuse nécessité de redresser la situation des finances publiques : malheureusement et logiquement, le budget transport et mobilité n'échappe pas à cet impératif.

La commission des finances rejoint ce qui a été dit par votre rapporteur. Ainsi, l'Afit France, cette année, pourra simplement honorer les « coups partis » l'année dernière mais ne pourra pas engager de nouvelles actions, ce qui soulève de vraies questions, notamment pour les CPER. En effet, l'État s'était engagé à apporter 9 milliards aux CPER, mais on ne voit pas bien comment cela pourrait se faire. À cela s'ajoutera, on le voit bien, le fait que les collectivités, au premier rang desquelles les régions, seront elles-mêmes très certainement amenées à faire tout autant d'efforts financiers, sinon plus. On peut donc se poser des questions, pour ne pas dire s'inquiéter, sur l'avenir des CPER.

Les crédits du programme 203 qui portent, pour simplifier, sur l'entretien, sont censés assurer la continuité du service public ; cependant, comme ils sont maintenus sans prise en compte de l'inflation, on peut là aussi s'interroger. En revanche, les crédits consacrés à la régénération des réseaux ne sont pas gelés : c'est la moindre des choses, compte tenu de l'état calamiteux - et je pèse mes mots - de nos infrastructures routières ou, pire encore, ferroviaires. Comme l'a rappelé votre rapporteur, le président de l'ART n'hésite pas à évoquer un risque de paupérisation et je rappelle souvent que c'est quasiment un miracle qu'il n'y ait eu qu'un seul accident de type Brétigny-sur-Orge dans l'histoire du ferroviaire, tellement l'état du réseau est inquiétant.

Plus généralement, je rejoins toutes les possibilités évoquées par le rapporteur sur la nécessité de dégager des moyens supplémentaires. Je rappelle que la commission des finances et son rapporteur général déposeront un amendement visant à affecter une partie des crédits carbone à l'Afit France. Cet amendement avait été adopté par le Sénat l'année dernière mais n'avait pas résisté à l'application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution.

De plus, pour ma part, j'ai l'intention de reprendre des amendements relatifs à l'amélioration du versement mobilité avec en particulier la possibilité - que nous avions adoptée lors de la discussion de la loi d'orientation des mobilités (LOM)- pour les AOM en milieu rural de mettre en place un versement mobilité à taux réduit ; en effet, il est évident que donner aux intercommunalités la compétence mobilité sans leur donner les moyens de l'exercer ne sert pas à grand-chose et c'est d'ailleurs pour cette raison que le Sénat n'avait pas pu accepter que la commission mixte paritaire conclusive sur la LOM soit conclusive.

Enfin, puisque Philippe Tabarot a eu la gentillesse de rappeler mes récentes propositions, je pense que, s'agissant de la régénération des infrastructures, il faudra envisager de nouvelles solutions ; par exemple nous avons proposé qu'à terme, quand on mettra en place de nouvelles concessions avec les sociétés d'autoroutes, il faudra qu'une partie des recettes de péages soit affectée à la régénération de l'ensemble des réseaux routiers et ferroviaires.

M. Jacques Fernique- Entre la conférence de financement des mobilités et la conférence sur les Serm, il y a de quoi organiser de très longs débats et remplir nos réunions plénières. Le constat a été fait et, s'agissant du fameux plan d'avenir pour les transports, le temps passe vite mais les données concrètes, significatives et structurantes n'ont pas véritablement évolué. L'Autorité de régulation des transports (ART) a bien défini la problématique, en rappelant, le scénario tendanciel - qui se caractériserait par la paupérisation et le délabrement du réseau et des conditions de trafic - et le scénario de transition écologique. En ce qui concerne le ferroviaire, nous ne sommes plus tout à fait dans le scénario tendanciel tel qu'il apparaissait en 2023 : des progrès parfois intéressants ont été accomplis mais nous sommes encore loin de la trajectoire souhaitable. C'est pourquoi il est nécessaire que ces conférences débouchent sur des résultats tangibles et ne se limitent pas à des éléments de langage, pour ne pas dire que l'on procrastine.

Si j'ai bien compris, le projet de loi de finances qui nous est proposé aurait pour conséquence des pertes en autorisations d'engagement d'environ 373 millions d'euros pour les infrastructures ferroviaires, de 201 millions d'euros pour le réseau routier et de 130 millions d'euros pour les infrastructures de transport collectif en Île-de-France. Pour le fret ferroviaire, le compte n'y est pas non plus tout à fait en raison de l'inflation.

Les propositions qui sont faites dans les amendements sur le versement mobilité (VM) prévoient un léger déplafonnement de 0,2 % mais cette proposition est nettement en deçà des demandes d'équité portées par le Groupement des autorités responsables de transport (Gart) au regard du dispositif applicable en Île-de-France. Je me pose également une question : à supposer que l'on vote un tel amendement de déplafonnement, même de 0,2 %, les perspectives et les conditions sont-elles véritablement réunies pour qu'il soit définitivement adopté, y compris dans la phase sénatoriale de discussion de ce PLF ?

S'agissant de la taxe au tonnage, le sujet est un peu technique et compliqué, mais il s'agit quand même substantiellement d'une niche fiscale très importante. Je rappelle qu'à l'initiative du député Philippe Brun, l'Assemblée nationale a voté le plafonnement de celle-ci à 500 millions d'euros et, personnellement, je ne suis pas d'accord avec notre rapporteur qui estime qu'il ne faut pas toucher à cette niche fiscale.

M. Alexandre Basquin. - J'évoquerai les amendements proposés en commençant par dire que nous y souscrivons. En effet, ce sont des premiers pas qui vont dans le bon sens, en matière de TICPE, de versement mobilité et de prolongement du dispositif incitatif à la prime de transport. J'approuve particulièrement votre proposition de fléchage du versement mobilité sur le transport à la demande et la mobilité partagée car cela ne peut que favoriser notamment les zones rurales ; nous y sommes très sensibles.

En revanche, sur l'ensemble du rapport ainsi que votre avis favorable à l'adoption des crédits, nous avons, comme vous le savez, des divergences de fond ; nous nous opposerons à ce budget car nous considérons que le transport est une part importante et structurante de l'aménagement du territoire national et qu'il ne peut souffrir d'aucune coupe budgétaire.

Enfin, j'ai apprécié votre phrase « on privatise les profits et on socialise les pertes » : cela ne manque pas de sel.

M. Philippe Tabarot, rapporteur pour avis. - C'était dédicacé...

M. Hervé Gillé. - Je note que ce rapport, comparé à celui de l'année dernière, comporte des propositions et il est assorti d'amendements visant à améliorer la situation.

Je voudrais faire un pas de côté pour remettre en perspective une problématique majeure qu'on rencontre aujourd'hui sur ces sujets, à savoir un manque de transparence, un manque de qualité de reporting et une grande difficulté à nous permettre réellement de nous situer sur le cadencement des projets, leur niveau de réalisation et surtout les dérapages contractuels et conventionnels. C'est notamment une des problématiques majeures de l'Afit France : on n'y voit pas clair parce qu'un certain nombre de conventions sont signées et engagées mais, ensuite, il y a des positions de retrait en raison des retards qui sont pris. Par conséquent, certains engagements prévus ne sont pas nécessairement respectés. La qualité du reporting - à mon humble niveau, en tous cas - est largement insuffisante. Elle l'est plus généralement à tous les autres niveaux : quand on y regarde d'un peu plus près, sur SNCF, réseau ou autres, on constate vraiment un manque .de transparence qui nous empêche d'avoir une vision claire et objective de la situation. Je voulais vraiment le souligner car, si on veut avancer dans les années à venir, il faut améliorer ce niveau de transparence et cette qualité de reporting.

S'agissant de l'évolution du VM de + 0,2 %, c'est effectivement une bonne proposition, même si elle est insuffisante. Je voudrais tout de même m'assurer qu'il n'y aura pas d'ambiguïté, à savoir que les produits affectés seront bien dédiés au transport du quotidien et ne seront pas affectés d'une quelconque façon au niveau des grandes infrastructures : c'est un élément très important.

Je souligne par ailleurs un manque : je n'ai pas beaucoup entendu d'analyse du contrat de performance ni de mise en perspective de ce qu'il devrait être. Ce contrat est-il mis de côté ou pas ? C'est tout de même un document qui est théoriquement d'une importance majeure et sur lequel il serait politiquement souhaitable qu'on porte un regard très attentif.

Compte tenu de l'exposé et des propositions d'amendement qui ont été faites, nous allons nous abstenir sur votre rapport.

M. Philippe Tabarot, rapporteur pour avis. - Je tiens d'abord à remercier mes collègues pour leurs interventions. Je confirme au rapporteur Hervé Maurey que nous sommes totalement en phase et je me réjouis qu'on puisse avancer sur les mêmes sujets : nous avons des combats communs à mener par la suite et nous essayons de nous y préparer dans cette année difficile que l'on peut qualifier d'« année blanche ».

Pour répondre à Jacques Fernique, je crois très fort - et peut-être pour la première fois - à cette conférence de financement. Nous l'avons souhaitée tous ensemble pour les Serm ; je l'ai indiqué au ministre chargé des transports devant vous lors d'une précédente réunion et il a repris cette idée à son compte en l'élargissant à l'ensemble du transport, ce qui me convient très bien - si tant est que nous ne revendiquons pas de « droit d'auteur » sur cette conférence. On a constaté que sur Île-de-France Mobilités, une telle initiative avait plutôt bien fonctionné puisqu'elle a déclenché tous les financements qui sont venus accompagner les projets.

Entre l'Île-de-France et les autres territoires, il y a un vrai besoin d'équité mais il faut également reconnaître qu'on ne peut pas comparer le nombre et l'importance des infrastructures livrées dans le cadre du Grand Paris avec d'autres projets.

J'aimerais qu'à terme on puisse, en vue de cette conférence, travailler tous ensemble pour préparer - d'ici février 2025 - des éléments plus en rapport avec les projets des AOM. Il serait à mon sens judicieux de différencier le versement mobilité en fonction de l'importance des projets qui sont menés par les agglomérations. Par exemple, les projets portant sur des bus ou des cars, des transports en site propre, des tramways ou métros méritent tous, à des degrés divers, un VM supplémentaire. Encore faut-il que, juridiquement, on puisse mettre en oeuvre un tel dispositif, mais ce sont des exemples de propositions qu'on pourrait porter à la conférence. D'autres propositions ont été évoquées, notamment par Hervé Maurey et Jean-François Husson : il est ainsi inadmissible que les transports ne bénéficient pas de retour sur les quotas carbone ; c'est indispensable et c'est une demande conjointe que nous devons formuler en permanence à chaque PLF ainsi qu'à chaque conférence. Une part des recettes issues du marché carbone est allouée au logement, ce dont on doit se féliciter, mais il est essentiel qu'une part revienne également aux transports. C'est pourquoi je pense que cette conférence présente un véritable intérêt : il ne s'agit pas de se laisser mener en bateau et, si tel devait être le cas, nous ferons front commun pour porter un certain nombre de sujets.

