Mardi 29 octobre 2024

- Présidence de M. Claude Raynal, président -

La réunion est ouverte à 13 h 35.

Proposition de loi, visant à assurer l'équilibre du régime d'indemnisation des catastrophes naturelles - Examen des amendements au texte de la commission

M. Claude Raynal, président. - Mes chers collègues, nous examinons les amendements au texte de la commission sur la proposition de loi visant à assurer l'équilibre du régime d'indemnisation des catastrophes naturelles. Nous commençons par l'examen des amendements du rapporteur, qui seront présentés par notre collègue Jean-François Husson, en remplacement de Jean-François Rapin.

EXAMEN DES AMENDEMENTS DU RAPPORTEUR

Article 3

M. Jean-François Husson, rapporteur, en remplacement de M. Jean-François Rapin. - L'amendement FINC.1 est rédactionnel.

L'amendement FINC.1 est adopté.

Article 4

M. Jean-François Husson, rapporteur. - L'amendement FINC.2 apporte une précision légistique.

L'amendement FINC.2 est adopté.

Article 8

M. Jean-François Husson, rapporteur. - L'amendement FINC.3 vise à ajuster la date de remise du rapport d'évaluation de l'incidence du conditionnement de la prime de transition écologique à la réalisation de travaux de prévention des risques pour les logements les plus fortement exposés.

L'amendement FINC.3 est adopté.

Article 11

M. Jean-François Husson, rapporteur. - L'amendement de coordination FINC.4 permet d'assurer l'application de l'article à Wallis-et-Futuna.

L'amendement FINC.4 est adopté.

EXAMEN DES AMENDEMENTS AU TEXTE DE LA COMMISSION

La commission a donné les avis suivants sur les amendements dont elle est saisie, qui sont retracés dans le tableau ci-après :

TABLEAU DES AVIS

Article additionnel avant Article 1er

Auteur

Objet

Avis de la commission

Mme SENÉE

47

Révision des modalités de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle pour les communes

Demande de retrait

Article 1er

Auteur

Objet

Avis de la commission

Mme VARAILLAS

32

Suppression de l'article 1er 

Défavorable

M. HOCHART

58

Mettre en place une contribution pour les assureurs au niveau de la surprime

Défavorable

Mme PAOLI-GAGIN

61 rect.

Retour à la clause de revoyure de cinq ans et le décret indiquant le taux de la surprime doit être publié chaque année avant le 1er juin

Demande de retrait

Mme ARTIGALAS

5

Le décret indiquant le taux de la surprime doit être publié chaque année avant le 1er juin

Avis du Gouvernement

M. BILHAC

21 rect.

Le décret indiquant le taux de la surprime doit être publié chaque année avant le 1er juin

Avis du Gouvernement

Mme HAVET

29

Le décret indiquant le taux de la surprime doit être publié chaque année avant le 1er juin

Avis du Gouvernement

Article additionnel après Article 2

Auteur

Objet

Avis de la commission

Mme LERMYTTE

27

Rendre obligatoire la réalisation d'une étude de sol lors de l'expertise d'un sinistre faisant suite à la reconnaissance d'un état de catastrophe naturelle lié au RGA

Avis du Gouvernement

Article 3

Auteur

Objet

Avis de la commission

Mme VARAILLAS

33

Suppression de l'article 

Défavorable

M. COZIC

6

Allongement du délai de saisine du bureau central de tarification

Demande de retrait

Le Gouvernement

63

Suppression de la présomption de refus d'assurance pour exposition au risque CatNat

Demande de retrait

Mme SENÉE

49

Suppression de la possibilité pour l'entreprise d'assurance de renverser la présomption de refus d'assurance pour motif d'exposition aux catastrophes naturelles dans les zones les plus à risque

Défavorable

Article additionnel après Article 3

Auteur

Objet

Avis de la commission

Mme BONNEFOY

7

La commission nationale consultative des catastrophes naturelles comprend deux nouveaux membres

Sagesse

Mme VARAILLAS

35

Suppression de la modulation de franchise à la charge des collectivités pour lesquelles le PPRN a été prescrit mais n'a pas encore été approuvé

Défavorable

M. GREMILLET

60

Rapport évaluant l'importance des carences assurantielles des activités économiques nécessaires à la transition énergétique et à l'atteinte des objectifs de décarbonation

article 45C

Article 4

Auteur

Objet

Avis de la commission

Mme VARAILLAS

37

Obligation de recourir à des experts inscrits sur les listes des juridictions administratives pour l'expertise CatNat

Défavorable

Mme SOLLOGOUB

1 rect.

Création d'un fonds mutualisé entre les compagnies d'assurance dédié à la rémunération des experts 

Défavorable

Mme VARAILLAS

42

Création d'un fonds mutualisé entre les compagnies d'assurance dédié à la rémunération des experts 

Défavorable

M. MASSET

24 rect.

Le non-respect des obligations d'indépendance est puni d'un emprisonnement de trois ans et d'une amende de 75 000 euros

Sagesse

Mme SENÉE

50

Instauration d'un mécanisme de labellisation des experts en matière de retrait gonflement des argiles

Demande de retrait

Article 5

Auteur

Objet

Avis de la commission

Mme SENÉE

52

Prévoir l'obligation d'affecter l'indemnisation RGA à la réparation des dommages du bâti sinistré

Demande de retrait

Mme SENÉE

51 rect.

Transmission de l'ensemble des pièces du dossier consécutif au sinistre

Demande de retrait

Mme SOLLOGOUB

2 rect.

Communication de la copie conforme du rapport d'expertise dans le cadre d'un sinistre lié au RGA

Sagesse

Article additionnel après Article 5

Auteur

Objet

Avis de la commission

Mme VARAILLAS

36

Inscrire dans la loi le principe des critères permettant de caractériser le phénomène de RGA dans le cadre de la procédure de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle

Demande de retrait

M. BILHAC

23 rect.

Liberté de fixation du montant des primes et des franchises par les assureurs pour les résidences secondaires, les biens à usage locatif et les biens professionnels à forte valeur ajoutée

Défavorable

Mme VARAILLAS

31

Prévoir un délai de deux mois pour la réalisation des expertises diligentées par les assureurs dans le cadre du régime Catnat

Avis du Gouvernement

Mme HAVET

30

Introduction d'un mécanisme de nivellement des marges techniques entre les zones à faible et forte exposition, en modulant le prélèvement additionnel sur le régime CatNat

Demande de retrait

Mme SENÉE

53

Introduction d'un mécanisme de nivellement des marges techniques entre zones à faible et forte exposition via la modulation du prélèvement additionnel sur le régime Cat Nat au titre de la prévention

Demande de retrait

Mme SOLLOGOUB

3 rect.

Avant la parution de l'arrêté de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle, rendre public les données du critère dit " météorologique " calculé par Météo-France ayant permis de caractériser un état de catastrophe naturelle de type RGA

Demande de retrait

Article 5 bis

Auteur

Objet

Avis de la commission

M. ROUX

19 rect.

Inclusion dans le rapport d'expertise d'un rappel sur l'absence d'obligation de reconstruction à l'identique

Demande de retrait

Mme SENÉE

54

Obligation de faire figurer dans le rapport d'expertise des propositions de travaux pouvant être combinés avec des travaux de prévention des risques pour atteindre une rénovation énergétique performante

Demande de retrait

Article additionnel après Article 5 bis

Auteur

Objet

Avis de la commission

Mme VARAILLAS

43

Prévoir d'assouplir les conditions de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle pour les communes limitrophes d'une commune elle-même reconnue

Demande de retrait

Mme VARAILLAS

38 rect.

Prise en charge des frais de contre-expertise par l'assureur

Défavorable

Mme LERMYTTE

26 rect.

Prise en charge des frais de contre-expertise par l'assureur

Défavorable

Mme SOLLOGOUB

4 rect. ter

Prise en charge des frais de contre-expertise par l'assureur

Défavorable

Article 7

Auteur

Objet

Avis de la commission

Le Gouvernement

64

Précision du champ et des paramètres de l'éco-prêt à taux zéro

Favorable

Article 8

Auteur

Objet

Avis de la commission

M. ROUX

17 rect.

Suppression de l'article 8

Défavorable

Mme SENÉE

56

Suppression de l'article 8

Défavorable

Le Gouvernement

67

Suppression du conditionnement de MaPrimeRénov' à la réalisation de travaux de prévention 

Défavorable

Mme VARAILLAS

40

Suppression de l'article 8

Défavorable

Mme VARAILLAS

41

Restreindre l'article 8 à la vulnérabilité avérée du logement

Demande de retrait

M. ROUX

18 rect.

Décaler d'un an l'entrée en vigueur de l'article 8

Favorable

Article additionnel après Article 8

Auteur

Objet

Avis de la commission

Le Gouvernement

68

Extension des missions des structures agréées « Mon Accompagnateur à Rénov' » (MAR')

Sagesse

M. ROUX

20 rect.

Demande de rapport sur la mise en place d'une procédure simplifiée pour les travaux des collectivités territoriales ayant subi des catastrophes naturelles

Sagesse

Article 9

Auteur

Objet

Avis de la commission

Mme SENÉE

55

Suppression de l'article

Sagesse

Le Gouvernement

65

Suppression de l'article 

Sagesse

M. LUREL

15 rect. bis

Réintroduire le recul du trait de côte dans l'élargissement du fonds Barnier

Défavorable

M. SAVOLDELLI

44

Réintroduire le recul du trait de côte dans l'élargissement du fonds Barnier

Défavorable

Article additionnel après Article 9

Auteur

Objet

Avis de la commission

Mme BONNEFOY

9

Prendre en compte le risque RGA dans les plans locaux d'urbanisme

Favorable

M. LUREL

11

Étendre le régime d'indemnisation des catastrophes naturelles à l'échouage des algues sargasses

Favorable

M. LUREL

14 rect. bis

Rendre les ouvrages d'art dans les outre-mer éligibles au fonds Barnier

Avis du Gouvernement

M. BILHAC

22 rect.

Le fonds Barnier peut contribuer au financement de dispositifs d'adaptation et de prévention basés sur des solutions fondées sur la nature 

Demande de retrait

Mme ARTIGALAS

59 rect. bis

Le fonds Barnier peut contribuer au financement de dispositifs d'adaptation et de prévention basés sur des solutions fondées sur la nature 

Demande de retrait

M. LUREL

10

Création d'une section "outre-mer" au sein du fonds Barnier

Avis du Gouvernement

M. LUREL

12 rect. bis

Extension aux collectivités d'outre-mer de l'éligibilité à la Dotation de solidarité en faveur de l'équipement des collectivités territoriales et de leurs groupements touchés par des événements climatiques ou géologiques (DSEC)

Demande de retrait

Article 10 

Auteur

Objet

Avis de la commission

Le Gouvernement

66

Suppression de l'article 

Demande de retrait

Projet de loi de finances pour 2025 - Mission « Conseil et contrôle de l'État » - Examen du rapport spécial

M. Claude Raynal, président. - Nous en venons maintenant à l'examen des crédits de la mission « Conseil et contrôle de l'État ».

M. Christian Bilhac, rapporteur spécial de la mission « Conseil et contrôle de l'État ». - La mission « Conseil et contrôle de l'État » rassemble les crédits des juridictions administratives et financières ainsi que du Conseil économique, social et environnemental (Cese). Le projet de loi de finances (PLF) pour 2025 prévoit une hausse de 1,8 % des crédits de paiement de cette petite mission régalienne, pour atteindre 899,7 millions d'euros.

Je le précise d'emblée, la mission ne devrait être que marginalement concernée par les mesures d'économies que le Gouvernement présentera par voie d'amendement en cours de discussion. D'après les informations qu'il a communiquées à notre commission, il devrait proposer une minoration des crédits de la mission à hauteur de 2 millions d'euros, qui se traduira probablement par une diminution de la réserve de précaution.

Le budget du Conseil d'État et des juridictions administratives concentre à lui seul les deux tiers des crédits de la mission, et s'élève à 516,2 millions d'euros, en hausse de 3,5 % par rapport à l'année 2024.

Cette augmentation des crédits s'explique tout d'abord par une progression de près de 5 % des dépenses de personnel, en grande partie imputable à la poursuite du mouvement de revalorisation indemnitaire des magistrats administratifs, pour laquelle une enveloppe de 8,8 millions d'euros est prévue. Cette mesure me semble nécessaire pour rapprocher les rémunérations des magistrats administratifs de celles du nouveau corps des administrateurs de l'État issu de la réforme de la fonction publique, dans un souci de préservation de l'attractivité des juridictions administratives.

Malgré la hausse des dépenses de personnel, l'année 2025 devrait être marquée par un gel des effectifs des juridictions administratives, et s'inscrira donc en rupture avec les exercices précédents. Les juridictions administratives ont pourtant bénéficié ces dernières années d'un renforcement substantiel de leurs moyens humains qui a porté ses fruits, puisqu'il a permis aux magistrats de stabiliser les délais de jugement malgré une pression contentieuse toujours plus forte.

J'attire votre attention sur le fait que le gel des effectifs des juridictions administratives en 2025 risque de les mettre sous tension, et pourrait conduire à un allongement des délais de jugement. Je conçois que cette stabilisation des effectifs puisse se justifier cette année par la nécessité de redresser nos comptes publics. Toutefois, nous ne pourrons faire l'économie lors des prochaines programmations budgétaires d'une réflexion sur les moyens accordés aux juridictions administratives, dont les missions régaliennes me semblent devoir être préservées malgré le contexte budgétaire contraint. On ne pourra pas tout à la fois réduire les effectifs et les délais de jugement ; il faudra faire un choix.

La hausse des crédits du programme 165 s'explique également, dans une moindre mesure, par la poursuite en 2025 de projets immobiliers de grande ampleur, qui se traduit par une hausse de 5 % des dépenses d'investissement. Plus particulièrement, les travaux de relogement de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) à Montreuil se poursuivront, et se traduiront par le décaissement de 38,7 millions d'euros de crédits de paiement.

Je souhaite par ailleurs saluer les efforts consentis par les juridictions administratives pour maîtriser leurs dépenses de fonctionnement. Celles-ci connaissent une baisse notable de près de 7 % par rapport à 2024. La dématérialisation des procédures y est pour beaucoup : par exemple, l'application Télérecours, déployée en 2014, aurait permis de réaliser près de 5,3 millions d'euros d'économies en 2023. Je tiens également à saluer la décision du Conseil d'État et de la CNDA d'utiliser, dans le cadre de la territorialisation des procédures, les locaux des cours administratives d'appel, plutôt que de louer des bureaux.

J'en viens maintenant au budget du Cese, qui s'élève dans ce PLF à près de 35 millions d'euros, en baisse de 22,4 % par rapport à 2024. Cette diminution des crédits, très importante en apparence, doit être nuancée, dans la mesure où elle résulte principalement d'une mesure de périmètre portant sur des dépenses de titre 2. En effet, la réforme des retraites de 2023 a abouti à la fin du régime spécial du Cese, ce qui implique qu'à compter de 2025, la dotation permettant d'équilibrer le financement de la caisse de retraite du Cese, structurellement déficitaire, ne sera plus supporté par le programme 126, mais par le budget de la sécurité sociale. En faisant abstraction de cette mesure de périmètre, la baisse des crédits du Cese est plutôt de l'ordre de 4 %.

