- Mardi 12 novembre 2024
- Questions diverses
- Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 - Examen du rapport pour avis
- Projet de loi de finances pour 2025 - Mission « Santé » - Examen du rapport spécial
- Projet de loi de finances pour 2025 - Mission « Travail, emploi et administration des ministères sociaux » - Examen du rapport spécial
- Projet de loi de finances pour 2025 - Mission « Cohésion des territoires » - Programmes « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables », « Aide à l'accès au logement », « Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat » et « Politique de la ville » et Programmes « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire » et « Interventions territoriales de l'État » - Examen des rapports spéciaux
- Mercredi 13 novembre 2024
- Proposition de loi visant à limiter le paiement en espèces - Examen des amendements de séance
- Projet de loi de finances pour 2025 - Examen des articles de la première partie - Tome II du rapport général
- Projet de loi de finances pour 2025 - Mission « Justice » - Examen du rapport spécial
- Projet de loi de finances pour 2025 - Mission « Culture » - Examen du rapport spécial
- Jeudi 14 novembre 2024
- Projet de loi de finances pour 2025 - Compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État » - Examen du rapport spécial
- Projet de loi de finances pour 2025 - Mission « Engagements financiers de l'État » et comptes de concours financiers « Accords monétaires internationaux » et « Prêts et avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics » - Examen du rapport spécial
- Vendredi 15 novembre 2024
Mardi 12 novembre 2024
- Présidence de M. Claude Raynal, président -
La réunion est ouverte à 15 h 00.
Questions diverses
M. Claude Raynal, président. - La semaine dernière, nous avons accueilli Pierre Barros, qui succède à Éric Bocquet. Il le remplacera également en qualité de rapporteur spécial des crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », aux côtés d'Arnaud Bazin.
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 - Examen du rapport pour avis
M. Claude Raynal, président. - Nous examinons cet après-midi le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2025, sur le rapport de notre collègue Vincent Delahaye.
M. Vincent Delahaye, rapporteur pour avis. - Le PLFSS 2025 nous a été transmis vendredi dernier. Son importance pour les prélèvements obligatoires et les dépenses publiques - plus de 600 milliards d'euros -, et par conséquent son impact macroéconomique, justifient que nous nous saisissions pour avis.
La crise sanitaire a provoqué en 2020 un déficit record de la sécurité sociale - de l'ordre de 40 milliards d'euros -, alors qu'elle finissait à peine d'absorber les conséquences du choc de la crise financière de 2008-2009. Depuis, les régimes obligatoires de base de la sécurité sociale et le Fonds de solidarité vieillesse (FSV) se sont légèrement redressés, mais restent très déficitaires - 10,8 milliards d'euros en 2023. On constate une forte et inquiétante aggravation du déficit en 2024, qui devrait atteindre 18 milliards d'euros, contre 10,5 milliards initialement prévus.
Deux raisons expliquent cette situation : des recettes inférieures de plus de 6,6 milliards d'euros aux prévisions, trop optimistes ; et des dépenses supplémentaires, notamment 1,2 milliard d'euros de dépassement de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) - essentiellement sur les soins de ville - et 15,6 milliards d'euros liés à la revalorisation des prestations de 5,3 % en raison de l'inflation.
Ce déficit est aussi la conséquence des hausses de dépenses non financées. Si les surcoûts de la crise sanitaire se sont réduits, une partie du déficit actuel est imputable au Ségur de la santé, pour quelque 13 milliards d'euros en 2024 et en 2025.
L'aggravation du déficit de la sécurité sociale n'est pas acceptable. Des réformes structurelles des dépenses sociales sont indispensables pour retrouver un solde budgétaire positif.
Pour 2025, le Gouvernement anticipe un déficit de 16 milliards d'euros, soit 2 milliards d'euros de moins qu'en 2024, grâce à des baisses de dépenses et à des hausses de recettes.
En ce qui concerne les recettes, le ralentissement de la masse salariale du secteur privé devrait conduire à une moindre progression des recettes de l'ordre de 3,2 %, alors qu'elles progressent de 4,2 % entre 2023 et 2024. Pour augmenter les recettes, le Gouvernement propose notamment une refonte des allègements généraux de cotisations sociales, pour 2025 et 2026. L'objectif est de lisser les exonérations de cotisations sociales, afin d'éviter une trop grande concentration des salaires autour du Smic, et de les diminuer entre 1,8 Smic et 3 Smic, pour un rendement net attendu de 4,1 milliards d'euros.
Le Gouvernement propose également d'augmenter le taux de cotisation employeur de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) de 4 points chaque année entre 2025 et 2027. La CNRACL sera en effet en déficit de 4,8 milliards d'euros en 2025. Toutefois, une telle réforme pèsera très fortement sur les collectivités territoriales. Alors qu'en raison du dispositif de compensation démographique, la CNRACL a dû verser plus de 650 millions d'euros aux autres régimes de retraite en 2023 - au bénéfice principalement des caisses de retraite agricoles -, l'effort demandé aux collectivités est difficile à comprendre. Espérons que le débat parlementaire permettra d'aboutir à un compromis acceptable pour les collectivités.
L'objectif de dépenses pour 2025 ne devrait augmenter que de 2,8 %. Les dépenses des branches accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP), autonomie et famille devraient augmenter modérément, sous l'effet de la conjoncture et de mesures nouvelles, a priori compensées.
L'augmentation des dépenses de la branche maladie devrait être également modérée, avec un Ondam pour 2025 fixé à 264 milliards d'euros, en hausse de 2,8 % par rapport à 2024. Des mesures d'économies sont proposées pour un montant de 1,6 milliard d'euros, dont notamment la hausse du ticket modérateur des consultations de médecin et de sage-femme.
Le déficit de la branche vieillesse devrait être contenu à 3,1 milliards d'euros, contre plus de 6 milliards d'euros anticipés pour 2024. En particulier, le report de la revalorisation des retraites de janvier à juillet représenterait une économie - de court terme - de 3,1 milliards d'euros.
Le déficit de la sécurité sociale devrait continuer à se dégrader, de 17,7 milliards d'euros en 2026 à 19,9 milliards d'euros en 2028. Les branches famille et AT-MP, de même que le FSV, devraient demeurer excédentaires. En revanche, la situation des branches maladie, vieillesse et autonomie ne laisse pas d'inquiéter.
La hausse continue des dépenses de la branche maladie et les dépassements réguliers de l'Ondam de ville mériteraient de faire l'objet d'une réflexion, afin d'envisager sérieusement une régulation des soins de ville et de répartir les efforts d'économies.
Concernant la branche vieillesse, l'impact net de la réforme des retraites sera vraisemblablement moindre qu'escompté - 7 milliards d'euros à l'horizon 2030. C'est d'autant plus inquiétant que la gestion de la dette sociale pose question : les conditions de refinancement et d'amortissement de cette dette se sont dégradées ces dernières années. La remontée des taux d'intérêt pèse sur Urssaf Caisse nationale, dont le résultat devrait redevenir négatif en 2024. De même, le taux moyen de refinancement de la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades) a connu une forte hausse, de 0,62 % début 2022 à 2,21 % aujourd'hui. Or, en l'absence d'une nouvelle loi organique, aucune reprise de dette par la Cades n'est possible à partir de 2025. Urssaf Caisse nationale bénéficie pourtant de conditions d'emprunt moins avantageuses, même si le présent PLFSS prévoit de remonter son plafond et de rehausser la durée maximale de ses emprunts à 24 mois. Ces mesures ne sont pas suffisantes, et une réflexion de fond doit être menée sur la gestion de la dette sociale, pour aller vers son extinction.
En tant que rapporteur pour avis du PLFSS, j'ai choisi d'approfondir la question du poids du système des retraites sur la dépense publique. En effet, depuis des années, dans la plupart des régimes, les cotisations ne suffisent pas à couvrir les pensions. En particulier, dans les régimes de retraite des fonctionnaires publics, l'État augmente artificiellement chaque année les taux de cotisation employeur afin de combler les déficits. Il en est de même à la CNRACL. Si un taux de cotisation identique à celui du secteur privé était appliqué, le niveau des cotisations employeur serait beaucoup plus bas.
Les cotisations de niveau « normal » et les impositions et taxes affectées représentent près de 80 % des pensions versées par l'ensemble du système de retraite. Au total, les administrations publiques - État, CNRACL, mais aussi branche famille et Unedic - comblent les besoins de financement du système de retraite de près de 72 milliards d'euros en 2023. Cela interroge sur l'équilibre à long terme du système. Une présentation unifiée serait nécessaire. Notre collègue Sylvie Vermeillet recommande d'ailleurs d'améliorer l'information sur les retraites de la sphère publique dans le compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions » : je salue et soutiens cette idée.
Au vu de l'ensemble de ces éléments, j'ai été tenté de donner un avis défavorable, mais, compte tenu de l'arrivée récente d'un gouvernement qui n'est pas forcément responsable de la situation, des engagements qu'il a pris et des propositions de notre commission des affaires sociales, je vous propose de donner un avis de sagesse.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. -Notre rapporteur dit clairement ce qu'il pense. J'irai un peu plus loin que lui, par esprit de responsabilité comme lui, et pour accompagner le Gouvernement dans ses efforts pour redresser une situation difficile.
Le déficit de la sécurité sociale se maintiendra en effet à un niveau élevé en 2025. Toutefois, le Premier ministre hérite d'une situation dont il n'est pas responsable. Il lui est de surcroît très difficile de revenir sur certaines décisions récentes, comme les augmentations salariales du Ségur de la santé. Enfin, ce PLFSS prévoit des hausses de recettes et des baisses de dépenses très significatives - sans elles, le déficit aurait atteint 28 milliards d'euros.
La réforme des allègements généraux, avec un rendement net d'un peu plus de 4 milliards d'euros, permet d'augmenter structurellement les recettes de la sécurité sociale en baissant des exonérations moins utiles. Les mesures qui portent sur la consommation des produits de santé sont aussi des pistes intéressantes pour limiter le gâchis ou les prescriptions à mauvais escient.
Le PLF 2025 présente lui aussi, facialement, un déficit plus élevé que le PLF 2024 : - 5 %, contre - 4,4 %. Mais, comme pour le PLFSS, il fait enfin la vérité sur la situation très dégradée des comptes, en même temps qu'il amorce le nécessaire redressement.
J'entends les réserves de notre rapporteur, mais, compte tenu des amendements envisagés par la commission des affaires sociales, je propose que la commission émette un avis favorable sur ce PLFSS.
M. Vincent Delahaye, rapporteur pour avis. - Notre avis doit porter sur le texte, en l'état, avant la séance publique.
Je considère que, malheureusement, les prévisions de recettes sont trop optimistes et les prévisions de dépenses bien volontaristes - l'Ondam dérive toujours... Le déficit risque donc d'être supérieur aux 16 milliards d'euros annoncés.
Si mon avis n'est pas défavorable, c'est au seul motif que ce nouveau gouvernement vient d'arriver et qu'il a des propositions de modifications.
Mme Sylvie Vermeillet. - Merci à notre rapporteur. Je l'ai dit mardi dernier, nous avons besoin de plus de lisibilité en matière de retraite.
Notre système de retraite est complexe, avec des régimes déficitaires et des régimes excédentaires selon leur démographie, des régimes ouverts et des régimes fermés - SNCF et RATP, par exemple. Certains régimes sont intégrés - ils servent tant la pension de base que la pension complémentaire -, contrairement à ce qui existe dans le privé. Pour les agents publics, les acteurs sont multiples : service des retraites de l'État, CNRACL, Ircantec, Agirc-Arrco, Caisse nationale d'assurance vieillesse (Cnav). Les modes de financement sont divers, avec des transferts et des taxes affectées. Sans parler de la capitalisation ! Il faut se garder de porter un jugement trop rapide, mais nous devons travailler à une plus grande lisibilité.
Le taux moyen employeur de 98 % intègre les 126 % du régime des militaires, compte tenu de leurs carrières plus courtes. Et c'est heureux, car c'est le prix de notre armée ! Il est donc délicat de comparer avec le privé.
Nous sommes d'accord sur la nécessaire amélioration de la lisibilité. Que préconisez-vous en matière de retraites ? Faudrait-il constituer des réserves ?
Mme Isabelle Briquet. - Merci à notre rapporteur. Le groupe SER ne partage pas l'enthousiasme du rapporteur général, ou bien plutôt son fatalisme positif...
M. Claude Raynal, président. - Sa confiance différée !
Mme Isabelle Briquet. - Comme le rapporteur, nous sommes réservés, pour des raisons différentes. Nous en débattrons en séance et le groupe SER fera des propositions, notamment sur le financement. Hors inflation et compensation de l'augmentation des cotisations CNRACL, l'Ondam n'augmente presque pas et les droits des assurés sociaux sont encore réduits - augmentation du ticket modérateur, décalage de la revalorisation des pensions de retraite, baisse des indemnités journalières, etc. Nous émettons donc bien plus que des réserves et ne voterons pas ce PLFSS en l'état.
M. Pascal Savoldelli. - J'imagine combien le travail de notre rapporteur a dû être difficile ! Nos conditions de travail sont mauvaises, avec notamment l'utilisation de l'article 47-1 à l'Assemblée nationale. Certains ont voulu éviter l'article 23 du PLFSS sur la revalorisation des retraites... Avec mon collègue Pierre Barros, nous ne participerons pas au vote, car tout est fait pour empêcher notre travail.
M. Vincent Delahaye, rapporteur pour avis. - S'agissant de la réforme des retraites, je n'ai pas eu le temps d'aller au bout du travail complexe que je souhaitais faire et je n'ai pas encore suffisamment de clarté sur le sujet pour pouvoir faire des propositions, mais je suis partant pour travailler avec Sylvie Vermeillet et aller vers plus de lisibilité et le rétablissement des équilibres.
La commission émet un avis favorable sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025, sous réserve de l'adoption des amendements de la commission des affaires sociales.
Projet de loi de finances pour 2025 - Mission « Santé » - Examen du rapport spécial
M. Claude Raynal, président. - Nouas examinons maintenant les crédits de la mission « Santé ».
M. Vincent Delahaye, rapporteur spécial de la mission « Santé ». - La mission « Santé » est composée de trois programmes : l'aide médicale d'État (AME), qui représente plus de 80 % des crédits de la mission ; un programme « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins » peu à peu vidé de toute substance ; et enfin un programme autorisant des compensations à la sécurité sociale, créé lors de la crise sanitaire pour les transferts de fonds européens vers la sécurité sociale. La pertinence de cette mission, qui se résume de plus en plus à l'AME, me paraît, comme chaque année, douteuse.
Les crédits de la mission « Santé » sont, en apparence, drastiquement réduits dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2025 : ils baissent de 40 %, soit une perte de 1,1 milliard d'euros. Cette baisse, toutefois, est due uniquement à l'épuisement du financement du programme 379 dédié aux compensations à la sécurité sociale. Créé en 2022, ce programme recueille les crédits européens du plan de facilité pour la reprise et la résilience (FRR) destinés à la France, qui soutiennent le volet investissement du Ségur de la santé.
Ce volet représente un montant total de 19 milliards d'euros, dont 6 milliards proviennent du plan de facilité pour la reprise et la résilience. Entre 2021 et 2024, plus de 4,8 milliards d'euros ont été versés à la mission « Santé » par ce biais, soit 80 % de la somme promise. Un versement très faible est prévu pour 2025, et il est étonnant de permettre un versement de 1,2 milliard d'euros pour la seule année 2026. Il s'agit d'un point d'attention, notamment pour l'année prochaine.
Par ailleurs, si ce programme améliore la traçabilité des fonds européens, il ne constitue qu'un simple canal de transmission à l'assurance maladie et ne redonne aucune substance particulière à la mission « Santé » en termes de politique publique.
De nombreuses actions financées par le programme 204 « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins » ont été transférées à l'assurance maladie au fil des années. Les dépenses restantes se concentrent sur quatre postes principaux : les dépenses de contentieux, la prise en charge du système de santé à Wallis-et-Futuna, les subventions pour l'Institut national du cancer (Inca) et pour l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses), qui en reçoivent aussi d'autres missions.
La dotation pour l'Inca se stabilise par rapport à 2024, après une baisse de 5 millions d'euros l'année dernière. L'institut avait constitué un fonds de roulement important qui justifiait une baisse de sa dotation de fonctionnement. Il semble que le résultat de l'Inca de cette année soit négatif et ne lui permette pas de remplir toutes ses missions, notamment concernant la mise en oeuvre du plan de prévention contre le cancer du poumon. La situation financière de l'Inca constitue donc un point de vigilance.
Le financement des dépenses de contentieux demeure stable par rapport à 2024. La direction de la sécurité sociale n'a signalé aucun nouveau contentieux susceptible de grever les finances du programme 204 dans les années à venir.
La situation de l'agence de santé de Wallis-et-Futuna est inquiétante. En raison des crises sanitaires et inflationnistes, ainsi que de la situation en Nouvelle-Calédonie, le déficit de l'agence serait de 8,5 millions d'euros en 2024. Celle-ci a cessé de payer ses fournisseurs à la mi-octobre. Une telle situation n'est pas acceptable et explique pourquoi la dotation à l'agence de santé augmentera de 1,7 million d'euros en 2025. Il est également important de poursuivre la mise en oeuvre d'un plan de maîtrise des dépenses efficient, afin d'améliorer la résilience de l'agence face aux crises.
Quant aux fonds de concours attachés à la mission 204, ils sont très faiblement abondés par des fonds européens cette année, à hauteur de 500 000 euros seulement.
Comme les années précédentes, le programme 204 finance également un certain nombre d'actions dispersées, pour des montants généralement faibles. Elles paraissent loin de disposer d'une masse critique suffisante pour avoir un impact sur les objectifs de santé publique poursuivis. Repenser les financements de ce programme, de manière à éviter un saupoudrage trop important, constitue une piste de réflexion à explorer.
J'en viens enfin à l'AME, qui demeure l'élément principal de la mission « Santé ».
Les dépenses représentent environ 1,32 milliard d'euros, montant en hausse de 9,2 % par rapport à la loi de finances initiale (LFI) de 2024. Cette évolution résulte notamment de la hausse du nombre de bénéficiaires de l'AME : de 411 000 fin 2022, ils sont passés à 456 689 fin 2023 et à plus de 459 000 à la fin du premier trimestre 2024. Le nombre de bénéficiaires a donc augmenté de 11 % entre 2022 et 2023.
Pour endiguer cette augmentation continue, des mesures de régulation ont été mises en place depuis 2020. Depuis le 1er janvier 2020, une condition de durée minimale de séjour irrégulier de trois mois est nécessaire pour bénéficier de l'AME. De même, une obligation de dépôt physique de la première demande d'AME a été instaurée à compter du 1er janvier 2020. L'impact de ces mesures de régulation, estimé à 25 millions d'euros en 2025, apparaît toutefois très limité.
Ces éléments conduisent à reposer la question, plusieurs fois abordée dans notre assemblée, de l'étendue des soins pris en charge par l'AME. À ce titre, je rappelle que, dans les pays européens dont nous avons pu récupérer les documents, seuls les soins urgents, ceux qui sont liés à la maternité et aux mineurs, ainsi que les dispositifs de soins préventifs dans le cadre de programmes sanitaires publics sont pris en charge gratuitement pour les étrangers en situation irrégulière. Par l'éventail des soins couverts, l'AME constitue une exception par rapport aux autres pays européens. Celle-ci semble difficile à justifier dans un contexte d'augmentation continue et non maîtrisée de la charge budgétaire qu'elle constitue.
La situation est dénoncée par le Sénat depuis de nombreuses années. Notre assemblée vote chaque année des mesures de réduction de l'éventail de prise en charge des soins par l'AME. Le rapport Évin-Stefanini de décembre 2023, qui devait servir de base à une réforme de niveau réglementaire du précédent gouvernement et que nous n'avons jamais vue, a effectué plusieurs recommandations en ce sens.
Les auteurs proposent notamment d'adapter le régime de prise en charge des frais relatifs à des prestations programmées non urgentes dans le cadre de l'AME. Ces prestations ne peuvent être délivrées en l'absence d'un accord des caisses primaires d'assurance maladie (CPAM) à l'ensemble des assurés bénéficiant d'une AME depuis moins de neuf mois.
La condition d'ancienneté du régime actuel est étonnante. Il n'y a en effet aucune raison de considérer que la délivrance d'une prestation peut être subordonnée à une autorisation de l'assurance maladie pour certains assurés seulement. Aussi, je vous propose d'adopter un amendement adaptant le régime d'accord préalable en l'étendant à tous les assurés. Quelle que soit la durée de son affiliation à l'AME, un affilié pourrait avoir accès à une prestation incluse dans le panier de soins défini par décret comme « non urgent », sous condition d'accord des CPAM.
Je vous propose également d'adopter un amendement de crédit tirant les conséquences des dispositions de cet amendement de fond. L'objectif est d'encourager le Gouvernement à inclure davantage de prestations dans le panier de soins non urgents. Le rapport Évin-Stefanini recommandait notamment d'inclure les actes de kinésithérapie, l'appareillage auditif et optique, la pose de prothèses dentaires, l'hospitalisation à domicile ou encore les soins médicaux et de réadaptation. En additionnant les gains attendus de la restriction du panier de soins, cet amendement aboutit à une économie estimée à 200 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et en crédits de paiement (CP). Je propose donc l'adoption des crédits de la mission, sous réserve de l'adoption de cet amendement.
Mme Florence Lassarade, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales sur la mission « Santé ». - Comme chaque année, cette mission dédiée pour une large part à l'AME nous conduit à nous interroger. Les conditions d'accès sont, pour certains, surprenantes. Je suis favorable à l'amendement de M. Delahaye, qui apporte un éclaircissement sur le panier de soins et l'accord préalable et qui sera proposé également à la commission des affaires sociales.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Je soutiens l'amendement de M. Delahaye, proche de ceux qui ont déjà été adoptés par le passé, car il apporte une modification du dispositif actuel qui prend en compte des critères d'ancienneté. Il s'agit d'être clair sur le sujet : nous devons être attentifs au sort des étrangers en situation irrégulière.
Mme Isabelle Briquet. - L'AME répond à une triple logique : humanitaire, en donnant accès aux soins aux personnes fragiles ; de santé publique, en permettant d'éviter la propagation des maladies ; et économique, en aidant à prévenir les surcoûts liés à des soins retardés et pratiqués dans l'urgence. Nous sommes attachés à ce que cette aide perdure et soit même confortée. En dépit de l'augmentation des crédits alloués, cela ne suffit pas à assurer la prise en charge des bénéficiaires. Nous ne voterons donc pas les crédits de cette mission.
M. Claude Raynal, président. - Surtout, j'imagine, ainsi amendés.
Mme Isabelle Briquet. - En effet.
M. Éric Jeansannetas. - Ma question porte sur l'indemnisation des victimes de la Dépakine. Le laboratoire Sanofi, en première ligne sur le sujet, a été condamné. La dotation de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (Oniam) reste stable. Il me semble que le mécanisme d'indemnisation fonctionne ainsi : l'Oniam transmet d'abord le dossier à Sanofi, puis le laboratoire fait une proposition d'indemnisation ; et si celle-ci n'est pas suffisante, l'Oniam compense et adresse ensuite des titres de recettes à Sanofi. Ce mécanisme est-il en place ? Des recettes sont-elles liées à la participation de Sanofi ?
M. Pierre Barros. - Nous nous opposerons à vos propositions pour plusieurs raisons. Je m'interroge notamment sur les médecins diplômés étrangers qui occupent environ 60 % des postes des hôpitaux en région parisienne. Que faisons-nous de ces médecins qui, parfois, se trouvent dans des situations administratives compliquées, voire sous obligation de quitter le territoire français (OQTF) ? On ne doit pas s'étonner que des étrangers viennent se faire soigner en France dans la mesure où les médecins qui devraient les soigner sont chez nous. En prenant le sujet par cet angle-là, nous serions plus proches de la réalité.
M. Jean-Baptiste Olivier. - Je remercie le rapport spécial pour ce premier pas. Mais, pour ma part, cela ne va pas assez loin et je m'abstiendrai sur les crédits de la mission.
M. Vincent Delahaye, rapporteur spécial. - Madame Briquet, nous ne proposons pas de supprimer l'AME et l'amendement va moins loin que ce que nous proposons habituellement. Vous souhaitez que l'aide soit confortée et, même si cela vous semble insuffisant, les crédits augmentent de 9,2 %. Je rappelle que l'AME a été créée en 1999, ce qui signifie qu'il n'y avait rien. Nous avons créé un guichet ouvert et peu contrôlé.
