Mardi 12 novembre 2024

- Présidence de Mme Muriel Jourda, présidente -

La réunion est ouverte à 17 h 30.

Projet de loi de finances pour 2025 - Audition de M. Bruno Retailleau, ministre de l'intérieur

Mme Muriel Jourda, présidente. - Monsieur le ministre, nous sommes heureux de vous accueillir dans le cadre de nos travaux sur le projet de loi de finances (PLF) pour 2025, qui s'inscrit dans un contexte particulièrement difficile pour nos finances publiques.

Pour autant, nos politiques publiques, et singulièrement celles dont vous avez la responsabilité au sein du Gouvernement, nécessitent des moyens budgétaires adéquats pour atteindre les objectifs assignés. Nous aimerions vous entendre évoquer ce difficile équilibre et les trois missions budgétaires qui ressortissent de votre portefeuille : « Immigration, asile et intégration », « Sécurités » et « Administration générale et territoriale de l'État ».

M. Bruno Retailleau, ministre de l'intérieur. - Ce projet de budget a été préparé dans une période difficile. En quelques semaines, il a fallu l'établir dans un contexte de dérapage des finances publiques historiquement très élevé, dont il porte la marque.

Cependant, un budget ne résulte pas seulement de choix comptables ou techniques, mais aussi de choix politiques. Avec Michel Barnier, nous assumons de faire des économies, mais il ne s'agit pas de sacrifier l'urgence sécuritaire à l'urgence budgétaire. Procéder à un tel sacrifice aurait été démocratiquement discutable et économiquement préjudiciable.

D'abord, cela aurait été démocratiquement discutable puisque notre pays est confronté à une hyperviolence. Un refus d'obtempérer a lieu toutes les vingt minutes et une attaque avec arme toutes les heures. De plus, un millier d'agressions sont signalées chaque jour par nos compatriotes. Derrière ces chiffres, il y a des existences amputées, des corps brisés et parfois des vies volées.

Par ailleurs, chaque semaine, j'essaie d'appeler les gendarmes, les policiers et les sapeurs-pompiers qui ont été blessés pendant leur service. Ceux qui risquent leur vie pour protéger celles de nos compatriotes méritent le respect. Ils méritent aussi que l'on mette des moyens à leur disposition.

Ensuite, le sacrifice de l'urgence sécuritaire aurait aussi été économiquement préjudiciable. Si la sécurité des Français n'a pas de prix, les insécurités, elles, ont un coût. À ce titre, le Sénat avait estimé à 1 milliard d'euros au moins le coût collectif entraîné par les émeutes de l'été 2023. La Cour des comptes évalue à 1,8 milliard d'euros le coût de la lutte contre l'immigration illégale. Depuis 2017, l'indice d'attractivité de la France a baissé en raison de l'insécurité croissante, ce qui pèse aussi sur nos finances. Ainsi, pour remettre de l'ordre dans les comptes, il faut rétablir l'ordre, aussi bien dans la rue qu'à nos frontières ; c'est ce que demande l'immense majorité de nos concitoyens.

Le budget du ministère de l'intérieur servant cet objectif, il est préservé et renforcé. Avec 24,1 milliards d'euros, dont 15,06 milliards d'euros dédiés aux dépenses de personnel et 9,5 millions d'euros aux dépenses de fonctionnement et d'investissement, il respecte la trajectoire financière prévue dans le cadre de la loi du 24 janvier 2023 d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi).

Ce budget est renforcé puisqu'il augmente de 750 millions d'euros par rapport à la loi de finances initiale (LFI) de 2024. De plus, un amendement budgétaire visera à augmenter de 125 millions d'euros les crédits de paiement (CP) et de 150 millions d'euros les autorisations d'engagement (AE), notamment en ce qui concerne l'immigration et la police. Cette augmentation se répartit ainsi : 225 millions d'euros pour la masse salariale et 527 millions d'euros pour le fonctionnement et l'investissement, qui viseront notamment à renforcer le numérique.

En ce qui concerne la mission « Sécurités », qui englobe la police, la gendarmerie, la sécurité civile et la sécurité routière, l'augmentation s'élève à 587 millions d'euros, sans tenir compte de l'amendement budgétaire que je vais présenter.

Pour cette mission, j'ai retenu plusieurs orientations. D'abord, au titre de la masse salariale, je souhaite respecter tous les engagements pris en 2022 dans le cadre des protocoles de modernisation des ressources humaines de la police et de la gendarmerie nationales, qui avaient fait l'objet d'un accord unanime avec les organisations syndicales. Il s'agit d'un engagement de l'État vis-à-vis de ces dernières et de nos personnels.

En matière immobilière, l'objectif est d'abord de poursuivre la mise en oeuvre des grands projets structurants qui sont en cours, parmi lesquels la création d'hôtels des polices à Nice et Valenciennes. Nous reprendrons également l'entretien du parc domanial de la gendarmerie nationale grâce à de nouvelles opérations de réhabilitation, notamment pour les casernes de Babylone à Paris et de Chauny dans l'Aisne, ou pour le site de Saint-Astier.

Au-delà, il nous faut poursuivre la réflexion pour analyser les conditions de recours à des marchés de partenariat avec le privé, notamment dans le cadre de grandes opérations à venir, comme celle de la réhabilitation du site de Satory, qui coûtera plusieurs centaines de millions d'euros. Le modèle patrimonial de la gendarmerie est à bout de souffle ; on ne peut plus continuer ainsi.

En matière numérique, il est indispensable que policiers et gendarmes disposent des équipements nécessaires pour être efficaces au moment de leurs interventions. Ces équipements incluent des caméras-piétons, des drones, des moyens de lutte anti-drones, mais également des systèmes d'information adaptés à leur métier au quotidien. Ils croulent sous des procédures de plus en plus importantes et le recours à l'intelligence artificielle pourrait leur simplifier la tâche. L'expérience des usagers a déjà été améliorée grâce au numérique, puisque la plainte en ligne a été généralisée il y a quelques semaines, sur l'ensemble du territoire national, après avoir fait l'objet d'une expérimentation. Les travaux vont se poursuivre, par exemple sur la numérisation de la procédure pénale, qui permettra de gagner beaucoup de temps administratif et de soulager policiers et gendarmes.

Au titre de la sécurité civile, l'État maintiendra son engagement dans le cadre des pactes capacitaires, à hauteur de 45 millions d'euros. Il faut aussi conforter les colonnes de renfort, notamment pour la lutte contre les grands feux. Un effort significatif de 13 millions d'euros sera fourni en ce sens. Par ailleurs, nous devons entreprendre une réflexion sur le renouvellement de la flotte, composée d'appareils différents, notamment de types Canadair, Beechcraft ou Dash. Nous dépenserons 100 millions d'euros en 2025 et 500 millions en cinq ans, pour renouveler la flotte des hélicoptères EC 145. De plus, nous louons certains moyens aériens, ce dont nous ne pourrons sans doute pas nous passer ; il faut de l'agilité en la matière. La question de l'état de la flotte à l'horizon de quinze ou vingt ans est posée.

Enfin, les crédits alloués à la sécurité routière permettront de suivre les orientations fixées par le comité interministériel de la sécurité routière de juillet 2023 : éduquer, prévenir et sanctionner. La loi du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale (3DS) permet à des collectivités d'installer des radars automatiques et l'Agence nationale de traitement automatisé des infractions (Antai) bénéficiera de 13 millions d'euros supplémentaires. La question se posera de savoir ce qui reviendra à l'État et aux collectivités.

J'en viens à la mission « Administration générale et territoriale de l'État » et je tiens à l'idée que mon ministère n'est pas seulement celui des sécurités, mais aussi celui de l'administration territoriale de l'État.

En la matière, je plaide pour que l'État déconcentré s'organise autour des préfets de département, qui doivent assurer l'autorité d'une même voix pour l'ensemble des services de l'État. L'administration de l'État territorial est à l'os et, là encore, des questions patrimoniales se posent. Les crédits augmenteront de 300 millions d'euros et nous soutiendrons les moyens consacrés à l'immobilier, à hauteur de plus de 30 millions d'euros. Des créations de postes auront également lieu.

En matière d'immobilier, deux grands projets concernent le ministère. En premier lieu, la construction du siège de la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) va commencer à Saint-Ouen, pour un coût de 1,2 milliard d'euros. En plus de dix ans, les effectifs de la DGSI ont doublé. Au moment des attaques terroristes, nous avons pris conscience de l'existence de trous dans la raquette en matière de renseignement. Un effort national a été fourni et la DGSI doit absorber plus de 5 000 collaborateurs.

En second lieu, l'administration centrale du ministère s'installera à Saint-Denis, dans l'ensemble immobilier Universeine, qui accueillera 2 700 agents. Cette opération aura un coût de presque 300 millions d'euros. Il s'agit d'un projet assez vertueux puisqu'un certain nombre de structures qui visaient à accueillir les athlètes pendant les Jeux Olympiques et Paralympiques seront réutilisées.

Enfin, la transformation numérique reste centrale, notamment avec l'ouverture du service du Réseau Radio du Futur. En matière d'hébergement numérique, il faudra privilégier des solutions souveraines autant que possible.

J'en viens à la mission « Immigration, asile et intégration », dont les crédits ont d'abord beaucoup diminué. J'ai donc indiqué au Premier ministre qu'il fallait aligner nos objectifs et nos moyens, même si aucune mission ne doit être à l'abri des économies.

Cette baisse a été envisagée en raison d'une décroissance prévisionnelle du nombre d'Ukrainiens accueillis. En effet, nous accueillions 96 000 Ukrainiens en 2022 et nous estimons que ce chiffre sera inférieur à 40 000 en 2025.

De plus, nous souhaitons rationaliser la gestion des places d'hébergement. Ces dernières sont largement occupées par des publics qui ne devraient pas y avoir accès, comme les déboutés du droit d'asile. En conséquence, le public que nous sommes censés accueillir ne peut pas l'être. De la même manière, l'hébergement d'urgence, qui relève de la compétence de ma collègue Valérie Létard, est désormais occupé à 70 % ou 80 % par des étrangers en situation irrégulière, ce qui pose d'énormes problèmes. Toute la chaîne d'hébergement rencontre des difficultés, qu'il faudra progressivement résoudre.

Je confirme que nous ouvrirons de nouvelles places dans les centres de rétention administrative (CRA), puisque nous visons l'objectif de 3 000 places en 2027. De plus, 29 nouveaux équivalents temps plein (ETP) seront attribués à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra), permettant notamment de réduire les délais de traitement des demandes d'asile. Cela entraînera des économies s'agissant de l'allocation pour demandeurs d'asile (ADA). Enfin, le déploiement des espaces « France asile » permettra également de réaliser des économies, notamment en termes de transport.

Mme Muriel Jourda, présidente, rapporteur pour avis de la mission « Immigration, asile et intégration ». - Le projet de budget, tel qu'il nous est transmis, mentionne une baisse de 60 millions d'euros des crédits fléchés vers la lutte contre l'immigration irrégulière.

Vous venez d'indiquer, comme vous l'avez déjà fait à l'Assemblée nationale, que le budget de la mission serait sans doute revalorisé, ce dont on peut se réjouir. Pouvez-vous donner des précisions quant aux montants et à l'affectation de ces crédits supplémentaires ?

M. Olivier Bitz, rapporteur pour avis de la mission « Immigration, asile et intégration ». - L'efficacité d'une politique publique ne se mesure pas toujours au montant des budgets investis, tout le monde ici en a conscience. Néanmoins, la mission « Immigration, asile et intégration » connaît pour l'instant une baisse prévisionnelle et j'espère avoir une bonne nouvelle dans quelques minutes. Cette diminution s'élève à 35 millions d'euros en AE et à 110 millions d'euros en CP. Par ailleurs, nous avons réintégré à la mission les crédits consacrés aux Ukrainiens. Globalement, il s'agit d'un effort de 300 millions d'euros.

D'abord, le budget consacré à l'hébergement des demandeurs d'asile baisse de 71 millions d'euros ; 6 500 places ne seraient plus financées. Je m'interroge sur la soutenabilité d'une telle baisse. En effet, non seulement nous financerons 6 500 places en moins, mais les places réservées aux Ukrainiens seront également financées sur cette ligne. Avec une prévision de 5 % de demandeurs d'asile en plus pour l'année prochaine - certains experts évoquent même 6 % ou 7 % -, l'objectif n'est-il pas trop ambitieux ?

En ce qui concerne les crédits dédiés à l'ADA, le budget prévoit 47 millions d'euros en moins. Comme il s'agit d'une dépense obligatoire, les crédits seront certainement ajustés au cours de l'année. Cependant, je m'interroge là aussi sur la soutenabilité de l'effort demandé.

Enfin, j'en viens aux CRA. Avec la diminution de 47 millions d'euros des CP et de 115 millions d'euros des AE, l'objectif de créer 3 000 places en 2027 n'est-il pas compromis ? De façon plus générale, je m'interroge sur la gestion des CRA. En effet, le profil des personnes retenues change et il s'agit beaucoup plus qu'avant de personnes troublant l'ordre public. De même, la durée de rétention progresse puisque nous sommes passés en une année de 29 à 33,3 jours en moyenne. Je m'interroge donc sur les moyens octroyés aux policiers, dont ce n'est pas le métier d'intervenir dans les CRA, mais aussi sur la nature de la rétention en CRA et sur des vulnérabilités, en matière de bâtiment et de formation des agents.

Mme Marie-Carole Ciuntu, rapporteure spéciale de la commission des finances sur la mission « Immigration, asile et intégration ». - Vous l'avez dit, une partie des places d'hébergement existantes ne sont pas occupées par ceux qui devraient les occuper. Nous sommes aussi confrontés à une autre problématique puisque 2 000 logements posent question quant à leur état, si bien qu'ils n'entrent plus dans la comptabilisation des places. Ainsi, sur les 6 500 logements qui disparaîtraient, 4 000 ne sont pas occupés par les bonnes personnes ou sont dans un tel état qu'ils ne sont pas occupés ; le différentiel est faible. Des consignes ont été données aux préfets pour faire le point sur cette situation dans l'ensemble des départements. L'impact budgétaire ne serait pas aussi élevé qu'on le pense si les choses étaient faites dans les règles, avec la diligence souhaitée.

En ce qui concerne l'intégration, la loi du 26 janvier 2024 pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration prévoit une obligation de résultat. Il ne s'agira plus seulement, pour les étrangers en situation régulière, d'être assidus à leurs cours de français et d'accepter de participer à quatre journées consacrées à nos valeurs civiques, pour accéder à des titres de séjours longs, mais de bien de réussir des examens. Pour le moment, le travail nécessaire n'a pas été accompli. Or on constate un échec dans l'apprentissage du français comme dans l'enseignement de nos valeurs civiques. Il s'agit d'une question non pas de moyens, mais de volonté. Aujourd'hui, les documents faisant état de nos valeurs ressemblent à des catalogues de droits, mais n'évoquent pas les devoirs. Il faut rappeler l'importance de la laïcité et de l'égalité entre les hommes et les femmes. Cette question pèsera certainement davantage dans le budget suivant et j'y serai attentive.

Mme Françoise Dumont, rapporteure pour avis de la mission « Immigration, asile et intégration » sur le programme « Sécurité civile ». - Je souhaiterais évoquer deux points d'inquiétude quant aux moyens nationaux de la sécurité civile, présentés au sein du programme 161.

