Mercredi 6 novembre 2024

- Présidence de M. Jean-François Longeot, président -

La réunion est ouverte à 9 h 35.

Le déploiement des réseaux de fibre optique - Audition de représentants de l'Arcep, de l'ANCT et de Avicca

M. Jean-François Longeot, président. - Je souhaite la bienvenue à Alexandre Basquin, qui siège pour la première fois au sein de notre commission, où il remplace Pierre Barros, lequel a rejoint la commission des finances en remplacement d'Éric Bocquet. J'espère que notre nouveau collègue s'intégrera aussi bien que son prédécesseur dans notre « collectif », avec l'état d'esprit constructif qui irrigue les travaux que nous conduisons et dans le respect des sensibilités politiques de chacun.

J'en viens à notre réunion d'aujourd'hui, consacrée au déploiement des réseaux de fibre optique. La commission de l'aménagement du territoire et du développement durable suit attentivement les enjeux de l'aménagement numérique du territoire qui fait l'objet, chaque année, d'un avis budgétaire dont Sébastien Fagnen est aujourd'hui le rapporteur.

Nous portons une attention toute particulière à l'avancée du plan France Très Haut Débit, qui a pour objet de généraliser l'accès à la fibre optique sur le territoire, depuis son lancement en 2013. À mesure que les réseaux se sont constitués, nous avons également exercé une vigilance renforcée sur la qualité du service offert à nos concitoyens, notamment en examinant la proposition de loi visant à assurer la qualité et la pérennité des raccordements aux réseaux de communications électroniques à très haut débit en fibre optique, en avril dernier. Je salue d'ailleurs son auteur, notre collègue Patrick Chaize, présent aujourd'hui en qualité que président du conseil d'administration de l'Association des villes et collectivités pour les communications électroniques et l'audiovisuel (Avicca).

Notre commission est particulièrement attachée à la protection de l'égal accès de nos concitoyens aux réseaux de télécommunications. C'est la raison pour laquelle la fermeture du réseau « cuivre » historique d'Orange, par lequel nos concitoyens se connectent à l'internet haut débit (ADSL), me pose tout particulièrement problème. Il faut en effet que les réseaux de fibre optique soient installés sur l'ensemble du territoire et que le raccordement final soit mené sans malfaçon pour que cette fermeture ne se solde pas par une dégradation de la qualité de service.

J'appelle enfin l'attention de chacun d'entre vous sur les enjeux posés par la résilience des réseaux. Les inondations des dernières semaines nous l'ont rappelé, nous dépendons de plus en plus des réseaux, y compris pour apporter des réponses aux situations d'urgence, notamment aux événements météorologiques extrêmes : il faut s'assurer que les réseaux pourront toujours fonctionner contre vents et marées, si j'ose dire. Nous nous sommes récemment intéressés à ce sujet, dans le cadre d'une table ronde relative à la résilience des réseaux face aux aléas climatiques, organisée en mai 2024.

Pour aborder l'ensemble de ces questions, nous avons le plaisir de recevoir ce matin Mme Laure de La Raudière, présidente de l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep) ; M. Zacharia Alahyane, directeur des programmes France Mobile et France Très Haut Débit, au sein de l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) ; et, comme je l'ai déjà dit, notre collègue Patrick Chaize, président de l'Avicca.

Je souhaiterais avoir votre regard sur ces trois enjeux relatifs à l'aménagement numérique du territoire :

Quel bilan tirer du plan France Très Haut Débit, plus de dix ans après son lancement ? L'objectif de la généralisation en 2025 est-il toujours atteignable ?

Où en est-on de la fermeture du réseau de cuivre ? Le retard de déploiement de la fibre optique a-t-il été pris en compte dans le calendrier de fermeture ?

Quelles actions mettez-vous en oeuvre pour assurer une plus grande résilience des réseaux au changement climatique ?

Avant de vous céder la parole, en m'éloignant un peu du coeur de notre sujet, pour également évoquer la fin programmée de la 2G, prévue d'ici à la fin de l'année 2025 ou à la fin de l'année 2026, selon les opérateurs concernés. Quelques problèmes pourraient se faire jour, car des services y sont associés, comme les ascenseurs, les téléalarmes ou encore les dispositifs médicaux. Des incidents risquent d'en découler. Pourrez-vous aborder ce sujet ? Il ne faudrait pas que l'on se pose la question du fonctionnement de ces dispositifs le lendemain de cette transition...

M. Patrick Chaize, sénateur, président du conseil d'administration de l'Association des villes et collectivités pour les communications électroniques et l'audiovisuel. - Mon propos s'articulera autour de quatre axes.

Le premier est la complétude des réseaux. En 2010, l'État a misé sur le déploiement privé des réseaux, conformément à une condition imposée par la Commission européenne, et a attribué différents territoires aux opérateurs privés. Les opérateurs devaient choisir les leurs et, dix ans plus tard, en 2020, les réseaux devaient y être intégralement déployés.

Malheureusement, cet objectif n'a pas été atteint et, aujourd'hui encore, dans les zones couvertes par les opérateurs privés, les réseaux ne sont pas intégralement déployés. Ainsi, paradoxalement, dans certains territoires couverts par la puissance publique, le réseau est intégralement déployé, alors que les zones prises en charge par le privé ne le sont pas. D'où des déséquilibres incompris par nos concitoyens sur le terrain. Cette situation est d'autant plus incompréhensible que les zones couvertes par le public sont les plus difficiles à équiper.

J'ai donc du mal à comprendre que, pour choisir les communes dans lesquelles le réseau de cuivre sera fermé, on privilégie l'équilibre entre opérateurs d'infrastructure (OI) du point de vue du nombre de prises déployées plutôt que les opérateurs qui ont le plus oeuvré pour la complétude de leur réseau. C'est une manière de récompenser les mauvais élèves et de sanctionner les bons...

J'ajoute que le renoncement par l'État à cet objectif de complétude, pourtant fixé par le Président de la République pour 2025, s'est matérialisé par la renégociation de l'accord de 2018 avec Orange fondé sur l'article L. 33-13 du code des postes et des communications électroniques. Cette reculade généralisée, présentée pourtant comme une avancée, nous montre que les collectivités et le régulateur sont seuls pour défendre aujourd'hui cette exigence de complétude.

Il y a plusieurs exigences à défendre ; je me tourne vers le régulateur pour lui demander de tenir bon, dans la durée, pour empêcher la suppression du réseau de cuivre en l'absence du réseau de fibre ; on doit tenir, pour pousser l'opérateur historique à la complétude, notamment en zone très dense mais aussi en zone relevant d'un appel à manifestation d'intention d'investissement (Amii). Il convient que l'Arcep fasse respecter l'obligation réglementaire de complétude des points de mutualisation en cinq ans au maximum. L'Arcep a bien adressé des mises en demeure, mais aucune pénalité n'a été prononcée dans ce domaine.

Cela dit, l'État doit également honorer sa signature pour financer les décaissements des collectivités dans le cadre du plan France Très Haut Débit ; je me tourne plutôt vers l'ANCT à cet égard. À ce jour, le projet de loi de finances (PLF) pour 2025 ne permet pas de couvrir l'ensemble des besoins des collectivités. J'ai donc rappelé hier à Antoine Armand, en commission des finances, l'engagement de l'État envers les collectivités et le risque du transfert de dette de l'État vers ces dernières. Je rappelle en outre un engagement, confirmé par un courrier signé de trois ministres, pour ce qui concerne les crédits de Mayotte, dernier département français à se lancer dans un projet de déploiement de la fibre optique. La fibre optique pour tous doit être financée, réellement, pour tous. Si l'État s'arrête au milieu du gué, les collectivités ne pourront pas finir seules le travail...

L'État doit également honorer sa signature, sans quoi les réseaux d'initiative publique (RIP) cesseront tôt ou tard leurs travaux. Or rendre raccordables 100 % des locaux ne suffit pas, il faut les raccorder effectivement et, entre l'absence d'infrastructures mobilisables - si le fourreau est bouché, par exemple - et le fait que les logements neufs ne peuvent plus bénéficier depuis 2021 du service universel du cuivre, le raccordement ne va pas de soi.

En ce qui concerne le domaine public, la Banque des territoires propose de permettre l'utilisation des fourreaux d'Orange ; cela paraît être la meilleure solution, puisque cela ne requiert pas un euro d'argent public. Quant à la partie privative, elle nécessitera la mise en oeuvre d'un dispositif d'aide publique, éventuellement sous condition de ressources, liée à la fermeture du réseau de cuivre, qui est imposée à tous. Il faut donc aider ceux qui n'avaient pas prévu de passer à la fibre à le faire. L'État a prévu une expérimentation en ce sens dans le PLF 2025 ; c'est une bonne nouvelle. Toutefois, si cette expérimentation donne de bons résultats et si l'aide est pérennisée, tout en étant gérée par l'État afin de garantir l'égalité de traitement des clients quel que soit l'opérateur, cette aide devra être indirectement financée par les opérateurs privés.

Il ne faudrait pas céder à la facilité, de plus en plus promue par les opérateurs commerciaux (OC), qui consisterait à laisser tomber le raccordement à la fibre optique pour tous et à privilégier des technologies de substitution, comme la 4G fixe ou le raccordement par satellite. L'objectif de 100 % fibre doit demeurer l'ambition affirmée haut et fort par le Gouvernement. En effet, ces technologies, dont certaines ne sont pas souveraines, pourraient être plus présentes dans les zones Amii et les zones très denses, c'est-à-dire les zones les plus urbanisées du territoire, du fait de la moindre couverture de celles-ci par rapport aux zones bénéficiant d'un RIP.