La présence des médecins étrangers est liée au fait que nous manquons de médecins. Pendant des années, le numerus clausus nous a limités en matière de formation de médecins. Si ces médecins étrangers devaient quitter notre territoire, cela aggraverait les problèmes.
À ce stade, nous demandons au Gouvernement de tenir compte des pistes proposées par le rapport Évin-Stefanini afin de maîtriser la dépense. Ce que nous proposons me semble raisonnable. Faut-il aller plus loin ? Aujourd'hui, je l'ignore.
Concernant la Dépakine, aucune recette n'est prévue dans la mission. Sanofi a contesté toutes les demandes de recettes de l'ONIAM en justice. Pour l'instant, l'office prend en charge l'indemnisation.
En conclusion, je propose l'adoption des deux amendements, ainsi qu'un vote favorable sur les crédits la mission.
Article 42
L'amendement FINC.1 est adopté.
La commission décide de proposer au Sénat d'adopter les crédits de la mission « Santé », sous réserve de l'adoption de son amendement.
M. Vincent Delahaye, rapporteur spécial. - L'amendement FINC.2 a pour objet d'adapter le régime de prise en charge des frais relatifs à l'AME. Ainsi, l'ensemble des affiliés sera pris en charge sous réserve de l'accord préalable des CPAM.
L'amendement FINC.2 portant article additionnel est adopté.
Projet de loi de finances pour 2025 - Mission « Travail, emploi et administration des ministères sociaux » - Examen du rapport spécial
M. Claude Raynal, président. - Nous poursuivons nos travaux avec l'examen du rapport sur la mission « Travail, emploi et administration des ministères sociaux ».
M. Emmanuel Capus, rapporteur spécial de la mission « Travail, emploi et administration des ministères sociaux ». - Les crédits de la mission « Travail, emploi et administration et des ministères sociaux » demandés pour 2025 s'élèvent à 21,5 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 21,6 milliards d'euros en crédits de paiement (CP), soit une diminution respective de 6,4 % et de 4,5 %.
Cette mission est l'une de celles qui contribuent le plus fortement à la réduction des dépenses publiques. L'ampleur exacte de cette contribution n'est pas aisée à appréhender, car l'administration des ministères sociaux s'est ajoutée cette année au périmètre de la mission. Avec le transfert des crédits supports de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », le programme 155 a ainsi vu ses crédits quasiment multipliés par trois. Pour prendre la mesure de la diminution des crédits de la mission par rapport à la loi de finances initiale (LFI) de 2024, il convient de raisonner à périmètre constant ; on constate alors une diminution encore plus importante des crédits de la mission, de 11,9 % en AE et de 10,5 % en CP.
Les crédits de la mission ont déjà diminué durant l'exercice 2024, du fait du décret d'annulation pris en février dernier, qui l'a amputée de 1,1 milliard d'euros de crédits en AE et en CP. En tenant compte de ces annulations et des annulations demandées dans le projet de loi de finances de fin de gestion (PLFG), l'ampleur de la diminution des crédits de la mission doit être nuancée.
Comme les années précédentes, l'évolution des dépenses de la mission dépend, pour une large part, de celle des crédits du programme 103 dédiés notamment au financement de l'apprentissage, engagement phare de la mission. Si l'on prend en compte l'ensemble des dépenses en faveur de la formation en alternance - c'est-à-dire les aides aux employeurs d'apprentis, les exonérations de cotisations en faveur de l'apprentissage, la dotation de l'État à France compétences -, les crédits dédiés à cette politique sur le budget de l'État s'élèvent à environ 7 milliards d'euros.
Si l'on élargit encore la focale et que l'on s'intéresse au coût de l'apprentissage pour l'ensemble des finances publiques, on prend conscience de l'effort colossal. En tenant compte des coûts pédagogiques financés par France compétences, des diverses exonérations non compensées par la mission - telle que celle de la contribution sociale généralisée (CSG) - ou encore le coût des droits ouverts par les apprentis à l'assurance chômage, on aboutit à un coût estimé à 25 milliards d'euros.
À l'heure où la réduction du déficit public est une priorité, l'ampleur de ce soutien peut poser question. Le Gouvernement semble du même avis, puisque le projet de loi de finances (PLF) pour 2025 intègre une diminution de 663 millions d'euros en AE des crédits dédiés aux aides aux employeurs d'apprentis, qui traduit sa volonté de réaliser une économie de 1,2 milliard d'euros par rapport à l'évolution tendancielle de ces dépenses. Le Gouvernement n'a pas précisé s'il optait pour une diminution du montant de l'aide à l'embauche de 6 000 à 4 500 euros, ou s'il préférait cibler des types d'entreprises ou d'apprentis.
Selon nous, la meilleure manière de diminuer les dépenses publiques tout en améliorant la pertinence de la dépense consiste à cibler les aides aux employeurs d'apprentis. Nous vous proposons donc, comme l'année dernière, d'adopter un amendement prévoyant que les contrats signés entre une entreprise de plus de 250 salariés et un jeune préparant un diplôme supérieur à bac + 2 ne donnent plus droit au versement de l'aide exceptionnelle.
Il s'agit d'un recentrage modeste. Cet amendement est sans effet sur les petites et moyennes entreprises (PME) qui, par définition, ont moins de 250 salariés. Il ne change rien non plus à la situation des entreprises de plus de 250 salariés qui emploient des apprentis de niveau inférieur à bac + 3, comme, par exemple, des jeunes en brevet de technicien supérieur (BTS) ou en diplôme universitaire de technologie (DUT). Il vise, pour assurer une meilleure efficience des dépenses en faveur de l'apprentissage, à orienter prioritairement ces crédits vers les entreprises et les jeunes qui en ont le plus besoin.
Nous vous proposons également un amendement de crédits qui en tire les conséquences sur les crédits de la mission. Notre démarche étant d'entrer dans un dialogue avec le Gouvernement qui prévoit déjà une diminution des crédits, nous avons délibérément retenu un montant d'économies plus faible que l'année dernière. Sous réserve de l'adoption de cet amendement, ainsi que de celui qui sera présenté ultérieurement par Ghislaine Senée, je vous propose d'adopter les crédits de la mission ainsi modifiés.
Mme Ghislaine Senée, rapporteure spéciale de la mission « Travail, emploi et administration des ministères sociaux ». - J'abonde dans le sens d'Emmanuel Capus : cet amendement permet de rééquilibrer le dispositif en conservant des possibilités aux grandes entreprises sans contraindre les PME.
Entre 2019 et 2024, les crédits de la mission sont passés de 7,7 à 24,5 milliards d'euros. Une telle augmentation n'est plus soutenable et le maintien de cette politique d'apprentissage conduirait à une très mauvaise utilisation de l'argent public.
Dans la même veine, nous vous proposons une autre piste d'économies, inspirée des recommandations de l'inspection générale des finances (IGF) et de l'inspection générale des affaires sociales (Igas). Ces dernières recommandent de reconsidérer la prise en charge des coûts pédagogiques des contrats d'apprentissage financés par France compétences au niveau de prise en charge fixé par les branches professionnelles. Elles ont mis en évidence le coût plus élevé des formations de niveau licence et master.
Conformément à ces recommandations et à notre volonté de cibler le soutien public à l'apprentissage vers les niveaux de qualification pour lesquels celui-ci est déterminant, nous vous proposons un amendement visant à limiter le financement des niveaux de prise en charge des contrats d'apprentissage (NPEC) pour ces formations à 90 % pour le niveau licence et à 80 % pour le niveau master. Cette proposition permettrait de baisser de 620 millions d'euros les charges de France compétences, et ainsi de diminuer à due concurrence la dotation que verse l'État à cet opérateur.
J'insiste sur le fait que nous avons délibérément retenu la piste la plus radicale et la plus porteuse d'économies, afin d'engager un dialogue avec le Gouvernement qui a lui-même déposé un amendement à l'Assemblée nationale visant à diminuer les crédits de la mission à hauteur de 675 millions d'euros supplémentaires. Ainsi, le contenu de l'amendement aura vocation à être coordonné avec les pistes d'économies, encore très vagues, du Gouvernement.
La baisse de crédits que subit la mission a pour conséquence de diminuer sensiblement les crédits des divers dispositifs favorisant l'accès à l'emploi des personnes qui en sont le plus éloignées. Si la suppression des contrats aidés dans le secteur marchand et celle des emplois francs méritent d'être considérée compte tenu des effets d'aubaine importants suscités par ces dispositifs, je m'inquiète de la diminution - de l'ordre de 22 % entre la LFI 2024 et le présent PLF - des crédits dédiés aux missions locales. Pour avoir entendu plusieurs représentants des missions locales au cours de nos travaux, cette diminution est préoccupante.
De même, si la subvention pour charges de service public versée à France Travail ne diminue pas, les effectifs seraient, quant à eux, amputés de 500 équivalents temps plein travaillé (ETPT). Certes, le Gouvernement fait valoir qu'il s'agit d'une contribution modeste du premier opérateur de l'État, à hauteur de seulement 1 % de son plafond d'emplois.
Toutefois, je rappelle que la mise en oeuvre de la loi pour le plein emploi, notamment de l'inscription de tous les demandeurs d'emploi à France Travail, entrera en vigueur le 1er janvier 2025. Dans ces conditions, et alors que France Travail devra accompagner un nombre croissant de demandeurs d'emploi, il serait malvenu qu'une diminution de ses effectifs le conduise à externaliser certaines fonctions essentielles, sachant par ailleurs le coût élevé de ces externalisations.
Je souhaitais aussi dire quelques mots de la dette de l'Unédic, qui est estimée à 58,4 milliards d'euros pour fin 2024. Après plusieurs années de déficit, l'Unédic est, depuis 2022, excédentaire. L'association va dégager 20,6 milliards d'euros d'excédent sur la période 2024-2027. Or, depuis 2023, l'État ponctionne une partie de cet excédent : 2 milliards d'euros en 2023, 2,6 milliards d'euros en 2024 et 3,35 milliards d'euros en 2025. Ces ponctions ralentissent la trajectoire de désendettement de l'Unédic. Cela n'est pas anecdotique sachant le rôle de stabilisateur automatique de l'assurance chômage qui s'endette lorsque la conjoncture est défavorable et doit se désendetter lorsque celle-ci présente une embellie, en prévision de la prochaine crise qui impliquera une nouvelle hausse de l'endettement. Nous entrons donc dans un cercle vicieux.
Enfin, je souhaite attirer votre attention sur la situation du secteur de l'insertion par l'activité économique (IAE). Si les moyens sont globalement préservés, ceux-ci pourraient être insuffisants pour absorber la hausse prévue du Smic et maintenir les effectifs au niveau de 2024.
Sur ces sujets, je n'ai pas souhaité déposer d'amendement. Il m'a semblé que ce n'était pas le rôle de la commission des finances dans le contexte actuel. Je ne suis toutefois, à titre personnel, pas favorable aux baisses de crédits désignées.
En conclusion, je vous proposer d'adopter les crédits de la mission, sous réserve de l'adoption de nos amendements.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Je vous remercie pour votre analyse et vos propositions d'économies sur des dépenses actuellement insuffisamment ciblées. Les montants sont importants. Ils traduisent une dérive des dépenses en matière de formation et d'apprentissage. Sans doute faudra-t-il regarder de plus près le cas de France compétences. Le ticket modérateur de 100 euros pour les droits à formation, auquel je n'étais pas favorable, a, semble-t-il, produit de véritables effets. Cet accès très simple n'a pas que des vertus, car cela engage des dépenses qui ne répondent pas nécessairement aux besoins des bénéficiaires et aux préoccupations des entreprises.
Durant de nombreuses années, les droits à formation étaient insuffisamment dotés. Aujourd'hui, c'est le sentiment inverse qui domine. Il sera utile de voir comment le dispositif pourra être amélioré dans les prochains mois. Cela participe de notre combat pour une meilleure utilisation de l'argent public.
Naturellement, je soutiens les propositions des deux rapporteurs.
M. Grégory Blanc. - J'émets trois réserves sur ce rapport. La première concerne les crédits affectés aux missions locales. Elles sont des interlocuteurs privilégiés pour l'insertion des jeunes, et la baisse des crédits aura un impact sur l'activité de celles-ci.
Ma deuxième réserve porte sur les contrats aidés. Je déplore la diminution des crédits concernant les emplois francs et les dispositifs d'insertion en secteur marchand. Des rapports ont mis en lumière des effets d'aubaine. À mon sens, les difficultés proviennent plutôt de la lourdeur des dispositifs et de la faiblesse de l'accompagnement. Celui-ci, en effet, n'est pas le même selon que l'on soit éloigné de l'emploi ou que l'on soit dans une situation d'apprentissage.
Ma troisième réserve concerne l'apprentissage. Vous parlez d'effets d'aubaine, mais vous présentez les mêmes amendements que l'année dernière. Le véritable débat devrait être celui-ci : pourquoi observe-t-on une distorsion entre les contrats de professionnalisation et les contrats d'apprentissage ? Ces dispositifs n'ont pas les mêmes atouts, avec notamment des différences en termes de fiscalité, ce qui crée des complexités. Sur ce sujet, une approche d'uniformisation me semble recommandée.
M. Éric Jeansannetas. - Vous avez indiqué que cette mission contribuait le plus fortement à la réduction des déficits publics. Le contexte est en train de changer. Après l'enthousiasme lié à la loi pour le plein emploi, on s'attend à une multiplication de plans sociaux. Des vents contraires s'annoncent et la mission budgétaire subit fortement la réduction des crédits. Les opérateurs seront directement touchés et, si l'on baisse les effectifs, on s'éloigne de la stratégie d'accompagnement individualisé nécessaire aux jeunes gens en formation ou en recherche d'emploi.
Récemment, nous avons constaté un changement de doctrine concernant l'attribution des crédits aux missions locales sur la signature des contrats d'engagement jeune (CEJ). Cette décision prise en cours d'année met en péril le financement des missions locales. Notre commission des finances, en s'appuyant sur le rapport Patriat-Requier, avait pourtant stabilisé le financement. Aujourd'hui, nous changeons les règles alors que les budgets sont en phase d'exécution, et les conséquences peuvent être importantes.
Une baisse de 1 % des effectifs a été annoncée. Aux yeux du Gouvernement, ce n'est pas très important, mais cela représente quand même 500 équivalents temps plein (ETP) pour France Travail. Avez-vous une idée de la suppression du nombre d'emplois dans les missions locales ? Celles-ci auront-elles encore les moyens de répondre aux nouvelles obligations imposées par la loi pour le plein emploi ? Peut-on imaginer un suivi des missions locales pour évaluer l'impact de ces réductions budgétaires sur l'accompagnement des jeunes parfois très éloignés de l'emploi ?
Même si la garantie jeunes me semblait plus efficace que le CEJ, nous mettons en péril une structure qui a montré son efficacité.
M. Emmanuel Capus, rapporteur spécial. - Pour répondre à Grégory Blanc, nous ne voulons pas casser un système qui fonctionne bien, mais nous faisons attention à bien cibler les dépenses pour éviter les dérives. Les coûts sont très importants pour les finances publiques, d'autant plus dans le contexte actuel.
Sur l'apprentissage, on constate des effets d'aubaine pour les contrats concernant les grandes entreprises et les niveaux 5 et 6, c'est-à-dire à partir de la licence et du master. C'est la raison pour laquelle nous vous proposons le même amendement que l'année dernière.
Nous regrettons la suppression des emplois francs et des contrats aidés dans le secteur marchand. Mais les études, ainsi que nos interlocuteurs, rapportent des effets d'aubaine pour 60 % des contrats aidés dans le secteur marchand, et pour 77 % des emplois francs. On peut, à la suite de ces chiffres, s'interroger sur la pertinence financière de ces dispositifs à l'heure où nos finances publiques sont contraintes ; le Gouvernement propose de les supprimer, nous en prenons acte.
Sur les missions locales, nous partageons les inquiétudes. J'ai rédigé un rapport sur l'intérêt des missions locales. Nous sommes sensibles au fait de ne pas déséquilibrer les finances des collectivités territoriales. Le Gouvernement nous précise que les crédits des missions locales ont beaucoup augmenté ces dernières années, et que cela devrait permettre de supporter la diminution actuelle. Celle-ci ne devrait pas entraîner de baisse de l'emploi dans les missions locales. Selon la délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle et le cabinet du ministre, seules seraient visées les missions locales excédentaires.
Concernant le plafond d'emplois de France Travail, c'est la première fois que nous vous proposons de valider une baisse. L'année dernière, les effectifs pouvaient compter sur 300 ETP supplémentaires. La loi pour le plein emploi s'appliquera à partir de janvier 2025. À titre personnel, une baisse à hauteur de 1 % du plafond d'emplois ne me paraît pas déraisonnable.
Paradoxalement, les crédits de notre mission augmentent en période de plein emploi et baissent de manière sensible en période plus délicate, de même que les crédits de France Travail. Ce qui coûte le plus cher, ce sont les exonérations de cotisations sociales que nous reversons à la sécurité sociale.
Mme Ghislaine Senée, rapporteure spéciale. - Nous avons trouvé des compromis sur les amendements, mais nous ne partageons pas tout à fait la même vision.
Il est clair que la trésorerie des missions locales sera mise à mal et que des licenciements sont à prévoir. Un certain nombre de missions locales ont répondu à l'appel à manifestation d'intérêt relatif à la loi relative à l'orientation et à la réussite des étudiants (ORE) ; peut-être vont-elles, par ce biais, récupérer de nouveaux moyens.
En avril dernier, le gel des financements a concerné 200 000 CEJ. Une alerte importante vise également le parcours contractualisé d'accompagnement adapté vers l'emploi et l'autonomie (Pacea).
Le ticket modérateur du compte personnel de formation (CPF), mis en oeuvre en 2024, a rapporté avec d'autres mesures de moindre ampleur près de 312 millions d'euros à France compétences. Mais il existe effectivement une contradiction : lorsque l'entreprise participe au financement de la formation, le ticket modérateur n'est pas dû. De ce fait, un salarié qui souhaite se former dépend aujourd'hui des choix de son employeur. Nous devrons étudier cette question en prenant davantage de recul.
Selon l'Unédic, on constate aujourd'hui une hausse du nombre de demandeurs d'emploi chez les anciens apprentis de bac + 4 et les bac + 5. Les grandes entreprises forment des jeunes et, du fait des avantages procurés par le dispositif, reprennent ensuite un autre alternant.
Article 42
Les amendements FINC.1 et FINC.2 sont adoptés.
La commission décide de proposer au Sénat d'adopter les crédits de la mission « Travail, emploi et administration des ministères sociaux », sous réserve de l'adoption de ses amendements.
M. Emmanuel Capus, rapporteur spécial. - Avec l'amendement FINC.3, les aides à l'apprentissage ciblent les entreprises de plus de 250 salariés embauchant des apprentis en dessous des niveaux 6 et 7, c'est-à-dire de la licence et du master.
L'amendement FINC.3 est adopté.
Mme Ghislaine Senée, rapporteure spéciale. - L'amendement FINC.4 permet une prise en charge à 90 % des formations de niveau 6, et à 80 % des formations de niveau 7.
L'amendement FINC.4 est adopté.
Projet de loi de finances pour 2025 - Mission « Cohésion des territoires » - Programmes « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables », « Aide à l'accès au logement », « Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat » et « Politique de la ville » et Programmes « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire » et « Interventions territoriales de l'État » - Examen des rapports spéciaux
M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur spécial de la mission « Cohésion des territoires » sur les programmes « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables », « Aide à l'accès au logement », « Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat » et « Politique de la ville ». - Comme chaque année, nous serons deux rapporteurs spéciaux pour vous présenter les crédits de la mission « Cohésion des territoires » : je commencerai avec les quatre programmes portant les crédits destinés à la politique du logement, de l'urbanisme, de l'hébergement et de la ville ; M. Delcros prendra le relais avec les crédits de la politique d'aménagement du territoire et des interventions territoriales de l'État.
Je voudrais pour commencer vous proposer une analyse de l'évolution importante que connaît l'enveloppe de la mission. En effet, en crédits de paiement (CP), celle-ci passe de 19,4 milliards d'euros en loi de finances initiale (LFI) de 2024 à 23,8 milliards d'euros dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2025. Il s'agit d'une hausse de 17,7 % des crédits après correction de l'inflation, ce qui est inédit pour la mission. Néanmoins, ne nous y trompons pas, cette hausse est liée à des mesures de périmètre, et non à un soudain accroissement des crédits. En effet, dans le contexte budgétaire contraint que nous connaissons, il aurait été peu raisonnable d'augmenter de 4,6 milliards d'euros les dépenses liées à la mission.
Par conséquent, les crédits, à périmètre constant, sont bien plutôt - hélas - en baisse de 4 %, y compris dans les missions qui relèvent du logement et de l'urbanisme. Je salue cette rationalisation des crédits ouverts qui correspond pour une grande partie à une mise en cohérence des ouvertures des années précédentes avec les actions concrètement menées. Cela ne m'empêchera pas de mettre en évidence certains risques portés par la baisse de ces crédits.
Pour commencer par le programme 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables », il convient d'abord de saluer l'objectif affiché par le Gouvernement de maintenir 203 000 places dans le parc en 2025, soit autant qu'en 2024. En tendance longue, cela correspond à une augmentation de 50 000 places par rapport à 2017.
Cela est d'autant plus notable que le dispositif national d'accueil des demandeurs d'asile (DNA), à destination des personnes en situation irrégulière, connaît une baisse de plus de 9 000 places l'an prochain. Cela conduira probablement à un report sur le parc d'hébergement d'urgence classique, qui pourra tenir le choc d'autant mieux qu'il ne réduit pas le nombre de places offertes.
Outre l'accroissement de ce parc, il convient de noter la baisse depuis trois ans du nombre de nuitées hôtelières, permise par l'action résolue de la délégation interministérielle à l'hébergement et à l'accès au logement (Dihal). Ces dernières sont en baisse de 11,8 %.
Cela favorise un accueil plus digne des hébergés, qui sont pris en charge dans des structures d'accueil plus adaptées comme les centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS). Ces derniers bénéficient, en effet, de crédits en augmentation de 5 % pour l'année 2025. Ces structures offrent un accompagnement social en plus du simple hébergement et doivent continuer à se développer.
Je relève néanmoins deux difficultés dans les crédits proposés pour ce programme. D'une part, il apparaît que les crédits ouverts peuvent sembler sous-évalués. En effet, ils sont en légère baisse par rapport à ceux qui ont été ouverts en LFI de 2024.
Or l'exécution au titre de l'exercice en cours a mené le Gouvernement à proposer une ouverture de crédits de 250 millions d'euros dans le projet de loi de finances de fin de gestion (PLFG). Ainsi, avec un objectif de places similaire à l'année précédente, il pourrait manquer 250 millions d'euros pour boucler l'année 2025.
D'autre part, et je sais combien Mme Sollogoub, qui nous fait l'honneur de rapporter ce programme au nom de la commission des affaires sociales, saisie pour avis, y est aussi attentive, le PLF pour 2025 ne prévoit pas de mesures d'accompagnement spécifique pour les Ukrainiens.
L'engagement en faveur de l'intermédiation locative, qui permet à ces réfugiés de bénéficier d'une aide bienvenue pour se loger, est en effet en baisse de 2,6 %. Je suis conscient de l'importance de maintenir un dispositif fonctionnel pour ces personnes que la guerre a poussées à quitter leur pays. Je resterai donc attentif à ce que l'action gouvernementale puisse s'inscrire dans le temps long et favorise un accueil décent pour les Ukrainiens en France.
Je serai bref, ensuite, sur les crédits du programme 109 « Aide à l'accès au logement », même s'il porte la très grande majorité des crédits. Il s'agit en effet des aides au logement, une aide de guichet qui ne connaît pas de réforme particulière cette année.
Le coût prévu pour l'État est de 17 milliards d'euros pour 2025. Ici encore, il faut mentionner une évolution de périmètre qui fait bondir de 24,6 % les crédits du programme. En effet, pour se mettre en conformité avec les dispositions de la loi organique relative aux lois de finances (Lolf), le Fonds national d'aide au logement (Fnal) ne pourra plus, à partir du 1er janvier 2025, recevoir d'affectations de taxes.
Par conséquent, le montant des cotisations patronales qui lui étaient transférées, à savoir 3 milliards d'euros, et celui de la fraction de taxe sur les bureaux, à savoir 24 millions d'euros, sont réintégrés au budget de l'État. Cela explique une grande part de la hausse d'environ 3,6 milliards d'euros des crédits du programme.