La semaine dernière, je me suis rendue sur la base aérienne de la sécurité civile à Nîmes pour échanger sur les enjeux liés à la flotte nationale. Aussi, je souhaiterais aujourd'hui compléter ces échanges en abordant la problématique de la disponibilité des moyens aériens pour la lutte contre les feux de forêt. En 2024, la saison des feux a été d'une intensité modérée, notamment grâce à la réactivité des acteurs de la sécurité civile et à l'efficacité de notre doctrine opérationnelle. Toutefois, au cours de l'été, des inquiétudes quant à la faible disponibilité des moyens aériens ont interrogé la capacité de notre flotte à assurer la même efficacité si, à l'avenir, des feux plus importants devaient survenir. Quelle est votre position sur ces enjeux de disponibilité de nos aéronefs, qui sont vieillissants ? Quelles conclusions tirez-vous des difficultés observées à assurer le maintien en condition opérationnelle ? Comment assurer la capacité de la flotte à faire face à une saison de feux de forêt dont l'intensité serait similaire à celle de 2022 ? Ces interrogations ne sont pas sans lien avec le projet de renouvellement de la flotte d'avions bombardiers d'eau, dont j'espère que vous direz un mot.

J'en viens aux inondations exceptionnelles survenues dans plusieurs départements au cours de l'année 2024 et aux drames subis ces derniers jours par nos voisins espagnols. Alors que la multiplication des épisodes de fortes pluies et des risques de crues est inévitable pour les années à venir, comment anticipez-vous les besoins accrus en matière d'investissement dans le matériel et la formation des acteurs de la sécurité civile ? Comment le ministère entend-il répondre en termes budgétaires à ces risques naturels qui vont croissants et qui préoccupent nombre de nos concitoyens ?

M. Henri Leroy, rapporteur pour avis de la mission « Sécurités ». - On peut se réjouir que les budgets de la police et de la gendarmerie soient en légère augmentation et que des crédits supplémentaires soient ouverts dès cette année pour tenir les promesses faites aux policiers et aux gendarmes en contrepartie de leur engagement pendant les jeux Olympiques.

Toutefois, le PLF prévoit un schéma d'emploi nul pour la gendarmerie, ce qui constitue un renoncement important par rapport aux 500 ETP supplémentaires prévus par la Lopmi pour 2025, tandis que les objectifs opérationnels, eux, sont maintenus inchangés, avec la création de 239 brigades et de 7 escadrons. Est-il réaliste de faire beaucoup plus avec moins de militaires que prévu - à moins qu'il y ait un rattrapage d'ici à 2027 ? Mais cela semble difficile à envisager au vu des besoins très importants constatés sur d'autres postes de dépenses, je pense notamment à l'indispensable rénovation du parc immobilier.

S'agissant de la police, ce PLF marque un coup d'arrêt concernant l'investissement, et en particulier le renouvellement du parc automobile. Il est vrai qu'il avait été arrêté avec l'annulation de crédits dès le début de l'année 2024. Or les voitures sont un outil de travail quotidien. Leur dégradation affecte les conditions de travail des policiers, mais aussi la conduite des opérations. Mais je sais que vous héritez de cette situation. Pouvez-vous nous assurer que les crédits prévus seront bien engagés, contrairement à 2024 ? Cela a-t-il été identifié comme une priorité pour les années à venir ? Car c'en est une.

Mme Cécile Cukierman, rapporteure pour avis de la mission « Administration générale et territoriale de l'État ». - Merci pour vos propos ; nous sommes nombreux à souhaiter un État déconcentré fort incarné par le préfet. Les deux dernières années ont été jalonnées par diverses annonces en faveur de l'administration territoriale de l'État.

Concrètement, ont été lancées en février dernier les rencontres de l'administration territoriale de l'État, mais la dissolution a eu raison de ces ateliers, pourtant essentiels. Le programme « Missions prioritaires des préfectures » arrive dans sa dernière année, envisagez-vous reprendre ces travaux ? Irez-vous au-delà de la simple préservation des effectifs ? Relancerez-vous ce dialogue ?

Je souhaite également aborder d'autres actions et projets portés par les crédits de la mission budgétaire « Administration générale et territoriale de l'État » que sont le programme France identité numérique et l'organisation des élections. Le projet d'identité numérique régalienne repose sur trois impératifs fondamentaux : le besoin de souveraineté face aux initiatives des acteurs privés, la garantie de sécurité et la lutte contre la fraude documentaire ainsi que la simplification des démarches pour les usagers. À cet égard, les premiers résultats des procurations de vote entièrement dématérialisées sont encourageants et témoignent de l'adhésion croissante de nos concitoyens, plus de 100 000 électeurs en ayant bénéficié lors des élections de juin 2024.

Néanmoins, le cadre légal de la procédure électorale apparaît encore insuffisamment adapté : le justificatif d'identité numérique n'est pas reconnu comme preuve d'identité le jour du scrutin. Alors que les communes font déjà état de difficultés dans la gestion des procurations reçues le jour même des élections, la généralisation des procurations dématérialisées ne fera qu'aggraver le problème. Seriez-vous favorable à une évolution réglementaire fixant une date limite pour l'établissement des procurations ?

Habituellement, la commission des lois rejette les crédits de cette mission non pas par principe, mais pour attirer l'attention du ministre sur la nécessité d'un État territorial fort, notamment les sous-préfectures. Il semblerait que la majorité évolue vers un vote favorable, lequel n'en attirera pas moins votre attention pour qu'aucun territoire ne soit oublié.

M. Bruno Retailleau, ministre. - L'amendement budgétaire décidé par le Premier ministre abondera la mission « Immigration, asile et intégration » de 56 millions d'euros en AE et de 34 millions d'euros en CP. Dans ce budget difficile, chacun est amené à réaliser des économies, mais ces crédits supplémentaires étaient nécessaires. Nous essayons par ailleurs d'optimiser au maximum, en nous ajustant à la décroissance du nombre d'Ukrainiens accueillis et en mettant en place un pilotage de l'hébergement beaucoup plus volontariste. Je constate que certaines préfectures de région y parviennent bien mieux que d'autres - il y a des marges de progression.

Pour faire baisser nos dépenses d'ADA, nous envisageons de recruter 29 ETP à l'Ofpra, qui devraient concourir à réduire la durée des procédures ; les premiers espaces France asile à Cergy-Pontoise, à Toulouse puis à Metz permettront également d'économiser trois semaines de délai de traitement et de nombreux frais de transport.

Il faut tenir sur l'objectif de 3 000 nouvelles places en CRA. Sur les 34 millions de nouveaux crédits de paiement, une bonne part y est consacrée. Mais c'est moins une question de crédits que de lourdeur des procédures. J'ai donc prévu une équipe dédiée au sein de mon ministère pour accélérer cette mise en oeuvre. Le CRA de Nice comporte une quarantaine de places qu'on pourrait étendre à 140, mais il nous faut négocier avec la ville de Nice.

La durée moyenne de placement a augmenté, pour atteindre 33 jours. Le problème principal pour augmenter le nombre de places sera le personnel. Ce ne sont pas des postes attractifs. À Lyon, ce sont des gendarmes mobiles, mais ce n'est pas leur métier. Souvent, ce sont des agents de la police aux frontières. Il importe de procéder à des externalisations sur les tâches non régaliennes, comme pour la restauration. Mais je n'ai pas de réponse définitive pour le moment concernant cette question.

Nous voulons être très volontaristes sur l'immigration, en articulant notre action autour de trois piliers.

D'abord, une action très en avant, au niveau international, via des accords bilatéraux. Mardi dernier, nous avons signé avec le Kazakhstan un accord conforme au droit européen - il n'a rien à voir avec l'accord italo-albanais - permettant d'y renvoyer des étrangers dès lors qu'on établit des preuves de transit ou de séjour. Cela pourrait concerner les plus de 83 000 Afghans présents en France. Un binôme formé par un ambassadeur et un représentant du ministère de l'intérieur sera chargé de développer ces accords.

Ensuite, nous défendons une réponse européenne, avec une application anticipée du pacte sur la migration et l'asile et la création des centres d'attente qu'il prévoit. Les demandes d'asile de ressortissants de pays ayant un taux de protection de moins de 20 % seront traitées plus rapidement. Je suis heureux de constater, lors des réunions européennes, un consensus pour la refonte de la directive « Retour », mal nommée, puisqu'elle empêche précisément les retours. Ursula von der Leyen nous a confirmé qu'elle considérait cette refonte comme une question urgente.

Enfin, nous déploierons une stratégie au niveau national, avec deux circulaires et un projet de loi qui reprendra les dispositions qui avaient été censurées par le Conseil Constitutionnel pour des raisons de forme.

Nous ne pouvons plus accepter le désordre migratoire. Nous devons mieux mobiliser les outils existants, par exemple la libération conditionnelle-expulsion, par laquelle la peine peut être réduite à condition d'un retour volontaire dans le pays d'origine. Nous ne pouvons pas compter uniquement sur les CRA pour gérer une politique de retour. D'où les politiques de réadmission que je mène, par exemple avec le Maroc.

Madame Ciuntu, effectivement, une partie des places d'hébergement ne sont pas disponibles ; plus de 4 000 places sont occupées par des publics qui ne devraient pas les occuper. Nous serons déterminés sur cette question aussi.

Effectivement, la loi de janvier dernier transforme l'obligation de moyens en obligation de résultat. Nous sommes en phase de préparation des marchés publics pour la réforme des dispositifs d'apprentissage de la langue et d'instruction civique. Pour la langue, nous étudions la possibilité d'un enseignement à distance. Je crois que la mise en concurrence de l'appel d'offres nous permettra de faire des économies.

Nîmes est une belle base d'entretien de notre flotte d'aéronefs de lutte contre l'incendie, malheureusement vieillissante. Il y a deux ans, la Président de la République avait pris l'engagement de renouveler quatre appareils. Deux commandes ont été passées avec un cofinancement européen. Nous aurons donc à payer moins en 2025 qu'en 2024.

Nous avons besoin de redimensionner la flotte : nos moyens sont insuffisants. Nous allons continuer à renouveler notre parc d'hélicoptères à hauteur de 100 millions d'euros.

Nous allons relancer, le 25 novembre, le Beauvau de la sécurité civile avec l'ensemble des partenaires. Je tiens à préserver le modèle français, qui présente le meilleur rapport entre le coût et la qualité, caractérisé par la mixité des statuts, la complémentarité et l'ajout de moyens nationaux si besoin. Mais cela implique qu'on ne nous demande pas d'appliquer aux volontaires la directive Travail. Les sapeurs-pompiers volontaires ne sont pas des salariés !

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Ce sont des collaborateurs occasionnels du service public.

M. Bruno Retailleau, ministre. - Eux-mêmes tiennent à ce statut de volontaire. Nous louons aussi en saison d'autres appareils, pour un coût de 30 millions d'euros : dix hélicoptères bombardiers d'eau et six avions légers de type Air Tractor.

Concernant mon retour d'expérience sur les inondations, cela n'a rien à voir avec les inondations qui ont eu lieu à Valence : nous avons une culture des risques. Après la tempête Xynthia, j'avais présidé au Sénat une commission d'enquête qui avait montré à l'époque que notre culture des risques était proche de zéro ; mais les progrès ont été immenses.

Cette culture repose sur la chaîne du risque depuis l'amont - la prévision, avec Météo France, puis FR-Alert - jusqu'à l'aval, que doivent préparer les plans communaux de sauvegarde. Les maires doivent se prêter à des exercices très concrets, tels que le repérage des personnes grabataires à secourir en priorité. J'incite les associations départementales d'élus à guider les maires dans ce domaine.

Madame Dumont, les pactes capacitaires avec les services départementaux d'incendie et de secours (Sdis) sont fondamentaux : les appels d'offres sur toute la France permettent d'obtenir une baisse des coûts de l'ordre de 30 % et un matériel interopérable : cela facilite le soutien entre départements lors des grands feux.

À ce propos, le jour même de la catastrophe à Valence, j'ai proposé à mon homologue espagnol l'envoi de 200 à 250 sapeurs-pompiers, mais il a refusé dans un premier temps. Il m'a ensuite demandé l'envoi d'une cinquantaine d'entre eux. Je compte réunir les autres ministres de l'intérieur européens pour créer un état-major capable de gérer les très grandes crises de manière coordonnée - aujourd'hui, les choses se font en bilatéral.

Monsieur Leroy, nous aurons bien 238 nouvelles brigades, soit une de moins que prévu, dont 57 restent à déployer. J'ai demandé au nouveau directeur général de la gendarmerie nationale (DGGN) un calendrier précis, afin de pouvoir envoyer aux maires un engagement écrit sur la date de création de chaque brigade.

Le calendrier de création nécessite, vous avez raison, des emplois supplémentaires, notamment l'an prochain. Ce sera mon combat. J'ai la masse salariale, mais Bercy bloque sur le schéma d'emploi. Je tiens à ce qu'on respecte les engagements pris.

S'agissant des investissements dans la police, monsieur Leroy, des crédits seront engagés pour acheter 1 600 voitures de police.

Le principal problème porte sur l'immobilier : en quinze ans, on est passé de loyers à hauteur de 300 millions d'euros à 600 millions d'euros ! Comme l'État n'avait pas assez de crédits pour investir, il a demandé aux collectivités et aux bailleurs sociaux de le faire à sa place. Mais le modèle a ses limites : les loyers cannibalisent les crédits. Nous ne sommes plus capables de remettre à niveau notre patrimoine immobilier. Les partenariats public-privé (PPP) ont du sens pour de grands projets comme Satory. J'ai demandé au DGGN de me proposer un plan de sortie.

Madame Cukierman, si les rencontres ont eu lieu, elles n'ont effectivement donné lieu à aucune restitution. J'ai souhaité une reprise des rencontres en décembre. C'est fondamental pour les services déconcentrés. J'ai également souhaité une augmentation des effectifs dans les préfectures et sous-préfectures : nous suivrons la trajectoire de cette année, avec une centaine de créations de postes.

Vous m'indiquez que le cadre normatif des procurations dématérialisées n'est pas satisfaisant. Mais cela relève de la loi : il faudra que le Sénat y pourvoie.

Concernant la date limite, cela relève du domaine réglementaire. Je vais y réfléchir. À quel délai pensiez-vous ?

Mme Cécile Cukierman, rapporteure pour avis. - Je ne demande pas une réponse tout de suite. De nombreuses communes nous disent qu'il est difficile de gérer un afflux de procurations après 18 heures le vendredi ...

M. Bruno Retailleau, ministre. - Je compte sur la commission des lois du Sénat pour me faire des propositions sur ce point, madame la présidente.

M. Marc-Philippe Daubresse. - Monsieur le ministre, ayant été le rapporteur de la Lopmi au Sénat, je me réjouis que vous soyez parvenu à en conserver les équilibres fondamentaux. Lors de sa première année d'exécution, une loi d'orientation est toujours formidable, mais, dès la deuxième année, il faut lutter pour que des crédits programmés ne soient pas supprimés. En l'occurrence, vous avez préservé l'essentiel, même si je souscris aux remarques formulées par Henri Leroy.

Par ailleurs, votre prédécesseur, Gérald Darmanin, m'avait demandé de me pencher sur le sujet de l'immobilier, dont vous avez dit quelques mots. Celui-ci s'était mué en père Noël, faisant la tournée des mairies pour annoncer que des casernes de gendarmerie seraient construites à toute allure, mais nous voyons bien que les choses ne se passent pas ainsi.

La gestion du patrimoine locatif est un vrai sujet, en particulier pour ce qui concerne la gendarmerie. Selon un diagnostic que j'ai réalisé, celle-ci compte 1,1 million de mètres carrés de locaux, dont environ la moitié sont domaniaux et l'autre moitié sont en location. Or, à l'évidence, la gendarmerie n'a pas la compétence pour gérer une telle masse locative. Il convient donc de s'interroger sur l'éventualité d'en confier la gestion à des professionnels, par exemple à Action Logement. De même, nous devons nous poser la question de la création d'une foncière logement pour plus d'efficience.