La question du fléchage des taxes est également pertinente dans le cadre de ces conférences et c'est un sujet que nous abordons souvent avec Louis Nègre. On peut estimer à environ 50 à 60 milliards l'ensemble des taxes dans le domaine des transports, mais nous n'en retrouvons même pas 20 % voire moins de 15 % : ce n'est pas normal. Bien sûr, il y a d'autres secteurs dans le pays qui ne produisent pas de richesses et qui ont besoin de la solidarité nationale, mais la situation actuelle est excessive. Une éventuelle taxe d'un milliard d'euros est proposée sur l'aérien sans qu'il ne soit rien indiqué sur son fléchage. Il me paraît juste, si cette taxe est maintenue, que la moitié de son produit puisse revenir au secteur du transport, à la fois dans le budget de l'Afit France, pour le routier et le ferroviaire ; et pour la décarbonation du transport aérien, notamment pour accompagner les efforts déployés pour fabriquer des carburants alternatifs. On ne peut pas retirer à l'Afit France 700 millions de TICPE - qui sont un produit de taxation sur les transports - de manière aussi brusque et c'est ce qui motive un de mes amendements.

Il ne s'agit pas de créer cette année de dépenses nouvelles en dépit de besoins avérés. Je rappelle que nous avons porté ensemble des amendements - avec, par exemple, 300 millions d'euros de plus pour les petites lignes il y a plusieurs années ou 100 millions d'euros de plus l'an dernier pour la modernisation du réseau - et je pense qu'il est indispensable de poursuivre ces efforts, mais nous sommes soumis à un cadre général de rigueur budgétaire. En revanche, il ne faut pas enlever encore plus de ressources censées être fléchées sur les transports : tel est le message que j'ai voulu faire passer à travers ce rapport pour avis.

La question du fonctionnement de l'Afit France est également financière. Pour faire des économies, on pense à fusionner un certain nombre d'organismes et j'ai entendu parler de la fusion possible de l'Afit France avec le Conseil d'orientation des infrastructures. Or je rappelle que l'Afit France remplit ses missions avec 4,5 équivalents temps plein. Les marges de manoeuvre restent donc limitées, d'autant qu'ils font très bien leur travail pour porter les projets dont le montant - moins de 4 milliards d'euros - est malheureusement inférieur à celui que nous aurions souhaité. En tous cas, lorsque les AOM jouent le jeu, les conventions suivent. Cependant, les restrictions budgétaires risquent d'avoir deux principales conséquences : d'une part, les conventions signées seront probablement respectées mais il n'y aura sans doute pas de nouvelles conventions ni de nouveaux projets. D'autre part, il y aura vraisemblablement un lissage des CPER pendant quelques mois, voire quelques années si les crédits venaient à ne pas augmenter suffisamment pendant les prochaines années.

Par ailleurs, je n'avais pas envie de faire porter le financement des mobilités sur les entreprises mais je n'ai pas trouvé d'autre solution que de déplafonner le versement mobilité car c'est la seule recette directement fléchée sur les transports et elle ne pourra pas être ponctionnée pour d'autres usages. Je sais qu'une augmentation de 0,2 % n'est peut-être pas suffisante mais, en tout cas, c'est une première avancée. De plus, il était injuste que les régions ne bénéficient pas d'une part de VM alors qu'on sait combien leur coûtent le transport ferroviaire et l'augmentation des péages. Notre commission joue pleinement son rôle.

Enfin, je n'aime pas entendre dire que la taxe au tonnage est une niche fiscale alors qu'elle concerne 86 % de la flotte mondiale. Souhaitez-vous que le pavillon français perde des parts de marché, que des armateurs français partent à l'étranger et qu'on ne défende CMA-CGM qui est une fierté nationale et va prendre part à l'effort national en étant lourdement taxé ? Notre pays doit, au contraire, être fier d'abriter un des plus grands groupes mondiaux de transport maritime et j'ajoute que 59 autres armateurs ne pourraient plus survivre sans la taxe au tonnage.

M. Jacques Fernique. - Je fais observer que la proposition d'amendement qui nous vient de l'Assemblée nationale vise à plafonner l'avantage possible dégagé par la taxe au tonnage en le limitant à 500 millions d'euros.

M. Philippe Tabarot, rapporteur pour avis. - À vouloir embêter la CMA-CGM, vous allez tuer 59 autres entreprises françaises et mettre en péril les installations portuaires.

M. Jacques Fernique. - Rappelez-vous ce que les mêmes nous disaient il y a deux ans et ce qui est fait cette année.

M. Jean-François Longeot, président. - Je rappelle que la CMA-CGM va indubitablement participer à l'effort de rigueur budgétaire. Je relève ici une manie terrible qui consiste à ne jamais s'occuper de ce qui ne marche pas mais de s'en prendre systématiquement à ce qui fonctionne bien.

M. Hervé Maurey. - Juste un mot sur le contrat de performance qui a été évoqué : nous l'avions qualifié de « mort-né » dès le départ ; le Gouvernement et la SNCF sont censés nous en présenter un nouveau, mais cela prend du temps puisque les déclarations les plus récentes du ministre indiquent que nous n'aurons rien avant le mois de juin prochain. Il faut donc faire preuve de patience.

Après l'article 31

M. Philippe Tabarot, rapporteur pour avis. - S'agissant de l'amendement n°  I-582, alors même qu'elles ont le statut d'autorité organisatrice de la mobilité régionale, les régions ne disposent d'aucune ressource dédiée pour exercer leur compétence mobilité, ce qui les conduit à s'appuyer sur leur dotation générale de fonctionnement. En outre, elles font face à une forte hausse des péages ferroviaires versés au gestionnaire d'infrastructure, qui réduit d'autant plus leurs capacités financières. En l'état actuel des choses, les régions ne sont donc pas en mesure de faire face au mur d'investissements nécessaires pour renforcer l'offre de TER, d'une part, et pour déployer les services express régionaux métropolitains (Serm) prévus par la loi n° 2023-1269 du 27 décembre 2023, d'autre part. Dès lors, cet amendement propose de créer un versement mobilité régional (VMR), dont le plafond serait fixé à 0,2 point, afin de permettre aux régions de contribuer plus amplement aux politiques en faveur la décarbonation des transports et du report modal et de disposer de ressources pérennes pour ce faire. Les régions devront indiquer dans leur délibération les services de mobilité mis en place ou prévus qui justifient le taux du versement.

Les entreprises de moins de 51 salariés sont exclues du champ de ce versement mobilité régional afin d'éviter qu'il ne pénalise les petites entreprises. L'amendement prévoit également que le comité des partenaires, qui doit être institué par les AOM et qui rassemble notamment des représentants des organisations professionnelles d'employeurs et des représentants des organisations syndicales de salariés, sera consulté avant toute instauration ou évolution de ce versement.

On sait que les entreprises n'adorent pas le versement en mobilité ; ce qu'elles aiment encore moins, c'est de constater qu'il n'y a pas d'offre de transport pertinente : nous proposons à cet égard la labellisation des Serm. De plus, nous précisons que les entreprises aient leur mot à dire, non pas sur le taux utilisé, mais sur les choix qui peuvent être faits, par exemple en matière de desserte de zone industrielle, à travers le comité des partenaires.

L'amendement n° I-582 est adopté.

M. Philippe Tabarot, rapporteur pour avis. - Je vais présenter brièvement l'amendement n°  I-583 car nous en avons largement débattu. Cet amendement vise à rehausser le taux plafond de versement mobilité (VM) de 0,2 point à destination des AOM qui ont obtenu la labellisation d'un projet de Serm ; je rappelle qu'il y a aujourd'hui 24 projets labellisés en France et d'autres sont sur le point de l'être.

Pour éviter une augmentation trop importante du versement mobilité, j'ai d'abord souhaité que ce rehaussement soit une possibilité offerte aux AOM et non pas une obligation. D'autre part, je propose que seules les entreprises de plus de 51 salariés soient concernées par cette possibilité de déplafonnement et que les petites entreprises de 11 à 50 salariés soient exclues du champ de cette majoration. Ces dernières continueront à payer le versement mobilité existant.

L'amendement prévoit également que le comité des partenaires institué par les AOM, qui rassemble notamment des représentants des organisations professionnelles d'employeurs et des représentants des organisations syndicales de salariés, sera consulté avant toute instauration de cette majoration.

L'amendement n° I-583 est adopté.

Après l'article 12 

M. Philippe Tabarot, rapporteur pour avis. - L'amendement n°  I-584 concerne le renouvellement pour l'année 2025 d'une mesure que nous avons déjà votée : je sais qu'elle fonctionne même si ce n'est pas parfait et je souhaite introduire les mesures nécessaires pour l'évaluer concrètement.

À l'initiative du Sénat, la LFR pour 2022 a mis en place une incitation pour les employeurs à porter de 50 % à 75 %, sur la base du volontariat, la prise en charge des abonnements de transport public de leurs salariés, mais ce dispositif arrive à échéance à la fin de l'année 2024. Cet amendement propose donc de le prolonger d'un an. Cette mesure permettrait aussi de placer les salariés du secteur privé et de la fonction publique sur un pied d'égalité. En effet, depuis le 1er septembre 2023, la prise en charge des titres de transport des salariés de la fonction publique est fixée de façon pérenne à 75 %.

L'amendement n° I-584 est adopté.

M. Pierre Jean Rochette. - Il faut absolument que nous fassions remonter une hérésie dans le fonctionnement du VM : les entreprises Seveso, qui sont en général de grosses contributrices au VM, ne peuvent pas disposer d'arrêts de transport public dans leur environnement géographique. On les fait payer mais elles ne peuvent pas bénéficier du service : c'est réglementairement impossible. Je pense qu'il faut garder ce point à l'esprit car à chaque fois qu'on modifie les règles, ces entreprises nous font remonter cette problématique.

M. Philippe Tabarot, rapporteur pour avis. - Je suis bien conscient de cette situation ; n'hésitez pas à nous transmettre tous ces éléments au moment de la conférence de financement. Je mentionne un cas de figure similaire : une installation Seveso, qui contribue au VM, se situe à proximité d'une infrastructure ferroviaire actuellement non exploitée entre Saint-Auban et Digne. Il est n'actuellement pas possible de rouvrir la ligne pour cette raison.

Article 33

M. Philippe Tabarot, rapporteur pour avis. - L'amendement n°  I-585 vise à diviser par deux la baisse d'affectation de TICPE à l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afit France) en 2025 prévue par le projet de loi de finances, par rapport au niveau qui figurait en loi de finances initiale pour 2024. Le financement des infrastructures de transport répondant à une logique de temps long, il est en effet nécessaire d'éviter une baisse trop brutale des moyens de l'Afit France.

L'agence a déjà subi une diminution de près de 400 millions d'euros de fiscalité affectée en cours d'année par rapport à ce qui était prévu en loi de finances pour 2024. Pour 2025, ses recettes sont évaluées à 3,7 milliards d'euros, soit 900 millions d'euros de moins que ce qui était prévu par la loi de finances initiale pour 2024. Cet affaissement des moyens de l'Afit France s'explique principalement par une chute d'environ 700 millions d'euros du montant de TICPE affecté à l'agence pour 2025. Or, cette recette est assise en grande partie sur le secteur des transports. Cette désaffectation constitue donc une fuite des impôts payés par ce secteur vers le budget général de l'État. Ce mouvement de désaffectation de recettes est contradictoire avec la nécessité de renforcer le report modal et d'assurer la décarbonation des mobilités. La trajectoire de financement de l'Afit France pour 2025 s'inscrit en effet pour l'instant dans le scénario de « cadrage budgétaire » décrit par le Conseil d'orientation des infrastructures (COI), et non dans le scénario de « planification écologique », qui est pourtant la feuille de route du Gouvernement sur ce sujet. En particulier, le sous-investissement en faveur du transport ferroviaire engendre une « dette grise » insoutenable à long terme et pourrait plonger le réseau dans une spirale de « paupérisation » pointée par l'Autorité de régulation des transports.