Les crédits de fonctionnement du Cese sont également en baisse de 2 millions d'euros, mais les informations contenues dans les documents budgétaires, particulièrement lacunaires, ne permettent pas d'identifier avec précision les postes de dépenses sur lesquels portera cette économie. Lors de la présentation de mon rapport sur le PLF 2024, j'avais plus particulièrement fait part de mon scepticisme sur la budgétisation de l'enveloppe consacrée à la participation citoyenne. En l'absence de convention citoyenne en 2024, cette enveloppe n'a été exécutée qu'à hauteur de 1,3 million d'euros, contre 4,2 millions d'euros initialement ouverts. Pour l'année 2025, la justification au premier euro est muette sur le budget effectivement consacré aux dispositifs de participation citoyenne, ce qui n'est pas satisfaisant du point de vue de la bonne information du Parlement.

Enfin, je conclurai mon propos en évoquant les crédits affectés à la Cour des comptes et aux juridictions financières, qui connaissent une augmentation de 2,2 % en crédits de paiement. Cette hausse résulte principalement de l'augmentation des dépenses de personnel, qui concentrent près de 90 % des crédits du programme. Les magistrats financiers bénéficieront cette année, comme leurs collègues des juridictions administratives, d'une mesure de revalorisation indemnitaire, pour laquelle une enveloppe de 5 millions d'euros est prévue. Ma position sera la même que celle que j'ai exprimée à l'égard de la revalorisation des magistrats administratifs : cette mesure est bienvenue, car elle permet d'éviter un décrochage de leur rémunération par rapport à celle des administrateurs de l'État. Il serait en effet illogique que les juridictions financières soient confrontées à une perte d'attractivité et paient les conséquences de la réforme de la fonction publique, qui résulte exclusivement d'une décision gouvernementale.

Les dépenses hors titre 2 de la Cour des comptes et des juridictions financières connaissent une baisse de 5 %, que je salue particulièrement dans la mesure où il s'agit essentiellement de dépenses contraintes et quasiment incompressibles. Cette baisse traduit donc les efforts de la Cour pour maîtriser ses dépenses de fonctionnement, en optimisant par exemple ses procédures d'achats ou en limitant ses dépenses énergétiques.

En conclusion, je vous invite, mes chers collègues, à adopter les crédits de la mission, dont la progression apparaît raisonnable.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. -Cette présentation est sincère et objective. Un travail devra être mené pour analyser les évolutions constatées dans les juridictions administratives, et regarder notamment si l'augmentation du nombre de saisines n'est pas due à la systématisation, par certains, des recours.

Il faudra étudier également les moyens mobilisés en interne par le Conseil d'État pour traiter davantage de dossiers et voir si le travail est optimisé afin de consacrer le plus de temps possible aux dossiers les plus complexes. Je souscris à cet égard aux remarques du rapporteur spécial.

J'ai bien compris par ailleurs qu'une diminution du nombre de concertations citoyennes engendrait des économies. Je laisse la paternité de cette observation avisée à notre rapporteur spécial...

Mme Isabelle Briquet. - Merci au rapporteur spécial de ses commentaires pertinents. Sur le dernier point évoqué par le rapporteur général, j'aurais peut-être des nuances à apporter. Je partage néanmoins plusieurs des commentaires qui ont été faits.

De nombreuses difficultés tiennent à l'augmentation des délais de jugement. Le nombre de procédures est en hausse, notamment pour les contentieux. Or ces derniers doivent être jugés rapidement, particulièrement en droit des étrangers. Le traitement des dossiers en attente prend donc du retard et le stock des dossiers en souffrance augmente, alors qu'il avait tendance à diminuer. N'est-il pas risqué de laisser ainsi s'accumuler ce stock ?

La Commission du contentieux du stationnement payant (CCSP), qui deviendra le tribunal du stationnement payant en janvier 2025, est également en difficulté. Censée traiter 120 000 affaires par an, elle reçoit près de 180 000 requêtes et affiche des délais de jugement de deux ans et un stock d'environ 225 000 demandes.

Dans un tel contexte de hausse du nombre de contentieux, on voit mal comment les objectifs de délai pourraient être tenus à moyens constants. Je partage à ce sujet la remarque du rapporteur spécial. La poursuite cette année de la revalorisation indemnitaire des magistrats administratifs et financiers est en revanche à saluer compte tenu de l'importance du travail à mener.

M. Marc Laménie. - La répartition des effectifs entre le Conseil d'État et les tribunaux administratifs est-elle connue, ainsi que leur répartition entre la métropole et les outre-mer ? De même, connaît-on la répartition des effectifs entre la Cour des comptes et les chambres régionales des comptes ? Qu'en est-il par ailleurs de leur progression ?

M. Stéphane Sautarel. - Pourriez-vous nous éclairer sur l'activité du Cese, dont le coût, la pertinence et l'efficacité prêtent parfois à discussion ? Pourquoi n'avez-vous pas proposé d'amendement sur son plafond d'emplois, porté dans le PLF 2025 de 154 à 155 équivalents temps plein (ETP), alors que la consommation actuelle apparaît inférieure aux autorisations reçues ?

Mme Sylvie Vermeillet. - Le contexte budgétaire est tendu : on recherche des économies partout. En outre, la Cour des comptes n'est pas le dernier organisme à avoir pointé du doigt les dérapages budgétaires de l'État. Pourquoi voit-elle ses crédits augmenter de 2,2 %, quand ceux du Sénat, de l'Assemblée nationale et de l'Élysée sont maintenus à un niveau identique à celui de l'an passé ? Un amendement pourrait-il être présenté à ce sujet ?

M. Michel Canévet. - Je m'inquiète également de l'évolution des crédits de cette mission, alors que l'on peut douter de la qualité de gestion des comptes de l'État.

Je m'inquiète surtout de l'évolution à la hausse du stock d'affaires en attente dans les juridictions administratives, de 25 % depuis 2017. L'augmentation des effectifs est-elle la seule solution à y apporter ? D'autres pistes ne pourraient-elles pas être étudiées : imposer des droits à payer pour pouvoir déposer plainte, par exemple, ou simplifier certains documents administratifs afin d'éviter que la saisine du tribunal ne conduise automatiquement à des mises en cause ?

M. Christian Bilhac, rapporteur spécial. - On constate une augmentation des contentieux dans tous les domaines. Le rapport présente des statistiques précises à ce sujet. Mon expérience de maire est à cet égard assez parlante : alors que je ne me suis jamais rendu au tribunal au cours de mes quatre premiers mandats, j'y suis allé trois fois durant le cinquième et sept fois durant le sixième ! Nous en sommes là.

Le nombre de recours en matière de stationnement payant explose également, malgré les efforts effectués pour faire face à cette nouvelle donne. La crise du covid-19 a notamment bouleversé les méthodes de travail des juridictions, en augmentant le télétravail et en affectant à d'autres tâches les personnels chargés de ranger des dossiers sur les étagères. Le télérecours rationalise en outre la gestion des tribunaux.

Le nombre de dossiers en attente à la CCSP ne cesse de croître. Les transferts d'effectifs réalisés se sont révélés insuffisants pour y faire face.

Pour répondre à Marc Laménie, on dénombre 649 personnels au Conseil d'État, 2 390 dans les tribunaux administratifs et 642 au sein des cours administratives d'appel.

L'évolution à la hausse des crédits de la Cour des comptes s'explique par la revalorisation indemnitaire des magistrats financiers, qui est elle-même la conséquence directe de la réforme de la haute fonction publique décidée exclusivement par le Gouvernement. Sans cette revalorisation, nous risquions de nous retrouver avec des personnels de moindre qualité. Il est vrai néanmoins que cet alignement des rémunérations des magistrats financiers sur celles des administrateurs de l'État, bien que nécessaire, est coûteux. Pour autant, je préfère la Cour des comptes aux cabinets de conseil, elle coûte moins cher.

Pour répondre à Michel Canévet, les administrés attaquent désormais les communes, les intercommunalités, les départements ou les régions, pour un oui ou pour un non. Une personne qui se tord le pied dans un trou peut attaquer la mairie pour la mauvaise qualité du chemin. Une réflexion est nécessaire sur ce point.

La CNDA, qu'on désigne couramment comme la juridiction du « chaos du monde », fait également face à un afflux conséquent de dossiers.

Enfin, j'avais déposé un amendement au PLF 2024 visant à diminuer les crédits du Cese. Au vu du tsunami qu'il a provoqué, j'ai compris qu'il était préférable de le retirer. Il ne faut pas qu'une assemblée s'immisce dans la gestion d'une autre assemblée. Je n'en déposerai donc pas cette année, mais M. Sautarel peut le faire s'il le souhaite...

La commission décide de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission « Conseil et contrôle de l'État ».

La réunion est close à 14 h 10.

Mercredi 30 octobre 2024

- Présidence de M. Claude Raynal, président -

La réunion est ouverte à 9 h 00.

Projet de loi de finances pour 2025 - Mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » - Examen du rapport spécial

M. Claude Raynal, président. - Nous débutons notre réunion par l'examen du rapport spécial sur la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ».

Je profite de cette occasion pour saluer Éric Bocquet, qui a décidé de mettre un terme à son mandat au 1er novembre. Nous lui souhaitons le meilleur pour la suite.

M. Arnaud Bazin, rapporteur spécial de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ». - Les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » demandés pour 2025 s'élèvent à 30,4 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et en crédits de paiement (CP). Facialement, il s'agit d'une légère diminution, de 2,3 %, par rapport à la loi de finances initiale (LFI) de 2024. Cette baisse résulte toutefois d'une mesure de périmètre, le programme support des ministères sociaux ayant été transféré de la mission « Solidarité » à la mission « Travail et emploi ». Les crédits alloués à chacun des trois autres programmes augmentent en réalité de 2,12 % par rapport à 2024.

Cette hausse des dépenses s'explique principalement par le fort dynamisme de l'allocation aux adultes handicapés (AAH), pour 14,4 milliards d'euros, soit une augmentation de 4,8 %. Si le coût de la déconjugalisation en 2024 a été moindre que prévu - 280 millions d'euros, contre 500 millions d'euros attendus -, l'augmentation soutenue des bénéficiaires de l'AAH-2, à hauteur de 3,81 %, a tiré l'ensemble de la dépense liée à cette prestation. En revanche, à rebours de la tendance récente mobilisant la prime d'activité pour soutenir le pouvoir d'achat, les crédits alloués à la prime diminueraient en 2025, à hauteur de 1,3 milliard d'euros, soit une baisse de 1,5 %. Selon l'administration, cette diminution serait rendue possible par la mise en oeuvre de la solidarité à la source en avril 2025 : ainsi, les indus versés diminueraient de 800 millions d'euros en année pleine. En outre, les paramètres de la prime ont été modifiés par décret : la « pente » de la prise en compte des revenus d'activité représenterait 500 millions d'euros en année pleine.

Je remarque toutefois que ces économies, au lieu d'être affectées à la réduction du déficit, sont immédiatement « réinvesties » dans d'autres dépenses de la mission, comme la tarification sociale des cantines.

Malheureusement, ce budget témoigne également de la tendance de l'État à ne pas financer les dépenses qu'il impose aux autres acteurs du champ social. Ainsi, alors que les dépenses liées à l'aide sociale à l'enfance (ASE) départementale connaissent une forte augmentation sous l'effet d'une hausse très importante du nombre de mineurs non accompagnés (MNA) confiés à l'ASE, avec une hausse de 31 % entre 2022 et 2023, les crédits de l'État en soutien aux départements diminuent légèrement par rapport à la LFI 2024, avec une baisse de 5,7 %.

De même, après avoir imposé à l'ensemble de la branche de l'action sanitaire et sociale de se conformer, rétroactivement au 1er janvier 2024, aux accords du « Ségur pour tous » - cela représente indéniablement une avancée considérable pour les agents concernés, notamment dans le secteur de la protection juridique des majeurs -, l'État n'a pas fait évoluer ses financements en conséquence. Enfin, après avoir imposé aux établissements et services d'aide par le travail (Ésat), déjà en déficit, de financer une complémentaire santé obligatoire pour leurs travailleurs, l'État n'a pas augmenté l'aide au poste dans ces établissements. Ce faisant, il contribue à les fragiliser.

Il me semble néanmoins que la mission « Solidarité » n'est pas nécessairement le meilleur véhicule pour régler ces difficultés : pour le Ségur ou les Ésat, celles-ci relèvent de l'exercice 2024 ; s'agissant des départements, des mesures générales relatives aux collectivités seraient sans doute mieux adaptées.

En responsabilité et afin d'assurer le financement des prestations et des politiques sociales élémentaires, je vous propose d'adopter les crédits de cette mission.

M. Éric Bocquet, rapporteur spécial de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ». - Je prends aujourd'hui pour la dernière fois la parole devant notre commission. J'en profite pour vous dire mon émotion et le plaisir qui a été le mien de travailler sur cette belle mission, particulièrement humaine.

Elle porte en effet des politiques indispensables pour nos concitoyens. Je pense, par exemple, à l'aide alimentaire, qui, si elle ne représente qu'une faible part des crédits de la mission - 147 millions d'euros -, n'en constitue pas moins une action vitale en faveur de nombre de nos concitoyens en difficulté. Nous faisons, cette année encore, le constat de la persistance de la précarité alimentaire, près de la moitié de la population générale ayant indiqué se sentir contrainte dans son budget d'alimentation en raison des prix pratiqués en 2023.

À cet égard, la hausse des crédits de l'aide alimentaire dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2025, avec une hausse de 3,4 % par rapport à la LFI 2024, est une bonne chose - même si on pourrait souhaiter, comme c'est mon cas, que cette hausse aille beaucoup plus loin compte tenu de l'apparition de nouveaux besoins. Les nouveaux moyens alloués en 2025 permettront de financer des actions contre la faim des très jeunes enfants, ou encore la montée en charge du programme « Mieux manger pour tous ! », qui vise à faire rimer aide alimentaire avec qualité nutritionnelle, et qui est apprécié par les associations.

La situation de la fin de l'année 2024 n'est donc pas aussi dramatique qu'il y a un an. Elle n'est pour autant pas idyllique, loin de là, et elle imposera à mon corapporteur et à mon successeur une vigilance certaine dans le futur.

Les crédits destinés à financer la politique d'égalité entre les femmes et les hommes augmenteront de 10 % en 2025. Comme l'année précédente, cette hausse est entièrement absorbée par la mise en oeuvre de l'aide exceptionnelle d'urgence pour les victimes de violences conjugales ; celle-ci est versée en une fois dans un délai de trois à cinq jours aux femmes qui quittent leur foyer pour fuir leur conjoint violent. Les crédits consacrés à cette aide, qui étaient de 13 millions d'euros dans la LFI 2024, seraient de 20,4 millions d'euros pour 2025, soit une augmentation de 57 %. Les autres dispositifs de la mission demeurent financés à leur niveau de 2024.

L'année dernière, nous craignions que les moyens alloués à cette aide soient insuffisants. C'est exactement ce qui s'est produit, malheureusement. Le barème, fixé par référence au montant forfaitaire du revenu de solidarité active (RSA), varie selon les ressources de la victime et le nombre de ses enfants à charge. Les 13 millions d'euros initialement prévus auraient été suffisants uniquement en cas de fort taux de non-recours.

Au contraire, le lancement de l'aide universelle d'urgence a connu un certain succès : le taux de recours a été de 30 % en décembre 2023, le premier mois de sa mise en oeuvre, du fait d'un « effet stock ». Si cette belle dynamique a depuis quelque peu ralenti, il ne faudra à l'avenir pas moins des 20 millions d'euros prévus en 2025 pour répondre aux besoins des femmes éligibles.