J'ai bien compris que vous étiez conscient du problème, qui, à terme, est explosif d'un point de vue budgétaire, en témoignent les disparités de loyer entre police, gendarmerie et préfectures. Aussi, qu'envisagez-vous pour le résoudre ?

M. Guy Benarroche. - Monsieur le ministre, de manière générale, j'ai noté que vos prévisions se fondaient sur l'application d'une politique volontariste, reposant notamment sur les préfets, en vue de réaliser des économies. Pourtant, une telle politique n'a toujours pas été mise en oeuvre et le budget à venir risque de compliquer la tâche à quiconque souhaite le faire.

Je vous rappelle que les préfectures souffrent déjà d'un manque criant de personnel pour traiter les dossiers, qui allonge les délais d'attente. Pourtant, 350 suppressions de postes dans les préfectures et les sous-préfectures sont prévues dans le budget pour 2025. Les conséquences seront lourdes - elles le sont même déjà - pour la justice administrative.

Je reviendrai sur les propos de certains de mes collègues sur l'asile et l'immigration. Voilà la photographie de ce qui est prévu concernant l'hébergement : 6 179 places d'accueil en moins ; une réduction de 71 millions d'euros par rapport à 2024. De nombreux demandeurs d'asile vont ainsi se retrouver dans des structures d'hébergement d'urgence de droit commun, dormir dans la rue ou payer des marchands de sommeil.

De plus, les crédits alloués à l'exercice du droit d'asile ont également diminué de 16 %, ce qui affectera essentiellement les cours de français. Cela semble totalement paradoxal, compte tenu des nouvelles exigences requises en matière linguistique pour obtenir un titre de séjour depuis l'adoption de la dernière loi relative à l'immigration.

Pour ce qui est de l'intégration par la formation professionnelle, l'Office français de l'immigration et de l'intégration (Ofii) perdra des effectifs en 2025, son budget s'élevant à 275 millions d'euros, contre 281 millions d'euros en 2023. Cette structure joue pourtant un rôle majeur pour que les primo-arrivants s'intègrent par l'emploi et veille à la bonne exécution du contrat d'intégration républicaine (CIR).

Par ailleurs, les demandeurs d'asile sont dans l'impossibilité de signer un contrat de travail, ils se voient refuser une régularisation et la dotation relative à l'ADA diminue de 16 % après avoir déjà diminué de 10 % en 2024. Dès lors, ils n'ont d'autre choix que de travailler au noir, sans protection salariale ni couverture santé, alors qu'ils aspirent à travailler ou le fond déjà.

L'Ofpra bénéficie certes de 29 postes supplémentaires, mais lors des auditions que nous avions menées pour préparer l'examen de la loi relative à l'immigration, les fonctionnaires de cette structure ainsi que ceux de l'Ofii nous avaient alerté sur le manque criant de personnel formé. Il est attendu des espaces « France asile » qu'ils résolvent les problèmes et diminuent les délais, mais des délais plus courts signifient également moins de temps pour monter un dossier. La diminution des délais n'est pas une fin en soi : il faut avant tout que les demandes soient traitées correctement. Pour l'heure, nous n'avons aucune garantie à cet égard.

Enfin, monsieur le ministre, j'ai visité quatre CRA rien qu'en 2024. Je suis tout à fait d'accord avec vous sur le fait que l'on ne peut pas compter que sur les CRA pour mener la politique de retour, car le profil des retenus a changé. Ces derniers sont désormais majoritairement des personnes qui sortent de prison et ont vocation à y retourner, faisant de ces structures des centres de détention, dont les bâtiments comme le personnel sont inadaptés à la situation. Dès lors, comment expliquer l'effort financier accordé à ces structures, qui sera inefficace faute d'avoir au préalable repensé leur rôle en matière de politique de retour ?

Monsieur le ministre, vous étiez à Marseille avec Didier Migaud vendredi dernier, le 8 novembre, pour aborder la question de la lutte contre le narcotrafic, que vous érigez en grande cause nationale. Pouvez-vous me donner des éléments chiffrés sur les efforts réels qui seront consacrés par l'État à cette grande cause nationale ?

Mme Corinne Narassiguin. - Je m'associe aux questions de Guy Benarroche.

Monsieur le ministre, vous insistez sur la nécessité de tenir l'objectif de 3 000 places dans les CRA à l'horizon 2027, mais je n'ai toujours pas compris comment vous comptiez vous y prendre d'un point de vue budgétaire. Il me semble pour le moins optimiste de compter uniquement sur une accélération des procédures, sachant que nous avons avant tout un problème d'exécution des obligations de quitter le territoire français (OQTF), qui n'est pas seulement dû aux laissez-passer consulaires.

Les frais d'éloignement sont en baisse de 11,6 %, ce qui signifie qu'il y aura plus de personnes en CRA et moins de moyens pour les éloigner. Je ne comprends pas la logique.

Tous types d'hébergements confondus, la réduction capacitaire concernerait ensuite 9 000 places, alors que nous comptons déjà 6 000 personnes sans domicile fixe en France.

Compte tenu de l'incertitude géopolitique, il semble hasardeux de miser sur une éventuelle résolution de la guerre en Ukraine occasionnant une baisse de réfugiés ukrainiens. Par ailleurs, vous avez mentionné l'éloignement des ressortissants afghans ; nous devrions plutôt nous préparer à accueillir massivement des femmes afghanes. Le sous-financement de l'accueil demeure un énorme problème.

En ce qui concerne l'intégration, l'article 20 de la dernière loi relative à l'immigration, que vous avez largement inspiré, fait l'objet d'un problème d'application. Celui-ci impose des obligations de résultat en matière d'apprentissage de la langue française. Or les crédits de l'action n° 12, Intégration des étrangers primo-arrivants, du programme 104 baissent de 45 %. Les moyens d'enseignement du français étaient déjà insuffisants avec le durcissement des exigences linguistiques pour l'obtention d'un titre de séjour. Nous ne voyons pas comment nous pourrons atteindre les objectifs de cette loi.

Par ailleurs, vous avez annoncé vouloir supprimer la circulaire Valls. J'aimerais obtenir des explications à ce sujet, d'autant que nous attendons toujours l'actualisation de la liste des métiers en tension, qui est nécessaire pour appliquer la loi du 26 janvier 2024.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Monsieur le ministre, depuis plusieurs semaines, vous dites vouloir allonger de manière très importante la durée maximale de rétention administrative, pour la porter à 210 jours. Comment comptez-vous procéder avec un budget en baisse ? Peut-être ne pensez-vous pas le faire dès l'année prochaine ?

En ce qui concerne les OQTF, je vous repose la question que j'ai posée la semaine dernière à Othman Nasrou en séance publique, qui n'a pas su me répondre : pourquoi les préfectures ne demandent-elles pas la délivrance des laissez-passer consulaires dès lors que la personne concernée est détenue et fait l'objet, comme c'était le cas du meurtrier présumé de la jeune Philippine, d'une interdiction du territoire français (ITF) prononcée par une juridiction ?

Par ailleurs, la loi du 19 mai 2023 relative aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 et portant diverses autres dispositions a autorisé jusqu'au 31 mars 2025 l'expérimentation, dans des circonstances très spécifiques, d'une vidéosurveillance algorithmique, sans reconnaissance faciale. Avant une éventuelle pérennisation, un comité d'évaluation, présidé par Christian Vigouroux, doit émettre ses conclusions d'ici au 31 décembre 2024.

J'ai noté que le préfet de police, faisant preuve d'une forme de clairvoyance qui ne m'étonne pas de sa part, a annoncé dès le 25 septembre que le bilan était positif et qu'il était favorable à une pérennisation de l'expérimentation. Vous en avez fait de même le 2 octobre. Permettez-moi donc de m'assurer que vous avez bien l'intention de tenir compte des conclusions du comité d'évaluation...

Enfin, comme vous recherchez des crédits, vous pourriez réaliser des économies sur le logiciel d'analyse vidéo Briefcam, qui a fait l'objet d'une inspection conjointe de l'inspection générale de l'administration (IGA) et de l'inspection générale de la police nationale (IGPN). Celui-ci a coûté 1,287 million d'euros alors qu'il n'a été utilisé que 177 fois par la police et 386 fois par la gendarmerie en huit ans. Une rationalisation des achats réalisés par le ministère de l'intérieur serait opportune.

M. Hussein Bourgi. - Monsieur le ministre, je vous remercie des informations que vous avez bien voulu nous communiquer.

Lorsque nous avons adopté la Lopmi, l'annonce de la création de plus de 200 nouvelles brigades de gendarmerie avait suscité un grand enthousiasme chez les maires. Depuis lors, des informations contradictoires circulent : selon certaines, une crise des vocations nous empêcherait de trouver des volontaires pour s'engager dans la gendarmerie ; selon d'autres, plus plausibles, les délais de formation des nouveaux gendarmes retarderaient leur déploiement.

À l'aune des nouvelles orientations budgétaires, l'enthousiasme a fait place à la perplexité. Les maires comme les gradés de la gendarmerie sont dans l'expectative et se demandent si le foncier réservé par les premiers servira un jour aux seconds. Il serait utile que vous fixiez un cap pour déterminer ce qui sera fait d'ici à la fin du quinquennat pour restaurer la confiance des différents acteurs, que je sens s'étioler sur le terrain.

Par ailleurs, année après année, et en particulier à l'occasion des grands incendies survenus il y a deux ans, vos prédécesseurs se sont engagés à augmenter nos capacités dans le domaine du matériel aérien tout en nous indiquant que nous devions travailler en bonne intelligence avec nos partenaires européens pour passer des commandes groupées. Combien de pays se sont-ils engagés à passer commande ? Pour acquérir combien d'engins ? Avez-vous l'espoir, à court ou moyen terme, que ces avions soient effectivement commandés ?

M. Christophe Chaillou. - Tout d'abord, monsieur le ministre, en ce qui concerne les centres de rétention administrative, je ne peux que me joindre aux propos de plusieurs de mes collègues. Dans mon département du Loiret, un centre récemment ouvert compte vingt places vacantes, à cause du manque de personnel. Vous avez raison de souligner les difficultés à convaincre des agents de rejoindre ces centres pour accomplir des missions pas nécessairement enthousiasmantes. En conséquence, de jeunes policiers sont mobilisés alors qu'ils seraient plus utiles dans le domaine public. Nous devons collectivement nous interroger sur l'adéquation entre les moyens que nécessitent les CRA et leur efficacité.

Ensuite, de nombreuses promesses ont été faites en matière d'immobilier pour les gendarmeries. Des bailleurs ont d'ores et déjà engagé des fonds et attendent, comme les élus, que des décisions fermes soient prises. J'ai en tête des exemples précis sur lesquels je vous transmettrai des informations.

Enfin, les loyers dus au titre des gendarmeries seront-ils comme promis versés en décembre ? Pour la commune de Dampierre-en-Burly, dans mon département, ils représentent 200 000 euros.

M. Bruno Retailleau, ministre. - Monsieur Daubresse, la trajectoire de la Lopmi était ambitieuse et croyez-moi, c'est déjà un tour de force de la respecter en 2025.

Vous connaissez bien les questions de logement. Pour les gendarmeries, je ne vois que des avantages à ce que nous trouvions des solutions innovantes. Aussi, j'ai demandé au nouveau directeur général de la gendarmerie nationale, le général d'armée Hubert Bonneau, d'y réfléchir en ne s'interdisant aucune piste, y compris en questionnant le recours à des partenariats public-privé ou encore à des solutions privées.

Vos propositions méritent d'être expertisées. Je n'ai aucune doctrine, aucun préjugé sur la question. Il est problématique que des gendarmes et leur famille soient parfois logés dans des casernes au niveau de confort insuffisant. Nous devons y réfléchir en profondeur et n'écarter aucune solution. Je demanderai au général Bonneau de vous contacter.

Monsieur Benarroche, la mission « Administration générale et territoriale de l'État » ne perd pas 300 agents ; nous allons même augmenter les effectifs au-delà d'une centaine de postes en 2025. Je me bats pour cela et je tiens absolument à obtenir gain de cause.

Sur la mission « Immigration, asile et intégration », la baisse des crédits de l'Ofii provient de la baisse des crédits européens, à hauteur de plus de 41 millions d'euros. Nous avons choisi de compenser cette baisse pour moitié en crédits de paiement pour 2025. Pour le reste, nous aiderons l'opérateur à trouver des solutions pour mener à bien ses missions. Je m'y suis engagé auprès de son directeur.

Sur la question de l'hébergement, je dois encore vous préciser que les occupations indues représentent 17 % des places disponibles. Il convient donc de les réduire.

Pour mieux intégrer, il faut lutter contre l'immigration irrégulière. Nous ne pouvons plus recevoir un demi-million d'étrangers par an - 327 000 primo-délivrances d'un titre de séjour, 137 000 demandeurs d'asile, 35 000 régularisations, auxquels s'ajoutent, selon les chiffres de mon ministère, 60 000 à 70 000 personnes en situation irrégulière -, soit l'équivalent d'une ville comme Lyon. Nous sommes dépassés par le nombre.

Lors de la réunion du dernier conseil Justice et Affaires intérieures, vingt-sept ministres de l'intérieur de gouvernements de tous bords, aussi bien conservateurs de droite que sociodémocrates de gauche, se sont tous exprimés et je n'ai senti aucune différence de perception sur l'immigration. En clair, la politique européenne en matière d'immigration fait désormais consensus, alors qu'elle provoquait jadis des divisions, en témoigne la lettre adressée aux États membres par Ursula Von der Leyen le 14 octobre dernier. Au reste, le consensus existe aussi en France, à en croire les enquêtes d'opinions et y compris parmi les électeurs de gauche.

Par ailleurs, nous avons abordé la question des contrats d'intégration républicaine. Nous allons produire un effort sans précédent sur le programme Agir - Accompagnement global et individualisé des réfugiés - pour accompagner individuellement 25 000 personnes vers l'emploi.

Sur l'intégration, 372 millions d'euros de crédits ont été consommés en 2024, et nous proposons 370 millions pour 2025. Comme moi, vous avez dirigé de grandes collectivités territoriales. Vous savez qu'il faut regarder ce qui est réellement dépensé pour comparer ce qui est comparable.

Les CRA sont bien sûr des centres fermés et il est hors de question d'assumer la politique des retours uniquement au travers de ces structures. Madame de La Gontrie, il convient d'anticiper davantage, ce qui n'est pas toujours simple. J'ai demandé un dialogue accru entre les procureurs et les juges des libertés.

Le délai de 210 jours ne s'appliquera pas à tout le monde. Je pense en particulier aux criminels sexuels en risque de récidive. Pour le cas du meurtrier de Philippine, la transmission du laissez-passer consulaire s'est jouée à un jour près, alors que le délai de 90 jours n'était pas écoulé. Voilà l'écueil que je veux éviter.

Pour ce qui concerne la lutte contre le narcotrafic, ceux qui connaissent la question savent qu'en matière de police judiciaire, un renfort de 25 enquêteurs est considérable. En outre, nous avons créé il y a quelques mois une unité d'investigation nationale pour tenir compte de l'aspect tentaculaire des enquêtes. La question des moyens est en quelque sorte subsidiaire : si les bonnes stratégies ne sont pas mises en oeuvre, tous les moyens du monde ne donneront aucun résultat. Et la stratégie que nous avons présentée avec mon collègue garde des sceaux permet de changer de cadre, d'avoir une véritable rupture. Face au narcobanditisme et à la criminalité organisée, nous voulons faire ce que nous avons fait contre le terrorisme, en modifiant un certain nombre de normes juridiques et en mobilisant de nouveaux outils. Certes, comme je l'ai indiqué à Marseille - la DZ Mafia est en train de polluer de nombreuses villes de France -, ce sera long : il faudra peut-être dix ans à quinze ans pour obtenir les résultats souhaités.