Enfin, c'est la troisième exigence, il ne faut pas oublier l'enjeu de la « raccordabilité » de chaque Français, sans quoi nous laisserons entre 500 000 et 1 million de foyers sans solution de raccordement, alors que le réseau de cuivre va être bientôt fermé.

Le deuxième axe de mon intervention concerne la qualité des déploiements, promesse non tenue. Les indicateurs de suivi faussent la lecture et aggravent la situation.

La qualité des raccordements n'est en effet pas au rendez-vous. Les indicateurs de l'Arcep indiquent une amélioration, mais ils ne mesurent pas l'état des réseaux, donc les dégâts du mode Stoc (sous-traitance à l'opérateur commercial), non plus que les incidences sur ces réseaux. L'Arcep mesure les échecs au raccordement, c'est bien, mais ce n'est pas la mesure des conséquences du mode Stoc. Elle se demande si l'opérateur a pu faire démarrer la voiture, sans se demander s'il a dû défoncer la portière, casser le pare-brise ou arracher la moitié de la carrosserie ; tant que l'épave roule, tout va bien... Les opérateurs peuvent ainsi se féliciter que les choses aillent mieux, d'autant que, puisque les raccordements diminuent, leurs échecs diminuent aussi. Bref, cet indicateur ne témoigne véritablement pas de l'état du réseau.

L'Arcep mesure en outre l'évolution du nombre d'incidents, mais cette information n'est pas totalement partagée entre l'opérateur commercial et l'opérateur d'infrastructure. Un OC peut être intervenu à plusieurs reprises pour un problème d'accès à la fibre pour son client sans en avoir informé l'opérateur d'infrastructure (OI) via un ticket d'incident. Bien souvent, celui-ci n'apprend qu'incidemment l'existence de tels problèmes, quand il en est avisé par des élus, alertés eux-mêmes par les habitants. L'OC peut ouvrir un ticket d'incident mais, si le ticket a été ouvert à tort, ce n'est pas pris en compte dans les indicateurs. Bref, cet indicateur est laissé au bon vouloir des opérateurs commerciaux ; or ceux-ci souhaitent afficher que cela va mieux...

Quant aux mesures successives de la filière, plus personne n'y croit vraiment. La présidente de l'Arcep l'a formellement déclaré en septembre dernier, je l'en remercie. Toutefois, le nouveau ministre de l'industrie ne veut pas se saisir du sujet, si l'on en croit les propos qu'il a tenus au journal Les Échos la semaine dernière. La seule solution est donc de passer par la loi. Ma proposition de loi est peut-être perfectible, mais aucune autre proposition d'amélioration n'est venue d'où que ce soit, notamment des opérateurs, qui ont refusé de participer au débat. De fait, cette proposition de loi a été adoptée à l'unanimité par le Sénat. Un autre texte sur le même sujet a été déposé le 15 octobre à l'Assemblée nationale par M. Jean-Louis Thiérot, l'actuel ministre délégué chargé des anciens combattants, lorsqu'il était député ; c'est, à la virgule près, le texte adopté par le Sénat... J'en ai donc parlé au ministre et j'espère qu'il pourra peser de tout son poids au sein du Gouvernement pour que notre texte soit inscrit à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale.

Troisième point de mon propos : la résilience des réseaux. Nous ne pouvons être que favorables à tout ce qui peut améliorer celle-ci, à commencer par l'arrêt des dégâts provoqués par les raccordements du mode Stoc, première cause de non-résilience. Le véritable sujet est toujours le même : comment payer les travaux nécessaires à une plus grande résilience ? Cette question est d'autant plus essentielle que l'équilibre financier de la plupart des RIP n'est pas assuré. En ce qui concerne la gestion de crise, en cas de catastrophe - tempête, inondation -, la préfecture a toujours le même réflexe : interroger Orange, sans considérer les autres OI ni les acteurs publics du déploiement de la fibre optique.

J'en arrive à mon quatrième et dernier axe : l'équilibre économique des RIP.

Les collectivités ont lancé leurs travaux de déploiement dans un contexte différent de celui d'aujourd'hui. Il n'était pas possible de tout anticiper ; citons ainsi le changement de tarification du réseau Fiber to the Home (FttH), imposé par l'Arcep, le peu de retour d'expérience sur le mode Stoc et le financement des réparations des dégâts, la hausse plus rapide que prévu du coût du génie civil d'Orange, le manque d'entretien des supports aériens, notamment d'élagage - les RIP concentrent 83 % des supports aériens utilisés pour le déploiement de la fibre optique -, l'arrêt par l'État du service universel en 2020, l'absence de péréquation pour l'exploitation, alors qu'il y en avait une pour le premier établissement - tous les réseaux publics, comme l'électricité, ont un fonds de péréquation -, ou encore l'effet de plus en plus fort du changement climatique, notamment sur les réseaux aériens.

Les réseaux d'initiative publique ne sont pas tous confrontés aux mêmes difficultés ; leur situation dépend de la topologie de l'habitat et des réseaux, de l'exposition aux aléas climatiques et de la capacité du RIP à construire un réseau souterrain plutôt qu'aérien.

Il convient donc, et c'est urgent, de remettre en place une péréquation, sur le modèle du compte d'affectation spéciale « Financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale » (Facé), et de rétablir le service universel. Bref, il faut prolonger tout ce dont a bénéficié France Télécom, puis Orange par le passé.

Mme Laure de La Raudière, présidente de l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse. - Je suis heureuse d'intervenir devant vous ce matin pour faire le point sur ce chantier majeur d'infrastructure, essentiel pour nos concitoyens et les entreprises de nos territoires, qui a débuté voilà plus de dix ans.

Je rappellerai tout d'abord le rôle de l'Arcep dans le déploiement du plan France Très Haut Débit. L'Autorité a posé un cadre réglementaire visant à encourager les investissements efficaces et le co-investissement afin de couvrir tout le territoire en réseau fixe de fibre optique de qualité. Ce cadre réglementaire a été salué par une étude du cabinet Morgan Stanley, soulignant que la France est le pays dans lequel le cadre réglementaire de déploiement de la fibre s'appuie sur les investissements les plus efficaces, car il évite les doubles déploiements existant dans d'autres pays européens. Notre autre rôle est de contrôler les actions des opérateurs au regard des obligations de ce cadre réglementaire et d'informer les citoyens et collectivités sur la couverture fixe et mobile.

Le territoire est devisé en trois types de zones confiées à l'initiative privée :

Il y a d'abord les zones très denses - 106 communes -, où s'opère une concurrence par les infrastructures. Dans la majorité des cas, un seul opérateur déploie le réseau et il n'y a pas beaucoup de chevauchements. Nous n'avons pas conçu de cadre réglementaire au-delà du code européen des télécommunications, qui prévoit que, dans les zones pouvant présenter un intérêt pour l'ensemble des opérateurs, la concurrence s'applique.

Il y ensuite les zones Amii, que les opérateurs se sont réparties depuis 2010 et dans lesquelles ils se sont engagés à couvrir quelque 3 500 communes. À compter de 2018, ils se sont engagés, au titre de l'article L. 33-13, à couvrir 100 % des locaux en deux ans, avec 8 % au maximum des locaux raccordables à la demande.

Il y a enfin les zones relevant d'un appel à manifestation d'engagements locaux (Amel), qui sont des zones rurales dans lesquelles aucun projet RIP n'est lancé.

S'ajoutent à ces trois zones relevant de l'initiative privée les réseaux d'initiative publique, lesquels reposent sur un engagement fort des collectivités. En effet, dans certains territoires, ces zones sont en avance par rapport à la moyenne des zones très denses et Amii, ce qui peut occasionner une incompréhension des habitants des grandes villes. Via les RIP, les collectivités territoriales et les syndicats numériques, sont des acteurs régulés par l'Arcep.

Le fait que nous ayons désormais à réguler plus de 80 réseaux de fibre optique, contre un seul réseau de cuivre auparavant, a bien évidemment fait changer de nature le travail de l'Arcep.

Ainsi, à fin juin 2024, le réseau FttH couvre 89 % du territoire, après un rattrapage des zones RIP et des zones Amel au cours des dernières années.

J'en viens aux principales obligations issues du cadre réglementaire pour le déploiement du réseau FttH.

Première obligation : l'obligation de complétude des réseaux FttH. Les réseaux de raccordement des locaux doivent être déployés à l'arrière d'un point de mutualisation - l'armoire de rue - dans les cinq ans. Au printemps dernier, nous avons adressé à Orange et SFR une mise en demeure relative à 9 000 points de mutualisation concernant 600 000 locaux, pour lesquels ce délai n'a pas été respecté. Nous sommes très attentifs au respect de cette obligation de complétude. Quand nous mettons un opérateur en demeure de finaliser le déploiement, nous devons, aux termes du cadre réglementaire applicable, lui donner un délai lui permettant de le faire ; ce délai est calculé pour être ambitieux mais raisonnable. Nous serons également très attentifs au respect des engagements après mise en demeure.

