Mardi 29 octobre 2024

- Présidence de M. Claude Raynal, président -

La réunion est ouverte à 13 h 35.

Proposition de loi, visant à assurer l'équilibre du régime d'indemnisation des catastrophes naturelles - Examen des amendements au texte de la commission

M. Claude Raynal, président. - Mes chers collègues, nous examinons les amendements au texte de la commission sur la proposition de loi visant à assurer l'équilibre du régime d'indemnisation des catastrophes naturelles. Nous commençons par l'examen des amendements du rapporteur, qui seront présentés par notre collègue Jean-François Husson, en remplacement de Jean-François Rapin.

EXAMEN DES AMENDEMENTS DU RAPPORTEUR

Article 3

M. Jean-François Husson, rapporteur, en remplacement de M. Jean-François Rapin. - L'amendement FINC.1 est rédactionnel.

L'amendement FINC.1 est adopté.

Article 4

M. Jean-François Husson, rapporteur. - L'amendement FINC.2 apporte une précision légistique.

L'amendement FINC.2 est adopté.

Article 8

M. Jean-François Husson, rapporteur. - L'amendement FINC.3 vise à ajuster la date de remise du rapport d'évaluation de l'incidence du conditionnement de la prime de transition écologique à la réalisation de travaux de prévention des risques pour les logements les plus fortement exposés.

L'amendement FINC.3 est adopté.

Article 11

M. Jean-François Husson, rapporteur. - L'amendement de coordination FINC.4 permet d'assurer l'application de l'article à Wallis-et-Futuna.

L'amendement FINC.4 est adopté.

EXAMEN DES AMENDEMENTS AU TEXTE DE LA COMMISSION

La commission a donné les avis suivants sur les amendements dont elle est saisie, qui sont retracés dans le tableau ci-après :

TABLEAU DES AVIS

Article additionnel avant Article 1er

Auteur

Objet

Avis de la commission

Mme SENÉE

47

Révision des modalités de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle pour les communes

Demande de retrait

Article 1er

Auteur

Objet

Avis de la commission

Mme VARAILLAS

32

Suppression de l'article 1er 

Défavorable

M. HOCHART

58

Mettre en place une contribution pour les assureurs au niveau de la surprime

Défavorable

Mme PAOLI-GAGIN

61 rect.

Retour à la clause de revoyure de cinq ans et le décret indiquant le taux de la surprime doit être publié chaque année avant le 1er juin

Demande de retrait

Mme ARTIGALAS

5

Le décret indiquant le taux de la surprime doit être publié chaque année avant le 1er juin

Avis du Gouvernement

M. BILHAC

21 rect.

Le décret indiquant le taux de la surprime doit être publié chaque année avant le 1er juin

Avis du Gouvernement

Mme HAVET

29

Le décret indiquant le taux de la surprime doit être publié chaque année avant le 1er juin

Avis du Gouvernement

Article additionnel après Article 2

Auteur

Objet

Avis de la commission

Mme LERMYTTE

27

Rendre obligatoire la réalisation d'une étude de sol lors de l'expertise d'un sinistre faisant suite à la reconnaissance d'un état de catastrophe naturelle lié au RGA

Avis du Gouvernement

Article 3

Auteur

Objet

Avis de la commission

Mme VARAILLAS

33

Suppression de l'article 

Défavorable

M. COZIC

6

Allongement du délai de saisine du bureau central de tarification

Demande de retrait

Le Gouvernement

63

Suppression de la présomption de refus d'assurance pour exposition au risque CatNat

Demande de retrait

Mme SENÉE

49

Suppression de la possibilité pour l'entreprise d'assurance de renverser la présomption de refus d'assurance pour motif d'exposition aux catastrophes naturelles dans les zones les plus à risque

Défavorable

Article additionnel après Article 3

Auteur

Objet

Avis de la commission

Mme BONNEFOY

7

La commission nationale consultative des catastrophes naturelles comprend deux nouveaux membres

Sagesse

Mme VARAILLAS

35

Suppression de la modulation de franchise à la charge des collectivités pour lesquelles le PPRN a été prescrit mais n'a pas encore été approuvé

Défavorable

M. GREMILLET

60

Rapport évaluant l'importance des carences assurantielles des activités économiques nécessaires à la transition énergétique et à l'atteinte des objectifs de décarbonation

article 45C

Article 4

Auteur

Objet

Avis de la commission

Mme VARAILLAS

37

Obligation de recourir à des experts inscrits sur les listes des juridictions administratives pour l'expertise CatNat

Défavorable

Mme SOLLOGOUB

1 rect.

Création d'un fonds mutualisé entre les compagnies d'assurance dédié à la rémunération des experts 

Défavorable

Mme VARAILLAS

42

Création d'un fonds mutualisé entre les compagnies d'assurance dédié à la rémunération des experts 

Défavorable

M. MASSET

24 rect.

Le non-respect des obligations d'indépendance est puni d'un emprisonnement de trois ans et d'une amende de 75 000 euros

Sagesse

Mme SENÉE

50

Instauration d'un mécanisme de labellisation des experts en matière de retrait gonflement des argiles

Demande de retrait

Article 5

Auteur

Objet

Avis de la commission

Mme SENÉE

52

Prévoir l'obligation d'affecter l'indemnisation RGA à la réparation des dommages du bâti sinistré

Demande de retrait

Mme SENÉE

51 rect.

Transmission de l'ensemble des pièces du dossier consécutif au sinistre

Demande de retrait

Mme SOLLOGOUB

2 rect.

Communication de la copie conforme du rapport d'expertise dans le cadre d'un sinistre lié au RGA

Sagesse

Article additionnel après Article 5

Auteur

Objet

Avis de la commission

Mme VARAILLAS

36

Inscrire dans la loi le principe des critères permettant de caractériser le phénomène de RGA dans le cadre de la procédure de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle

Demande de retrait

M. BILHAC

23 rect.

Liberté de fixation du montant des primes et des franchises par les assureurs pour les résidences secondaires, les biens à usage locatif et les biens professionnels à forte valeur ajoutée

Défavorable

Mme VARAILLAS

31

Prévoir un délai de deux mois pour la réalisation des expertises diligentées par les assureurs dans le cadre du régime Catnat

Avis du Gouvernement

Mme HAVET

30

Introduction d'un mécanisme de nivellement des marges techniques entre les zones à faible et forte exposition, en modulant le prélèvement additionnel sur le régime CatNat

Demande de retrait

Mme SENÉE

53

Introduction d'un mécanisme de nivellement des marges techniques entre zones à faible et forte exposition via la modulation du prélèvement additionnel sur le régime Cat Nat au titre de la prévention

Demande de retrait

Mme SOLLOGOUB

3 rect.

Avant la parution de l'arrêté de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle, rendre public les données du critère dit " météorologique " calculé par Météo-France ayant permis de caractériser un état de catastrophe naturelle de type RGA

Demande de retrait

Article 5 bis

Auteur

Objet

Avis de la commission

M. ROUX

19 rect.

Inclusion dans le rapport d'expertise d'un rappel sur l'absence d'obligation de reconstruction à l'identique

Demande de retrait

Mme SENÉE

54

Obligation de faire figurer dans le rapport d'expertise des propositions de travaux pouvant être combinés avec des travaux de prévention des risques pour atteindre une rénovation énergétique performante

Demande de retrait

Article additionnel après Article 5 bis

Auteur

Objet

Avis de la commission

Mme VARAILLAS

43

Prévoir d'assouplir les conditions de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle pour les communes limitrophes d'une commune elle-même reconnue

Demande de retrait

Mme VARAILLAS

38 rect.

Prise en charge des frais de contre-expertise par l'assureur

Défavorable

Mme LERMYTTE

26 rect.

Prise en charge des frais de contre-expertise par l'assureur

Défavorable

Mme SOLLOGOUB

4 rect. ter

Prise en charge des frais de contre-expertise par l'assureur

Défavorable

Article 7

Auteur

Objet

Avis de la commission

Le Gouvernement

64

Précision du champ et des paramètres de l'éco-prêt à taux zéro

Favorable

Article 8

Auteur

Objet

Avis de la commission

M. ROUX

17 rect.

Suppression de l'article 8

Défavorable

Mme SENÉE

56

Suppression de l'article 8

Défavorable

Le Gouvernement

67

Suppression du conditionnement de MaPrimeRénov' à la réalisation de travaux de prévention 

Défavorable

Mme VARAILLAS

40

Suppression de l'article 8

Défavorable

Mme VARAILLAS

41

Restreindre l'article 8 à la vulnérabilité avérée du logement

Demande de retrait

M. ROUX

18 rect.

Décaler d'un an l'entrée en vigueur de l'article 8

Favorable

Article additionnel après Article 8

Auteur

Objet

Avis de la commission

Le Gouvernement

68

Extension des missions des structures agréées « Mon Accompagnateur à Rénov' » (MAR')

Sagesse

M. ROUX

20 rect.

Demande de rapport sur la mise en place d'une procédure simplifiée pour les travaux des collectivités territoriales ayant subi des catastrophes naturelles

Sagesse

Article 9

Auteur

Objet

Avis de la commission

Mme SENÉE

55

Suppression de l'article

Sagesse

Le Gouvernement

65

Suppression de l'article 

Sagesse

M. LUREL

15 rect. bis

Réintroduire le recul du trait de côte dans l'élargissement du fonds Barnier

Défavorable

M. SAVOLDELLI

44

Réintroduire le recul du trait de côte dans l'élargissement du fonds Barnier

Défavorable

Article additionnel après Article 9

Auteur

Objet

Avis de la commission

Mme BONNEFOY

9

Prendre en compte le risque RGA dans les plans locaux d'urbanisme

Favorable

M. LUREL

11

Étendre le régime d'indemnisation des catastrophes naturelles à l'échouage des algues sargasses

Favorable

M. LUREL

14 rect. bis

Rendre les ouvrages d'art dans les outre-mer éligibles au fonds Barnier

Avis du Gouvernement

M. BILHAC

22 rect.

Le fonds Barnier peut contribuer au financement de dispositifs d'adaptation et de prévention basés sur des solutions fondées sur la nature 

Demande de retrait

Mme ARTIGALAS

59 rect. bis

Le fonds Barnier peut contribuer au financement de dispositifs d'adaptation et de prévention basés sur des solutions fondées sur la nature 

Demande de retrait

M. LUREL

10

Création d'une section "outre-mer" au sein du fonds Barnier

Avis du Gouvernement

M. LUREL

12 rect. bis

Extension aux collectivités d'outre-mer de l'éligibilité à la Dotation de solidarité en faveur de l'équipement des collectivités territoriales et de leurs groupements touchés par des événements climatiques ou géologiques (DSEC)

Demande de retrait

Article 10 

Auteur

Objet

Avis de la commission

Le Gouvernement

66

Suppression de l'article 

Demande de retrait

Projet de loi de finances pour 2025 - Mission « Conseil et contrôle de l'État » - Examen du rapport spécial

M. Claude Raynal, président. - Nous en venons maintenant à l'examen des crédits de la mission « Conseil et contrôle de l'État ».

M. Christian Bilhac, rapporteur spécial de la mission « Conseil et contrôle de l'État ». - La mission « Conseil et contrôle de l'État » rassemble les crédits des juridictions administratives et financières ainsi que du Conseil économique, social et environnemental (Cese). Le projet de loi de finances (PLF) pour 2025 prévoit une hausse de 1,8 % des crédits de paiement de cette petite mission régalienne, pour atteindre 899,7 millions d'euros.

Je le précise d'emblée, la mission ne devrait être que marginalement concernée par les mesures d'économies que le Gouvernement présentera par voie d'amendement en cours de discussion. D'après les informations qu'il a communiquées à notre commission, il devrait proposer une minoration des crédits de la mission à hauteur de 2 millions d'euros, qui se traduira probablement par une diminution de la réserve de précaution.

Le budget du Conseil d'État et des juridictions administratives concentre à lui seul les deux tiers des crédits de la mission, et s'élève à 516,2 millions d'euros, en hausse de 3,5 % par rapport à l'année 2024.

Cette augmentation des crédits s'explique tout d'abord par une progression de près de 5 % des dépenses de personnel, en grande partie imputable à la poursuite du mouvement de revalorisation indemnitaire des magistrats administratifs, pour laquelle une enveloppe de 8,8 millions d'euros est prévue. Cette mesure me semble nécessaire pour rapprocher les rémunérations des magistrats administratifs de celles du nouveau corps des administrateurs de l'État issu de la réforme de la fonction publique, dans un souci de préservation de l'attractivité des juridictions administratives.

Malgré la hausse des dépenses de personnel, l'année 2025 devrait être marquée par un gel des effectifs des juridictions administratives, et s'inscrira donc en rupture avec les exercices précédents. Les juridictions administratives ont pourtant bénéficié ces dernières années d'un renforcement substantiel de leurs moyens humains qui a porté ses fruits, puisqu'il a permis aux magistrats de stabiliser les délais de jugement malgré une pression contentieuse toujours plus forte.

J'attire votre attention sur le fait que le gel des effectifs des juridictions administratives en 2025 risque de les mettre sous tension, et pourrait conduire à un allongement des délais de jugement. Je conçois que cette stabilisation des effectifs puisse se justifier cette année par la nécessité de redresser nos comptes publics. Toutefois, nous ne pourrons faire l'économie lors des prochaines programmations budgétaires d'une réflexion sur les moyens accordés aux juridictions administratives, dont les missions régaliennes me semblent devoir être préservées malgré le contexte budgétaire contraint. On ne pourra pas tout à la fois réduire les effectifs et les délais de jugement ; il faudra faire un choix.

La hausse des crédits du programme 165 s'explique également, dans une moindre mesure, par la poursuite en 2025 de projets immobiliers de grande ampleur, qui se traduit par une hausse de 5 % des dépenses d'investissement. Plus particulièrement, les travaux de relogement de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) à Montreuil se poursuivront, et se traduiront par le décaissement de 38,7 millions d'euros de crédits de paiement.

Je souhaite par ailleurs saluer les efforts consentis par les juridictions administratives pour maîtriser leurs dépenses de fonctionnement. Celles-ci connaissent une baisse notable de près de 7 % par rapport à 2024. La dématérialisation des procédures y est pour beaucoup : par exemple, l'application Télérecours, déployée en 2014, aurait permis de réaliser près de 5,3 millions d'euros d'économies en 2023. Je tiens également à saluer la décision du Conseil d'État et de la CNDA d'utiliser, dans le cadre de la territorialisation des procédures, les locaux des cours administratives d'appel, plutôt que de louer des bureaux.

J'en viens maintenant au budget du Cese, qui s'élève dans ce PLF à près de 35 millions d'euros, en baisse de 22,4 % par rapport à 2024. Cette diminution des crédits, très importante en apparence, doit être nuancée, dans la mesure où elle résulte principalement d'une mesure de périmètre portant sur des dépenses de titre 2. En effet, la réforme des retraites de 2023 a abouti à la fin du régime spécial du Cese, ce qui implique qu'à compter de 2025, la dotation permettant d'équilibrer le financement de la caisse de retraite du Cese, structurellement déficitaire, ne sera plus supporté par le programme 126, mais par le budget de la sécurité sociale. En faisant abstraction de cette mesure de périmètre, la baisse des crédits du Cese est plutôt de l'ordre de 4 %.