Madame Narassiguin, j'ai déjà évoqué les CRA. Souhaitez-vous que j'insiste sur un point en particulier ?

Mme Corinne Narassiguin. - Comment allez-vous financer les places supplémentaires et, surtout, traiter la question de l'éloignement avec des budgets en baisse ?

M. Bruno Retailleau, ministre. - Nous allons mobiliser Frontex. Récemment, deux vols groupés organisés par Frontex sont partis en Géorgie et en Albanie ; nous avions négocié les escortes avec les pays d'origine. Cette méthode change tout, et elle nous permettra de mieux contrôler le budget de l'éloignement.

Vous avez évoqué l'article 20 de loi du 26 janvier 2024. Sur le CIR, certains pays font de l'apprentissage en ligne. Othman Nasrou est en train de travailler sur le dossier.

Voilà quelques mois, nous nous sommes opposés sur le fait de savoir s'il fallait accorder un droit opposable à la régularisation. La majorité sénatoriale a très largement voté contre, de même que l'Assemblée nationale ensuite. Nous souhaitons donc remplacer la circulaire Valls, car le cadre législatif a changé.

D'une part, le champ d'application n'est plus le même : jadis, étaient concernés tous les métiers confondus ; aujourd'hui, il s'agit des métiers en tension. Des concertations sont menées dans chaque région ; les résultats nous en seront communiqués. La future circulaire devra prendre en compte cette nouvelle réalité.

D'autre part, le contrôle des conditions d'éligibilité diffère également. Auparavant, le préfet régularisait les personnes qui avaient un travail. Mais nous voulons démanteler des filières de travail clandestin. Il est trop facile de tirer les salaires vers le bas. Je rappelle qu'il y a pratiquement un demi-million d'étrangers en situation régulière au chômage. Je ne veux pas qu'il soit plus facile d'être régularisé en ayant trouvé un travail après être entré frauduleusement que de demander un titre de séjour parfaitement régulier. La circulaire Valls est donc obsolète. Le contrôle doit également porter sur l'intégration et le respect des principes républicains.

Madame de La Gontrie, les 210 jours en CRA ne concernent pas tous les publics. Il s'agit d'éviter les récidives en matière de crimes sexuels. Mais, en effet, lorsque nous gardons certaines personnes plus longtemps, cela bloque des places. C'est la raison pour laquelle il est nécessaire d'anticiper, notamment lorsqu'un juge des libertés et de la détention décide d'une libération. C'est le sens des accords bilatéraux que nous concluons avec les pays d'origine, en particulier des grandes plaques continentales d'où proviennent les flux migratoires - je pense à l'Afrique, à l'Asie, etc. -, ainsi qu'avec les pays de séjour ou de transit.

Je suis très favorable à la vidéosurveillance augmentée, en rappelant que la loi ne permet pas de l'utiliser pour procéder à de la reconnaissance faciale. Le droit prévoit sept ou huit critères d'utilisation. Je crois savoir que vous allez mettre en place une mission d'information sur le sujet.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Aux termes de la loi du 19 mai 2023 relative aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, il revient au Gouvernement de remettre un rapport avant le 31 décembre.

Mme Muriel Jourda, présidente. - Mais je vous confirme que nous avons décidé la mise en place une mission d'information, dont Marie-Pierre de La Gontrie et Françoise Dumont sont les rapporteurs. Elle rendra ses conclusions avant le mois de mars.

M. Bruno Retailleau, ministre. - Et, pour le Gouvernement, la commission Vigouroux rendra ses conclusions, je pense, d'ici à la fin de l'année.

J'ai participé voilà quelques semaines à un G7 des ministres de l'intérieur consacré aux outils numériques. D'autres pays démocratiques sont confrontés aux mêmes problèmes et font appel aux mêmes technologies que nous. Certes, nous avons un certain nombre de contraintes juridiques que d'autres n'ont pas. Essayons de voir comment tirer le meilleur parti de ces nouvelles technologies sans, évidemment, porter atteinte aux libertés publiques.

Monsieur Bourgi, sur les brigades de gendarmerie, il y a des informations contradictoires ; il faut un cap. J'ai demandé au général Bonneau de m'indiquer ce qui est tenable. Une fois que j'aurai ses conclusions, j'apporterai ma pierre à l'édifice, en informant par écrit les maires des engagements de l'État, des délais et du calendrier.

Sur les incendies, le problème est que l'Europe part, une fois de plus, en ordre dispersé. Les Canadairs sont hors de prix : plus de 50 millions d'euros. C'est une question de souveraineté en matière de sécurité civile. Dans les années 2000, Michel Barnier a été à l'initiative d'un embryon de travail communautaire en la matière. Je souhaite que la France fasse preuve de volontarisme et réunisse les ministres chargés de la sécurité civile, afin de pouvoir faire des commandes publiques groupées, par exemple en nous inspirant du pacte capacitaire.

Monsieur Chaillou, une somme de 1 milliard d'euros, dont 200 millions d'euros à 300 millions d'euros au titre des loyers de la gendarmerie, a été négociée et obtenue en loi de fin de gestion. N'hésitez pas à communiquer à mon cabinet le nom de la commune que vous avez évoquée. En tout état de cause, les loyers pourront être honorés. Je le rappelle, à l'origine, il y avait une sous-budgétisation ; puis, avec les jeux Olympiques et les événements survenus en Nouvelle-Calédonie, la cigale se trouva fort dépourvue quand la bise fut venue.

Mme Muriel Jourda, présidente. - Monsieur le ministre, nous vous remercions de vos réponses.

La réunion est close à 19 h 15.

Mercredi 13 novembre 2024

- Présidence de Mme Muriel Jourda, présidente -

La réunion est ouverte à 9 heures.

Proposition de nomination de M. Didier Leschi, candidat proposé par le Président de la République aux fonctions de directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration - Examen du rapport

Mme Muriel Jourda, présidente, rapporteur. - En application de l'article 13 de la Constitution, ainsi que des lois organique et ordinaire du 23 juillet 2010 relatives à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution, nous allons procéder ce matin à l'audition de Didier Leschi, que le Président de la République envisage de renouveler, sur proposition du ministre de l'intérieur, pour un quatrième mandat aux fonctions de directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (Ofii).

Afin d'évaluer cette candidature, il me revient, préalablement à l'audition, de vous rendre compte des actions de M. Leschi à la tête de cet établissement depuis son précédent renouvellement.

La création de l'Ofii est intervenue en 2009, afin de simplifier le paysage administratif par la mise en place d'un opérateur unique compétent sur les questions migratoires. L'Office est placé sous la tutelle de la direction générale des étrangers en France (DGEF) et son action est centrée sur l'accueil, l'accompagnement et l'intégration des étrangers. Plus précisément, ses missions sont de quatre ordres.

Premièrement, la gestion de plusieurs procédures d'immigration régulière : l'Ofii est ainsi compétent pour l'instruction des demandes de regroupement familial et d'admission au séjour pour soins. Il est également le premier interlocuteur des entreprises souhaitant embaucher un travailleur étranger.

Deuxièmement, l'Ofii est chargé de l'accueil et de l'intégration des étrangers primo-arrivants, en particulier par la mise en place des formations linguistiques et civiques prescrites dans le cadre du contrat d'intégration républicaine (CIR).

Troisièmement, l'Ofii est responsable des conditions matérielles d'accueil et de l'accompagnement des demandeurs d'asile : la délivrance de l'allocation pour demandeur d'asile (ADA) ainsi que, dans la mesure du possible, la proposition d'une offre d'hébergement.

Enfin, l'Ofii est compétent en matière d'aide au retour et à la réinsertion.

Didier Leschi a été nommé directeur général de l'Ofii à compter du 1er janvier 2016 pour un mandat de trois ans, avant d'être reconduit dans ces fonctions fin 2018, puis en janvier 2022. Au cours de sa carrière, il a notamment exercé des responsabilités auprès de Jean-Pierre Chevènement, puis a intégré le corps préfectoral. Avant de rejoindre l'Ofii, il était préfet délégué pour l'égalité des chances auprès du préfet de Seine-Saint-Denis.

Depuis son précédent renouvellement, l'Ofii a eu à relever d'importants défis, dans un contexte souvent difficile, car l'augmentation continue des flux migratoires le place structurellement sous pression. Ainsi, 320 000 premiers titres de séjour ont été délivrés en France en 2023, un chiffre record. S'ajoute à ce tableau l'accueil des Ukrainiens bénéficiaires de la protection temporaire pour lequel ses services ont été particulièrement mobilisés. Nous pouvons nous accorder pour constater qu'ils ont largement été au rendez-vous.

Depuis son renouvellement, M. Leschi a également été investi dans deux chantiers importants : le déploiement du programme Agir - pour accompagnement global et individualisé des réfugiés -, comprenant la mise en place d'un guichet unique pour l'accompagnement vers le logement et l'emploi des réfugiés ainsi que la réforme de l'aide au retour, avec une augmentation des montants accordés, en contrepartie d'une importante dégressivité.

L'Ofii doit enfin mettre en oeuvre les réformes importantes souhaitées par le législateur en matière d'immigration et d'accueil, la dernière en date étant la loi du 26 janvier 2024 pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration, laquelle prévoit notamment la mise en place d'examens linguistiques et civiques obligatoires en fin de parcours d'intégration républicaine.

Au vu de ces éléments, il me semble que le renouvellement de M. Didier Leschi ne suscite pas de difficultés particulières. L'intéressé a fait montre des qualités requises au cours de ses neuf premières années passées à la tête de l'Ofii et son expérience sera sans nul doute précieuse pour la mise en place de la future réforme du CIR. Il fait preuve, par ailleurs, d'une certaine liberté de ton, inhabituelle chez les hauts fonctionnaires, mais qui a l'intérêt de mettre sur la place publique des problématiques qui méritent que nous nous y attardions. Sans préjuger de la qualité de son audition à venir, il me semble donc que nous pouvons envisager sa reconduction avec bienveillance.

Je vous propose maintenant d'accueillir Didier Leschi.

Audition de M. Didier Leschi, candidat proposé par le Président de la République aux fonctions de directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration

Mme Muriel Jourda, présidente, rapporteur. - Nous accueillons Didier Leschi, proposé par le Président de la République pour être reconduit dans ses fonctions de directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (Ofii).

En application de l'article 13 alinéa 5 de la Constitution, nous procédons donc aujourd'hui à son audition, laquelle sera suivie d'un vote. Je vous rappelle que le Président de la République ne pourrait pas procéder à la nomination de Didier Leschi si les votes négatifs au sein de notre commission et de la commission des lois de l'Assemblée nationale représentaient au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés au sein des deux commissions, conformément à la règle des trois cinquièmes négatifs.

Le vote aura lieu à la suite de notre audition, qui est publique et ouverte à la presse. Nous devrons procéder au dépouillement en fin de matinée, dans le même temps que nos collègues députés. Les délégations de vote ne sont pas autorisées, conformément à l'article 1er de l'ordonnance du 7 novembre 1958.

Monsieur Leschi, vous avez été nommé directeur général de l'Ofii à compter du 1er janvier 2016 pour un mandat de trois ans, avant d'être reconduit dans ces fonctions en 2018, puis en 2022. Dans l'hypothèse d'une reconduction, vous passeriez le cap de la décennie à la tête de cet office stratégique pour la mise en oeuvre de la politique gouvernementale en matière d'immigration. Avant de vous donner la parole, je souhaite vous poser deux questions sur l'activité et le fonctionnement de l'Office.

Quels ont été les faits marquants dans l'activité de l'Ofii depuis votre prise de poste et quel bilan tirez-vous de vos trois premiers mandats ?

Le défi majeur des prochains mois pour l'Ofii sera la mise en oeuvre de l'article 20 de la loi pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration, lequel conditionne la délivrance d'une carte de séjour pluriannuelle à la réussite à un examen de langue de niveau A2 ainsi qu'à un examen civique. L'Ofii est-il prêt pour la mise en place de cette nouvelle étape fondamentale du parcours d'intégration ? Nous sommes par ailleurs toujours en attente du décret d'application de ces dispositions. Savez-vous quand celui-ci sera-t-il publié ? Quel est à votre connaissance le coût de ce dispositif ?

M. Didier Leschi, candidat proposé par le Président de la République aux fonctions de directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. - Le Président de la République a décidé de soumettre à votre appréciation mon éventuelle reconduction à la direction de l'Ofii. L'accueil et l'intégration constituent un sujet évidemment important et je suis particulièrement honoré de votre confiance. Avant d'obtenir votre aval, permettez-moi de dresser le bilan de ces presque neuf années d'activité à la tête de cet établissement public.

Ces dernières années, ma mission principale a été la mise en oeuvre des évolutions législatives relatives à l'intégration. À mon arrivée, le Parlement a demandé à l'Ofii de reprendre des missions dévolues à d'autres organismes, telles que le versement de l'ADA, la gestion du parc d'hébergement et une procédure importante pour laquelle nous faisons chaque année un rapport au Parlement : la délivrance du titre de séjour pour soins.

En 2023, l'Ofii a signé 128 000 contrats d'intégration républicaine, contre 103 000 à mon arrivée. Le volume d'heures de cours de français dispensées, élément important de l'intégration, est passé de 5 millions à plus de 12 millions. Les directions territoriales de l'Ofii ont accueilli plus de 300 000 personnes en 2023, qu'il s'agisse des signataires du CIR ou d'autres publics. Nous avons oeuvré au renforcement des dispositifs favorisant l'intégration, comme les journées civiques, dont nous avons enrichi le contenu, mais aussi, et surtout, l'insertion par l'emploi, afin de permettre aux personnes accueillies, quel que soit leur mode d'entrée sur le territoire, de devenir autonomes. À cette fin, nous avons considérablement développé les partenariats avec Pôle emploi, les employeurs et les filières professionnelles, ainsi que des dispositifs tels que Hope - pour « hébergement, orientation, parcours vers l'emploi » -, avec l'Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes (Afpa), ou le nouveau dispositif Agir. L'accès à l'emploi et au logement demeure en effet le problème majeur de l'intégration des étrangers, indépendamment de leur mode d'entrée sur le territoire. L'accès au travail, en particulier, est rendu difficile par le faible niveau de formation initiale d'une partie des arrivants : 10 % d'entre eux sont non lecteurs et non scripteurs, et la France accueille l'immigration la plus faiblement formée des pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), en particulier au niveau européen. Quant à l'accès au logement, il reste un obstacle majeur à l'autonomie et à l'expérience de conditions de vie acceptables pour une partie de l'immigration.

S'agissant de l'asile, la reprise du versement de l'ADA par l'Ofii s'est effectuée dans un temps contraint afin d'éviter toute rupture de droits. Les fichiers d'allocataires transmis par Pôle emploi comportaient des doublons et des erreurs, et nécessitaient de ce fait un travail minutieux d'analyse des données. Nous sommes parvenus à maintenir les droits, tout en assurant une gestion rigoureuse. Aujourd'hui, 176 000 personnes, Ukrainiens compris, perçoivent cette allocation. Lors de la crise ukrainienne, l'Ofii a en effet été chargé, dans des délais extrêmement contraints, de verser l'allocation prévue par les textes européens, laquelle n'est pas toujours l'ADA, en fonction des situations. On dénombre actuellement entre 75 000 et 80 000 Ukrainiens sur le territoire, dont environ 60 000 majeurs et 15 000 enfants scolarisés. La dépense d'allocation, qui s'élevait à 307 millions d'euros à mon arrivée à l'Ofii, a atteint 449 millions d'euros en 2023, mais elle a augmenté moins vite que le nombre d'allocataires, grâce à notre travail fin et rigoureux.