Deuxième obligation : le déploiement du réseau de fibre comme préalable à la fermeture du réseau de cuivre. Nous sommes très vigilants sur ce point. La fermeture technique du réseau de cuivre du lot 1 est prévue pour la fin du mois de janvier 2025. L'autre étape importante dans la fermeture du réseau de cuivre est la fermeture nationale annoncée par Orange pour le 31 janvier 2026. Or, à cette date, le déploiement de certaines communes ne sera pas achevé, par exemple en Bretagne ou dans certaines zones Amii. Orange a donc révélé une liste de 350 communes qui ne seront pas concernées par cette fermeture nationale au 31 janvier 2026, au motif que les critères ne seront pas respectés. Nous sommes en pourparlers avec Orange pour que l'opérateur indique les autres communes qui feront l'objet d'un report, sachant que cela se détermine au fur et à mesure des déploiements. Nous serons en tout cas vigilants au respect des critères par Orange avant toute fermeture du réseau de cuivre.

Les engagements de déploiement du réseau FttH en zone Amii pris par Orange et SFR en 2018 au titre de l'article L. 33-13 font également l'objet d'une grande vigilance de notre part. Nous avons mis en demeure et sanctionné Orange pour non-respect du premier jalon de 2020 à hauteur de 26 millions d'euros ; ce n'est pas habituel pour un régulateur sectoriel, en tout cas pour l'Arcep, de prononcer des sanctions de ce niveau, car le processus de mise en demeure permet en général d'obtenir le résultat escompté. La sanction a été attaquée par Orange devant la juridiction administrative. Le Conseil d'État a validé vendredi dernier, non seulement son principe, mais encore son montant ! Cela montre l'importance que revêt le déploiement de la fibre optique pour les citoyens et pour la France.

La société Orange a renégocié sa deuxième échéance, celle de 2022, avec le Gouvernement. Les nouvelles obligations qui s'appliquent à elle ne conduisent pas à un raccordement à 100 % d'ici à 2025, mais elle s'est engagée à rendre les locaux raccordables à la demande et à créer une offre de détail de « raccordabilité » à la demande. Cette offre est maintenant disponible et nous veillerons à son déploiement et à la publicité qui en est faite ; elle doit permettre à une personne non raccordable de demander à l'être. Cela permettra de résoudre des demandes urgentes de clients, dans un délai maximal de six mois.

S'agissant de la qualité de service et d'exploitation des réseaux FttH, nous sommes très impliqués sur cette question. C'est un sujet de préoccupation personnelle depuis ma prise de fonction, car je n'imagine pas d'avoir un réseau neuf de fibre, technologie prometteuse, sans que la qualité soit à la hauteur. J'en ai donc fait une priorité.

En septembre 2022, la filière a pris, devant le Gouvernement et moi-même, un certain nombre d'engagements selon deux axes principaux.

Le premier axe est l'amélioration des actions au quotidien sur le réseau, qui passe par la formation des techniciens, la limitation à deux du nombre de rangs de sous-traitance, la mise en place de procédures de contrôle et d'échanges quotidiens d'informations entre OI et OC. Ce processus n'était pas en place auparavant, je ne suis donc pas étonnée des dysfonctionnements constatés. Aujourd'hui, dans l'immense majorité des cas, il n'y a pas plus de deux rangs de sous-traitance ; si vous constatez l'inverse dans vos territoires, faites-le-nous savoir. Les comptes rendus d'intervention avec photo ont été mis en place et sont, dans leur grande majorité, conformes. En outre, un outil de contrôle et d'échange d'informations - e-intervention - a été déployé par les opérateurs.

Le second axe concerne les actions de reprise de réseaux, lorsqu'ils sont trop accidentogènes. Les opérateurs nous ont notifié leurs plans de reprise et l'on constate de réelles améliorations. Nous avons mis en place un observatoire de la qualité des réseaux FttH ; nous en publierons la semaine prochaine la quatrième édition. Nous suivons le taux de panne sur les réseaux, calculé à partir des tickets d'incident transmis par les OC aux OI en cas de panne liée au réseau, et le taux d'échec au raccordement. L'analyse du taux de panne par réseau est intéressante, parce qu'elle permet de montrer que certains réseaux ont des taux de panne très élevés, quand d'autres ont des taux de panne faibles. Indépendamment des malfaçons sur le mode Stoc, que je ne nie nullement, certains réseaux posent spécifiquement problème. Je ne leur ferai pas l'affront de les citer, mais certains opérateurs ont des réseaux beaucoup plus accidentogènes que d'autres. Certains réseaux semblent donc, soit mieux construits, soit mieux exploités par les OI.

La prochaine édition de l'observatoire montrera une réelle amélioration du taux de pannes et du taux d'échecs au raccordement. Les plans de reprise produisent donc leurs effets, comme l'attestent les remontées de certains élus. Cela signifie également que la qualité quotidienne de service des opérateurs s'améliore, même si nous ne sommes pas encore au bout du chemin. Quoi qu'il en soit, c'est encourageant. À mon arrivée à l'Arcep, il existait un déni de la situation par les opérateurs commerciaux d'infrastructures et leurs sous-traitants. Certes, on enregistre au fil de l'eau un peu moins de raccordements, mais il en reste encore beaucoup. Il n'y a pas de saturation des réseaux en fibre, nous ne sommes pas au taux de pénétration maximal. Je serai vigilante jusqu'au bout pour continuer à améliorer la qualité de service.

Nous sommes en train de finaliser d'autres indicateurs qui refléteront mieux le mode Stoc, comme les taux de non-conformité des raccordements. C'est un travail très délicat de fiabilisation et d'échanges que nous menons avec les opérateurs. Nous exerçons une pression sur eux pour publier des indicateurs reflétant mieux les interventions elles-mêmes, conformément au souhait du président de l'Avicca.

Nous avons publié en juillet dernier le relevé géographique des déploiements actuels et à venir, qui donne une vision par départements et régions des prévisions de déploiement des opérateurs d'infrastructures. Certaines sont déjà à 100 %, d'autres sont à 95 %, mais prévoient de finir d'ici à 2025, d'autres sont encore plus en retard. Les données sont publiées en open data, et disponibles à échelle de la commune. Quoi qu'il en soit, en 2025, la couverture nationale atteindra 95 % des locaux.

Dans le cadre de notre rôle d'information des élus, des collectivités et des citoyens, nous disposons également d'outils de cartographie en matière de déploiement de la fibre optique. Grâce à « Ma connexion internet », on peut avoir accès aux débits à l'adresse, aux statistiques par strates administratives - communes, départements, régions -, ainsi qu'aux cartographies des déploiements FttH.

Je ne voudrais pas conclure sans répondre à la question concernant l'extinction des réseaux 2G et 3G par les opérateurs.

Cette annonce a été faite en premier par Orange en février 2022 pour une fermeture de la technologie 2G à la fin 2025. Le cadre européen des télécommunications nous oblige à délivrer et à attribuer les fréquences de façon neutre technologiquement. Les fréquences utilisées pour la 2G pourront l'être demain pour la 4G, sans intervention de l'Arcep. Bouygues et SFR éteindront la technologie à la fin 2026. Si Orange éteint ses réseaux, c'est pour réutiliser les bandes de fréquences de la 2G, mais aussi pour des raisons économiques et environnementales. En tout état de cause, l'Arcep n'a pas de levier pour enjoindre aux opérateurs de reporter cette extinction, mais nous leur avons demandé des informations sur les actions mises en oeuvre pour piloter l'extinction du parc des cartes SIM 2, qu'il s'agisse des téléphones, des systèmes d'alarme, des ascenseurs, des voitures, etc.

M. Jean-François Longeot, président. - Merci de vos réponses sur la fermeture de la 2G. C'est un sujet sensible pour nos territoires ruraux.

M. Zacharia Alahyane, directeur des programmes France Mobile et France Très Haut Débit de l'Agence nationale de la cohésion des territoires. - La dynamique de l'éligibilité des locaux au FttH a été excellente durant la dernière décennie, avec un pic lors de la crise sanitaire en 2020. Nous enregistrons depuis un ralentissement. Ces chiffres s'appuient sur l'observatoire de l'Arcep publié à la fin du mois de juin 2024. Pour le dernier semestre 2024 et pour l'année 2025 environ 4,5. millions de ne sont toujours pas éligibles.

La mécanique tourne très bien, nous en sommes tous fiers. L'objectif, ambitieux au départ, de généralisation de la fibre en 2025 apparaît à notre portée. Mais le plus dur reste à faire, comme l'ont souligné le sénateur Chaize et la présidente de l'Arcep, car ce sont aujourd'hui les lignes les plus complexes qu'il nous reste à déployer.

Je souhaite maintenant évoquer le niveau de couverture par département. Si on s'approche des 100 %, on ne l'atteint jamais en raison de la dynamique immobilière : un territoire bloqué à 100 % serait un territoire qui perdrait des habitants. Notre objectif est que cette la couverture de l'ensemble des départements approche 100 % d'ici à la fin de l'année 2025. Aujourd'hui 89 % des locaux du territoire national sont raccordables à la fibre, soit 39 millions de locaux, ce qui place la France en tête du classement européen. La dynamique que nous avons installée grâce à un cadre réglementaire et grâce à des choix politiques spécifiques a permis un niveau de déploiement assez exceptionnel.