Les crédits de fonctionnement du Cese sont également en baisse de 2 millions d'euros, mais les informations contenues dans les documents budgétaires, particulièrement lacunaires, ne permettent pas d'identifier avec précision les postes de dépenses sur lesquels portera cette économie. Lors de la présentation de mon rapport sur le PLF 2024, j'avais plus particulièrement fait part de mon scepticisme sur la budgétisation de l'enveloppe consacrée à la participation citoyenne. En l'absence de convention citoyenne en 2024, cette enveloppe n'a été exécutée qu'à hauteur de 1,3 million d'euros, contre 4,2 millions d'euros initialement ouverts. Pour l'année 2025, la justification au premier euro est muette sur le budget effectivement consacré aux dispositifs de participation citoyenne, ce qui n'est pas satisfaisant du point de vue de la bonne information du Parlement.

Enfin, je conclurai mon propos en évoquant les crédits affectés à la Cour des comptes et aux juridictions financières, qui connaissent une augmentation de 2,2 % en crédits de paiement. Cette hausse résulte principalement de l'augmentation des dépenses de personnel, qui concentrent près de 90 % des crédits du programme. Les magistrats financiers bénéficieront cette année, comme leurs collègues des juridictions administratives, d'une mesure de revalorisation indemnitaire, pour laquelle une enveloppe de 5 millions d'euros est prévue. Ma position sera la même que celle que j'ai exprimée à l'égard de la revalorisation des magistrats administratifs : cette mesure est bienvenue, car elle permet d'éviter un décrochage de leur rémunération par rapport à celle des administrateurs de l'État. Il serait en effet illogique que les juridictions financières soient confrontées à une perte d'attractivité et paient les conséquences de la réforme de la fonction publique, qui résulte exclusivement d'une décision gouvernementale.

Les dépenses hors titre 2 de la Cour des comptes et des juridictions financières connaissent une baisse de 5 %, que je salue particulièrement dans la mesure où il s'agit essentiellement de dépenses contraintes et quasiment incompressibles. Cette baisse traduit donc les efforts de la Cour pour maîtriser ses dépenses de fonctionnement, en optimisant par exemple ses procédures d'achats ou en limitant ses dépenses énergétiques.

En conclusion, je vous invite, mes chers collègues, à adopter les crédits de la mission, dont la progression apparaît raisonnable.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. -Cette présentation est sincère et objective. Un travail devra être mené pour analyser les évolutions constatées dans les juridictions administratives, et regarder notamment si l'augmentation du nombre de saisines n'est pas due à la systématisation, par certains, des recours.

Il faudra étudier également les moyens mobilisés en interne par le Conseil d'État pour traiter davantage de dossiers et voir si le travail est optimisé afin de consacrer le plus de temps possible aux dossiers les plus complexes. Je souscris à cet égard aux remarques du rapporteur spécial.

J'ai bien compris par ailleurs qu'une diminution du nombre de concertations citoyennes engendrait des économies. Je laisse la paternité de cette observation avisée à notre rapporteur spécial...

Mme Isabelle Briquet. - Merci au rapporteur spécial de ses commentaires pertinents. Sur le dernier point évoqué par le rapporteur général, j'aurais peut-être des nuances à apporter. Je partage néanmoins plusieurs des commentaires qui ont été faits.

De nombreuses difficultés tiennent à l'augmentation des délais de jugement. Le nombre de procédures est en hausse, notamment pour les contentieux. Or ces derniers doivent être jugés rapidement, particulièrement en droit des étrangers. Le traitement des dossiers en attente prend donc du retard et le stock des dossiers en souffrance augmente, alors qu'il avait tendance à diminuer. N'est-il pas risqué de laisser ainsi s'accumuler ce stock ?

La Commission du contentieux du stationnement payant (CCSP), qui deviendra le tribunal du stationnement payant en janvier 2025, est également en difficulté. Censée traiter 120 000 affaires par an, elle reçoit près de 180 000 requêtes et affiche des délais de jugement de deux ans et un stock d'environ 225 000 demandes.

Dans un tel contexte de hausse du nombre de contentieux, on voit mal comment les objectifs de délai pourraient être tenus à moyens constants. Je partage à ce sujet la remarque du rapporteur spécial. La poursuite cette année de la revalorisation indemnitaire des magistrats administratifs et financiers est en revanche à saluer compte tenu de l'importance du travail à mener.

M. Marc Laménie. - La répartition des effectifs entre le Conseil d'État et les tribunaux administratifs est-elle connue, ainsi que leur répartition entre la métropole et les outre-mer ? De même, connaît-on la répartition des effectifs entre la Cour des comptes et les chambres régionales des comptes ? Qu'en est-il par ailleurs de leur progression ?

M. Stéphane Sautarel. - Pourriez-vous nous éclairer sur l'activité du Cese, dont le coût, la pertinence et l'efficacité prêtent parfois à discussion ? Pourquoi n'avez-vous pas proposé d'amendement sur son plafond d'emplois, porté dans le PLF 2025 de 154 à 155 équivalents temps plein (ETP), alors que la consommation actuelle apparaît inférieure aux autorisations reçues ?

Mme Sylvie Vermeillet. - Le contexte budgétaire est tendu : on recherche des économies partout. En outre, la Cour des comptes n'est pas le dernier organisme à avoir pointé du doigt les dérapages budgétaires de l'État. Pourquoi voit-elle ses crédits augmenter de 2,2 %, quand ceux du Sénat, de l'Assemblée nationale et de l'Élysée sont maintenus à un niveau identique à celui de l'an passé ? Un amendement pourrait-il être présenté à ce sujet ?

M. Michel Canévet. - Je m'inquiète également de l'évolution des crédits de cette mission, alors que l'on peut douter de la qualité de gestion des comptes de l'État.

Je m'inquiète surtout de l'évolution à la hausse du stock d'affaires en attente dans les juridictions administratives, de 25 % depuis 2017. L'augmentation des effectifs est-elle la seule solution à y apporter ? D'autres pistes ne pourraient-elles pas être étudiées : imposer des droits à payer pour pouvoir déposer plainte, par exemple, ou simplifier certains documents administratifs afin d'éviter que la saisine du tribunal ne conduise automatiquement à des mises en cause ?

M. Christian Bilhac, rapporteur spécial. - On constate une augmentation des contentieux dans tous les domaines. Le rapport présente des statistiques précises à ce sujet. Mon expérience de maire est à cet égard assez parlante : alors que je ne me suis jamais rendu au tribunal au cours de mes quatre premiers mandats, j'y suis allé trois fois durant le cinquième et sept fois durant le sixième ! Nous en sommes là.

Le nombre de recours en matière de stationnement payant explose également, malgré les efforts effectués pour faire face à cette nouvelle donne. La crise du covid-19 a notamment bouleversé les méthodes de travail des juridictions, en augmentant le télétravail et en affectant à d'autres tâches les personnels chargés de ranger des dossiers sur les étagères. Le télérecours rationalise en outre la gestion des tribunaux.

Le nombre de dossiers en attente à la CCSP ne cesse de croître. Les transferts d'effectifs réalisés se sont révélés insuffisants pour y faire face.

Pour répondre à Marc Laménie, on dénombre 649 personnels au Conseil d'État, 2 390 dans les tribunaux administratifs et 642 au sein des cours administratives d'appel.

L'évolution à la hausse des crédits de la Cour des comptes s'explique par la revalorisation indemnitaire des magistrats financiers, qui est elle-même la conséquence directe de la réforme de la haute fonction publique décidée exclusivement par le Gouvernement. Sans cette revalorisation, nous risquions de nous retrouver avec des personnels de moindre qualité. Il est vrai néanmoins que cet alignement des rémunérations des magistrats financiers sur celles des administrateurs de l'État, bien que nécessaire, est coûteux. Pour autant, je préfère la Cour des comptes aux cabinets de conseil, elle coûte moins cher.

Pour répondre à Michel Canévet, les administrés attaquent désormais les communes, les intercommunalités, les départements ou les régions, pour un oui ou pour un non. Une personne qui se tord le pied dans un trou peut attaquer la mairie pour la mauvaise qualité du chemin. Une réflexion est nécessaire sur ce point.

La CNDA, qu'on désigne couramment comme la juridiction du « chaos du monde », fait également face à un afflux conséquent de dossiers.

Enfin, j'avais déposé un amendement au PLF 2024 visant à diminuer les crédits du Cese. Au vu du tsunami qu'il a provoqué, j'ai compris qu'il était préférable de le retirer. Il ne faut pas qu'une assemblée s'immisce dans la gestion d'une autre assemblée. Je n'en déposerai donc pas cette année, mais M. Sautarel peut le faire s'il le souhaite...

La commission décide de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission « Conseil et contrôle de l'État ».

La réunion est close à 14 h 10.

Mercredi 30 octobre 2024

- Présidence de M. Claude Raynal, président -

La réunion est ouverte à 9 h 00.

Projet de loi de finances pour 2025 - Mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » - Examen du rapport spécial

M. Claude Raynal, président. - Nous débutons notre réunion par l'examen du rapport spécial sur la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ».

Je profite de cette occasion pour saluer Éric Bocquet, qui a décidé de mettre un terme à son mandat au 1er novembre. Nous lui souhaitons le meilleur pour la suite.

M. Arnaud Bazin, rapporteur spécial de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ». - Les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » demandés pour 2025 s'élèvent à 30,4 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et en crédits de paiement (CP). Facialement, il s'agit d'une légère diminution, de 2,3 %, par rapport à la loi de finances initiale (LFI) de 2024. Cette baisse résulte toutefois d'une mesure de périmètre, le programme support des ministères sociaux ayant été transféré de la mission « Solidarité » à la mission « Travail et emploi ». Les crédits alloués à chacun des trois autres programmes augmentent en réalité de 2,12 % par rapport à 2024.

Cette hausse des dépenses s'explique principalement par le fort dynamisme de l'allocation aux adultes handicapés (AAH), pour 14,4 milliards d'euros, soit une augmentation de 4,8 %. Si le coût de la déconjugalisation en 2024 a été moindre que prévu - 280 millions d'euros, contre 500 millions d'euros attendus -, l'augmentation soutenue des bénéficiaires de l'AAH-2, à hauteur de 3,81 %, a tiré l'ensemble de la dépense liée à cette prestation. En revanche, à rebours de la tendance récente mobilisant la prime d'activité pour soutenir le pouvoir d'achat, les crédits alloués à la prime diminueraient en 2025, à hauteur de 1,3 milliard d'euros, soit une baisse de 1,5 %. Selon l'administration, cette diminution serait rendue possible par la mise en oeuvre de la solidarité à la source en avril 2025 : ainsi, les indus versés diminueraient de 800 millions d'euros en année pleine. En outre, les paramètres de la prime ont été modifiés par décret : la « pente » de la prise en compte des revenus d'activité représenterait 500 millions d'euros en année pleine.

Je remarque toutefois que ces économies, au lieu d'être affectées à la réduction du déficit, sont immédiatement « réinvesties » dans d'autres dépenses de la mission, comme la tarification sociale des cantines.

Malheureusement, ce budget témoigne également de la tendance de l'État à ne pas financer les dépenses qu'il impose aux autres acteurs du champ social. Ainsi, alors que les dépenses liées à l'aide sociale à l'enfance (ASE) départementale connaissent une forte augmentation sous l'effet d'une hausse très importante du nombre de mineurs non accompagnés (MNA) confiés à l'ASE, avec une hausse de 31 % entre 2022 et 2023, les crédits de l'État en soutien aux départements diminuent légèrement par rapport à la LFI 2024, avec une baisse de 5,7 %.

De même, après avoir imposé à l'ensemble de la branche de l'action sanitaire et sociale de se conformer, rétroactivement au 1er janvier 2024, aux accords du « Ségur pour tous » - cela représente indéniablement une avancée considérable pour les agents concernés, notamment dans le secteur de la protection juridique des majeurs -, l'État n'a pas fait évoluer ses financements en conséquence. Enfin, après avoir imposé aux établissements et services d'aide par le travail (Ésat), déjà en déficit, de financer une complémentaire santé obligatoire pour leurs travailleurs, l'État n'a pas augmenté l'aide au poste dans ces établissements. Ce faisant, il contribue à les fragiliser.

Il me semble néanmoins que la mission « Solidarité » n'est pas nécessairement le meilleur véhicule pour régler ces difficultés : pour le Ségur ou les Ésat, celles-ci relèvent de l'exercice 2024 ; s'agissant des départements, des mesures générales relatives aux collectivités seraient sans doute mieux adaptées.

En responsabilité et afin d'assurer le financement des prestations et des politiques sociales élémentaires, je vous propose d'adopter les crédits de cette mission.

M. Éric Bocquet, rapporteur spécial de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ». - Je prends aujourd'hui pour la dernière fois la parole devant notre commission. J'en profite pour vous dire mon émotion et le plaisir qui a été le mien de travailler sur cette belle mission, particulièrement humaine.

Elle porte en effet des politiques indispensables pour nos concitoyens. Je pense, par exemple, à l'aide alimentaire, qui, si elle ne représente qu'une faible part des crédits de la mission - 147 millions d'euros -, n'en constitue pas moins une action vitale en faveur de nombre de nos concitoyens en difficulté. Nous faisons, cette année encore, le constat de la persistance de la précarité alimentaire, près de la moitié de la population générale ayant indiqué se sentir contrainte dans son budget d'alimentation en raison des prix pratiqués en 2023.

À cet égard, la hausse des crédits de l'aide alimentaire dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2025, avec une hausse de 3,4 % par rapport à la LFI 2024, est une bonne chose - même si on pourrait souhaiter, comme c'est mon cas, que cette hausse aille beaucoup plus loin compte tenu de l'apparition de nouveaux besoins. Les nouveaux moyens alloués en 2025 permettront de financer des actions contre la faim des très jeunes enfants, ou encore la montée en charge du programme « Mieux manger pour tous ! », qui vise à faire rimer aide alimentaire avec qualité nutritionnelle, et qui est apprécié par les associations.

La situation de la fin de l'année 2024 n'est donc pas aussi dramatique qu'il y a un an. Elle n'est pour autant pas idyllique, loin de là, et elle imposera à mon corapporteur et à mon successeur une vigilance certaine dans le futur.

Les crédits destinés à financer la politique d'égalité entre les femmes et les hommes augmenteront de 10 % en 2025. Comme l'année précédente, cette hausse est entièrement absorbée par la mise en oeuvre de l'aide exceptionnelle d'urgence pour les victimes de violences conjugales ; celle-ci est versée en une fois dans un délai de trois à cinq jours aux femmes qui quittent leur foyer pour fuir leur conjoint violent. Les crédits consacrés à cette aide, qui étaient de 13 millions d'euros dans la LFI 2024, seraient de 20,4 millions d'euros pour 2025, soit une augmentation de 57 %. Les autres dispositifs de la mission demeurent financés à leur niveau de 2024.