Cet amendement vise donc à limiter la baisse de recettes de l'Afit France en revenant sur la moitié de la baisse d'affectation de TICPE à l'agence pour 2025. Cette sécurisation a minima des recettes de l'agence reste cependant encore en deçà des besoins de financement en faveur des infrastructures. Si cet amendement permet d'atténuer cette insuffisance, 2025 fera bien figure « d'année blanche » compte tenu du contexte budgétaire. Elle doit donc constituer une exception.

Je précise que cet amendement prend en compte celui qui a été déposé par mon collègue Olivier Jacquin et moi-même : il prévoit d'affecter aux communes 50 millions d'euros de taxe sur l'exploitation des infrastructures de transport de longue distance, qui sont actuellement intégralement affectés à l'Afit France. Par conséquent, il propose de revenir sur les 400 millions d'euros de diminution d'affectation de recettes à l'Afit France et aurait pour résultat de limiter cette baisse à 350 millions d'euros en 2025 par rapport aux prévisions figurant dans le PLF initial. Il s'agit concrètement de flécher 50 millions d'euros pour les communes, en particulier pour entretenir la voirie communale. Je souligne qu'il ne s'agit pas d'une demande de crédits supplémentaires, mais de prévoir qu'on nous prive d'un montant moindre de recettes habituellement affectées aux transports.

L'amendement n° I-585 est adopté.

Après l'article 12 

M. Olivier Jacquin, rapporteur pour avis. - Je précise que le chemin est particulièrement difficile cette année pour élaborer notre rapport pour avis, tenaillés que nous sommes entre la très forte contrainte budgétaire et des convictions qui doivent être confirmées, même en cette année particulière. C'est pourquoi les quelques amendements que je vais vous présenter aujourd'hui sont, à mon sens, extrêmement sobres et respectueux de cette ligne de conduite. Plusieurs de ces propositions sont faites en accord avec Philippe Tabarot.

Je vous présenterai mon rapport pour avis sur les transports routiers la semaine prochaine mais le délai limite auquel sont soumis les amendements de première partie m'impose de vous soumettre d'ores et déjà mes amendements portant sur cette première partie du budget. Enfin, s'agissant de mon propos préalable, et comme l'a précisé Philippe Tabarot, vous avez entendu l'annonce des conférences de financement sur les infrastructures et les Serm : ce sera l'occasion de corriger le nouveau pacte ferroviaire ainsi que la loi d'orientation des mobilités.

L'amendement n°  I-586, présenté conjointement avec Philippe Tabarot, est tout à fait cohérent avec l'amendement précédent n° I-585. Il vise à maintenir l'allocation d'une partie du produit de la taxe sur l'exploitation d'infrastructures de transport de longue distance aux communes et à leur groupement exerçant la compétence voirie. Je rappelle que cette taxe a été instituée en LFI pour 2024 afin de sécuriser le financement des infrastructures de transport. Son produit, évalué à 600 millions d'euros, devait être intégralement versé à l'Afit France. Lors de l'examen de ce texte, le Sénat avait introduit, à l'initiative de sa commission des finances, une disposition visant à allouer aux communes dès 2024 et groupements de communes exerçant la compétence voirie ainsi qu'aux départements une fraction égale à un douzième du produit prévisionnel de cette taxe. Cela devait représenter, respectivement, 50 millions d'euros pour ces deux catégories de collectivités.

L'article 21 du projet de loi de finances pour 2025 vise à revenir sur cette mesure pour rétablir le principe d'une allocation intégrale du produit de cette taxe à l'Afit France. Or les communes font face à de lourdes dépenses pour assurer l'entretien de leur réseau routier. Il est donc essentiel de prendre des mesures pour orienter ces investissements vers le réseau routier, à l'abri des aléas budgétaires. C'est pourquoi cet amendement propose de maintenir l'allocation d'une partie du produit de cette taxe, à hauteur de 50 millions d'euros, aux communes exerçant la compétence voirie. Néanmoins, afin de ne pas réduire les recettes prévisionnelles de l'Afit France en 2025, nous proposons, par l'amendement n° I-585 qui vient d'être présenté, de rehausser de 50 millions d'euros le plafond de TICPE affecté à cette agence l'année prochaine.

M. Hervé Gillé. - Cet amendement, en liaison avec le précédent, va dans le bon sens, mais je voulais souligner une interrogation majeure qui subsiste pour les départements : ils se demandent pourquoi ils ne pourraient pas bénéficier également d'une partie de la TICPE compte tenu des engagements qu'ils remplissent. J'ajoute que les départements contractualisent souvent avec les communes et surtout avec les communautés de communes sur des fonds d'accompagnement au développement des voiries communautaires. Il est donc regrettable qu'ils soient un peu les oubliés du dispositif d'accès à ces ressources.

M. Philippe Tabarot, rapporteur pour avis. - Cela rejoint un débat plus général dont nous allons bientôt connaître le résultat. J'ai cru comprendre que les départements, qui semblaient a priori les grandes victimes de ce projet de loi de finances, devraient s'en sortir beaucoup mieux que prévu et ce ne seront peut-être pas les collectivités les plus à plaindre. Sous réserve des différents amendements déposés et des débats que nous aurons dans l'hémicycle, la question du financement des routes eu égard à la compétence départementale dans ce domaine pourra être abordée lors de la conférence de financement en début d'année 2025.

Ceci dit, l'initiative de la proposition prévoyant 50 millions d'euros en faveur des communes revient à Olivier Jacquin : je l'ai suivie, car il me semblait logique de faire un geste en faveur des plus petites communes dans le cadre du fléchage que nous avons évoqué. En résumé, je pense que les départements s'en sortiront mieux que prévu et, de plus, la conférence de financement de février pourra peut-être prévoir des recettes dédiées à l'entretien des routes départementales.

M. Olivier Jacquin, rapporteur pour avis. - J'avais initialement proposé de rétablir la disposition en faveur des départements ainsi que des communes : cependant, pour les raisons qui viennent d'être mentionnées, la proposition ne concerne finalement que ces dernières.

L'amendement n° I-586 est adopté.

Après l'article 12

M. Olivier Jacquin, rapporteur pour avis. - L'amendement n°  I-587, également présenté en commun avec Philippe Tabarot, vise à assouplir les conditions auxquelles sont soumises les AOM pour lever le versement mobilité (VM) afin d'en faciliter le recours dans les espaces peu denses.

Pour rappel, la possibilité de lever le VM est aujourd'hui conditionnée à l'organisation de services réguliers de transport public de personnes. Or, la mise en place de tels services est rarement pertinente en zone peu dense, le nombre de voyageurs n'y étant généralement pas suffisant pour assurer la rentabilité de l'offre. Cette situation place de nombreuses AOM situées en zone rurale dans l'impossibilité de disposer de ressources pérennes pour financer des projets de mobilité. Cet amendement vise donc à permettre aux AOM de prélever le VM pour l'organisation d'un panel de services de transport plus large que les transports collectifs réguliers, en prenant en compte le transport à la demande ainsi que les mobilités partagées et actives.

L'amendement n° I-587 est adopté.

M. Olivier Jacquin, rapporteur pour avis. - Merci à nouveau pour votre confiance. Je tenais beaucoup à cet amendement qui corrige une injustice de la loi d'orientation des mobilités.

Après l'article 9

M. Olivier Jacquin, rapporteur pour avis. - L'amendement DEVDUR.9 que je propose vise à généraliser la possibilité pour les régions de mettre en place une écocontribution sur le transport de marchandises, dite « écotaxe poids lourds ». Pour rappel, cette possibilité est conditionnée par la loi « Climat et résilience » au fait de subir des reports de trafic imputables à l'instauration d'une telle taxe sur un territoire voisin. Compte tenu, d'une part, de l'impact du trafic de poids lourd sur l'environnement et sur l'état du réseau, et d'autre part des besoins massifs liés à l'entretien du réseau routier qui seront amplifiés par le changement climatique, il me semble opportun d'aller plus loin en permettant à chaque région, sur la base du volontariat - et j'insiste sur ce point - d'instaurer une écotaxe poids lourds, comme l'ont entrepris la Collectivité européenne d'Alsace et surtout la région Grand Est qui va ainsi générer un modèle économique efficace permettant de financer la route ainsi que le ferroviaire.

M. Philippe Tabarot, rapporteur pour avis. - Je souhaite préciser à mes collègues que contrairement aux amendements précédents, je ne partage pas l'avis d'Olivier Jacquin sur celui-là et nous nous en sommes expliqués. La question de l'écotaxe a été abordée lors de la discussion sur la loi « Climat et résilience » : nous avions souhaité offrir cette possibilité uniquement aux territoires frontaliers avec d'autres pays étrangers qui mettaient en place une telle taxe. Je tiens également à saluer le travail remarquable effectué à l'époque par Jean-Claude Anglars en tant que rapporteur sur la mise en place de cette possibilité pour la Collectivité européenne d'Alsace. J'ajoute que certains territoires se sont déjà saisis de la possibilité offerte par la loi « Climat et résilience » : il en va ainsi de la région Grand Est.

Compte tenu de ces éléments, tout en saluant les efforts de la région Grand Est, je ne souhaite pas que nous votions cet amendement ; l'ensemble des recettes susceptibles d'être perçues au titre de l'écotaxe alimenteraient un budget annexe qui serait ensuite dédié à des investissements alloués aux autres modes de transport et cette caractéristique correspond bien au mécanisme de fléchage que j'ai évoqué. Cependant, je pense qu'il serait prématuré d'adopter de nouvelles dispositions sans attendre le bilan de l'efficacité du dispositif mis en place dans le Grand Est. Je rappelle aussi que nous continuons à payer les portiques qui ont été installés il y a quelques années pour assurer la mise en place de l'écotaxe à laquelle l'ancienne ministre Ségolène Royal a ensuite renoncé.

Je ne suis pas, par principe, fermé à cette possibilité et c'est pourquoi nous l'avons incluse dans la loi « Climat et résilience » mais sous certaines conditions, notamment pour les régions frontalières. Cependant, je sais qu'elle produit des effets de bord et que son périmètre pourrait donc s'agrandir : c'est un vrai sujet à soumettre à la conférence de financement de 2025. Pour l'instant, je ne voterai pas cet amendement qui me semble prématuré.