Je salue cette évolution positive pour la lisibilité du coût des aides au logement et de l'effort de l'État.
Je me réjouis que l'effet des réformes passées, qui ont contribué à réduire le montant versé de 20,8 milliards d'euros à 15,6 milliards d'euros entre 2017 et 2023, soit désormais derrière nous et que le montant se stabilise pour l'année qui vient : cela vaut moins pour les bénéficiaires, qui n'ont pas vu leur taux d'effort augmenter durant ces années, que pour les bailleurs sociaux. En effet, la baisse des aides a pesé sur leurs fonds propres par le transfert de la charge de la réduction de loyer de solidarité (RLS).
Cette question de la RLS me permet d'en venir au programme 135 « Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat », qui porte le coeur de la politique du logement du Gouvernement. Or, la crise actuelle est principalement une crise de la construction, notamment celle du logement social.
Les bailleurs, en effet, ont vu leurs capacités de financement de nouveaux projets grevées par la RLS, ainsi que par le maintien d'un taux élevé du livret A. Ces deux difficultés devraient néanmoins s'atténuer au cours de l'exercice 2025. L'inflation diminue, ce qui permettra une baisse du taux du livret A. En outre, le gouvernement soutient un gel de la RLS, ce qui pourra permettre de ne pas accentuer les difficultés des bailleurs. Je souhaite que les possibles évolutions à la baisse de la RLS soient menées de concert avec une contractualisation exigeante qui mène à un redémarrage de la construction.
Les bailleurs privés, qui connaissent une conjoncture particulièrement défavorable, pourraient bénéficier d'une relance du logement social, dans la mesure où de nombreuses opérations sont désormais mixtes.
Je souligne ici que le Gouvernement a donné un avis favorable à un amendement de l'Assemblée nationale pour l'élargissement du prêt à taux zéro (PTZ). Cela pourrait entraîner un regain de la demande, qui est l'autre volet nécessaire pour que le marché reparte. Je suis favorable à cette initiative, ainsi qu'à toutes celles qui favoriseront la relance de la construction.
Les crédits du programme 135 portent une autre politique d'ampleur, qui est celle de la rénovation thermique des logements privés.
C'est grâce à une évolution de la maquette budgétaire concernant ces aides à la rénovation que les crédits du programme sont en hausse de 1,4 milliard d'euros, soit 89,2 % de croissance. En effet, les deux tiers des aides provenaient du programme 174 de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » et pour un tiers seulement du présent programme. Elles sont désormais regroupées dans le programme 135. À nouveau, cette clarification de la maquette budgétaire est à saluer.
En outre, les évolutions des crédits prévus par l'unification du versement à l'Agence nationale de l'habitat (Anah), qui porte la politique de rénovation des logements, sont bénéfiques pour la cohérence et la sincérité du budget de l'État.
En effet, les ressources dont bénéficie l'Anah ont doublé entre 2021 et 2024, passant de 2 milliards d'euros à 4 milliards d'euros, crédits budgétaires et taxes affectées compris. Pour 2025, ce sont 3 milliards d'euros qui lui seront octroyés, dont 2,3 milliards d'euros de subvention budgétaire.
Ces crédits sont cohérents avec l'exécution constatée en 2024, qui a conduit le Gouvernement à annuler 359 millions d'euros en février, puis à proposer l'annulation de 381 millions d'euros supplémentaires dans le PLFG. En effet, le volume de travaux accomplis a mené au versement d'un montant de subventions largement inférieur aux crédits votés.
Cette baisse est d'autant plus justifiée que la trésorerie de l'Anah a été multipliée par trois depuis 2019 et lui permettra largement de tenir le choc en cas d'augmentation soudaine du nombre d'opérations de rénovation en 2025.
Enfin, je mentionne ici que notre collègue Bernard Delcros vous présente un amendement visant à augmenter les crédits à hauteur de 5,5 millions d'euros, en les ponctionnant du programme 135 pour les allouer au programme 112. Cela représente moins de 0,1 % des crédits ouverts sur le programme et ne pénalise pas l'accomplissement de la politique du logement, mais pourra avoir une action utile pour la cohésion des territoires.
Pour finir, je présenterai les crédits de la politique de la ville, portée par le programme 147.
Ces derniers sont en baisse de 15,6 % en euros constants, notamment en lien avec l'absence de crédits présentés à ce jour pour la participation de l'État au nouveau programme de renouvellement urbain (NPNRU).
Alors que l'État s'est engagé à apporter 300 millions d'euros à l'horizon 2028, seuls 106,9 millions d'euros ont été jusqu'alors versés. L'année 2024 sera en outre une année blanche, car le PLFG prévoit l'annulation des crédits ouverts - 50 millions d'euros. Pour 2025, le montant n'est pas encore arbitré, mais le Gouvernement déposera un amendement en ce sens.
Je resterai donc attentif à toute initiative qui permettra de garantir, sans les retarder, les opérations de renouvellement urbain.
Pour les autres enjeux de la politique de la ville, je salue le fait que tous les nouveaux contrats de ville sont désormais signés. Attendus depuis 2022, ces derniers donneront un cadre au déploiement de cette politique.
Si les crédits sont en diminution, en lien avec un contexte budgétaire contraint, il n'en demeure pas moins que nombre de dispositifs portent leurs fruits. J'en citerai deux, qui auront besoin d'un soutien de l'État, même si les moyens sont limités : les adultes-relais d'une part, qui sont des médiateurs efficaces pour favoriser la tranquillité publique et le lien social dans les quartiers ; les cités éducatives, d'autre part, qui permettent de créer une synergie de moyens autour de l'école et de l'enseignement.
Je conclurai mon intervention en vous disant que je ne suis évidemment pas dupe de l'état difficile du marché immobilier et que je mesure que les crédits pour l'hébergement d'urgence et la politique de la ville pourraient être accrus. Néanmoins, il me semble que nous devons agir aujourd'hui pour faciliter le travail entrepris par ce gouvernement pour aller dans le bon sens. C'est déjà le cas sur plusieurs sujets, comme le PTZ ou le gel de la RLS.
Par conséquent, confiant dans les initiatives gouvernementales et lucide sur les contraintes que connaît notre pays en termes de finances publiques, je vous propose d'adopter ces crédits.
M. Bernard Delcros, rapporteur spécial de la mission « Cohésion des territoires » sur les programmes « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire » et « Interventions territoriales de l'État ». - Le volet « politique des territoires » de la mission « Cohésion des territoires » comprend principalement le programme 112, pour des montants prévus en 2025, respectivement de 248 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et de 211 millions d'euros en CP.
Ce programme, financé en grande partie par le fonds national d'aménagement et de développement du territoire (FNADT), qui comporte une section locale et une section générale, intègre, d'une part, des crédits pour financer les politiques contractuelles de l'État, notamment le volet territorial des contrats de plan État-région (CPER) et les contrats de plan interrégionaux État-régions (CPIER), d'autre part, des crédits destinés à différents dispositifs d'aménagement du territoire, pilotés par l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) ou financés directement par l'ANCT au travers de la subvention pour charges de service public. Ces montants peuvent paraître peu élevés, mais je tiens à rappeler qu'ils ont un effet de levier significatif dans les territoires.
Je suis par ailleurs chargé d'assurer le suivi du programme 162, qui comprendra en 2025 sept actions territorialisées pour un peu plus de 77 millions d'euros, en AE comme en CP. Je vais principalement consacrer mon propos au programme 112, qui connaît une réduction très importante de ses crédits dans le PLF qui nous est présenté par le Gouvernement.
Entre la LFI de 2024 et le projet de budget pour 2025, on passe sur ce programme de 398 millions d'euros environ à 249 millions d'euros, soit une baisse de près de 40 % !
Je l'avoue, quand j'ai découvert cette baisse drastique et avant même de l'avoir examinée en détail, j'ai craint une remise en cause sur le fond des politiques de soutien aux territoires que nous avons réussi à mettre en place progressivement et qui commencent aujourd'hui à porter leurs fruits sur le terrain, une remise en cause qui ne serait pas, pour moi, acceptable, mais j'y reviendrai.
En y regardant de plus près, la baisse de crédits est essentiellement concentrée sur deux postes de dépenses : 83 % de la baisse portent sur les politiques contractuelles de l'État pour un montant de 125 millions d'euros et 17 % concernent une réduction des subventions pour charges de service public et pour investissement versées à l'ANCT, qui passeraient de 88 millions d'euros à 68 millions d'euros, soit une réduction de 20 millions d'euros.
Alors, quelles seront les conséquences concrètes de cette baisse importante sur les politiques contractuelles, d'une part, et sur les actions de l'ANCT, d'autre part ?
Sur le premier point, sont concernés le volet territorial des CPER 2021-2027, les CPIER et les pactes de développement territorial. Les baisses devraient se traduire, non par une annulation des opérations prévues, mais par un report d'un an de bon nombre d'entre elles et donc par un glissement de la durée de ces contrats.
Je tiens à préciser qu'il doit bien s'agir d'un report et que les crédits nécessaires au respect des engagements de l'État lors de la signature de ces contrats avec les collectivités devront être inscrits en 2026. Le contraire ne serait pas acceptable !
Concernant la réduction de 20 millions d'euros des subventions versées à l'ANCT, elle pourrait être, en grande partie, absorbée par un resserrement des dépenses internes à l'Agence.
En revanche, j'attire l'attention sur la nécessité de préserver de toute baisse massive le soutien à l'ingénierie locale financé directement par l'ANCT. Ce dispositif créé il y a seulement trois ans est désormais bien connu et apprécié des élus locaux, tandis que les préfets se le sont approprié. Il est particulièrement utile pour les plus petites collectivités.
De 10 millions d'euros à sa création en 2022, il a été rehaussé à 20 millions d'euros en 2023 puis à 40 millions d'euros en 2024. Un montant de 30 millions d'euros pour 2025 me semble absolument nécessaire. Il y va pour moi de la crédibilité de l'action de l'État dans les territoires, afin de poursuivre cette action récente.
Les autres actions du programme 112 qui concernent les nombreux soutiens de l'État aux politiques locales sont dans l'ensemble préservées, voire améliorées. Il en est ainsi des contrats de convergence et de transformation (CCT) qui concernent le soutien aux outre-mer, du plan France ruralités, de l'accompagnement des opérations Coeur de ville, Petites villes de demain (PVD) ou Villages d'avenir, en particulier au travers d'emplois portés directement par l'État ou accompagnés par l'État.
Sont également préservés d'autres volets comme les Territoires d'industrie qui bénéficient d'ailleurs d'un doublement de leurs crédits. Concernant les maisons France Services, un sujet qui nous tient à coeur compte tenu de l'intérêt qu'elles représentent pour les territoires, les engagements qui avaient été pris à la suite des propositions que j'avais faites dans le rapport que je vous avais présenté sont tenus.
Ainsi les crédits affectés aux France Services augmentent de près de 25 %, passant de 53,2 millions d'euros à 65,5 millions d'euros. Cette hausse permettra notamment d'accroître, là aussi comme prévu, le montant de la dotation aux collectivités qui les portent. Cette dotation financée à parité avec les opérateurs s'élèvera en 2025 à 45 000 euros par France Services.
Toutefois, les 7,55 millions d'euros inscrits sur le programme 112 pour financer la majoration accordée aux France Services implantées dans les communes classées France Ruralités Revitalisation (FRR) sont insuffisants pour respecter la trajectoire prévue de 10 000 euros par France Services.
Je vous proposerai donc un amendement à hauteur de 5,5 millions d'euros pour corriger cette insuffisance, préparé avec la bienveillance de notre collègue Jean-Baptiste Blanc que je remercie, puisque ce montant sera prélevé sur une action d'un programme relevant de sa compétence.
Sur le programme 162, je serai bref. Il s'agit de sept actions territorialisées : il y en avait huit l'an dernier, mais, comme prévu, nous achevons en 2024 l'exécution de l'action consacrée à l'eau dans les Pays de la Loire.
Deux remarques toutefois : si les crédits consacrés à la Corse augmentent de manière très importante, c'est parce que, depuis deux ans, un certain nombre d'opérations ont été reportées et qu'elles devraient être exécutées en 2025.
Par ailleurs, les crédits des autres actions évoluent conformément aux prévisions et devraient permettre une exécution conforme à celle qui a été envisagée lors de la signature de ces conventions.
Pour conclure et dans un contexte de nécessaire redressement des comptes publics auquel contribue le programme 112, je voudrais faire quatre observations qui m'amènent à vous proposer l'adoption des crédits.
Premièrement, la baisse importante des crédits du programme 112 ne se traduit pas par une remise en cause du financement des opérations contractualisées, mais par un report d'un an et le glissement de la durée des contrats.
Deuxièmement, le soutien à l'ingénierie locale portée par l'ANCT peut demeurer à un niveau suffisant pour répondre aux besoins des territoires. Il n'est pas remis en cause dans son principe par la baisse de la subvention pour charges de service public versée à l'ANCT.
Troisièmement, les autres actions de soutien aux territoires, construites au fil du temps ne sont pas impactées par des réductions significatives de crédits, à l'instar des France Services.
Enfin, je rappelle que le vote se fait globalement sur la mission que nous menons conjointement avec notre collègue Jean-Baptiste Blanc et pas seulement sur les programmes 112 et 162 dont j'assure le suivi.
Avant de terminer, permettez-moi, monsieur le président, d'ajouter dès maintenant, deux points de vigilance pour l'avenir.
Première observation, la coupe budgétaire de cette année sur le programme 112, si elle peut se justifier compte tenu de la nécessité de redresser les comptes publics et du fait qu'elle ne remet pas en cause, sur le fond, les soutiens de l'État aux territoires, doit rester exceptionnelle et attachée à la seule année 2025. Je le répète, il ne serait pas envisageable, à mes yeux, que l'engagement de l'État pris lors de la signature de plusieurs contrats territoriaux ne soit pas respecté !
Deuxième observation, les montants affectés au programme 112 restent depuis longtemps modestes, mais le FNADT qui les finance est un outil de l'État souple et efficace qui a un fort effet de levier sur les territoires. C'est aujourd'hui reconnu.
Je pense donc qu'il ne faut pas réduire sa portée, mais au contraire la consolider et j'y serai de ce point de vue très attentif dans le cadre de la préparation du budget pour 2026.
D'ailleurs, je vous proposerai de réaliser, dans le cadre des contrôles budgétaires, un rapport sur le rôle du FNADT dans les politiques de développement local, qui pourra nous éclairer sur ce sujet.
M. Claude Raynal, président. - Je reste dubitatif quant à la notion de coupe budgétaire « exceptionnelle », le programme gouvernemental de redressement des comptes publics devant se déployer au moins jusqu'à 2029. Dans ce cadre, il faudra trouver environ 25 milliards d'euros chaque année, et j'ai bien peur qu'une partie des coupes « exceptionnelles » ne soient renouvelées.
Mme Nadia Sollogoub, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales sur le programme 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables » de la mission « Cohésion des territoires ». - Le programme 177 est le filet de sécurité de la solidarité nationale, il est celui qui offre un toit, qui accompagne, qui défend la dignité des plus précaires.
Dans le PLF pour 2025, ce programme voit ses crédits être pérennisés à hauteur de 2,9 milliards d'euros. C'est un élément que je tiens à saluer, alors que nous savons tous que le contexte budgétaire est à la consolidation. Il faut le marteler : l'État ne fait pas d'économies sur les personnes sans domicile.
Pour autant, je souhaiterais attirer votre attention sur trois points d'alerte.
Tout d'abord, si les crédits sont globalement maintenus, je m'inquiète de certains transferts. La ligne budgétaire dédiée à l'hébergement d'urgence est en baisse de 70 millions d'euros, en précisant qu'il s'agit des nuitées hôtelières, les moins coûteuses. L'objectif est d'en transformer une partie en places de CHRS, plus qualitatives, mais également plus coûteuses : il est évident que l'objectif d'un parc de 203 000 places n'est pas tenable dans ces circonstances.
Ensuite, je tiens à vous alerter sur l'absence de ligne budgétaire pour l'hébergement des Ukrainiens. Les plus vulnérables d'entre eux, ceux qui n'ont pas réussi à acquérir leur autonomie, risquent des expulsions dès janvier 2025. Ce manque de financement, estimé à 27,5 millions d'euros, est de nature à créer un risque diplomatique et d'embolisation du système d'asile.
Enfin, je souhaite attirer votre attention sur la sous-budgétisation chronique du programme 177, qui a des conséquences majeures. Le PLFG pour 2024 prévoit, comme tous les ans, de l'abonder à hauteur de 250 millions d'euros. On le sait, avec le budget actuel, il faudra une nouvelle fois débloquer ces 250 millions d'euros en fin d'année prochaine.
Il ne s'agit pas d'une dérive budgétaire, mais du report d'année en année d'une dépense exceptionnelle d'un exercice antérieur. Ce fonctionnement a posteriori conduit les associations à avancer sur leur trésorerie l'hébergement d'urgence, sans garanties de remboursement des services faits. Aujourd'hui, elles ne supportent plus ce stop and go et la moitié d'entre elles disparaîtront en 2025 si ce fonctionnement est maintenu.
Or ces associations sont aussi celles qui s'occupent des personnes handicapées, de l'aide alimentaire, parfois même des Ehpad, d'où ma grande inquiétude.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Le contexte est particulièrement difficile et l'effort proposé par le Gouvernement l'est tout autant. Dans ce contexte, personne ne fait preuve de vanité et je pense que nous nous associons tous aux messages des rapporteurs spéciaux quant à leur mission.
Pour ce qui est de l'alerte de Mme Sollogoub, nous continuerons à mener à un travail avec le Gouvernement, même s'il sera difficile de trouver les 250 millions d'euros qui sont abondés d'année en année. La mise en pratique du principe des vases communicants n'a rien d'évident, et je remercie Jean-Baptiste Blanc d'être venu appuyer Bernard Delcros afin qu'il puisse présenter la meilleure copie possible.
Certains dispositifs se sont essoufflés et n'ont pas prouvé toute leur efficacité en termes de dépense publique, d'où l'intérêt de faire mieux et de concentrer les efforts. Les politiques du logement sont confrontées à de véritables difficultés alors que le secteur traverse une grave crise, qu'il s'agisse de la construction de logements neufs ou des logements aidés sous toutes leurs formes.
L'urgence est grande dans ce domaine, et nous devrons articuler ces politiques avec les enjeux d'aménagement et de cohésion des territoires. Nous ne pouvons pas nous satisfaire de la dissonance politique entre les territoires urbains et les territoires plus ruraux qui s'est exprimée lors des derniers scrutins, celle-ci n'ayant rien d'inévitable. Il importe de ne pas se résigner et de modifier la manière dont nous avons appréhendé ces différentes politiques jusqu'à présent, en lien avec les opérateurs chargés de les mettre en oeuvre. Nous serons force de proposition et nos rapporteurs continueront à nous aider en ce sens.
M. Michel Canévet. - Je remercie les deux rapporteurs spéciaux. J'avais bon espoir que nous parvenions à réaliser des économies substantielles sur les 36 milliards d'euros de cette mission, mais il semble qu'elle comporte un volet lié à l'aménagement du territoire particulièrement important et qu'elle réponde à de réels besoins.
Comme l'a souligné le rapporteur général, la question du logement est particulièrement problématique dans notre pays. D'après les remontées du terrain, obtenir les aides de l'Anah s'apparente à un véritable parcours du combattant : ne pourrait-on pas simplifier les dispositifs de manière à ce qu'ils ne rebutent pas les acteurs qui souhaitent améliorer leur logement sur le plan énergétique ? De la même manière, un certain nombre d'aides sont accordées à cette transition énergétique, mais ne pourrait-on pas envisager d'autres mécanismes que des subventions, tels que des prêts ?
Par ailleurs, confirmez-vous qu'un certain nombre de crédits font défaut pour ce qui concerne les volets relatifs à l'aménagement du territoire des CPER pour l'exercice 2025 ?
Le programme 112, quant à lui, englobe le programme Territoires d'industrie et les tiers-lieux : observe-t-on une baisse des crédits dédiés à l'animation de ces espaces, qui jouent un rôle important dans l'accompagnement des entrepreneurs individuels, afin qu'ils ne travaillent pas de manière isolée ? Enfin, confirmez-vous que les crédits alloués au programme Territoires d'industrie évoluent à la hausse ?
M. Stéphane Sautarel. - Sur la partie logement et urbanisme, la dépense fiscale représente quasiment 11 milliards d'euros : comment a-t-elle évolué en tendance ?
Concernant les CPER, qui ne sont malheureusement pas exécutés comme ils devraient l'être, faut-il redouter une aggravation du phénomène du fait de la réduction des crédits ?
Sur un autre point, je suis plutôt réservé sur les missions de l'ANCT, et j'espère que la baisse des crédits permettra une meilleure coordination sur le terrain avec les autres acteurs de l'ingénierie.
Je me réjouis, par ailleurs, de la déclinaison des mesures du programme FRR dans différents dispositifs et notamment pour les France Services. Le nombre de ces structures évolue-t-il encore ?
Enfin, à l'instar de M. Canévet, j'ai été surpris par l'évolution positive des crédits relatifs au programme Territoires d'industrie, puisqu'il me semblait qu'une diminution de l'accompagnement de l'animation du dispositif avait été décidée. Comment expliquer cette hausse ?
Mme Frédérique Espagnac. - Je remercie à mon tour les deux rapporteurs. Nous voterons défavorablement sur cette mission dans la mesure où nous avons de sérieux doutes sur le renouvellement des crédits. Je tiens à alerter mes collègues sur les retards de déploiement des CPER, qui affectent les investissements et qui auront des conséquences majeures pour nos territoires et nos entreprises. S'y ajoutent des rumeurs dont Bernard Delcros a dû avoir vent au sujet d'une fusion de la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR), de la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) et du fonds vert.
Pour ce qui est du programme Territoires d'industrie, les retours dont je dispose laissent penser que les objectifs de réindustrialisation sont loin d'être atteints. L'an dernier, ce programme avait bénéficié du fonds vert à hauteur de 70 millions d'euros, mais quid de ces crédits compte tenu des ponctions prévues ?
Quant aux France Services, ces structures correspondent-elles bien aux attentes des territoires ? Je rappelle que plus de 2 000 communes avaient été sauvées d'une sortie du dispositif des zones de revitalisation rurale (ZRR) par Gabriel Attal, mais qu'elles risquent de se retrouver en difficulté dans la mesure où le plan est prévu jusqu'en 2027, et non pas jusqu'en 2029.
Enfin, je rappelle que des ponctions sont prévues sur les chambres de métiers et de l'artisanat (CMA) et les chambres de commerce et d'industrie (CCI), alors qu'il me paraît difficile de demander davantage d'efforts à des chambres consulaires qui sont déjà « à l'os ».
M. Laurent Somon. - Le sujet de l'Anah est à creuser, la rapidité de la réponse laissant en effet à désirer.
Pour ce qui est du FNADT, un manque de lisibilité et une hétérogénéité des fonds versés dans les territoires sont à déplorer. Dispose-t-on d'un observatoire permettant de suivre leur ventilation dans les territoires, ainsi que d'un mécanisme de contrôle pour tous les types de projets ?
M. Bernard Delcros, rapporteur spécial. - Monsieur Canévet, la diminution la plus importante concerne les CPER, de 148 millions d'euros à 44 millions d'euros en autorisations d'engagement, et plus aucun crédit de paiement. Si l'on peut entendre la nécessité de redresser les comptes publics et le report de certaines opérations, l'État doit honorer sa signature et verser les fonds prévus.
Par ailleurs, une baisse de crédits est bien à l'oeuvre sur les tiers-lieux, mais elle porte sur la création de nouveaux tiers-lieux et non pas sur l'animation de ces espaces. D'ailleurs, il serait sans doute utile de dresser un bilan des tiers-lieux.
Pour ce qui est du programme Territoires d'industrie, la hausse des crédits reflète la volonté de réindustrialiser le pays. Lesdits crédits visent à financer l'accompagnement humain et l'ingénierie, en précisant que l'enveloppe reste limitée puisqu'il est question de passer de 2 millions d'euros à 5 millions à l'échelle nationale. L'idée est de ne pas abandonner le soutien à des chefs de projets et à l'ingénierie sur mesure.
Monsieur Sautarel, un glissement dans l'exécution des CPER n'est pas forcément pénalisant pour les territoires, en rappelant que le programme 112 ne concerne que le volet territorial des CPER et non pas l'ensemble des crédits.