L'année dernière, nous craignions que les moyens alloués à cette aide soient insuffisants. C'est exactement ce qui s'est produit, malheureusement. Le barème, fixé par référence au montant forfaitaire du revenu de solidarité active (RSA), varie selon les ressources de la victime et le nombre de ses enfants à charge. Les 13 millions d'euros initialement prévus auraient été suffisants uniquement en cas de fort taux de non-recours.

Au contraire, le lancement de l'aide universelle d'urgence a connu un certain succès : le taux de recours a été de 30 % en décembre 2023, le premier mois de sa mise en oeuvre, du fait d'un « effet stock ». Si cette belle dynamique a depuis quelque peu ralenti, il ne faudra à l'avenir pas moins des 20 millions d'euros prévus en 2025 pour répondre aux besoins des femmes éligibles.

Contrairement à Arnaud Bazin et selon une tradition bien établie, j'émets, pour ma part, un dernier avis de rejet des crédits de la mission, qui restent en décalage avec les enjeux, les besoins et la situation sociale du pays.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. -Je salue l'engagement d'Éric Bocquet au sein de notre assemblée.

Trois sujets me préoccupent. Premièrement, l'explosion des budgets de l'ASE, qui inquiète les départements, sans oublier les drames humains qui se jouent derrière ces chiffres ; cela en dit long sur l'état de notre société. Cette hausse s'expliquerait par un meilleur diagnostic des services sociaux, mais j'y vois aussi les suites de la crise sanitaire ; nous devons être vigilants face aux problèmes liés à la santé mentale.

Deuxièmement, la situation de l'aide alimentaire, certes moins tendue que l'an passé. Les crédits prévus sont plus adaptés, mais il serait surtout souhaitable que les besoins diminuent.

Troisièmement, les violences intrafamiliales (VIF). L'augmentation des aides d'urgence en faveur des femmes victimes de violences est un phénomène préoccupant.

Je réitère mes remerciements à Éric Bocquet ; c'était un plaisir de travailler avec lui.

M. Marc Laménie. - Je salue moi aussi l'engagement d'Éric Bocquet.

Cette mission est l'une des plus importantes du PLF - 30 milliards d'euros. Comment s'effectue la répartition des moyens humains entre l'administration centrale et les services déconcentrés ? N'oublions pas le rôle important que jouent localement les associations et les structures telles que les Ésat.

Le programme 137 « Égalité entre les femmes et les hommes » traite d'une question de société très importante. Chaque département compte un ou une déléguée départementale aux droits des femmes et à l'égalité (DDFE), qui dispose toutefois de peu de moyens. Les centres d'information sur les droits des femmes et des familles (CIDFF) jouent aussi un grand rôle dans ce domaine, sans oublier l'action des collectivités territoriales et des associations. Cela dit, ce programme demeure trop limité, malheureusement.

M. Michel Canévet. - Je salue moi aussi le travail des rapporteurs spéciaux. Nous appréciions les bons mots d'Éric Bocquet en commission des finances, je regrette son départ.

À périmètre constant, les moyens alloués à cette politique sont en hausse. Je note que les besoins en matière d'accompagnement du handicap sont importants.

Les dépenses relatives au dispositif « cantine à 1 euro » doivent-elles être sincérisées ? L'augmentation de l'enveloppe permettra-t-elle de prendre en compte les besoins, notamment dans les zones rurales ?

M. Rémi Féraud. - Cette mission rassemble des sujets très différents.

Comme le disait le rapporteur général, les besoins en matière d'aide alimentaire sont moins criants ; nous verrons si les moyens prévus sont suffisants. En revanche, les crédits alloués au programme « Égalité entre les femmes et les hommes » sont sans rapport non seulement avec les ambitions annoncées, mais aussi avec les besoins, d'autant qu'une grande partie des financements seront consacrés à la nouvelle aide universelle d'urgence. En lien avec les associations, à combien estimez-vous les besoins liés à l'hébergement d'urgence, dont le rôle est nécessaire, mais qui a été particulièrement sacrifié dans ce budget ?

Vos constats convergent, mais pas vos propositions de vote. Pour notre part, nous suivrons la position d'Éric Bocquet ; l'année dernière, nous avions d'ailleurs voté contre l'adoption de la mission, alors que les crédits augmentaient davantage.

En 2025, les financements seront-ils principalement affectés à la nouvelle aide universelle d'urgence ou à l'augmentation de l'AAH ? Quels moyens devraient être alloués à l'hébergement d'urgence au profit des femmes victimes de violences ?

M. Claude Raynal, président. - Je vous prie de m'en excuser, en raison des quelques mots prononcés en l'honneur de Éric Bocquet, j'ai omis de donner la parole au rapporteur pour avis, M. Laurent Burgoa.

M. Laurent Burgoa, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales sur la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ». - Vous êtes tout excusé, monsieur le président. Je remercie les rapporteurs spéciaux de la présentation de leur rapport, ainsi que de sa qualité. Je salue l'action de Éric Bocquet qui nous quitte bientôt.

Traditionnellement, la commission des affaires sociales n'est pas aussi avancée dans ses travaux relatifs au PLF, car le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) occupe grandement les esprits de ses membres. Bien qu'ayant débuté mes auditions hier, à la lecture des documents budgétaires, je partage les conclusions exposées précédemment.

Dans le contexte budgétaire contraint que nous connaissons, la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » fait figure d'exception et voit ses crédits augmenter de 2,1 %, soit l'ordre de grandeur de l'inflation. Cette progression s'explique, en effet, par la part des dépenses d'intervention, notamment l'AAH et la prime d'activité, qui représentent plus de 87 % des crédits de la mission et qui sont réévaluées automatiquement pour tenir compte de l'inflation.

J'attire également l'attention sur un poste de dépenses en légère augmentation qui me paraît important : la compensation de la charge financière des départements liée aux MNA, notamment lors de la prise en charge de ces mineurs par l'ASE. J'ai rencontré hier soir les représentants de Départements de France (DF) ; les départements n'entendent pas se défausser et comptent participer à l'effort de maîtrise de la dépense publique. Cependant, le vice-président de DF soulignait, à juste titre, au-delà de la croissance des dépenses liée aux flux de mineurs, l'existence de dépenses induites par les nouvelles exigences réglementaires et législatives dans l'exercice de ces compétences.

En conclusion, si nous devons faire preuve d'exigence quant à ce budget, nous devons également veiller aux conséquences financières des évolutions législatives proposées d'ici à la prochaine loi de finances.

M. Victorin Lurel. - Dans le programme 304 figure la recentralisation de la gestion du RSA à Mayotte, en Guyane et à La Réunion ; la Guadeloupe en avait également fait la demande. Où en est-on ?

L'exemple guyanais n'était pas très probant. Lorsqu'il a repris la gestion du RSA, l'État a imposé une durée minimale de présence sur le territoire d'au moins cinq ans pour en bénéficier. Cette disposition me semble d'ailleurs avoir été annulée par décision du tribunal administratif. Lorsque la gestion était assurée par le département, seulement trois mois ou une année de présence était nécessaire.

J'ignore comment cela s'est passé dans les autres territoires. Ce dossier a-t-il été réglé en respectant le principe d'égalité ?

Mme Nathalie Goulet. - Dispose-t-on d'une répartition géographique des MNA ?

M. Jean-Marie Mizzon. - Dans un rapport, il est peu commun de saluer l'audace dont a fait preuve l'administration, en l'occurrence s'agissant de la surprogrammation de crédits ou de surbooking, si je puis dire. J'ignore si cela est autorisé en matière de gestion des fonds structurels européens, car les subventions financent des opérations identifiées en général. Est-ce parce que l'administration a si peu foi en la réussite de la politique de lutte contre la précarité ?

M. Arnaud Bazin, rapporteur spécial. - Sur la question des MNA, l'augmentation des besoins à l'ASE est liée à celle des flux de MNA qui ont progressé de 31 % entre 2023 et 2024. La diminution des crédits de l'État entre les deux lois de finances, de l'ordre de 5,7 %, ne répond pas aux besoins. L'accompagnement des départements est donc un sujet important, qui devrait trouver sa place davantage au sein des mesures générales destinées aux collectivités territoriales que dans cette mission.

Pour ce qui concerne l'aide alimentaire, Éric Bocquet y reviendra, la situation est moins tendue que l'année dernière. Toutefois, les Restos du Coeur ont maintenu des critères d'accès à l'aide alimentaire plus restrictifs que par le passé. Par ailleurs, le nouveau mécanisme d'aide européenne est mis en oeuvre pour la première fois. Autrefois, le Fonds européen d'aide aux plus démunis (Fead) prenait en charge 85 % des dépenses ; désormais, le Fonds social européen+ (FSE+) prendra en charge 90 % des dépenses.

En 2018, dans le cadre du premier rapport de contrôle que nous avions menés avec Éric Bocquet, nous avons constaté la perte de 15 millions d'euros au cours d'un exercice budgétaire, en raison de notre incapacité à justifier l'ensemble des dépenses auprès de l'Union européenne (UE) ; le budget de l'État a donc dû prendre en charge ce manque. Cette fois-ci, la perte est réduite à 10 millions d'euros ; c'est une amélioration. FranceAgriMer s'est professionnalisé et est plus efficace. Néanmoins, des pertes de crédits sont encore à déplorer, ce qui explique le surbooking évoqué par Jean-Marie Mizzon.

En effet, la procédure de justification administrative est bien trop lourde : avec Éric Bocquet, nous avions souligné l'existence de sept niveaux de contrôles successifs, qui expliquent les refus d'apurement et le surbooking. L'aide alimentaire est peut-être davantage un sujet relevant du projet de loi de finances de fin de gestion (PLFG) pour 2024 que du PLF pour 2025 ; toutefois, nous devrons y être très attentifs, car la précarité existe toujours et les besoins pour y remédier restent importants.

Monsieur Laménie, nous ne disposons pas de chiffres précis sur les effectifs de l'administration centrale. Le programme 124 « Conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales » comportait une forme d'appréciation de l'engagement de l'administration dans ses missions au travers des dépenses informatiques ou de gestion des immeubles, mais il a été intégré à une autre mission budgétaire. Nous ne disposons plus de la compétence sur ces crédits en tant que rapporteurs de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ».

À propos du soutien accordé aux communes qui s'engagent dans la contractualisation pour proposer des repas à 1 euro, nous n'avons pas d'informations indiquant que les crédits seraient insuffisants. Toutefois, les besoins sont difficiles à évaluer, car ils dépendent de l'engagement des collectivités. Pour l'instant, cela fonctionne.

Pour répondre à Rémi Féraud sur le programme 137 « Égalité entre les femmes et les hommes », nous n'examinons qu'une toute petite partie des crédits en la matière, car la plus grande partie des dépenses constituée par l'hébergement d'urgence ne relève pas de cette mission. Comme le soulignait Éric Bocquet, l'essentiel de l'augmentation des crédits est dû à l'aide universelle d'urgence pour les victimes de violences conjugales dont les besoins avaient été largement sous-évalués en 2024. Pour 2025, nous verrons si la progression très nette des crédits permettra d'y faire face.

Sur l'ensemble de la mission, la hausse des crédits provient de l'augmentation de l'AAH-2 ; c'est un sujet que nous devrons peut-être étudier sérieusement. Avec Éric Bocquet, nous avions déjà rédigé un rapport de contrôle sur le rôle des maisons départementales des personnes handicapées dans la gestion de l'AAH.

Sur la gestion recentralisée du RSA, le statu quo est de rigueur. Aucun nouveau département ne s'est lancé dans l'expérimentation. Actuellement, il est difficile d'apprécier où se situe la dynamique la plus importante entre les départements d'outre-mer et le département de la Seine-Saint-Denis. Ce sujet devra également être examiné, mais les données ne sont pas encore disponibles.

S'agissant de la Guadeloupe, la collectivité souhaitait se lancer dans l'expérimentation mais n'avait pas pu y participer pour deux raisons : il était difficile d'identifier les dépenses de RSA dans les comptes de la caisse d'allocations familiales (CAF) et la Guadeloupe voulait bénéficier de conditions de recentralisation du RSA plus favorables, ce qui impliquait le recours à une autre procédure. Pour ce qui concerne cette recentralisation de la gestion du RSA, Éric Bocquet et moi-même avons rédigé un rapport de contrôle intitulé RSA recentralisé : une expérimentation au milieu du gué, auquel je vous renvoie.

M. Éric Bocquet, rapporteur spécial. - Sur l'aide alimentaire, les associations soulignent l'évolution de la typologie des personnes qui y ont recours : les jeunes enfants - c'est un phénomène nouveau et inquiétant - et les étudiants - les universités avec l'aide d'associations comme le Secours populaire organisent de plus en plus des distributions de denrées - sont désormais concernés.

S'agissant des cantines scolaires, la direction générale de la cohésion sociale (DGCS) a indiqué que les crédits avaient été sous-estimés les années précédentes : ils étaient par exemple de seulement 35,6 millions en 2024, alors qu'ils sont de 71,9 millions en 2025, soit le double. Pour 2025, le budget est donc en principe sincère.

Madame Goulet, en dépit de l'absence d'éléments chiffrés précis, il semblerait que les MNA soient répartis sur l'ensemble du territoire.

Pour compléter la réponse apportée à Rémi Féraud, j'ajouterai que les associations nous ont alertés sur les moyens dédiés à l'hébergement d'urgence, surtout à l'hébergement non mixte apprécié des femmes victimes de violences, qui n'étaient ni clairs ni suffisants. En effet, dans bien des cas, l'aide d'urgence ne permet de financer un hébergement à l'hôtel que pendant dix ou quinze jours seulement. Quid ensuite ? Il faudra améliorer le dispositif à l'avenir.

M. Arnaud Bazin, rapporteur spécial. - À propos de la répartition géographique des MNA, celle-ci est réalisée sous l'autorité de l'État grâce à une cellule dédiée et selon des critères qui font d'ailleurs l'objet de critiques de la part des départements, qui suivent cette question de très près.

Je remercie, à mon tour, Éric Bocquet de l'excellent climat de travail que nous avons connu. Nombre de sujets de cette mission nous ont passionnés. J'ai été très heureux de travailler avec lui ; je regrette son départ de la commission et lui souhaite le meilleur pour la suite.

La commission décide de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ».

Projet de loi de finances pour 2025 - Missions « Médias, livre et industries culturelles » et « Audiovisuel public » - Examen du rapport spécial

M. Claude Raynal, président. - Nous passons à l'examen du rapport de Jean-Raymond Hugonet.

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur spécial des missions « Médias, livre et industries culturelles » et « Audiovisuel public ». - Je vous présente aujourd'hui, non pas une mission et un compte de concours financiers comme à l'accoutumée, mais deux missions. Le PLF pour 2025 voit en effet la création d'une mission budgétaire finançant l'audiovisuel public - j'aurais l'occasion d'y revenir.