M. Jean-François Longeot, président. - Je partage les indications de Philippe Tabarot : sans être opposé au principe de l'écotaxe, il faut prendre en compte les objections qu'il a formulées. De façon encore plus réaliste, je ne suis pas favorable à cette proposition pour plusieurs raisons. Tout d'abord, comme vous pouvez le constater, le climat social n'est pas au beau fixe en ce moment et je ne suis pas certain qu'une mesure relative à l'écotaxe puisse apaiser la situation. Deuxièmement, je pense que la suppression de l'écotaxe, qui avait été votée à l'unanimité du Parlement, a été - encore plus qu'une erreur - une faute politique grave. Qui plus est, la ministre a supprimé l'écotaxe après que tous les aménagements ont été mis en place : on était donc sûr que ça allait nous coûter très cher. Enfin, comme cela a été indiqué, la conférence sur le financement des mobilités permettra d'organiser les débats que mérite ce sujet. Je voterai donc contre cette proposition et je demande à mon groupe de faire de même.

M. Jacques Fernique. - Quelques remarques s'imposent, tout d'abord pour clarifier les choses, car certaines idées qui circulent sont à la fois cocasses et énervantes lorsqu'on les considère depuis l'Alsace. On fait comme si l'écotaxe de la Collectivité européenne d'Alsace était déjà en place et même étendue au-delà de son périmètre initial. Or ce n'est pas le cas. Je ne vais pas rappeler les divers dispositifs adoptés depuis l'amendement du député Yves Bur de 2005 qui a rendu possible l'expérimentation alsacienne, en passant par l'écotaxe votée à l'unanimité avant que Ségolène Royal ne renonce finalement à son application. La feuille de route issue de la loi sur les compétences de la Collectivité européenne d'Alsace de 2019 prévoyait une écocontribution poids lourd applicable sur le périmètre des routes de ce territoire et la mise en place de cette mesure est actuellement envisagée pour 2027. Malgré le temps qui a été consacré à la préparation et à la concertation et malgré le vote à l'unanimité des conseillers d'Alsace intervenu il y a un peu plus d'un mois, la mise en place effective de cette taxe n'est donc pas encore d'actualité. Pour la région Grand Est, une volonté politique a été exprimée mais le dispositif ne sera effectif qu'un ou deux ans après la mise en place de la taxe poids lourds que l'on appelle « R-pass » en Alsace. Nous savons que les conditions de circulation des poids lourds et de transport des marchandises en Europe nécessitent une harmonisation des outils de régulation des poids lourds et notre pays est l'un de ceux qui devra faire le plus d'efforts car notre application de la directive euro-vignette est minimale par rapport à d'autres pays. Au final, il serait intéressant que notre commission envoie un signal politique sur la nécessité d'ouvrir cette possibilité à d'autres régions que celles qui subissent des reports de trafic liés à leur position frontalière. Cela ne signifie pas pour autant que nous devons mettre en place une écotaxe dans toutes les régions dès demain matin. On pourrait ainsi faire avancer le débat, ce qui donnerait un peu plus de consistance à cette fameuse conférence de financement.

M. Philippe Tabarot, rapporteur pour avis. - Conformément à la loi « Climat et résilience » d'août 2021, presque toutes les régions - comme Auvergne-Rhône-Alpes, Provence-Alpes-Côte d'Azur ou l'Occitanie - disposent d'ores et déjà de cette possibilité. Il est donc peu utile d'en ajouter, d'autant que l'expérience conduite sur nos territoires de l'est sera riche d'enseignements pour envisager de nouvelles mesures. À mon sens, on n'a toujours pas trouvé de solution pour faire payer très cher les camions étrangers, tout en préservant les transporteurs français, ce qui est notre préoccupation à tous sur nos territoires.

M. Jacques Fernique. - La solution se dégage de l'expérience menée en Allemagne et de la façon dont l'Alsace est en train de l'adapter.

M. Hervé Gillé. - Le fond du sujet, c'est l'acceptabilité d'une telle mesure et la façon dont on conduit ce dossier au niveau politique. Il est également essentiel de tenir compte des catégories sociales qui seraient fiscalisées et de se demander quels taux sont acceptables par les uns et les autres : je rappelle d'ailleurs que la révolte contre l'écotaxe avait été enclenchée par des gens à revenu modeste. Le vrai défi est de réaliser un travail d'accompagnement politique autour de ce sujet.

Je comprends que la région Nouvelle-Aquitaine peut mettre en place un tel dispositif car il n'y a pas de difficulté, dans ce cas de figure, en termes de réciprocité avec les autres pays européens. Je souligne tout de même que la proposition d'Olivier Jacquin confère un outil à la main des régions et non pas une obligation. On se présente toujours comme les chantres de la décentralisation, sauf qu'à certains moments, on souhaite jouer un rôle de censeur. En l'occurrence, l'amendement d'Olivier Jacquin vient conforter une décentralisation qui est logique sur ce type de sujet.

M. Philippe Tabarot, rapporteur pour avis. - Je fais observer qu'aucune région autre que celle du Grand Est n'a demandé à s'engager dans cette voie. Toutes les régions se sont manifestées pour demander du versement mobilité, mais aucune n'a souhaité pouvoir lever l'écotaxe, mis à part le Grand Est.

M. Jean-François Longeot, président. - Je reprendrai le début du propos d'Hervé Gillé qui a appelé à bien analyser les décisions que nous prenons. La précipitation n'est pas une bonne idée et il faut donner du temps au temps, selon la formule bien connue.

M. Olivier Jacquin, rapporteur pour avis. - S'agissant de la remarque de Philippe Tabarot sur les desiderata des régions, je signale qu'en auditionnant l'Association des régions de France, je me suis étonné de leur méconnaissance du modèle économique qu'est en train d'inventer la région Grand Est. Celle-ci, en taxant seulement quelques centaines de kilomètres de route - la nationale 4 et l'A31 du Luxembourg vers la Bourgogne - va générer 1 milliard d'euros de recettes en 10 ans. Pour sa part, la Collectivité européenne d'Alsace, en taxant moins de 200 km de route à seulement 15 centimes d'euros du kilomètre, va générer près de 60 millions d'euros de recettes par an, ce qui permettra de financer à la fois la politique routière et le report modal vers le ferroviaire. Comme mes collègues l'ont bien souligné, mon amendement n'oblige aucune région à le faire : il leur donne la possibilité d'avancer sur ce chemin et nos amis bretons ne seraient pas du tout obligés de suivre cette voie.

L'amendement DEVDUR.9 n'est pas adopté.

M. Olivier Jacquin, rapporteur pour avis. - Au moins, vous constaterez que nous avons utilement animé ce débat et nous reviendrons sur ce sujet lors de la conférence de financement.

Après l'article 9

M. Olivier Jacquin, rapporteur pour avis. - L'amendement DEVDUR.10 vise à instaurer une taxe sur les livraisons de colis issues des ventes en ligne qui serait basée sur un écoscore mesurant l'impact environnemental de la livraison. Je rappelle que le rapport d'information sur le transport de marchandises face aux impératifs environnementaux de nos collègues Nicole Bonnefoy et Rémy Pointereau, adopté en 2021, avait mis en avant l'impact environnemental des livraisons du e-commerce et appelé à une plus grande responsabilisation du consommateur en lui envoyant un signal prix.

Cet amendement s'inscrit pleinement dans cette logique en proposant d'instaurer un écoscore sur ces livraisons qui serait élaboré par décret pris après avis de l'Ademe en prenant notamment en compte la distance entre le lieu de fabrication ou de stockage du bien et le lieu de livraison, les délais de livraison ou encore les modes de transport utilisés pour l'acheminement de la marchandise. L'instauration d'une taxe assise sur cet écoscore permettrait d'envoyer un signal prix au consommateur et de réduire les externalités négatives liées aux livraisons en supprimant l'idée que la livraison peut être gratuite et donc sans impact. Elle permettra donc de mieux organiser les transports en les massifiant.

M. Jean-François Longeot, président. - Je souhaite partager ma position, animé d'un état d'esprit positif. L'article 3 de la proposition de loi de Nicole Bonnefoy sur l'impact environnemental du transport de marchandises - dans le prolongement de la mission mise en place par notre commission, propose de supprimer la mention « livraison gratuite » - en effet, le transport gratuit n'existe pas. Je préférerais donc qu'on puisse examiner le dispositif suggéré par cet amendement à l'occasion des débats sur cette proposition de loi, si la conférence des présidents décide de l'inscrire à l'ordre du jour dans le cadre d'un espace transpartisan.

M. Philippe Tabarot, rapporteur pour avis. - Dans le même esprit que celui de l'intervention du président Longeot, on dispose d'un travail remarquable réalisé par nos deux collègues rapporteurs Nicole Bonnefoy et Rémy Pointereau il y a quelques années (2021) et qui peut redevenir d'actualité. L'idée de taxer d'éventuels excès ou une utilisation abusive du e-commerce avec un fléchage vers les transports et les infrastructures me paraît un sujet dont on peut opportunément discuter. Je ne pense cependant pas que le problème puisse être réglé par un amendement de cette nature. Il convient de se fonder à la fois sur les travaux de nos collègues et sur la discussion qui pourra avoir lieu lors de la conférence de financement, car je suis intimement persuadé que ce sujet sera porté par un certain nombre de parlementaires. Je ne voterai donc pas cet amendement au PLF même si je salue l'idée qui le sous-tend. Je pense qu'il faut d'abord relire l'excellent rapport que nous avons mentionné.

Mme Nicole Bonnefoy. - Dans les travaux que nous avions réalisés sur le transport lié au e-commerce, nous avions souligné qu'il fallait supprimer la mention « gratuit » sur les plateformes de e-commerce car le transport n'est jamais gratuit. Lors de la consultation lancée par la mission d'information sur les transports de marchandises dans le cadre de ses travaux préparatoires, nous avions reçu de nombreux retours qui indiquaient majoritairement que les utilisateurs des plateformes de e-commerce souhaitaient être informés de la réalité du coût du transport et envisageaient une différenciation des tarifs de livraison avec un coût plus élevé pour les transports les plus rapides et les plus impactants sur l'environnement. La question du transport pour le e-commerce est donc cruciale et ma proposition de loi, dont je vous remercie de soutenir l'inscription à l'ordre du jour, aborde ce sujet. Nous y reviendrons d'ailleurs certainement dans le cadre de la proposition de loi sur la « fast fashion » qui viendra en discussion.

M. Rémy Pointereau- J'indique simplement que je voterai cet amendement, ne serait-ce que pour envoyer un signal fort car il est vrai que la gratuité, ça n'existe pas.

M. Jean-François Longeot, président. -La méthode consistant à vouloir traiter tous les sujets à la fois dans la précipitation avant de prendre conscience des réalités de terrain ainsi que des obstacles opérationnels éventuels ne me semble pas opportune. Si on pouvait éviter d'accumuler les procédures administratives qui pèsent tous les jours sur les épaules de nos concitoyens, ils nous en seraient reconnaissants. Nous ne disposons pas d'étude d'impact pour évaluer les conséquences et les modalités d'application d'un tel dispositif. Je pense qu'il faut prendre le temps de la réflexion pour assurer l'efficacité de ce type de mesures.

M. Philippe Tabarot, rapporteur pour avis. - J'ajoute que le dispositif qui figure dans l'amendement d'Olivier Jacquin n'est pas clairement préconisé dans le remarquable rapport d'information de Nicole Bonnefoy et Rémy Pointereau.