S'agissant de l'ANCT et de la coordination avec les autres dispositifs d'ingénierie - notamment ceux qui sont portés par les départements -, l'articulation doit se mettre en place à l'échelon local. Dans certains départements, l'ingénierie est uniquement technique ; dans d'autres, elle inclut un volet administratif : le travail doit se coordonner par le biais d'un dialogue entre le préfet, qui est le délégué territorial de l'ANCT, et les départements. Il faut bien évidemment éviter les doublons, dans le cadre, encore une fois, d'une décision locale.
J'ai bien entendu la remarque sur la majoration de la dotation de l'État pour les espaces France services implantées des communes relevant du zonage FRR. Je demande des crédits supplémentaires, car 7,5 millions d'euros avaient été inscrits l'année dernière, ce qui avait permis d'apporter 5 000 euros supplémentaires par France Services. Le dispositif avait démarré au 1er juillet et l'aide portait donc sur un semestre, ce qui justifie de solliciter des crédits supplémentaires pour couvrir une année pleine. Cette majoration se justifie pour des départements souvent très ruraux qui conjuguent une immense surface et une faible densité de population, ce qui les oblige à déployer quatre à cinq France Services afin que chaque bassin soit desservi, et donc à assumer davantage de restes à charge. Il s'agit donc de tenir compte de ces spécificités.
Le nombre de France Services n'évolue qu'à la marge et s'établit actuellement à un peu moins de 2 800 structures, avec un plafond estimé à 3 000 maisons d'ici 2026. Le rapport d'information que j'avais consacré à ces structures comprenait trois volets : un volet dédié à la valorisation du métier des conseillers France Services ; un volet financier ; et enfin un volet relatif à l'adéquation des services proposés aux besoins des territoires. Au départ, neuf opérateurs étaient présents ce qui ne permettait pas de couvrir l'ensemble des besoins des usagers. J'avais donc proposé l'entrée d'autres opérateurs : au 1er janvier 2024, l'Anah et la direction générale de l'énergie et du climat (DGEC) sont entrées dans le dispositif, ce qui permet de répondre aux demandes liées à MaPrimRénov' et aux chèques énergie ; à compter du 1er janvier 2025 ; une expérimentation sera lancée afin que l'Urssaf et l'Agirc-Arrco intègrent ces structures. L'absence de la caisse de retraite complémentaire était en effet dénuée de sens, puisque les usagers ont besoin de réponses à toutes leurs questions lorsqu'ils liquident leur retraite.
Madame Espagnac, je suis franchement opposé à la fusion de la DETR, de la DSIL et du fonds vert, qui présenterait bien des inconvénients car la DETR est fléchée sur les seuls territoires ruraux alors que la DSIL et le fonds vert sont ouverts à toutes les collectivités.
Monsieur Somon, le FNADT finance davantage du fonctionnement que de l'investissement, ce qui lui confère une souplesse intéressante. Il ne me semble pas qu'un observatoire dédié à ces fonds existe.
M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur spécial. - Nous resterons très vigilants sur les points soulevés par Mme Sollogoub au sujet des demandeurs d'asile et des Ukrainiens.
Monsieur Canévet, le montant des subventions de l'État pour l'Anah diminue de 39,4 % en autorisations d'engagement et de 20,5 % en crédits de paiement, ce qui n'est pas négligeable. L'Agence a indiqué qu'elle pourrait faire face à cette diminution des crédits. Pour ce qui est de la rapidité des réponses, elle a recruté 55 équivalents temps plein (ETP) en 2023 pour l'améliorer. Du reste, les banques développent déjà des produits pour permettre aux clients de ne pas avancer les frais de rénovation. Ces dernières paient la partie éligible à la subvention des travaux et, ensuite, font la démarche auprès de l'Anah pour se faire rembourser.
Quant au niveau de la dépense fiscale, il est lié à l'existence d'une politique publique de la rénovation. Il importe de mettre le sujet en perspective avec la RLS, que la ministre entend approfondir afin d'inciter à la construction et à la rénovation. Il faudrait donc, dans cette perspective, contractualiser avec les bailleurs par le biais de conventions d'utilité sociale (CUS).
Concernant l'hébergement d'urgence, je partage votre constat : avec 330 000 personnes sans domicile en France, dont 40 % de femmes, nous ne sommes pas à la hauteur malgré nos efforts. Nous resterons très vigilants sur ce point.
M. Claude Raynal, président. - L'amendement II-1 (FINC.1) vise à abonder le financement de la « bonification FRR » pour qu'elle permette la prise en charge prévue, pour un total en année pleine de 13 050 575 euros, d'où un besoin de financement de 5 500 575 euros. Ces crédits seraient ponctionnés sur le programme 135 « Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat » de la mission.
M. Pascal Savoldelli. - Je n'ai pas de difficulté sur le principe de cette dotation forfaitaire - tout en restant vigilant à ne pas opposer milieu rural et milieu urbain -, mais je voudrais savoir à quoi correspondent les crédits pris sur l'autre programme.
M. Bernard Delcros, rapporteur spécial. - Il s'agit de crédits qui seraient pris sur l'action nº 7 du programme 135, qui comprend 268 millions d'euros. Il reste chaque année un reliquat compris entre 13 millions et 18 millions d'euros, le prélèvement de 5,5 millions d'euros proposé ne remettant donc pas du tout en cause ce dispositif. Il n'est pas question d'opposer le rural et l'urbain, mais de distinguer l'équité et l'égalité, deux concepts bien différents.
L'amendement II-1 (FINC.1) est adopté.
La commission décide de proposer au Sénat d'adopter les crédits de la mission « Cohésion des territoires », sous réserve de l'adoption de son amendement.
La réunion est close à 17 h 35.
Mercredi 13 novembre 2024
- Présidence de M. Claude Raynal, président -
La réunion est ouverte à 08 h 30.
Proposition de loi visant à limiter le paiement en espèces - Examen des amendements de séance
M. Claude Raynal, président. - Nous avons un seul amendement de séance à examiner sur la proposition de loi visant à limiter le paiement en espèces, déposée par M. Christian Bilhac et plusieurs de ses collègues.
EXAMEN DE L'AMENDEMENT DE SÉANCE
M. Michel Canévet, rapporteur. - L'amendement n° 1 rectifié de M. Bilhac ne permet pas de faire évoluer notre appréciation globale négative de sa proposition de loi. Je vous propose donc d'adopter un avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 1.
Projet de loi de finances pour 2025 - Examen des articles de la première partie - Tome II du rapport général
M. Claude Raynal, président. - Nous examinons à présent les articles de la première partie du projet de loi de finances (PLF) pour 2025 et les amendements du rapporteur général.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Je vous ai présenté, la semaine dernière, mon analyse des grands équilibres du projet de loi de finances pour 2025 ; nous voici maintenant réunis pour procéder à l'examen de sa première partie.
Comme vous avez pu le constater, après l'avoir largement amendée, l'Assemblée nationale a finalement rejeté la première partie du PLF. Elle n'examinera donc pas la seconde partie, et le texte que le Sénat aura à examiner est le texte initial déposé par le Gouvernement.
Ce qui s'est passé à l'Assemblée nationale doit nous alerter. Certains dispositifs, tels que la contribution exceptionnelle sur les bénéfices des grandes entreprises, ont été si lourdement amendés qu'ils ont été rejetés par l'Assemblée. C'est aussi le cas du prélèvement sur recettes à destination de l'Union européenne, qui a été purement et simplement supprimé. Je comprends le rejet final du texte par nos collègues députés : le texte modifié n'avait plus aucune cohérence, et n'était donc plus acceptable.
Or, sans texte adopté par l'Assemblée nationale, le texte adopté par le Sénat servira de référence pour les discussions en commission mixte paritaire (CMP).
Cela nous confère deux responsabilités importantes : d'une part, conserver la cohérence de ce texte, ce à quoi l'Assemblée n'a pu parvenir ; d'autre part, maintenir l'objectif de redressement des finances publiques proposé par le Gouvernement. En effet, vous le savez, je considère que nous sommes désormais dans un état d'urgence budgétaire qui nous oblige à redresser fortement la trajectoire de nos finances publiques, dont la dérive s'est accentuée ces dernières années.
Du fait du rejet de la première partie du PLF par l'Assemblée, le texte transmis au Sénat est plus clair que celui de l'année dernière, qui comportait à ce stade 150 articles, car le Gouvernement en avait ajouté 115 au texte initial, par l'usage de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution. Ce fouillis peu lisible contraste avec les 41 articles que nous examinons aujourd'hui et les 64 articles, au total, du PLF 2025.
Outre plusieurs articles de correction, précision et sécurisation juridique de dispositifs, la première partie du PLF 2025 comporte quatre axes principaux.
Premièrement, on y trouve des mesures de rendement, qui visent à redresser nos comptes dans l'urgence. Elles sont largement provisoires. Je les soutiens dans leur principe, même si je regrette que l'inaction des précédents gouvernements depuis 2023 nous les impose. Je pense qu'en ayant réagi plus tôt nous aurions très probablement pu les éviter. La composition du gouvernement a été annoncée le 21 septembre dernier, dix-neuf jours seulement avant le dépôt du PLF : à l'impossible, nul n'est tenu...
Deuxièmement, cette première partie comporte un large volet énergétique et écologique, avec des dispositifs structurants pour l'avenir du marché français de l'électricité.
Troisièmement, le texte met en oeuvre plusieurs engagements pris par le précédent gouvernement en faveur des agriculteurs, à la suite de la crise agricole qui s'est amplifiée depuis le début de l'année - je me réjouis de ces mesures.
Enfin, le texte comporte un important volet relatif aux finances locales, dont vous connaissez les mesures. Cela pose la question, sensible et difficile, de la participation des collectivités territoriales au redressement des finances publiques.
Je vous présenterai en détail chacun des amendements que je vous propose d'adopter, mais je souhaite d'emblée insister sur trois points structurants.
En premier lieu, comme je l'ai déjà eu l'occasion de le dire, je suis convaincu qu'il faut absolument préférer aux hausses d'impôts les baisses de dépenses de l'État.
Je salue à cet égard les rapporteurs spéciaux, qui ont proposé et fait adopter par notre commission des amendements de baisses de dépenses, sur l'apprentissage, les surbudgétisations dans l'éducation nationale, le service national universel (SNU), la réduction des emplois des opérateurs, ou encore les trésoreries excessives de ceux-ci ou de l'Agence nationale de la recherche. Nous avons déjà réduit ce PLF de près de 3 milliards d'euros de crédits ; ces économies doivent nous permettre de réduire les hausses de taxes et d'impôts. Le Gouvernement s'est montré très intéressé par nos propositions.
Ce sont ces économies qui me permettent de vous proposer le deuxième point structurant de mon avis sur ce PLF : je ne suis pas favorable au relèvement de la fiscalité sur l'électricité au-delà de son niveau d'avant la crise.
Un engagement avait été pris par l'État auprès des Français et je ne pense pas qu'il soit juste de profiter de la baisse à venir des prix de l'électricité pour augmenter les impôts. En outre, une telle hausse des accises sur l'électricité ne correspondrait ni à un objectif de justice sociale ni à l'impératif de transition énergétique ; elle les contrarierait même fortement. Je proposerai donc de supprimer la possibilité laissée au Gouvernement, à l'article 7 du PLF, de majorer les accises pour porter la fiscalité sur l'électricité au-delà de son niveau d'avant la crise.
Cette proposition, que j'assume pleinement, réduit de 3,4 milliards d'euros la hausse des impôts pour tous les Français. Je propose de la financer de trois manières.
Tout d'abord, elle serait financée par les économies en dépenses que nous proposons. Ensuite, elle le serait par un léger rehaussement de la fiscalité portant sur le gaz. En effet, l'impératif de transition écologique ne peut se satisfaire d'une fiscalité sur les énergies les plus carbonées à ce point plus favorable que celle sur les énergies plus propres. Il faut faire un premier pas vers une convergence. Enfin, elle serait financée par l'insertion dans ce PLF, qui en manque cruellement, de dispositifs anti-abus et anti-fraude.
Je vous proposerai ainsi, dès aujourd'hui, la mise en oeuvre de certaines préconisations de la revue de dépenses de l'inspection générale des finances (IGF) sur les aides aux entreprises, notamment pour ce qui concerne le crédit d'impôt recherche (CIR). Je souhaite en outre travailler sur la fraude aux arbitrages de dividendes - le fameux sujet des « CumCum » - dans l'objectif de faire des propositions avant la séance publique.
J'en viens au troisième et dernier sujet structurant : la nécessaire contribution des collectivités territoriales au redressement des finances publiques.
Je l'ai déjà dit lors du récent débat en séance sur les finances locales : dans l'état actuel de nos finances publiques, il est nécessaire et compréhensible que les collectivités participent au redressement, mais les modalités de cet effort doivent être justes et défendables. Trois dispositifs traduisent dans le PLF l'effort demandé aux collectivités. Ils ne présentent pas du tout, selon moi, le même niveau d'acceptabilité.
Le premier dispositif proposé est la réduction du taux et la limitation de l'assiette du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA). Si, en montant pour les collectivités, cette mesure ne me paraît pas la plus pénalisante, elle présente toutefois des inconvénients majeurs qui la rendent à mon sens inacceptable : elle est rétroactive pour les investissements des années 2023 et 2024 ; elle réduira les recettes d'investissement des collectivités alors que l'investissement local me semble devoir être préservé ; enfin, elle pourrait peser fortement sur de petites collectivités à la faible assise financière. Je vous proposerai donc de supprimer cette disposition.
A contrario, la stabilisation des fractions de TVA affectées aux collectivités me paraît défendable. Cela n'est certes pas une mesure favorable aux collectivités, mais elle se contente de créer une « année blanche » sans hausse de ces fractions. Elle permettra, en outre, de donner davantage de visibilité aux budgets locaux : le produit de cette recette en année n sera désormais déterminé l'année n-1.
Enfin, se pose la question majeure du « fonds de réserve ». Elle est structurante, puisqu'elle représente 3 des 5 milliards d'euros d'efforts des collectivités prévus dans ce PLF, mais elle figure en seconde partie. Je forme le voeu que le Sénat parvienne à proposer un dispositif acceptable, raisonnable, qui ne pénalise pas les collectivités fragiles et dont celles-ci pourraient au contraire bénéficier, car le développement de la péréquation et celui de l'auto-assurance collective des administrations locales sont deux objectifs que nous pouvons tous soutenir.
M. Michel Canévet. - Je remercie le rapporteur général pour ce premier travail d'investigation. Compte tenu de la situation politique, nous avons une responsabilité éminente dans l'examen de ce projet de budget.
Vincent Capo-Canellas a publié hier dans Les Échos une tribune qui expose l'état d'esprit dans lequel notre groupe aborde l'examen de ce PLF : l'ambition de réaliser le plus d'économies possible sans effet récessif. Or, même si je ne saurais en blâmer le Gouvernement au regard du temps très réduit qu'il a eu pour préparer ce texte, celui-ci n'en contient pas moins certaines mesures inquiétantes de ce point de vue ; nous devrons donc apporter des correctifs.
Les filières en souffrance nous demandent de ne pas prendre de mesures qui nuisent à l'esprit d'entreprise, au développement de notre économie. Certaines décisions risquent aussi de dissuader les investisseurs étrangers de s'implanter dans notre pays. Les mesures en cause, censées être ponctuelles, mais que l'Assemblée nationale propose déjà de prolonger, remettent en cause la politique de compétitivité menée ces dernières années, ce que nous ne saurions accepter.
Il faudra donc trouver d'autres moyens de financer les besoins, par des mesures moins récessives ; notre groupe fera des propositions en ce sens. Une réflexion doit être menée sur le temps de travail, qui reste peu élevé en France : malgré une productivité plutôt bonne, un effort est nécessaire. Nous proposerons aussi des mesures d'économies qui nous semblent nécessaires : les 3 milliards d'euros auxquels on est déjà parvenu, non sans peine, sont manifestement insuffisants au regard de la situation. Pour ce qui concerne les collectivités territoriales, il ne faudrait pas remettre en cause leur capacité à apporter à nos concitoyens les services nécessaires. Croire qu'on améliorera la situation budgétaire de notre pays, qu'on réduira le déficit en ponctionnant les collectivités est un leurre. Je nous invite à une grande vigilance en la matière. En tout cas, nous sommes prêts à chercher, avec le rapporteur général, les économies pertinentes pour réduire autant que possible, dès 2025, le déficit.
M. Marc Laménie. - Ce projet de budget comporte 41 articles, soit beaucoup moins que l'an dernier - le document atteignait 1 400 pages ! Je m'interroge sur l'article 29, qui fixe le montant de la dotation globale de fonctionnement (DGF) : comment évolue-t-il ? Qu'en est-il des prélèvements sur recettes de l'État au profit des collectivités territoriales ? Les élus locaux sont inquiets à ce sujet. Enfin, quelles sont les principales mesures prévues en faveur du monde agricole ?
Mme Christine Lavarde. - Le groupe Les Républicains soutiendra l'ensemble des propositions du rapporteur général ; nous en ferons aussi, de manière complémentaire, pour diminuer l'effort fiscal et surtout trouver de nouvelles économies : c'est là qu'est le nerf de la guerre, car l'exercice devra se poursuivre dans les budgets suivants.
Mme Nathalie Goulet. - Je me réjouis que l'on s'intéresse à la fraude aux arbitrages de dividendes, sujet auquel je m'intéresse, avec plus ou moins de succès, depuis plusieurs années. Nous y avions travaillé au sein de la commission, avec un amendement transpartisan. J'ai déposé sur ce sujet, en avril dernier, une proposition de loi dont le dispositif est complémentaire de celui que nous avons déjà fait voter.
M. Christian Bilhac. - Je voudrais revenir sur le volet relatif aux collectivités. Je partage l'avis du rapporteur général sur le FCTVA : le réduire aurait un effet néfaste, surtout pour les petites collectivités dont l'assise financière est limitée. Celles qui ont consenti un gros investissement cette année s'en trouveraient très pénalisées et auraient du mal à boucler leur budget sans cette recette attendue. Ce serait très injuste. En outre, frapper l'investissement public local entraînerait une baisse du taux de croissance, déjà assez faible, et, partant, des recettes de TVA de l'État : le déficit en sortirait encore aggravé !
M. Vincent Delahaye. - On essaie à nouveau de redresser les finances publiques par un choc fiscal, mais ce n'est pas la bonne voie : il faut plutôt réduire la dépense. Or seul un tiers de l'effort porte sur des économies, contre deux tiers de hausses d'impôt ; nous devons inverser ce rapport ! Je serai sensible à toutes les propositions qui y contribueront.
Il est dommageable de laisser croire à nos compatriotes que l'effort sera provisoire. Je ne vois pas comment les hausses d'impôt consenties pourraient être temporaires au vu de l'état de nos finances publiques. Certaines hausses sont inévitables, il faut retenir celles qui nuiront le moins à notre économie.
Je partage les positions du rapporteur général sur la fiscalité de l'énergie, notamment en faveur d'une augmentation modérée de l'accise sur le gaz. Je souhaiterais que l'on tienne compte des travaux de notre commission d'enquête sur l'électricité, dont le Gouvernement ne semble pas avoir pris pleinement connaissance. Le plafonnement à 32 euros par mégawattheure (MWh) de l'assise sur l'électricité est bienvenu, mais il devrait être accompagné d'une mesure au moins symbolique sur la consommation de base.
M. Bernard Delcros. - Parmi les collectivités, le cas particulier des départements, pourtant touchés par les trois mesures évoquées, n'a pas été abordé. Qu'en pense le rapporteur général ? Certains départements sont exclus du fonds de réserve du fait de critères qui ne me semblent pas équitables. Je voterai en tout cas avec plaisir l'amendement de suppression du rabotage du FCTVA.
L'augmentation prévue du taux de cotisation à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL), de 4 points en 2025, avant de nouvelles hausses en 2026 et 2027, n'a pas été évoquée non plus, alors qu'elle aura un effet massif sur les finances locales. Quelle est la position du rapporteur général sur ce point ?
M. Emmanuel Capus. - Je partage l'approche du rapporteur général. Je souscris aussi aux propos de Michel Canévet : priorité doit être donnée à la baisse des dépenses plutôt qu'à l'augmentation de la pression fiscale. L'équilibre actuel du texte risque d'avoir un effet récessif. Le Gouvernement a dû préparer ce projet de budget dans l'urgence, et notre responsabilité est toute particulière cette année : la première partie ayant été rejetée par l'Assemblée nationale, de manière inédite, nous avons l'occasion de la façonner d'une manière conforme à nos souhaits.
Je partage la vigilance exprimée pour ce qui concerne les finances des collectivités locales. L'effort demandé, de 5 milliards d'euros, est manifestement trop élevé. J'ai bien entendu la proposition du rapporteur général de supprimer la mesure amputant le FCTVA de 800 millions d'euros ; c'est un début. Comme Bernard Delcros, je suis sensible à la situation des départements. Il convient aussi de prendre garde à ce que les mesures prises ne retombent pas sur une catégorie particulière de collectivités, les intercommunalités par exemple. Il ne faudrait pas déshabiller l'un pour habiller l'autre ! Il faut de l'équilibre dans les efforts que nous demandons.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Nous nous livrons à un exercice d'équilibrisme, avec un objectif que nous partageons tous : trouver, dans un temps très court, le plus possible de mesures d'économies efficaces pour 2025. Nous aurons plus ou moins de succès d'une mission budgétaire à l'autre. Les mesures de réduction de la dépense ont forcément des effets récessifs. Personne n'est devin, mais il faudra régler au mieux en considérant les conséquences prévisibles, tant pour nos grands groupes que pour le tissu économique fin et la commande publique.
L'objectif est de ramener le déficit à 5 % du PIB dès la fin de 2025 ; la marche est haute, il faudra agir vigoureusement, même si des précautions s'imposent.
M. Delahaye a bien rappelé que l'effort sera durable ; oui, il devra se poursuivre sur cinq années, même si ce ne sera pas toujours à la même hauteur. Nous sommes contraints cette fois-ci par le temps ; d'autres mesures devront être imaginées d'ici aux prochains exercices budgétaires. Il faudra s'intéresser aux dérives de nombreuses dépenses, dont l'efficacité mérite d'être posée.
Il importe aussi de réfléchir aux moyens d'augmenter la productivité, de la formation au nombre d'heures travaillées, de remédier à la diminution de la population active et aux pénuries d'emplois rencontrées dans presque tous les métiers.
Enfin, notre réflexion doit englober plus que la seule fiscalité : il faut réfléchir aux manières dont le secteur privé peut contribuer au redressement des finances publiques, s'il n'est pas trop affecté par les mesures fiscales envisagées, qui doivent être temporaires ; on doit s'intéresser à la mobilisation de l'épargne des Français, insuffisamment utilisée de nos jours.
Concernant les collectivités territoriales, nous sommes globalement d'accord. Il faut aboutir à un dispositif moins ambitieux dans le montant fixé, mais mieux en adéquation avec les réalités des collectivités : leur situation doit être analysée sur plusieurs exercices, car les dépenses varient au cours des mandats municipaux ; en outre, la crise sanitaire a retardé bien des projets, ce qui a conduit à l'accumulation de réserves, puis à un pic de dépenses d'investissement dans les derniers temps. L'économie des territoires dépend beaucoup de l'investissement public ; nous devons y être attentifs.
La DGF est stabilisée en valeur, ce qui représente un effort de l'ordre de 500 millions d'euros.
Concernant le monde agricole, plusieurs mesures fiscales figurent dans le texte : certaines sommes sont réintégrées dans le bilan des entreprises agricoles ; une défiscalisation, à hauteur de 30 %, doit permettre de faire face aux aléas agricoles, particulièrement nombreux cette année. On relève aussi des mesures patrimoniales concernant les transmissions d'exploitations, qu'il faut encourager si l'on veut éviter une baisse sensible du nombre d'exploitants et rester fidèle à notre modèle d'agriculture familiale. Une exonération de 20 % à 30 % de la taxe foncière sur les propriétés non bâties est également prévue, ainsi que des mesures fiscales visant à favoriser la recapitalisation dans l'élevage, secteur très touché par la crise agricole.
Madame Goulet, je me tiens à votre disposition pour examiner les meilleures solutions en matière de lutte contre les fraudes aux arbitrages de dividendes. J'ai aussi demandé au Gouvernement de se montrer plus proactif en la matière. Même si nous divergeons peut-être sur l'évaluation des montants en jeu, il faut incontestablement s'attaquer à ce sujet ; j'espère que le Sénat pourra envoyer un message unanime en ce sens.
Je le redis, concernant la dépense publique, je reste preneur de toutes les propositions, car je ne saurais à moi seul accomplir cette tâche !