Par ailleurs, l'appropriation de la fibre par nos concitoyens ne cesse de progresser. Les chiffres sont assez éloquents : 25,5 millions d'abonnements très haut débit (THD) en France, dont 23 millions d'abonnements fibre. Cela signifie que les nouveaux abonnements concernent la fibre. Nos concitoyens l'attendent, ce qui conforte les efforts que nous avons tous consentis ces dernières années, qu'il s'agisse de l'État, des collectivités ou des opérateurs.

Le déploiement en zone RIP est piloté par l'ANCT, en lien avec les collectivités, conformément au choix politique qui a été fait. Les zones d'initiative publique, ce sont celles où l'on fait un constat de carence de l'initiative privée. Comme l'a souligné le sénateur Chaize, il s'agit des zones les plus rurales et les plus complexes à raccorder.

Les collectivités se sont parfaitement saisies du problème, sans contrainte sur les porteurs de projets : il peut s'agir du département, du conseil régional, d'un syndicat mixte créé pour l'occasion, d'un syndicat d'énergie. Nous n'avons pas imposé de schéma ni de forme de contrat, mais il s'agit très souvent d'une concession de délégation de service public afin d'optimiser la dépense publique.

Au total, 14,6 millions de locaux en zones rurales sont raccordables au FttH sur les 17,3 millions de locaux que compte la zone d'initiative publique, en l'état actuel des bases de locaux à la fin du mois de juin 2024.

Les zones RIP sont caractérisées par davantage de dispersion dans le niveau de déploiement. Beaucoup plus de départements ont dépassé le taux de 95 %. Cela rejoint ce qu'a dit la présidente de l'Arcep : dans certains territoires, la zone d'initiative publique est plus avancée que la zone d'initiative privée. Les zones rurales sont donc plus déployées que les zones urbaines, ce qui est assez contre-intuitif.

Force est donc de reconnaître que les collectivités porteuses de projets se sont emparées du sujet avec volontarisme et ont créé une dynamique. L'ANCT les a accompagnées techniquement, mais aussi financièrement pour le compte de l'État à hauteur de 3,6 milliards d'euros versés en subvention aux territoires.

Certains territoires en zone RIP sont malgré tout en retard. Il s'agit des territoires qui rencontrent plus de difficultés que les autres en raison de complexités locales. Ils font l'objet d'une attention particulière de l'ANCT via des dispositifs d'accompagnement et d'audit afin de les aider à ancrer le plus vite possible un rythme industriel de production des lignes et d'aller atteindre la cible de 2025.

Nous savons d'ores et déjà que quelques territoires ne seront pas au rendez-vous à cette date. Ce sera le cas de la Bretagne, qui a fait le choix de viser dès le départ 2026. Ce sera également le cas de Mayotte, car le projet mahorais n'a pas encore démarré. Nous souhaitons que l'attribution de la délégation de service public ait lieu dans les toutes prochaines semaines. C'est essentiel pour que Mayotte dispose d'un réseau fibré au même titre que l'ensemble du territoire national. L'une des particularités de l'île est que l'entièreté de son territoire est une zone d'initiative publique. L'autre particularité est qu'étant un département depuis 2011, elle n'a pas bénéficié du plan téléphone des années 1970 et ne dispose pas d'un réseau téléphonique préexistant en fil de cuivre.

En bref, la dynamique en zone d'initiative publique est, elle aussi, excellente, et nous l'accompagnons, avec 2025 en ligne de mire. Quelques territoires sont en difficulté, mais nous travaillerons à leur côté pour la généralisation de la fibre.

Une dynamique de déploiements ne peut s'envisager sans qualité.

La qualité des déploiements détermine la performance des réseaux dans le futur. Un réseau qui fonctionne aujourd'hui peut ne plus fonctionner demain si la qualité de sa réalisation n'est pas à la hauteur : la fibre n'est pas destinée à être remplacée, elle est là pour plusieurs dizaines années ; ce qui va changer, en revanche, ce sont les équipements optiques des opérateurs commerciaux, qui évolueront pour aller vers la meilleure technologie afin d'offrir toujours plus de services à nos concitoyens. Aujourd'hui, on passe du flux vidéo par ADSL, c'est-à-dire sur du fil de cuivre : qui imaginait cet usage il y a cinquante ans, dans les années 1970 ? Il en ira de même pour la fibre que nous installons aujourd'hui. Quel usage en ferons-nous dans cinquante ans ? Personne ne peut l'anticiper. Il importe donc de très bien construire nos réseaux pour ne pas avoir à les reprendre plus tard : il serait inadmissible de devoir couper dans dix ans l'accès internet de milliers d'abonnés parce que nous aurions financé un réseau de mauvaise qualité.

La qualité des raccordements, quant à elle, détermine l'appréciation de nos concitoyens du plan France Très Haut Débit de l'ANCT. C'est la dernière étape du déploiement, celle où le réseau entre dans le logement de nos concitoyens. Il nous faut, là encore, préserver la qualité. Vous le savez mieux que moi sur vos territoires, des mauvais raccordements, cela revient aussi à abîmer les réseaux construits.

L'ANCT s'est donc dotée d'un outil de contrôle via des audits de qualité des projets. L'objectif est d'accompagner les collectivités dans le renforcement de leurs projets. On ne saurait imaginer qu'un territoire dispose d'un réseau de moins bonne qualité que son voisin, cela risquerait d'éloigner les investisseurs. Les audits donnent de la force aux territoires vis-à-vis des opérateurs d'infrastructures, qui essaient bien souvent d'optimiser la dépense.

Il s'agit également de diagnostiquer les éventuelles difficultés, et de proposer des solutions techniques et opérationnelles concrètes. L'ANCT ne lâche rien et agit en bonne intelligence avec les territoires. Je précise que nous ne réalisons ces audits que sur les réseaux d'initiative publique que nous finançons. Nous n'en faisons pas dans les zones privées.

Le président Longeot a évoqué la question de la résilience. L'Arcep en donne une excellente définition en indiquant qu'il s'agit de la : « capacité d'un opérateur à s'assurer le retour à un fonctionnement normal des infrastructures qu'il opère et des services qu'il fournit dans le délai le plus court possible, à la suite de défaillances majeures de son réseau causant des dégradations et interruptions de service ».

Un réseau résilient n'est donc pas un réseau résistant absolument à tout. C'est un réseau qui peut rencontrer des difficultés, mais qui est capable de retrouver très rapidement un fonctionnement normal. La fin du réseau en cuivre est prévue pour 2030 : la fibre deviendra alors le réseau de référence des communications électroniques. Si un événement majeur entraînait des difficultés pendant cinq ou six jours, cela ne manquerait pas d'avoir un impact important. Je pense aux catastrophes naturelles, mais aussi aux accidents industriels, aux atteintes involontaires lors de travaux sur la chaussée, aux pannes majeures d'équipements du réseau, aux actes de malveillance, etc.

Pour autant, les enjeux de résilience des réseaux s'étudient et se travaillent à « froid ». Ce n'est pas lorsque survient l'événement lui-même que l'on fait de la résilience. Lors de l'événement, on est dans l'urgence et on essaie de s'en sortir comme on peut. Voilà pourquoi il est déterminant de préparer cette résilience.

L'ANCT a travaillé avec la Banque des territoires à la publication d'un guide destiné à donner des clés de compréhension sur le contexte de la résilience aux porteurs de réseaux d'initiative publique, aux préfectures, mais aussi à l'ensemble des acteurs. Il s'agit d'une méthode d'élaboration d'un schéma local de résilience destiné à recenser les risques sur un territoire donné et les réponses à y apporter. C'est déterminant, mais ce n'est que la première étape. Certains acteurs industriels me disent que la résilience c'est l'enfouissement : c'est faux ! Il ne peut s'agir que d'une réponse ponctuelle, en aucun cas d'une réponse globale.

L'architecture d'un réseau est, selon moi, la première étape de la résilience. Si le réseau est doublé, s'il passe par deux endroits différents, le flux d'information ne sera pas interrompu si l'une des sections est coupée. Nous encourageons donc le plus possible ce bouclage. Les équipements ont aussi toute leur importance : avons-nous des pièces de rechange ? Quid également de la résilience des réseaux d'énergie ? Sans parler du sujet organisationnel. Jusqu'à présent, en cas d'événement majeur dans un département, la préfecture appelait l'opérateur historique Orange. Demain, ce ne sera plus possible, car il y aura plusieurs opérateurs sur un même territoire. La gestion des crises sera donc plus complexe. C'est la raison pour laquelle l'ANCT travaille avec la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC) pour mettre à jour le guide des plans Orsec Retap'Réseaux.

Par ailleurs, nous avons organisé avec nos collègues de l'Arcep et du ministère de l'économie des retours d'expérience de tous les territoires de la façade Ouest qui ont subi des événements climatiques en 2023. On doit en tirer des conclusions et le plus d'enseignements possible, c'est important pour l'ensemble des territoires.

M. Sébastien Fagnen, rapporteur pour avis sur les crédits relatifs à l'aménagement numérique du territoire. - Ces interventions viendront nourrir utilement l'avis budgétaire que je vous présenterai dans quelques semaines.

L'année 2024 est une année charnière pour le développement de la fibre optique en France, et ce pour plusieurs raisons.

Tout d'abord, après une décennie de progrès rapides, la vitesse du déploiement des réseaux marque le pas. Le plus dur est effectivement devant nous, car nous devons achever la couverture dans un contexte particulier d'attrition budgétaire.

Par ailleurs, l'étendue des réseaux de fibre optique rend aujourd'hui plus que jamais cruciales les questions de qualité du raccordement final et de résilience.