M. Olivier Jacquin, rapporteur pour avis. - Je tiens à préciser qu'à titre individuel, cela fait cinq ans que je présente dans le cadre du PLF une disposition visant à empêcher la livraison gratuite des colis qui est une catastrophe environnementale. Je suis ravi que ce thème ait été traité par la mission d'information de Nicole Bonnefoy et Rémy Pointereau à laquelle j'ai assidûment participé. Je remercie également Rémy Pointereau de sa position et de sa confiance pour continuer à faire avancer ce sujet notamment dans la perspective de la prochaine conférence de financement des infrastructures et des mobilités qui nous donnera l'occasion de porter cette idée pertinente. Je propose de retirer cet amendement qui nous aura permis de débattre avec intérêt.

L'amendement DEVDUR.10 est retiré.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits relatifs aux transports ferroviaires, fluviaux et maritimes de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ».

Projet de loi de finances pour 2025 - Première partie - Examen des amendements de séance

M. Jean-François Longeot, président. - Je donne la parole à Stéphane Demilly qui va nous présenter deux amendements qui feront l'objet d'interventions groupées avant d'être mis aux voix.

Après l'article 12

M. Stéphane Demilly, rapporteur pour avis. - Avant de vous présenter la semaine prochaine mon avis budgétaire sur le transport aérien, je souhaite d'ores et déjà vous proposer deux amendements portant sur la partie recettes du PLF pour 2025. Ces deux amendements s'inscrivent dans un contexte particulier pour le secteur aérien : celui d'une hausse exponentielle et inédite de la fiscalité souhaitée par le Gouvernement qui prévoit de déposer, semble-t-il en tout cas si on se réfère à la presse, un amendement alourdissant d'un milliard d'euros, le tarif de la taxe de solidarité sur les billets d'avion (TSBA). Il me paraît indispensable d'atténuer cette augmentation brutale et je déposerai un sous-amendement à l'amendement gouvernemental dans ce sens.

Je vous rappelle également que le secteur aérien a déjà été touché par des dispositifs fiscaux l'année dernière avec notamment la création de la fameuse taxe sur les infrastructures de transport de longue distance. Je reviendrai sur ces sujets la semaine prochaine à l'occasion de mon rapport et je partage l'avis du président Longeot lorsqu'il indique qu'on s'occupe trop de ce qui marche et pas assez de ce qui ne marche pas.

S'agissant de l'amendement n°  I-588, dans le contexte fiscal difficile que nous connaissons tous, il est impératif de préserver la capacité du secteur à investir dans sa décarbonation. Or, l'usage des carburants d'aviation durable (CAD) est, aujourd'hui en tout cas, la seule solution pour décarboner les vols de long courrier. C'est pourquoi le règlement européen ReFuel EU aviation prévoit un usage croissant des CAD - à savoir les carburants dits « verts » - entre 2025 et 2050, échéance au-delà de laquelle ils devront représenter 70 % du carburant utilisé par les aéronefs. Face à cet objectif ambitieux, c'est toute une filière, vous l'avez compris, qui va devoir se structurer. Ces carburants sont en outre actuellement particulièrement onéreux. Ils coûtent entre 3 et 4 fois le prix du kérosène. Il est donc légitime d'accompagner le secteur aérien dans sa décarbonation et ce présent amendement prévoit la création d'un crédit d'impôt équivalent à 50 % du surcoût entre l'achat effectif de carburant d'aviation durable et l'achat théorique du kérosène. Pour rappel, notre commission avait porté un amendement similaire l'année dernière.

Article 39 

M. Stéphane Demilly, rapporteur pour avis. - Je vous présente dans la foulée l'amendement n°  I-589 qui porte sur les missions régaliennes de sûreté et de sécurité dans les aéroports français. J'entends par là le contrôle des bagages, la sécurité incendie ou encore la lutte contre le péril animalier. Ces missions sont réalisées par les exploitants d'aéroports et ceux-ci reçoivent en contrepartie des recettes fiscales destinées à couvrir le coût de ces missions, qu'on appelle le tarif de sûreté-sécurité (T2S) dans le langage aéroportuaire. Celui-ci est défini annuellement pour chaque aéroport à partir des coûts de missions régaliennes éligibles à un financement via ce dispositif et des prévisions de trafic au départ de chaque aéroport. Pour les aéroports accueillant plus de 5 millions de passagers, il a été mis en place un ticket modérateur afin de les inciter à optimiser leurs coûts. L'État ne reverse ainsi que 94 % des dépenses de sûreté et de sécurité si elles dépassent 9 euros par passager : 6 % des dépenses de sûreté et sécurité restent donc à la charge des exploitants de l'aéroport. Bien entendu, pendant la crise sanitaire, les recettes de T2S ont fortement diminué tandis que les dépenses de sûreté et sécurité sont restées à peu près stables. Par conséquent, l'État a consenti des avances aux aéroports pour un total de 700 millions d'euros. Afin de favoriser un remboursement de ces avances sans pour autant augmenter trop fortement le montant du T2S qui serait répercuté sur le prix du billet d'avion, l'article 39 du PLF pour 2025 prévoit d'augmenter le ticket modérateur de ce T2S en le faisant passer de 6 à 10 % du montant des dépenses de sûreté-sécurité. Or les exploitants d'aéroports font actuellement face à une hausse soutenue de la pression fiscale. Certains sont redevables de la taxe sur les infrastructures de transport de longue distance depuis l'année dernière et, par ailleurs, le groupe ADP devrait être concerné par la contribution exceptionnelle sur le bénéfice des grandes entreprises. Enfin, l'ensemble des aéroports pourrait subir indirectement les effets de la hausse du tarif de solidarité sur les billets d'avion envisagé par le Gouvernement. Les exploitants d'aéroports doivent également financer des investissements pour moderniser leurs équipements de sécurité avec notamment le déploiement de nouveaux systèmes avec, en particulier, les « EDS cabine », à savoir les systèmes de détection d'explosifs aux postes d'inspection-filtrage des bagages. Dans ce contexte, l'amendement n° I-589 propose de revenir pour moitié sur cette hausse du ticket modérateur du T2S en le limitant à 8 %, au lieu de le porter à 10 %.

M. Jean-François Longeot, président. - J'ouvre le débat sur ces deux amendements.

M. Gilbert-Luc Devinaz. - J'ai bien écouté le propos liminaire de Stéphane Demilly et, d'après ce que j'ai compris, on peut le partager : il faut avoir la volonté de faire en sorte que ce mode de transport se décarbone au plus vite. Certes, il y a les biocarburants, l'hydrogène et l'électricité, mais il y a aussi le fait que les compagnies aériennes doivent renouveler au plus vite leur flotte, encore faut-il qu'elles en aient la capacité financière.

Je propose de voter pour l'amendement n° I-588 en m'inscrivant dans la sage philosophie qui a été rappelée au début de cette réunion par Hervé Gillé : en effet, nous avons mené l'année dernière, avec Vincent Capo-Canelas, une mission sur les biocarburants, les carburants synthétiques durables et l'hydrogène vert qui comporte la même proposition dans son rapport. J'ai eu l'honneur de présider cette mission et je suggère l'adoption de cet amendement dans la mesure où il tient compte de notre travail collectif.

Sur l'amendement n° I-589, je propose que mon groupe s'abstienne car je souhaite moi-même déposer un amendement de suppression de l'article 39. Au-delà des aspects soulevés par le rapporteur, il me semble, pour avoir lu le rapport de François de Canson, que la mesure va également peser sur les aérodromes de catégorie 2 et 3 au moment de leur changement de gestionnaire. Il me semble, si j'ai bien compris, que lors d'un changement de gestionnaire, si le poste sécurité est bénéficiaire, ce dernier est transféré au nouveau gestionnaire. La réalité, c'est que le poste sécurité a toutes les chances d'être déficitaire, auquel cas le nouveau gestionnaire devra verser une compensation au cédant. Je pense que cela risque de soulever beaucoup de problèmes en cas de changement de gestion d'aérodromes. Je précise que mon inquiétude porte non pas sur les plus grands gestionnaires, mais plutôt sur un certain nombre de petits aérodromes. Demander la suppression de l'article 39 est peut-être un peu brutal mais d'autres amendements devraient au moins atténuer cette mesure, d'où ma proposition de s'abstenir sur l'amendement n° I-589.

J'en termine avec une observation : je pensais que ce Gouvernement changerait de comportement mais s'agissant du remboursement des avances relatives aux dépenses de sûreté-sécurité, tout le secteur aérien a découvert du jour au lendemain, sans concertation, que le taux passerait de 94 à 90 % et je trouve cette attitude regrettable.

M. Ronan Dantec. - J'aborderai plusieurs points. Tout d'abord, le moment venu, nous voterons contre des sous-amendements qui proposeraient de revenir sur l'augmentation de la TSBA qui est envisagée.

Ensuite, il faut prendre un peu de recul et analyser ce qui est efficace du point de vue environnemental. On nous amuse avec les e-carburants divers et variés alors que leur bilan énergétique est ce qu'il y a de pire aujourd'hui ; de plus ils sont encore, comme l'a dit le rapporteur, au moins quatre fois plus chers que le kérosène et il n'y a donc aucun modèle économique viable, même à l'horizon 2050, pour les e-carburants sauf à donner les clés du transport aérien mondial à Emirates et à Qatar Airways.

En revanche si l'on raisonne au niveau du climat, puisque tel est le principal objectif, ce qui fonctionne, c'est une TSBA à taux élevé affectée à l'Agence française de développement (AFD). Aujourd'hui, le budget le plus réduit à la baisse par le Gouvernement est celui de cette agence qui va perdre - selon les estimations - entre 1 et 2 milliards d'euros. En particulier, l'AFD va perdre à peu près 1 milliard d'euros de capacité à lever des fonds pour financer des prêts. Or les financements alloués à cette agence ont un effet de levier élevé :  1 milliard d'euros alloués à l'AFD permet d'en lever douze fois plus sous forme de prêts. De plus, comme il s'agit de prêts multi bancaires, notamment soutenus par la Banque mondiale, l'AFD a une capacité chaque année de mettre 25 milliards sur la table pour accompagner des projets de décarbonation de l'économie mondiale, par exemple, dans les transports publics ou le développement de l'énergie en Afrique. C'est donc de très loin la mesure la plus efficace. À un moment, il faut assumer que le transport aérien, qui va très bien - sinon ADP (Aéroports de Paris) ne serait pas redevable d'une contribution supplémentaire - continuera probablement à fonctionner avec de l'énergie fossile mais qu'il sera taxé de manière importante, ce qui alimentera les flux financiers mondiaux de décarbonation dont on a besoin. J'estime qu'il est inopportun de débattre des carburants de substitution dont tout le monde sait qu'ils ne marchent pas, même à échéance de trente ans. Assumons donc l'usage du kérosène ainsi que sa taxation et restons dans l'esprit de la taxe Jacques Chirac. Assumons l'augmentation de la TSBA pour renforcer le budget de l'AFD car dans le monde tel qu'il est et avec ce qui se passe à Bakou cette semaine, il est évident que si on ne maintient pas des flux financiers internationaux à un niveau élevé, on devra faire face dans les prochaines années à des catastrophes naturelles encore bien pires que celle qui s'est déroulée à Valence il y a trois semaines.