En matière de fiscalité de l'énergie, j'ai essayé d'avoir une approche logique. Il faut éviter que la baisse des prix de l'électricité n'aboutisse paradoxalement à priver les Français des fruits de gains de pouvoir d'achat. S'il faut de la sobriété dans notre consommation, nos capacités de production n'en sont pas moins excédentaires, ce qui nous offre notre meilleur résultat d'exportation depuis des années. Certes, cela nous prive de recettes de TVA, mais c'est la rançon du succès de notre outil ! On doit rechercher un équilibre entre la production française d'électricité, décarbonée et garante de notre souveraineté économique, et le recours à une énergie fossile importée. C'est ce qui justifie la revalorisation modérée de la fiscalité sur le gaz que je propose.
Concernant la CNRACL, monsieur Delcros, ce sujet relève strictement du débat sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS).
M. Bernard Delcros. - Mais cela s'ajoute aux autres mesures visant les collectivités !
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Certes, mais nous ne saurions empiéter sur les attributions de la commission des affaires sociales, qui formule d'ailleurs des propositions en la matière. De manière générale, pour ce qui concerne les retraites, je reste fidèle à ma ligne : le problème est le déséquilibre entre la population active cotisante et la population bénéficiaire, déséquilibre qui ne fera qu'augmenter avec l'accélération de la chute de la natalité. Il faudra sans doute travailler plus et plus longtemps, mais aussi, peut-être, envisager un pilier complémentaire de la répartition. Il faudra réfléchir à ces questions.
Pour ce qui est des départements, je suis, moi aussi, très sensible à leur situation, qui est sans doute la plus complexe parmi toutes les collectivités. Plus de la moitié de leurs dépenses ne sont pas pilotables, et ils subissent directement la baisse des droits de mutation à titre onéreux (DMTO). Se pose la question d'une augmentation de ces derniers, mais c'est un sujet très sensible, car le logement est loin d'être dans une situation florissante. Nous devons être attentifs à ces enjeux, tout en respectant la trajectoire de réduction du déficit public proposée par le Gouvernement.
EXAMEN DES ARTICLES
M. Vincent Delahaye. - Cet article va à l'encontre des conclusions de la commission d'enquête sur l'électricité, en validant le mauvais accord conclu par Bruno Le Maire avec EDF en novembre 2023. Il conviendra donc de le supprimer.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Je m'en tiens à l'état des discussions sur ce sujet. Ce qui est proposé n'est pas forcément la solution magique. Simplement, j'ai l'impression qu'il n'est pas plus simple pour EDF d'être une entreprise à capital intégralement public qu'il ne l'était d'être une entreprise privée...
M. Vincent Delahaye. - Nous avons fait des propositions !
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - L'amendement FINC.1 vise à relever de 4 euros par MWh l'accise sur le gaz naturel à usage combustible. Cela représenterait une augmentation de l'ordre de 62 euros par an du coût du chauffage au gaz pour un ménage habitant dans un logement d'une surface de 100 mètres carrés.
M. Pascal Savoldelli. - Les commissaires du groupe CRCE-K s'abstiendront sur l'ensemble des amendements, à l'exception de celui visant à supprimer l'article 30, qui nous semble le plus important ; sur tous les autres points, nous réservons notre position jusqu'au débat en séance publique.
L'amendement FINC.1 est adopté.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Par l'amendement FINC.2, je propose de revenir strictement au niveau de fiscalité sur l'électricité qui était appliqué avant la crise, sans laisser au Gouvernement la possibilité d'augmenter la pression fiscale dans des proportions potentiellement très significatives : le même ménage vivant dans un logement de 100 mètres carrés pourrait payer, dans la fourchette haute, 350 euros de plus par an !
L'amendement FINC.2 est adopté.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - L'amendement FINC.3 procède à une correction légistique ; les amendements FINC.4 et FINC.5 corrigent des erreurs matérielles.
Les amendements FINC.3, FINC.4 et FINC.5 sont adoptés.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - L'amendement FINC.6 a pour objet de mettre en place un dispositif « anti-évitement » dans le cadre de la contribution exceptionnelle sur les bénéfices des grandes entreprises (CEBGE), créée à cet article.
Cette taxation additionnelle du bénéfice des entreprises ou groupes d'entreprises dont le chiffre d'affaires excède 1 milliard d'euros comporte deux paliers : le premier fixé à 1 milliard, le second à 3 milliards. Par cet amendement, nous ferions en sorte d'éviter les jeux d'optimisation visant à faire passer en 2026 le chiffre d'affaires sous l'un de ces paliers.
M. Michel Canévet. - Nous craignons l'effet récessif de cet article, ainsi que de l'article 12 ; ce dernier vise les entreprises de transport maritime, qui subissent la concurrence internationale tout en s'engageant dans le verdissement de leur flotte. Les soumettre à une fiscalité désavantageuse ne peut qu'aggraver leur situation vis-à-vis des autres opérateurs. Nous nous abstiendrons sur cet amendement.
L'amendement FINC.6 est adopté.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - L'amendement FINC.7 vise à tirer les conséquences de la revue de dépenses réalisée par l'IGF sur les aides aux entreprises, notamment en matière de recherche et d'innovation.
D'une part, il tend à réformer les paramètres de calcul du CIR pour recentrer son assiette sur les dépenses de recherche et développement, par trois mesures : la suppression du dispositif « jeunes docteurs », exorbitant du droit commun, où l'aide dépasse parfois le coût supporté par l'entreprise ; l'exclusion de l'assiette du CIR des frais liés aux brevets, des dépenses de normalisation et des dépenses de veille technologique, qui ne constituent pas des dépenses de recherche et développement selon la définition retenue par l'OCDE ; enfin, une modification paramétrique du niveau de prise en compte des frais de fonctionnement.
D'autre part, l'amendement fixe à 15 %, au lieu de 10 % actuellement, le taux d'imposition des revenus issus de certains actifs de propriété industrielle. Le taux prévu reste très inférieur au taux de droit commun de 25 %.
M. Claude Raynal, président. - A-t-on une idée des sommes qui seraient ainsi économisées, sur les 7,7 milliards de dépenses fiscales du CIR ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Elles seraient de l'ordre de 400 millions d'euros. Cela correspond aux propositions de l'IGF.
L'amendement FINC.7 est adopté.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - L'amendement FINC.8 tend à créer une mesure d'ajustement, certes minime, à la main du préfet de région, pour régler les cas de distorsion fiscale territoriale que la nouvelle cartographie des zones France ruralités revitalisation (FRR) peut générer. Une commune pourrait ainsi être rattrapée par le préfet sur la base d'éléments objectifs, si l'établissement public de coopération intercommunale auquel elle appartient remplit l'un des deux critères rendant éligibles à l'inclusion dans ces zones. J'ai été saisi de plusieurs demandes en ce sens.
L'amendement FINC.8 est adopté.
M. Claude Raynal, président. - L'amendement FINC.9 vise à supprimer l'article 30, qui prévoit de réduire l'assiette et le taux du FCTVA. Je ne crois pas me tromper sur le sort que vous réserverez à cet amendement, mes chers collègues...
M. Michel Canévet. - Le rapporteur général envisage-t-il aussi de supprimer cette récupération pour les années n+1 et n+2 ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - La réponse est non...
L'amendement FINC.9 est adopté.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - L'amendement FINC.10 tend à tirer les conséquences de la suppression de l'article 30 du projet de loi de finances que nous proposons.
L'amendement FINC.10 est adopté.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - L'amendement FINC.11 vise à améliorer la sincérité des plafonds d'affectation.
L'article 8 de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 prévoit que le niveau du plafond d'une imposition de toute nature affectée à des tiers autres que les collectivités territoriales, les établissements publics de coopération intercommunale et les organismes de sécurité sociale ne peut excéder de plus de 5 % le rendement de l'imposition prévu dans les documents budgétaires de l'année. Au-delà, le surplus est reversé au budget de l'État.
Cette règle, introduite sur l'initiative du Sénat, a pour objet d'améliorer l'information du Parlement sur les ressources dont disposera réellement l'organisme affectataire, en donnant une signification réelle au plafond d'affectation.
Les amendements FINC.12, FINC.13, FINC.14, FINC.18, FINC.19, FINC.20, FINC.21, FINC.22, FINC.23, FINC.24 et FINC.25 ont également pour objet d'améliorer la sincérité des plafonds d'affectation des impositions de toute nature à différents opérateurs de l'État.
Les amendements FINC.11, FINC.12, FINC.13, FINC.14, FINC.18, FINC.19, FINC.20, FINC.21, FINC.22, FINC.23, FINC.24 et FINC.25 sont adoptés.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - L'article 33 prévoit de créer un nouveau plafond affectant la contribution annuelle versée à l'Association de gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées (Agefiph). Alors que le rendement de cette contribution est estimé à 507 millions d'euros en 2025, le plafond serait fixé à 457 millions d'euros, de telle sorte qu'il en résulterait un écrêtement de 50 millions d'euros au profit du budget de l'État.
Ce montant correspond au niveau de financement par l'Agefiph des entreprises adaptées. Actuellement, ce financement transite par un fonds de concours, conformément à une convention bipartite avec l'État depuis 2019. Ce circuit de financement est jugé peu sécurisant par l'État et les entreprises adaptées : en 2024, le niveau de financement attendu de l'Agefiph n'a pas été atteint, puisqu'il s'est élevé à seulement 15 millions d'euros sur les 50 millions d'euros attendus. En 2023, il était de 25 millions d'euros.
Dans le cas où le rendement de la contribution serait supérieur au montant attendu, le plafonnement aurait toutefois pour effet d'écrêter excessivement une ressource visant à accompagner l'insertion des personnes handicapées dans les entreprises ordinaires.
Dans l'attente d'une solution plus satisfaisante, à laquelle nous travaillons avec le Gouvernement, l'amendement FINC.15 vise à supprimer le plafond prévu à l'article 33.
Nous devons collectivement veiller à l'insertion professionnelle des personnes en situation de handicap. Le président du Sénat y est lui-même particulièrement attentif.
L'amendement FINC.15 est adopté.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Par les amendements FINC.16 et FINC.17, nous proposons que l'État respecte la trajectoire financière négociée avec les chambres de commerce et d'industrie et les chambres de métiers et de l'artisanat. Une fois qu'un accord est conclu, il me semble qu'on doit l'honorer, sauf cataclysme...
Les amendements FINC.16 et FINC.17 sont adoptés.
L'amendement de correction légistique FINC.26 est adopté.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Le budget du Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) devrait être supérieur à 820 millions d'euros en 2025 grâce au fort rendement des quatre taxes affectées qui l'abondent.
La trésorerie du CNC augmente de façon continue au cours des dernières années, pour atteindre le montant considérable de 847 millions d'euros. La Cour des comptes a souligné en 2023 que le centre disposait d'une « trésorerie disproportionnée au regard des autres opérateurs de l'État distribuant des aides », résultant d'une gestion très prudente.
Ces sommes correspondent en grande partie à des provisions pour aides automatiques qui n'ont pas été mobilisées. Il est légitime que ces fonds « dormants » du CNC soient repris, dans le contexte actuel très dégradé des finances publiques.
L'article 33 du projet de loi de finances pour 2025 procède à une ponction de 450 millions d'euros sur la trésorerie du CNC. L'amendement FINC.27 vise à augmenter de 200 millions d'euros ce prélèvement, pour le porter à 650 millions d'euros. Le CNC ne mobilisant pas son fonds de roulement pour soutenir financièrement le secteur, ce prélèvement n'aura aucun impact sur sa capacité à mobiliser des financements pour le cinéma.
L'amendement FINC.27 est adopté.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - L'amendement FINC.28 vise à normaliser la trésorerie dédiée au plan France 2030 de la Caisse des dépôts et consignations (CDC). La ponction proposée, à hauteur de 221 millions d'euros, permet de ramener le niveau prévisionnel de trésorerie de la Caisse des dépôts à 200 millions d'euros à la fin de l'exercice 2025, soit la même marge de sécurité que les autres opérateurs du plan.
L'amendement FINC.28 est adopté.
La commission décide de proposer au Sénat d'adopter la première partie du projet de loi de finances pour 2025, sous réserve de l'adoption de ses amendements.
Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :
Article liminaire |
|||
PREMIÈRE PARTIE Conditions générales de l'équilibre financier |
|||
TITRE PREMIER Dispositions relatives aux ressources |
|||
I. Impôts et ressources autorisées |
|||
A. Autorisation de percevoir des impôts et produits |
|||
Article 1er |
|||
B. Mesures fiscales |
|||
Article 2 |
|||
Article 3 |
|||
Article 4 |
|||
Article 5 |
|||
Article 6 |
|||
Article 7 |
|||
Auteur |
N° |
Objet |
Sort |
M. HUSSON |
FINC. 1 |
Hausse du tarif de l'accise sur le gaz naturel à usage combustible |
Adopté |
M. HUSSON |
FINC. 2 |
Suppression de la possibilité pour l'exécutif d'augmenter la fiscalité sur l'électricité au-delà de son niveau d'avant crise |
Adopté |
M. HUSSON |
FINC. 3 |
Correction légistique |
Adopté |
M. HUSSON |
FINC. 4 |
Correction d'une erreur matérielle |
Adopté |
M. HUSSON |
FINC. 5 |
Correction d'une erreur matérielle |
Adopté |
Article 8 Évolution de la taxe sur les émissions de dioxyde de carbone et de la taxe sur la masse en ordre de marche |
|||
Article 9 |
|||
Article 10 |
|||
Article 11 |
|||
Auteur |
N° |
Objet |
Sort |
M. HUSSON |
FINC. 6 |
Création d'un dispositif « anti-évitement » |
Adopté |
Article 12 |
|||
Article 13 |
|||
Article 14 |
|||
Article additionnel après article
14 |
|||
Auteur |
N° |
Objet |
Sort |
M. HUSSON |
FINC. 7 |
Normalisation des aides aux entreprises dans le domaine de la recherche et de l'innovation |
Adopté |
Article 15 |
|||
Article 16 |
|||
Article 17 |
|||
Article 18 |
|||
Article 19 |
|||
Article 20 |
|||
Article 21 |
|||
Article 22 |
|||
Article 23 |
|||
Article 24 |
|||
Article 25 |
|||
Article 26 |
|||
Article 27 |
|||
Auteur |
N° |
Objet |
Sort |
M. HUSSON |
FINC. 8 |
Élargissement de l'option préfectorale de classement d'une commune en FRR |
Adopté |
Article 28 |
|||
II. Ressources affectées |
|||
A. Dispositions relatives aux collectivités territoriales |
|||
Article 29 |
|||
Article 30 |
|||
Auteur |
N° |
Objet |
Sort |
M. HUSSON |
FINC. 9 |
Suppression de l'article |
Adopté |
Article 31 |
|||
Article 32 |
|||
Auteur |
N° |
Objet |
Sort |
M. HUSSON |
FINC. 10 |
Conséquence de la suppression de l'article 30 relatif au FCTVA |
Adopté |
B. - Impositions et autres ressources affectées à des tiers |
|||
Article 33 |
|||
Auteur |
N° |
Objet |
Sort |
M. HUSSON |
FINC. 11 |
Sincérisation des plafonds d'affectation |
Adopté |
M. HUSSON |
FINC. 12 |
Sincérisation des plafonds d'affectation |
Adopté |
M. HUSSON |
FINC. 13 |
Sincérisation des plafonds d'affectation |
Adopté |
M. HUSSON |
FINC. 14 |
Sincérisation des plafonds d'affectation |
Adopté |
M. HUSSON |
FINC. 15 |
Suppression du plafonnement de la contribution annuelle affectée à l'Agefiph |
Adopté |
M. HUSSON |
FINC. 16 |
Relèvement du plafond de la taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises affectée aux chambres de commerce et d'industrie (CCI) et création d'un prélèvement de 20 millions d'euros sur les fonds de roulement des CCI |
Adopté |
M. HUSSON |
FINC. 17 |
Relèvement du plafond de la taxe pour frais de chambre affectée aux chambres des métiers et de l'artisanat (CMA) |
Adopté |
M. HUSSON |
FINC. 18 |
Sincérisation des plafonds d'affectation |
Adopté |
M. HUSSON |
FINC. 19 |
Sincérisation des plafonds d'affectation |
Adopté |
M. HUSSON |
FINC. 20 |
Sincérisation des plafonds d'affectation |
Adopté |
M. HUSSON |
FINC. 21 |
Sincérisation des plafonds d'affectation |
Adopté |
M. HUSSON |
FINC. 22 |
Sincérisation des plafonds d'affectation |
Adopté |
M. HUSSON |
FINC. 23 |
Sincérisation des plafonds d'affectation |
Adopté |
M. HUSSON |
FINC. 24 |
Sincérisation des plafonds d'affectation |
Adopté |
M. HUSSON |
FINC. 25 |
Sincérisation des plafonds d'affectation |
Adopté |
M. HUSSON |
FINC. 26 |
Correction légistique |
Adopté |
M. HUSSON |
FINC. 27 |
Hausse de 200 millions d'euros du prélèvement sur la trésorerie du Centre national du cinéma et de l'image animée |
Adopté |
M. HUSSON |
FINC. 28 |
Prélèvement ponctuel de 221 millions d'euros sur la trésorerie de la Caisse des dépôts et consignations dédiée au plan France 2030 |
Adopté |
Projet de loi de finances pour 2025 - Mission « Justice » - Examen du rapport spécial
M. Claude Raynal, président. - Nous poursuivons nos travaux avec l'examen des crédits de la mission « Justice ». Je salue la présence de Mmes Lauriane Josende et Dominique Vérien, rapporteures pour avis de la commission des lois.
M. Antoine Lefèvre, rapporteur spécial de la mission « Justice ». - Le budget de la mission « Justice » dans le projet de loi de finances pour 2025 est de 12,5 milliards d'euros en crédits de paiement (CP).
Par rapport au budget prévu en loi de finances initiale pour 2024, il est en hausse de 108 millions d'euros, hors contribution aux pensions et à périmètre constant. Mais, si on le compare à la trajectoire prévue par la loi de programmation adoptée il y a un an à peine, alors ce budget est inférieur de 500 millions d'euros au niveau qu'il devrait atteindre.
Il n'est donc pas contestable que la mission « Justice », comme la plupart des missions du budget général qui nous sont présentées par les autres rapporteurs spéciaux, participe pleinement à l'effort de maîtrise des dépenses caractérisant ce projet de loi de finances.
Le ministère de la justice a déjà participé à l'effort en 2024, car il n'a pas été épargné par le décret d'annulation du 21 février, puis par les surgels et dégels successifs. Ainsi a-t-on vu la protection judiciaire de la jeunesse, sous la pression budgétaire, repousser en plein été des renouvellements de contrats, ce qui a été mal compris, c'est le moins qu'on puisse dire.
Nous savons tous que le précédent gouvernement a découvert une chute dans les recettes et que des mesures devaient être prises, mais la succession de mesures réglementaires mal coordonnées est-elle la meilleure manière de gérer une crise des finances publiques ? Un projet de loi de finances rectificative, au printemps, aurait permis de débattre publiquement des mesures budgétaires à prendre avec le Parlement, et de tracer un cadre plus clair pour les services du ministère. De même, le contexte politique a conduit Bercy, pendant l'été, à préparer le projet de loi de finances pour 2025 au terme d'échanges beaucoup plus limités que d'habitude avec le ministère de la justice : ce n'est pas une bonne pratique.
Dans cette situation, des choix devront être faits en 2025. La priorité est donnée à la poursuite de l'augmentation des moyens humains, avec la création de 619 équivalents temps plein (ETP), dont 270 ETP pour les services judiciaires, soit 125 magistrats et 145 greffiers, et 349 ETP dans l'administration pénitentiaire. La progression des moyens est donc préservée, mais reste inférieure au rythme prévu, qui était par exemple de 343 postes de magistrats en 2025. Dans l'administration pénitentiaire, les nouveaux surveillants seront affectés exclusivement aux nouveaux établissements : il ne s'agit pas d'un surplus dans les établissements existants.
Cette augmentation des effectifs s'appuie sur une politique de revalorisation des métiers, indispensable pour attirer et retenir les personnels. Les magistrats ont connu fin 2023 une revalorisation indemnitaire, tandis qu'une importante réforme du statut des greffiers était conduite. La revalorisation des métiers dans les prisons permet, là aussi, d'attirer plus de candidats, même si les départs en retraite rendent plus difficiles les recrutements.
S'agissant de l'immobilier de la justice, celui de la justice judiciaire risque de se limiter en 2025 à une maintenance en condition opérationnelle, faute de pouvoir lancer de nouveaux projets.
Quant aux prisons, la création de 15 000 places, annoncée comme un objectif en 2017, n'est pas un luxe : elle permettra tout au plus de contenir l'inflation du nombre des détenus et de la surpopulation carcérale. La poursuite du « plan 15 000 » reste et doit rester une priorité du budget.
Ce plan a toutefois connu des retards, notamment en raison d'oppositions locales, et je souligne la nécessité d'un pilotage plus efficace de ces projets, car j'ai constaté trop de malfaçons dans les établissements livrés récemment. Je plaide pour une plus grande standardisation des programmes, gage de réduction des coûts et des délais, mais surtout de réduction des risques d'erreur.
La construction de vingt centres éducatifs fermés accueillant des mineurs, qui a fait l'objet de la même ambition, subit les mêmes retards pour des raisons similaires ; en outre les moyens de fonctionnement associés risquent de ne pas suivre, selon le budget prévu par le projet de loi de finances.
Les autres dépenses sont soumises à de fortes restrictions, ce qui pourrait par exemple impacter la modernisation de la fonction informatique. Sur ce point, les moyens prévus par le projet de loi de finances ne permettront probablement pas de poursuivre au rythme prévu le plan de transformation numérique. Des choix devront être faits, alors que l'obsolescence de nombreux applicatifs est une difficulté forte au quotidien pour les magistrats et leurs équipes. Les utilisateurs, trop souvent, ont été mis de côté dans la conduite des projets informatiques et le résultat produit ne correspond pas à leurs besoins.
La sécurisation des locaux, en particulier dans les prisons, ne saurait en revanche être mise de côté pour des raisons budgétaires. En mai dernier, l'attaque d'un fourgon pénitentiaire ayant causé la mort de deux agents a suscité une grande émotion et une nécessaire réflexion sur le transport des détenus, qui serait moins souvent nécessaire si les systèmes de visioconférence étaient de meilleure qualité, et sur les conditions de détention. Des quantités invraisemblables de téléphones et autres produits sont livrés par drones, et les services des prisons peinent à lutter contre ce phénomène grandissant. Des systèmes de lutte contre les drones sont en cours de déploiement, mais le brouillage des téléphones est techniquement difficile et coûteux. L'effort doit être poursuivi et, de manière générale, les engagements pris auprès des personnels en matière de sécurisation devront être tenus.
Un domaine où des économies sont possibles et nécessaires est celui des frais de justice, qui connaissent une véritable explosion : moins de 500 millions d'euros en 2017, près de 750 millions d'euros en 2025. On m'a parlé de frais de gardiennage de véhicules incontrôlés et de demandes d'expertises psychiatriques ou d'interceptions téléphoniques judiciaires très coûteuses, pour une utilité souvent discutable. Le ministère de la justice et le ministère de l'intérieur devraient mieux coopérer à ce sujet, sans nuire à la qualité des enquêtes.
Enfin, l'aide juridictionnelle ouverte aux personnes dont les ressources sont insuffisantes est sur la voie d'une stabilisation des coûts, après une forte hausse depuis 2020.
Je comprends la nécessité de participer à l'effort collectif de redressement des finances publiques. Il convient toutefois de rappeler la crise profonde que traversent le monde de la justice et le service public de la justice dans notre pays, rappelée par les États généraux de la justice en 2021 et constatée au quotidien par nos concitoyens.
Le retard accumulé par la France par rapport à ses voisins européens en termes de moyens prouve que cette politique de l'État, qui est presque aussi ancienne que l'État lui-même, a souffert de décennies d'oubli que l'augmentation actuelle des moyens ne compense que très partiellement. La justice française dispose du plus faible budget par habitant en pourcentage du PIB parmi les pays de richesse comparable en Europe, et les délais y sont bien plus longs.
Le budget devra donc être réévalué au cours des débats : le Gouvernement a annoncé qu'un amendement sera présenté. Son montant devrait être de 250 millions d'euros, ce qui permettra de combler la moitié de l'écart entre le projet de loi de finances et la trajectoire de la loi de programmation.