Je commencerai mon intervention par les crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles ». Le PLF prévoit 728,04 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 723,66 millions en crédits de paiement (CP). Ces chiffres traduisent une baisse par rapport à 2024 de 12 millions d'euros, soit 1,7 % en CP et 1,9 % en AE.

La quasi-totalité de cette diminution est absorbée par le soutien aux radios locales. Le fonds de soutien à l'expression radiophonique (FSER), qui aide 750 radios associatives non commerciales, bénéficiait en 2024 de 35 millions d'euros de crédits. Ce montant est ramené à 25 millions d'euros pour 2025.

Cette baisse a été décidée par le ministère chargé du budget et des comptes publics sans concertation avec le ministère de la culture, et met dans l'embarras nombre de petites radios qui sont précieuses dans nos territoires. La ministre de la culture a d'ores et déjà indiqué son intention de revenir sur cette baisse, si ce n'est au cours de l'examen du PLF, à tout le moins en gestion. Il est probable que l'examen à l'Assemblée nationale permette d'abonder le FSER. J'y serai en tout cas très attentif et me réserve la possibilité d'y revenir avant l'examen de la mission en séance publique au Sénat.

Au-delà des radios, la moitié des crédits de la mission est fléchée vers le soutien au secteur de la presse écrite. Le montant total des aides à la presse diminue de 1 % par rapport à 2024. Il devrait atteindre 194 millions d'euros en crédits de paiement en 2025. Cette stabilité appelle un commentaire principal : la réforme des aides à la presse est devenue indispensable. Alors que le secteur est très fragile et que les ventes de la presse écrite au numéro sont en chute libre, la réforme des aides à la distribution attend toujours.

Les états généraux de l'information, qui ont rendu leurs conclusions en septembre dernier, n'ont pas directement suggéré une rationalisation d'ensemble des aides à la presse, qui semble pourtant plus que nécessaire. La dépense fiscale en faveur de la presse s'élève à 170 millions d'euros. Le soutien de l'État représente donc un montant total de près de 400 millions d'euros, sans avoir permis jusqu'à présent de répondre aux défis de long terme du secteur.

En outre, la mission finance également l'Agence France-Presse (AFP), à hauteur de 143 millions d'euros en 2025. L'AFP a connu une situation financière très difficile au cours des dernières années, sa dette ayant atteint 50 millions d'euros en 2017. Ses finances sont aujourd'hui assainies et sa trajectoire de désendettement bien engagée, notamment grâce à un plan d'économies. Celui-ci devrait se poursuivre au cours des prochaines années.

La mission porte également une partie des crédits de l'État en faveur du livre et de la lecture, pour 327 millions d'euros. Ces crédits sont pour l'essentiel destinés aux grandes bibliothèques, en particulier la Bibliothèque nationale de France (BNF). La subvention versée à la BNF représentera 216,2 millions d'euros en 2025. Les bâtiments sont pour certains vieillissants et font l'objet d'investissements continus. L'essentiel des dépenses de la BNF concerne sa masse salariale, dont la croissance est essentiellement liée aux mesures générales prises dans la fonction publique, qui n'ont d'ailleurs été que partiellement compensées.

Ces crédits, comparés à la dépense des collectivités en faveur de la lecture, restent limités. Les collectivités territoriales ont ainsi dépensé en 2022 près de 1,4 milliard d'euros pour les bibliothèques. La dotation de l'État pour les bibliothèques, portée par la mission « Relations avec les collectivités territoriales », ne représente que moins d'un dixième de cette somme.

Enfin, je voudrais dire quelques mots du Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC). Le CNC n'est pas financé par des crédits budgétaires, mais par des taxes affectées. Le rendement de ces taxes est dynamique, de sorte que le CNC bénéficie d'un budget en hausse continue. Il atteindra 785 millions d'euros en 2025.

L'article 33 du projet de loi de finances prélève 450 millions d'euros sur la trésorerie du CNC. Cette ponction devrait être sans aucune conséquence pour l'établissement, dont le fonds de roulement dépassait les 800 millions d'euros. La gestion du CNC a été très prudente et a entraîné une croissance de sa trésorerie qui n'a pas de réelle raison d'être. Il semble donc tout à fait logique, en particulier par les temps qui courent, que cet argent inemployé rejoigne le budget général.

Compte tenu de ce qui vient d'être dit, je vous propose d'adopter, sans modification, les crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles ».

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Concernant les radios associatives, je m'interroge sur les raisons d'une baisse si brutale des crédits. C'est un vecteur d'information de proximité très utile pour nos territoires qui doit faire l'objet de toute notre vigilance.

Ensuite, les réformes sont très lentes à mettre en oeuvre, alors que la presse écrite bénéficie d'un soutien de 200 millions d'euros. Nous courons de difficulté en difficulté, sans parvenir à réformer. Je compte sur la responsabilité de chacun pour que les choses avancent, car réformer, c'est aussi prendre une juste part aux efforts budgétaires demandés.

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur spécial. - S'agissant maintenant de la mission « Audiovisuel public », elle devrait, je l'espère, être temporaire. En effet, nous avons adopté il y a une semaine la proposition de loi organique (PPLO) portant réforme du financement de l'audiovisuel public. Celle-ci a modifié la loi organique relative aux lois de finances (Lolf) pour permettre aux sociétés d'audiovisuel public de bénéficier de l'affectation d'un montant d'impôt d'État. En d'autres termes, cela revient à pérenniser le système antérieur d'affectation d'une fraction de TVA.

La PPLO sera examinée en séance publique à l'Assemblée nationale le 19 novembre prochain. Si elle est adoptée dans les mêmes termes, nous pourrons en tirer les conséquences en réintroduisant un financement par une fraction de TVA en première partie de la loi de finances. J'ai donc bon espoir que la mission « Audiovisuel public » soit redevenue un compte de concours financiers d'ici à son passage en séance au Sénat.

S'agissant maintenant du niveau du financement accordé, le montant des crédits prévus en 2025 est stable par rapport à l'année précédente. Cela représente 4,029 milliards d'euros. Les deux tiers de ce montant vont à France Télévisions et 16 % à Radio France.

Ce montant est nettement inférieur à la trajectoire prévue par les contrats d'objectifs et de moyens (COM) qui nous ont été transmis juste après la dissolution. C'est une bonne chose. Les contrats négociés il y a à peine quatre mois reposent sur une hypothèse de progression des dotations de 104 millions d'euros en 2025.

Dans le contexte actuel, il est légitime que l'audiovisuel public prenne sa part à l'effort général d'économies.

Notons par ailleurs que les crédits sont stables par rapport à la loi de finances initiale (LFI). Toutefois, par rapport à l'exécution observée en 2024, les crédits prévus dans le PLF devraient augmenter de 72 millions d'euros. En tenant compte des montants effectivement versés aux sociétés d'audiovisuel public au titre de 2024, les crédits accordés à l'audiovisuel public devraient augmenter de 1,8 %.

Cette différence découle de la modification accordée au titre de l'enveloppe prévue en 2024 pour des projets de transformation. Ce financement spécifique devait initialement s'élever à 200 millions d'euros sur trois ans, dont 69 millions d'euros au titre de 2024.

Or, devant l'ampleur de la catastrophe budgétaire, une partie des crédits prévus en 2024 ont été annulés par le décret de février, à hauteur de 20 millions d'euros. Une autre partie des crédits a été gelée. Tout compte fait, seuls 19 millions d'euros sur 69 millions d'euros auront été versés aux sociétés d'audiovisuel public au titre du programme de transformation. En 2025, 30 millions d'euros sont tout de même prévus.

Nous avons appris par le document publié dimanche dernier que le Gouvernement projetait de réduire de 50 millions d'euros le montant de la mission, ce qui le porterait à 3,979 milliards d'euros. Cette réduction est justifiée par un « effort de maîtrise des dépenses de l'audiovisuel public, en particulier pour France Télévisions ». Je trouve cette réduction justifiée. Nous attendons cependant l'amendement du Gouvernement.

Je suis certain que la seule piste d'économies durable est celle d'une réorganisation générale de l'audiovisuel public. La stratégie de mutualisation « par le bas » entre les sociétés se hâte avec lenteur et ne peut suffire. La priorité est de redéfinir les missions de l'audiovisuel public, d'en dessiner le nouveau périmètre, puis d'en tirer les conséquences budgétaires. J'ai bon espoir que nous y travaillerons avec le Gouvernement dans les prochains mois.

Je vous propose d'adopter les crédits de la mission « Audiovisuel public » sans modification.

M. Arnaud Bazin. - Je précise, par souci de transparence, que je préside par intérim la commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations (CDC), actionnaire à 66 % de La Poste. Vous annoncez 170 millions d'euros de soutien à la presse écrite ; or la mission de service public assurée par La Poste est sous-financée à hauteur de 500 millions d'euros, chiffre de La Poste confirmé par l'audit de la commission de surveillance de la CDC. La participation de l'État à cette mission de service public va-t-elle être revue ?

M. Vincent Éblé. - Le budget de cette belle mission « Médias, livre et industries culturelles » est en baisse de 1,67 %. Les crédits du programme 180 « Presse et médias » baissent de 2 %. Les radios associatives perdent près d'un tiers de leur enveloppe, déjà amputée précédemment de l'aide aux podcasts en 2024, qui n'aura duré que deux ans. Les crédits du programme 334 « Livre et industries culturelles » sont également en baisse, même si elle est moindre.

Les crédits du FSER diminuent de 30 %, ce qui nous inquiète vivement. Les radios indépendantes garantissent une forme de pluralité de l'information dans les territoires ; le Sénat y est historiquement attaché.

Pour toutes ces raisons, nous n'adopterons pas ces crédits.

M. Michel Canévet. - Je me réjouis que le rapporteur spécial s'attelle à la tâche d'une meilleure optimisation de l'utilisation des crédits de l'audiovisuel public, rappelant le souhait de rigueur qui prévaut dans cette commission.

Le CNC, après prélèvement, disposera encore de 400 millions d'euros de trésorerie. Pourrait-on envisager une ponction supplémentaire ? Ne mobilisons pas du capital inutilement.

M. Grégory Blanc. - Je trouve symptomatique cette ponction d'un demi-milliard d'euros sur la trésorerie du CNC : agir ainsi, c'est un tir à un coup. Cela en dit long de nos perspectives pour l'avenir.

Les crédits de l'audiovisuel public pourraient baisser de 50 millions d'euros. Or toute réforme prend du temps, et les économies attendues à terme arriveront tardivement. En 2026, la situation budgétaire des sociétés risque d'être difficile. Les seules coupes budgétaires ne règleront pas les problèmes financiers du pays.

Concernant les radios associatives, je ne comprends pas une telle baisse des crédits. Dans mon territoire, Radio France n'est pas présente ; sans radios associatives, il n'y aura plus rien. Les radios associatives sont un véritable enjeu en termes d'aménagement du territoire.

Mme Nathalie Goulet. - Nous avons eu la même discussion en séance l'année dernière sur les contributions du CNC. Quels sont les critères d'attribution des subventions ? Je n'ai rien de particulier contre Bernard-Henri Lévy, mais le nombre d'aides qu'il touche pour ses films de médiocre qualité est spectaculaire ! Quand on connaît le nombre de chaînes dont il est membre du conseil d'administration, on peut légitimement s'interroger sur d'éventuels conflits d'intérêts.

Par ailleurs, nous avons largement débattu, ces dernières années, du maintien des aides à la presse, qui, à l'origine, devaient permettre la numérisation et l'informatisation des rédactions. Alors que les crises liées à la financiarisation de la presse se multiplient, ces aides publiques, qui ne garantissent manifestement pas l'indépendance des rédactions, sont-elles toujours aussi nécessaires ?

M. Raphaël Daubet. - Je partage le désarroi de mes collègues concernant les radios associatives. Celles-ci sont menacées par une coupe budgétaire à la fois disproportionnée, incompréhensible et dangereuse, qui porterait un coup fatal à la vie démocratique et culturelle de nos territoires.

Je m'interroge, par ailleurs, sur la consommation énergétique du site François-Mitterrand de la Bibliothèque nationale de France, dont il nous est dit qu'est équivalente à celle d'une ville de 20 000 habitants.

M. Éric Jeansannetas. - J'insiste à mon tour sur les radios associatives. Monsieur le rapporteur spécial, je vous remercie de vous interroger sur la pertinence de cette réduction de crédits à hauteur de 30 %. Ces radios associatives sont en péril. Dans mon département de la Creuse, il s'agit de toutes petites stations, avec des budgets très restreints, animées par des permanents. C'est leur survie qui est en jeu, et, en même temps, celle du pluralisme et de l'éducation à l'information qu'elles assurent, en particulier en milieu scolaire.

Ces radios ont progressivement disparu du paysage médiatique - nous ne sommes plus à l'époque de l'éclosion des radios libres dans les années 1980 !

Quoi qu'il en soit, si l'Assemblée nationale n'adopte pas d'amendement pour abonder ce fonds de soutien à l'expression radiophonique, le Sénat devra s'en charger.

Mme Christine Lavarde. - Je suis également interpellée par la consommation énergétique de la BNF. En tant que membre du Conseil de l'immobilier de l'État, aux côtés de Rémi Féraud, je me demande quels crédits ont été ouverts pour le respect du décret, dit « tertiaire », du 23 juillet 2019 relatif aux obligations d'actions de réduction de la consommation d'énergie finale dans des bâtiments à usage tertiaire par le ministère de la culture.

M. Laurent Somon. - Au moment de la crise covid, une nouvelle chaîne culturelle a été créée. Alors qu'elle devait être provisoire, elle a été pérennisée. Ne ferions-nous pas acte de bonne gestion en réintégrant une chaîne créée de manière exceptionnelle dans des programmes de chaînes plus populaires ? Nous en améliorerions d'ailleurs la qualité ! Plutôt que d'inciter les Français à regarder des séries policières américaines à longueur de soirées, il serait plus pertinent de promouvoir des émissions culturelles tout en faisant des économies de fonctionnement.

M. Victorin Lurel. - Je m'associe aux propos de mes collègues sur le soutien que nous devons apporter aux radios locales. Je m'étonne de la réduction de leur budget.

Je suis également surpris d'apprendre la diminution de 50 millions d'euros pour l'audiovisuel public qu'a évoquée le rapporteur. La semaine dernière, lorsque le Sénat a adopté la proposition de loi organique portant réforme du financement de l'audiovisuel public, Mme Dati a répondu à mes questions par des engagements forts. Elle a notamment assuré qu'elle ne toucherait pas aux dotations telles qu'elles ont été inscrites dans le PLF 2025

Par ailleurs, le programme de transformation, qui a été créé de toutes pièces, a imposé une condition d'exécution préalable du contenu du contrat d'objectifs et de moyens. Les crédits de ce programme s'élevaient à 69 millions d'euros, dont 45 millions pour France Télévisions. Pour l'heure, seuls 12 millions ont été versés. Et finalement, le Gouvernement projette une réduction de 50 millions d'euros de ces crédits, sans que l'on sache vraiment où et comment cela sera imputé !