Enfin, comme l'a mentionné le président Longeot, la fermeture du réseau « cuivre » est programmée à un horizon extrêmement proche.

Tout d'abord la question du déploiement de la fibre optique dans le contexte budgétaire que nous connaissons me semble cruciale. Après un coup de rabot de 25 % des crédits de paiement en plein exercice budgétaire en février dernier, le projet de loi de finances pour 2025 prévoit une nouvelle diminution de moitié des crédits. Cette situation menace le déploiement des RIP mené par les collectivités locales, alors que ces crédits ont vocation à financer des dépenses engagées depuis plusieurs années.

Comment l'ANCT, qui est chargée de la gestion des crédits du plan France Très Haut Débit, a-t-elle géré cette réduction inopinée de ses crédits ? Quel sera son impact sur le rythme du raccordement ?

Comment les collectivités territoriales accueillent-elles cette nouvelle donne budgétaire, qui vient s'ajouter à des efforts exigés ? Met-elle en péril les finances des plus volontaristes d'entre elles ?

Mon collègue Saïd Omar Oili vous posera tout à l'heure une question complémentaire relative au déploiement de la fibre à Mayotte. Un amendement avait été adopté lors du projet de loi de finances pour 2024 à l'initiative de notre commission, mais ces crédits ont été particulièrement malmenés, car il a fallu faire des économies au premier semestre de l'année 2024.

Par ailleurs, sur la qualité du raccordement final au réseau, nous espérons que la proposition de loi de notre collègue Patrick Chaize adoptée à l'unanimité prospérera à l'Assemblée nationale. Quel bilan tirer des engagements des opérateurs depuis 2020 ? La qualité de service progresse-t-elle ? Faut-il que le législateur prenne des mesures afin de régler cette situation ?

Je m'inquiète également de la résilience des réseaux, mise à mal par des événements météorologiques extrêmes, ainsi que par des actes de malveillance et de sabotage, comme le 29 juillet dernier. Comment assurer une meilleure protection de nos réseaux de fibre optique ? Comment faire face aux coûts des investissements à venir, estimés entre 5 milliards et 15 milliards d'euros par la Banque des territoires ? Il ne faut jamais perdre de vue la matérialité des réseaux, et donc la nécessaire sécurisation de ces derniers contre les aléas climatiques, qui sont appelés à être de plus en plus récurrents et violents, mais aussi contre les actions de sabotage. Comment assurer une meilleure protection ? Vous avez apporté quelques éléments de réponse, mais ce débat n'a pas fini de nous agiter.

Cette question de la résilience est d'autant plus cruciale dans le contexte de fermeture du réseau de cuivre. Je partage pleinement les interrogations du président Longeot : comment envisager une telle fermeture alors que l'ensemble du territoire n'est pas encore raccordé ? Ne faudrait-il pas prendre d'abord des mesures fermes de garantie de qualité du raccordement au réseau de fibre optique afin d'éviter que certains de nos concitoyens ne soient captifs d'un réseau de faible qualité ? Quels enseignements peut-on d'ores et déjà tirer des premières expérimentations de fermeture ?

Je terminerai enfin par les perspectives budgétaires : quid du financement dans le projet de loi de finances pour 2025 des raccordements complexes, lesquels seront éminemment stratégiques ?

M. Zacharia Alahyane. - Malgré les annulations de crédits prévues en février dernier, nous serons en mesure d'assurer l'ensemble des versements du programme France Très Haut Débit pour l'année 2024, donc de répondre favorablement à l'ensemble des demandes.

Les raisons en sont multiples. Tout d'abord, les crédits de paiement versés jusqu'à présent ont été supérieurs aux besoins. Tout se passera donc bien pour 2024. En 2025, nous allons effectivement enregistrer des baisses de crédits de paiement, mais cela n'est pas anormal. Un certain nombre de territoires en zone RIP ont fini ou quasiment fini leur réseau : fatalement, il y aura moins de demandes. En revanche, force est de constater que, selon les prévisions, cette demande pour l'année 2025 sera supérieure aux 200 millions d'euros aujourd'hui prévus par le programme France Très Haut Débit.

Comme vous l'avez rappelé, le cadre budgétaire est très contraint. Nous nous attachons donc à actualiser les besoins. Cet exercice subtil que nous menons avec l'ensemble des porteurs de projets sera terminé au tout début du mois de décembre. Nous disposerons alors de chiffres plus robustes. Quoi qu'il en soit, il n'y a absolument pas de remise en cause des engagements de l'État. Les conventions signées par l'ANCT resteront valides. L'impact est donc plutôt sur la trésorerie. Reste à savoir qui absorbera les éventuels surcoûts de 2025. Si d'aventure nous devions manquer de crédits, nous essaierions de trouver la solution la plus intelligente pour préserver l'ensemble des projets.

Mme Laure de La Raudière. - Vous m'avez interrogée sur les résultats et le bilan des actions des opérateurs sur la qualité des réseaux. Je le redis, l'Arcep constate aujourd'hui des améliorations, mais nous ne sommes pas au bout du chemin - cela figurera dans le prochain observatoire de la qualité des réseaux en fibre optique.

Vous m'avez aussi interrogée sur d'éventuelles mesures législatives, notamment au regard de la proposition de loi de Patrick Chaize en instance d'examen par l'Assemblée nationale. Je soutiens les articles 4 et 5 de ce texte. L'article 4 vise à donner de nouveaux pouvoirs à l'Arcep pour réaliser des audits de qualité à la charge des opérateurs. Notre budget aujourd'hui ne nous permet pas de faire des audits de terrain comme nous le faisons dans les enquêtes de qualité des services mobiles, qui sont à la charge des opérateurs. Avec un dispositif similaire, l'Arcep pourrait réaliser des audits de qualité et neutres. L'article 5, quant à lui, porte sur le droit de la consommation. Il ne s'agit pas de réguler le marché de détail, mais cet article, qui donne des obligations aux opérateurs, permettrait d'améliorer la qualité.

Quant à notre retour d'expérience sur les premières fermetures du réseau de cuivre, elles se sont globalement bien passées, mais il s'agissait de tous petits lots. Fin janvier prochain, nous serons sur 200 000 lots : c'est un peu plus volumineux, mais ça reste encore gérable. Nous passerons à l'échelle industrielle lorsque nous nous attaquerons au lot 2. Pour information, Orange est actuellement en concertation avec les collectivités sur le lot 4 de fermeture du réseau de cuivre, qui interviendra fin 2027.

M. Patrick Chaize. - Sans surprise, les collectivités locales perçoivent ce nouveau budget avec beaucoup d'inquiétudes. La diminution des crédits est une mauvaise idée : ce ne sera qu'un report de charges ! Cela pourrait avoir des conséquences sur les budgets des collectivités locales, lesquelles devront peut-être avoir recours à l'emprunt. Il ne s'agit donc pas d'une non-dépense. Il importe de le faire comprendre aux services de Bercy. Nous avons d'ailleurs commencé à discuter avec eux afin que cet élément soit pris en compte.

M. Saïd Omar Oili. - Comme l'a souligné mon collègue Sébastien Fagnen, les moyens du plan France Très Haut Débit ont subi des coupes budgétaires sévères ces dernières années.

Je tiens, en particulier, à mentionner la diminution des autorisations d'engagement pour 2024 du plan France Très Haut Débit, qui ont vocation à financer de nouveaux investissements. Ces dernières ont été réduites de 39 % en février dernier. Le projet de loi de finances prévoit également un niveau particulièrement faible d'autorisations d'engagement pour 2025.

Or, notre commission avait adopté un amendement conservé dans le texte définitif de la loi de finances, tendant à augmenter de 50,5 millions d'euros les autorisations d'engagement du plan.

L'objectif de cet amendement était de soutenir le déploiement des réseaux d'initiative publique à Mayotte, seul territoire ne disposant pas de moyens financiers permettant le déploiement de la fibre. Je rappelle, par ailleurs, que seuls 40 % des locaux ont un accès internet à très haut débit à Mayotte, contre environ 90 % au niveau national.

Dans un courrier adressé au président du conseil départemental de Mayotte daté du 20 juin 2024, l'ancien ministre aux outre-mer, Mme Guévenoux, l'ancien ministre délégué aux comptes publics, M. Cazeneuve, et l'ancien secrétaire d'État chargé du numérique, Mme Ferrari, avaient réitéré l'engagement du Gouvernement dans l'investissement de 50,5 millions d'euros pour le développement de la fibre optique à Mayotte.

Je vous informe également que le délégataire a été choisi par le conseil départemental de Mayotte. Une délibération sera prise dans ce sens en assemblée. Bien entendu, les élus de Mayotte s'attendent à ce que l'État respecte ses engagements.

Ma question s'adresse donc à M. Zacharia Alahyane. Le déploiement de la fibre optique à Mayotte est-il mis à mal par cette diminution des moyens du plan France Très Haut Débit ?

M. Damien Michallet. - Madame de La Raudière, vous avez dit que le déploiement du mode Stoc allait dans le bon sens, mais qu'il fallait des tableaux de bord différents pour s'assurer que cela correspondait bien à une réalité industrielle. À l'avenir, ce mode fonctionnera-t-il toujours dans le cadre du churn ou faudra-t-il opter pour un opérateur d'infrastructure ?