Il faut bien sûr s'en féliciter, tout en prenant ces annonces non comme un blanc-seing, mais comme une incitation à améliorer le service public de la justice rendu aux citoyens et à développer l'évaluation au sein du ministère : le travail d'objectivation des coûts doit être poursuivi et certains indicateurs de performance sont à améliorer.
En conclusion, mes chers collègues, l'augmentation modérée des crédits de la mission « Justice » figurant dans le projet de loi de finances pour l'année 2025 est indispensable. Je vous proposerai d'adopter ces crédits en l'état, en attendant l'amendement du Gouvernement.
Mme Lauriane Josende, rapporteure pour avis de la commission des lois sur la mission « Justice ». - Nous partageons l'essentiel du contenu du rapport d'Antoine Lefèvre, notamment le constat selon lequel la justice française est en souffrance et a besoin de moyens. La loi d'orientation et de programmation du ministère de la justice a été largement soutenue par le Sénat. Il faut poursuivre dans cette voie !
Il nous a été dit que les économies projetées porteraient principalement sur l'immobilier et le numérique. Toutes les personnes que nous avons entendues en audition nous l'ont dit : au-delà des moyens, la justice a surtout besoin de réformes structurelles.
Mme Dominique Vérien, rapporteure pour avis de la commission des lois sur la mission « Justice ». - Lors de l'examen de la loi d'orientation et de programmation du ministère de la justice, dont j'étais rapporteure, nous demandions 1 500 magistrats, 1 800 greffiers et 10 000 personnels supplémentaires pour que la justice fonctionne plus rapidement. Cependant, des économies devront être réalisées, comme partout ailleurs. Il semble qu'elles porteront plutôt sur les dépenses d'immobilier et d'informatique. Or ce dernier point est un sujet de préoccupation depuis plusieurs années.
Rendre la dépense plus efficace est une source d'économie. Une autre piste à explorer consisterait à récupérer davantage de fonds. Le taux de recouvrement des amendes est notamment très faible. Nous n'avons qu'à gagner à le rendre plus performant. Une réflexion structurelle est de toute façon nécessaire pour améliorer l'efficacité de la dépense. Si certains projets immobiliers doivent être mis en attente, l'important sera de préserver les moyens humains.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Je suis aussi pleinement en accord avec Antoine Lefèvre.
J'avais plaidé pour une révision de l'ensemble des budgets, y compris ceux qui sont associés à une loi de programmation. Cette révision survient dans le cadre de la préparation budgétaire de l'année 2025. Nous n'échapperons pas à un nouvel examen ni à de nouveaux ajustements, mais ils ne sont pas encore d'actualité.
M. Emmanuel Capus. - Je partage l'analyse du rapporteur général sur la nécessité de continuer à augmenter les crédits relatifs aux personnels judiciaires. Les économies devant porter sur l'immobilier, les projets de construction de centre pénitentiaire vont-ils bien éviter les retards ? Je pense en particulier à la future prison d'Angers. Seulement 4 521 places de prison ayant été créées sur les 15 000 places prévues, nous ne pouvons-nous permettre de prendre plus de retard.
Mme Isabelle Briquet. - Merci à notre rapporteur pour sa présentation exhaustive. Malgré une légère hausse, le budget de la justice reste inférieur aux prévisions initialement inscrites dans la loi de programmation. Ce n'est pas sans conséquence. Ce budget n'est pas à la hauteur des enjeux et met le système judiciaire sous pression.
Bien qu'en augmentation, le nombre de créations de postes demeure insuffisant pour compenser la surcharge de travail des juridictions. En outre, le recul des investissements dans l'immobilier et la technologie nous inquiète.
Des affaires plus complexes pourraient être laissées en attente pour privilégier le traitement des urgences, ce qui alimente le phénomène de surpopulation carcérale. À Limoges, la situation est particulièrement critique.
Le retard pris dans la modernisation des services de la justice, le manque de crédits informatiques et l'absence de renouvellement des outils et processus sont pointés du doigt chaque année. A-t-on évalué les démarches en cours et celles qui restent à mener ?
Au vu de ces réserves, il est impossible, à ce stade, au groupe Socialiste, Écologiste et Républicain (SER) d'approuver les crédits de la mission.
M. Michel Canévet. - Les moyens informatiques mis en oeuvre sont-ils suffisants pour faire véritablement évoluer la justice ? Le recours à la visioconférence a-t-il été développé, notamment pour éviter les transferts de détenus pour des auditions ?
La déclaration récente du garde des sceaux annonçant que l'objectif de construction de 15 000 nouvelles places de prison d'ici à 2027 ne pourrait pas être tenu a de quoi nous inquiéter. Le rapporteur spécial a-t-il des informations à ce sujet ?
Par ailleurs, des investissements sont-ils prévus pour améliorer l'efficacité énergétique des bâtiments du ministère de la justice ?
Enfin, le rapporteur spécial a-t-il des idées précises de mesures à mettre en oeuvre pour accentuer la mutualisation des dépenses entre les ministères de l'intérieur et de la justice ?
M. Grégory Blanc. -L'administration pénitentiaire peine à recruter. Comment la valorisation de ses métiers s'inscrit-elle dans la perspective du plan de construction de 15 000 places de prison ? Cela ne servirait à rien de construire des bâtiments si l'on n'a personne pour y travailler...
L'Agence publique pour l'immobilier de la justice (Apij) prend en charge les aménagements prévus sur le périmètre de construction des nouvelles prisons, par exemple à Angers, mais les aménagements réalisés alentour ne sont pris en charge, ni par l'État, ni par les collectivités territoriales autres que les communes concernées. Cela peut entraîner certains retards. Des enveloppes pourraient-elles être mobilisées pour débloquer ces projets ?
Quels impacts les annonces faites par le Premier ministre dans sa déclaration de politique générale en faveur de peines de prison courtes et immédiatement exécutées auront-elles sur les prisons, si des mesures législatives sont prises en ce sens ?
M. Albéric de Montgolfier. - Au ministère de la justice comme dans d'autres administrations, les questions immobilières sont gérées par des personnels dont ce n'est pas la compétence et cela ne me semble pas pertinent.
La circulaire relative au recours à la visioconférence en matière pénale se heurte à des obstacles législatifs ou réglementaires. Ainsi, il faut l'accord d'un détenu en détention préventive pour pouvoir l'entendre en audition par ce biais. Ne pourrait-on lever ce type d'obstacle ? La visioconférence présente d'importants avantages sécuritaires, en limitant les transferts de détenus, et constitue une source d'économie de postes.
M. Pascal Savoldelli. - Je suis effaré par le taux d'occupation des prisons : 164,3 % en moyenne. Certes, la question des moyens est importante, mais les 15 000 nouvelles places de prison ne résoudront pas tout ! Nous avons besoin de réformes structurelles.
Pas moins de 327,9 millions d'euros de crédits ont été annulés, et des surgels successifs ont été décidés, sur le fonctionnement courant et les dépenses immobilières. Puis on nous a annoncé un amendement du Gouvernement porteur de 250 millions d'euros de crédits. Que faut-il comprendre et à quoi faut-il s'attendre concrètement ?
M. Antoine Lefèvre, rapporteur spécial. - Le plan de construction de 15 000 places de prison, sur lequel j'ai fait un rapport d'étape l'an dernier, a effectivement connu quelques ralentissements. Nicole Belloubet, alors garde des sceaux, avait expliqué qu'il ne fallait pas envisager ce programme sur un quinquennat, mais sur deux, et les débuts ont été difficiles. L'actuel garde des sceaux a lui-même reconnu que l'objectif ne pourrait être atteint dans les délais impartis. Plusieurs établissements seront livrés en 2025.
Nous avons constaté un ralentissement sur les crédits de la justice judiciaire. Je n'ai pas d'informations précises concernant la future prison d'Angers. Toutefois, le ralentissement des dépenses immobilières ne signifie pas que tous les travaux de maintenance ou d'investissement seront gelés. Des crédits existent, mais dont nous ne connaissons pas encore l'affectation exacte.
La surpopulation carcérale cause effectivement d'importantes difficultés. Certains de nos concitoyens me disent qu'ils ne pleureront pas sur les conditions d'incarcération de gens qui l'ont bien cherché... Il faut penser néanmoins à la dignité de leurs conditions d'accueil et aux conditions de travail des agents de l'administration pénitentiaire. La surpopulation, ça veut dire des matelas par terre dans les cellules, avec des problématiques d'insalubrité.
Les crédits informatiques se sont améliorés d'année en année. De plus, des ordinateurs ultraportables avaient été fournis aux magistrats pendant la crise du covid-19 pour qu'ils puissent travailler à distance. Il reste cependant des efforts importants à fournir sur les applicatifs. Ainsi, aucun applicatif fiable n'étant partagé par la direction générale des finances publiques (DGFiP) et le ministère de la justice, j'avais noté que pas moins de 600 000 fiches d'amendes pénales devaient être ressaisies manuellement. Cette méthode n'est pas fiable et entraîne des pertes de recettes. La réponse pénale est en outre insatisfaisante, car certaines personnes passent à côté d'une nécessaire sanction.
La secrétaire générale du ministère, dont la fonction a été récemment créée, est pleinement mobilisée sur cette question. On relève une meilleure coordination avec les magistrats et les personnels des greffes pour trouver des applicatifs répondant aux besoins.
Les matériels de visioconférence ne sont pas suffisamment performants. Néanmoins, certaines solutions s'améliorent. Les deux principaux syndicats de magistrats, que j'ai entendus en audition, m'ont signalé que l'usage de la visioconférence se heurtait à des obstacles culturels et générationnels. Certains magistrats s'y opposent ainsi pour des questions de principe. La période du covid-19 a toutefois suscité des évolutions. Il n'est pas nécessaire de faire venir un détenu au tribunal, donc de mobiliser une escorte pénitentiaire, simplement pour lui signifier une peine ou un report. Les frais s'en trouvent diminués, et la sécurité renforcée. Je vous ai rappelé en effet le drame survenu en mai 2024 lors du transfert d'un prisonnier.
Une meilleure coordination est nécessaire entre les ministères de l'intérieur et de la justice pour optimiser les dépenses. Ainsi, certaines demandes d'expertise ne sont pas absolument nécessaires.
L'École nationale d'administration pénitentiaire (Enap), qui se trouve à Agen, propose, depuis quelques années, deux sessions de formation de surveillants pénitentiaires pour répondre aux besoins de recrutement du secteur. Il faut se préparer en outre à un nombre important de départs à la retraite. La revalorisation statutaire, notamment pour les agents pénitentiaires, a contribué à améliorer le recrutement.
Pour le moment, tous les postes créés concernent les nouveaux établissements, non les établissements existants.
La secrétaire générale prend la mesure des difficultés relatives au pilotage des projets par l'Apij. L'Agence est centrée sur l'immobilier de la justice, et particulièrement sur le plan de construction de 15 000 places de prison. Je plaide pour ma part pour une standardisation des projets architecturaux. À titre d'exemple, les fenêtres du centre pénitentiaire de Mulhouse-Lutterbach ont été mal conçues, leur remplacement coûtera 600 000 euros. De même, un bâtiment récemment livré à Fleury-Mérogis a dû être vidé peu après sa livraison parce qu'il présentait des problèmes de fourniture d'eau chaude.
Un meilleur pilotage de l'Apij est donc nécessaire, associant les personnels pénitentiaires en amont, pour éviter ce genre de difficultés.
Le ministère de la justice doit également travailler sur les peines alternatives, car on ne peut miser uniquement sur le tout carcéral. Le bracelet électronique se développe, comme d'autres solutions. Ce sont des pistes à travailler. Ce travail est d'autant plus important que la surpopulation carcérale nuit à la réinsertion, qui est l'un des objectifs de l'emprisonnement.
Enfin, au 1er juillet 2024, 6 494 places brutes du plan « 15 000 places » ont été livrées, soit 4 521 places nettes. Nous sommes donc assez loin du compte.
La commission décide de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission « Justice ».
Projet de loi de finances pour 2025 - Mission « Culture » - Examen du rapport spécial
M. Claude Raynal, président. - Nous poursuivons avec l'examen des crédits de la mission « Culture » et accueillons, pour ce dernier point à l'ordre du jour, notre collègue Karine Daniel, rapporteure pour avis de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication et du sport.
M. Vincent Éblé, rapporteur spécial de la mission « Culture ». - Le montant global des crédits demandés en 2025 pour la mission « Culture » s'élève à 3,9 milliards d'euros. Cela correspond à une baisse des autorisations d'engagement (AE) de 6,8 % par rapport à 2024, qui s'accompagne d'une légère hausse, de 0,4 %, des crédits de paiement (CP). Ce budget s'inscrit dans une trajectoire de progression des crédits tracée au cours des années précédentes. Ainsi, entre 2023 et 2025, la mission a crû de 690 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 440 millions d'euros en crédits de paiement.
Il est probable que ces chiffres ne reflètent pas le budget qui nous parviendra en séance. En effet, un amendement a été déposé par la ministre de la culture, pour concrétiser l'annonce qu'elle a faite devant la commission de la culture du Sénat, la semaine dernière, d'une augmentation de 300 millions d'euros des crédits de la mission. L'amendement affiche, en réalité, 266 millions d'euros en autorisations d'engagement et 160 millions d'euros en crédits de paiement, ce qui change l'équilibre budgétaire sur lequel nous avons travaillé.
Je commencerai par revenir sur les conséquences sur la mission des annulations de crédits effectuées en février 2024. Le décret paru à cette date a annulé 204 millions d'euros, ce qui équivaut à 4,6 % des crédits accordés en loi de finances initiale (LFI). La moitié de ces crédits a été prise sur la réserve de précaution, mais le reste a été prélevé sur les dépenses de fonctionnement des opérateurs de la mission, notamment les opérateurs du spectacle vivant. Vous vous souvenez peut-être que la ministre de la culture, elle-même, avait semblé peu goûter ces annulations de crédits. L'ancien Premier ministre, M. Gabriel Attal, a rappelé la semaine dernière lors de son audition devant notre commission qu'elle avait exprimé en termes véhéments sa réticence.
De fait, le résultat de ces annulations de crédits nous interpelle. D'une part, elles ont eu un impact sur des opérateurs déjà fragiles et ont contraint à repousser des réformes attendues, notamment concernant le cadre de gestion des contractuels du ministère de la culture. D'autre part, il est nécessaire d'abonder par d'autres crédits en fin d'année pour financer des dépenses incompressibles.
J'en viens maintenant aux crédits du programme 175 dédié au patrimoine, auquel je porte, comme vous le savez, une attention particulière. Les 266 millions d'euros supplémentaires devraient en grande partie être fléchés vers ce programme, dont 55 millions d'euros vers les monuments ruraux et 23 millions d'euros vers les musées dans les territoires.
Les crédits dédiés aux grands projets continuent de constituer une part importante du budget, malgré la clôture de plusieurs chantiers de grande ampleur au cours des dernières années. Pas moins de 18 millions d'euros sont notamment prévus pour le site des Archives nationales à Pierrefitte-sur-Seine, dont vous savez qu'il a accueilli, par transfert, des collections jusqu'alors conservées à Fontainebleau dans un local qui menaçait péril. L'extension du site de Pierrefitte-sur-Seine, déjà prévue, s'en est trouvée accélérée.
Il faut également noter que 50 millions d'euros sont prévus sur le programme 131 pour financer des investissements structurants à destination des opérateurs du spectacle vivant. Une partie de ces financements contribuera également aux travaux du nouvel établissement public résultant de la fusion en 2025 du Mobilier national et de la Cité de la céramique Sèvres-Limoges.
Le cas de l'Opéra de Paris doit faire l'objet d'une attention particulière. L'établissement se trouvera face à un mur d'investissement au cours des prochaines années : le besoin de financement exceptionnel est estimé à au moins 200 millions d'euros d'ici à 2030. L'Opéra met en avant des besoins de travaux importants sur les deux sites de représentation, alors que l'établissement a annoncé la fermeture de l'Opéra Garnier entre 2028 et 2030, puis de l'Opéra Bastille entre 2030 et 2032.
Nous avons choisi cette année de mettre l'accent sur le centre Pompidou, qui devrait fermer l'été prochain pour travaux, jusqu'en 2029. Le chantier s'annonce titanesque. Les 150 000 oeuvres des collections du musée devront être déplacées dans le nouveau centre de Massy qui vient d'être terminé. L'ensemble des personnels du musée sera redéployé sur d'autres sites, une partie des oeuvres étant exposée jusqu'en 2029 au Grand Palais.
L'État a d'ores et déjà engagé 226 millions d'euros pour la rénovation technique de Beaubourg, notamment son désamiantage. En parallèle, le centre a pour objectif de réorganiser les différentes fonctions de manière plus rationnelle et plus lisible au sein du bâtiment, pour un montant estimé à 207 millions d'euros. Cette partie des travaux a vocation à être financée exclusivement sur fonds propres et notamment par le biais du mécénat.
Pour ce faire, le centre Pompidou ambitionne de disposer sous peu d'une centaine de millions d'euros. Il ne reste cependant que quelques mois avant de boucler ce budget, sans quoi les ambitions de l'établissement devront nécessairement être revues à la baisse.
Enfin, concernant le spectacle vivant, l'année 2024 confirme les bons résultats recensés en matière de retour du public. La fréquentation des opérateurs est en progression de 5,6 % par rapport à la saison dernière et retrouve, pour la plupart d'entre eux, les niveaux antérieurs à la crise sanitaire.
Je souligne cependant un point d'attention : la plupart des lieux de spectacle vivant ont été durement touchés par l'inflation, qui a limité leurs marges artistiques au cours des deux dernières années. Le nombre de levers de rideau a ainsi diminué pour l'essentiel des opérateurs du programme 131. Toutefois, il est nécessaire que l'offre de spectacles aille dans le sens d'une rationalisation de la production, alors que la Cour des comptes indique que le nombre moyen de représentations pour un spectacle était, en 2019, de 3,7 dans un centre dramatique national et de 2,3 pour une scène nationale. De telles statistiques ne sont plus tolérables, sur le plan environnemental comme sur le plan budgétaire.
Au-delà de ces remarques, je vous propose, au vu des moyens accordés à la culture dans ce budget, notamment de l'amendement d'abondement des crédits susmentionné, d'adopter les crédits de la mission.
M. Didier Rambaud, rapporteur spécial de la mission « Culture ». - Le programme 361 finance divers dispositifs en lien avec l'éducation artistique et culturelle, ainsi qu'avec l'enseignement supérieur culturel.
Les crédits à destination des établissements d'enseignement avaient connu une hausse importante en 2024, tournée notamment vers les écoles nationales d'architecture qui étaient dans une situation difficile. Ces crédits supplémentaires sont maintenus en 2025, ce dont nous pouvons nous féliciter. Par ailleurs, 30 millions d'euros complémentaires sont prévus en 2025 pour financer de nouveaux investissements structurants au sein des établissements nationaux de l'enseignement supérieur culturel.
La situation d'Universcience, établissement plus connu sous le nom de Cité des sciences et de l'industrie de la Villette et également financé par le programme 361, semble particulièrement inquiétante.
Le ministère estime le besoin annuel de travaux entre 30 millions d'euros et 40 millions d'euros jusqu'à 2030, très loin des 5 millions d'euros de la subvention d'investissement. La trésorerie de l'opérateur devrait être négative dès 2025 et l'établissement connaîtra un déficit dès 2026. Cette situation intervient alors que les ressources propres de la Cité sont limitées : elles s'élèvent à seulement 20 millions d'euros en 2024. L'établissement a notamment souffert de la proximité du parc des Nations pendant les jeux Olympiques.
La situation d'Universcience devra donc faire l'objet d'un suivi particulier au cours des prochains mois.
J'en viens maintenant au pass Culture. Quelque 210,5 millions d'euros sont prévus en 2025 pour le financement de ce dispositif, soit une stabilité des crédits par rapport à l'année précédente. Il faut toutefois noter que les financements accordés par le ministère de l'éducation nationale pour le volet collectif du pass Culture sont en hausse.
L'évaluation menée en 2024 par l'inspection générale des affaires culturelles (Igac) a livré une vision pour le moins mitigée du dispositif. Elle note que ses impacts sur les pratiques culturelles de ses bénéficiaires apparaissent « contrastés » et que la capacité du pass Culture à transformer les pratiques culturelles est « incertaine ».
Vincent Éblé et moi avions consacré à ce sujet un travail de contrôle en 2023. Le ministère de la culture devrait notamment mettre en oeuvre notre recommandation sur la transformation de la société par actions simplifiée (SAS) pass Culture en opérateur de l'État. Il s'agirait alors du deuxième opérateur du ministère de la Culture derrière la Bibliothèque nationale de France.
La ministre de la culture a annoncé qu'une réforme du dispositif serait lancée dès l'automne 2024 pour garantir la soutenabilité du montant de crédits inscrits en projet de loi de finances. Il est probable que le premier axe de cette réforme soit de réduire le montant de l'enveloppe accordée aux jeunes qui en bénéficient. Celle-ci s'élève actuellement à 300 euros pour les jeunes de plus de 18 ans. Le Gouvernement a déjà déposé à l'Assemblée nationale un amendement visant à réduire de 5 millions d'euros les crédits affectés au pass Culture.
Si ce dispositif doit être ajusté et réformé, il a au moins eu le mérite de donner à des milliers de jeunes gens un accès à la culture, sous des formes variées. J'espère que nous continuerons à oeuvrer pour le renforcement de cet accès.
Le programme 224 « Soutien aux politiques culturelles du ministère de la culture » regroupe l'ensemble des dépenses de personnel des agents directement rémunérés par le ministère de la culture. Celles-ci s'élèvent à 756,5 millions d'euros en incluant la contribution au compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions ». Cela correspond à une croissance de 25,3 millions d'euros par rapport à 2024, essentiellement du fait de mesures catégorielles nouvelles.
Ces crédits financent en particulier la revalorisation de la rémunération des agents contractuels du ministère, qui représentent près de 16 000 équivalents temps plein. Ils devraient bénéficier en 2025 d'une prime exceptionnelle de 325 euros au titre du rattrapage par rapport aux autres ministères.
Je voudrais enfin consacrer quelques mots à un premier bilan des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 sur la fréquentation des opérateurs culturels.
De manière générale, si les jeux ont entraîné un afflux de visiteurs à Paris, les opérateurs ont souffert pour certains d'une fermeture complète ou d'importantes difficultés d'accès.
Le ministère estime la baisse de fréquentation pour l'ensemble des opérateurs pendant cette période à 20 % par rapport à 2023. Pour les opérateurs parisiens, la diminution est plus importante, puisqu'elle atteint 27 %. Les musées et monuments les plus connus - musée du Louvre, château de Versailles, musée d'Orsay - ont cependant été moins touchés. La diminution de la fréquentation est en revanche plus importante pour certains opérateurs : 67 % à la Cité de l'architecture et du patrimoine ou 40 % à Beaubourg.
Près de 98 % des festivals ont eu lieu comme prévu et 10 % ont indiqué avoir rencontré des perturbations liées aux jeux Olympiques. En revanche, les études du ministère font état d'une fragilisation économique : la moitié des festivals se déclarent déficitaires à l'issue de l'édition 2024.
Le public a cependant retrouvé, à la fin du mois d'août, des niveaux comparables à ceux d'une année normale. Le ministère espère en outre pouvoir convertir l'intérêt marqué du public pour les monuments mis en avant pendant les jeux Olympiques, notamment lors de la cérémonie d'inauguration.
Je termine en vous proposant, comme Vincent Éblé, d'adopter les crédits de la mission.
Mme Karine Daniel, rapporteure pour avis de la commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport sur la mission « Culture ». - Sur les deux dernières années, les structures culturelles ont subi les effets de l'inflation. Elles seront particulièrement touchées par la baisse des crédits des collectivités territoriales : notamment les départements, régions, villes et métropoles. On observe une forte inquiétude du secteur culturel sur ce point. Des mobilisations sont sans doute à attendre.
Des questions demeurent par ailleurs concernant la prise en compte dans le budget de la couverture par le ministère de la culture des frais d'inscription dans les écoles d'art pour les étudiants boursiers. La ministre a en effet annoncé son intention de renforcer la mixité sociale dans ces établissements, ce qui est souhaitable, mais nous attendons les moyens.
Le pass Culture est également un point de vigilance. Nous avons entendu en audition les responsables de ce dispositif au sein du ministère de la culture. Une table ronde spéciale sera prochainement organisée par la commission de la culture, rassemblant des représentants de la SAS pass Culture, des opérateurs culturels et des usagers. On nous a dit que l'enveloppe individuelle serait diminuée, mais assortie d'un « coup de pouce » sur critères sociaux, selon un mécanisme qui reste à identifier. Sachant que ledit coup de pouce serait donné aux jeunes qui sont déjà les moins utilisateurs de ce dispositif, on joue en réalité sur l'espérance de non-recours.