Cette information tranche fortement avec les engagements pris par Mme Dati la semaine dernière. J'avais souligné, à cette occasion, que le ministre chargé du budget et des comptes publics avait expliqué que 12 milliards d'euros ne seraient pas consommés et que l'État, dans le projet de loi de finances de fin de gestion, procéderait à des annulations à hauteur de 6 milliards d'euros. Là encore, la ministre de la culture s'est engagée à préserver l'audiovisuel public.

Je sais que vous appelez de vos voeux une réforme globale de la gouvernance et même une fusion de l'audiovisuel public français. Néanmoins, je suis surpris d'apprendre que le Gouvernement souhaite revoir entièrement le financement à la baisse. Comme on dit en créole : « Pawòl an bouch pa chaj » - ne prenons pas les mots pour argent comptant !

M. Bernard Delcros. - J'abonde dans le sens de mes collègues sur les radios associatives. L'enjeu financier n'est pas considérable : on parle de 10 millions d'euros, dans un plan d'économies de 60 milliards ! Et pourtant, c'est une question de survie pour ces radios associatives locales qui jouent un rôle déterminant, en particulier pour faire vivre les territoires les plus reculés. Le jeu n'en vaut pas la chandelle.

M. Christian Bilhac. - Je ne voterai pas les crédits de cette mission, car c'est une caricature de notre administration. Le Gouvernement ne propose aucune réforme, mais il se contente, à son habitude, de sortir de son atelier de menuiserie son rabot préféré. Mes collègues sont déjà largement revenus sur la mort annoncée de nombreuses radios associatives - tout cela pour quelques sous ! Puis on sort le fusil à un coup, pour 450 millions d'économies, soit la moitié des réserves de trésorerie du CNC. Mais si l'on tire le deuxième coup l'an prochain, il ne restera plus rien !

Bref, on bricole, au lieu de réformer en profondeur, on rabote, on ponctionne les fonds de réserve : quelle absence totale de vision de ce que doit être la gestion d'une mission par les services de l'État !

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur spécial. - Monsieur Bazin, les aides à la diffusion s'élèvent à 114 millions d'euros, dont 65,5 millions pour les exemplaires postés. L'ambition est de diminuer le soutien à la diffusion postée, au profit de l'aide à l'exemplaire porté. Une baisse est donc prévue, y compris dans le contrat avec La Poste.

Monsieur Éblé, nous avons jusqu'à maintenant assisté à un bricolage sur l'audiovisuel, d'année en année. C'est encore le cas cette année, en l'absence de réforme. Mais pour la première fois, la tendance est plutôt à la baisse. Pour autant, les ressources restent globalement stables.

J'en viens au CNC. Il s'agit d'une maison qui fonctionne très bien, ce qui est d'ailleurs rassurant pour le cinéma français, à l'heure où l'on parle de créer un musée national dédié au septième art, dont, ne l'oublions pas, nous sommes les inventeurs. Depuis l'après-guerre, le cinéma représente une activité importante et structurée dans notre pays.

La Cour des comptes avait conseillé au CNC la constitution d'importantes réserves de précaution, bien que sa gestion soit de bonne qualité. La ponction n'a pas posé de difficulté à l'établissement, alors que le temps budgétaire se couvre, car chacun, était bien conscient de l'existence de ce gisement.

Le directeur du CNC, qui en est aussi le président par intérim, estime que la ponction de 450 millions d'euros ne représente pas un problème. En revanche, la question de la nécessité de conserver la réserve restante pour conserver une gestion prudente peut se poser.

Monsieur Blanc, lorsque nous soulignons des baisses de crédits, ne soyons pas amnésiques. Depuis des années, l'audiovisuel public vit dans un relatif confort financier. Alors que toute la Nation se voit contrainte à un effort collectif, ce programme budgétaire me paraît tout à fait tolérable.

Quels que soient nos territoires ou notre sensibilité politique, nous sommes tous touchés par la baisse de crédits en faveur des radios associatives. Tant dans la forme que dans le montant, cette réduction est inexplicable. La somme en question - 10 millions - n'est pas négligeable, mais c'est une goutte d'eau au regard de la situation financière catastrophique de notre pays. Pourquoi, alors, le budget de ces radios a-t-il été divisé de moitié par Bercy ? Je m'attends à des réactions similaires à la nôtre à l'Assemblée nationale. Il est d'ailleurs insupportable que le ministère de la culture n'ait pas été informé de cette décision.

Je me demande, pour ma part, si cette baisse ne résulte pas d'une volonté d'agir, de manière très ciblée, sur le local. Il pourrait s'agir d'une manière d'accompagner ce mouvement, à l'image de la synergie entre France 3 et France Bleu sous la marque « Ici ».

Madame Goulet, je me garderai de donner un avis artistique sur la production d'un réalisateur. La question des subventions se pose de la même manière au Centre national de la musique (CNM). Il est tout à fait illusoire d'espérer trouver une clé de répartition parfaite qui ne lèse personne. En tant que co-financeur des productions, le CNC doit prendre des risques, car la matière artistique n'a rien d'arithmétique.

La financiarisation de la presse pose en effet problème. Comme dans l'audiovisuel, nous voyons chaque année s'accroître les problèmes sans trouver de véritable parade. Sauf à adopter une réforme en profondeur, nous ne pourrons procéder autrement que par cette forme de bricolage.

Je n'ai pas de réponse précise à apporter sur la consommation énergétique de la BnF. Ces crédits sont pour l'essentiel d'ordre bâtimentaire, car le site François-Mitterrand, construit il y a trente ans, est déjà relativement ancien. Ce sont en particulier les salles de conservation qui sont fortement consommatrices. L'ouverture du site d'Amiens en 2029, qui accueillera les archives de la BnF, a été prévue notamment pour répondre à cette problématique.

Monsieur Lurel, en ces temps, les promesses budgétaires n'engagent que ceux qui les écoutent. J'étais présent lorsque la ministre vous a répondu. Mais, mon cher collègue, cet échange date de la semaine dernière. Or c'est ce week-end seulement que nous avons appris que 50 millions d'économies sont désormais à prévoir. Par ailleurs, les crédits du programme de transformation, encore une fois, résultent d'un bricolage - il s'appuyait d'ailleurs largement sur la promesse du numérique, vu comme l'alpha et l'oméga de l'audiovisuel à venir. Certains présidents de structures n'ont même pas été avertis que ces crédits ont été gelés. En tout cas, je vous rejoins sur un point : bien malin celui qui pourra prévoir si ces crédits seront intégralement versés !

Monsieur Bilhac, vous invitez à mettre fin aux coups de rabot. Mais ne disiez-vous pas, hier encore, qu'il fallait faire des économies ?

Monsieur Somon, juste avant la crise sanitaire, dans une volonté de réduire la subvention à l'audiovisuel public, la commission de la culture préconisait de supprimer France 4. Puis, lorsque le confinement a été déclaré, cette même commission a jugé pertinente la création d'une chaîne culturelle en continu - Culturebox -, même si le Président de la République s'est attribué le mérite de cette idée deux jours plus tard. Cette chaîne a très bien fonctionné pendant le covid. Et des années plus tard, plus personne ne souhaite la supprimer, au vu de son succès. Pour autant, ne faisons pas de Culturebox l'arbre qui cache la forêt des 2,7 milliards de financements alloués à France Télévisions.

La commission décide de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits des missions « Médias, livre et industries culturelles » et « Audiovisuel public ».

Projet de loi de finances pour 2025 - Mission « Sport, jeunesse et vie associative » - Examen du rapport spécial

M. Éric Jeansannetas, rapporteur spécial de la mission « Sport, jeunesse et vie associative ». - La mission « Sport, jeunesse et vie associative » voit ses crédits diminuer de 12,8 %, pour atteindre 1 579 millions d'euros en crédits de paiement (CP). Nous savons également que le Gouvernement compte économiser, par voie d'amendement, 55 millions d'euros supplémentaires sur la mission, mais nous n'en connaissons pas encore les détails.

Cette baisse, qui est la plus forte enregistrée par la mission depuis au moins dix ans, s'explique principalement par des raisons conjoncturelles.

Je pense tout d'abord, bien sûr, à la fin des dépenses exceptionnelles pour les jeux Olympiques et Paralympiques (JOP) de Paris 2024, qui explique à elle seule 67,5 millions d'euros de baisse sur le programme 219 « Sport », et 85,5 millions d'euros sur le programme 350 « Jeux olympiques et paralympiques » qui, pour mémoire, porte les dépenses relatives aux constructions.

De l'avis général, les Jeux ont été une véritable réussite. Il est encore trop tôt pour avoir un bilan définitif de leur coût - la Cour des comptes est actuellement en train de le réaliser -, mais les premières informations dont nous disposons sont très positives.

Les ouvrages olympiques ont été livrés dans les temps et en respectant les contraintes budgétaires. La maquette financière initiale de la Société de livraison des ouvrages olympiques (Solideo), élaborée en 2018, prévoyait un financement par les acteurs publics d'un montant de 1 378 millions d'euros. Hors inflation, la livraison des jeux Olympiques et Paralympiques aura coûté 1 398 millions d'euros, soit une différence de seulement 1,5 % avec les prévisions initiales. Et entre-temps, nous avons connu une pandémie et une crise énergétique !

L'établissement Solideo a mis en place un système efficace de recueil de l'information et de contrôle des risques, qui a permis l'annulation et la réorientation rapide de tous les projets qui auraient pu conduire à un dépassement du budget.

Ainsi, en juillet dernier, la Solideo a restitué 38,6 millions d'euros aux financeurs publics, dont 29,9 millions d'euros à l'État et 8,7 millions d'euros aux collectivités territoriales. Les sommes allouées à l'État ont été affectées au Comité d'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques (Cojop) pour le financement des jeux Paralympiques.

Sans entrer dans le détail des comptes du Cojop, dont le bilan n'est pas encore connu avec exactitude, il apparaît, d'après les informations transmises par le ministère, qu'il est très peu probable que la garantie de l'État soit appelée.

En tout état de cause, je salue l'action de la Solideo et du Cojop, qui a permis aux Jeux de Paris 2024 d'être une véritable réussite.

L'autre mouvement de crédits important de la mission provient du plan « 5 000 équipements - Génération 2024 », qui perd 100 millions d'euros. Il s'agit toutefois d'une baisse en trompe-l'oeil. La loi de finances initiale (LFI) de 2024 avait en effet ouvert 100 millions d'euros pour le plan, mais la sélection des dossiers et l'engagement de constructions ayant pris plus de temps que prévu, il est estimé que 96 millions d'euros de crédits ne seront pas consommés à la fin de cette année. Le Gouvernement a donc fait le choix de financer le plan pour l'année 2025 entièrement par reports de crédits.

Les évolutions les plus préoccupantes concernent en réalité le financement de l'Agence nationale du sport (ANS). Pour mémoire, l'ANS est notamment financée par une contribution sur les droits de diffusion de manifestations ou de compétitions sportives, dite taxe Buffet, qui lui est intégralement affectée. Or cette taxe va connaître une baisse significative de ses recettes.

En effet, sur la période 2024-2029, la Ligue de football professionnel (LFP) devrait percevoir, au titre des droits télévisuels de la Ligue 1 et de la Ligue 2, un total de 678,5 millions d'euros par an, contre 743 millions d'euros par saison dans le cadre du contrat précédent. Ce manque à gagner affectera le rendement de la taxe Buffet jusqu'à l'exercice 2028, au minimum, ce qui devrait se traduire par une baisse des financements de l'ANS à hauteur de 4 millions d'euros par an.

La situation actuelle rappelle l'affaire Mediapro. La défaillance du diffuseur avait conduit à un écart entre les prévisions et le rendement de la taxe de 14,4 millions d'euros par an, et cette baisse de financement avait été compensée par des crédits budgétaires inscrits pour l'ANS en 2023 et en 2024.

Une telle situation est absurde : les finances publiques n'ont pas vocation à supporter les aléas de la négociation des droits audiovisuels des retransmissions sportives !

Je ne suis pas favorable à une suppression de l'affectation de la taxe Buffet à l'ANS, dans la mesure où elle demeure un symbole de la solidarité entre le sport professionnel et amateur, mais il convient de repenser le financement de l'Agence afin de le rendre moins dépendant de la conjoncture.

J'en viens au volet « jeunesse et vie associative » de la mission.

Le fonds pour le développement de la vie associative (FDVA) a gagné un supplément de financement de 17 à 20 millions d'euros l'année dernière, via le mécanisme de fléchage des comptes inactifs de l'État. Je le salue, car il a - enfin ! - atteint le montant de l'ancienne dotation parlementaire. Il convient désormais de prendre toutes les garanties nécessaires pour qu'il puisse accomplir au mieux sa mission, à savoir, le soutien financier des petites associations.

Les crédits inscrits pour le service civique - une politique qui me tient particulièrement à coeur -s'élèveront à 600 millions d'euros en 2025, en hausse de presque 80 millions d'euros par rapport à l'année précédente. Cette progression correspond toutefois en réalité davantage à un « rebasage » des crédits du service civique, dans la mesure où le dispositif était également financé par la trésorerie de l'Agence du service civique (ASC).

Or, la trésorerie de l'ASC est désormais redescendue à un niveau très faible, si bien qu'elle pourrait même tomber dès 2025 sous le niveau prudentiel, compte tenu des annulations de crédits décidées en février 2024. Le rebasage des crédits du service civique relève donc d'une bonne gestion, mais nous devons rester vigilants.

Je termine sur une politique plus controversée : le service national universel (SNU).

Celui-ci est doté de 128,3 millions d'euros pour 2025, en baisse de 31,7 millions d'euros par rapport à la précédente loi de finances. C'est la première fois que les crédits du SNU baissent depuis le début de l'expérimentation en 2019. On peut donc s'interroger sur l'état d'avancement de l'objectif de sa généralisation. Le ministre des sports, de la jeunesse et de la vie associative, Gil Avérous, dans une déclaration récente, a affirmé que le Gouvernement n'avait pas les moyens de la généralisation du SNU, et que celle-ci n'était pas prévue à court terme.

Cette déclaration ne m'a pas surpris dans la mesure où j'ai mené un travail de contrôle sur le SNU, dont les conclusions ont été adoptées par notre commission le 8 mars 2023. J'avais alors estimé que sa généralisation, dans sa forme actuelle, n'était ni possible ni souhaitable. Il est extrêmement difficile de trouver suffisamment de centres pour accueillir l'ensemble des jeunes accomplissant un séjour de cohésion, et le recrutement des encadrants est également un défi majeur.

Il est déjà complexe d'organiser les séjours de cohésion alors que 60 000 jeunes seulement y participent. Que dire des difficultés logistiques d'un SNU qui serait généralisé à l'ensemble d'une classe d'âge, c'est-à-dire 840 000 jeunes ?