En ce qui concerne le parc d'hébergement, nous sommes passés de 54 000 à 114 000 places ouvertes, permettant d'héberger 80 % des demandeurs d'asile, contre 37 % à mon arrivée. Cela a nécessité des efforts importants, notamment en matière de surveillance des opérateurs. Le taux d'occupation atteignait 98 % fin 2023, contre moins de 90 % à mon arrivée.

Conformément aux évolutions législatives, une meilleure répartition de la charge de l'accueil des demandeurs d'asile a été mise en oeuvre. L'Île-de-France, qui en enregistrait 50 % à mon arrivée, autant que l'Italie entière en chiffres absolus, n'en reçoit plus que 24 %, grâce à l'orientation directive introduite par la loi, dont je comprends, par ailleurs, qu'elle puisse faire l'objet de débats.

Parmi les missions historiques de l'Ofii figure le regroupement familial, une procédure particulièrement complexe. Lors de ma prise de fonctions à l'Ofii, 16 000 dossiers étaient déposés. En 2023, ce chiffre est passé à 32 000, ce qui correspond à l'augmentation significative du nombre de personnes arrivant en France cette année-là.

Concernant l'activité de santé, autre mission historique de l'Ofii, plus d'une centaine de médecins et autant d'infirmiers travaillent dans le cadre de vacations au sein de nos différentes directions territoriales. Cela nous permet de mettre en oeuvre les visites de prévention, notamment le dépistage historique de la tuberculose, mais aussi, au fil des années, des visites visant à détecter les troubles psychiques présentant des risques pour l'ordre public chez les personnes autorisées à séjourner plus de trois mois dans le pays. Nous avons également instauré un « rendez-vous santé » spécifique pour les demandeurs d'asile, certains d'entre eux arrivant avec des pathologies sensibles dont nous devons tenir compte pour mieux les orienter en matière d'hébergement.

Notre établissement participe aussi à la procédure d'éloignement : l'avis médical est donné par les médecins de l'Ofii, qui effectuent également l'examen des demandes de protection contre l'éloignement pouvant être formulées par une personne retenue.

Enfin, le titre de séjour pour soins fait désormais l'objet d'un rapport annuel, ce qui n'était pas le cas lorsque les agences régionales de santé (ARS) étaient chargées de sa délivrance. Le Parlement n'en était alors pas informé et, d'une manière générale, les données n'étaient pas publiques. L'Ofii a fait un effort de transparence et établit un rapport tous les ans depuis mon arrivée. Nous avons reçu 205 000 demandes de titre de séjour pour soins grâce à la mise en place de procédures extrêmement rigoureuses d'identitovigilance et à des conventions passées avec des laboratoires pour vérifier la réalité des pathologies alléguées. Au 31 décembre dernier, le nombre de titulaires de ce titre s'établissait à 21 900, contre plus de 37 000 à mon arrivée. Rappelons que cette procédure concerne des soins lourds pris en charge dans le cadre de la sécurité sociale ; il convient de ne pas la confondre avec de la médecine courante ou avec l'aide médicale d'État (AME).

Bien évidemment, nous intervenons dans les centres de rétention administrative (CRA) avec une activité importante en matière d'aide et d'assistance aux personnes retenues. Il s'agit d'une activité sociale visant à permettre aux personnes concernées de récupérer leurs affaires et les éventuels fonds déposés sur des comptes bancaires. Cette mission est devenue de plus en plus difficile à exercer pour les agents, en raison de l'évolution du profil des personnes retenues en CRA.

À ce sujet, nous avons consenti un effort important concernant l'aide au retour volontaire et à la réinsertion. J'avais notamment demandé, et le législateur en a convenu avec le Gouvernement, qu'il fallait proposer l'aide au retour à partir des CRA, afin de limiter les coûts et d'alléger le travail, par ailleurs exigeant et difficile, de la police aux frontières. Là encore, nous avons cherché à rééquilibrer l'aide au retour entre les ressortissants de pays qui ne sont pas soumis à visa, comme les Géorgiens ou les Albanais, et les ressortissants de pays soumis à visa, pour lesquels nous rencontrons le plus de difficultés s'agissant du retour contraint. Aujourd'hui, plus de 50 % de l'aide au retour concerne des personnes soumises à visa, alors que c'était l'inverse à mon arrivée. Nous sommes passés de 4 700 retours à plus de 7 000 aujourd'hui - ce chiffre atteignait même 8 000, voire 9 000, avant la pandémie, laquelle a quelque peu freiné la dynamique, que nous nous efforçons de relancer.

Enfin, nous avons mis en place des procédures de contrôle interne et externe, à la fois pour nous assurer que nos missions sont remplies de manière rigoureuse par les agents et pour auditer, en externe, les opérateurs de l'Ofii, notamment en charge de l'apprentissage linguistique.

S'agissant des perspectives, relevons la mise en oeuvre de la loi pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration. Nous attendons les arbitrages sur le niveau de langue exigé : le texte mentionne un niveau A2 pour l'obtention d'un titre de séjour pluriannuel. Il s'agit d'une évolution notable : le contrat d'intégration républicaine ne demandait aux personnes que d'atteindre 80 % d'assiduité aux cours de français. La philosophie du dispositif a donc changé ; elle est maintenant comparable à ce qui se pratique chez nos principaux voisins, avec l'exigence d'un niveau de langue pour obtenir un titre pluriannuel. Certains, comme l'Allemagne, demandent même un niveau de langue minimal pour maintenir le titre annuel. En fonction des arbitrages, que j'attends comme vous avec une certaine impatience, nous verrons quel en sera le coût.

S'agissant des perspectives budgétaires, environ 109 millions d'euros sont consacrés au contrat d'intégration républicaine, soit moins que l'an dernier, indéniablement, mais nous disposons d'outils informatiques et de capacités d'apprentissage à distance, utilisés par nos voisins, qui pourraient optimiser la dépense tout en permettant aux personnes ayant signé un contrat d'intégration républicaine, ou qui vont le signer, d'apprendre le français.

Un effort nous est demandé dans le cadre de la mise en oeuvre de la vérification de l'intégration des valeurs de la République, laquelle est en partie liée à la langue. Sur ce point aussi, nous travaillons avec les deux cabinets ministériels concernés pour définir précisément ce qu'il convient de faire. Nous pouvons nous inspirer de ce qui se fait chez nos principaux voisins : l'Allemagne a fait évoluer au début de l'année l'accès à la nationalité et la vérification des valeurs intégrées autour de la question de l'antisémitisme, ce qui, dans le contexte actuel, n'est sans doute pas anodin.

Plusieurs chantiers d'envergure nous attendent. Le premier est la mise en oeuvre du pacte migratoire, qui nous obligera à modifier nos procédures, en particulier pour ceux que l'on appelle les « dublinés ». Il sera ainsi possible de renvoyer les personnes relevant d'un autre État et de leur refuser l'accès aux conditions matérielles d'accueil. Notre voisin allemand a décidé, en janvier dernier, d'anticiper quelque peu ces évolutions. Cette discussion a lieu dans plusieurs pays d'Europe et constituera naturellement aussi l'un des enjeux en France.

Deux autres sujets nous semblent importants : les questions de santé et de vaccination, d'abord. Nous avons beaucoup vacciné pendant la période de la covid-19, et je souhaite que l'Office soit désigné comme organisme pouvant vacciner les intéressés et, en particulier, effectuer des rattrapages vaccinaux, car cela marquerait un progrès important en matière de santé publique. Une discussion est en cours avec le ministère de la santé à ce sujet, qui peine toutefois à aboutir. Se pose également la question de la prise en charge des personnes victimes de la traite d'êtres humains, en particulier des femmes, et nous avons ouvert 300 places directement orientées vers ces publics. Au vu de l'évolution de certaines migrations, il est important que nous prenions mieux en charge ces sujets, car ceux-ci ont ensuite des incidences sur l'ordre public. Nous espérons en particulier mieux repérer les personnes concernées en amont, dès l'entretien en guichet unique, et nous travaillons avec le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) à la formation de nos agents à cette fin.

M. Christophe-André Frassa. - Ma question porte sur le budget à venir pour 2025. Les crédits proposés pour la mission « Immigration, asile et intégration » ne sont pas très favorables : vous perdez environ 29 équivalents temps plein (ETP) et la capacité du parc d'hébergement pour les demandeurs d'asile sera réduite d'environ 6 000 places par rapport à 2024. J'ai bien entendu vos propos concernant la capacité d'hébergement et sur les efforts que vous menez en la matière. Comment comptez-vous adapter votre structure à cette nouvelle donne pour pallier cette contrainte supplémentaire ?

M. Henri Leroy. - Vous mentionnez de manière récurrente le taux de rotation élevé du personnel de l'Ofii, qui atteint 30 à 40 % la première année. Quelles difficultés cette situation engendre-t-elle pour le bon fonctionnement et l'activité de l'Ofii ? Quels remèdes faudrait-il appliquer, selon vous, pour les atténuer ?

Mme Jacqueline Eustache-Brinio. - Je souhaite revenir sur le titre de séjour pour soins, car, comme vous l'avez rappelé, l'Ofii est responsable de l'instruction des demandes de ce titre, lequel permet à des étrangers en situation irrégulière d'obtenir des autorisations de séjour d'une durée variable. Pourriez-vous nous faire un point sur ce sujet et, en particulier, nous indiquer s'il est vrai que cette voie d'accès au séjour constitue un cas unique en Europe ? Pourriez-vous également nous fournir des informations sur le coût de cette procédure et, éventuellement, sur les pistes de réforme envisageables concernant ce titre, qui demeure souvent sollicité par un certain nombre de personnes en situation irrégulière ?

M. Guy Benarroche. - Je partage les préoccupations de Christophe-André Frassa concernant le budget à venir. Pour étendre la question sur l'hébergement, on observe effectivement une diminution de 6 179 places d'accueil ; la dotation au titre de l'exercice du droit d'asile, qui finance les dispositifs d'accueil et d'hébergement des demandeurs d'asile, correspondant à l'action n° 2, sera, quant à elle, réduite de 16 %. Concernant l'intégration par la maîtrise de la langue, les budgets qui vous sont affectés baissent de 45 % en crédits de paiement. Comment comptez-vous combler cette diminution concernant les cours de français et le logement des étrangers, qui paraît paradoxale au regard des impératifs actuels et des exigences linguistiques renforcées depuis la dernière loi sur le sujet ?

S'agissant de l'intégration par la formation professionnelle, on peut considérer que la suppression du budget alloué aux formations de l'Ofii ou aux structures de proximité va compromettre, sauf dispositions spécifiques que vous auriez déjà envisagées, l'intégration des personnes cibles.

Pour conclure, M. Retailleau semble souhaiter que l'on substitue aux associations l'intervention du personnel de l'Ofii, malgré les problèmes de formation, de turn-over et de diminution des effectifs de l'établissement. Comment envisagez-vous, le cas échéant, de répondre à cette nouvelle demande ?

M. Didier Leschi. - S'agissant des emplois, nous prévoyons effectivement une diminution, pour deux raisons principales.

D'une part, nous allons transférer des emplois à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra), en raison d'un enjeu majeur et historique : l'accélération des procédures d'asile. L'Ofpra est aujourd'hui l'un des organismes qui statuent le plus rapidement en Europe, ce qui emporte des conséquences en matière de dépenses, car plus la décision est prise tôt, moins les allocations pour demandeurs d'asile sont versées longtemps. Transférer des agents à l'Ofpra constitue donc une bonne démarche pour les finances publiques.

D'autre part, nous enregistrons une légère perte d'emplois, de 3 %, alors que notre établissement a déjà bénéficié de nombreux recrutements. Nous sommes l'un des rares établissements publics dans ce cas : nous comptions moins de 1 000 agents à mon arrivée et près de 1 400 aujourd'hui. Cet effort nous est demandé, comme à toutes les administrations, afin de réduire les coûts.

Concernant les places d'hébergement, l'Ofii n'est pas directement gestionnaire des crédits correspondants du ministère de l'intérieur, que nous mettons en oeuvre a posteriori. La principale difficulté actuelle en matière d'hébergement des demandeurs d'asile tient à la sortie du dispositif national d'accueil (DNA) de deux types de publics : près de 10 % des places sont ainsi occupées par des personnes ayant déjà obtenu le statut de réfugié, qui n'ont pas vocation à y rester. Or leur orientation vers le logement suppose une capacité d'autonomie et donc un accès à l'emploi, qui reste une des difficultés des parcours d'intégration. En outre, les publics qui ne relèvent plus de l'asile, mais d'un retour contraint dans leur pays d'origine occupent également des places. En additionnant ces deux catégories, on dépasse très largement le nombre de places évoqué.

L'enjeu, avec cette réduction des places, consiste donc à optimiser le parcours vers l'autonomie de ceux qui ont obtenu le statut de réfugié et à améliorer les capacités de retour de ceux qui n'ont plus vocation à rester sur le territoire. Les deux dynamiques sont liées et cela doit nous permettre de mieux travailler avec les opérateurs, qui n'ont pas tous conscience de la nécessité de garantir que le DNA soit d'abord destiné à ceux qui demandent l'asile et ne serve pas de lieu de maintien, parfois pendant des années, pour les réfugiés statutaires. Nous allons mener un travail précis sur ce point.

En ce qui concerne les emplois et la rotation des agents, nous connaissons en effet un problème, même si nous avons réussi à le réduire grâce aux évolutions législatives : alors que nous nous trouvions pendant un temps dans l'incapacité de proposer des contrats à durée indéterminée, c'est à nouveau possible, et nous opérons environ 90 « CDIsations » par an. Nous sommes toutefois confrontés à deux difficultés. La première est l'écart de rémunération, d'une part, entre les différents établissements publics et, d'autre part, entre les établissements publics et certaines administrations, y compris l'Ofpra, sans parler du secteur associatif.

Le Sénat a demandé un audit de la Cour des comptes sur ce dernier secteur : certaines associations financées par l'État peuvent être attractives pour des personnels d'établissements publics, car elles proposent des salaires supérieurs. Cette question mériterait une réflexion plus large. La seconde difficulté tient aux différences de régimes indemnitaires entre administrations. Un débat est engagé depuis des années sur leur égalisation, mais un établissement à vocation sociale comme l'Ofii n'est pas le mieux doté en la matière. J'en discute avec mes autorités de tutelle : il convient, à mon sens, de prendre en compte la pénibilité du travail et donc de mieux rémunérer les personnels qui le méritent. Ces éléments expliquent en partie la rotation des effectifs. Un autre facteur réside dans la difficulté du travail auprès de certains publics, qui ne concerne d'ailleurs pas seulement l'Ofii.

Lorsque j'ai commencé à travailler au ministère de l'intérieur, il y a longtemps, la filière immigration attirait les agents ; c'est devenu un métier extrêmement difficile, surtout lorsque l'on travaille au contact des publics concernés. On constate donc un phénomène de fuite, doublement compréhensible, à l'Ofii, dont les agents sont en grande majorité des femmes. Pour des raisons culturelles, que je ne développerai pas, mais que vous comprenez parfaitement, l'interaction avec certains publics peut s'avérer difficile pour elles.