Nous ne faisons que commencer nos travaux. L'avis de la commission de la culture sera cependant sans doute assez convergent avec le vôtre, moyennant les points de vigilance que j'ai mentionnés et une attention particulière également pour le spectacle vivant.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - L'effet des jeux Olympiques sur le patrimoine a été particulièrement fort. Pendant cette période, le nombre de touristes a diminué dans le reste du pays, tant l'événement a été sous les feux des projecteurs. Il faudra y réfléchir pour nos communications territoriales à venir. Les efforts menés par la puissance publique ou les opérateurs privés pour la promotion de notre patrimoine, notamment du patrimoine bâti, sont une piste à privilégier.
Les remarques des rapporteurs concernant le pass Culture s'ajoutent à plusieurs rapports et missions, notamment de la Cour des comptes, qui s'interrogent de la même façon sur les résultats du dispositif, et son impact sur l'accès à la culture pour nos concitoyens. La question du maintien de l'enveloppe budgétaire associée à ce dispositif doit être posée, alors que la culture ne peut échapper à l'introspection dans le contexte budgétaire que vous connaissez.
J'attends de voir ce qui sera définitivement proposé par le Gouvernement avant de déterminer mes propositions.
M. Jean-Raymond Hugonet. - Le groupe de travail de la commission de la culture sur le pass Culture que j'ai présidé avait dénoncé en son temps un projet coûteux et fumeux, dont tout le monde a bien compris qu'il n'était qu'un fait du prince censé montrer ce qu'avait fait le Président de la République pour la culture pendant son premier mandat.
Tous les rapports montrent que la cible est loin d'être atteinte. Près de 80 % des actions réalisées pour la culture dans notre pays le sont par les collectivités territoriales ! L'État gagnerait à se concentrer davantage sur les dispositifs d'éducation artistique et culturelle existants. Les crédits du pass Culture auraient pu être utilisés de façon bien plus pertinente. Chaque euro doit être utilisé le plus opportunément possible dans tous les territoires.
M. Laurent Somon. - Le soutien à la lecture publique constitue une compétence obligatoire des départements. Or la fréquentation des bibliothèques est en baisse depuis la crise du covid-19. Les 15 500 bibliothèques de notre territoire ont besoin d'être soutenues, notamment par les collectivités territoriales. Quelles sont les orientations du Gouvernement à cet égard ?
M. Thierry Cozic. - Quelle sera la position de la commission des finances sur l'amendement du Gouvernement porteur de 300 millions d'euros de crédits ?
Des évolutions de périmètre sont-elles prévues pour l'avenir ?
M. Albéric de Montgolfier. - La Cour des comptes s'inquiète des conséquences potentielles des projets de fermeture de plusieurs établissements, notamment l'Opéra de Paris et le centre Pompidou. Elle s'inquiète notamment des pertes de recettes associées et des risques de dérive budgétaire de ces chantiers, dont le montant potentiel lui paraît sous-évalué.
Qu'en est-il par ailleurs du dossier difficile de la restauration du grand cloître de l'abbaye de Clairvaux ? Des crédits de paiement sont-ils affectés à ce projet ? Quelle est l'utilisation envisagée pour ce bâtiment ?
M. Marc Laménie. - Comment les directions régionales des affaires culturelles (Drac) contribuent-elles au financement des travaux, notamment de restauration, du patrimoine propriété des collectivités territoriales ?
Combien d'opérateurs de l'État existent-ils et comment leurs personnels se répartissent-ils ?
Enfin, quel lien est-il fait dans le budget avec les dispositions fiscales existantes, notamment celles qui bénéficient à la Fondation du patrimoine ?
M. Michel Canévet. - Je remercie les rapporteurs pour leur éclairage. Certaines politiques doivent être remises en cause, car nous devons faire des économies. Il revient aux collectivités territoriales de déployer une politique culturelle de proximité. La décentralisation est organisée depuis 1982. Pourquoi l'État ferait-il, avec le pass Culture, la même chose que les collectivités territoriales sur le terrain ? Il y a là un choix à effectuer.
M. Pierre Barros. - Le service historique de la Défense, qui rassemble au sein du château de Vincennes des archives d'un intérêt stratégique et militaire majeur, se trouve dans des bâtiments en cours d'effondrement. Est-il prévu d'y remédier ? Le château lui-même a fait l'objet de nombreux travaux, mais la partie consacrée aux archives demeure en mauvais état.
M. Vincent Éblé, rapporteur spécial. - Les bibliothèques relèvent de la mission « Médias, livre et industries culturelles », non de la mission « Culture ».
Si l'activité du centre Pompidou risque effectivement d'être affectée par sa fermeture, le site de Massy accueillera néanmoins des manifestations culturelles et du public. Une partie des collections sera surtout exposée au Grand Palais.
Je partage par ailleurs l'inquiétude qui a été exprimée concernant la restauration du grand cloître de l'abbaye de Clairvaux. Près de 60 millions d'euros ont été budgétés pour 2024, mais le montant de 200 millions d'euros prévu pour la remise en état complète du couvert me paraît sous-estimé, compte tenu de l'immensité des lieux. Il est question ici simplement de la conservation du bâti clos et couvert, sans envisager quelque utilisation que ce soit. L'appel à projets lancé par l'État pour tenter de trouver un opérateur n'aboutira pas. Aucune initiative ne se présente donc pour cet édifice, dont la localisation dans un territoire assez éloigné des dynamiques franciliennes pose quelques difficultés.
Les collectivités locales jouent effectivement un rôle central dans la gestion du patrimoine, comme porteurs de monuments. Il en va de même pour les détenteurs de monuments privés. Les Drac apportent leur concours à ces propriétaires territoriaux, privés ou publics, par le biais de subventions.
Plus de 70 opérateurs travaillent au sein de la mission « Culture ». Nombre de ces opérateurs ont des ressources propres ou disposent de recettes fiscales, qui n'apparaissent pas dans les documents budgétaires. La Fondation du patrimoine est ainsi financée par des dispositifs fiscaux et ne fait pas l'objet d'information budgétaire à proprement parler.
Les archives de l'armée ne font pas partie des Archives nationales. Elles dépendent de leur propre ministère et ne relèvent donc pas des crédits de la mission « Culture ». Cela n'enlève rien, cependant, à la pertinence de la question posée à leur sujet. Des solutions devront être trouvées.
La dépense territoriale est au coeur de nos inquiétudes. Le fait que nous affichions, en tant que rapporteurs spéciaux, une position d'approbation des crédits ministériels ne dit rien des répercussions potentielles de la baisse des crédits des collectivités territoriales sur le secteur de la culture. Celui-ci, malheureusement, est souvent une variable d'ajustement. Dans les Pays de la Loire, par exemple, la région a ainsi annoncé la fin du subventionnement des conservatoires de musique territoriaux ; l'inquiétude est donc de mise.
Enfin, sans préjuger de l'avis de la commission, j'aurais du mal à exprimer un avis réservé sur la somme de 266 millions d'euros supplémentaires annoncée par le Gouvernement au bénéfice de missions culturelles, même si son orientation est exclusivement patrimoniale.
M. Didier Rambaud, rapporteur spécial. - Jean-Raymond Hugonet a tenu des propos très politiques - je n'entrerai pas dans le débat. Certes, on ne peut considérer le pass Culture comme la seule solution au problème de l'inégalité devant la culture. Son objectif initial, en tous cas, était d'accroître la diversité des pratiques culturelles. Ses insuffisances sont connues, et je les ai signalées aux deux dernières ministres de la culture. Dans les zones rurales ou périurbaines, notamment, l'offre culturelle est faible. Ainsi là où j'habite, on n'y trouve ni librairie, ni cinéma, ni salle de spectacle à moins de 20 ou 30 kilomètres. Cela nous renvoie aux problématiques de la mobilité des jeunes, comme pour l'insertion professionnelle. Je l'ai dit à la ministre lors de son audition devant la commission de la culture la semaine dernière : nous devons travailler sur la question des déplacements. On voit que, lorsque l'on crée une médiathèque, par exemple, cela suscite un élan.
La lecture publique relève effectivement de la mission « Médias, livre et industries culturelles ». Les collectivités territoriales y consacrent 1,4 milliard d'euros et l'État, 330 millions d'euros. D'ailleurs, les livres représentent 56 % des achats financés par le pass Culture, contre 20 % pour le cinéma, dont la part est toutefois en hausse. Maintenant, nous devons renforcer les efforts collectifs de médiation culturelle.
La diminution des crédits consacrés à l'éducation artistique et culturelle par le premier est compensée par les montants que le second alloue au volet collectif du pass Culture.
La commission décide de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission « Culture ».
La réunion est close à 11 h 20.
Jeudi 14 novembre 2024
- Présidence de M. Pascal Savoldelli, vice-président -
La réunion est ouverte à 09 h 00.
Projet de loi de finances pour 2025 - Compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État » - Examen du rapport spécial
M. Pascal Savoldelli, président. - Nous entamons nos travaux avec l'examen du compte d'affectation spéciale (CAS) « Participations financières de l'État », pour lequel notre président de commission est rapporteur spécial. Je salue la présence de notre collègue Martine Berthet, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques.
M. Claude Raynal, rapporteur spécial sur les crédits du compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État ». - Le CAS « Participations financières de l'État » constitue l'instrument budgétaire de mise en oeuvre de la politique d'actionnariat public, c'est-à-dire des interventions de l'État actionnaire.
L'actualité récente nous a donné l'occasion de constater une nouvelle fois à quel point la question de l'actionnariat public est un sujet sensible dans notre pays, à travers l'émoi suscité il y a quelques semaines par l'annonce du groupe Sanofi de la cession de 50 % de ses participations dans sa filiale de santé grand public Opella au fonds américain Clayton Dubilier & Rice (CD&R). Face aux inquiétudes exprimées par diverses parties prenantes, le Gouvernement a conclu un accord trilatéral incluant les repreneurs américains, la direction du groupe Sanofi et la puissance publique pour assurer la pérennité des sites de production à Lisieux et Compiègne, et consolider la relocalisation en cours du principe actif du paracétamol en France par un contrat de fourniture à long terme au bénéfice de la société Seqens.
Pour assurer un suivi approfondi de ces engagements et témoigner de la volonté de l'État de s'engager à long terme, le Gouvernement a également décidé que Bpifrance deviendrait actionnaire minoritaire d'Opella en acquérant 2 % du capital. La présence de Bpifrance au conseil d'administration d'Opella pour assurer un contrôle étroit de sa stratégie industrielle est un exemple des nombreux usages possibles de la politique d'actionnariat public.
Plus récemment, le ministre de l'économie a annoncé avoir finalisé l'opération d'acquisition par l'Agence des participations de l'État (APE) de 80 % du capital de la société Alcatel Submarine Networks (ASN). Préalablement intégrée au groupe Nokia, la société ASN est un acteur de référence dans le secteur de la conception, de la fabrication, de l'installation et de l'entretien des câbles sous-marins de télécommunication. Elle réunit un savoir-faire industriel - incarné par ses sept navires de pose et de maintenance des câbles sous-marins et son usine de production de Calais - et un enjeu de souveraineté technologique.
C'est cette dimension stratégique qui a motivé l'intervention de l'État comme actionnaire, pour un coût de 100 millions d'euros. Cette opération consolide la résilience de notre système de télécommunication. En effet, l'infrastructure des câbles sous-marins est devenue incontournable et représente 99 % du trafic intercontinental de données.
Après avoir évoqué ces deux épisodes récents qui illustrent bien la diversité des cas d'usage de l'intervention de l'État actionnaire et l'importance pour la puissance publique de pouvoir intervenir en fonds propres, j'en viens aux crédits proposés pour l'exercice 2025.
Premièrement, le projet de loi de finances prévoit d'ouvrir un montant total de 2,7 milliards d'euros pour les opérations en capital de l'APE. Le décalage légitime et systématique entre la temporalité budgétaire et la temporalité actionnariale se traduit par le fait que seule une partie de ce montant correspond à des opérations déjà programmées, dont la poursuite de la recapitalisation de la Société pour le logement intermédiaire (SLI) pour contribuer au plan de construction de 900 logements supplémentaires annoncé en 2023.
À ces opérations de recapitalisation viendront s'ajouter d'éventuelles opérations de prise de participation non programmées à ce stade. Je relève toutefois une opération qui devrait intervenir dans les mois à venir et qui correspond à la volonté affichée par l'État de participer à la reprise d'une partie des activités du groupe Atos. Au regard du caractère stratégique des activités en question, notamment dans le domaine du calcul de haute performance et de la cybersécurité, la volonté de prise de participation financière de l'État semble légitime. L'APE que j'ai entendue en audition à ce sujet m'a confirmé que le rejet de la première offre formulée par l'État en juin ne remettait pas en cause les négociations.
Deuxièmement, en dehors du périmètre de l'APE, le compte d'affectation spéciale sert également de support à l'ensemble des opérations patrimoniales de l'État. Ainsi, toutes les politiques sectorielles prévoyant une intervention publique en fonds propres doivent mobiliser le programme 731.
Pour l'exercice 2025, le montant total de ces interventions sectorielles atteint 1,8 milliard d'euros. Ces crédits servent en priorité à financer les souscriptions de la Banque publique d'investissement à des fonds d'investissement ou à des « fonds de fonds » dans le cadre des investissements d'avenir.
Le troisième volet du programme d'investissements d'avenir (PIA 3) et le plan France 2030 représentent un volume de 1,3 milliard d'euros d'interventions en fonds propres pour l'exercice 2025, soit les trois quarts des crédits hors du périmètre de l'APE.
L'économie générale du CAS « Participations financières de l'État » est de plus en plus mise à mal par le caractère structurel des dotations budgétaires finançant son fonctionnement. Nous l'avions d'ailleurs déjà souligné l'année dernière. En effet, au moment de l'adoption de la loi organique relative aux lois de finances (Lolf) en 2001, le schéma imaginé consistait à retracer les opérations patrimoniales dans un compte d'affectation spéciale pour flécher certaines recettes vers certaines dépenses associées. Or depuis plusieurs années et de manière structurelle, les recettes budgétaires représentent l'écrasante majorité des recettes du compte, car le programme de cession de participations qui avait été engagé à partir de 2017 a été interrompu par la crise sanitaire en 2020. Dans ces conditions, le budget général est devenu la source presque exclusive des recettes du compte.
J'en profite donc pour signaler qu'au moment où l'État prépare une mise à jour de sa doctrine d'intervention comme actionnaire, il est également légitime de nous interroger sur le schéma de financement de cette politique. La réflexion sur les moyens et les fins de la politique de l'État actionnaire doit être menée concomitamment.
Je conclus en vous proposant, sous réserve de mon amendement, d'adopter les crédits du compte d'affectation spéciale pour l'exercice 2025.
Mme Martine Berthet, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques sur les crédits du compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État ». - La commission des affaires économiques a donné hier un avis favorable à l'approbation des crédits du CAS « Participations financières de l'État ».
L'année 2024 a été une année particulière pour l'APE : non seulement l'agence a fêté ses vingt ans d'existence, mais l'État a aussi annoncé des opérations d'ampleur pour des entreprises de souveraineté jusqu'alors situées hors de son giron, dans les secteurs de l'industrie, du numérique et de la défense. Je pense à la souscription de l'État à l'augmentation de capital de John Cockerill Defense, qui s'inscrit dans le cadre de la fusion entre John Cockerill et Arquus, anciennement Renault Trucks Defense, afin de créer un champion industriel européen des véhicules blindés légers pour la défense.
Je pense aussi à l'acquisition par l'État d'au moins 80 % du capital d'Alcatel Submarine Networks, leader de la fabrication, de la pose et de la maintenance de câbles sous-marins. C'est une opération importante. ASN, propriété du groupe finlandais Nokia, dispose d'une usine à Calais. C'est une entreprise critique pour notre souveraineté et notre indépendance numérique. Son savoir-faire et son implantation industrielle doivent être préservés sur le territoire national.
Enfin, en avril 2024, l'État a annoncé son souhait d'acquérir les activités sensibles d'Atos big data & security. Les négociations sont toujours en cours. L'APE m'a confirmé son souhait de réaliser cette opération en 2025, celle-ci étant bénéfique pour le développement à long terme de ses activités stratégiques.
Parallèlement, la convention entre l'État et Atos de juin dernier prévoit l'émission d'une action de préférence au sein de la société anonyme Bull SA, filiale qui loge des activités souveraines sensibles d'Atos liées aux supercalculateurs.
Au-delà des opérations nouvelles que je viens de détailler, l'APE accompagne les 85 entreprises de son portefeuille. En 2024, elle est intervenue en soutien à des politiques publiques prioritaires comme la souveraineté énergétique, à travers la souscription à l'augmentation de capital d'Orano ou celle de la société Le Nickel, filiale d'Eramet ; la réindustrialisation, avec une dotation en fonds propres de 56 millions d'euros au grand port maritime de Dunkerque ; la construction de logements, via l'augmentation de capital de la Société pour le logement intermédiaire, à hauteur de 200 millions d'euros.
Ces évolutions positives appellent une réflexion sur la doctrine de l'État actionnaire, qui sera actualisée en 2025. Sa formalisation sera aussi l'occasion de valoriser les objectifs stratégiques de l'APE en tant qu'actionnaire, à savoir la performance financière et extrafinancière, la résilience des entreprises de son portefeuille - notamment face au risque cyber - et la responsabilité sociale et environnementale.
Il faut naturellement que cette doctrine soit actualisée en complémentarité avec les autres actionnaires publics que sont Bpifrance, qui agit en faveur du développement et de l'innovation des très petites entreprises (TPE), petites et moyennes entreprises (PME) et entreprises de taille intermédiaire (ETI), et la Caisse des dépôts et consignations.
À cet égard, bien qu'il dépasse le cadre du CAS « Participations financières de l'État », je ne peux pas omettre le dossier « doliprane », à savoir la cession par Sanofi de 50 % de sa filiale Opella à un fonds américain. Afin d'assurer l'ancrage français des actifs stratégiques, le Gouvernement a annoncé une entrée de Bpifrance au capital d'Opella, à hauteur de 1 % à 2 %, que la commission des affaires économiques salue. C'est un exemple d'articulation possible des différents actionnaires publics. Bpifrance dispose d'une compétence approfondie dans les biotechnologies et est actionnaire depuis 2021 de Seqens, fournisseur important de la chaîne de valeur de Sanofi.
Enfin, la dynamique des recettes et des dépenses du CAS nous conduit à engager une réflexion sur sa raison d'être et son fonctionnement. Les cessions d'actifs se font rares. Il faut donc trouver des recettes ailleurs pour financer les opérations en capital. En 2025, 90 % des crédits du CAS proviennent du budget général, contre 98 % l'an dernier. Cette situation est d'autant plus déroutante lorsque l'on sait que les dividendes de l'État actionnaire - qui s'élèvent à 2,3 milliards d'euros en 2022 et 2023 - n'alimentent pas le CAS, mais sont versés au budget général de l'État. L'APE est le seul actionnaire à ne pas récupérer directement le fruit de ses investissements ! Même la Cour des comptes a ouvert la voie à une affectation de ces dividendes au CAS, qui serait responsabilisante pour l'APE.
Enfin, comme nous le notons chaque année depuis 2022, le CAS contribue de manière artificielle au remboursement de la dette du covid-19, par des crédits qui ne font que transiter par lui. Ce constat est partagé par votre commission.
La commission des affaires économiques soutient l'inflexion de l'État actionnaire en cette fin d'année 2024, qui fait des participations financières de l'État un outil pour la souveraineté et les intérêts stratégiques de la Nation.
M. Michel Canévet. - Un fort écart s'observe chaque année entre les recettes et les dépenses. Dans une optique de bonne gestion, ne faudrait-il pas resserrer les courbes et veiller à faire coïncider les dotations allouées et les perspectives de l'année ?
En quoi consistent les 914 millions d'euros de recettes non budgétaires mentionnés dans le rapport ?
Par ailleurs, il serait intéressant que l'APE perçoive au moins une part de ses dividendes pour pouvoir mener certaines opérations. Comment évoluent ces dividendes dans le temps : diminuent-ils, augmentent-ils ou restent-ils stables ?
Enfin, le PLF contient plusieurs dispositions relatives aux résultats des entreprises. Du fait de la mise en oeuvre d'une contribution exceptionnelle à l'impôt sur les sociétés, ce montant prévisionnel ne risque-t-il pas d'être significativement moins élevé que ce qui ressort des actuelles projections pour 2025 ?
Mme Sylvie Vermeillet. - Je suis tout à fait d'accord avec l'amendement que vous allez nous proposer, monsieur le rapporteur spécial. Pourriez-vous nous apporter des précisions sur la manière dont la dette du covid-19 est enregistrée et sur son plan d'amortissement ?
Mme Christine Lavarde. - La rentabilité du portefeuille de l'APE est de 4,6 %. Est-elle meilleure que la rentabilité enregistrée sur le CAC 40 ?
Par ailleurs, dans l'hypothèse où nous ferions l'impasse sur les règles budgétaires, ne serait-il pas plus sensé de gérer des investissements en direct, sur la mission « Défense », par exemple, via le fonds innovation défense, ou sur la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales », pour le fonds de soutien aux industries agroalimentaires ? Nous sommes effectivement face à une entité à part, le CAS « Participations financières de l'État », qui s'occupe de sujets très thématiques, relevant chaque fois d'un ministère unique...
M. Claude Raynal, rapporteur spécial. - Il est normal que la courbe des ressources budgétaires de l'État domine celle de leur consommation. Dans le cas contraire, nous n'aurions plus les moyens de payer !
Par ailleurs, un certain temps s'écoule toujours entre les décisions d'intervention au capital de l'État et le moment de leur concrétisation. La temporalité de l'État comme actionnaire ne correspond pas nécessairement à l'annualité budgétaire. En particulier, il est parfois difficile de déterminer si une opération sera réalisée à la fin d'un exercice ou au début de l'exercice suivant. Cette incertitude légitime justifie de conserver une marge d'intervention pour le CAS, qui est notamment permise par le mécanisme de report des crédits d'un exercice vers le suivant.
Le fait que les dividendes ne reviennent pas au CAS soulève effectivement des interrogations. L'État en a besoin pour l'instant pour équilibrer son propre budget. Toutefois, il serait intéressant de modifier ce point, notamment pour gagner en visibilité. Mais les enjeux budgétaires sont tels que ce n'est pas encore d'actualité.
Les perspectives en matière de résultat sont plutôt positives. Les valeurs des entreprises se sont redressées significativement depuis la crise du covid-19. La valeur du portefeuille est estimé en 2024 à 179,5 milliards d'euros.
Certains groupes du portefeuille seront concernés par la contribution exceptionnelle à l'impôt sur les sociétés, ce qui entraînera une baisse de leur rendement. Chacun procédera à des arbitrages en conséquence.
Les recettes non budgétaires susmentionnées correspondent notamment à des retours sur investissement des PIA.
Par ailleurs, le fait que la dette du covid-19 apparaisse comme un élément à part dans le budget relève en réalité d'un artifice budgétaire. Cette dette est une dette comme une autre et ne devrait pas faire l'objet d'un traitement particulier. Albéric de Montgolfier et moi-même avons donc déposé deux amendements miroirs, pour sortir de cette situation.
L'APE présente cette année une rentabilité supérieure à celle du CAC 40 : 4,6 %, contre 4,2 %. Néanmoins, la situation aurait pu être inverse, le choix des investissements étant effectué à l'aune, non pas de la valorisation des sociétés, mais de décisions stratégiques de l'État.
Enfin, une gestion directe des investissements sur les missions du budget général pourrait s'envisager. Cependant, le CAS permet de disposer d'une vision globale des interventions en fonds propres, sans multiplier les opérations budgétaires complexes qui impliquent de mobiliser une expertise spécifique. Je m'interroge donc sur l'intérêt pratique de cette démarche. En outre, la Lolf interdit d'intervenir en fonds propres hors du CAS « Participations financières de l'État ».
M. Pascal Savoldelli, président. - Vous avez rappelé l'émoi suscité par l'annonce par Sanofi de la cession de 50 % de sa filiale de santé publique. Je rappelle que Sanofi a reversé 4,4 milliards d'euros de dividendes à ses actionnaires et touche 150 millions d'euros de crédit d'impôt.