Plus récemment, la Cour des comptes a publié un rapport critique sur le SNU, dans lequel elle soulignait des coûts de fonctionnement annuels faramineux en cas de généralisation - entre 3,5 milliards et 5 milliards d'euros par an -, soit un montant par jeune doublé par rapport à l'expérimentation.

Plus fondamentalement encore, on peut se demander si le SNU correspond bien au modèle d'engagement que nous voulons pour nos jeunes. L'idée d'un engagement obligatoire me semble paradoxale. Il serait préférable de faire confiance aux jeunes, dont l'engagement n'est pas à prouver.

Certes, les plus défavorisés peuvent connaître des difficultés à s'engager, mais le service civique permet justement de répondre à cet enjeu. C'est ce dispositif qu'il conviendrait de promouvoir.

Faute d'une perspective crédible de généralisation, l'expérimentation du service national universel ne me semble pas devoir être poursuivie. Je présenterai donc un amendement visant à la supprimer.

Aussi, je vous propose d'adopter les crédits de la mission ainsi modifiés.

M. Jean-Jacques Lozach, rapporteur pour avis de la commission de la culture sur le programme « Sport » de la mission « Sport, jeunesse et vie associative ». - Notons tout d'abord une heureuse simplification depuis la formation du Gouvernement : le périmètre ministériel correspond désormais à celui de la mission.

La partie dédiée au sport est composée du programme 350 « Jeux olympiques et paralympiques », qui connaît une baisse de 85 millions d'euros, et du programme 219 « Sport », dont les crédits diminuent de 188 millions d'euros, soit de 23 % en crédits de paiement. Pour l'ensemble des deux programmes, c'est un recul de 268 millions ou 273 millions d'euros, selon la manière de calculer.

Après le succès des jeux Olympiques, ce budget décevant fait l'effet d'une douche froide. Nous avons connu des budgets, pour le programme « Sport », bien plus convaincants que celui-ci, qui ont pourtant fait l'objet d'avis réservés, voire, défavorables, de la commission de la culture ! À moins que des modifications ne soient adoptées au cours du débat budgétaire, je ne suis pas certain que ce budget recueille un avis positif.

Et pourtant, cela n'empêche pas le ministre des sports d'affirmer : « La baisse de 268 millions n'impacte pas ma politique » ! C'est quelque peu étonnant...

Gil Avérous se dit néanmoins favorable au relèvement de la taxe sur les paris sportifs, qui représente un outil intéressant de financement du sport. En effet, un déplafonnement total du prélèvement sur les paris sportifs en ligne permettrait de dégager immédiatement 133 millions d'euros de recettes. Or il manque 170 millions d'euros pour maintenir le budget du seul programme « Sport » au niveau de celui du projet de loi de finances (PLF) pour 2024.

Ce déplafonnement me paraît essentiel, car, à compter de l'année prochaine, en vertu de l'application de la loi organique relative aux lois de finances (Lolf), cette taxe sera l'une des deux seules qui sont affectées au financement de ce programme, avec la taxe Buffet. En outre, il s'agit d'une ressource très dynamique. En additionnant les paris sur l'Euro de football et les jeux Olympiques et Paralympiques sur l'année 2024, on dépasse le milliard d'euros.

Il faut prendre l'argent où il est, sauf, comme le propose le rapporteur spécial, à supprimer le SNU et basculer les 130 millions d'euros de crédits vers le programme « Sport », notamment pour financer le plan 5 000 équipements.

Ce budget donne le sentiment d'une gueule de bois après les jeux Olympiques et Paralympiques. C'est aussi l'avis du mouvement sportif, alors même qu'il est débordé par l'afflux de nouveaux pratiquants. La demande a augmenté jusqu'à 30 % dans les fédérations d'escrime et de tennis de table, en particulier, alors qu'il leur est impossible d'accueillir de nouveaux licenciés.

Il est vrai que, bien avant les jeux Olympiques et Paralympiques, la loi de programmation des finances publiques (LPFP) pour 2023-2027 annonçait déjà une baisse de 130 millions d'euros pour 2025 et 2026. En outre, la baisse des crédits des collectivités locales - notamment l'effort de 3 milliards demandé aux régions - affectera aussi les équipements.

M. Yan Chantrel, rapporteur pour avis de la commission de la culture sur le programme « Jeunesse et vie associative » de la mission « Sport, jeunesse et vie associative ». - Le budget du programme 163 « Jeunesse et vie associative » progresse de 36 millions d'euros, soit 4 %. Mais cette augmentation est en trompe-l'oeil, car elle est essentiellement due à l'abondement de 80 millions d'euros supplémentaires pour le service civique, qui, ces dernières années, a été largement supporté par l'ASC sur ses fonds de trésorerie.

En réalité, tout le reste du programme diminue. Pour certains dispositifs, comme le SNU, nous ne nous en plaignons pas ! Mais ce programme couvre aussi le développement de la vie associative, ou encore les actions en faveur de la jeunesse et de l'éducation populaire, qui sont essentiels.

Notre pays compte environ 15 millions de bénévoles, qui animent des structures essentielles pour la cohésion sociale. Leur budget repose également sur celui des collectivités locales, ce qui suscite une forte inquiétude de la part des responsables du secteur. On note d'ailleurs que plus le maillage associatif d'un territoire est fort, moins les votes en faveur de l'extrême droite sont importants.

Le SNU est dispendieux, et son efficacité est relative. Nous proposons donc de le supprimer afin de redéployer ces crédits vers des dispositifs qui fonctionnent mieux. Le service civique en fait partie. Les associations insistent également sur l'importance de la formation. En effet, on constate une diminution de la présence des bénévoles âgés, qui gèrent généralement les associations, tandis que les jeunes sont de plus en plus nombreux à s'impliquer, mais de manière plus temporaire et ponctuelle. La formation des bénévoles est essentiellement assurée par le FDVA, dont les crédits s'élèvent à 8,5 millions - avec 15 millions de bénévoles, cela représente 50 centimes par personne. Les responsables du secteur associatif suggèrent de revaloriser ce budget à 1 euro par bénévole. Ils revendiquent, également, une augmentation de 10 000 euros du montant de chaque unité du fonds de coopération de la jeunesse et de l'éducation populaire (Fonjep), qui n'a pas été revalorisé depuis plusieurs années et qui représente actuellement près de 7 200 euros par unité.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Ce rapport est présenté dans un contexte de crise aiguë de nos comptes publics.

Concernant le financement de l'Agence nationale du sport, vous soulignez à raison que les finances publiques ne devraient pas jouer le rôle de variable d'ajustement dans les négociations sur l'audiovisuel. Quand un secteur va bien, on estime que c'est normal. En revanche, dès qu'il se porte moins bien, on appelle l'État ou les collectivités territoriales à la rescousse.

Pour favoriser la pratique sportive, il serait utile de disposer, à l'échelle des territoires et en lien avec l'État, d'un vrai bilan d'étape de l'état de nos équipements sportifs, et, surtout, des modernisations à envisager. Il ne s'agit pas de créer des terrains de sport sans tenir compte de l'évolution des pratiques. C'est ainsi que nous pourrons promouvoir la pratique du sport amateur, qui rassemble, et permettre le repérage des talents susceptibles d'évoluer vers le sport professionnel.

Il convient aussi de rester attentif aux enjeux d'aménagement du territoire, en réfléchissant à la localisation des différents équipements, qui répondent, parfois, à des pratiques culturelles. Notre examen budgétaire doit aussi être appréhendé au travers de ce prisme. Si nous devons participer à un effort collectif, il convient d'adopter une réflexion à moyen et long termes, avec une véritable ambition stratégique, construite à la fois par l'État et les acteurs du territoire.

Sur le SNU, dont acte ! Je pense que la proposition du rapporteur spécial s'inscrit strictement dans le droit fil des différents rapports publiés sur la question. Nous sommes d'accord, il faut éviter de démultiplier les structures, car nous risquons de perdre en visibilité. Le SNU manque de toute façon de diversité parmi les jeunes participant au séjour de cohésion.

M. Michel Canévet. - Nous pensons qu'il est nécessaire d'entamer une réflexion sur la rationalisation des compétences entre services déconcentrés de l'État et collectivités territoriales. Plus précisément, est-il utile de conserver le FDVA ? Concrètement, ce sont des fonctionnaires d'État qui allouent des subventions, aux montants assez faibles, aux associations locales, ce que pourrait très bien faire le conseil départemental. De même, en ce qui concerne le Pass'Sport, il me semble que c'est bien aux collectivités territoriales qu'il revient d'encourager la pratique du sport.

En résumé, en matière de fonctionnement, et non pas d'investissement, il me semble utile de remettre en cause un certain nombre de politiques publiques de l'État.

M. Didier Rambaud. - Cette mission illustre bien les contradictions que nous avons à gérer. Ces dernières années, j'ai souvent été assez seul à voter les crédits du sport en séance publique. Je suis donc surpris qu'aujourd'hui le rapporteur spécial nous demande de voter les crédits, tout en précisant qu'il s'agit du plus mauvais budget depuis des années.

M. Éric Jeansannetas, rapporteur spécial. - J'ai toujours appelé à voter les crédits.

M. Didier Rambaud. - Vous n'étiez pas nombreux dans ce cas... Cette année, je pense voter contre, en raison des baisses de crédits du plan 5 000 équipements sportifs-Génération 2024, car je pense qu'il est dommage de ne pas profiter de la vague des jeux Olympiques.

J'ai identifié un problème de gouvernance à l'ANS. Personne ne sait à qui il faut s'adresser, car son organisation est trop complexe.

En ce qui concerne le SNU, mon avis commence à évoluer. J'y étais favorable, mais je vois bien que l'objectif de mixité sociale a été oublié en route.

Mme Isabelle Briquet. - Je remercie le rapporteur spécial d'avoir donné un coup de pied dans la fourmilière en ce qui concerne le SNU. Nous remettons en cause son principe depuis le départ. Les objectifs ne sont pas atteints et son coût est considérable.

En revanche, vous avez souligné, à raison, l'intérêt du service civique. Les moyens alloués sont en hausse, mais l'ASC semble assez fragilisée. Va-t-on vers une remise en cause ?

M. Jean-Raymond Hugonet. - Monsieur le rapporteur spécial, je voudrais d'abord avoir des précisions sur le financement de l'ANS.

Ensuite, je veux m'attarder sur le financement de la Ligue de football professionnel. Il faut être prudent sur les chiffres annoncés l'été dernier. Le football français vit vraiment au-dessus de ses moyens. Il est de surcroît financé de façon artificielle grâce à des capitaux étrangers. On peut d'ailleurs s'interroger sur le rôle du Qatar à cet égard.

Il importe d'avoir une stratégie de long terme pour le football afin d'assurer sa souveraineté grâce à un modèle économique pérenne. C'est possible. J'en veux pour preuve les investissements à venir de la famille Arnault et de Red Bull dans le Paris Football Club.

M. Olivier Paccaud. - On nous a présenté le FDVA comme l'héritier de la réserve parlementaire. C'est en quelque sorte la réserve préfectorale. Je suis surpris par vos chiffres, monsieur le rapporteur spécial, puisque vous nous dites que le montant serait identique. Telle n'est pas mon impression localement.

Les parlementaires sont associés au niveau départemental, mais il faut savoir qu'il existe un filtre au niveau régional, avec parfois des corrections. Je m'interroge, car les parlementaires connaissent mieux leur tissu associatif départemental. Dans mon département, les subventions peuvent aller jusqu'à 10 000 euros, ce qui n'est pas rien.

Je suis d'accord pour un guichet unique, mais avec des gens qui connaissent bien le milieu associatif.

M. Marc Laménie. - Je tiens d'abord à saluer les 15 millions de bénévoles qui irriguent notre vie associative.

Je m'interroge sur le SNU : à quelle échéance doit-il disparaître ?

Par ailleurs, je souhaiterais savoir comment fonctionne précisément l'Agence du service civique.

Finalement, il n'y aura que la Journée défense et citoyenneté (JDC) pour toucher l'ensemble d'une classe d'âge, mais une seule journée semble une durée bien trop courte.

Enfin, monsieur le rapporteur spécial, quels sont les rapports de ce budget avec celui de l'éducation nationale ?

Mme Nathalie Goulet. - Nous avons été échaudés par la taxe FIFA l'an dernier. Nous serons vigilants cette année. Existe-t-il une taxe similaire dans le projet de loi de finances ?

M. Victorin Lurel. - Je partage tout ce qui vient d'être dit sur le FDVA. Pour ma part, je n'ai jamais réussi à siéger à la commission en Guadeloupe. Il m'est remonté des informations faisant état d'un fort clientélisme en faveur du football et d'une certaine opacité. Pouvez-vous nous éclairer ?

M. Éric Jeansannetas, rapporteur spécial. - Concernant le FDVA, les parlementaires sont membres de droit des commissions départementales, sous la présidence du préfet.

De ma propre expérience, je n'ai pas relevé de dysfonctionnements. Il n'y a pas de filtre régional.

M. Olivier Paccaud. - Chez nous si !

M. Éric Jeansannetas, rapporteur spécial. - Concernant le FDVA, les crédits s'établiront à 70 millions d'euros en 2025, compte tenu du fléchage des comptes inactifs de l'État - ce qui explique qu'ils ne soient pas visibles dans le programme « jeunesse et vie associative » -, ce qui correspond au montant de l'ancienne réserve parlementaire. Je précise que je ne parle que du volet association, la part de la réserve destinée aux collectivités étant intégrée dans la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR).

Monsieur Canévet, j'ai le sentiment que les associations, sur le terrain, reconnaissent l'utilité du FDVA. Je constate- et ce constat est corroboré par la direction de la vie associative -, que les petites associations - 29 % sont des associations sportives et 19 % sont des associations culturelles - comptant au moins 2 équivalents temps plein (ETP) sollicitent beaucoup ce guichet unique. Notons que 80 % des demandes sont acceptées. Cet outil fonctionne donc plutôt bien dans nos territoires. Aussi, je ne pense pas qu'il faille le supprimer, notamment au vu des évolutions qui s'annoncent pour les budgets des collectivités.

En ce qui concerne le Pass'Sport, un effort d'économies de 10 millions d'euros est prévu pour adapter le budget à la réalité de la demande.

Monsieur Rambaud, je vous confirme que vous n'étiez pas le seul en séance publique à voter les crédits de cette mission l'an dernier : beaucoup de membres de la commission des finances ont été cohérents avec leur vote en commission et ont voté ces crédits, contre la position de leur formation politique.

Où en sont les financements des équipements sportifs ? Un état des lieux à l'issue du premier plan 5 000 équipements sportifs, de 2022 à 2024, a montré qu'il manquait des équipements structurants, notamment des piscines. Il faut en tirer les conséquences pour le nouveau plan Génération 2024, qui n'est d'ailleurs absolument pas remis en cause pour ce qui est des équipements de proximité et des équipements structurants. En revanche, en ce qui concerne la rénovation des cours d'école, des travaux plus légers sont désormais privilégiés.