S'agissant du titre de séjour pour soins, il s'agit bien d'une spécificité française, non seulement en Europe, mais dans le monde. Toute personne qui peut arguer de l'inaccessibilité d'un soin, notamment pour des raisons sociales, dans son pays, peut postuler à un tel titre. Je reprends souvent l'exemple, certes marginal, mais efficace, de ressortissants de pays du G20, dont les systèmes de santé sont tout à fait comparables aux nôtres - ils produisent même parfois les médicaments que nous importons -, qui obtiennent en France un titre de séjour pour soins. C'est tout à l'honneur de notre pays, mais cela peut être discuté, dès lors que cette solidarité se fait au bénéfice de non-contributeurs, sur la base des contributions de ceux qui financent notre État social. Les pathologies concernées sont lourdes, et pour certaines d'entre elles, comme l'ont montré les rapports de l'inspection générale des affaires sociales (Igas) et de l'inspection générale de l'administration (IGA), ainsi que celui de Claude Évin et de Patrick Stefanini, des distorsions de présence pourraient attester de filières organisées pour accéder à des soins en France, en particulier s'agissant de l'administration de dialyse, dans la perspective d'une greffe, ce dont s'émeuvent périodiquement les spécialistes.

Historiquement, cette procédure avait été instaurée dans le cadre de la pandémie de sida à la fin des années 1990 - j'étais à l'époque membre du cabinet de Jean-Pierre Chevènement. Aujourd'hui, la France est l'un des premiers contributeurs du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, mais la question s'est déplacée vers d'autres pathologies. Quant au coût, que vous évoquez également, madame la sénatrice, il n'est pas totalement identifiable, car il se perd dans la masse des dépenses de la sécurité sociale. Néanmoins, au vu des pathologies concernées, le dernier rapport de l'Ofii pointe le risque lié au coût des médicaments : pour certaines maladies du sang, par exemple, le prix d'une seule piqûre peut atteindre 250 000 euros. Les montants concernés sont donc extrêmement élevés et mériteraient sans doute une analyse plus fine pour comprendre qui vient, pourquoi et pour quelles pathologies. Le sujet est sensible.

Pour ce qui concerne les CRA, je rappelle que l'Ofii est un établissement public présidé par un conseiller d'État. À ce titre, sa situation juridique est comparable à celle de l'Ofpra, lequel est également un établissement public sous tutelle du ministère de l'intérieur, dont les officiers de protection bénéficient d'une garantie d'indépendance dans leur activité.

S'agissant de l'Ofii, la reprise de l'activité d'assistance juridique dans les CRA, si elle se faisait, supposerait une évolution législative comparable à celle que nous avons mise en oeuvre concernant les médecins : l'introduction dans la loi d'un service d'aide juridique qui pourrait être dirigé par un magistrat, comme le service médical de l'Ofii est dirigé par un médecin, indépendant dans cette fonction d'assistance juridique. Ce choix a été opéré dans d'autres pays. Le fait qu'un établissement public assure une telle mission n'est pas en soi contradictoire, par exemple, avec les textes européens, mais cela supposerait l'attribution de moyens pour recruter des juristes. Les personnels de l'Ofii sont des républicains, et les juristes qui seraient embauchés dans ce cadre accompliraient donc leur mission conformément à nos règles, c'est-à-dire à celles du droit.

Mme Françoise Dumont. - S'agissant de l'accueil des Ukrainiens, à partir de février 2022, l'Ofii s'est trouvé particulièrement mobilisé en faveur des bénéficiaires ukrainiens de la protection temporaire. Pouvez-vous dresser un bilan de son action sur ce sujet ? Comment vos services ont-ils été réorganisés pour faire face à cet afflux inédit, sans délaisser leurs missions habituelles ? Combien d'Ukrainiens avons-nous accueillis, et pour quels coûts associés ? Enfin, combien d'entre eux sont toujours en France ?

Mme Mélanie Vogel. - Ma première question porte sur l'absence d'options légales satisfaisantes en France pour les personnes qui ne sont ni expulsables ni régularisables, c'est-à-dire qui sont là irrégulièrement, sans possibilité d'accéder à un titre de séjour, mais que nous ne pouvons pas expulser parce qu'elles viennent de pays vers lesquels un renvoi est inenvisageable. Lors de l'examen de la loi pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration, nous avions débattu de la possibilité pour la France d'adopter, à l'instar de certains de nos voisins européens, une solution pour ces personnes. J'aimerais connaître votre opinion à ce sujet, tout comme votre avis sur la proposition consistant à permettre aux demandeurs d'asile de travailler légalement durant l'examen de leur demande.

Une autre question concerne la vérification, nécessaire pour la régularisation des travailleurs sans papiers éligibles aux mécanismes que nous avons mis en place, de leur adhésion aux modes de vie et aux valeurs de la société ainsi qu'aux principes de la République. Si les principes de la République sont écrits, les modes de vie et les valeurs de la société me paraissent très compliqués à déterminer. Personne ne sait vraiment où ces valeurs se trouvent consignées et, s'agissant des modes de vie, c'est encore plus délicat. Comment comptez-vous procéder pour définir ce dont il est question afin de vérifier si les personnes concernées y adhèrent ?

Enfin, concernant les titres de séjour pour soins, comment envisagez-vous le traitement de la question du droit à l'avortement, alors que nous savons que la situation va empirer dans ce domaine après l'élection de Donald Trump ? En France, le droit à l'avortement est un soin, inscrit comme tel dans le code de la santé publique. Comment notre pays peut-il donner accès à l'interruption volontaire de grossesse (IVG) à des personnes qui arriveraient parce que ce qui est en France un soin ne serait pas accessible dans leur pays ?

M. Olivier Bitz. - Relevons votre extraordinaire longévité à ce poste éminemment exposé. Ces neuf dernières années, nous avons traversé des crises et, s'il est aujourd'hui envisagé de vous reconduire, c'est que vous avez réussi à conduire l'Ofii dans un sens qui correspondait aux attentes pendant cette période. Cette belle continuité administrative est rare pour un poste de ce niveau.

Je souhaite lier deux questions : les difficultés en matière de ressources humaines de l'Ofii et les nouvelles missions d'assistance juridique envisagées en centre de rétention administrative.

Vous l'avez évoqué, le taux de rotation des personnels de l'Ofii est extrêmement important, et vous avez du mal à les fidéliser. Alors que vous peinez déjà à recruter et à conserver vos effectifs, comment imaginez-vous faire face à de nouvelles missions auprès des personnes retenues en CRA ?

Mme Catherine Di Folco. - Je souhaite que vous évoquiez le rendez-vous santé, une expérimentation lancée en 2021. Un bilan de santé est prévu, qui doit notamment porter sur le dépistage des maladies infectieuses et les rappels vaccinaux. Ce dispositif s'est-il révélé positif sur le plan sanitaire et quel est le coût de cette opération ?

M. Didier Leschi. - S'agissant de ma longévité à ce poste, je comprends votre interrogation, mais j'ai souvent privilégié les postes longs durant ma carrière. Il y a deux écoles chez les hauts fonctionnaires : ceux qui recherchent absolument la rotation, comme une sorte d'échelle de perroquet le long de laquelle plus on tourne, plus on gravit les échelons, jusqu'à atteindre le Graal : devenir préfet de la région d'Île-de-France... mais ce n'est pas ma philosophie. J'estime que certains métiers, certaines missions, méritent que l'on s'en imprègne, en particulier intellectuellement.

Quand je suis arrivé à l'Ofii, j'avais été pendant quatre ans et demi préfet en Seine-Saint-Denis ; j'ai également connu une longue période au bureau central des cultes et j'ai travaillé pendant cinq ans à l'accès au droit au ministère de la justice. L'Ofii est le lieu où je peux mettre en valeur l'ensemble des compétences que j'ai acquises.

Par ailleurs, je vous remercie de souligner qu'il s'agit d'un poste exposé, voire personnellement exposé, tant on vous confond souvent avec les politiques décidées par les parlementaires et par les gouvernements, alors même que le haut fonctionnaire ne fait que les mettre en oeuvre, indépendamment de ce qu'il peut en penser. Le statut de la fonction publique tel qu'il avait été conçu par Anicet Le Pors au début des années garantit aux fonctionnaires un droit de parole dès lors qu'ils ne diffusent pas de secrets professionnels ou qu'ils ne mettent pas en cause les politiques qu'ils sont chargés d'appliquer. Ce n'est pas toujours simple, et le sujet de l'immigration, en particulier, mérite à mon sens une réflexion qui dépasse les simples points de vue moraux, pour comprendre pourquoi il préoccupe si profondément une partie de nos concitoyens, en particulier les plus démunis, et comment y répondre. Nous avons la chance d'être un État social articulé sur la démocratie ; l'enjeu est de nous assurer que la mondialisation, qui a accéléré les phénomènes migratoires, ne remette pas en cause cet État social construit par de longues luttes, en particulier du mouvement ouvrier.

S'agissant de l'intervention dans les CRA, il s'agit d'une proposition du ministre de l'intérieur, je ne sais pas si le Parlement l'adoptera ou non et je vous ai indiqué les conditions juridiques qui permettraient de la mettre en oeuvre. J'imagine mal, toutefois, le Parlement imposer des missions complémentaires à l'Ofii sans lui donner les moyens de les remplir.

Concernant le taux de rotation, s'il est certes important - de l'ordre d'un tiers à l'Ofii -, alors que nous rencontrons des difficultés de recrutement, ne soyez pas trop sévères : dans d'autres secteurs de l'État ou de la vie publique, de telles difficultés mettent en cause beaucoup plus profondément la continuité du service public. L'Office a fait face, par exemple, à l'arrivée des Ukrainiens, indépendamment de ces problèmes de recrutement. Nous ne sommes pas dans la situation de l'éducation nationale ou de l'administration pénitentiaire. Nous recrutons, car les agents de l'Ofii accomplissent un travail social et sont particulièrement motivés pour le faire, dans leur immense majorité, même si le rapport au travail des nouvelles générations présente des difficultés que l'on connaît, du reste, dans d'autres secteurs d'activité.

S'agissant des Ukrainiens, l'Ofii a été particulièrement réactif. C'est d'ailleurs pour cela, et parce que nos personnels sont dévoués, que de nombreuses missions nous sont confiées par les différents gouvernements : nous servons en quelque sorte de couteau suisse. Face à un public traumatisé, il nous a fallu ouvrir les droits, en allant à sa rencontre. Du reste, ce processus a montré qu'il serait utile de revoir la carte d'implantation des directions territoriales de l'Ofii, qui est ancienne et a été élaborée à une époque où la pression liée à de nouvelles arrivées n'existait pas. Nous avons apporté les cartes de demandeur d'asile aux intéressés là où ils se trouvaient. Cela s'est fait indéniablement au détriment d'une partie des missions, mais pas de celle concernant l'asile. Au contraire, la politique menée à l'arrivée des Ukrainiens visait à garantir que la filière de l'asile ne soit pas fragilisée. Non seulement nous ne l'avons pas touchée, mais quand je suis arrivé à l'Ofii, par exemple en Île-de-France, il fallait plusieurs semaines pour entrer dans la procédure d'asile ; nous avons mis en place la plateforme téléphonique en dix-huit langues et aujourd'hui, une seule journée est nécessaire pour accéder à la demande d'asile dans cette région. L'effort a donc été constant.

Certes, d'autres procédures ont pris un peu de retard, notamment le regroupement familial, mais nous le rattrapons grâce aux outils informatiques. Il m'est difficile de chiffrer la dépense en termes fonctionnels, car les agents mobilisés exerçaient d'autres missions par ailleurs, mais la véritable dépense concerne l'ADA : elle atteint 150 millions d'euros, une somme importante.

Combien d'Ukrainiens accueille-t-on aujourd'hui ? Tout d'abord, la France n'a pas été le pays le plus attractif à leurs yeux, en particulier en raison de l'absence d'une forte communauté ukrainienne préalablement installée : il y avait environ 17 000 titres de séjour préexistants. Nous n'avons jamais dépassé les 100 000 personnes, avec des phénomènes d'aller-retour vers l'Ukraine. Ce public majoritairement féminin souhaitait en effet, au fil des évolutions de la guerre, maintenir des liens avec les hommes combattants, qui sont des pères ou des maris. Nous avons en outre reçu très peu d'adolescents de plus de 16 ou 17 ans, car ils restent là-bas pour les raisons que vous imaginez. En outre, les populations concernées ont eu la volonté de se rendre dans les pays frontaliers de l'Ukraine, mais aussi en Pologne et en Allemagne. D'autres États constituent traditionnellement des lieux d'implantation de la communauté ukrainienne, comme l'Italie et l'Espagne, avec les badanti, qui s'occupent notamment des personnes âgées ou des malades.

La situation évolue peu actuellement, avec des entrées, des sorties ou des départs, mais la jauge demeure aux alentours de 60 000 adultes. Nous avons proposé des cours de français à ces populations, qui n'ont pas rencontré beaucoup de succès, parce que celles-ci n'ont pas de volonté d'insertion. Le vocabulaire utilisé était calqué sur celui qui concernait les autres immigrants, alors que, dès le départ, leur volonté n'était pas de s'intégrer en France, car cela revenait à intégrer l'idée de la défaite. Une partie des femmes concernées, cependant, sont maintenant entrées dans une démarche d'intégration parce qu'elles sont malheureusement devenues veuves. Dès lors, notre pays peut devenir attractif.

En France, il n'existe pas de personnes non expulsables et non régularisables ; certaines font l'objet d'une obligation de quitter le territoire français (OQTF) et ne sont pas encore parties ; celles qui viennent de pays relevant d'un besoin de protection sont prises en charge par l'Ofpra. Il n'y a pas de Syriens non expulsables et non régularisables, non plus que d'Afghans, sauf s'ils sont talibans. Une évolution se fait jour en Europe à ce sujet, les OQTF étant aussi la conséquence d'un texte européen. Ainsi, les Allemands, qui disposaient d'une catégorie d'étrangers comparable à celle que vous évoquez, les Duldung, sont en train d'y renoncer. Ces personnes étaient effectivement non expulsables et non régularisables, et elles ne bénéficiaient pas de l'ouverture de droits, ce qui demeure discutable. Un des sujets figurant dans le programme de la coalition gouvernementale qui vient d'éclater portait sur la scolarisation des enfants de ces personnes. À l'inverse, la particularité française depuis la fin du XIXsiècle, est la scolarisation des enfants, quelle que soit la situation administrative des parents. Ce n'est pas généralisé en Europe. L'Allemagne, du reste, connaît un processus de durcissement, accentué par une loi adoptée début janvier sur les procédures d'expulsion : dorénavant, on peut y appréhender les personnes la nuit, fouiller les téléphones pour déterminer la nationalité, et prendre toute une série de mesures extrêmement contraignantes, y compris concernant le titre de séjour.

Notre pays s'est quant à lui longtemps caractérisé par la règle de la régularisation au bout de dix ans, calquée sur la durée prévue pour les Algériens. Actuellement, la procédure de régularisation au fil de l'eau, dite circulaire Valls, permet environ 30 000 régularisations par an. L'Espagne s'apprête à lancer une opération de régularisation, précisément parce qu'elle ne dispose pas d'un tel dispositif : le nombre final de régularisations qu'elle opérera par ce biais ne dépassera pas 300 000, soit un total inférieur à l'ensemble des régularisations intervenues sur la même période dans le cadre de la circulaire Valls. Notons en outre que l'Espagne exige la vérification de la qualification professionnelle des personnes concernées et de leur niveau de langue, parce que la majorité des clandestins concernés sont hispanophones, le pays constituant le point d'arrivée de la demande d'asile sud-américaine, qui occupe actuellement la troisième place en Europe. Les premiers demandeurs d'asile en Espagne sont les Vénézuéliens, suivis des Colombiens ; la question de l'intégration se pose donc différemment pour eux.