M. Claude Raynal, rapporteur spécial. - Pour finir, je vous présente un amendement FINC.1 de simplification et de mise en cohérence des crédits, qui correspond à une position constante de notre commission.
Le Gouvernement a mis en place à partir de l'exercice 2022 un schéma d'isolement comptable de la dette liée au covid-19, qui se traduit par un montage complexe prévoyant de mobiliser des crédits du budget général pour les verser à la Caisse de la dette publique (CDP), établissement public intervenant sur le marché secondaire. Ce schéma n'a aucune portée effective sur la dette publique dès lors qu'il prétend amortir une dette qui n'est pas isolée financièrement en creusant le déficit du budget général. Si son effet est neutre sur l'équilibre financier de l'État, ce schéma nuit à la lisibilité du coût réel de nos engagements financiers.
Il vous est donc proposé, en cohérence avec l'amendement proposé par le rapporteur spécial de la mission « Engagements financiers de l'État », Albéric de Montgolfier, d'annuler les 5,2 milliards d'euros de crédits inscrits sur le programme 732.
L'amendement FINC.1 est adopté.
La commission décide de proposer au Sénat d'adopter les crédits du compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État », sous réserve de l'adoption de son amendement.
Projet de loi de finances pour 2025 - Mission « Engagements financiers de l'État » et comptes de concours financiers « Accords monétaires internationaux » et « Prêts et avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics » - Examen du rapport spécial
M. Pascal Savoldelli, président. - Nous poursuivons avec l'examen des crédits de la mission « Engagements financiers de l'État » et des comptes de concours financiers associés.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur spécial de la mission « Engagements financiers de l'État » et des comptes de concours financiers « Accords monétaires internationaux » et « Prêts et avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics ». - La mission « Engagements financiers de l'État » constitue malheureusement depuis 2024, en crédits de paiement (CP), le deuxième poste de dépenses du budget de l'État, après la mission « Enseignement scolaire », hors CAS « Pensions » et mission « Remboursements et dégrèvements ». C'est une mission subie, composée d'intérêts payés à nos créanciers, qui augmentent d'année en année.
Dans le cadre du PLF 2025, cette mission devrait représenter 56 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 61,3 milliards d'euros en crédits de paiement - soit une augmentation de 520 millions d'euros en CP par rapport à la loi de finances initiale pour 2024.
La mission devrait ainsi atteindre un niveau record, principalement sous l'effet de l'alourdissement de la charge de la dette de l'État, qui devrait croître à 53,5 milliards d'euros en comptabilité budgétaire, contre 50,9 milliards d'euros dans la loi de finances initiale pour 2024.
Alors que l'orientation de la politique monétaire est devenue plus favorable avec la baisse du taux de la facilité de dépôt de la Banque centrale européenne (BCE) depuis juin dernier, la charge des intérêts n'a jamais été aussi élevée et suit une trajectoire particulièrement inquiétante. Ce paradoxe apparent s'explique par la croissance continue du volume de la dette de la France, sous l'effet de l'accumulation des déficits, et par la hausse notable de la prime de risque, mesurée par l'écart de taux ou « spread » par rapport à la dette allemande, depuis le début de l'année 2024.
Je consacrerai donc l'essentiel de mon propos à la trajectoire d'alourdissement de la charge de la dette de l'État. J'aborderai ensuite la question des appels en garantie au titre des prêts garantis par l'État (PGE), qui devraient continuer de diminuer significativement en dépit d'une sinistralité différenciée selon les secteurs. Enfin, je conclurai mon intervention en évoquant la situation des comptes spéciaux rattachés à la mission.
La charge de la dette de l'État devrait donc continuer de s'alourdir fortement, représentant un poids croissant pour nos finances publiques.
De fait, le taux de rendement à dix ans de la dette française a suivi depuis le début de l'année 2024 une trajectoire singulière, avec une hausse marquée de 28 points de base à fin septembre, repassant au-dessus de la barre de 3 %. Selon le scénario de taux d'intérêt du PLF 2025, ce taux à dix ans s'établirait à 3,30 % fin 2024, 3,60 % fin 2025 et 3,70 % fin 2026.
D'après les éléments communiqués par l'Agence France Trésor (AFT), cette évolution s'explique certes par le report des anticipations de baisses de taux de la BCE jusqu'en mars, mais elle résulte surtout de la hausse de la prime de risque, représentant un creusement de l'ordre d'une vingtaine de points de base depuis le début de l'année, pour s'élever actuellement à environ 75 points de base.
À cet égard, la France se singularise par rapport aux pays de la zone euro dits « périphériques », tels que l'Italie, l'Espagne, le Portugal et la Grèce. En effet, ces pays, qui ont connu par le passé un niveau d'endettement considérable et ont opéré les efforts de redressement nécessaires, affichent un net resserrement de leurs spreads par rapport à l'Allemagne. La France emprunte désormais plus cher qu'eux, notamment l'Espagne et le Portugal. Elle est donc devenue le mauvais élève de l'Europe en matière d'évolution du spread.
Le principal déterminant des taux sur la dette française réside aujourd'hui dans l'instabilité politique et budgétaire et, plus particulièrement, dans le dérapage historique - hors période de crise - du déficit public pour 2023 et pour 2024. C'est bien la dégradation successive des prévisions de déficit du précédent gouvernement, plus encore que l'incertitude politique née de la dissolution de juin dernier, qui explique le creusement de la prime de risque par rapport à l'Allemagne.
À cet égard, je tiens à saluer le travail de la mission d'information que notre commission a réactivée cet automne. Il est en effet absolument nécessaire de faire la lumière sur cette situation aussi inédite qu'injustifiée.
Selon l'économiste Éric Monnet, spécialiste de la dette publique et de la politique monétaire, les annonces de dérapage du déficit public constituent pour les marchés obligataires souverains le pire des scénarios, en affectant la confiance des investisseurs dans la transparence de la trajectoire des finances publiques.
Certes, deux facteurs jouent encore en notre faveur pour limiter les tensions sur notre dette. D'une part, nous enregistrons un niveau relativement faible de détention de la dette par des investisseurs hors zone euro, les investisseurs de la zone euro représentant quasiment trois quarts des détenteurs de notre dette, dont 48 % pour les investisseurs français. D'autre part, nous bénéficions de la protection de la BCE, même si cette dernière n'est pas absolue, étant conditionnée au respect des règles budgétaires européennes. Je rappelle à ce titre que nous sommes entrés en procédure pour déficit excessif et que la pression de nos partenaires européens sera particulièrement forte pour que nous respections nos engagements budgétaires, alors que la dette publique dépasse 3 220 milliards d'euros, soit 112 % du PIB, dont 2 600 milliards d'euros pour la dette de l'État.
Si les tensions sur notre dette devaient s'aggraver, du fait d'une dégradation de la qualité de la signature française ou du moins d'une perception en ce sens par le marché, l'augmentation de la prime de risque pourrait avoir des conséquences massives sur la charge de la dette. Une hausse de taux pérenne de 1 point entraînerait une augmentation de cette charge de 3,2 milliards d'euros à un an, de 19,1 milliards d'euros à cinq ans et de 32,6 milliards d'euros à neuf ans.
À politique inchangée et même en l'absence de choc de taux, la charge de la dette de l'État pourrait bientôt approcher la barre des 100 milliards d'euros, à l'horizon de 2030. J'avais souligné ce risque dans mon rapport de contrôle publié en juillet dernier. Il se confirme : en comptabilité générale, la dette de l'État devrait ainsi croître de 54,5 milliards d'euros en 2025 à 75 milliards d'euros en 2027, et même atteindre 92 milliards d'euros en 2029, soit une multiplication par 2,4 par rapport à 2023 et une multiplication par 3,6 par rapport à 2020. D'ici à la fin de la décennie, la charge de la dette de l'État pourrait représenter 2,7 % du PIB, contre 1,4 % en 2023. Quant à la charge de la dette publique, celle-ci atteindrait 3,1 % du PIB, contre 1,9 % en 2023.
Cette trajectoire, j'y insiste, correspond au scénario de finances publiques prévu dans le PLF 2025, dans sa version initiale transmise par le Gouvernement.
Ces chiffres sont très inquiétants. En 2008, notre dette était à peu près équivalente à celle de l'Allemagne, à 60 % du PIB. Davantage que le « quoiqu'il en coûte », la période covid a été celle de la déresponsabilisation totale ! Quoi que nous explique l'ancien ministre de l'économie Bruno Le Maire, la France n'est pas le seul pays à avoir pris des mesures pour aider les entreprises. Nos voisins, contrairement à nous, ont été capables de revenir à une situation normale.
S'agissant du périmètre de la mission, je relève une nouvelle fois avec regret le maintien du programme 369 « Amortissement de la dette de l'État liée à la covid-19 », avec 5,2 milliards de crédits de paiement qui seraient ouverts pour 2025. Aucun motif économique ou budgétaire ne justifie l'isolement de cette dette. En effet, les recettes fiscales qui sont affectées à l'amortissement de cette somme, selon une formule de calcul dépendant du niveau de croissance, pourraient tout aussi bien servir à réduire le déficit budgétaire courant. Comme les années précédentes, je proposerai donc d'amender les crédits de la mission « Engagements financiers de l'État » afin de supprimer ce programme artificiel !
J'en viens aux crédits dédiés aux appels en garantie de l'État, qui, en dépit de leur diminution, continuent d'appeler notre vigilance.
Les crédits du programme correspondant - le programme 114 - présentent une baisse de moitié par rapport à la loi de finances initiale pour 2024, passant de 1,9 milliard d'euros à 985 millions d'euros. Selon les éléments d'information communiqués par la direction générale du Trésor, cette diminution porte principalement sur les PGE.
Alors que la prévision d'appels en garantie au titre des PGE s'établissait à 1,44 milliard d'euros en loi de finances initiale pour 2024, l'exécution affiche une consommation de 1,36 milliard d'euros au 15 octobre. En dépit de l'aléa entourant les estimations de pertes, le risque financier pour l'État représenté par les PGE devrait rester modéré, avec une sinistralité évaluée à 4,11 % sur l'ensemble du dispositif, représentant un montant total de 6 milliards d'euros de pertes brutes.
Il resterait 1,2 milliard d'euros de pertes sur les PGE qui se matérialiseraient au-delà de l'année 2024, dont 571 millions d'euros seraient indemnisés sur l'année 2025. Selon les informations de la direction générale du Trésor, de Bpifrance et de la Banque de France, les secteurs les plus touchés devraient rester la construction, l'immobilier, l'hébergement-restauration, l'information et la communication, ainsi que l'industrie manufacturière.
Afin de faciliter le remboursement des PGE et éventuellement son étalement pour les entreprises en difficulté, un accord de place a été conclu en 2022 et renouvelé en 2024, prévoyant la possibilité pour les très petites entreprises (TPE) et pour les petites et moyennes entreprises (PME) de demander un rééchelonnement jusqu'au 31 décembre 2026.
Par ailleurs, pour les dossiers d'entreprises de taille plus importante, le comité interministériel de restructuration industrielle (Ciri), service rattaché à la direction générale du Trésor, a conçu en 2022 une doctrine pour assurer une restructuration équitable des PGE et pour éviter que l'effort porté par ces prêts - et donc par l'État au titre de sa garantie - ne soit disproportionné par rapport aux efforts des autres parties prenantes. Cette doctrine a été mise en oeuvre notamment pour Pierre et Vacances en 2022 et pour Air Austral en 2023.
Par ailleurs, pour les restructurations comportant une part d'écrasement du passif, des mécanismes de retour à meilleure fortune permettent à l'État de bénéficier du partage de la valeur en cas de redressement de l'activité.
Je conclurai mon propos par une analyse synthétique de la situation des comptes spéciaux rattachés à la mission.
Dans la continuité des années précédentes, le compte de concours financier « Accords monétaires internationaux » n'est pas doté de crédits pour 2025. Quant au compte de concours financiers « Prêts et avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics », celui-ci poursuit sa normalisation avec la suppression du programme 829 « Prêts destinés au financement des infrastructures de transports collectifs du quotidien de la métropole d'Aix-Marseille-Provence ».
Aucun prêt ni aucune avance n'ont été effectués par le biais de ce programme créé dans la loi de finances initiale pour 2022. Entretemps, le Président de la République a en effet annoncé en 2023 le doublement du montant des subventions accordées dans le cadre du plan « Marseille en grand ».
Le solde du compte devrait dégager un excédent important avec presque un doublement par rapport à la loi de finances initiale pour 2024, à 552 millions d'euros.
En conclusion, je vous propose d'adopter les crédits de la mission « Engagements financiers de l'État », sous réserve de la modification que je vous ai proposée, ainsi que les crédits des comptes de concours financiers « Accords monétaires internationaux » et « Prêts et avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics ».
Je n'ai aucune possibilité de vous proposer des économies, malgré la situation inquiétante : comme je l'ai dit, cette mission est subie...
Durant mes six ans en tant que rapporteur général de la commission des finances, je n'ai cessé de dire que nous financions nos dépenses courantes par l'emprunt - celui-ci n'est pas une mauvaise chose s'il sert à investir plutôt qu'à payer des dépenses de fonctionnement à crédit ! À présent que nous sommes considérés comme de mauvais élèves, la charge de la dette deviendra le premier poste budgétaire de l'État, pour un niveau d'intérêts approchant 100 milliards d'euros d'ici la fin de la décennie. Imaginez ce que nous pourrions faire avec 100 milliards d'euros : routes, hôpitaux, sécurité... Nous payons le prix des errements : sous M. Bruno Le Maire, la dette a augmenté de presque 1 000 milliards d'euros ! Désormais, la confiance des investisseurs dans la France est faible et, si notre dette est encore largement domestique, elle tend de plus en plus à être transférée vers les fonds spéculatifs. Je vous laisse imaginer ce qui risque d'advenir...
M. Michel Canévet. - Je remercie le rapporteur spécial pour sa présentation, qui augure de difficultés à venir, et nous pouvons le déplorer...
Ma première question porte sur la charge de la dette de la SNCF, qui diminue. Quelles en sont les raisons ?
Au cours des questions d'actualité au Gouvernement d'hier, des perspectives difficiles pour un certain nombre d'entreprises ont été évoquées. Celles-ci pourraient donc demander à revoir le remboursement des PGE. Le Ciri a-t-il actuellement la capacité de reconsidérer le remboursement de ces prêts ? Faut-il pour ce faire un texte législatif ?
Si j'ai bien compris vos propos, il n'y a pas eu de prêts destinés au financement du plan en faveur de la métropole d'Aix-Marseille-Provence à partir du programme 829. Pouvez-vous me le confirmer ?
M. Stéphane Sautarel. - Je partage la question de Michel Canévet : pouvez-vous nous apporter des précisions sur les PGE ? Je suis un peu surpris par les termes du rapport...
La France doit rembourser une trentaine de milliards d'euros - de mémoire - à l'Union européenne à partir de 2027 ou 2028. Ces montants ne sont pas encore intégrés au stock de dette. Pouvez-vous nous en dire davantage ? Quelles seront les conditions du remboursement de cette dette, dont le coût risque d'être supérieur à ce que nous sommes capables de lever actuellement sur les marchés ?
M. Thierry Cozic. - La France a été pénalisée par la part relativement élevée dans son endettement des obligations assimilables du Trésor indexées sur l'inflation (OATI), dont nous avions mis en avant le coût, l'an dernier. Je m'interroge sur la pertinence pour Bercy de continuer à émettre ce type d'obligations.
Par ailleurs, alors que l'inflation aurait pu réduire le ratio de dette publique française de 9,5 points de PIB entre 2021 et 2023, la réduction n'a été que de 2,4 points de PIB selon le Haut Conseil des finances publiques (HCFP). Pensez-vous qu'un ciblage plus efficient des bénéficiaires des différentes aides qui avaient pour but d'amortir l'inflation aurait permis de mieux résorber ce ratio ? Il est clair que la France n'a pas pleinement tiré profit ces deux dernières années de l'aubaine qu'aurait pu constituer le choc inflationniste.
M. Jean-Raymond Hugonet. - Qu'en est-il exactement de la fiabilité des remboursements des PGE ? Y a-t-il une corrélation entre la part de prêts remboursés et l'augmentation importante des défaillances d'entreprises ? Dans l'Essonne, le nombre de ces défaillances a augmenté de 20 % ! La création d'une nouvelle chambre au sein du tribunal de commerce d'Évry-Courcouronnes ne suffit même pas à les traiter.
M. Laurent Somon. - Connaît-on la structuration exacte des entreprises bénéficiaires de PGE concernées par les défaillances : taille, secteur, répartition géographique ?
Quelle est la réalité du coût à venir du remboursement du prêt contracté auprès de l'Union européenne ?
Mme Vanina Paoli-Gagin. - Je souhaite mettre ce rapport en regard avec la proposition de loi constitutionnelle visant à accélérer le redressement des finances publiques, examinée en séance ce matin : ne pensez-vous pas que le problème qui pèse sur nos finances, que vous mesurez avec précision et que vous déplorez chaque année, est systémique ? Peut-être existe-t-il un autre chemin ?
Mme Christine Lavarde. - Par le programme 829, l'État a été disposé à fournir des « Prêts destinés au financement des infrastructures de transports collectifs du quotidien de la métropole d'Aix-Marseille-Provence ». Pourtant, selon un rapport d'information dont vous étiez rapporteur, monsieur le président, le financement de la Société des grands projets, à l'origine Société du Grand Paris, qui a toujours été considérée comme d'intérêt national, s'est reporté uniquement sur la fiscalité pesant sur les habitants de la région Île-de-France. Il existe donc un « deux poids deux mesures » selon l'endroit où l'on installe des transports en commun !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur spécial. - Dans chacun de nos territoires, nous voyons une augmentation considérable de l'activité des tribunaux de commerce. Lors de mes auditions, j'ai interrogé notamment la direction générale du Trésor et la Banque de France sur une éventuelle augmentation du taux de sinistralité des PGE. D'après ce qui m'a été dit, les grandes entreprises comme Air France, qui représentent les emprunts les plus importants, ne doivent pas nous inquiéter. Il n'y a pas de dossier important qui entraînerait une explosion des appels en garantie de l'État. Les entreprises qui mettent en oeuvre des plans sociaux actuellement n'ont pas fait appel aux PGE.
Le taux de sinistralité est de 4 % environ. Les entreprises des secteurs les plus fragiles, comme la construction, connaissent beaucoup de défaillances, des inquiétudes pèsent sur elles, mais il s'agit de petits dossiers en matière de PGE. Je n'ai pas d'éléments sur la répartition géographique des PGE.
Par ailleurs, la dette de SNCF Réseau, qui a été en partie reprise par l'État, voit sa charge diminuer parce qu'elle est progressivement remboursée.
Le Ciri ne peut accorder à ce stade de nouveaux prêts. En tout état de cause, dans le cadre des PGE, ce sont les banques qui ont accordé les prêts. Le Ciri peut seulement, lors des négociations de restructuration du passif des sociétés en difficulté placées sous son égide, proposer des étalements de PGE afin que les remboursements soient progressifs, et non à échéance.
La dette européenne ne figure pas dans cette mission.
Le choc inflationniste n'a pas eu d'effet réel sur la dette parce que la décision a été prise, malheureusement, de répondre à la crise par une dégradation du déficit. De manière plus générale, le Président de la République et les gouvernements successifs de l'époque ont été anesthésiés par les taux négatifs. Ils ont cru avoir la baraka ! Il est vrai qu'au début du précédent quinquennat, la BCE menait une politique monétaire en ce sens : avec le niveau bas des taux, l'État contractait de nouveaux emprunts moins chers que les anciens. Il faisait une bonne affaire ! Je dénonçais cet aveuglement lorsque j'étais rapporteur général. Cette politique était court-termiste et a produit un effet boule de neige en matière de niveau d'endettement et de charge de la dette.
Si un emprunt immobilier dans notre pays est presque toujours amortissable, l'État contracte pour sa part des prêts in fine, c'est-à-dire des prêts dont le capital est remboursé à l'échéance et non par mensualités : chaque année, il emprunte davantage, non seulement pour rembourser les emprunts qui arrivent à échéance, mais aussi pour couvrir les besoins de financement du déficit de l'année. Les 300 milliards d'euros que nous emprunterons cette année correspondent au montant du déficit 2024 et à celui des emprunts qui arrivent à échéance.
Sans doute faut-il changer le logiciel, madame Vanina Paoli-Gagin. Il faudrait trouver des freins, ainsi qu'un mécanisme global qui nous permettrait de prendre conscience collectivement du problème : emprunts qui arrivent à échéance, déficit primaire à l'origine de l'augmentation de la dette, écart de spread qui n'était sans doute pas prévu... Les masses sont considérables et, donc, les effets des aléas tout de suite importants.
La durée de vie moyenne de la dette avoisine huit ans et demi - certains prêts sont à trois jours, d'autres à cinquante ans -, échéance à laquelle l'augmentation des taux d'intérêt atteint son plein effet. Nous étions au-dessus de sept ans lors de mon arrivée dans cette commission. Des outils plus contraignants pour limiter notre endettement sont donc les bienvenus.
Enfin, le plan « Marseille en grand » a été financé par des subventions, et non par des prêts ou par des avances. C'est pourquoi les crédits de paiement du programme 829 n'ont pas été consommés. J'imagine que la métropole a réalisé des emprunts directement, c'est-à-dire sans passer par des dispositifs de prêts étatiques. D'autres programmes n'ont pas été financés. La métropole d'Aix-Marseille-Provence a été victime d'un effet d'annonce, qui ne s'est pas traduit par des crédits de paiement consommés.
Lorsque j'étais rapporteur général, et que le gouvernement nous présentait chaque année une magnifique courbe de baisse des taux tout en surestimant dans les lois de finances initiales les taux d'intérêt pour se réserver de bonnes surprises, je mettais en garde sur la dangerosité d'une politique reposant sur l'endettement et sur des taux dépendants des marchés. On n'était effectivement pas à l'abri d'aléas - à l'époque, je citais un choc pétrolier ou des conflits, sans envisager la possibilité d'une pandémie. Or nous avons eu le choc imprévu de la covid, et nous ne sommes pas sortis du quoi qu'il en coûte. Nous le payons aujourd'hui !
M. Pascal Savoldelli, président. - Une demande a été faite pour connaître la répartition géographique des entreprises défaillantes ayant contracté un PGE. J'observerai à cet égard que la sinistralité des PGE est difficile à évaluer, car les comportements ont été extrêmement divers selon les secteurs professionnels et la typologie des entreprises bénéficiaires.
L'insistance du rapporteur spécial sur la charge des intérêts de la dette, dont on parle trop peu, est intéressante et importante politiquement. Elle souligne la nécessaire distinction qu'il faut opérer entre ce qui relève des grandes politiques nationales financières et ce qui relève du rôle des marchés financiers.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur spécial. - La question de savoir si nous pourrons rembourser la dette est en réalité secondaire. La question essentielle est celle de l'augmentation du poids de la charge de la dette, qui découle de l'accumulation des déficits primaires et de l'augmentation du spread. Les taux d'emprunt étant auparavant peu élevés, la situation était relativement contenue, mais nous empruntons désormais plus cher, et des stocks de dette énormes empruntés plus cher pèsent forcément plus lourd dans la balance. Toute augmentation du spread engendre des chiffres absolument vertigineux par rapport au budget de l'État.
Malheureusement, nous ne parlons ici que du service de la dette. Il n'est question d'aucune dépense au service de la défense du pays ou de la santé des Français.
Article 42 (État B)
Je vous propose un amendement visant à supprimer le programme 369, en coordination avec l'amendement précédemment présenté par le rapporteur spécial Claude Raynal.
L'amendement est adopté.
La commission décide de proposer au Sénat d'adopter les crédits de la mission « Engagements financiers de l'État », sous réserve de l'adoption de son amendement.
La commission décide de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits des comptes de concours financiers « Accords monétaires internationaux » et « Prêts et avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics ».
La réunion est close à 10 h 10.
Vendredi 15 novembre 2024
- Présidence de M. Claude Raynal, président -
La réunion est ouverte à 15 h 00.
Mission d'information sur la dégradation des finances publiques depuis 2023, son suivi par l'administration et le Gouvernement et les modalités d'information du Parlement sur la situation économique, budgétaire et financière de la France - Audition de Mme Élisabeth Borne, Première ministre du 16 mai 2022 au 9 janvier 2024 (sera publié ultérieurement)
Le compte rendu de cette réunion sera publié ultérieurement.
Cette audition a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible sur le site du Sénat.
La réunion est close à 16 h 50.