Contrairement à Arnaud Bazin et selon une tradition bien établie, j'émets, pour ma part, un dernier avis de rejet des crédits de la mission, qui restent en décalage avec les enjeux, les besoins et la situation sociale du pays.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. -Je salue l'engagement d'Éric Bocquet au sein de notre assemblée.

Trois sujets me préoccupent. Premièrement, l'explosion des budgets de l'ASE, qui inquiète les départements, sans oublier les drames humains qui se jouent derrière ces chiffres ; cela en dit long sur l'état de notre société. Cette hausse s'expliquerait par un meilleur diagnostic des services sociaux, mais j'y vois aussi les suites de la crise sanitaire ; nous devons être vigilants face aux problèmes liés à la santé mentale.

Deuxièmement, la situation de l'aide alimentaire, certes moins tendue que l'an passé. Les crédits prévus sont plus adaptés, mais il serait surtout souhaitable que les besoins diminuent.

Troisièmement, les violences intrafamiliales (VIF). L'augmentation des aides d'urgence en faveur des femmes victimes de violences est un phénomène préoccupant.

Je réitère mes remerciements à Éric Bocquet ; c'était un plaisir de travailler avec lui.

M. Marc Laménie. - Je salue moi aussi l'engagement d'Éric Bocquet.

Cette mission est l'une des plus importantes du PLF - 30 milliards d'euros. Comment s'effectue la répartition des moyens humains entre l'administration centrale et les services déconcentrés ? N'oublions pas le rôle important que jouent localement les associations et les structures telles que les Ésat.

Le programme 137 « Égalité entre les femmes et les hommes » traite d'une question de société très importante. Chaque département compte un ou une déléguée départementale aux droits des femmes et à l'égalité (DDFE), qui dispose toutefois de peu de moyens. Les centres d'information sur les droits des femmes et des familles (CIDFF) jouent aussi un grand rôle dans ce domaine, sans oublier l'action des collectivités territoriales et des associations. Cela dit, ce programme demeure trop limité, malheureusement.

M. Michel Canévet. - Je salue moi aussi le travail des rapporteurs spéciaux. Nous appréciions les bons mots d'Éric Bocquet en commission des finances, je regrette son départ.

À périmètre constant, les moyens alloués à cette politique sont en hausse. Je note que les besoins en matière d'accompagnement du handicap sont importants.

Les dépenses relatives au dispositif « cantine à 1 euro » doivent-elles être sincérisées ? L'augmentation de l'enveloppe permettra-t-elle de prendre en compte les besoins, notamment dans les zones rurales ?

M. Rémi Féraud. - Cette mission rassemble des sujets très différents.

Comme le disait le rapporteur général, les besoins en matière d'aide alimentaire sont moins criants ; nous verrons si les moyens prévus sont suffisants. En revanche, les crédits alloués au programme « Égalité entre les femmes et les hommes » sont sans rapport non seulement avec les ambitions annoncées, mais aussi avec les besoins, d'autant qu'une grande partie des financements seront consacrés à la nouvelle aide universelle d'urgence. En lien avec les associations, à combien estimez-vous les besoins liés à l'hébergement d'urgence, dont le rôle est nécessaire, mais qui a été particulièrement sacrifié dans ce budget ?

Vos constats convergent, mais pas vos propositions de vote. Pour notre part, nous suivrons la position d'Éric Bocquet ; l'année dernière, nous avions d'ailleurs voté contre l'adoption de la mission, alors que les crédits augmentaient davantage.

En 2025, les financements seront-ils principalement affectés à la nouvelle aide universelle d'urgence ou à l'augmentation de l'AAH ? Quels moyens devraient être alloués à l'hébergement d'urgence au profit des femmes victimes de violences ?

M. Claude Raynal, président. - Je vous prie de m'en excuser, en raison des quelques mots prononcés en l'honneur de Éric Bocquet, j'ai omis de donner la parole au rapporteur pour avis, M. Laurent Burgoa.

M. Laurent Burgoa, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales sur la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ». - Vous êtes tout excusé, monsieur le président. Je remercie les rapporteurs spéciaux de la présentation de leur rapport, ainsi que de sa qualité. Je salue l'action de Éric Bocquet qui nous quitte bientôt.

Traditionnellement, la commission des affaires sociales n'est pas aussi avancée dans ses travaux relatifs au PLF, car le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) occupe grandement les esprits de ses membres. Bien qu'ayant débuté mes auditions hier, à la lecture des documents budgétaires, je partage les conclusions exposées précédemment.

Dans le contexte budgétaire contraint que nous connaissons, la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » fait figure d'exception et voit ses crédits augmenter de 2,1 %, soit l'ordre de grandeur de l'inflation. Cette progression s'explique, en effet, par la part des dépenses d'intervention, notamment l'AAH et la prime d'activité, qui représentent plus de 87 % des crédits de la mission et qui sont réévaluées automatiquement pour tenir compte de l'inflation.

J'attire également l'attention sur un poste de dépenses en légère augmentation qui me paraît important : la compensation de la charge financière des départements liée aux MNA, notamment lors de la prise en charge de ces mineurs par l'ASE. J'ai rencontré hier soir les représentants de Départements de France (DF) ; les départements n'entendent pas se défausser et comptent participer à l'effort de maîtrise de la dépense publique. Cependant, le vice-président de DF soulignait, à juste titre, au-delà de la croissance des dépenses liée aux flux de mineurs, l'existence de dépenses induites par les nouvelles exigences réglementaires et législatives dans l'exercice de ces compétences.

En conclusion, si nous devons faire preuve d'exigence quant à ce budget, nous devons également veiller aux conséquences financières des évolutions législatives proposées d'ici à la prochaine loi de finances.

M. Victorin Lurel. - Dans le programme 304 figure la recentralisation de la gestion du RSA à Mayotte, en Guyane et à La Réunion ; la Guadeloupe en avait également fait la demande. Où en est-on ?

L'exemple guyanais n'était pas très probant. Lorsqu'il a repris la gestion du RSA, l'État a imposé une durée minimale de présence sur le territoire d'au moins cinq ans pour en bénéficier. Cette disposition me semble d'ailleurs avoir été annulée par décision du tribunal administratif. Lorsque la gestion était assurée par le département, seulement trois mois ou une année de présence était nécessaire.

J'ignore comment cela s'est passé dans les autres territoires. Ce dossier a-t-il été réglé en respectant le principe d'égalité ?

Mme Nathalie Goulet. - Dispose-t-on d'une répartition géographique des MNA ?

M. Jean-Marie Mizzon. - Dans un rapport, il est peu commun de saluer l'audace dont a fait preuve l'administration, en l'occurrence s'agissant de la surprogrammation de crédits ou de surbooking, si je puis dire. J'ignore si cela est autorisé en matière de gestion des fonds structurels européens, car les subventions financent des opérations identifiées en général. Est-ce parce que l'administration a si peu foi en la réussite de la politique de lutte contre la précarité ?

M. Arnaud Bazin, rapporteur spécial. - Sur la question des MNA, l'augmentation des besoins à l'ASE est liée à celle des flux de MNA qui ont progressé de 31 % entre 2023 et 2024. La diminution des crédits de l'État entre les deux lois de finances, de l'ordre de 5,7 %, ne répond pas aux besoins. L'accompagnement des départements est donc un sujet important, qui devrait trouver sa place davantage au sein des mesures générales destinées aux collectivités territoriales que dans cette mission.

Pour ce qui concerne l'aide alimentaire, Éric Bocquet y reviendra, la situation est moins tendue que l'année dernière. Toutefois, les Restos du Coeur ont maintenu des critères d'accès à l'aide alimentaire plus restrictifs que par le passé. Par ailleurs, le nouveau mécanisme d'aide européenne est mis en oeuvre pour la première fois. Autrefois, le Fonds européen d'aide aux plus démunis (Fead) prenait en charge 85 % des dépenses ; désormais, le Fonds social européen+ (FSE+) prendra en charge 90 % des dépenses.

En 2018, dans le cadre du premier rapport de contrôle que nous avions menés avec Éric Bocquet, nous avons constaté la perte de 15 millions d'euros au cours d'un exercice budgétaire, en raison de notre incapacité à justifier l'ensemble des dépenses auprès de l'Union européenne (UE) ; le budget de l'État a donc dû prendre en charge ce manque. Cette fois-ci, la perte est réduite à 10 millions d'euros ; c'est une amélioration. FranceAgriMer s'est professionnalisé et est plus efficace. Néanmoins, des pertes de crédits sont encore à déplorer, ce qui explique le surbooking évoqué par Jean-Marie Mizzon.

En effet, la procédure de justification administrative est bien trop lourde : avec Éric Bocquet, nous avions souligné l'existence de sept niveaux de contrôles successifs, qui expliquent les refus d'apurement et le surbooking. L'aide alimentaire est peut-être davantage un sujet relevant du projet de loi de finances de fin de gestion (PLFG) pour 2024 que du PLF pour 2025 ; toutefois, nous devrons y être très attentifs, car la précarité existe toujours et les besoins pour y remédier restent importants.

Monsieur Laménie, nous ne disposons pas de chiffres précis sur les effectifs de l'administration centrale. Le programme 124 « Conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales » comportait une forme d'appréciation de l'engagement de l'administration dans ses missions au travers des dépenses informatiques ou de gestion des immeubles, mais il a été intégré à une autre mission budgétaire. Nous ne disposons plus de la compétence sur ces crédits en tant que rapporteurs de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ».

À propos du soutien accordé aux communes qui s'engagent dans la contractualisation pour proposer des repas à 1 euro, nous n'avons pas d'informations indiquant que les crédits seraient insuffisants. Toutefois, les besoins sont difficiles à évaluer, car ils dépendent de l'engagement des collectivités. Pour l'instant, cela fonctionne.

Pour répondre à Rémi Féraud sur le programme 137 « Égalité entre les femmes et les hommes », nous n'examinons qu'une toute petite partie des crédits en la matière, car la plus grande partie des dépenses constituée par l'hébergement d'urgence ne relève pas de cette mission. Comme le soulignait Éric Bocquet, l'essentiel de l'augmentation des crédits est dû à l'aide universelle d'urgence pour les victimes de violences conjugales dont les besoins avaient été largement sous-évalués en 2024. Pour 2025, nous verrons si la progression très nette des crédits permettra d'y faire face.

Sur l'ensemble de la mission, la hausse des crédits provient de l'augmentation de l'AAH-2 ; c'est un sujet que nous devrons peut-être étudier sérieusement. Avec Éric Bocquet, nous avions déjà rédigé un rapport de contrôle sur le rôle des maisons départementales des personnes handicapées dans la gestion de l'AAH.

Sur la gestion recentralisée du RSA, le statu quo est de rigueur. Aucun nouveau département ne s'est lancé dans l'expérimentation. Actuellement, il est difficile d'apprécier où se situe la dynamique la plus importante entre les départements d'outre-mer et le département de la Seine-Saint-Denis. Ce sujet devra également être examiné, mais les données ne sont pas encore disponibles.

S'agissant de la Guadeloupe, la collectivité souhaitait se lancer dans l'expérimentation mais n'avait pas pu y participer pour deux raisons : il était difficile d'identifier les dépenses de RSA dans les comptes de la caisse d'allocations familiales (CAF) et la Guadeloupe voulait bénéficier de conditions de recentralisation du RSA plus favorables, ce qui impliquait le recours à une autre procédure. Pour ce qui concerne cette recentralisation de la gestion du RSA, Éric Bocquet et moi-même avons rédigé un rapport de contrôle intitulé RSA recentralisé : une expérimentation au milieu du gué, auquel je vous renvoie.

M. Éric Bocquet, rapporteur spécial. - Sur l'aide alimentaire, les associations soulignent l'évolution de la typologie des personnes qui y ont recours : les jeunes enfants - c'est un phénomène nouveau et inquiétant - et les étudiants - les universités avec l'aide d'associations comme le Secours populaire organisent de plus en plus des distributions de denrées - sont désormais concernés.

S'agissant des cantines scolaires, la direction générale de la cohésion sociale (DGCS) a indiqué que les crédits avaient été sous-estimés les années précédentes : ils étaient par exemple de seulement 35,6 millions en 2024, alors qu'ils sont de 71,9 millions en 2025, soit le double. Pour 2025, le budget est donc en principe sincère.

Madame Goulet, en dépit de l'absence d'éléments chiffrés précis, il semblerait que les MNA soient répartis sur l'ensemble du territoire.

Pour compléter la réponse apportée à Rémi Féraud, j'ajouterai que les associations nous ont alertés sur les moyens dédiés à l'hébergement d'urgence, surtout à l'hébergement non mixte apprécié des femmes victimes de violences, qui n'étaient ni clairs ni suffisants. En effet, dans bien des cas, l'aide d'urgence ne permet de financer un hébergement à l'hôtel que pendant dix ou quinze jours seulement. Quid ensuite ? Il faudra améliorer le dispositif à l'avenir.

M. Arnaud Bazin, rapporteur spécial. - À propos de la répartition géographique des MNA, celle-ci est réalisée sous l'autorité de l'État grâce à une cellule dédiée et selon des critères qui font d'ailleurs l'objet de critiques de la part des départements, qui suivent cette question de très près.

Je remercie, à mon tour, Éric Bocquet de l'excellent climat de travail que nous avons connu. Nombre de sujets de cette mission nous ont passionnés. J'ai été très heureux de travailler avec lui ; je regrette son départ de la commission et lui souhaite le meilleur pour la suite.

La commission décide de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ».

Projet de loi de finances pour 2025 - Missions « Médias, livre et industries culturelles » et « Audiovisuel public » - Examen du rapport spécial

M. Claude Raynal, président. - Nous passons à l'examen du rapport de Jean-Raymond Hugonet.

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur spécial des missions « Médias, livre et industries culturelles » et « Audiovisuel public ». - Je vous présente aujourd'hui, non pas une mission et un compte de concours financiers comme à l'accoutumée, mais deux missions. Le PLF pour 2025 voit en effet la création d'une mission budgétaire finançant l'audiovisuel public - j'aurais l'occasion d'y revenir.

Je commencerai mon intervention par les crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles ». Le PLF prévoit 728,04 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 723,66 millions en crédits de paiement (CP). Ces chiffres traduisent une baisse par rapport à 2024 de 12 millions d'euros, soit 1,7 % en CP et 1,9 % en AE.

La quasi-totalité de cette diminution est absorbée par le soutien aux radios locales. Le fonds de soutien à l'expression radiophonique (FSER), qui aide 750 radios associatives non commerciales, bénéficiait en 2024 de 35 millions d'euros de crédits. Ce montant est ramené à 25 millions d'euros pour 2025.

Cette baisse a été décidée par le ministère chargé du budget et des comptes publics sans concertation avec le ministère de la culture, et met dans l'embarras nombre de petites radios qui sont précieuses dans nos territoires. La ministre de la culture a d'ores et déjà indiqué son intention de revenir sur cette baisse, si ce n'est au cours de l'examen du PLF, à tout le moins en gestion. Il est probable que l'examen à l'Assemblée nationale permette d'abonder le FSER. J'y serai en tout cas très attentif et me réserve la possibilité d'y revenir avant l'examen de la mission en séance publique au Sénat.

Au-delà des radios, la moitié des crédits de la mission est fléchée vers le soutien au secteur de la presse écrite. Le montant total des aides à la presse diminue de 1 % par rapport à 2024. Il devrait atteindre 194 millions d'euros en crédits de paiement en 2025. Cette stabilité appelle un commentaire principal : la réforme des aides à la presse est devenue indispensable. Alors que le secteur est très fragile et que les ventes de la presse écrite au numéro sont en chute libre, la réforme des aides à la distribution attend toujours.