M. Jean-Claude Anglars. - Mes collègues viennent d'indiquer qu'on parlera de la TSBA la semaine prochaine et mon intervention concerne les territoires très mal desservis, mais qui ont au moins une liaison d'aménagement du territoire (LAT) : j'espère qu'ils ne seront pas concernés de la même façon par la taxe sur les billets d'avion et qu'une proposition sera formulée dans ce sens.

M. Stéphane Demilly, rapporteur pour avis. - La semaine prochaine, dans le rapport pour avis que je vous présenterai, j'évoquerai les LAT (lignes d'aménagement du territoire) qui concernent le transport intra-métropolitain et j'aborderai bien entendu le sujet de la TSBA qui focalise actuellement toutes les discussions dans le domaine de l'aérien. Au passage, je ne peux quand même pas laisser dire que le secteur aérien se porte très bien : je rappelle simplement qu'Air France a une dette nette de 5 milliards d'euros et, la semaine prochaine, je mentionnerai dans mon exposé un écrivain picard qui s'appelle La Fontaine et sa très belle fable sur la Poule aux oeufs d'or.

Les amendements nos I-588 et I-589 sont adoptés.

Projet de loi de finances pour 2025 - Crédits relatifs aux politiques des territoires - Examen du rapport pour avis

M. Jean-François Longeot, président. - Mes chers collègues, je donne la parole à Louis-Jean de Nicolaÿ.

M. Louis-Jean de Nicolaÿ, rapporteur pour avis des crédits relatifs à la politique des territoires. - Monsieur le Président, mes chers collègues, j'ai le plaisir de vous présenter l'avis sur les crédits relatifs aux politiques des territoires, répartis sur les missions « cohésion des territoires » et « relations avec les collectivités territoriales » pour ce PLF 2025.

Je dirai d'abord un mot sur la dynamique générale d'évolution des crédits budgétaires affectés à ces politiques, avant de vous faire part de plusieurs remarques thématiques.

Le Gouvernement a été conduit cette année à faire preuve de réalisme budgétaire et ainsi à prioriser un certain nombre d'actions. Ce choix difficile a naturellement eu des répercussions sur plusieurs volets des missions que j'examine.

Tout d'abord, au sein du programme 112 « impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire » le budget accordé au Fonds national d'aménagement et de développement du territoire pour sa section locale connait une forte baisse. Pour rappel, ce fonds sert à financer des projets portés par les collectivités locales et les acteurs locaux, avec pour objectif de dynamiser le développement des territoires et de réduire les disparités régionales. Ce soutien aux initiatives d'investissement passe essentiellement par des mécanismes de contractualisation bien connus de tous ; qu'il s'agisse des « contrats plan État-Régions » (CPER), des « contrats de plan interrégionaux » (CPIER),
des « pactes de développement territorial », des « contrats pour la réussite de la transition écologique » (CRTE) ou encore des « contrats de convergence et de transformation » à destination des territoires d'outre-mer. Cette année, l'abondement du FNADT section locale s'élève à 65 millions d'euros en AE et à 21 millions d'euros en CP, contre 190 millions d'euros en AE et 131 millions d'euros en CP en loi de finances initiale pour 2024, soit une baisse respectivement de 66 % et de 84 % par rapport à 2024.

Quels sont les effets concrets d'une telle baisse, me direz-vous ? Cela signifie que pour 2025, aucuns crédits de paiement ne seront ouverts au titre des CPER ou des « pactes de développement territorial ».

J'en conviens bien volontiers, il s'agit là d'un coup d'arrêt substantiel dans la politique portée par l'État à l'égard des territoires et certains engagements pris seront repoussés. Pour autant, il ne s'agit pas d'un abandon pur et simple, le Gouvernement faisant valoir son souhait que soient honorés à l'avenir les contrats signés. J'y serai tout particulièrement vigilant, il en va de la crédibilité de l'action de l'État dans les territoires.

Le programme 112 porte également les crédits de l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), dont les crédits destinés à la subvention pour charges de service public qui diminueront de 21 %, passant ainsi de 81,5 millions d'euros en 2024 à 64 millions dans ce budget. Là encore, il s'agit d'un effort de maîtrise des dépenses publiques conséquent, mais qui n'a rien d'herculéen. Lors de mes auditions, l'ANCT a d'ailleurs elle-même reconnu être en mesure d'endosser, en responsabilité, ce sérieux budgétaire. Il s'agira, bien sûr, de faire mieux avec moins.

Enfin, sur ce programme 112, je tiens à saluer la continuité des soutiens apportés à des programmes qui ont fait leurs preuves, je pense tout spécialement aux espaces
France services, dont la Cour des comptes dans un rapport de septembre dernier a souligné la pertinence et la qualité du réseau.

Au sein du programme 162 « interventions territoriales de l'État », les crédits sont globalement stables. Les dépenses d'intervention dans le cadre du plan national d'action chlordécone augmentent d'environ 50 % en AE. Les crédits du plan Sargasses 2 connaissent en revanche une légère diminution d'environ 12,5 % en CP. Enfin, le plan d'investissement pour la Corse monte en puissance, les crédits de paiements évoluent de 3,7 millions d'euros en 2024 à 49 millions d'euros en 2025, il ne s'agit pas de dépenses nouvelles, mais de la consommation des crédits du plan France Relance qui risquaient d'être annulés en fin de gestion.

Le tour d'horizon des crédits consacrés à la politique des territoires et à sa dimension « aménagement » ne serait pas complet si je n'évoquais pas les dotations de l'État à destination des collectivités. Au sein du programme 119 « concours financiers aux collectivités territoriales et à leurs groupements », le montant de la DETR augmentera légèrement de 6,5 millions d'euros et dépassera ainsi le montant symbolique d'un milliard d'euros en AE. En revanche, les crédits de la DSIL se rétractent légèrement, de l'ordre de 18 millions d'euros par rapport à 2024.

Enfin, je salue le soutien, par l'intermédiaire du plan France ruralités, de la prise en compte des aménités rurales par l'abondement à hauteur de 100 millions d'euros en AE et en CP de la dotation éponyme. Malgré le contexte budgétaire tendu, le Gouvernement ne rogne pas sur la préservation de nos espaces protégés, telles les zones « Natura 2000 ».

Voilà pour l'évolution des crédits. J'en viens désormais à l'évocation de trois sujets thématiques dont j'estime opportun de vous faire part.

Premier sujet, l'organisation, la rationalisation et le périmètre des agences qui concourent à l'offre d'ingénierie territoriale.

J'avais évoqué l'année dernière la multiplicité d'agences chargée de l'aménagement du territoire, formant ce qu'on pourrait appeler un « archipel des agences ». Ce constat demeure malheureusement d'actualité et je pense que le moment est venu de rouvrir le débat sur l'éclatement de l'offre d'ingénierie.

Je vais vous donner lecture de la liste non exhaustive de l'étendue des acteurs qui concourent à cette offre dans les territoires :

- Tout d'abord, il existe une offre d'ingénierie portée par des programmes nationaux : Petites villes de demain (PVD), Action coeur de ville (ACV) ou encore Villages d'avenir.

- S'ajoute à cette offre, une ingénierie publique dite « surmesure » qui comprend : la Banque des territoires, le Cerema, l'ANCT, l'Ademe et l'Anru. Mais le spectre ne serait pas complet si nous ne regardions pas l'offre portée localement ;

- Il faut dès lors ajouter à cette offre : les agences techniques départementales (ATD), les agences d'urbanisme, les conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement (CAUE), les établissements publics locaux, sans compter les moyens d'ingénierie mutualisés au niveau des EPCI.

Bref, vous l'aurez compris, la parcellisation de cette offre pose une vraie question.

Je salue la volonté du Gouvernement de rapprocher la plateforme « Aides-territoires » de l'écosystème numérique de l'ANCT afin de recenser en un seul et même instrument, les différentes solutions d'ingénierie auxquelles les élus locaux peuvent recourir. Cette volonté de simplification est toujours bienvenue, mais je ne suis pas persuadé que les élus locaux des territoires les plus ruraux soient familiers de cette plateforme. Un important travail d'acculturation devra donc être mené.

Mais je m'interroge et me demande s'il ne serait pas temps d'aller plus loin dans la rationalisation de l'offre d'ingénierie ? Il me semble aujourd'hui incontournable de remettre à plat les périmètres respectifs de l'ANCT et de ses partenaires : l'opportunité d'un rapprochement, voire d'une fusion d'opérateurs pourrait être étudiée, afin de renforcer la lisibilité de l'action, d'assurer une utilisation optimale des financements alloués et de mettre en oeuvre enfin une politique globale d'aménagement du territoire.

Deuxième sujet que je souhaite aborder : le Programme national ponts (PNP) porté par le Cerema.

Je sais l'attachement de notre commission au sujet des ouvrages d'art et l'importance pour les élus locaux de pouvoir s'assurer de la sûreté de leurs ponts. Ces derniers constituent parfois le seul point de passage reliant une commune à une autre. Lors de l'audition budgétaire commune du Cerema à laquelle j'ai participé avec mon collègue Olivier Jaquin, le directeur général de l'établissement a indiqué qu'il n'était pas nécessaire, cette année, d'abonder les crédits du Plan national ponts mais qu'en fin d'année 2025, il serait probablement opportun de prévoir de nouvelles mesures de financement. Notre commission devra garder à l'esprit ce sujet d'importance majeure pour nos territoires.

Troisième et dernier sujet : le zonage en zones de revitalisation rurale (ZRR) rebaptisé « France ruralité revitalisation » (FRR).

Ce dispositif d'exonération fiscale, auquel les élus sont particulièrement attachés, a fait l'objet, comme vous le savez, d'un rapport d'information en 2024 et du dépôt d'une proposition de loi de notre collègue Rémy Pointereau.

Dans le cadre de l'examen du PLF 2024, le Gouvernement a redéfini de nouveaux critères de zonages ayant conduit au classement de plus de 17 700 communes, avec comme effet de bord d'en exclure 2 168 autres. Le projet de loi de finances pour 2025 rectifie cet écueil majeur que nous avions dénoncé. Je sais, mes chers collègues, que ce zonage ne vaut que jusqu'à la fin de l'année 2027, ce qui nous laisse trois ans pour prolonger notre réflexion sur le sujet. Ce bornage dans le temps n'est pas une anomalie, il correspond au souhait pragmatique du législateur à l'occasion de l'examen de la loi de programmation des finances publiques pour 2023 - 2027, d'évaluer avant toute reconduction l'efficience des dépenses fiscales.

Voilà, mes chers collègues, les éléments dont je souhaitais vous faire part sur ce projet de budget pour 2025.

En conséquence, et dans ces circonstances de rationalisation budgétaire demandé par le Gouvernement, j'émets un avis favorable à l'adoption des crédits des programmes 112, 162, 119, 122. Je vous remercie.

M. Jean-François Longeot, président. - Je donne la parole à Rémy Pointereau.

M. Rémy Pointereau. - Merci Monsieur le Président, merci Monsieur le rapporteur pour la présentation de ce rapport sur la politique des territoires. Il est vrai que 2 168 communes qui avaient été exclues du dispositif FRR ont été réintégrées par le PLF pour 2025, la méthode du Gouvernement n'est pas satisfaisante, en espérant que ces communes rattrapées disposent des mêmes avantages que les autres. La question de l'opportunité d'un amendement pour clarifier la situation en vue de l'examen en séance publique se pose.