Monsieur Alahyane, j'ai bien entendu que le budget n'était pas remis en cause dans sa globalité. Le ministre Antoine Armand a insisté sur la nécessité de ne pas changer nos ambitions en matière de fibre optique. Cependant, si un décalage survient, qui paiera ? Qui assurera la trésorerie ? Cette alerte concerne particulièrement les territoires en retard comme la Bretagne ou Mayotte.

Par ailleurs, une enveloppe particulière a-t-elle été fléchée vers les raccordements complexes, dont le coût est estimé entre 600 millions d'euros et 1 milliard d'euros ?

Enfin, monsieur Chaize, nous croyez-vous réellement capables de procéder à 100 % du décuivrage des réseaux et de tenir le calendrier du plan de décommissionnement, pour atteindre le 100 % fibre à l'horizon de 2030 ?

M. Louis-Jean de Nicolaÿ. - Merci d'avoir rappelé le rôle de l'ANCT dans le déploiement de la fibre et le soutien aux territoires. Le taux d'éligibilité au raccordement est compris entre 90 % et 95 %, mais qu'en est-il du taux d'abonnement ? Certains territoires sont-ils plus en retard que d'autres dans ce domaine ?

Faut-il s'attendre à l'avenir à une disparité tarifaire entre les territoires ruraux et urbains, ou les mêmes tarifs seront-ils maintenus sur l'ensemble du territoire français ?

Par ailleurs, le développement des data centers est un enjeu de sécurité majeur.

Je remercie Patrick Chaize de son engagement en faveur du développement du très haut débit dans tous les territoires.

M. Guillaume Chevrollier. - Merci d'avoir rappelé que l'État doit honorer sa signature dans le cadre du déploiement du plan France Très Haut Débit. Madame de La Raudière, quelles mesures envisagez-vous pour accélérer ce déploiement et tenir les objectifs du plan ? Dans votre rapport, publié en juillet dernier, vous avez indiqué que la fourniture d'informations trompeuses, erronées ou incomplètes constituait un manquement susceptible d'être sanctionné. Pourriez-vous nous en dire davantage ?

Je reviens enfin à l'amende, confirmée par le Conseil d'État, imposée à Orange pour non-respect de ses engagements. Quelles mesures concrètes pourraient être envisagées pour éviter de futures sanctions ?

M. Jean Bacci. - Dans la communauté de communes Lacs et Gorges du Verdon, sise dans le Haut-Var, le taux de couverture du réseau fibre s'élève à 30 %. Il y a quatre ans, comprenant que nous serions les derniers servis, la communauté de communes et le département s'étaient engagés à faire venir la fibre optique dans chaque village, au niveau des centrales téléphoniques. Les travaux nécessaires ont été menés durant les deux années suivantes. Toutefois, il a fallu des mois pour que l'appareillage nécessaire à l'alimentation de la fibre et à son fonctionnement soit installé par Orange. Cet appareillage est en outre sous-dimensionné. Compte tenu de la nature fortement touristique de notre communauté de communes, sa population est multipliée par quatre ou cinq, voire par dix dans certains villages pendant les vacances scolaires. En ces moments-là, le réseau ne fonctionne plus.

Nous avons par ailleurs mené d'importants efforts pour enfouir les lignes dans nos villages ou à tout le moins mettre les fils sous génoise aux endroits où la fibre était raccordée. Or nous voyons désormais fleurir des câbles sur toutes les façades, voire à travers les rues. N'étant jamais avertis des opérations de raccordement des sous-traitants des opérateurs, nous ne pouvons pas intervenir pour les empêcher de faire n'importe quoi.

M. Zacharia Alahyane. - Un courrier du Gouvernement a bien été transmis au territoire de Mayotte, le 8 juin dernier, annonçant un souhait d'accompagnement de ce territoire pour un montant maximum de 55 millions d'euros de subventions.

Le projet de délégation de service public va démarrer. Mayotte fait l'objet d'une attention toute particulière de notre part. Nous sommes à son entière disposition. Je salue le dynamisme et le courage de l'équipe chargée de ce projet.

À la suite de l'annulation des crédits survenue en février dernier, l'ANCT n'a pas retrouvé les autorisations d'engagement nécessaires pour pouvoir contractualiser. Or la contractualisation conditionne le dépôt, par les territoires, des dossiers de demande de subventions, que nous pouvons instruire ensuite. Sans autorisations d'engagement, nous ne pouvons rien faire.

Si le PLF devait évoluer, nous nous adapterions pour accompagner le territoire mahorais le mieux possible. Vous pouvez compter sur moi pour lui apporter un soutien technique permanent.

M. Patrick Chaize. - Le retrait des crédits de Mayotte dans le PLF est incompréhensible, d'autant qu'il n'engendrera aucune économie. C'est une erreur technique manifeste, dont j'ai déjà discuté avec le ministre. Pour que la collectivité soit rassurée et pour que le dossier soit traité dans de bonnes conditions, nous devons revenir à ce qui avait voté dans le PLF 2024. Je suis sûr que nous parviendrons à corriger ce point durant nos débats dans l'hémicycle.

Mme Laure de La Raudière. - Concernant l'expérimentation de migration d'un opérateur à l'autre désigné comme mode churn, notre observatoire de la qualité des réseaux en fibre optique a constaté une amélioration. J'ai néanmoins demandé aux opérateurs de conduire une expérimentation en mode « opérateur d'infrastructure » pour le churn, en cas de fermeture technique du réseau de cuivre. Orange, en tant qu'opérateur d'infrastructure, a sollicité les opérateurs commerciaux pour y travailler.

Il existe deux types de raccordements complexes : en domaine public et en domaine privatif. L'Arcep a publié une recommandation l'année dernière précisant la responsabilité de l'opérateur d'infrastructure de réaliser ces raccordements complexes en domaine public, à des tarifs potentiellement différents de ceux de raccordements classiques. Pour ce qui concerne la partie privative, une expérimentation a été annoncée par le Gouvernement la semaine dernière pour aider les ménages les plus modestes.

Les abonnements à la fibre représentent 70 % des abonnements d'accès à internet, et un taux de pénétration moyen sur les réseaux de fibre optique de 50 %. Le taux de pénétration des accès à internet par rapport au nombre de locaux en France avoisine quant à lui les 85 %.

Pour ce qui est des prix, le marché de détail n'est pas régulé. Les opérateurs commerciaux ont pour politique d'assurer une péréquation tarifaire, mais la question de l'équilibre financier des RIP se pose. Le tarif d'exploitation des RIP est proche de celui des zones Amii, mais devrait lui être légèrement supérieur. Nous avons entrepris un travail de fond sur ce sujet. Nous avons besoin de données des collectivités et des opérateurs en délégation de service public pour alimenter cette réflexion.

Par ailleurs, il n'existe pas de lien direct entre le déploiement des centres de données et celui des réseaux de fibre optique.

L'affirmation, contenue dans notre rapport de juillet, selon laquelle la fourniture d'informations erronées est passible de poursuites, est une expression classique pour les régulateurs. Les acteurs régulés sont responsables des informations qu'ils nous transmettent. Nous souhaitons des informations fiables. Si cette règle n'est pas respectée par un acteur de façon récurrente ou intentionnelle, une sanction doit s'appliquer. En cas de doute sur le respect de cette obligation par un opérateur, nous ouvrons une procédure. La formation de règlement des différends, de poursuite et d'instruction, dite formation RDPI, de l'Arcep examine le dossier. Si les faits sont caractérisés, nous mettons l'opérateur en demeure de respecter ses obligations. En cas de non-respect du contenu de la mise en demeure, nous décidons, selon les cas de figure, de notifier des griefs et d'imposer, ou non, une sanction. Nous assurons une forme de pilotage au moyen de questionnaires envoyés aux acteurs, comme dans une procédure de contentieux. Nos décisions peuvent être attaquées devant le Conseil d'État.

Enfin, tant que la fibre n'est pas déployée, les montées en débit installées par Orange dans la communauté de communes Lacs et Gorges du Verdon demeureront insuffisantes pour écouler le trafic. Des difficultés se présentent effectivement pour l'écoulement du trafic du réseau mobile compte tenu de la nature fortement touristique de la zone. Nous sommes attentifs à ce sujet. Nous nous efforcerons d'étudier ce phénomène dans notre prochaine enquête sur la qualité de service des réseaux mobiles.

M. Jean Bacci. - Dans les gorges du Verdon, nous n'avons pas de réseau mobile. Pas moins de 600 000 personnes visitent les gorges chaque année et ne peuvent même pas se servir de leurs téléphones portables en cas de problème. Pour assurer leur sécurité, le parc du Verdon et les pompiers ont instauré une radio pour l'été. Il est impensable que l'on n'ait pas de pylônes qui fonctionnent !

M. Patrick Chaize. - Monsieur Michallet, le churn a été abordé dans l'article 3 de la proposition de loi visant à assurer la qualité et la pérennité des raccordements aux réseaux de communications électroniques à très haut débit en fibre optique. Cet article défend également un mode de raccordement par l'opérateur d'infrastructure.

Nous nous battrons par ailleurs pour que tous les endroits raccordés en cuivre soient raccordés à la fibre. Partout où il y a du cuivre, il faut de la fibre optique.