Les états généraux de l'information, qui ont rendu leurs conclusions en septembre dernier, n'ont pas directement suggéré une rationalisation d'ensemble des aides à la presse, qui semble pourtant plus que nécessaire. La dépense fiscale en faveur de la presse s'élève à 170 millions d'euros. Le soutien de l'État représente donc un montant total de près de 400 millions d'euros, sans avoir permis jusqu'à présent de répondre aux défis de long terme du secteur.

En outre, la mission finance également l'Agence France-Presse (AFP), à hauteur de 143 millions d'euros en 2025. L'AFP a connu une situation financière très difficile au cours des dernières années, sa dette ayant atteint 50 millions d'euros en 2017. Ses finances sont aujourd'hui assainies et sa trajectoire de désendettement bien engagée, notamment grâce à un plan d'économies. Celui-ci devrait se poursuivre au cours des prochaines années.

La mission porte également une partie des crédits de l'État en faveur du livre et de la lecture, pour 327 millions d'euros. Ces crédits sont pour l'essentiel destinés aux grandes bibliothèques, en particulier la Bibliothèque nationale de France (BNF). La subvention versée à la BNF représentera 216,2 millions d'euros en 2025. Les bâtiments sont pour certains vieillissants et font l'objet d'investissements continus. L'essentiel des dépenses de la BNF concerne sa masse salariale, dont la croissance est essentiellement liée aux mesures générales prises dans la fonction publique, qui n'ont d'ailleurs été que partiellement compensées.

Ces crédits, comparés à la dépense des collectivités en faveur de la lecture, restent limités. Les collectivités territoriales ont ainsi dépensé en 2022 près de 1,4 milliard d'euros pour les bibliothèques. La dotation de l'État pour les bibliothèques, portée par la mission « Relations avec les collectivités territoriales », ne représente que moins d'un dixième de cette somme.

Enfin, je voudrais dire quelques mots du Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC). Le CNC n'est pas financé par des crédits budgétaires, mais par des taxes affectées. Le rendement de ces taxes est dynamique, de sorte que le CNC bénéficie d'un budget en hausse continue. Il atteindra 785 millions d'euros en 2025.

L'article 33 du projet de loi de finances prélève 450 millions d'euros sur la trésorerie du CNC. Cette ponction devrait être sans aucune conséquence pour l'établissement, dont le fonds de roulement dépassait les 800 millions d'euros. La gestion du CNC a été très prudente et a entraîné une croissance de sa trésorerie qui n'a pas de réelle raison d'être. Il semble donc tout à fait logique, en particulier par les temps qui courent, que cet argent inemployé rejoigne le budget général.

Compte tenu de ce qui vient d'être dit, je vous propose d'adopter, sans modification, les crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles ».

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Concernant les radios associatives, je m'interroge sur les raisons d'une baisse si brutale des crédits. C'est un vecteur d'information de proximité très utile pour nos territoires qui doit faire l'objet de toute notre vigilance.

Ensuite, les réformes sont très lentes à mettre en oeuvre, alors que la presse écrite bénéficie d'un soutien de 200 millions d'euros. Nous courons de difficulté en difficulté, sans parvenir à réformer. Je compte sur la responsabilité de chacun pour que les choses avancent, car réformer, c'est aussi prendre une juste part aux efforts budgétaires demandés.

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur spécial. - S'agissant maintenant de la mission « Audiovisuel public », elle devrait, je l'espère, être temporaire. En effet, nous avons adopté il y a une semaine la proposition de loi organique (PPLO) portant réforme du financement de l'audiovisuel public. Celle-ci a modifié la loi organique relative aux lois de finances (Lolf) pour permettre aux sociétés d'audiovisuel public de bénéficier de l'affectation d'un montant d'impôt d'État. En d'autres termes, cela revient à pérenniser le système antérieur d'affectation d'une fraction de TVA.

La PPLO sera examinée en séance publique à l'Assemblée nationale le 19 novembre prochain. Si elle est adoptée dans les mêmes termes, nous pourrons en tirer les conséquences en réintroduisant un financement par une fraction de TVA en première partie de la loi de finances. J'ai donc bon espoir que la mission « Audiovisuel public » soit redevenue un compte de concours financiers d'ici à son passage en séance au Sénat.

S'agissant maintenant du niveau du financement accordé, le montant des crédits prévus en 2025 est stable par rapport à l'année précédente. Cela représente 4,029 milliards d'euros. Les deux tiers de ce montant vont à France Télévisions et 16 % à Radio France.

Ce montant est nettement inférieur à la trajectoire prévue par les contrats d'objectifs et de moyens (COM) qui nous ont été transmis juste après la dissolution. C'est une bonne chose. Les contrats négociés il y a à peine quatre mois reposent sur une hypothèse de progression des dotations de 104 millions d'euros en 2025.

Dans le contexte actuel, il est légitime que l'audiovisuel public prenne sa part à l'effort général d'économies.

Notons par ailleurs que les crédits sont stables par rapport à la loi de finances initiale (LFI). Toutefois, par rapport à l'exécution observée en 2024, les crédits prévus dans le PLF devraient augmenter de 72 millions d'euros. En tenant compte des montants effectivement versés aux sociétés d'audiovisuel public au titre de 2024, les crédits accordés à l'audiovisuel public devraient augmenter de 1,8 %.

Cette différence découle de la modification accordée au titre de l'enveloppe prévue en 2024 pour des projets de transformation. Ce financement spécifique devait initialement s'élever à 200 millions d'euros sur trois ans, dont 69 millions d'euros au titre de 2024.

Or, devant l'ampleur de la catastrophe budgétaire, une partie des crédits prévus en 2024 ont été annulés par le décret de février, à hauteur de 20 millions d'euros. Une autre partie des crédits a été gelée. Tout compte fait, seuls 19 millions d'euros sur 69 millions d'euros auront été versés aux sociétés d'audiovisuel public au titre du programme de transformation. En 2025, 30 millions d'euros sont tout de même prévus.

Nous avons appris par le document publié dimanche dernier que le Gouvernement projetait de réduire de 50 millions d'euros le montant de la mission, ce qui le porterait à 3,979 milliards d'euros. Cette réduction est justifiée par un « effort de maîtrise des dépenses de l'audiovisuel public, en particulier pour France Télévisions ». Je trouve cette réduction justifiée. Nous attendons cependant l'amendement du Gouvernement.

Je suis certain que la seule piste d'économies durable est celle d'une réorganisation générale de l'audiovisuel public. La stratégie de mutualisation « par le bas » entre les sociétés se hâte avec lenteur et ne peut suffire. La priorité est de redéfinir les missions de l'audiovisuel public, d'en dessiner le nouveau périmètre, puis d'en tirer les conséquences budgétaires. J'ai bon espoir que nous y travaillerons avec le Gouvernement dans les prochains mois.

Je vous propose d'adopter les crédits de la mission « Audiovisuel public » sans modification.

M. Arnaud Bazin. - Je précise, par souci de transparence, que je préside par intérim la commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations (CDC), actionnaire à 66 % de La Poste. Vous annoncez 170 millions d'euros de soutien à la presse écrite ; or la mission de service public assurée par La Poste est sous-financée à hauteur de 500 millions d'euros, chiffre de La Poste confirmé par l'audit de la commission de surveillance de la CDC. La participation de l'État à cette mission de service public va-t-elle être revue ?

M. Vincent Éblé. - Le budget de cette belle mission « Médias, livre et industries culturelles » est en baisse de 1,67 %. Les crédits du programme 180 « Presse et médias » baissent de 2 %. Les radios associatives perdent près d'un tiers de leur enveloppe, déjà amputée précédemment de l'aide aux podcasts en 2024, qui n'aura duré que deux ans. Les crédits du programme 334 « Livre et industries culturelles » sont également en baisse, même si elle est moindre.

Les crédits du FSER diminuent de 30 %, ce qui nous inquiète vivement. Les radios indépendantes garantissent une forme de pluralité de l'information dans les territoires ; le Sénat y est historiquement attaché.

Pour toutes ces raisons, nous n'adopterons pas ces crédits.

M. Michel Canévet. - Je me réjouis que le rapporteur spécial s'attelle à la tâche d'une meilleure optimisation de l'utilisation des crédits de l'audiovisuel public, rappelant le souhait de rigueur qui prévaut dans cette commission.

Le CNC, après prélèvement, disposera encore de 400 millions d'euros de trésorerie. Pourrait-on envisager une ponction supplémentaire ? Ne mobilisons pas du capital inutilement.

M. Grégory Blanc. - Je trouve symptomatique cette ponction d'un demi-milliard d'euros sur la trésorerie du CNC : agir ainsi, c'est un tir à un coup. Cela en dit long de nos perspectives pour l'avenir.

Les crédits de l'audiovisuel public pourraient baisser de 50 millions d'euros. Or toute réforme prend du temps, et les économies attendues à terme arriveront tardivement. En 2026, la situation budgétaire des sociétés risque d'être difficile. Les seules coupes budgétaires ne règleront pas les problèmes financiers du pays.

Concernant les radios associatives, je ne comprends pas une telle baisse des crédits. Dans mon territoire, Radio France n'est pas présente ; sans radios associatives, il n'y aura plus rien. Les radios associatives sont un véritable enjeu en termes d'aménagement du territoire.

Mme Nathalie Goulet. - Nous avons eu la même discussion en séance l'année dernière sur les contributions du CNC. Quels sont les critères d'attribution des subventions ? Je n'ai rien de particulier contre Bernard-Henri Lévy, mais le nombre d'aides qu'il touche pour ses films de médiocre qualité est spectaculaire ! Quand on connaît le nombre de chaînes dont il est membre du conseil d'administration, on peut légitimement s'interroger sur d'éventuels conflits d'intérêts.

Par ailleurs, nous avons largement débattu, ces dernières années, du maintien des aides à la presse, qui, à l'origine, devaient permettre la numérisation et l'informatisation des rédactions. Alors que les crises liées à la financiarisation de la presse se multiplient, ces aides publiques, qui ne garantissent manifestement pas l'indépendance des rédactions, sont-elles toujours aussi nécessaires ?

M. Raphaël Daubet. - Je partage le désarroi de mes collègues concernant les radios associatives. Celles-ci sont menacées par une coupe budgétaire à la fois disproportionnée, incompréhensible et dangereuse, qui porterait un coup fatal à la vie démocratique et culturelle de nos territoires.

Je m'interroge, par ailleurs, sur la consommation énergétique du site François-Mitterrand de la Bibliothèque nationale de France, dont il nous est dit qu'est équivalente à celle d'une ville de 20 000 habitants.

M. Éric Jeansannetas. - J'insiste à mon tour sur les radios associatives. Monsieur le rapporteur spécial, je vous remercie de vous interroger sur la pertinence de cette réduction de crédits à hauteur de 30 %. Ces radios associatives sont en péril. Dans mon département de la Creuse, il s'agit de toutes petites stations, avec des budgets très restreints, animées par des permanents. C'est leur survie qui est en jeu, et, en même temps, celle du pluralisme et de l'éducation à l'information qu'elles assurent, en particulier en milieu scolaire.

Ces radios ont progressivement disparu du paysage médiatique - nous ne sommes plus à l'époque de l'éclosion des radios libres dans les années 1980 !

Quoi qu'il en soit, si l'Assemblée nationale n'adopte pas d'amendement pour abonder ce fonds de soutien à l'expression radiophonique, le Sénat devra s'en charger.

Mme Christine Lavarde. - Je suis également interpellée par la consommation énergétique de la BNF. En tant que membre du Conseil de l'immobilier de l'État, aux côtés de Rémi Féraud, je me demande quels crédits ont été ouverts pour le respect du décret, dit « tertiaire », du 23 juillet 2019 relatif aux obligations d'actions de réduction de la consommation d'énergie finale dans des bâtiments à usage tertiaire par le ministère de la culture.

M. Laurent Somon. - Au moment de la crise covid, une nouvelle chaîne culturelle a été créée. Alors qu'elle devait être provisoire, elle a été pérennisée. Ne ferions-nous pas acte de bonne gestion en réintégrant une chaîne créée de manière exceptionnelle dans des programmes de chaînes plus populaires ? Nous en améliorerions d'ailleurs la qualité ! Plutôt que d'inciter les Français à regarder des séries policières américaines à longueur de soirées, il serait plus pertinent de promouvoir des émissions culturelles tout en faisant des économies de fonctionnement.

M. Victorin Lurel. - Je m'associe aux propos de mes collègues sur le soutien que nous devons apporter aux radios locales. Je m'étonne de la réduction de leur budget.

Je suis également surpris d'apprendre la diminution de 50 millions d'euros pour l'audiovisuel public qu'a évoquée le rapporteur. La semaine dernière, lorsque le Sénat a adopté la proposition de loi organique portant réforme du financement de l'audiovisuel public, Mme Dati a répondu à mes questions par des engagements forts. Elle a notamment assuré qu'elle ne toucherait pas aux dotations telles qu'elles ont été inscrites dans le PLF 2025

Par ailleurs, le programme de transformation, qui a été créé de toutes pièces, a imposé une condition d'exécution préalable du contenu du contrat d'objectifs et de moyens. Les crédits de ce programme s'élevaient à 69 millions d'euros, dont 45 millions pour France Télévisions. Pour l'heure, seuls 12 millions ont été versés. Et finalement, le Gouvernement projette une réduction de 50 millions d'euros de ces crédits, sans que l'on sache vraiment où et comment cela sera imputé !

Cette information tranche fortement avec les engagements pris par Mme Dati la semaine dernière. J'avais souligné, à cette occasion, que le ministre chargé du budget et des comptes publics avait expliqué que 12 milliards d'euros ne seraient pas consommés et que l'État, dans le projet de loi de finances de fin de gestion, procéderait à des annulations à hauteur de 6 milliards d'euros. Là encore, la ministre de la culture s'est engagée à préserver l'audiovisuel public.

Je sais que vous appelez de vos voeux une réforme globale de la gouvernance et même une fusion de l'audiovisuel public français. Néanmoins, je suis surpris d'apprendre que le Gouvernement souhaite revoir entièrement le financement à la baisse. Comme on dit en créole : « Pawòl an bouch pa chaj » - ne prenons pas les mots pour argent comptant !

M. Bernard Delcros. - J'abonde dans le sens de mes collègues sur les radios associatives. L'enjeu financier n'est pas considérable : on parle de 10 millions d'euros, dans un plan d'économies de 60 milliards ! Et pourtant, c'est une question de survie pour ces radios associatives locales qui jouent un rôle déterminant, en particulier pour faire vivre les territoires les plus reculés. Le jeu n'en vaut pas la chandelle.

M. Christian Bilhac. - Je ne voterai pas les crédits de cette mission, car c'est une caricature de notre administration. Le Gouvernement ne propose aucune réforme, mais il se contente, à son habitude, de sortir de son atelier de menuiserie son rabot préféré. Mes collègues sont déjà largement revenus sur la mort annoncée de nombreuses radios associatives - tout cela pour quelques sous ! Puis on sort le fusil à un coup, pour 450 millions d'économies, soit la moitié des réserves de trésorerie du CNC. Mais si l'on tire le deuxième coup l'an prochain, il ne restera plus rien !

Bref, on bricole, au lieu de réformer en profondeur, on rabote, on ponctionne les fonds de réserve : quelle absence totale de vision de ce que doit être la gestion d'une mission par les services de l'État !