M. Jean-François Longeot, président. - Nous avions interpellé le Gouvernement en septembre dernier par courrier à ce sujet avec Rémy Pointereau. Ce sujet Hervé Gillé le connaît bien également car certaines communes de son département étaient aussi confrontées à certaines difficultés résultant de ce zonage. Cette situation résulte d'un manque de préparation et d'un manque d'écoute du Gouvernement, qui a souhaité retenir l'intercommunalité comme maille de zonage. Il en résulte que des communes de 25 000 habitants sont aujourd'hui classés en FRR, quand de plus petites communes n'y sont pas, alors même que leur intégration en FRR n'aurait pas une grande incidence financière pour le budget de l'État. Nous avons certes une garantie jusqu'en 2027, mais il faudrait sûrement alerter le Gouvernement à ce sujet, car 2027, c'est après-demain. Je donne la parole à Simon Uzenat.

M. Simon Uzenat. - Merci Monsieur le Président et Monsieur le rapporteur. Sur le programme 112, la chute de -40 % des crédits de paiement est brutale. Le choix de ne pas allouer de crédits de paiement pour les CPER est totalement irresponsable. Interrogée sur le respect des CPER par l'État, la ministre Vautrin avait répondu qu'il serait difficile pour l'État de respecter son engagement. S'agissant des CPER 2015 - 2020, le texte du PLF pour 2024 prévoyait qu'après 2024, 39,2 millions d'euros en CP seraient encore nécessaires pour solder l'ancienne génération de contrats. Est-ce par cynisme que le Gouvernement prévoit la suppression totale des crédits, en faisant le pari que les collectivités seront contraintes dans tous les cas de réduire la voilure ? Ce n'est pas entendable : les collectivités ont besoin de continuité et de visibilité.

Sur l'action 11, 70 % de baisse des AE et aucun CP, 84 % de baisse au global de CP pour le FNADT dans sa section locale. Sur l'action 12, vous avez bien précisé, monsieur le rapporteur, que le dispositif France services fonctionne bien, mais c'est aussi grâce à l'engagement des collectivités, alors que nous estimons que l'essentiel, si ce n'est la totalité, de la charge financière devrait reposer sur l'État. Un amendement de notre collègue Bernard Delcros prévoit d'augmenter leurs financements de 5,5 millions d'euros, afin de compenser la réintégration des espaces France services dans les FRR, en tenant compte de l'augmentation du nombre de communes bénéficiant des effets du dispositif FRR. Toutefois, le reste à charge pour les communes et les intercommunalités est toujours très élevé. À cela s'ajoute la baisse des crédits relatifs à l'emploi des conseillers numériques, qui sera sûrement abordé par mon collègue Sébastien Fagnen, et la baisse de 80 % des crédits pour les tiers-lieux, alors même que ces lieux sont centraux pour les territoires ruraux.

La baisse des crédits de l'ANCT n'est peut-être pas herculéenne, pour reprendre le terme du rapporteur, il n'empêche que la baisse de 18 millions de crédits pour l'accompagnement en propre réalisé par l'ANCT est inquiétante, alors que nous avions pointé par le passé que nombre des communes de moins de 1 000 habitants devraient être accompagnées ne l'étaient pas : ce phénomène s'aggravera encore cette année.

S'agissant du programme 162, ce texte nous engage dans une mauvaise dynamique en baissant de plus de 8 % les crédits alloués à la lutte contre les algues vertes, alors qu'une baisse de 5 % avait déjà été votée l'année dernière : il s'agit ici d'une question de santé publique.

Nous sommes tous conscients des efforts qui doivent être menés en faveur de l'équilibre budgétaire, mais nous considérons que la partie « dépenses » n'est pas à la hauteur des enjeux de nos territoires. Nous nous abstiendrons donc sur votre rapport.

M. Jean-François Longeot, président. - La parole est à Ronan Dantec.

M. Ronan Dantec. - Nous nous abstiendrons aussi sur ce budget : le PLF prévoit à la fois une baisse des capacités de soutien en ingénierie aux collectivités, tout en réduisant les dotations aux collectivités, donc les capacités d'ingénierie propre des territoires. Les critiques sont nombreuses sur le nombre d'agences et la répartition des compétences entre collectivités et État, sans qu'aucune proposition n'émerge. L'année dernière, le Sénat avait soutenu à l'unanimité une proposition visant à créer une dotation aux collectivités pour le climat, fondée sur une contractualisation sur objectifs entre l'État et les territoires sur la transition écologique. Cette proposition avait été soutenue par le ministre Christophe Béchu avant d'être supprimée au printemps par Bercy : nous ferons à nouveau une proposition en ce sens, moins ambitieuse peut-être, mais de nature à trouver un consensus au Sénat. L'État n'exprime jamais clairement sa vision sur ses propres missions et celles des territoires. Nous nous dirigeons donc vers une année de souffrance pour les opérateurs de l'État et les collectivités sans que l'on puisse voir la lumière au bout du tunnel. J'appelle donc à ce que nous exprimions une vision claire : donner aux territoires les capacités d'ingénierie et réduire les moyens de l'État, y compris déconcentrée, et aller vers plus de contractualisation. Nous pourrions écrire ensemble un nouvel acte de la décentralisation.

M. Jean-François Longeot, président. - La parole est à monsieur le rapporteur.

M. Louis Jean de Nicolaÿ. - Nous regrettons la baisse des CP alloués aux CPER pour l'année 2025 mais le ministère nous a assuré qu'ils seraient reportés pour l'année 2026. Les crédits de l'ANCT connaissent effectivement une baisse de 18 millions d'euros en CP, ce qui correspond en réalité à un rééquilibrage par rapport aux 20 millions d'euros qui avaient été ouverts l'an passé pour l'ingénierie « surmesure ». Cette enveloppe permettait de financer chaque préfet de département à hauteur de 150 000 euros supplémentaires en crédits d'ingénierie, ce qui n'est pas efficace. J'estime qu'il vaut mieux trancher une fois pour toute la question de la répartition des compétences en matière d'ingénierie. Le Premier ministre souhaite réduire de 10 % le nombre d'agences afin de prévenir les « doublons » : il est donc urgent d'apporter de la clarté et de définir les champs de la contractualisation entre l'État et les collectivités territoriales.

M. Jean-François Longeot, président. - C'est en effet un débat très intéressant, mais il sera extrêmement difficile de trouver un consensus, une vision commune.

M. Hervé Gillé. - Il faut absolument dresser un état des lieux des CPER, région par région, afin d'en avoir une vision globale, d'autant plus que les parlementaires ne sont pas associés au suivi des CPER.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits relatifs à la politique des territoires.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits des missions « Cohésion des territoires » et « Relations avec les collectivités territoriales ».

Projet de loi de finances pour 2025 - Crédits relatifs à l'aménagement numérique du territoire - Examen du rapport pour avis

M. Sébastien Fagnen, rapporteur pour avis sur les crédits relatifs à l'aménagement numérique du territoire. - J'ai le plaisir de vous présenter ce matin mon avis sur les crédits du projet de loi de finances (PLF) pour 2025 relatifs à l'aménagement numérique du territoire. Mon propos abordera à la fois la dimension matérielle de l'aménagement numérique du territoire, c'est-à-dire le déploiement des infrastructures, et sa dimension immatérielle, c'est-à-dire l'inclusion numérique des populations.

Je commencerai par les infrastructures numériques, en évoquant l'état du déploiement de la fibre optique. Le Plan France très haut débit, initié en 2013, vise à généraliser la fibre optique sur le territoire à horizon 2025. Pour y parvenir, il mobilise deux dynamiques complémentaires : d'une part, celle de l'investissement privé des opérateurs de télécommunications dans les zones d'initiative privée et d'autre part celle de l'investissement public dans les zones d'initiative publique. Onze ans après le lancement du Plan France THD, nous arrivons à la fin de ce marathon : au premier semestre 2024, 89 % des locaux sont éligibles à la fibre optique, ce qui place la France dans le peloton de tête des pays européens, bien au-dessus de la moyenne européenne et loin devant l'Allemagne ou l'Italie. À quelques kilomètres de l'arrivée, ce n'est pas l'heure de ralentir, surtout que les raccordements restants seront les plus difficiles. C'est pourtant ce que le Gouvernement prévoit, dans ce projet de loi de finances pour 2025. Dans un contexte budgétaire particulièrement difficile, le PLF pour 2025 divise par deux le budget alloué au Plan France très haut débit, qui passe de 480 millions d'euros à 200 millions d'euros.

Le Gouvernement justifie cette diminution par la fin du déploiement du programme. J'ai pu le constater au cours de mes différentes auditions, un effort reste pourtant nécessaire pour atteindre l'objectif de généralisation en 2025. Au-delà de l'essoufflement du programme, le ralentissement risque également de conduire à un report de charges. Comme l'a souligné Patrick Chaize intervenant en qualité de président de l'Avicca (Association des villes et collectivités pour les communications électroniques et l'audiovisuel) lors de la table ronde relative au déploiement de la fibre optique, le désengagement de l'État oblige les collectivités territoriales à augmenter leur participation dans le déploiement des réseaux de fibre optique, qui a eu lieu le 6 novembre 2024.

Un territoire est particulièrement touché par ce coup de rabot : Mayotte, qui est le seul département français dans lequel le déploiement de la fibre optique n'a aujourd'hui pas commencé. Un projet de réseau d'initiative publique est aujourd'hui finalisé, qui ne pourrait toutefois pas voir le jour s'il n'est pas cofinancé par l'État. Je vous proposerai donc d'adopter un amendement pour augmenter les crédits du Plan France très haut débit de 37,6 millions d'euros, afin de soutenir spécifiquement le déploiement de la fibre optique à Mayotte.

L'effort de raccordement doit aujourd'hui se porter davantage sur les raccordements complexes, c'est-à-dire ceux qui nécessitent la création ou la mise à niveau d'infrastructures particulières. Le PLF 2025 acte, à raison, la nécessité de ce soutien, en prévoyant les premiers décaissements pour l'appel à projets sur les raccordements sur le domaine public doté de 150 millions de crédits, qui seront consommés jusqu'en 2027. Je me félicite du lancement d'un dispositif expérimental de soutien aux raccordements complexes dans le domaine privé, pour un montant de 16 millions d'euros. J'alerte sur la nécessité d'un renforcement de ce soutien, alors même que les besoins sont considérables : un rapport du Conseil général de l'économie, publié il y a deux semaines, évalue le coût de ces raccordements entre 640 millions et un milliard d'euros.

Au-delà de la rapidité du déploiement, la réussite du déploiement du Plan France très haut débit se mesurera également à la qualité des raccordements effectués. En 2023, notre collègue Patrick Chaize avait déposé une proposition de loi visant à assurer la qualité et la pérennité des raccordements aux réseaux de fibre optique, que nous avons examinée et qui a été adoptée par le Sénat à l'unanimité le 2 mai 2023, qui visait à remédier aux raccordements de mauvaise qualité. Un an plus tard, le constat reste malheureusement le même : le dernier rapport de l'observatoire de la qualité du réseau de fibre optique révèle une stabilité globale des indicateurs de qualité, concernant à la fois le taux de panne et le taux d'échec de raccordement.