Madame Briquet, vous avez souligné le rebasage de trajectoire de la trésorerie de l'Agence du service civique. Nous serons vigilants sur le maintien d'une réserve prudentielle pour qu'elle soit au rendez-vous de ses objectifs, à savoir 150 000 jeunes en service civique. Cet objectif est atteint tous les ans et il reste le même encore cette année, avec une amélioration de la qualité des missions. Je signale que l'indice de satisfaction des jeunes est plutôt bon.

Monsieur Laménie, l'ASC est un groupement d'intérêt public réunissant des représentants de l'État, des personnalités qualifiées, des représentants de l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), de l'Institut national de la jeunesse et de l'éducation populaire (Injep), avec des déclinaisons locales, et cela fonctionne plutôt bien.

La fin du SNU sera immédiate si mon amendement prospère. Après la suppression de 100 000 euros que je préconise, il resterait 28,3 millions d'euros pour amortir les frais déjà engagés.

Un effort a été fourni, le coût du séjour de cohésion de deux semaines par jeune passant de 2 400 euros à 2 100 euros, mais les résultats, notamment en matière de brassage, ne sont absolument pas au rendez-vous. Le Gouvernement mise sur 66 000 jeunes, l'objectif initial des 80 000 n'ayant pas été atteint l'an passé.

Je regrette que le débat sur le SNU que nous réclamions au Parlement n'ait jamais eu lieu. L'objectif était louable et les besoins de « faire société » demeurent, mais l'outil n'est pas adéquat.

Madame Goulet, à ma connaissance, la niche FIFA n'est plus d'actualité, et il n'y a pas de nouveau dispositif fiscal similaire prévu dans le projet de loi de finances.

Monsieur Hugonet, vous avez raison, tout reste à faire pour le financement de l'ANS. La proposition de Jean-Jacques Lozach sur les paris sportifs me semble une piste intéressante. Nombre de territoires ont grand besoin d'améliorer leurs équipements sportifs structurants.

Monsieur Lurel, sachez que, pour l'instant, il n'est pas question de supprimer la taxe Buffet. Toutefois, le financement de l'agence ne saurait reposer que sur ce prélèvement.

Article 42

M. Éric Jeansannetas, rapporteur spécial. - L'amendement n° 1 vise à réduire de 100 000 millions d'euros les crédits de l'action n° 06 Service national universel ; 28,3 millions d'euros sont conservés sur l'action afin de couvrir les frais déjà engagés.

L'amendement n° 1 est adopté.

La commission décide de proposer au Sénat d'adopter les crédits de la mission « Sport, jeunesse et vie associative », sous réserve de l'adoption de son amendement.

Recevabilité financière des amendements et des propositions de loi au Sénat - Examen du rapport d'information

M. Claude Raynal, président. - Monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, s'il y a un sujet qui concerne l'ensemble de nos collègues dans leur travail parlementaire et qui peut parfois être source d'incompréhensions, c'est bien le contrôle de la recevabilité financière de leurs amendements.

J'y suis particulièrement confronté : en tant que président de la commission des finances, il m'appartient d'examiner la recevabilité de l'intégralité des amendements déposés par les sénateurs en vue de leur discussion en séance publique. Il me revient également, à leur demande, de conseiller les présidents de commission, chargés de contrôler la recevabilité des amendements déposés lors de l'examen du texte en commission.

Or le dernier ouvrage consacré dans notre assemblée à la jurisprudence relative à la recevabilité financière a été rédigé voilà plus de dix ans par notre collègue Philippe Marini. Le temps était donc venu de vous présenter une nouvelle synthèse de l'application au Sénat de la recevabilité financière, qui comprend à la fois la recevabilité au regard de l'article 40 de la Constitution et la recevabilité au regard des dispositions de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF).

Ces travaux s'inscrivent dans la continuité de ceux de mes prédécesseurs et je n'entends pas réinventer la discipline. Néanmoins, une réactualisation était devenue indispensable, notamment au regard des décisions du Conseil constitutionnel et pour tenir compte de la révision de la LOLF.

Cette actualisation prend la forme d'un nouveau rapport qui a été envoyé à tous les sénateurs. L'objectif est d'offrir à l'ensemble de nos collègues une information claire, lisible et rassemblée en un seul document, appuyé sur les exemples les plus récents.

Je suis conscient que l'application de la recevabilité financière suscite des interrogations et des doutes, pour ne pas dire des critiques. Je sais également à quel point il peut être frustrant pour un parlementaire de voir ses marges de manoeuvre réduites. Néanmoins, nous sommes contraints par la décision du Conseil constitutionnel relative à la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007, qui impose aux deux assemblées de s'assurer que les amendements et les propositions de loi respectent bien l'article 40 de la Constitution dès le stade de leur dépôt.

La conséquence de cette décision est claire : si nous n'examinions pas nous-mêmes a priori la recevabilité financière, le Conseil constitutionnel s'en chargerait. Je me permets d'indiquer que je ne suis pas certain que l'initiative parlementaire en retirerait des bénéfices. Quelques-uns des assouplissements que nous avons apportés au fil du temps pourraient ainsi être remis en cause, au détriment des parlementaires.

J'ai parlé du contrôle des amendements déposés en commission et en séance. La recevabilité des propositions de loi est, quant à elle, examinée par le Bureau du Sénat. Vous le savez, l'usage permet de discuter de ces textes susceptibles de contenir certaines dispositions qui constituent une charge. Pour autant, le contrôle sur invocation par le Gouvernement demeure possible à l'encontre de tout ou partie des dispositions de la proposition de loi. C'est d'ailleurs arrivé au mois d'avril dernier, à l'encontre de la proposition de loi visant à abroger la réforme des retraites - c'était la première fois depuis 2011.

L'article 40 est très bref : « Les propositions et amendements formulés par les membres du Parlement ne sont pas recevables lorsque leur adoption aurait pour conséquence, soit une diminution des ressources publiques, soit la création ou l'aggravation d'une charge publique. »

Cette rédaction interdit à un parlementaire de créer ou d'aggraver une charge publique. Il en découle également l'impossibilité de compenser une nouvelle charge publique par la diminution d'une autre charge ou par l'augmentation d'une recette. À l'inverse, une perte de recettes publiques peut être gagée.

Partant de ce point de départ, les assemblées parlementaires ont progressivement dégagé des principes détaillés permettant l'élaboration d'une véritable jurisprudence. Ceux-ci répondent à un impératif : concilier des exigences constitutionnelles contradictoires, à savoir, d'une part, l'application stricte de l'article 40 de la Constitution et, d'autre part, la protection de l'initiative parlementaire.

Les décisions prises en matière de recevabilité financière ne découlent en aucune façon du contenu des amendements. Le raisonnement à l'oeuvre est exclusivement juridique. Il ne repose donc ni sur une lecture politique - et c'est heureux ! -, ni sur une base économique. Croyez bien qu'à titre personnel je pourrais être favorable à de nombreuses initiatives sénatoriales que je suis pourtant contraint de déclarer irrecevables. C'est vrai pour moi comme cela l'était pour mes prédécesseurs.

Le juge de la recevabilité financière s'attache exclusivement à une analyse juridique de la notion de charge. Cela explique notamment que des amendements soient irrecevables quand bien même la charge publique qui en découlerait ne serait que facultative ou hypothétique.

En revanche, toutes les décisions sont guidées par la volonté de favoriser l'initiative des parlementaires. Le principe cardinal que les présidents successifs se sont attachés à suivre est le suivant : lorsqu'il existe un doute sur le caractère coûteux d'un amendement, ce doute bénéficie systématiquement aux auteurs.

Je signale d'ailleurs que le traitement des amendements se fait dans des conditions toujours plus difficiles, alors que le nombre d'amendements examinés en séance publique a augmenté de 300 % entre 2016 et 2023. Une erreur est donc toujours possible. Il arrive d'ailleurs que je sois conduit à revenir sur une décision lorsque des collègues me font parvenir des éléments dont je n'avais pas connaissance.

En conséquence, je vous invite, ainsi que l'ensemble de nos collègues, à être explicites dans la rédaction des objets de vos amendements, par exemple lorsque la recevabilité de votre amendement est « couverte » par une disposition déjà adoptée par l'une des chambres.

J'en terminerai avec les évolutions qui sont intervenues ces dernières années et qui ont motivé la rédaction de ce nouveau rapport.

Premièrement, des assouplissements majeurs ont été introduits en 2020 par mon prédécesseur, Vincent Éblé. Trois principaux changements sont intervenus sous sa présidence.

D'abord, les amendements ayant pour seule conséquence une charge de trésorerie sont désormais recevables, sous réserve que leur effet présente un caractère infra-annuel et non massif sur la trésorerie de la personne publique concernée.

Ensuite, il est désormais possible de fusionner plusieurs personnes publiques existantes à des fins de rationalisation.

Enfin, et sous réserve des dispositions de la LOLF, des amendements affectant de nouvelles recettes à une personne publique sont recevables si celle-ci dispose de la personnalité morale et sous réserve de ne pas flécher leur utilisation vers une dépense spécifique. Il est possible de l'évoquer dans l'objet, mais cela ne doit pas apparaître dans le dispositif.

Ces évolutions ont contribué au rapprochement de nos jurisprudences avec celles de l'Assemblée nationale. Si chaque chambre reste bien entendu libre d'élaborer ses propres analyses, les divergences qui demeurent sont désormais résiduelles. Celles-ci sont d'ailleurs mentionnées dans le rapport.

Deuxièmement, au cours des années, de nouvelles thématiques sont apparues, qui ne figurent pas dans le rapport de Philippe Marini, ou qui y figuraient, mais dont le mode de financement a évolué. Je peux mentionner, à titre d'exemple, les amendements ayant trait aux dépenses informatiques, aux marchés publics ou encore à la formation professionnelle et au logement social.

Troisièmement, la jurisprudence du Conseil constitutionnel nous a parfois contraints à faire évoluer notre analyse, dans un sens, je dois le dire, le plus souvent défavorable à l'initiative parlementaire. À titre d'exemple, nous avons longtemps considéré comme recevables les amendements qui étendaient la possibilité pour des professionnels de santé de prescrire des produits ou des dispositifs médicaux. Je me dois désormais de déclarer irrecevables de tels amendements, afin d'être conforme à la décision du Conseil constitutionnel sur la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022.

Enfin, la recevabilité des amendements est également examinée au regard des dispositions de la LOLF. Sa révision, en 2021, a considérablement simplifié l'examen de la recevabilité organique des amendements, notamment au regard du principe de bipartition des lois de finances, c'est-à-dire du placement des amendements en première ou en seconde partie de la loi de finances.

Je n'entrerai pas davantage dans les détails de ce rapport. J'espère que ce document, comme les précédents, servira de guide pour la rédaction des amendements. J'ai d'ailleurs tenu à conserver deux parties distinctes sur la recevabilité des amendements  qui ont trait aux collectivités territoriales et aux administrations de sécurité sociale. J'ai ainsi souhaité tenir compte du volume d'amendements déposés dans ces deux domaines.

Pour conclure, et j'insiste, le président de la commission des finances exerce un rôle de conseil en amont du dépôt des amendements. C'est extrêmement important : les sénateurs peuvent me contacter ou prendre attache avec le service de la commission des finances chargé de l'instruction de la recevabilité financière pour disposer de conseils. De même, je m'attache à proposer des rectifications, quand cela est possible, pour rendre recevable un amendement et je suis toujours prêt à revoir ma décision ou à apporter des éclaircissements supplémentaires sur les motivations qui m'ont conduit à déclarer irrecevable un amendement. Je précise que les amendements mal gagés sont automatiquement corrigés afin d'assurer leur recevabilité.

Je tiens à remercier les administrateurs de la commission des finances, notamment ceux qui, au fil des ans, ont composé la « cellule article 40 », bien souvent sous pression. Ils ont effectué un travail lourd et minutieux pour la rédaction de ce rapport.

La recevabilité financière peut apparaître comme une matière complexe, pour ne pas dire opaque. Cette complexité découle des très nombreux aménagements qui doivent permettre de concilier au mieux les exigences constitutionnelles, entre, d'une part l'article 40 et, d'autre part, le droit d'initiative des parlementaires. À ce titre, le rapport que je vous présente se veut aussi une oeuvre de transparence.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Je salue le travail réalisé par notre président. Certes, il peut y avoir une certaine souplesse dans l'appréciation de la recevabilité financière, mais le cadre demeure contraint, notamment par les décisions du Conseil constitutionnel qui s'imposent à nous.

Monsieur le président, vous êtes le garant de ce cadre ; on le sait, certains seraient tentés de prendre quelques libertés, à coups de dérogations ou d'expérimentations. Je relève par ailleurs que la rigueur de ce cadre, qui ne s'impose pas au Gouvernement, n'évite pas la dérive budgétaire, on le constate actuellement...

Certains de nos collègues font encore valoir des jurisprudences divergentes entre l'Assemblée nationale et le Sénat, elles sont désormais limitées et j'en remercie les présidents successifs de notre commission et de la commission des finances de l'Assemblée nationale.

J'espère enfin que ce travail utile débouchera sur une plus grande rigueur dans le dépôt des amendements, notamment pour le tout prochain projet de loi de finances.

M. Claude Raynal, président. - À la suite de ce travail et de celui qui a été réalisé sous la présidence de Vincent Eblé, les divergences d'analyse entre le Sénat et l'Assemblée nationale ont en effet presque toutes disparu. L'Assemblée nationale tend à se rapprocher de nos positions sur deux derniers points et nous espérons donc nous acheminer vers une analyse totalement homogène.

Je le redis, le dépôt d'un amendement n'est pas la seule façon pour un parlementaire de traiter un sujet. Si le Gouvernement est hostile à une disposition dans le cadre du projet de loi de finances, elle a peu de chances d'être adoptée. Il faut donc rechercher un compromis préalable avec le Gouvernement. Bien sûr, certains amendements relèvent d'un positionnement politique, et leurs auteurs savent bien qu'il n'y a aucune chance que le Gouvernement les accepte. Mais si l'on souhaite qu'un amendement prospère, mieux vaut en discuter en amont avec le ministère.

N'oubliez pas que le Gouvernement peut aussi faire une ouverture lors de la discussion générale, ce qui permet de déclarer l'amendement recevable, car « couvert » par une intention du Gouvernement. Nous pouvons sensibiliser nos groupes parlementaires respectifs à cette possibilité.

M. Victorin Lurel. - L'article 40 confère une certaine tonalité à notre Ve République. Nous ne sommes pas dans une démocratie très épanouie, car le Gouvernement a le dernier mot quoi que l'on fasse.

Monsieur le Rapporteur général, permettez-moi de souligner que depuis 1958, les dérives ne sont pas le fait des parlementaires. Sous la IVe République, tout était permis et cela pouvait constituer un écueil, mais c'est tellement corseté aujourd'hui ! Et d'ailleurs, même sans majorité à l'Assemblée nationale, le Gouvernement a les moyens de s'imposer avec comme arme ultime la procédure du 49.3.

Le débat sur l'orientation des finances publiques que nous aurons aujourd'hui en séance publique ne servira à rien. C'est kafkaïen !