M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur spécial. - Monsieur Bazin, les aides à la diffusion s'élèvent à 114 millions d'euros, dont 65,5 millions pour les exemplaires postés. L'ambition est de diminuer le soutien à la diffusion postée, au profit de l'aide à l'exemplaire porté. Une baisse est donc prévue, y compris dans le contrat avec La Poste.

Monsieur Éblé, nous avons jusqu'à maintenant assisté à un bricolage sur l'audiovisuel, d'année en année. C'est encore le cas cette année, en l'absence de réforme. Mais pour la première fois, la tendance est plutôt à la baisse. Pour autant, les ressources restent globalement stables.

J'en viens au CNC. Il s'agit d'une maison qui fonctionne très bien, ce qui est d'ailleurs rassurant pour le cinéma français, à l'heure où l'on parle de créer un musée national dédié au septième art, dont, ne l'oublions pas, nous sommes les inventeurs. Depuis l'après-guerre, le cinéma représente une activité importante et structurée dans notre pays.

La Cour des comptes avait conseillé au CNC la constitution d'importantes réserves de précaution, bien que sa gestion soit de bonne qualité. La ponction n'a pas posé de difficulté à l'établissement, alors que le temps budgétaire se couvre, car chacun, était bien conscient de l'existence de ce gisement.

Le directeur du CNC, qui en est aussi le président par intérim, estime que la ponction de 450 millions d'euros ne représente pas un problème. En revanche, la question de la nécessité de conserver la réserve restante pour conserver une gestion prudente peut se poser.

Monsieur Blanc, lorsque nous soulignons des baisses de crédits, ne soyons pas amnésiques. Depuis des années, l'audiovisuel public vit dans un relatif confort financier. Alors que toute la Nation se voit contrainte à un effort collectif, ce programme budgétaire me paraît tout à fait tolérable.

Quels que soient nos territoires ou notre sensibilité politique, nous sommes tous touchés par la baisse de crédits en faveur des radios associatives. Tant dans la forme que dans le montant, cette réduction est inexplicable. La somme en question - 10 millions - n'est pas négligeable, mais c'est une goutte d'eau au regard de la situation financière catastrophique de notre pays. Pourquoi, alors, le budget de ces radios a-t-il été divisé de moitié par Bercy ? Je m'attends à des réactions similaires à la nôtre à l'Assemblée nationale. Il est d'ailleurs insupportable que le ministère de la culture n'ait pas été informé de cette décision.

Je me demande, pour ma part, si cette baisse ne résulte pas d'une volonté d'agir, de manière très ciblée, sur le local. Il pourrait s'agir d'une manière d'accompagner ce mouvement, à l'image de la synergie entre France 3 et France Bleu sous la marque « Ici ».

Madame Goulet, je me garderai de donner un avis artistique sur la production d'un réalisateur. La question des subventions se pose de la même manière au Centre national de la musique (CNM). Il est tout à fait illusoire d'espérer trouver une clé de répartition parfaite qui ne lèse personne. En tant que co-financeur des productions, le CNC doit prendre des risques, car la matière artistique n'a rien d'arithmétique.

La financiarisation de la presse pose en effet problème. Comme dans l'audiovisuel, nous voyons chaque année s'accroître les problèmes sans trouver de véritable parade. Sauf à adopter une réforme en profondeur, nous ne pourrons procéder autrement que par cette forme de bricolage.

Je n'ai pas de réponse précise à apporter sur la consommation énergétique de la BnF. Ces crédits sont pour l'essentiel d'ordre bâtimentaire, car le site François-Mitterrand, construit il y a trente ans, est déjà relativement ancien. Ce sont en particulier les salles de conservation qui sont fortement consommatrices. L'ouverture du site d'Amiens en 2029, qui accueillera les archives de la BnF, a été prévue notamment pour répondre à cette problématique.

Monsieur Lurel, en ces temps, les promesses budgétaires n'engagent que ceux qui les écoutent. J'étais présent lorsque la ministre vous a répondu. Mais, mon cher collègue, cet échange date de la semaine dernière. Or c'est ce week-end seulement que nous avons appris que 50 millions d'économies sont désormais à prévoir. Par ailleurs, les crédits du programme de transformation, encore une fois, résultent d'un bricolage - il s'appuyait d'ailleurs largement sur la promesse du numérique, vu comme l'alpha et l'oméga de l'audiovisuel à venir. Certains présidents de structures n'ont même pas été avertis que ces crédits ont été gelés. En tout cas, je vous rejoins sur un point : bien malin celui qui pourra prévoir si ces crédits seront intégralement versés !

Monsieur Bilhac, vous invitez à mettre fin aux coups de rabot. Mais ne disiez-vous pas, hier encore, qu'il fallait faire des économies ?

Monsieur Somon, juste avant la crise sanitaire, dans une volonté de réduire la subvention à l'audiovisuel public, la commission de la culture préconisait de supprimer France 4. Puis, lorsque le confinement a été déclaré, cette même commission a jugé pertinente la création d'une chaîne culturelle en continu - Culturebox -, même si le Président de la République s'est attribué le mérite de cette idée deux jours plus tard. Cette chaîne a très bien fonctionné pendant le covid. Et des années plus tard, plus personne ne souhaite la supprimer, au vu de son succès. Pour autant, ne faisons pas de Culturebox l'arbre qui cache la forêt des 2,7 milliards de financements alloués à France Télévisions.

La commission décide de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits des missions « Médias, livre et industries culturelles » et « Audiovisuel public ».

Projet de loi de finances pour 2025 - Mission « Sport, jeunesse et vie associative » - Examen du rapport spécial

M. Éric Jeansannetas, rapporteur spécial de la mission « Sport, jeunesse et vie associative ». - La mission « Sport, jeunesse et vie associative » voit ses crédits diminuer de 12,8 %, pour atteindre 1 579 millions d'euros en crédits de paiement (CP). Nous savons également que le Gouvernement compte économiser, par voie d'amendement, 55 millions d'euros supplémentaires sur la mission, mais nous n'en connaissons pas encore les détails.

Cette baisse, qui est la plus forte enregistrée par la mission depuis au moins dix ans, s'explique principalement par des raisons conjoncturelles.

Je pense tout d'abord, bien sûr, à la fin des dépenses exceptionnelles pour les jeux Olympiques et Paralympiques (JOP) de Paris 2024, qui explique à elle seule 67,5 millions d'euros de baisse sur le programme 219 « Sport », et 85,5 millions d'euros sur le programme 350 « Jeux olympiques et paralympiques » qui, pour mémoire, porte les dépenses relatives aux constructions.

De l'avis général, les Jeux ont été une véritable réussite. Il est encore trop tôt pour avoir un bilan définitif de leur coût - la Cour des comptes est actuellement en train de le réaliser -, mais les premières informations dont nous disposons sont très positives.

Les ouvrages olympiques ont été livrés dans les temps et en respectant les contraintes budgétaires. La maquette financière initiale de la Société de livraison des ouvrages olympiques (Solideo), élaborée en 2018, prévoyait un financement par les acteurs publics d'un montant de 1 378 millions d'euros. Hors inflation, la livraison des jeux Olympiques et Paralympiques aura coûté 1 398 millions d'euros, soit une différence de seulement 1,5 % avec les prévisions initiales. Et entre-temps, nous avons connu une pandémie et une crise énergétique !

L'établissement Solideo a mis en place un système efficace de recueil de l'information et de contrôle des risques, qui a permis l'annulation et la réorientation rapide de tous les projets qui auraient pu conduire à un dépassement du budget.

Ainsi, en juillet dernier, la Solideo a restitué 38,6 millions d'euros aux financeurs publics, dont 29,9 millions d'euros à l'État et 8,7 millions d'euros aux collectivités territoriales. Les sommes allouées à l'État ont été affectées au Comité d'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques (Cojop) pour le financement des jeux Paralympiques.

Sans entrer dans le détail des comptes du Cojop, dont le bilan n'est pas encore connu avec exactitude, il apparaît, d'après les informations transmises par le ministère, qu'il est très peu probable que la garantie de l'État soit appelée.

En tout état de cause, je salue l'action de la Solideo et du Cojop, qui a permis aux Jeux de Paris 2024 d'être une véritable réussite.

L'autre mouvement de crédits important de la mission provient du plan « 5 000 équipements - Génération 2024 », qui perd 100 millions d'euros. Il s'agit toutefois d'une baisse en trompe-l'oeil. La loi de finances initiale (LFI) de 2024 avait en effet ouvert 100 millions d'euros pour le plan, mais la sélection des dossiers et l'engagement de constructions ayant pris plus de temps que prévu, il est estimé que 96 millions d'euros de crédits ne seront pas consommés à la fin de cette année. Le Gouvernement a donc fait le choix de financer le plan pour l'année 2025 entièrement par reports de crédits.

Les évolutions les plus préoccupantes concernent en réalité le financement de l'Agence nationale du sport (ANS). Pour mémoire, l'ANS est notamment financée par une contribution sur les droits de diffusion de manifestations ou de compétitions sportives, dite taxe Buffet, qui lui est intégralement affectée. Or cette taxe va connaître une baisse significative de ses recettes.

En effet, sur la période 2024-2029, la Ligue de football professionnel (LFP) devrait percevoir, au titre des droits télévisuels de la Ligue 1 et de la Ligue 2, un total de 678,5 millions d'euros par an, contre 743 millions d'euros par saison dans le cadre du contrat précédent. Ce manque à gagner affectera le rendement de la taxe Buffet jusqu'à l'exercice 2028, au minimum, ce qui devrait se traduire par une baisse des financements de l'ANS à hauteur de 4 millions d'euros par an.

La situation actuelle rappelle l'affaire Mediapro. La défaillance du diffuseur avait conduit à un écart entre les prévisions et le rendement de la taxe de 14,4 millions d'euros par an, et cette baisse de financement avait été compensée par des crédits budgétaires inscrits pour l'ANS en 2023 et en 2024.

Une telle situation est absurde : les finances publiques n'ont pas vocation à supporter les aléas de la négociation des droits audiovisuels des retransmissions sportives !

Je ne suis pas favorable à une suppression de l'affectation de la taxe Buffet à l'ANS, dans la mesure où elle demeure un symbole de la solidarité entre le sport professionnel et amateur, mais il convient de repenser le financement de l'Agence afin de le rendre moins dépendant de la conjoncture.

J'en viens au volet « jeunesse et vie associative » de la mission.

Le fonds pour le développement de la vie associative (FDVA) a gagné un supplément de financement de 17 à 20 millions d'euros l'année dernière, via le mécanisme de fléchage des comptes inactifs de l'État. Je le salue, car il a - enfin ! - atteint le montant de l'ancienne dotation parlementaire. Il convient désormais de prendre toutes les garanties nécessaires pour qu'il puisse accomplir au mieux sa mission, à savoir, le soutien financier des petites associations.

Les crédits inscrits pour le service civique - une politique qui me tient particulièrement à coeur -s'élèveront à 600 millions d'euros en 2025, en hausse de presque 80 millions d'euros par rapport à l'année précédente. Cette progression correspond toutefois en réalité davantage à un « rebasage » des crédits du service civique, dans la mesure où le dispositif était également financé par la trésorerie de l'Agence du service civique (ASC).

Or, la trésorerie de l'ASC est désormais redescendue à un niveau très faible, si bien qu'elle pourrait même tomber dès 2025 sous le niveau prudentiel, compte tenu des annulations de crédits décidées en février 2024. Le rebasage des crédits du service civique relève donc d'une bonne gestion, mais nous devons rester vigilants.

Je termine sur une politique plus controversée : le service national universel (SNU).

Celui-ci est doté de 128,3 millions d'euros pour 2025, en baisse de 31,7 millions d'euros par rapport à la précédente loi de finances. C'est la première fois que les crédits du SNU baissent depuis le début de l'expérimentation en 2019. On peut donc s'interroger sur l'état d'avancement de l'objectif de sa généralisation. Le ministre des sports, de la jeunesse et de la vie associative, Gil Avérous, dans une déclaration récente, a affirmé que le Gouvernement n'avait pas les moyens de la généralisation du SNU, et que celle-ci n'était pas prévue à court terme.

Cette déclaration ne m'a pas surpris dans la mesure où j'ai mené un travail de contrôle sur le SNU, dont les conclusions ont été adoptées par notre commission le 8 mars 2023. J'avais alors estimé que sa généralisation, dans sa forme actuelle, n'était ni possible ni souhaitable. Il est extrêmement difficile de trouver suffisamment de centres pour accueillir l'ensemble des jeunes accomplissant un séjour de cohésion, et le recrutement des encadrants est également un défi majeur.

Il est déjà complexe d'organiser les séjours de cohésion alors que 60 000 jeunes seulement y participent. Que dire des difficultés logistiques d'un SNU qui serait généralisé à l'ensemble d'une classe d'âge, c'est-à-dire 840 000 jeunes ?

Plus récemment, la Cour des comptes a publié un rapport critique sur le SNU, dans lequel elle soulignait des coûts de fonctionnement annuels faramineux en cas de généralisation - entre 3,5 milliards et 5 milliards d'euros par an -, soit un montant par jeune doublé par rapport à l'expérimentation.

Plus fondamentalement encore, on peut se demander si le SNU correspond bien au modèle d'engagement que nous voulons pour nos jeunes. L'idée d'un engagement obligatoire me semble paradoxale. Il serait préférable de faire confiance aux jeunes, dont l'engagement n'est pas à prouver.

Certes, les plus défavorisés peuvent connaître des difficultés à s'engager, mais le service civique permet justement de répondre à cet enjeu. C'est ce dispositif qu'il conviendrait de promouvoir.

Faute d'une perspective crédible de généralisation, l'expérimentation du service national universel ne me semble pas devoir être poursuivie. Je présenterai donc un amendement visant à la supprimer.

Aussi, je vous propose d'adopter les crédits de la mission ainsi modifiés.

M. Jean-Jacques Lozach, rapporteur pour avis de la commission de la culture sur le programme « Sport » de la mission « Sport, jeunesse et vie associative ». - Notons tout d'abord une heureuse simplification depuis la formation du Gouvernement : le périmètre ministériel correspond désormais à celui de la mission.

La partie dédiée au sport est composée du programme 350 « Jeux olympiques et paralympiques », qui connaît une baisse de 85 millions d'euros, et du programme 219 « Sport », dont les crédits diminuent de 188 millions d'euros, soit de 23 % en crédits de paiement. Pour l'ensemble des deux programmes, c'est un recul de 268 millions ou 273 millions d'euros, selon la manière de calculer.

Après le succès des jeux Olympiques, ce budget décevant fait l'effet d'une douche froide. Nous avons connu des budgets, pour le programme « Sport », bien plus convaincants que celui-ci, qui ont pourtant fait l'objet d'avis réservés, voire, défavorables, de la commission de la culture ! À moins que des modifications ne soient adoptées au cours du débat budgétaire, je ne suis pas certain que ce budget recueille un avis positif.

Et pourtant, cela n'empêche pas le ministre des sports d'affirmer : « La baisse de 268 millions n'impacte pas ma politique » ! C'est quelque peu étonnant...

Gil Avérous se dit néanmoins favorable au relèvement de la taxe sur les paris sportifs, qui représente un outil intéressant de financement du sport. En effet, un déplafonnement total du prélèvement sur les paris sportifs en ligne permettrait de dégager immédiatement 133 millions d'euros de recettes. Or il manque 170 millions d'euros pour maintenir le budget du seul programme « Sport » au niveau de celui du projet de loi de finances (PLF) pour 2024.