S'agissant du droit au travail, les demandeurs d'asile peuvent exercer une activité professionnelle au bout de six mois. Cette question soulève deux problèmes majeurs. Tout d'abord, pour ceux qui se trouvent en France depuis plus de six mois et suivent une procédure de demande d'asile, les difficultés tiennent à leur niveau de qualification pour intégrer le marché du travail, en particulier dans un contexte de perte de nombreux emplois peu ou pas qualifiés. De plus, comme le montrent les difficultés que nous rencontrons en matière de sortie des centres d'accueil pour demandeurs d'asile (Cada), le ralentissement de l'économie française a une incidence sur leur capacité d'intégration. Ainsi, historiquement, le bâtiment constituait l'un des principaux secteurs d'intégration de l'immigration.

Or la faiblesse actuelle de la production de logements emporte des conséquences immédiates en la matière, d'autant que d'autres secteurs, comme les commerces de proximité ou la grande distribution, s'informatisent de plus en plus au détriment de nombreux emplois. Auparavant, la fonction de caissier permettait ainsi à des personnes dont le niveau de français n'était pas parfait de s'insérer professionnellement. De même, dans la manutention, les centres Amazon sont aujourd'hui entièrement informatisés, faisant disparaître le métier de manutentionnaire. Tous ces facteurs contribuent aux difficultés d'insertion professionnelle.

Enfin, l'insertion sur le marché du travail de personnes dont nous savons qu'elles relèvent de la migration économique et non de l'asile risquerait de rendre plus difficile une éventuelle reconduite. Ce sujet est lié à la légitimité des politiques migratoires contraignantes : aucun pays n'a encore démontré qu'il était possible de gérer les flux migratoires sans exercer de contrainte sur ceux qui n'ont pas obtenu de titre de séjour.

Le rendez-vous santé revêt une grande importance pour l'Ofii, même s'il ne s'agit pas d'une opération très coûteuse dans le flux général. Il permet de rattraper les défauts ou les faiblesses de vaccination d'une partie du public et d'orienter les personnes souffrant de problèmes psychologiques vers le droit commun, malgré les difficultés rencontrées dans cette filière. Il est particulièrement important de maintenir ce dispositif, même si son coût n'est pas nul, car son développement s'avère nécessaire pour l'état social et sanitaire du pays. L'année dernière, 17 000 rendez-vous ont été réalisés, ce travail doit absolument être poursuivi.

Mme Audrey Linkenheld. - Vous avez rappelé votre parcours et nous connaissons votre liberté de ton. Puisque vous exercez votre fonction depuis près de dix ans maintenant, quel est, avec le recul, votre plus grand regret ?

En outre, quel sera, selon vous, le plus grand défi qui se posera, dans les dix années à venir, à l'intégration et à l'immigration dans notre pays, et peut-être plus largement sur notre continent ?

Enfin, j'aimerais vous entendre sur un sujet un peu plus spécifique, qui, certes, ne dépend pas uniquement de l'Ofii : les mineurs non accompagnés (MNA). Quel regard le directeur expérimenté de l'Ofii porte-t-il sur la situation de ces personnes ballottées d'une institution à l'autre et dont on sait que la situation est particulièrement difficile, encore plus pour ceux qui ont dû déposer un recours, c'est-à-dire dont la minorité n'est pas admise ?

Mme Sophie Briante Guillemont. - Ma première question porte sur les conséquences de la loi du 26 janvier 2024, qui a rehaussé d'un cran les exigences linguistiques pour acquérir une carte de séjour ou la nationalité française : comment cette évolution a-t-elle affecté les activités de l'Ofii ?

Ma deuxième question concerne vos relations avec vos homologues européens, en particulier lors des crises migratoires.

Enfin, troisième question, nous avons évoqué votre longévité à votre poste, en quoi celle-ci constitue-t-elle un atout pour ce type de politique publique ?

M. Didier Leschi. - Concernant ma liberté de ton, qui peut parfois susciter des interrogations, ma carrière dans la fonction publique n'a pas été très longue, car j'ai d'abord exercé le métier d'ouvrier du livre avant d'entreprendre des études, mais je suis convaincu que le rôle des hauts fonctionnaires consiste à alimenter au mieux les débats publics en s'appuyant sur les données et sur leur expérience. C'est ainsi que je me comportais lorsque j'étais chef du bureau central des cultes et que je m'efforce de le faire sur les sujets d'immigration.

Mon plus grand regret tient au fait que, depuis des années, je tente en vain d'expliquer qu'il ne faut pas aborder la question de l'immigration uniquement sous l'angle de la situation des personnes en situation irrégulière. Or je ne parviens pas à faire entendre ce discours dans le débat public. La majorité de l'immigration en Europe est légale ; la majorité de ceux qui arrivent en France dispose d'un droit au séjour.

Le débat devrait se concentrer sur ceux à qui nous avons accordé un droit au séjour, mais qui ne parviennent pas à s'intégrer en raison des difficultés qu'ils rencontrent dans l'accès à l'emploi, et de notre incapacité à articuler les formations que nous leur offrons avec les besoins sociaux et économiques du pays. Au contraire, il se polarise sans cesse sur la question de l'irrégularité, comme en témoignent, du reste, vos questions. Je crains que cette situation ne nuise à l'image de l'immigration dans son ensemble, alors que la majorité des personnes concernées s'intègre. Nous accueillons toutefois une part croissante de personnes qui peinent à s'intégrer, pour des raisons culturelles ou propres à leurs qualités personnelles, je ne prétends pas qu'il faille éluder ce débat, mais j'estime qu'il convient de réfléchir à la manière dont nous abordons ces questions. Je quitterai malheureusement l'Ofii avec le sentiment que nous n'y serons pas complètement parvenus.

Le plus grand défi à relever est lié à ce regret : nous ne pourrons résoudre les tensions autour de l'immigration qu'à la condition de prendre en charge les questions qui se posent à l'ensemble de nos concitoyens. Limiter le débat au seul plan moral revient à enjoindre en permanence aux plus démunis d'accueillir plus démunis qu'eux, sans apporter de pistes pour y parvenir. J'ai évoqué les deux principales difficultés auxquelles nous sommes confrontés : le logement et le travail, qui est en pleine mutation. Il nous faut déterminer la manière dont nous devons calibrer l'immigration, prendre en charge les personnes concernées et les accompagner dans cette situation mouvante. Enfin, nous ne pouvons exclure de notre réflexion le fait que la mondialisation, au sens large, se traduit notamment par une accélération des phénomènes migratoires, au risque de percuter les États sociaux. Cette question mérite d'être approfondie ; elle l'est davantage dans d'autres pays d'Europe.

Le défi le plus immédiat réside, selon moi, dans la question de la santé des demandeurs d'asile et des personnes qui se sont vu reconnaître le statut de réfugié, en particulier les femmes, car nous sommes confrontés sur ce point à d'importants problèmes.

S'agissant des mineurs non accompagnés, ce sujet ne relève pas de la compétence de l'Ofii. Je le dis toutefois devant l'assemblée des territoires : la décentralisation en la matière a été pensée à une époque où cette question ne se posait pas. Il en résulte que les départements ne disposent pas toujours de la compétence nécessaire pour la prendre en charge, et une évolution est sans doute souhaitable sur ce point. Cela étant, la catégorie des mineurs non accompagnés recouvre des réalités différentes : certains d'entre eux peuvent se montrer extrêmement volontaires et avoir un parcours très positif, notamment dans le cadre de l'apprentissage ; d'autres ne sont en réalité pas du tout mineurs et il n'y a pas lieu, dans ce cas, de faire preuve de faiblesse, voire de l'hypocrisie qui caractérise parfois les débats sur le sujet.

La France a, en outre, transposé les directives européennes de manière beaucoup plus restrictive que d'autres pays, puisque celles-ci n'interdisent pas le retour des mineurs dans leur pays d'origine. La France a fait le choix de ne pas y procéder, contrairement à d'autres États membres, et cela n'a rien à voir avec les exigences du droit de l'Union européenne.

Concernant les conséquences de la loi sur l'acquisition de la nationalité française, l'Ofii n'est pas compétent. J'observe simplement que la nationalité ouvre la capacité à participer pleinement à l'espace civique ; exiger, à cette fin, un certain niveau de maîtrise de la langue ne me semble pas illégitime. Il s'agit d'un débat ancien, mais depuis une trentaine ou une quarantaine d'années, la France ne s'est guère préoccupée de la question linguistique. Je me souviens que, ici, on débattait davantage du développement des langues régionales que des efforts à déployer pour renforcer les capacités d'apprentissage du français par les immigrés. Je me garderai cependant de froisser quelque identité régionale que ce soit, car elles ont toutes leur importance !

Nous entretenons des relations avec nos principaux homologues européens, même si les institutions ne sont pas organisées partout de la même façon : en Italie et en Espagne, par exemple, les procédures sont très décentralisées. Nous avons en revanche des échanges nourris avec l'Allemagne, avec laquelle nous avons même noué un partenariat sur la réinsertion dans les pays d'origine. Nous travaillons aussi beaucoup avec nos partenaires belges, dont les structures sont presque identiques aux nôtres, et qui parviennent parfois à mettre en place des dynamiques d'insertion professionnelle plus performantes que les nôtres.

Concernant enfin ma longévité à la tête de l'Ofii, ce poste sera le dernier que j'occuperai dans la fonction publique, si vous en êtes d'accord. Je trouve cette mission passionnante, et cela explique sans doute que certains d'entre vous soient sensibles à ma liberté de ton.

Mme Muriel Jourda, présidente, rapporteur. - Merci, monsieur le directeur, pour l'ensemble de ces informations.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo, disponible en ligne sur le site du Sénat.

Vote sur la proposition de nomination, par le Président de la République, de M. Didier Leschi aux fonctions de directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration

Mme Muriel Jourda, présidente, rapporteur. - Nous avons procédé à l'audition de Didier Leschi, dont la nomination par le Président de la République est envisagée pour exercer les fonctions de directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

Nous allons maintenant procéder au vote sur cette proposition de nomination.

Ce vote se déroulera à bulletin secret comme le prévoit l'article 19 bis de notre Règlement. En application de l'article 1er de l'ordonnance du 7 novembre 1958, les délégations de vote ne sont pas autorisées.

Je vous rappelle que le Président de la République ne pourra pas procéder à la nomination de Didier Leschi si les votes négatifs au sein des commissions des lois de l'Assemblée nationale et du Sénat représentent au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés.

Le dépouillement de ce vote interviendra vers 12 h 30, concomitamment avec celui qui prendra place à l'Assemblée nationale.

Il est procédé au vote.

Proposition de loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic - Désignation d'un rapporteur

La commission désigne Mme Muriel Jourda et M. Jérôme Durain rapporteurs sur la proposition de loi n° 735 (2023-2024) visant à sortir la France du piège du narcotrafic, présentée par M. Étienne Blanc et M. Jérôme Durain.

Proposition de loi tendant à supprimer certaines structures, comités, conseils et commissions « Théodule » dont l'utilité ne semble pas avérée - Désignation d'un rapporteur

La commission désigne M. François Bonhomme rapporteur sur la proposition de loi n° 29 (2024-2025) tendant à supprimer certaines structures, comités, conseils et commissions « Théodule » dont l'utilité ne semble pas avérée, présentée par Mme Nathalie Goulet.

Proposition de loi visant à interdire la corrida et les combats de coqs en présence de mineurs de moins de seize ans - Examen des amendements de séance

Mme Muriel Jourda, présidente. - Nous examinons maintenant les amendements de séance sur la proposition de loi visant à interdire la corrida et les combats de coqs en présence de mineurs de moins de seize ans.

EXAMEN DES AMENDEMENTS DE SÉANCE

Article 1er

M. Louis Vogel, rapporteur. - L'amendement n°  1 rectifié quater tend à supprimer l'article 1er de la proposition de loi. Je rappelle que la commission des lois n'a pas adopté de texte pour des raisons juridiques. La construction de cet article 1er ne permettrait effectivement pas d'atteindre l'objectif visé par les auteurs : soit il serait inopérant, soit il aboutirait de fait à interdire les corridas et combats de coqs. La suppression de l'article semble donc cohérente.

La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 1 rectifié quater.

M. Louis Vogel, rapporteur. - L'amendement n°  6 tend à réécrire l'article 1er. Il prend en compte certaines des remarques de la commission et prévoit un dispositif spécifique de protection des mineurs indépendant des dispositions relatives au bien-être animal. Mais le niveau de sanction prévu - 7 500 euros d'amende ; 15 000 euros et un an de prison en cas de récidive - reste particulièrement élevé. En outre, rien ne permet de choisir avec certitude une limite d'âge déterminée et, à notre sens, l'exercice de l'autorité parentale doit être préservé.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 6.

M. Louis Vogel, rapporteur. - L'amendement n°  4 vise à résoudre l'impossibilité d'appliquer le dispositif de la proposition de loi dans les outre-mer. Mais il pose un problème d'égalité devant de la loi et d'articulation avec le texte de la proposition de loi.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 4.

Article 2

M. Louis Vogel, rapporteur. - Les amendements identiques nos  2 rectifié quater et 7 tendent à supprimer l'article 2. Par cohérence, l'avis est favorable.

La commission émet un avis favorable aux amendements identiques nos 2 rectifié quater et 7.

M. Louis Vogel, rapporteur. - L'amendement n°  5 prévoit d'exclure les outre-mer de l'application du texte. À nouveau par cohérence, l'avis est défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 5.

Après l'article 2

M. Louis Vogel, rapporteur. - L'amendement n°  3 vise à compléter la proposition de loi en abordant un sujet non traité initialement : les écoles taurines. Toutefois, il s'inscrit dans le dispositif du texte et en reprend, donc, toutes les difficultés. Pour cette raison, je propose un avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 3.

La commission a donné les avis suivants aux amendements de séance :

Auteur

Objet

Avis de la commission

Article 1er

M. GRAND

1 rect. quater

Suppression de l'article

Favorable

M. BAZIN

6

Réécriture de l'article

Défavorable

M. THÉOPHILE

4

Non application dans les outre-mer justifiant d'une tradition culturelle de l'interdiction pour les mineurs d'assister aux combats de coqs

Défavorable

Article 2

M. GRAND

2 rect. quater

Suppression de l'article 

Favorable

M. BAZIN

7

Suppression de l'article

Favorable

M. THÉOPHILE

5

Non application dans les outre-mer justifiant d'une tradition culturelle de l'interdiction pour les mineurs d'assister aux combats de coqs 

Défavorable

Article additionnel après l'article 2

Mme PONCET MONGE

3

Interdiction pour les mineurs de participer aux formations et activités proposées par les écoles taurines

Défavorable

Proposition de loi instituant une ordonnance de sûreté de l'enfant victime de violences - Examen des amendements de séance

Mme Muriel Jourda, présidente. - Nous en venons à l'examen des amendements de séance sur la proposition de loi instituant une ordonnance de sûreté de l'enfant victime de violences.

EXAMEN DES AMENDEMENTS DE SÉANCE

Avant l'article unique

Mme Marie Mercier, rapporteur. - L'amendement n°  9 tend à ouvrir la saisine du juge aux affaires familiales à l'enfant capable de discernement pour demander l'octroi d'une ordonnance de protection. Il revient sur un principe essentiel du droit français, à savoir l'incapacité d'un mineur à agir en justice pour lui-même.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 9.