Pourtant, la couverture du territoire en réseaux de fibre optique de qualité est un préalable à la fermeture du réseau cuivre, qui entre en 2025 dans sa phase industrielle. Les premières fermetures, qui ne concernent à ce stade que quelques communes, ont révélé les difficultés de cette nouvelle étape : une campagne de communication de grande ampleur est aujourd'hui nécessaire, pour informer le public de la fermeture du réseau. Cette campagne ne pourra pas reposer uniquement sur les maires, ni sur les opérateurs, qui n'ont pas la légitimité des pouvoirs publics. L'État doit assurer cette responsabilité, et il doit le faire au plus vite : plus nous nous approcherons de la date de fermeture commerciale puis technique du réseau cuivre, plus l'effort de pédagogie auprès du citoyen sur l'intérêt de la fermeture sera difficile à réaliser.

Je souhaite achever mon propos sur les infrastructures numériques par un mot sur deux enjeux émergents de l'aménagement numérique du territoire, la spéculation foncière sur les antennes-relais ainsi que les centres de données. Tout d'abord, concernant les antennes-relais, les emplacements sur lesquels sont réalisées ces infrastructures sont touchés depuis plusieurs années par un phénomène de spéculation foncière. Certains acteurs reprennent en effet à échéance des baux d'emplacements destinés à accueillir des antennes-relais,
ce qui peut amener l'occupant à démonter les infrastructures qu'il a réalisées. Environ 2400 emplacements -- soit 3,75 % du total -- seraient concernés par cette problématique. L'article 17 du projet de loi de simplification de la vie économique, que nous avons adopté en octobre dernier, prévoit des mesures concrètes qui répondent à cette problématique. Je forme le voeu que cetarticle survive à la navette parlementaire. La France peut s'enorgueillir de son maillage territorial de centre de données, devenu une véritable spécificité française. En matière de stockage de données, la France compte deux grands pôles, Paris et Marseille, auxquels s'ajoute un réseau de 250 centres de données de proximité, situés dans les métropoles, mais également dans de nombreuses villes moyennes. Ce réseau continue de se densifier puisque ce nombre augmente chaque année de 20 %. Ce sujet émergent est un enjeu d'équité territoriale, mais aussi d'indépendance nationale et européenne : un soutien public en faveur du développement territorialement équilibré de centre de données pourrait ainsi être envisagé.

Je souhaite maintenant aborder la deuxième déclinaison de l'aménagement numérique du territoire, à savoir l'inclusion numérique. Afin d'apporter une réponse territorialisée au phénomène d'illectronisme, des conseillers numériques France services ont été recrutés dans le cadre du plan France Relance. Ils assurent un service d'appui aux démarches administratives pour les usagers et des formations aux usages numériques dans les territoires. En 2023, le renouvellement du soutien financier public au dispositif a été annoncé pour 3 ans. Ce soutien est malheureusement remis en cause par le PLF pour 2025.La situation des conseillers numérique France Services est ainsi alarmante : les crédits alloués passent de 41 millions d'euros en 2024 à 27 millions d'euros en 2025. Les acteurs du secteur entendus m'ont fait part de leur incompréhension face à cette baisse brutale des crédits. Cette mesure s'apparente à un transfert de charges vers les collectivités territoriales ou le secteur associatif. Pour les structures qui ne seront pas en mesure d'assurer cette charge financière, elle les conduira fatalement à abandonner progressivement ce service, pourtant essentiel à nos concitoyens en situation d'illectronisme qui sont confrontés à la dématérialisation croissante des services publics.

Le nombre de conseillers numériques, qui s'élève à 4 000 aujourd'hui, pourrait être plus que divisé par deux, pour atteindre 1 500. Pourtant, les besoins de la population ne disparaîtront pas, dans un contexte de dématérialisation croissante : un quart des Français considère toujours ne pas maîtriser suffisamment les outils informatiques pour pouvoir les utiliser pleinement, selon le baromètre du numérique 2024 de l'Arcep. Le coup d'arrêt porté à ce dispositif qui a pourtant fait ses preuves risque de plus de toucher particulièrement les territoires les plus fragiles, à savoir les communes rurales et les quartiers de la politique de la ville, qui ont particulièrement besoin du soutien de l'État pour lutter contre l'illectronisme. Je regrette que le Gouvernement n'ait pas pris la mesure du caractère primordial que revêt le maintien de ce service.

Vous l'avez compris, que ce soit du côté de l'infrastructure ou de l'inclusion numérique, nous devons plus que jamais poursuivre nos efforts de lutte contre les fractures numériques. Le Plan France très haut débit a produit de nombreux résultats, mais je tiens à insister sur ce point : nous sommes proches de l'arrivée, ce n'est pas le moment de ralentir. Il faut donc : poursuivre les efforts de déploiement de la fibre, en accentuant le soutien aux raccordements complexes ; résoudre les problèmes de mauvaise qualité du raccordement et mieux communiquer sur la fermeture du réseau cuivre, qui reste insuffisamment connue du grand public ; sans oublier la question centrale de l'inclusion numérique.

Je vous propose d'émettre un avis favorable à l'adoption des crédits relatifs à l'aménagement numérique du territoire, sous le bénéficie de l'adoption de l'amendement proposé.

M. Louis-Jean de Nicolaÿ. - Je remercie le rapporteur pour la qualité de son intervention. Les centres de données sont essentiels pour la protection des données. Nous avons installé un tel centre dans le département de la Sarthe. Une planification au niveau national est-elle mise en place, pour garantir un développement équilibré de ces centres de données ?

M. Sébastien Fagnen, rapporteur pour avis. - Il n'y a pas aujourd'hui de planification nationale. Nous devons poursuivre nos échanges avec la fédération InfraNum sur cette question stratégique pour l'aménagement numérique du territoire comme pour la souveraineté numérique.

Article 42

M. Sébastien Fagnen, rapporteur pour avis. - Mayotte est aujourd'hui le seul département français dans lequel le déploiement de la fibre optique n'a pas commencé, onze ans après le lancement du Plan France très haut débit. La loi de finances initiale pour 2024 prévoyait, à l'initiative de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, le financement du déploiement de la fibre optique à Mayotte à hauteur de 50,5 millions d'euros. Le décret du 21 février 2024 a annulé une partie de ces crédits, nécessaires au rattrapage de Mayotte. Un plan de déploiement de la fibre optique est pourtant aujourd'hui en cours de finalisation. L'absence de soutien de l'État à ce plan pourrait remettre en cause sa pérennité. Le présent amendement vise à rétablir ces crédits, en augmentant les moyens de l'action 01 « Réseaux d'initiative publique » du programme 343 « Plan France très haut débit » de 37,6 millions d'euros, afin de soutenir le déploiement de la fibre optique à Mayotte.

L'amendement est adopté.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits relatifs à l'aménagement numérique du territoire, sous réserve de l'adoption de son amendement et avis favorable à l'adoption des crédits des missions « Cohésion des territoires », « Économie » et « Relations avec les collectivités territoriales ».

Proposition de nomination de M. Laurent Hénart par le Président de la République aux fonctions de président du conseil d'administration de l'établissement public de l'État dénommé Voies navigables de France (VNF) - Désignation d'un rapporteur

M. Jean-François Longeot, président. - Mes chers collègues, j'en viens au dernier point inscrit de notre ordre du jour pour désigner, en application de l'article 19 bis du Règlement du Sénat, un rapporteur sur la proposition de nomination par le Président de la République de M. Laurent Hénart aux fonctions de président du conseil d'administration de l'établissement public de l'État dénommé Voies navigables de France (VNF), en application de l'article L. 4312-2 du code des transports et en application de la loi organique et de la loi du 23 juillet 2010 relatives à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution.

Je vous rappelle que notre commission avait approuvé la candidature de M. Hénart le 9 juillet 2019, en remplacement de M. Stéphane Saint-André. Un décret du Président de la République en date du 17 juillet 2019 avait ensuite entériné cette nomination. Le mandat de M. Hénart comme membre du conseil d'administration de VNF est arrivé à échéance le 27 mars dernier.

Un arrêté du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires a renouvelé son mandat en qualité de membre du conseil d'administration de cet opérateur le 24 avril et un arrêté du même ministre l'a nommé président à titre intérimaire du conseil d'administration renouvelé le 30 avril.

Alors que la fin de ces mandats était facilement anticipable, aucune proposition de nomination n'est parvenue au Parlement avant le 7 novembre dernier.

La dissolution de l'Assemblée nationale en juin dernier ne peut excuser la longueur de cet intérim au poste clé d'un opérateur qui est au coeur de la stratégie fluviale de la France, et qui gère près de 6 700 km de voies navigables et près de 4 000 ouvrages d'art (écluses, barrages, pont-canaux...).

VNF est en outre à un moment charnière, car il doit faire face à de nombreux défis tant en termes d'entretien et de modernisation des voies d'eau que de gestion hydraulique s'il veut pouvoir continuer à jouer un rôle essentiel dans la transition écologique de notre pays et son adaptation au changement climatique.

J'ai reçu la candidature de notre collègue Franck Dhersin, pour être rapporteur sur cette audition au titre de l'article 13.

Il n'y a pas d'opposition ?

Il en est ainsi décidé.

Projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière économique, financière, environnementale, énergétique, de transport, de santé et de circulation des personnes - Désignation d'un rapporteur

M. Jean-François Longeot, président. - Nous devons désigner un rapporteur sur le projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière économique, financière, environnementale, énergétique, de transport, de santé et de circulation des personnes.

Ce projet de loi pour le moins technique regroupe des dispositions très diverses qui relèvent pour partie de notre commission, mais aussi des commissions des finances, des lois, des affaires économiques et des affaires sociales. Un consensus s'est dégagé pour que les commissions permanentes, et la nôtre en particulier, instruisent le texte, considérant que le renvoi à une commission spéciale conduit à une perte d'expertise. La Conférence des présidents du 6 novembre 2024 a acté le renvoi du texte à la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, qui déléguera au fond les articles relevant de la compétence d'autres commissions. Le périmètre précis des délégations au fond sera soumis à votre approbation après l'examen du texte à l'Assemblée nationale lundi 9 décembre 2024.

À ce stade, 16 des 42 articles du texte déposé relèvent de notre périmètre de compétences (9, 24 à 26 et 28 à 39). Les dispositions examinées visent à appliquer le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières et à adapter le droit national au droit de l'Union européenne dans les domaines : des transports aériens, ferroviaires et routiers, des déclarations environnementales des entreprises, du développement des énergies renouvelables, de la prévention des inondations et de la réduction des pollutions atmosphériques.

Le Gouvernement ayant engagé la procédure accélérée, ce texte devrait être examiné par le Sénat le 15 janvier 2025 en commission et le jeudi 23 janvier 2025 en séance publique.

En vue de cet examen, j'ai reçu la candidature de M. Damien Michallet. Je vous propose donc de le désigner en qualité de rapporteur.

La commission désigne M. Damien Michallet rapporteur sur le projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière économique, financière, environnementale, énergétique, de transport, de santé et de circulation des personnes.

La réunion est close à 11 h 55.