Ce déplafonnement me paraît essentiel, car, à compter de l'année prochaine, en vertu de l'application de la loi organique relative aux lois de finances (Lolf), cette taxe sera l'une des deux seules qui sont affectées au financement de ce programme, avec la taxe Buffet. En outre, il s'agit d'une ressource très dynamique. En additionnant les paris sur l'Euro de football et les jeux Olympiques et Paralympiques sur l'année 2024, on dépasse le milliard d'euros.

Il faut prendre l'argent où il est, sauf, comme le propose le rapporteur spécial, à supprimer le SNU et basculer les 130 millions d'euros de crédits vers le programme « Sport », notamment pour financer le plan 5 000 équipements.

Ce budget donne le sentiment d'une gueule de bois après les jeux Olympiques et Paralympiques. C'est aussi l'avis du mouvement sportif, alors même qu'il est débordé par l'afflux de nouveaux pratiquants. La demande a augmenté jusqu'à 30 % dans les fédérations d'escrime et de tennis de table, en particulier, alors qu'il leur est impossible d'accueillir de nouveaux licenciés.

Il est vrai que, bien avant les jeux Olympiques et Paralympiques, la loi de programmation des finances publiques (LPFP) pour 2023-2027 annonçait déjà une baisse de 130 millions d'euros pour 2025 et 2026. En outre, la baisse des crédits des collectivités locales - notamment l'effort de 3 milliards demandé aux régions - affectera aussi les équipements.

M. Yan Chantrel, rapporteur pour avis de la commission de la culture sur le programme « Jeunesse et vie associative » de la mission « Sport, jeunesse et vie associative ». - Le budget du programme 163 « Jeunesse et vie associative » progresse de 36 millions d'euros, soit 4 %. Mais cette augmentation est en trompe-l'oeil, car elle est essentiellement due à l'abondement de 80 millions d'euros supplémentaires pour le service civique, qui, ces dernières années, a été largement supporté par l'ASC sur ses fonds de trésorerie.

En réalité, tout le reste du programme diminue. Pour certains dispositifs, comme le SNU, nous ne nous en plaignons pas ! Mais ce programme couvre aussi le développement de la vie associative, ou encore les actions en faveur de la jeunesse et de l'éducation populaire, qui sont essentiels.

Notre pays compte environ 15 millions de bénévoles, qui animent des structures essentielles pour la cohésion sociale. Leur budget repose également sur celui des collectivités locales, ce qui suscite une forte inquiétude de la part des responsables du secteur. On note d'ailleurs que plus le maillage associatif d'un territoire est fort, moins les votes en faveur de l'extrême droite sont importants.

Le SNU est dispendieux, et son efficacité est relative. Nous proposons donc de le supprimer afin de redéployer ces crédits vers des dispositifs qui fonctionnent mieux. Le service civique en fait partie. Les associations insistent également sur l'importance de la formation. En effet, on constate une diminution de la présence des bénévoles âgés, qui gèrent généralement les associations, tandis que les jeunes sont de plus en plus nombreux à s'impliquer, mais de manière plus temporaire et ponctuelle. La formation des bénévoles est essentiellement assurée par le FDVA, dont les crédits s'élèvent à 8,5 millions - avec 15 millions de bénévoles, cela représente 50 centimes par personne. Les responsables du secteur associatif suggèrent de revaloriser ce budget à 1 euro par bénévole. Ils revendiquent, également, une augmentation de 10 000 euros du montant de chaque unité du fonds de coopération de la jeunesse et de l'éducation populaire (Fonjep), qui n'a pas été revalorisé depuis plusieurs années et qui représente actuellement près de 7 200 euros par unité.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Ce rapport est présenté dans un contexte de crise aiguë de nos comptes publics.

Concernant le financement de l'Agence nationale du sport, vous soulignez à raison que les finances publiques ne devraient pas jouer le rôle de variable d'ajustement dans les négociations sur l'audiovisuel. Quand un secteur va bien, on estime que c'est normal. En revanche, dès qu'il se porte moins bien, on appelle l'État ou les collectivités territoriales à la rescousse.

Pour favoriser la pratique sportive, il serait utile de disposer, à l'échelle des territoires et en lien avec l'État, d'un vrai bilan d'étape de l'état de nos équipements sportifs, et, surtout, des modernisations à envisager. Il ne s'agit pas de créer des terrains de sport sans tenir compte de l'évolution des pratiques. C'est ainsi que nous pourrons promouvoir la pratique du sport amateur, qui rassemble, et permettre le repérage des talents susceptibles d'évoluer vers le sport professionnel.

Il convient aussi de rester attentif aux enjeux d'aménagement du territoire, en réfléchissant à la localisation des différents équipements, qui répondent, parfois, à des pratiques culturelles. Notre examen budgétaire doit aussi être appréhendé au travers de ce prisme. Si nous devons participer à un effort collectif, il convient d'adopter une réflexion à moyen et long termes, avec une véritable ambition stratégique, construite à la fois par l'État et les acteurs du territoire.

Sur le SNU, dont acte ! Je pense que la proposition du rapporteur spécial s'inscrit strictement dans le droit fil des différents rapports publiés sur la question. Nous sommes d'accord, il faut éviter de démultiplier les structures, car nous risquons de perdre en visibilité. Le SNU manque de toute façon de diversité parmi les jeunes participant au séjour de cohésion.

M. Michel Canévet. - Nous pensons qu'il est nécessaire d'entamer une réflexion sur la rationalisation des compétences entre services déconcentrés de l'État et collectivités territoriales. Plus précisément, est-il utile de conserver le FDVA ? Concrètement, ce sont des fonctionnaires d'État qui allouent des subventions, aux montants assez faibles, aux associations locales, ce que pourrait très bien faire le conseil départemental. De même, en ce qui concerne le Pass'Sport, il me semble que c'est bien aux collectivités territoriales qu'il revient d'encourager la pratique du sport.

En résumé, en matière de fonctionnement, et non pas d'investissement, il me semble utile de remettre en cause un certain nombre de politiques publiques de l'État.

M. Didier Rambaud. - Cette mission illustre bien les contradictions que nous avons à gérer. Ces dernières années, j'ai souvent été assez seul à voter les crédits du sport en séance publique. Je suis donc surpris qu'aujourd'hui le rapporteur spécial nous demande de voter les crédits, tout en précisant qu'il s'agit du plus mauvais budget depuis des années.

M. Éric Jeansannetas, rapporteur spécial. - J'ai toujours appelé à voter les crédits.

M. Didier Rambaud. - Vous n'étiez pas nombreux dans ce cas... Cette année, je pense voter contre, en raison des baisses de crédits du plan 5 000 équipements sportifs-Génération 2024, car je pense qu'il est dommage de ne pas profiter de la vague des jeux Olympiques.

J'ai identifié un problème de gouvernance à l'ANS. Personne ne sait à qui il faut s'adresser, car son organisation est trop complexe.

En ce qui concerne le SNU, mon avis commence à évoluer. J'y étais favorable, mais je vois bien que l'objectif de mixité sociale a été oublié en route.

Mme Isabelle Briquet. - Je remercie le rapporteur spécial d'avoir donné un coup de pied dans la fourmilière en ce qui concerne le SNU. Nous remettons en cause son principe depuis le départ. Les objectifs ne sont pas atteints et son coût est considérable.

En revanche, vous avez souligné, à raison, l'intérêt du service civique. Les moyens alloués sont en hausse, mais l'ASC semble assez fragilisée. Va-t-on vers une remise en cause ?

M. Jean-Raymond Hugonet. - Monsieur le rapporteur spécial, je voudrais d'abord avoir des précisions sur le financement de l'ANS.

Ensuite, je veux m'attarder sur le financement de la Ligue de football professionnel. Il faut être prudent sur les chiffres annoncés l'été dernier. Le football français vit vraiment au-dessus de ses moyens. Il est de surcroît financé de façon artificielle grâce à des capitaux étrangers. On peut d'ailleurs s'interroger sur le rôle du Qatar à cet égard.

Il importe d'avoir une stratégie de long terme pour le football afin d'assurer sa souveraineté grâce à un modèle économique pérenne. C'est possible. J'en veux pour preuve les investissements à venir de la famille Arnault et de Red Bull dans le Paris Football Club.

M. Olivier Paccaud. - On nous a présenté le FDVA comme l'héritier de la réserve parlementaire. C'est en quelque sorte la réserve préfectorale. Je suis surpris par vos chiffres, monsieur le rapporteur spécial, puisque vous nous dites que le montant serait identique. Telle n'est pas mon impression localement.

Les parlementaires sont associés au niveau départemental, mais il faut savoir qu'il existe un filtre au niveau régional, avec parfois des corrections. Je m'interroge, car les parlementaires connaissent mieux leur tissu associatif départemental. Dans mon département, les subventions peuvent aller jusqu'à 10 000 euros, ce qui n'est pas rien.

Je suis d'accord pour un guichet unique, mais avec des gens qui connaissent bien le milieu associatif.

M. Marc Laménie. - Je tiens d'abord à saluer les 15 millions de bénévoles qui irriguent notre vie associative.

Je m'interroge sur le SNU : à quelle échéance doit-il disparaître ?

Par ailleurs, je souhaiterais savoir comment fonctionne précisément l'Agence du service civique.

Finalement, il n'y aura que la Journée défense et citoyenneté (JDC) pour toucher l'ensemble d'une classe d'âge, mais une seule journée semble une durée bien trop courte.

Enfin, monsieur le rapporteur spécial, quels sont les rapports de ce budget avec celui de l'éducation nationale ?

Mme Nathalie Goulet. - Nous avons été échaudés par la taxe FIFA l'an dernier. Nous serons vigilants cette année. Existe-t-il une taxe similaire dans le projet de loi de finances ?

M. Victorin Lurel. - Je partage tout ce qui vient d'être dit sur le FDVA. Pour ma part, je n'ai jamais réussi à siéger à la commission en Guadeloupe. Il m'est remonté des informations faisant état d'un fort clientélisme en faveur du football et d'une certaine opacité. Pouvez-vous nous éclairer ?

M. Éric Jeansannetas, rapporteur spécial. - Concernant le FDVA, les parlementaires sont membres de droit des commissions départementales, sous la présidence du préfet.

De ma propre expérience, je n'ai pas relevé de dysfonctionnements. Il n'y a pas de filtre régional.

M. Olivier Paccaud. - Chez nous si !

M. Éric Jeansannetas, rapporteur spécial. - Concernant le FDVA, les crédits s'établiront à 70 millions d'euros en 2025, compte tenu du fléchage des comptes inactifs de l'État - ce qui explique qu'ils ne soient pas visibles dans le programme « jeunesse et vie associative » -, ce qui correspond au montant de l'ancienne réserve parlementaire. Je précise que je ne parle que du volet association, la part de la réserve destinée aux collectivités étant intégrée dans la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR).

Monsieur Canévet, j'ai le sentiment que les associations, sur le terrain, reconnaissent l'utilité du FDVA. Je constate- et ce constat est corroboré par la direction de la vie associative -, que les petites associations - 29 % sont des associations sportives et 19 % sont des associations culturelles - comptant au moins 2 équivalents temps plein (ETP) sollicitent beaucoup ce guichet unique. Notons que 80 % des demandes sont acceptées. Cet outil fonctionne donc plutôt bien dans nos territoires. Aussi, je ne pense pas qu'il faille le supprimer, notamment au vu des évolutions qui s'annoncent pour les budgets des collectivités.

En ce qui concerne le Pass'Sport, un effort d'économies de 10 millions d'euros est prévu pour adapter le budget à la réalité de la demande.

Monsieur Rambaud, je vous confirme que vous n'étiez pas le seul en séance publique à voter les crédits de cette mission l'an dernier : beaucoup de membres de la commission des finances ont été cohérents avec leur vote en commission et ont voté ces crédits, contre la position de leur formation politique.

Où en sont les financements des équipements sportifs ? Un état des lieux à l'issue du premier plan 5 000 équipements sportifs, de 2022 à 2024, a montré qu'il manquait des équipements structurants, notamment des piscines. Il faut en tirer les conséquences pour le nouveau plan Génération 2024, qui n'est d'ailleurs absolument pas remis en cause pour ce qui est des équipements de proximité et des équipements structurants. En revanche, en ce qui concerne la rénovation des cours d'école, des travaux plus légers sont désormais privilégiés.

Madame Briquet, vous avez souligné le rebasage de trajectoire de la trésorerie de l'Agence du service civique. Nous serons vigilants sur le maintien d'une réserve prudentielle pour qu'elle soit au rendez-vous de ses objectifs, à savoir 150 000 jeunes en service civique. Cet objectif est atteint tous les ans et il reste le même encore cette année, avec une amélioration de la qualité des missions. Je signale que l'indice de satisfaction des jeunes est plutôt bon.

Monsieur Laménie, l'ASC est un groupement d'intérêt public réunissant des représentants de l'État, des personnalités qualifiées, des représentants de l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), de l'Institut national de la jeunesse et de l'éducation populaire (Injep), avec des déclinaisons locales, et cela fonctionne plutôt bien.

La fin du SNU sera immédiate si mon amendement prospère. Après la suppression de 100 000 euros que je préconise, il resterait 28,3 millions d'euros pour amortir les frais déjà engagés.

Un effort a été fourni, le coût du séjour de cohésion de deux semaines par jeune passant de 2 400 euros à 2 100 euros, mais les résultats, notamment en matière de brassage, ne sont absolument pas au rendez-vous. Le Gouvernement mise sur 66 000 jeunes, l'objectif initial des 80 000 n'ayant pas été atteint l'an passé.

Je regrette que le débat sur le SNU que nous réclamions au Parlement n'ait jamais eu lieu. L'objectif était louable et les besoins de « faire société » demeurent, mais l'outil n'est pas adéquat.

Madame Goulet, à ma connaissance, la niche FIFA n'est plus d'actualité, et il n'y a pas de nouveau dispositif fiscal similaire prévu dans le projet de loi de finances.

Monsieur Hugonet, vous avez raison, tout reste à faire pour le financement de l'ANS. La proposition de Jean-Jacques Lozach sur les paris sportifs me semble une piste intéressante. Nombre de territoires ont grand besoin d'améliorer leurs équipements sportifs structurants.

Monsieur Lurel, sachez que, pour l'instant, il n'est pas question de supprimer la taxe Buffet. Toutefois, le financement de l'agence ne saurait reposer que sur ce prélèvement.

Article 42

M. Éric Jeansannetas, rapporteur spécial. - L'amendement n° 1 vise à réduire de 100 000 millions d'euros les crédits de l'action n° 06 Service national universel ; 28,3 millions d'euros sont conservés sur l'action afin de couvrir les frais déjà engagés.

L'amendement n° 1 est adopté.

La commission décide de proposer au Sénat d'adopter les crédits de la mission « Sport, jeunesse et vie associative », sous réserve de l'adoption de son amendement.

Recevabilité financière des amendements et des propositions de loi au Sénat - Examen du rapport d'information

M. Claude Raynal, président. - Monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, s'il y a un sujet qui concerne l'ensemble de nos collègues dans leur travail parlementaire et qui peut parfois être source d'incompréhensions, c'est bien le contrôle de la recevabilité financière de leurs amendements.

J'y suis particulièrement confronté : en tant que président de la commission des finances, il m'appartient d'examiner la recevabilité de l'intégralité des amendements déposés par les sénateurs en vue de leur discussion en séance publique. Il me revient également, à leur demande, de conseiller les présidents de commission, chargés de contrôler la recevabilité des amendements déposés lors de l'examen du texte en commission.