Mme Marie Mercier, rapporteur. - L'amendement n°  8 tend à permettre au juge aux affaires familiales de suspendre ou d'interdire les visites en centre médiatisé, lorsqu'il délivre une ordonnance de protection. Il est déjà satisfait.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 8.

Article unique

Mme Marie Mercier, rapporteur. - Au travers de son amendement n°  1, Maryse Carrère nous propose une nouvelle rédaction de l'article unique, qui étendrait l'ordonnance de protection plutôt que de créer une nouvelle catégorie d'ordonnances. Je ne reviens pas sur les raisons pour lesquelles nous avons rejeté le texte en commission la semaine dernière. Afin que la discussion puisse se poursuivre dans le cadre de la navette, je propose néanmoins d'émettre un avis de sagesse.

Je détaillerai au cours de l'argumentaire justifiant l'avis défavorable que je propose pour les sous-amendements nos  13, 10, 14, 11 rectifié, 15, 16 et 17, ainsi que pour l'amendement n°  12 rectifié en séance.

La commission émet un avis défavorable aux sous-amendements nos 13, 10, 14, 11 rectifié, 15, 16 et 17.

La commission s'en remet à la sagesse du Sénat sur l'amendement n° 1. Elle émet un avis défavorable à l'amendement n° 12 rectifié.

Mme Marie Mercier, rapporteur. - L'amendement n°  6 vise à rendre obligatoire un dépôt de plainte pénale, parallèlement à la demande de délivrance d'une ordonnance de sûreté de l'enfant victime de violences. Dès lors que la commission s'est prononcée, mercredi dernier, en défaveur de la création d'une nouvelle ordonnance qui se superposerait aux autres dispositifs de protection judiciaire des victimes de violences intrafamiliales, je vous propose un avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 6.

Mme Marie Mercier, rapporteur. - Pour la même raison, je vous propose un avis défavorable sur les amendements nos  2, 3, 4 et 5.

La commission émet un avis défavorable aux amendements nos°2, 3, 4 et 5.

Intitulé de la proposition de loi

Mme Marie Mercier, rapporteur. - Dans l'hypothèse d'une adoption de l'amendement n° 1 en séance, je vous propose d'émettre un avis de sagesse sur l'amendement n°  7.

La commission s'en remet à la sagesse du Sénat sur l'amendement n° 7.

La commission a donné les avis suivants aux amendements de séance :

Auteur

Objet

Avis de la commission

Article additionnel avant l'article unique

Mme Mélanie VOGEL

9

Ouverture de la saisine du juge au affaires familiales à l'enfant capable de discernement pour demander l'octroi d'une ordonnance de protection

Défavorable

Mme Mélanie VOGEL

8

Possibilité, pour le juge aux affaires familiales, de suspendre ou d'interdire les visites en centre médiatisé lorsqu'il délivre une ordonnance de protection

Défavorable

Article unique

Mme Maryse CARRÈRE

1

Extension de l'ordonnance de protection aux cas de violences intrafamiliales à l'encontre d'un enfant, sans que ces violences ne touchent l'un des adultes du couple

Sagesse

Mme CORBIÈRE NAMINZO

13

Extension du dispositif aux cas de violences commises contre l'enfant par toute personne titulaire d'une autorité de droit ou de fait

Défavorable

Mme Mélanie VOGEL

10

Extension du dispositif aux cas de violences commises contre l'enfant par toute personne titulaire d'une autorité de droit ou de fait

Défavorable

Mme CORBIÈRE NAMINZO

14

Suppression de l'obligation du dépôt d'une plainte

Défavorable

Mme Mélanie VOGEL

11 rect.

Suppression de la condition selon laquelle le parent ou conjoint violent doit habiter avec l'enfant présumé victime pour qu'une ordonnance de sûreté soit octroyée

Défavorable

Mme CORBIÈRE NAMINZO

15

Suppression de la condition selon laquelle le parent ou conjoint violent doit habiter avec l'enfant présumé victime pour qu'une ordonnance de sûreté soit octroyée

Défavorable

Mme CORBIÈRE NAMINZO

16

Extension de la possibilité de proroger l'ordonnance de protection aux cas de violences faites uniquement contre l'enfant

Défavorable

Mme CORBIÈRE NAMINZO

17

Extension de l'ordonnance provisoire de protection immédiate aux cas de violences commises à l'égard des seuls enfants

Défavorable

M. IACOVELLI

12 rect.

Extension de l'ordonnance de protection aux cas de violences intrafamiliales à l'encontre d'un enfant, sans que ces violences ne touchent l'un des adultes du couple, et sans dépôt de plainte préalable

Défavorable

Mme de LA GONTRIE

6

Obligation d'un dépôt de plainte pénale parallèlement à une demande de délivrance d'une ordonnance de sûreté de l'enfant victime de violences

Défavorable

Mme de LA GONTRIE

2

Réduction du délai de délivrance de l'ordonnance de sûreté de l'enfant victime de violences, pour l'aligner sur le délai de délivrance de l'ordonnance de protection (six jours)

Défavorable

Mme de LA GONTRIE

3

Suppression de la possibilité, pour le juge, de retirer l'autorité parentale au bénéfice d'une suspension de cette autorité

Défavorable

Mme de LA GONTRIE

4

Suppression de la possibilité pour le juge d'ordonner le port d'un dispositif anti-rapprochement

Défavorable

Mme de LA GONTRIE

5

Réduction du délai des effets des mesures prononcées dans le cadre de l'ordonnance de sûreté de l'enfant victime de violences

Défavorable

Intitulé de la proposition de loi

Mme Maryse CARRÈRE

7

Changement de l'intitulé de la proposition de loi pour le mettre en adéquation avec l'amendement n° 1

Sagesse

Proposition de loi constitutionnelle visant à accélérer le redressement des finances publiques - Examen des amendements de séance

Mme Muriel Jourda, présidente. - Nous passons à l'examen des amendements de séance sur la proposition de loi constitutionnelle visant à accélérer le redressement des finances publiques.

EXAMEN DES AMENDEMENTS DE SÉANCE

Article 1er

M. Stéphane Le Rudulier, rapporteur. - L'amendement n°  4 rectifié vise à inscrire dans la constitution le principe dun « bouclier fiscal ». Cette question est sans lien avec le débat sur la proposition de loi. Par ailleurs, sur le fond, le Conseil constitutionnel censure déjà les impositions présentant un caractère confiscatoire.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 4 rectifié.

Après l'article 1er

M. Stéphane Le Rudulier, rapporteur. - L'amendement n°  3 rectifié tend à instaurer un principe constitutionnel de stabilité de la loi fiscale. Considérant l'atteinte excessive au pouvoir du législateur que pourrait représenter une telle mesure, je propose un avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 3 rectifié.

Article 5

M. Stéphane Le Rudulier, rapporteur. - Il en va de même pour l'amendement n°  1 rectifié : il imposerait une contrainte excessive au Parlement. Rappelons également que le vote des projets de lois de finances de l'État ne se fait pas sur la base d'une section de fonctionnement et d'une section d'investissement mais, depuis la loi organique relative aux lois de finances (Lolf), sur la base des missions budgétaires.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 1 rectifié.

Article 6

M. Stéphane Le Rudulier, rapporteur. - Je défendrai le même principe sur l'amendement n°  2 rectifié, qui porte spécifiquement sur les lois de financement de la sécurité sociale (LFSS).

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 2.

La commission a donné les avis suivants aux amendements de séance :

Auteur

Objet

Avis de la commission

Article 1er

M. CADIC

4 rect.

Constitutionnalisation d'un « bouclier fiscal »

Défavorable

Article additionnel après l'article 1er

M. CADIC

3 rect.

Instauration d'un principe constitutionnel de stabilité de la loi fiscale 

Défavorable

Article 5

M. DELAHAYE

1 rect.

Interdiction de présenter ou d'adopter une loi de finances dont la section de fonctionnement ne serait pas à l'équilibre

Défavorable

Article 6

M. DELAHAYE

2 rect.

Interdiction de présenter ou d'adopter une loi de financement de la sécurité sociale dont les charges excéderaient les recettes. 

Défavorable

Proposition de loi visant à interdire le démarchage téléphonique - Examen des amendements de séance

Mme Muriel Jourda, présidente. - Enfin, nous devons examiner les amendements de séance sur la proposition de loi visant à interdire le démarchage téléphonique.

EXAMEN DES AMENDEMENTS DE LA RAPPORTEURE.

Article unique

Mme Olivia Richard, rapporteure. - Comme nous l'avions évoqué la semaine dernière, je vous propose, avec l'amendement n°  6, un basculement vers un régime d'opt-in, sans la liste de consentement initialement prévue dans le texte. Il s'agirait d'un consentement au cas par cas, sur le modèle du démarchage électronique.

L'amendement n° 1 est adopté.

Après l'article unique

Mme Olivia Richard, rapporteure. - L'amendement n°  7 vise à garantir un réel effet du droit d'opposition formulé par le consommateur lors des conversations téléphoniques. Je vous propose d'ajouter également une limitation des plages horaires d'appel à sept heures et la réduction de la fréquence autorisée d'appels ou tentatives d'appel à deux par période de soixante jours.

L'amendement n° 7 est adopté.

Mme Olivia Richard, rapporteure. - L'amendement n°  8 vise à instaurer un délai de carence de vingt-quatre heures avant l'acceptation d'une offre commerciale transmise par téléphone. Il s'agit de s'aligner sur le régime des assurances.

L'amendement n° 8 est adopté.

Mme Olivia Richard, rapporteure. - L'amendement n°  9 tend à renforcer les sanctions applicables au délit d'abus de faiblesse, lorsque celui-ci est commis à la suite d'un démarchage téléphonique.

L'amendement n° 9 est adopté.

Mme Olivia Richard, rapporteure. - L'amendement n°  10 vise à sécuriser sur le plan juridique la possibilité offerte aux opérateurs de proposer des filtres anti-spam.

L'amendement n° 10 est adopté.

Mme Olivia Richard, rapporteure. - Je vous propose, avec l'amendement n°  11, un basculement vers un régime d'opt-in pour l'inscription sur l'annuaire des numéros de lignes téléphoniques fixes. Cette mesure est importante, car l'annuaire est la première voie d'accès à la donnée pour les démarcheurs.

L'amendement n° 11 est adopté.

Mme Olivia Richard, rapporteure. - L'amendement n°  12 a pour objet de renforcer la lutte contre la fraude, en facilitant la communication entre les trois autorités compétentes pour agir dans ce domaine.

L'amendement n° 12 est adopté.

Mme Olivia Richard, rapporteure. - L'amendement n°  13 propose une exception à l'obligation d'utiliser les numéros de téléphone dédiés pour les appels automatisés émis à des fins de sondages.

L'amendement n° 13 est adopté.

Intitulé de la proposition de loi

Mme Olivia Richard, rapporteure. - Je vous propose enfin, avec l'amendement n°  14 , de modifier l'intitulé de la proposition de loi pour éviter tout effet déceptif. En effet, nous n'interdisons pas le démarchage téléphonique en tant que tel mais voulons en limiter les nuisances.

L'amendement n° 14 est adopté.

EXAMEN DES AMENDEMENTS DE SÉANCE

Article unique

Mme Olivia Richard, rapporteure. - L'amendement n°  2 rectifié étant identique à mon amendement de rédaction globale de l'article unique, je vous propose un avis favorable.

La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 2 rectifié.

Mme Olivia Richard, rapporteure. - L'auteur de l'amendement n°  4 rectifié a tenté de contourner la difficulté que présentait la liste de consentement générale. Même si je comprends la démarche, j'en demande le retrait.

La commission demande le retrait de l'amendement n° 4 rectifié et, à défaut, y sera défavorable.

Mme Olivia Richard, rapporteure. - S'agissant de l'amendement n°  5 rectifié visant à supprimer l'exception aux règles relatives au démarchage téléphonique pour la presse, cette mesure ne me paraît pas indispensable.

La commission demande le retrait de l'amendement n° 5 rectifié et, à défaut, y sera défavorable.

Après l'article unique

Mme Olivia Richard, rapporteure. - L'amendement n°  3, dont l'objet est d'interdire le conditionnement d'une vente à un consentement au démarchage téléphonique, est un amendement de bon sens. J'y suis favorable.

La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 3.

Intitulé de la proposition de loi

Mme Olivia Richard, rapporteure. - Enfin, je suis favorable à l'amendement n°  1 rectifié, qui est identique à l'amendement que j'ai déposé sur l'intitulé du texte.

La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 1 rectifié.

Les sorts des amendements du rapporteur examinés par la commission sont retracés dans le tableau suivant :

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Article unique

Mme Olivia RICHARD

6

Basculement vers un régime d'opt-in

Adopté

Article additionnel après l'article unique

Mme Olivia RICHARD

7

Prise en compte du droit d'opposition et encadrement des horaires et fréquences autorisées d'appel à des fins de démarchage téléphonique

Adopté

Mme Olivia RICHARD

8

Délai d'acceptation d'une offre commerciale transmise par téléphone

Adopté

Mme Olivia RICHARD

9

Sanction de l'abus de faiblesse commis par voie téléphonique

Adopté

Mme Olivia RICHARD

10

Mise en place de filtre anti-spams SMS

Adopté

Mme Olivia RICHARD

11

Conditions d'inscription des lignes mobiles et fixes dans les annuaires

Adopté

Mme Olivia RICHARD

12

Échanges entre l'ARCEP, la DGGCRF et la CNIL - Droit de communication de la CNIL

Adopté

Mme Olivia RICHARD

13

Exception à l'obligation d'utilisation de numéros dédiés pour les sondages

Adopté

Intitulé de la proposition de loi

Mme Olivia RICHARD

14

Modification du titre de la proposition de loi

Adopté

La commission a donné les avis suivants aux amendements de séance :

Auteur

Objet

Avis de la commission

Article unique

M. André REICHARDT

2 rect.

Régime de consentement préalable au démarchage téléphonique

Favorable

M. Edouard COURTIAL

4 rect.

Modalités d'inscription sur la liste de consentement au démarchage téléphonique

Demande de retrait

M. Edouard COURTIAL

5 rect.

Suppression de l'exception pour la presse aux règles relatives au démarchage téléphonique

Demande de retrait

Article additionnel après l'article unique

Mme Mélanie VOGEL

3

Interdiction de conditionner des ventes à un consentement au démarchage téléphonique

Favorable

Intitulé de la proposition de loi

M. André REICHARDT

1 rect.

Modification du titre de la proposition de loi

Favorable

La réunion, suspendue à 10 h 45, est reprise à 12 h 30.

Proposition de nomination par le Président de la République de M. Didier Leschi aux fonctions de directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration - Dépouillement simultané au sein des commissions des lois des deux assemblées du scrutin

La commission procède au dépouillement du scrutin sur la proposition de nomination, par le Président de la République, de M. Didier Leschi aux fonctions de directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, simultanément à celui de la commission des lois de l'Assemblée nationale.

Mme Muriel Jourda, présidente. - Voici le résultat du scrutin, qui sera agrégé à celui de la commission des lois de l'Assemblée nationale :

Nombre de votants : 39

Bulletin blanc : 4

Bulletin nul : 0

Suffrages exprimés : 35

Pour : 27

Contre : 8

Agrégé à celui de la commission des lois de l'Assemblée Nationale, le résultat est le suivant :

Nombre de votants : 91

Bulletin blanc : 6

Bulletin nul : 0

Suffrages exprimés : 85

Seuil des 3/5ème des suffrages exprimés : 51

Pour : 58

Contre : 27

La réunion est close à 13 heures.