Certains opérateurs développent une tarification intéressante pour les offres de téléphonie. Dans le cadre du décommissionnement, certaines personnes n'ont en effet pas besoin d'une offre complète. Il existe des propositions tarifaires en fibre optique à des coûts équivalents à celui de l'accès téléphonique. Je remercie Louis-Jean de Nicolaÿ d'avoir rappelé notre combat de l'époque pour le choix de la fibre. Je remercie également Mme de La Raudière qui a beaucoup oeuvré dans ce sens en tant que députée.

Le déploiement désordonné, mentionné par Jean Bacci, de la fibre optique par les entreprises dans les villages, sans que les autorités locales en soient prévenues, est absolument anormal. Les entreprises doivent respecter le cadre réglementaire, notamment l'obligation de dépôt des déclarations d'intention de commencement de travaux (DICT). La collectivité a les moyens de s'assurer que ces travaux sont réalisés dans de bonnes conditions.

En 2018, a été instauré le New Deal mobile, qui, dans le cadre de la « couverture ciblée », a compté les collectivités territoriales parmi ses acteurs. Il serait intéressant de voir pourquoi le département pilote n'a pas identifié les gorges du Verdon comme une priorité de déploiement.

Il faut enfin que l'on trouve la bonne définition des raccordements complexes. Ce ne sont sûrement pas les raccordements qui coûtent cher. Il s'agit de deux sujets différents. Malheureusement, les opérateurs ont tendance à ne pas les réaliser en raison de leur coût.

M. Zacharia Alahyane. - L'ANCT pilote, au niveau national, l'ensemble du travail consistant à imposer aux opérateurs d'aller couvrir des zones, dans le cadre du New Deal mobile. Soit la couverture de certaines zones des gorges du Verdon est déjà prévue par la « couverture ciblée », auquel cas nous regarderons comment accélérer ce processus ; soit il n'en est rien et je peux vous garantir que ces zones pourront être couvertes par le dispositif. Nous sommes en effet à la fin du processus de décision. Le Gouvernement n'a pas fait état de sa volonté de prolonger le dispositif. N'hésitez pas à contacter l'équipe projet de votre département, la préfecture ou le conseil départemental pour davantage d'informations.

L'ANCT pilote par ailleurs un dispositif de subventionnement des raccordements complexes en domaine public. Plusieurs territoires nous ont fait des demandes de subvention, que nous instruisons. Nous nous apprêtons à contractualiser. Chaque convention établie avec les territoires en question couvre dix ans. Pendant dix ans, ces derniers pourront percevoir une subvention de l'État pour réaliser des raccordements. Ce dispositif est évidemment affecté par l'indisponibilité des crédits de paiement dans le PLF 2025. Tout cela sera géré le plus intelligemment possible en fonction des ressources dont nous disposerons.

M. Bernard Pillefer. - J'ai présidé il y a quelque temps le syndicat mixte ouvert Val de Loire Numérique qui a soutenu le déploiement de la fibre dans le Loir-et-Cher et en Indre-et-Loire. Le niveau de déploiement dépasse désormais les 98 %, et l'on relève un taux de pénétration, un peu décevant, de 50 %. Le décommissionnement du cuivre facilitera cependant cette montée en puissance.

J'en viens à la pérennisation des supports Orange après le décommissionnement du cuivre, sujet que j'avais évoqué déjà dans le groupe d'études Numérique présidé par M. Chaize. Ces supports seront à l'avenir uniquement des supports de la fibre tout en restant propriétés d'Orange. L'Arcep pourrait-elle engager des démarches pour le maintien de ces supports, qui sont vitaux ? Orange, qui n'assume déjà pas la maintenance nécessaire pour son propre réseau, reconnaît qu'il faudrait une offre de service pour remplacer le génie civil défectueux. Mais cette offre n'existe pas, et Orange ne respecte pas ses obligations. C'est un sujet important.

Les territoires se sont approprié le déploiement de la fibre, notamment dans le monde rural, et cela donne de bons résultats. Je remercie l'Arcep et l'ANCT pour nos échanges fructueux de l'époque. Il reste néanmoins le problème des branchements complexes. Nous avions oeuvré sur ce point pour un accompagnement spécifique de l'État auprès des opérateurs. J'ai cru comprendre qu'une contractualisation était envisagée. Ce serait bien de le préciser. J'espère que vous avez porté ce système à la connaissance des structures qui déploient la fibre. Je le vérifierai auprès du syndicat mixte ouvert Val de Loire Numérique.

La fermeture du 100 % cuivre est annoncée au 31 janvier 2026. Je rejoins les préoccupations de mes collègues Jean-François Longeot et Patrick Chaize à cet égard. Il faudra notamment faire preuve de vigilance quant à la prise en compte des réalités de terrain. Nous souhaitons qu'Orange entende ces messages. La qualité de maintenance des réseaux est par ailleurs essentielle. Déployer la fibre de façon qualitative est une chose, en assurer la maintenance en est une autre. Nous savons sur ce point quelles difficultés les collectivités territoriales rencontrent avec Orange.

Enfin, on peut se réjouir de l'importance du programme New Deal mobile, mis en oeuvre par l'État. Les collectivités locales, en partenariat avec les préfectures, ont conduit des opérations pour définir les zones à couverture ciblée, ce qui réduit considérablement le nombre de zones blanches. Je voudrais également vous alerter sur le sujet des zones grises, où l'on ne compte qu'un seul opérateur. Il faut forcer à la mutualisation des supports pour ménager la concurrence entre les opérateurs.

Mme Jocelyne Antoine. - La société Starlink, fournisseur d'accès à internet par satellites de SpaceX, a demandé à l'Arcep l'autorisation d'étendre ses fréquences pour ses satellites de seconde génération. L'Arcep ayant lancé une consultation publique sur le sujet en juin dernier, la société a fait tout un battage auprès de ses clients, en leur envoyant de multiples mails pour influencer leurs réponses. Comment la France pourrait-elle utiliser Starlink pour réduire la fracture numérique et garantir à tous l'accès à internet en haut débit ? Près de 6 300 satellites Starlink gravitent au-dessus de nos têtes. Le résultat de l'élection présidentielle américaine laisse présager un déploiement massif par Elon Musk de ces satellites, avec tout ce que cela implique en matière de manipulation de l'opinion.

Avez-vous déjà des pistes quant aux résultats de la consultation ? Comment gérez-vous les réponses de clients ayant subi un fort lobbying de la part de Starlink ? Répondrons-nous favorablement à la demande d'extension des fréquences de cette société et, le cas échéant, à quel niveau ?

M. Pierre Jean Rochette. - Comment peut-on, en lien avec l'Arcep, lutter contre les écrasements, véritable fléau pour les entreprises et les utilisateurs individuels ? Une entreprise peut être mise en difficulté pendant plusieurs jours avant que la source du problème soit identifiée. L'absence de possibilité de poursuite à l'encontre des entreprises responsables des écrasements est véritablement problématique.

M. Hervé Gillé. - Madame de La Raudière, quelle sera la destination de l'amende de 26 millions d'euros imposée à Orange si cet opérateur s'en acquitte ?

Par ailleurs, comment les audits de l'ANCT sont-ils communiqués ? Quelles sont vos interactions avec les parties prenantes du déploiement ?

Enfin, je souhaiterais évoquer la résilience. Il faudra mettre de l'ordre entre les responsabilités de l'État pour la sécurité civile et l'organisation de la planification de la résilience par les différents acteurs concernés, jusqu'aux communautés de communes et aux communes. Je serais favorable à un renforcement des instructions contenues dans les documents d'urbanismes, par exemple les schémas de cohérence territoriale (Scot). Les réseaux ont en effet une importance primordiale, et il serait pertinent de penser la résilience à l'échelle des Scot pour pouvoir l'organiser en subsidiarité.

M. Jean-Yves Roux. - Dans les Alpes-de-Haute-Provence le réseau de fibre optique est largement aérien et il a été déployé par SFR sur des pylônes d'Orange. Par conséquent, quand un pylône est à terre, Orange le remet en position puis, six mois plus tard, SFR vient raccrocher la fibre. Pourrait-on prévoir une intervention unique, par un seul des deux opérateurs ?

Le schéma de déploiement de la fibre dans le sud de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur n'a pas pris en compte toutes les habitations ; celles qui sont éloignées des répartiteurs ne sont pas couvertes. Ainsi, le réseau de cuivre doit être fermé prochainement alors que ces habitations ne sont pas raccordées à la fibre. Il s'agit souvent de fermes éloignées de 500 mètres des répartiteurs et les habitants concernés doivent payer le raccordement. Comment résoudre ce problème ?

M. Jean-Claude Anglars. - Dans l'Aveyron, le Lot et la Lozère, le taux de couverture est bon, mais le réseau n'est toujours pas déployé sur 3 % du territoire ; pour ces zones, c'est le raccordement à la demande qui s'applique. L'accompagnement financier des locaux concernés s'appliquera-t-il jusqu'au bout ?

Je signale d'ailleurs que le département de l'Aveyron a interdit à Orange de fermer le réseau de cuivre tant que la fibre ne serait pas déployée jusqu'au bout.

M. Zacharia Alahyane. - Monsieur Pillefer, le dispositif que j'évoquais précédemment est aujourd'hui mis en oeuvre : c'est l'appel à projets « raccordement complexe », qui dispose de 150 millions d'euros de subventions de l'État aux territoires, destinées aux RIP uniquement, afin de réaliser ces raccordements complexes. Il y a un jeu de négociation entre les territoires et les OI, surtout en délégation de service public concessive, pour répartir la charge.