Or le dernier ouvrage consacré dans notre assemblée à la jurisprudence relative à la recevabilité financière a été rédigé voilà plus de dix ans par notre collègue Philippe Marini. Le temps était donc venu de vous présenter une nouvelle synthèse de l'application au Sénat de la recevabilité financière, qui comprend à la fois la recevabilité au regard de l'article 40 de la Constitution et la recevabilité au regard des dispositions de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF).

Ces travaux s'inscrivent dans la continuité de ceux de mes prédécesseurs et je n'entends pas réinventer la discipline. Néanmoins, une réactualisation était devenue indispensable, notamment au regard des décisions du Conseil constitutionnel et pour tenir compte de la révision de la LOLF.

Cette actualisation prend la forme d'un nouveau rapport qui a été envoyé à tous les sénateurs. L'objectif est d'offrir à l'ensemble de nos collègues une information claire, lisible et rassemblée en un seul document, appuyé sur les exemples les plus récents.

Je suis conscient que l'application de la recevabilité financière suscite des interrogations et des doutes, pour ne pas dire des critiques. Je sais également à quel point il peut être frustrant pour un parlementaire de voir ses marges de manoeuvre réduites. Néanmoins, nous sommes contraints par la décision du Conseil constitutionnel relative à la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007, qui impose aux deux assemblées de s'assurer que les amendements et les propositions de loi respectent bien l'article 40 de la Constitution dès le stade de leur dépôt.

La conséquence de cette décision est claire : si nous n'examinions pas nous-mêmes a priori la recevabilité financière, le Conseil constitutionnel s'en chargerait. Je me permets d'indiquer que je ne suis pas certain que l'initiative parlementaire en retirerait des bénéfices. Quelques-uns des assouplissements que nous avons apportés au fil du temps pourraient ainsi être remis en cause, au détriment des parlementaires.

J'ai parlé du contrôle des amendements déposés en commission et en séance. La recevabilité des propositions de loi est, quant à elle, examinée par le Bureau du Sénat. Vous le savez, l'usage permet de discuter de ces textes susceptibles de contenir certaines dispositions qui constituent une charge. Pour autant, le contrôle sur invocation par le Gouvernement demeure possible à l'encontre de tout ou partie des dispositions de la proposition de loi. C'est d'ailleurs arrivé au mois d'avril dernier, à l'encontre de la proposition de loi visant à abroger la réforme des retraites - c'était la première fois depuis 2011.

L'article 40 est très bref : « Les propositions et amendements formulés par les membres du Parlement ne sont pas recevables lorsque leur adoption aurait pour conséquence, soit une diminution des ressources publiques, soit la création ou l'aggravation d'une charge publique. »

Cette rédaction interdit à un parlementaire de créer ou d'aggraver une charge publique. Il en découle également l'impossibilité de compenser une nouvelle charge publique par la diminution d'une autre charge ou par l'augmentation d'une recette. À l'inverse, une perte de recettes publiques peut être gagée.

Partant de ce point de départ, les assemblées parlementaires ont progressivement dégagé des principes détaillés permettant l'élaboration d'une véritable jurisprudence. Ceux-ci répondent à un impératif : concilier des exigences constitutionnelles contradictoires, à savoir, d'une part, l'application stricte de l'article 40 de la Constitution et, d'autre part, la protection de l'initiative parlementaire.

Les décisions prises en matière de recevabilité financière ne découlent en aucune façon du contenu des amendements. Le raisonnement à l'oeuvre est exclusivement juridique. Il ne repose donc ni sur une lecture politique - et c'est heureux ! -, ni sur une base économique. Croyez bien qu'à titre personnel je pourrais être favorable à de nombreuses initiatives sénatoriales que je suis pourtant contraint de déclarer irrecevables. C'est vrai pour moi comme cela l'était pour mes prédécesseurs.

Le juge de la recevabilité financière s'attache exclusivement à une analyse juridique de la notion de charge. Cela explique notamment que des amendements soient irrecevables quand bien même la charge publique qui en découlerait ne serait que facultative ou hypothétique.

En revanche, toutes les décisions sont guidées par la volonté de favoriser l'initiative des parlementaires. Le principe cardinal que les présidents successifs se sont attachés à suivre est le suivant : lorsqu'il existe un doute sur le caractère coûteux d'un amendement, ce doute bénéficie systématiquement aux auteurs.

Je signale d'ailleurs que le traitement des amendements se fait dans des conditions toujours plus difficiles, alors que le nombre d'amendements examinés en séance publique a augmenté de 300 % entre 2016 et 2023. Une erreur est donc toujours possible. Il arrive d'ailleurs que je sois conduit à revenir sur une décision lorsque des collègues me font parvenir des éléments dont je n'avais pas connaissance.

En conséquence, je vous invite, ainsi que l'ensemble de nos collègues, à être explicites dans la rédaction des objets de vos amendements, par exemple lorsque la recevabilité de votre amendement est « couverte » par une disposition déjà adoptée par l'une des chambres.

J'en terminerai avec les évolutions qui sont intervenues ces dernières années et qui ont motivé la rédaction de ce nouveau rapport.

Premièrement, des assouplissements majeurs ont été introduits en 2020 par mon prédécesseur, Vincent Éblé. Trois principaux changements sont intervenus sous sa présidence.

D'abord, les amendements ayant pour seule conséquence une charge de trésorerie sont désormais recevables, sous réserve que leur effet présente un caractère infra-annuel et non massif sur la trésorerie de la personne publique concernée.

Ensuite, il est désormais possible de fusionner plusieurs personnes publiques existantes à des fins de rationalisation.

Enfin, et sous réserve des dispositions de la LOLF, des amendements affectant de nouvelles recettes à une personne publique sont recevables si celle-ci dispose de la personnalité morale et sous réserve de ne pas flécher leur utilisation vers une dépense spécifique. Il est possible de l'évoquer dans l'objet, mais cela ne doit pas apparaître dans le dispositif.

Ces évolutions ont contribué au rapprochement de nos jurisprudences avec celles de l'Assemblée nationale. Si chaque chambre reste bien entendu libre d'élaborer ses propres analyses, les divergences qui demeurent sont désormais résiduelles. Celles-ci sont d'ailleurs mentionnées dans le rapport.

Deuxièmement, au cours des années, de nouvelles thématiques sont apparues, qui ne figurent pas dans le rapport de Philippe Marini, ou qui y figuraient, mais dont le mode de financement a évolué. Je peux mentionner, à titre d'exemple, les amendements ayant trait aux dépenses informatiques, aux marchés publics ou encore à la formation professionnelle et au logement social.

Troisièmement, la jurisprudence du Conseil constitutionnel nous a parfois contraints à faire évoluer notre analyse, dans un sens, je dois le dire, le plus souvent défavorable à l'initiative parlementaire. À titre d'exemple, nous avons longtemps considéré comme recevables les amendements qui étendaient la possibilité pour des professionnels de santé de prescrire des produits ou des dispositifs médicaux. Je me dois désormais de déclarer irrecevables de tels amendements, afin d'être conforme à la décision du Conseil constitutionnel sur la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022.

Enfin, la recevabilité des amendements est également examinée au regard des dispositions de la LOLF. Sa révision, en 2021, a considérablement simplifié l'examen de la recevabilité organique des amendements, notamment au regard du principe de bipartition des lois de finances, c'est-à-dire du placement des amendements en première ou en seconde partie de la loi de finances.

Je n'entrerai pas davantage dans les détails de ce rapport. J'espère que ce document, comme les précédents, servira de guide pour la rédaction des amendements. J'ai d'ailleurs tenu à conserver deux parties distinctes sur la recevabilité des amendements  qui ont trait aux collectivités territoriales et aux administrations de sécurité sociale. J'ai ainsi souhaité tenir compte du volume d'amendements déposés dans ces deux domaines.

Pour conclure, et j'insiste, le président de la commission des finances exerce un rôle de conseil en amont du dépôt des amendements. C'est extrêmement important : les sénateurs peuvent me contacter ou prendre attache avec le service de la commission des finances chargé de l'instruction de la recevabilité financière pour disposer de conseils. De même, je m'attache à proposer des rectifications, quand cela est possible, pour rendre recevable un amendement et je suis toujours prêt à revoir ma décision ou à apporter des éclaircissements supplémentaires sur les motivations qui m'ont conduit à déclarer irrecevable un amendement. Je précise que les amendements mal gagés sont automatiquement corrigés afin d'assurer leur recevabilité.

Je tiens à remercier les administrateurs de la commission des finances, notamment ceux qui, au fil des ans, ont composé la « cellule article 40 », bien souvent sous pression. Ils ont effectué un travail lourd et minutieux pour la rédaction de ce rapport.

La recevabilité financière peut apparaître comme une matière complexe, pour ne pas dire opaque. Cette complexité découle des très nombreux aménagements qui doivent permettre de concilier au mieux les exigences constitutionnelles, entre, d'une part l'article 40 et, d'autre part, le droit d'initiative des parlementaires. À ce titre, le rapport que je vous présente se veut aussi une oeuvre de transparence.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Je salue le travail réalisé par notre président. Certes, il peut y avoir une certaine souplesse dans l'appréciation de la recevabilité financière, mais le cadre demeure contraint, notamment par les décisions du Conseil constitutionnel qui s'imposent à nous.

Monsieur le président, vous êtes le garant de ce cadre ; on le sait, certains seraient tentés de prendre quelques libertés, à coups de dérogations ou d'expérimentations. Je relève par ailleurs que la rigueur de ce cadre, qui ne s'impose pas au Gouvernement, n'évite pas la dérive budgétaire, on le constate actuellement...

Certains de nos collègues font encore valoir des jurisprudences divergentes entre l'Assemblée nationale et le Sénat, elles sont désormais limitées et j'en remercie les présidents successifs de notre commission et de la commission des finances de l'Assemblée nationale.

J'espère enfin que ce travail utile débouchera sur une plus grande rigueur dans le dépôt des amendements, notamment pour le tout prochain projet de loi de finances.

M. Claude Raynal, président. - À la suite de ce travail et de celui qui a été réalisé sous la présidence de Vincent Eblé, les divergences d'analyse entre le Sénat et l'Assemblée nationale ont en effet presque toutes disparu. L'Assemblée nationale tend à se rapprocher de nos positions sur deux derniers points et nous espérons donc nous acheminer vers une analyse totalement homogène.

Je le redis, le dépôt d'un amendement n'est pas la seule façon pour un parlementaire de traiter un sujet. Si le Gouvernement est hostile à une disposition dans le cadre du projet de loi de finances, elle a peu de chances d'être adoptée. Il faut donc rechercher un compromis préalable avec le Gouvernement. Bien sûr, certains amendements relèvent d'un positionnement politique, et leurs auteurs savent bien qu'il n'y a aucune chance que le Gouvernement les accepte. Mais si l'on souhaite qu'un amendement prospère, mieux vaut en discuter en amont avec le ministère.

N'oubliez pas que le Gouvernement peut aussi faire une ouverture lors de la discussion générale, ce qui permet de déclarer l'amendement recevable, car « couvert » par une intention du Gouvernement. Nous pouvons sensibiliser nos groupes parlementaires respectifs à cette possibilité.

M. Victorin Lurel. - L'article 40 confère une certaine tonalité à notre Ve République. Nous ne sommes pas dans une démocratie très épanouie, car le Gouvernement a le dernier mot quoi que l'on fasse.

Monsieur le Rapporteur général, permettez-moi de souligner que depuis 1958, les dérives ne sont pas le fait des parlementaires. Sous la IVe République, tout était permis et cela pouvait constituer un écueil, mais c'est tellement corseté aujourd'hui ! Et d'ailleurs, même sans majorité à l'Assemblée nationale, le Gouvernement a les moyens de s'imposer avec comme arme ultime la procédure du 49.3.

Le débat sur l'orientation des finances publiques que nous aurons aujourd'hui en séance publique ne servira à rien. C'est kafkaïen !

Vous nous présentez la jurisprudence de l'application de l'article 40, et c'est votre rôle. Je pense toutefois qu'il nous faut réfléchir sérieusement à une réforme, sans retomber dans les travers de la IVe République. D'autres modalités de fonctionnement sont possibles. Je suis d'accord pour améliorer le travail parlementaire, mais c'est insuffisant et même frustrant. Le parlementaire élu doit pouvoir travailler, sans pour autant se montrer irresponsable dans la gestion des fonds publics.

M. Claude Raynal, président. - Le contrôle de la recevabilité financière des amendements déposés sur les projets de loi de finances n'a en effet pas empêché l'État de se retrouver en difficulté...

La commission adopte le rapport d'information et en autorise la publication.

Communication sur le plan budgétaire et structurel national à moyen terme

M. Claude Raynal, président. - L'ordre du jour appelle la communication de M. Jean-François Husson, rapporteur général, sur le plan budgétaire et structurel national à moyen terme (PSMT).

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Le PSMT 2025-2029 a été présenté le 23 octobre dernier en conseil des ministres par le ministre de l'économie et des finances, et doit être transmis d'ici à demain à la Commission européenne.

Vous me pardonnerez le caractère un peu technique de notre intervention, mais les nouvelles règles budgétaires européennes, qualifiées de « cauchemar » par l'économiste Jean Pisani-Ferry, l'imposent. Mais il faut en passer par là et le Parlement doit se saisir de ce plan, qui concrétise l'engagement de la France auprès de nos partenaires européens, un engagement non pas abstrait comme la loi de programmation des finances publiques (LPFP), mais très concret, car encadré par des sanctions.

Dans la mesure où la France est désormais placée en procédure pour déficit excessif depuis juillet dernier, du fait du rétablissement du pacte de stabilité et de croissance et de la situation sinistrée de nos finances publiques, le fait de ne pas mettre en oeuvre de trajectoire de correction des dépenses nettes qui garantisse que le déficit public soit ramené sous la barre des 3 % dans le délai prévu pourrait se solder, pour la France, par une mise en demeure et, faute d'action suffisante pour y répondre, par des sanctions à hauteur de 1,5 milliard d'euros tous les six mois. La trajectoire de correction des dépenses nettes, censée garantir le rétablissement du solde public, figure, précisément, dans le PSMT.

Il s'agit d'une sorte de fusion du programme de stabilité (PStab) et du programme national de réformes, dans lequel la France définit ses objectifs budgétaires et ses réformes et investissements prioritaires pour une période de quatre ou cinq ans. Il est donc composé d'un scénario macroéconomique, sous-jacent à une trajectoire de finances publiques.

À la différence du PStab, sauf révision, ce n'est qu'à l'issue de cette période de quatre ou cinq ans qu'un nouveau plan sera adopté. Ce sera désormais le rapport d'étape annuel, faisant le point sur la mise en oeuvre des objectifs prévus par le plan, qui viendra prendre la place du PStab dans le calendrier de nos travaux.

Le PSMT qui nous est présenté constitue donc le premier document du genre, issu de la réforme des règles budgétaires européennes par une directive et deux règlements, en date d'avril dernier. Les anciennes règles, qui exigeaient, par exemple, une diminution de 1/20e par an de l'écart entre le niveau de dette publique et le seuil de 60 % du PIB ainsi qu'un déficit structurel inférieur à 0,5 % du PIB et, dans le cas contraire, une trajectoire pour atteindre cet objectif de moyen terme, sont donc désormais caduques.

L'indicateur central n'est plus le solde structurel, mais un indicateur qui est réellement à la main des gouvernements, ce qui constitue un progrès : l'indicateur de dépenses primaires nettes - ce sont les dépenses publiques diminuées des dépenses d'indemnisation du chômage, des mesures nouvelles en recettes, des dépenses co-finançant des programmes de l'Union européenne et de la charge de la dette.