Vous nous présentez la jurisprudence de l'application de l'article 40, et c'est votre rôle. Je pense toutefois qu'il nous faut réfléchir sérieusement à une réforme, sans retomber dans les travers de la IVe République. D'autres modalités de fonctionnement sont possibles. Je suis d'accord pour améliorer le travail parlementaire, mais c'est insuffisant et même frustrant. Le parlementaire élu doit pouvoir travailler, sans pour autant se montrer irresponsable dans la gestion des fonds publics.

M. Claude Raynal, président. - Le contrôle de la recevabilité financière des amendements déposés sur les projets de loi de finances n'a en effet pas empêché l'État de se retrouver en difficulté...

La commission adopte le rapport d'information et en autorise la publication.

Communication sur le plan budgétaire et structurel national à moyen terme

M. Claude Raynal, président. - L'ordre du jour appelle la communication de M. Jean-François Husson, rapporteur général, sur le plan budgétaire et structurel national à moyen terme (PSMT).

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Le PSMT 2025-2029 a été présenté le 23 octobre dernier en conseil des ministres par le ministre de l'économie et des finances, et doit être transmis d'ici à demain à la Commission européenne.

Vous me pardonnerez le caractère un peu technique de notre intervention, mais les nouvelles règles budgétaires européennes, qualifiées de « cauchemar » par l'économiste Jean Pisani-Ferry, l'imposent. Mais il faut en passer par là et le Parlement doit se saisir de ce plan, qui concrétise l'engagement de la France auprès de nos partenaires européens, un engagement non pas abstrait comme la loi de programmation des finances publiques (LPFP), mais très concret, car encadré par des sanctions.

Dans la mesure où la France est désormais placée en procédure pour déficit excessif depuis juillet dernier, du fait du rétablissement du pacte de stabilité et de croissance et de la situation sinistrée de nos finances publiques, le fait de ne pas mettre en oeuvre de trajectoire de correction des dépenses nettes qui garantisse que le déficit public soit ramené sous la barre des 3 % dans le délai prévu pourrait se solder, pour la France, par une mise en demeure et, faute d'action suffisante pour y répondre, par des sanctions à hauteur de 1,5 milliard d'euros tous les six mois. La trajectoire de correction des dépenses nettes, censée garantir le rétablissement du solde public, figure, précisément, dans le PSMT.

Il s'agit d'une sorte de fusion du programme de stabilité (PStab) et du programme national de réformes, dans lequel la France définit ses objectifs budgétaires et ses réformes et investissements prioritaires pour une période de quatre ou cinq ans. Il est donc composé d'un scénario macroéconomique, sous-jacent à une trajectoire de finances publiques.

À la différence du PStab, sauf révision, ce n'est qu'à l'issue de cette période de quatre ou cinq ans qu'un nouveau plan sera adopté. Ce sera désormais le rapport d'étape annuel, faisant le point sur la mise en oeuvre des objectifs prévus par le plan, qui viendra prendre la place du PStab dans le calendrier de nos travaux.

Le PSMT qui nous est présenté constitue donc le premier document du genre, issu de la réforme des règles budgétaires européennes par une directive et deux règlements, en date d'avril dernier. Les anciennes règles, qui exigeaient, par exemple, une diminution de 1/20e par an de l'écart entre le niveau de dette publique et le seuil de 60 % du PIB ainsi qu'un déficit structurel inférieur à 0,5 % du PIB et, dans le cas contraire, une trajectoire pour atteindre cet objectif de moyen terme, sont donc désormais caduques.

L'indicateur central n'est plus le solde structurel, mais un indicateur qui est réellement à la main des gouvernements, ce qui constitue un progrès : l'indicateur de dépenses primaires nettes - ce sont les dépenses publiques diminuées des dépenses d'indemnisation du chômage, des mesures nouvelles en recettes, des dépenses co-finançant des programmes de l'Union européenne et de la charge de la dette.

La trajectoire de dépenses nettes doit être telle que le ratio dette sur PIB prévu soit bien orienté à la baisse à la fin de la période d'ajustement, et que le déficit prévu soit ramené sous le niveau de 3 %.

À la demande de nos partenaires allemands, des garde-fous supplémentaires ont été ajoutés pour les pays en déficit excessif, dont la France : la réduction du ratio de dette sur PIB d'un point par an en moyenne en sortie de procédure pour déficit excessif et un minimum d'ajustement budgétaire, tant que le déficit structurel n'atteint pas 1,5 % du PIB.

Le PSMT 2025-2029 a été élaboré en s'appuyant sur une trajectoire de référence fournie par la Commission européenne au début de l'été dernier. Il vise à ramener la dette publique sur une trajectoire descendante et le déficit public sous les 3 % à l'issue d'une période d'ajustement dont on espère qu'elle pourra être allongée de quatre à sept ans. Pour obtenir cet allongement, il conviendra de présenter un ensemble de réformes et un plan d'investissements répondant aux objectifs de l'Union européenne.

La liste des réformes et des investissements que présente le Gouvernement dans ce document, pour appuyer sa demande de prolongation de la période d'ajustement de quatre à sept ans, correspond pour l'essentiel aux récentes réformes réalisées par les précédents gouvernements et à celles qui ont été reprises par l'actuel : réforme des retraites, réforme de l'assurance chômage, verdissement de l'économie, simplification de la vie économique par la loi du même nom ou encore refonte des allègements généraux de cotisations sociales. On y trouve au total peu d'informations sur les actions qui restent à entreprendre, mais beaucoup sur celles dont les effets doivent se matérialiser dans les années à venir. Espérons que ces éléments seront suffisants pour justifier la prolongation de la période d'ajustement, autour de laquelle est construite la trajectoire.

La trajectoire de dépenses nettes sous-jacente au PSMT est différente de la trajectoire de référence de la Commission, notamment parce que la prévision de déficit public pour 2024 était alors bien inférieure à celle qui prévaut aujourd'hui. Ainsi, le niveau minimal d'ajustement structurel primaire requis avec les hypothèses de la Commission européenne s'élevait, pour une période d'ajustement de sept ans, à 0,6 point de PIB potentiel par an. Il devra en réalité, compte tenu de la dégradation de notre situation budgétaire, être au minimum de 0,76 point de PIB par an entre 2025 et 2031, soit environ 23 milliards d'euros. Je rappelle que l'ajustement structurel primaire représente l'évolution du solde structurel d'une année sur l'autre, abstraction faite de la charge de la dette. C'est une des faiblesses de la réforme des règles budgétaires européennes que d'avoir conservé ces indicateurs, qui dépendent fortement de variables inobservables, comme le PIB potentiel et la croissance potentielle.

La trajectoire de dépenses nettes finalement retenue dans le PSMT suppose une stabilité de la dépense primaire nette en 2025, puis une augmentation annuelle de 1,4 % entre 2026 et 2028, avant une hausse de 1,9 % en 2029. Elle correspond à un ajustement structurel primaire moyen de 0,78 point de PIB sur la période, ce qui est significatif.

Cet ajustement est concentré sur 2025, à hauteur de 1,4 point de PIB, puis diminuerait en 2026 de 0,6 point, avant d'augmenter légèrement de 0,7 point les années suivantes. Le PSMT ne propose donc pas autre chose qu'un ajustement continu, année après année, pour enfin rééquilibrer nos comptes publics. Si l'allongement de la période d'ajustement de quatre à sept ans est accepté - cela dépend de la crédibilité des réformes et des investissements prévus par le plan -, il n'y a pas de raison que le PSMT soit rejeté par les autorités européennes, et qu'elles nous demandent un plan révisé.

Pour déterminer le scénario de croissance de moyen terme, mais également pour mesurer les niveaux d'ajustement structurel annuels, il est nécessaire de disposer d'une estimation de la croissance potentielle. Celle du Gouvernement, qui s'élève à 1,2 % pour la période 2024-2028, puis à 1 % ensuite, est plus prudente que celle qui avait été mise en avant dans le cadre du PStab pour 2024-2027 - elle était alors de 1,35 %, faisant ainsi l'hypothèse contestable que les capacités de rebond de notre économie étaient relativement fortes. Le chiffre désormais retenu est en accord avec le scénario des conjoncturistes, puisque la croissance de long terme de la France serait de 1,2 % par an selon le consensus des économistes et le Fonds monétaire international (FMI). Il est toutefois sensiblement plus élevé que le chiffre de 0,7 % retenu par la Commission, qui prend en compte le choc positif d'offre de travail qui touche la France et qui se traduit par une baisse de la productivité par tête. La Commission prolonge en prévision la faiblesse de cette productivité, sans toutefois prolonger sa contrepartie en termes de création d'emplois.

En creux, cela signifie que la prévision de croissance potentielle du Gouvernement suppose que les réformes menées jusqu'à présent et celles qu'il entend porter vont permettre de contrecarrer les effets négatifs de la baisse de la productivité du travail.

Dans son avis du 9 octobre dernier sur le PSMT, le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) estime que ce nouveau scénario de PIB potentiel, quoiqu'encore un peu optimiste, est désormais raisonnable.

Plus conservatrice que les précédentes, cette prévision débouche toutefois sur un scénario de croissance effective dont j'admets qu'il peut paraître assez optimiste, avec une croissance de 1,1 % en 2025, qui passe à 1,4 % en 2026 et 1,5 % en 2027 et 2028. L'assouplissement de la politique monétaire engagé cette année, et qui devrait se poursuivre l'an prochain, peut y contribuer, mais la réduction continue du déficit public sur cette période devrait à l'inverse modérer les perspectives de croissance.

Le caractère optimiste de ce scénario de croissance du PIB en volume est toutefois tempéré par le fait que le déflateur du PIB envisagé par le Gouvernement est plus faible - 1,7 % en moyenne sur la période 2024-2028 -, que celui qui est estimé par la Commission, à savoir 2,3 % sur la même période.

Au total, les prévisions de croissance nominale du Gouvernement, celles qui comptent le plus pour déterminer le solde public, paraissent raisonnables.

Si l'indicateur de dépenses primaires nettes est central dans le PSMT pour apprécier l'effort réalisé par un État membre, il ne faut pas perdre de vue que l'objectif du PSMT est de placer chaque pays sur une trajectoire viable de finances publiques. Le PSMT 2025-2029 s'accompagne donc d'une trajectoire de déficit public et d'une trajectoire d'endettement.

Avant toute chose, je me félicite du regain de rigueur qui a présidé, en la matière, à l'exercice, même s'il est douloureux. À la différence du PStab 2024-2027, les hypothèses qui sont présentées ici sont cohérentes et crédibles, même si elles sont un peu alarmantes. Toutefois, elles constituent autant d'arguments pour engager un redressement rapide et indispensable de nos finances publiques.

Le PSMT engage une réduction du déficit public sur la période 2025-2029 : après un effort franc en 2025, puisque le déficit public passerait de 6,1 % du PIB à 5 % du PIB, la réduction du déficit se poursuivrait les années suivantes, avec une petite respiration en 2026 à 4,6 %, puis une réaccélération en 2027 et 2028, pour atteindre 2,8 % en 2029.

Je déplore qu'on ne puisse pas respecter nos engagements dès 2027, comme le prévoyait initialement la LPFP et comme le Sénat a cherché à le faire. Mais dans les conditions budgétaires actuelles, et n'en déplaise à Bruno Le Maire qui répétait encore début septembre que les 3 % étaient tout à fait atteignables en 2027, cela n'est pas possible.

M. Victorin Lurel. - Ni souhaitable !

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Malgré cet effort, la dérive des années 2023 et 2024 a fait dérailler la trajectoire de la dette publique française : même avec les efforts conséquents qui nous sont présentés, celle-ci augmenterait progressivement jusqu'en 2027, pour atteindre 116,5 % du PIB - un niveau jamais atteint depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale ! Cela doit tous nous alerter.

Je ne veux pas terminer cette intervention sur ces sombres constats. Certes, la situation est grave, mais un sursaut de responsabilité collective peut nous en sortir, dès maintenant, à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances (PLF).

Par ailleurs, compte tenu du poids plus que significatif de notre endettement public, étant donné le risque qu'il fait courir à notre souveraineté du fait de son accroissement et du signal négatif qu'il envoie à nos prêteurs, il est temps d'engager une réflexion sur le financement hors marché d'une partie de la dette publique. La commission des finances pourrait se saisir de ce sujet à l'issue de l'examen du PLF.

M. Victorin Lurel. - J'ai une question de béotien sur le calendrier politique. Le PSMT nous « octroie », pour parler comme Louis XVIII, quatre ou cinq ans, selon le cycle politique de chaque pays, avec une possibilité de prolongation de trois ans à condition de justifier de réformes structurelles. Or des élections législatives pourraient être organisées en France dès juin 2025. Le plan pourra-t-il être renégocié compte tenu de cette éventuelle nouvelle majorité ?

Nous devons tous être conscients de la situation budgétaire et financière catastrophique. Les responsables n'ont pas été suffisamment pointés du doigt. Le rapporteur général parlait en avril dernier d'une « chronique d'une dérive budgétaire annoncée », à l'instar de Gabriel García Márquez. Résultat : nous sommes face à un mur de financements.

L'effort sera brutal en 2025 et 2026, mais tout aussi brutal jusqu'en 2029. C'est parfaitement irréaliste et cela n'est pas souhaitable pour le pays, car cela revient à une profonde austérité . On peut faire mieux, en respectant l'objectif, mais en étalant l'effort. Réforme des retraites, réforme de l'assurance chômage : c'est toujours la même veine que la majorité présidentielle exploite depuis 2017.

M. Vincent Delahaye. - Je réagis aux propos de mon collègue Victorin Lurel : cette austérité est toute relative. Les dépenses publiques vont quand même continuer à augmenter de 6 milliards d'euros en 2025 ! À l'inverse, le choc fiscal est réel - 36 milliards d'euros - et c'est ce que je crains le plus pour l'avenir. Nous en reparlerons ce soir, et je vous ferai part de mon point de vue, y compris sur les réformes annoncées, qui ne sont que de petites réformes ou la simple défense de réformes déjà en vigueur.

M. Claude Raynal, président. - Voilà qui annonce une critique en règle de l'action gouvernementale !

La réunion est close à 12 h 05.

Jeudi 31 octobre 2024

- Présidence de M. Claude Raynal, président -

La réunion est ouverte à 10 h 30.

Projet de loi de finances pour 2025 - Mission « Enseignement scolaire » - Examen du rapport spécial (sera publié ultérieurement)

Le compte rendu de cette réunion sera publié ultérieurement.

Projet de loi de finances pour 2025 - Participation de la France au budget de l'Union européenne (article 40) - Examen du rapport spécial (sera publié ultérieurement)

Le compte rendu de cette réunion sera publié ultérieurement.

Projet de loi de finances pour 2025 - Mission « Investir pour la France de 2030 » - Examen du rapport spécial (sera publié ultérieurement)

Le compte rendu de cette réunion sera publié ultérieurement.

La réunion est close à 12 h 40.