Val de Loire numérique a en effet déposé un dossier ; nous en sommes ravis. Nous avons réservé des crédits pour ce syndicat ; c'est en cours d'instruction, mais dès que le dossier sera validé, nous contractualiserons. Ensuite, pendant dix ans, quand il y aura des raccordements complexes, nous verserons notre subvention pour que tous les locaux raccordables soient raccordés.

Vous avez également évoqué la maintenance, c'est ce que nous appelons la vie du réseau. L'ANCT n'accompagne et ne subventionne que le premier établissement du réseau, elle ne va pas au-delà. Cela ne signifie pas que l'on n'accorde pas d'intérêt à la vie du réseau, loin de là, le maintien en conditions opérationnelles d'un réseau est déterminant, mais nous nous attachons particulièrement au fait que les réseaux soient bien construits pour minimiser les efforts de maintenance. La vie du réseau exige de la ressource ; il faut donc s'assurer que le RIP prévoie un équilibre global afin que le financement de l'exploitation permette l'entretien. Ce sujet est essentiel, mais il relève plutôt de l'Arcep.

Le New Deal mobile est une politique publique stratégique. On n'a jamais fait autant dans les territoires que depuis la mise en oeuvre de cette politique. Nous avançons bien, mais nous en sommes à la fin de la phase d'identification. Nous publions les derniers arrêtés et les choses en resteront là si le dispositif n'est pas prolongé.

Monsieur Gillé, les audits sont un outil essentiel pour nous. Nous n'en menons cependant que pour les RIP que nous subventionnons, au titre d'une convention. Nous n'avons donc pas le droit d'auditer un réseau privé ; si un opérateur insistait pour que nous auditions son réseau, je le ferais volontiers, mais ils ne le font pas... L'audit est conduit en bonne intelligence avec les territoires ; cela leur demande du temps, cela bouscule un peu les collectivités, car un audit pointe des sujets sensibles. L'information est partagée seulement entre l'ANCT, le porteur de projet et l'opérateur concerné, ainsi qu'avec le comité de concertation présidé par le préfet Emmanuel Berthier, dont est membre l'Avicca, et avec le comité d'investissement. Par conséquent, l'ANCT ne rend pas publics les rapports d'audit ni les territoires audités. Bien sûr, si on nous pose la question dans un cadre particulier, je serai ravi de partager l'information, mais, spontanément, nous ne le faisons pas, car nous ne voulons pas que certains opérateurs prétendent que l'ANCT mène des actions ciblées contre eux. Notre seul souhait est de garantir que tous les réseaux déployés dans les RIP soient de qualité.

Sur la résilience, il y a encore beaucoup à faire, tout n'est pas parfaitement structuré. La résilience doit faire l'objet d'une réflexion à l'échelon local, elle ne peut pas être assurée uniquement à l'échelon national. Nous réfléchissons actuellement à des pistes, nous n'en sommes qu'au début, mais vous avez raison, c'est un sujet déterminant, qui crée d'ailleurs des obligations à la charge de tous les exploitants de réseau. En vertu de l'article 249 de la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite Climat et Résilience, les exploitants de réseau sont responsables et le préfet peut les solliciter pour qu'ils exposent leur plan de résilience. C'est un levier fort, dont les préfectures peuvent se saisir.

Monsieur Anglars, le territoire de l'Aveyron est couvert à 97 %, c'est un excellent ratio. Je félicite tous les acteurs ayant contribué à ce résultat, qui dépasse la moyenne nationale. Toutefois, il y a une situation particulière avec Orange, pour laquelle nous cherchons une solution. L'ANCT a une convention avec chacun des trois territoires que vous avez cités ; cette convention prévoit un déploiement à 100 % et nous subventionnerons jusqu'à ce que ce ratio soit atteint.

Mme Laure de la Raudière. - Au sujet des pylônes d'Orange et de la pérennisation du support de cet opérateur au-delà du démantèlement du réseau de cuivre, des obligations réglementaires contraignent Orange à donner accès à ses infrastructures de génie civil, pylônes et fourreaux. Cela fait l'objet d'une analyse de marché séparée de celle du réseau de cuivre, afin que ces obligations perdurent au-delà de la fermeture du réseau. Ce marché continuera d'être régulé, selon moi, car ces infrastructures sont essentielles pour les réseaux de fibre optique. Orange doit donc les maintenir en bon état. Pour être également élue d'un territoire rural, je sais que ce n'est pas le cas partout et que les réparations ne sont pas toujours faites rapidement. Nous leur demandons des comptes à cet égard.

J'ignore ce que les représentants d'Orange avaient en tête lorsqu'ils ont évoqué, l'idée de mettre en place une offre de services. Je les questionnerai prochainement pour savoir de quoi il retourne...

S'agissant de Starlink, la procédure d'attribution des fréquences à visée d'aménagement numérique nécessite une consultation publique. Nous ne sommes pas dupes : quand il y a 4 000 répondants à une consultation publique, c'est que cela a été orchestré par quelqu'un, en l'occurrence Starlink. L'Arcep dispose de peu de moyens d'action sur ce type de dossier. Le cadre juridique et réglementaire est très précis : nous n'avons que peu de motifs de refuser cette attribution. La décision n'a peut-être pas encore été prise, mais nous sommes de toute façon assez contraints.

Il n'y a pas que Starlink qui propose une offre satellite. Les collectivités doivent réaliser des tests, car d'autres offres sont de très bonne qualité. Certes, Starlink dispose de 6 300 satellites. À terme, l'entreprise prévoit de construire une constellation de quelque 12 000 satellites, mais c'est parce qu'ils sont placés à basse altitude : cela nécessite donc une flotte plus importante.

Monsieur Roux, sur les obligations de la zone Amel, notamment pour les fermes isolées, je rappelle qu'il existe une obligation de complétude de nature réglementaire. S'il y a de l'appétence pour un accès fibre dans les locaux isolés, il faudra les couvrir. S'il n'y en a pas, ces locaux pourront être raccordables à la demande. Le dispositif de raccordement à la demande vise à régler ces problèmes.

Monsieur Gillé, les 26 millions d'euros d'amende payés par Orange vont au budget de l'État, non de l'Arcep.

Monsieur Rochette, je reviendrai vers vous pour l'écrasement des lignes.

M. Patrick Chaize. - Il existe beaucoup d'incertitudes et de flou. Il conviendrait donc de se pencher sur le secteur de la fibre optique, mais aussi de la téléphonie mobile et du numérique afin de construire un vrai projet d'ensemble. C'est notamment le cas de la propriété des pylônes et des fourreaux de génie civil. La réponse à cette question a des conséquences importantes sur les tarifs. Il importerait de la clarifier une bonne fois pour toutes.

Les zones grises de téléphonie mobile, selon moi, ne devraient plus exister. Chaque habitation devrait être couverte par les quatre opérateurs. Tel est l'objectif du New Deal.

M. Bernard Pillefer. - Je me suis peut-être mal exprimé. Sur les nouveaux pylônes implantés, l'obligation est satisfaite. Mais il y a des territoires qui ne sont pas déclarés zones blanches aujourd'hui.

M. Patrick Chaize. - Non, la définition de la zone blanche a beaucoup changé. Avant le New Deal, il s'agissait d'un secteur non couvert et ce, par aucun opérateur. À présent, les quatre opérateurs doivent assurer une couverture, quel que soit le territoire. Ce n'est pas réglementaire, mais c'est l'objectif politiquement assumé et déclaré. A priori, on est en droit de s'attendre à ce qu'il soit atteint. Un bilan du New Deal mobile doit être fait à l'aune de cet objectif.

La loi visant à réduire l'empreinte environnementale du numérique en France a constitué un premier pas en direction des territoires ruraux. Le Sénat a voté des amendements pour aller plus loin lors de l'examen du projet de loi de simplification de la vie économique. Résisteront-ils à l'examen du texte par l'Assemblée nationale ? Je l'ignore, mais c'est une mesure de bon sens qu'il faudrait défendre.

La question de la résilience est aussi d'ordre politique. La décision de déposer le réseau de cuivre est effectivement une décision d'entreprise qui a des conséquences politiques. Je regrette donc que le Gouvernement ne prenne pas cette question à bras-le-corps, pour que le réseau de fibre optique devienne véritablement le réseau de communication des Français, avec toutes les garanties que cela implique.

Par ailleurs, comme je l'ai déjà indiqué, il ne faut pas que les opérateurs confondent les raccordements complexes et ceux qui coûtent cher. Ils ont à couvrir l'ensemble du territoire et des zones à risque. Nous devons nous montrer vigilants sur ce point.

M. Jean-François Longeot, président. - Je vous remercie de la qualité de vos réponses et salue l'engagement de mes collègues sur le déploiement des réseaux de fibre optique. Beaucoup reste à faire, et de nombreux problèmes à régler. Nous savons pouvoir compter sur vous pour nous accompagner. Il faudra ajuster certaines procédures pour que chacun de nos concitoyens puisse accéder à la fibre et ainsi à des moyens de communication correspondant aux besoins de notre siècle.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

La réunion est close à 12 h 00.

- Présidence de M. Jean-François Longeot, président -

La réunion est ouverte à 16 h 30.

Audition de Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la Transition écologique, de l'Énergie, du Climat et de la Prévention des risques (sera publié ultérieurement)

Le compte rendu relatif à ce point de l'ordre du jour sera publié ultérieurement.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

La réunion est close à 19 h 00.