La trajectoire de dépenses nettes doit être telle que le ratio dette sur PIB prévu soit bien orienté à la baisse à la fin de la période d'ajustement, et que le déficit prévu soit ramené sous le niveau de 3 %.

À la demande de nos partenaires allemands, des garde-fous supplémentaires ont été ajoutés pour les pays en déficit excessif, dont la France : la réduction du ratio de dette sur PIB d'un point par an en moyenne en sortie de procédure pour déficit excessif et un minimum d'ajustement budgétaire, tant que le déficit structurel n'atteint pas 1,5 % du PIB.

Le PSMT 2025-2029 a été élaboré en s'appuyant sur une trajectoire de référence fournie par la Commission européenne au début de l'été dernier. Il vise à ramener la dette publique sur une trajectoire descendante et le déficit public sous les 3 % à l'issue d'une période d'ajustement dont on espère qu'elle pourra être allongée de quatre à sept ans. Pour obtenir cet allongement, il conviendra de présenter un ensemble de réformes et un plan d'investissements répondant aux objectifs de l'Union européenne.

La liste des réformes et des investissements que présente le Gouvernement dans ce document, pour appuyer sa demande de prolongation de la période d'ajustement de quatre à sept ans, correspond pour l'essentiel aux récentes réformes réalisées par les précédents gouvernements et à celles qui ont été reprises par l'actuel : réforme des retraites, réforme de l'assurance chômage, verdissement de l'économie, simplification de la vie économique par la loi du même nom ou encore refonte des allègements généraux de cotisations sociales. On y trouve au total peu d'informations sur les actions qui restent à entreprendre, mais beaucoup sur celles dont les effets doivent se matérialiser dans les années à venir. Espérons que ces éléments seront suffisants pour justifier la prolongation de la période d'ajustement, autour de laquelle est construite la trajectoire.

La trajectoire de dépenses nettes sous-jacente au PSMT est différente de la trajectoire de référence de la Commission, notamment parce que la prévision de déficit public pour 2024 était alors bien inférieure à celle qui prévaut aujourd'hui. Ainsi, le niveau minimal d'ajustement structurel primaire requis avec les hypothèses de la Commission européenne s'élevait, pour une période d'ajustement de sept ans, à 0,6 point de PIB potentiel par an. Il devra en réalité, compte tenu de la dégradation de notre situation budgétaire, être au minimum de 0,76 point de PIB par an entre 2025 et 2031, soit environ 23 milliards d'euros. Je rappelle que l'ajustement structurel primaire représente l'évolution du solde structurel d'une année sur l'autre, abstraction faite de la charge de la dette. C'est une des faiblesses de la réforme des règles budgétaires européennes que d'avoir conservé ces indicateurs, qui dépendent fortement de variables inobservables, comme le PIB potentiel et la croissance potentielle.

La trajectoire de dépenses nettes finalement retenue dans le PSMT suppose une stabilité de la dépense primaire nette en 2025, puis une augmentation annuelle de 1,4 % entre 2026 et 2028, avant une hausse de 1,9 % en 2029. Elle correspond à un ajustement structurel primaire moyen de 0,78 point de PIB sur la période, ce qui est significatif.

Cet ajustement est concentré sur 2025, à hauteur de 1,4 point de PIB, puis diminuerait en 2026 de 0,6 point, avant d'augmenter légèrement de 0,7 point les années suivantes. Le PSMT ne propose donc pas autre chose qu'un ajustement continu, année après année, pour enfin rééquilibrer nos comptes publics. Si l'allongement de la période d'ajustement de quatre à sept ans est accepté - cela dépend de la crédibilité des réformes et des investissements prévus par le plan -, il n'y a pas de raison que le PSMT soit rejeté par les autorités européennes, et qu'elles nous demandent un plan révisé.

Pour déterminer le scénario de croissance de moyen terme, mais également pour mesurer les niveaux d'ajustement structurel annuels, il est nécessaire de disposer d'une estimation de la croissance potentielle. Celle du Gouvernement, qui s'élève à 1,2 % pour la période 2024-2028, puis à 1 % ensuite, est plus prudente que celle qui avait été mise en avant dans le cadre du PStab pour 2024-2027 - elle était alors de 1,35 %, faisant ainsi l'hypothèse contestable que les capacités de rebond de notre économie étaient relativement fortes. Le chiffre désormais retenu est en accord avec le scénario des conjoncturistes, puisque la croissance de long terme de la France serait de 1,2 % par an selon le consensus des économistes et le Fonds monétaire international (FMI). Il est toutefois sensiblement plus élevé que le chiffre de 0,7 % retenu par la Commission, qui prend en compte le choc positif d'offre de travail qui touche la France et qui se traduit par une baisse de la productivité par tête. La Commission prolonge en prévision la faiblesse de cette productivité, sans toutefois prolonger sa contrepartie en termes de création d'emplois.

En creux, cela signifie que la prévision de croissance potentielle du Gouvernement suppose que les réformes menées jusqu'à présent et celles qu'il entend porter vont permettre de contrecarrer les effets négatifs de la baisse de la productivité du travail.

Dans son avis du 9 octobre dernier sur le PSMT, le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) estime que ce nouveau scénario de PIB potentiel, quoiqu'encore un peu optimiste, est désormais raisonnable.

Plus conservatrice que les précédentes, cette prévision débouche toutefois sur un scénario de croissance effective dont j'admets qu'il peut paraître assez optimiste, avec une croissance de 1,1 % en 2025, qui passe à 1,4 % en 2026 et 1,5 % en 2027 et 2028. L'assouplissement de la politique monétaire engagé cette année, et qui devrait se poursuivre l'an prochain, peut y contribuer, mais la réduction continue du déficit public sur cette période devrait à l'inverse modérer les perspectives de croissance.

Le caractère optimiste de ce scénario de croissance du PIB en volume est toutefois tempéré par le fait que le déflateur du PIB envisagé par le Gouvernement est plus faible - 1,7 % en moyenne sur la période 2024-2028 -, que celui qui est estimé par la Commission, à savoir 2,3 % sur la même période.

Au total, les prévisions de croissance nominale du Gouvernement, celles qui comptent le plus pour déterminer le solde public, paraissent raisonnables.

Si l'indicateur de dépenses primaires nettes est central dans le PSMT pour apprécier l'effort réalisé par un État membre, il ne faut pas perdre de vue que l'objectif du PSMT est de placer chaque pays sur une trajectoire viable de finances publiques. Le PSMT 2025-2029 s'accompagne donc d'une trajectoire de déficit public et d'une trajectoire d'endettement.

Avant toute chose, je me félicite du regain de rigueur qui a présidé, en la matière, à l'exercice, même s'il est douloureux. À la différence du PStab 2024-2027, les hypothèses qui sont présentées ici sont cohérentes et crédibles, même si elles sont un peu alarmantes. Toutefois, elles constituent autant d'arguments pour engager un redressement rapide et indispensable de nos finances publiques.

Le PSMT engage une réduction du déficit public sur la période 2025-2029 : après un effort franc en 2025, puisque le déficit public passerait de 6,1 % du PIB à 5 % du PIB, la réduction du déficit se poursuivrait les années suivantes, avec une petite respiration en 2026 à 4,6 %, puis une réaccélération en 2027 et 2028, pour atteindre 2,8 % en 2029.

Je déplore qu'on ne puisse pas respecter nos engagements dès 2027, comme le prévoyait initialement la LPFP et comme le Sénat a cherché à le faire. Mais dans les conditions budgétaires actuelles, et n'en déplaise à Bruno Le Maire qui répétait encore début septembre que les 3 % étaient tout à fait atteignables en 2027, cela n'est pas possible.

M. Victorin Lurel. - Ni souhaitable !

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Malgré cet effort, la dérive des années 2023 et 2024 a fait dérailler la trajectoire de la dette publique française : même avec les efforts conséquents qui nous sont présentés, celle-ci augmenterait progressivement jusqu'en 2027, pour atteindre 116,5 % du PIB - un niveau jamais atteint depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale ! Cela doit tous nous alerter.

Je ne veux pas terminer cette intervention sur ces sombres constats. Certes, la situation est grave, mais un sursaut de responsabilité collective peut nous en sortir, dès maintenant, à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances (PLF).

Par ailleurs, compte tenu du poids plus que significatif de notre endettement public, étant donné le risque qu'il fait courir à notre souveraineté du fait de son accroissement et du signal négatif qu'il envoie à nos prêteurs, il est temps d'engager une réflexion sur le financement hors marché d'une partie de la dette publique. La commission des finances pourrait se saisir de ce sujet à l'issue de l'examen du PLF.

M. Victorin Lurel. - J'ai une question de béotien sur le calendrier politique. Le PSMT nous « octroie », pour parler comme Louis XVIII, quatre ou cinq ans, selon le cycle politique de chaque pays, avec une possibilité de prolongation de trois ans à condition de justifier de réformes structurelles. Or des élections législatives pourraient être organisées en France dès juin 2025. Le plan pourra-t-il être renégocié compte tenu de cette éventuelle nouvelle majorité ?

Nous devons tous être conscients de la situation budgétaire et financière catastrophique. Les responsables n'ont pas été suffisamment pointés du doigt. Le rapporteur général parlait en avril dernier d'une « chronique d'une dérive budgétaire annoncée », à l'instar de Gabriel García Márquez. Résultat : nous sommes face à un mur de financements.

L'effort sera brutal en 2025 et 2026, mais tout aussi brutal jusqu'en 2029. C'est parfaitement irréaliste et cela n'est pas souhaitable pour le pays, car cela revient à une profonde austérité . On peut faire mieux, en respectant l'objectif, mais en étalant l'effort. Réforme des retraites, réforme de l'assurance chômage : c'est toujours la même veine que la majorité présidentielle exploite depuis 2017.

M. Vincent Delahaye. - Je réagis aux propos de mon collègue Victorin Lurel : cette austérité est toute relative. Les dépenses publiques vont quand même continuer à augmenter de 6 milliards d'euros en 2025 ! À l'inverse, le choc fiscal est réel - 36 milliards d'euros - et c'est ce que je crains le plus pour l'avenir. Nous en reparlerons ce soir, et je vous ferai part de mon point de vue, y compris sur les réformes annoncées, qui ne sont que de petites réformes ou la simple défense de réformes déjà en vigueur.

M. Claude Raynal, président. - Voilà qui annonce une critique en règle de l'action gouvernementale !

La réunion est close à 12 h 05.

Jeudi 31 octobre 2024

- Présidence de M. Claude Raynal, président -

La réunion est ouverte à 10 h 30.

Projet de loi de finances pour 2025 - Mission « Enseignement scolaire » - Examen du rapport spécial

M. Claude Raynal, président. - Nous commençons ce matin par l'examen du rapport spécial de notre collègue Olivier Paccaud sur les crédits de la mission « Enseignement scolaire ».

M. Olivier Paccaud, rapporteur spécial de la mission « Enseignement scolaire ». - La mission « Enseignement scolaire », dont j'ai l'honneur d'être le rapporteur spécial, représente toujours la première mission du budget de l'État, en excluant la mission « Remboursements et dégrèvements ». Sans compter la contribution au compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions », ses crédits devraient atteindre 64,5 milliards d'euros en 2025.

Contrairement aux deux années précédentes, les dépenses de la mission sont stables, en augmentation de 0,2 % par rapport à 2024.

Un tel mouvement contraste avec les années 2023 et 2024. Ainsi, depuis 2022, les crédits de la mission ont augmenté de 17 %, soit une hausse de 9,2 milliards d'euros, hors contribution au CAS « Pensions ». Ces hausses de crédits étaient dues aux revalorisations, nécessaires, des rémunérations des personnels enseignants, qui représentent 74 % des 1,2 million d'emplois de la mission.

En effet, les comparaisons internationales montrent que, en 2022, les enseignants français étaient en moyenne nettement moins bien payés que leurs homologues allemands, anglais ou encore portugais. Le pouvoir d'achat des professeurs a fortement diminué entre 1990 et 2022, de 10 % par exemple pour les professeurs en fin de carrière, quel que soit leur corps.

Une telle situation n'était ni acceptable ni souhaitable pour des personnels aux missions aussi indispensables que celles des enseignants. Elle a donc donné lieu à des efforts substantiels pour revaloriser leurs salaires et tenter d'améliorer l'attractivité du métier. Rappelons qu'avant 2017 un enseignant débutant titulaire d'un bac+5 percevait à peine 1 700 euros nets. Les deux augmentations du point d'indice de la fonction publique, en 2022 et en 2023, ont constitué une première opportunité. Une revalorisation de la rémunération « socle » des enseignants a également été décidée, pour un montant de 1,3 milliard d'euros. Enfin, le pacte enseignant, qui aura coûté 700 millions d'euros en 2024, constitue une nouvelle source de revenus pour les enseignants volontaires.

Sans ces différentes revalorisations, les dépenses de personnel auraient été minorées de 4,5 milliards d'euros en 2025, ce qui montre l'effort budgétaire conséquent qu'a accompli l'État ces dernières années en faveur de la mission « Enseignement scolaire ».

Ces revalorisations ont permis un gain réel de pouvoir d'achat pour les enseignants : à titre d'exemple, le salaire des enseignants en début de carrière a augmenté d'au moins 4 % entre 2022 et 2023, si l'on exclut les effets de l'inflation. Si ces revalorisations ne peuvent être totalement suffisantes pour permettre de ramener les salaires des enseignants français au niveau de ceux de la plupart de leurs homologues européens, elles sont tout de même à saluer par leur ampleur.

Au-delà de la stabilité de ses moyens, il ne vous aura pas échappé que le point le plus marquant du budget de la mission « Enseignement scolaire » aura été cette année la baisse du plafond d'emplois. Ainsi, 4 000 emplois de professeurs pourraient être supprimés, dont 3 815 emplois dans le premier degré et 220 postes dans le second degré.

La baisse démographique, qui justifie cette proposition, ne peut être niée. Ainsi, le nombre d'élèves scolarisés dans le premier degré a déjà baissé de 6 % entre 2011 et 2023. Et la diminution va encore s'accentuer dans les années à venir : entre 2023 et 2028, le premier degré perdra plus de 350 000 élèves. En ce sens, une réduction du nombre d'enseignants se justifie.

Toutefois, cette réduction ne peut être appliquée mécaniquement sur le territoire ; elle devrait être progressive et précautionneusement ciblée.

D'abord, le nombre d'élèves par classe demeure plus élevé en France dans le primaire et au collège que dans nombre de pays européens, en particulier la Finlande, l'Italie ou l'Allemagne. La baisse démographique constitue une opportunité pour permettre une diminution du nombre d'élèves par classe, un petit groupe étant en général plus propice à l'apprentissage. Telle est d'ailleurs la philosophie qui a prévalu à la mise en place des dédoublements - CP, CE1 et grande section -, puis des « groupes de besoins ».

Ensuite, et surtout, la baisse du nombre d'enseignants présente un risque essentiellement pour les écoles rurales. Ayant déjà perdu 8,6 % de leurs effectifs entre 2015 et 2023, elles sont les plus susceptibles d'être ciblées par la baisse du plafond d'emplois. Or une fermeture de classe dans une école rurale s'accompagne de risques forts en termes de « désaménagement du territoire » et de « désertification ».

La baisse des effectifs d'élèves ne saurait donc aboutir à une baisse mécanique du nombre d'enseignants ; une évaluation préalable de ses conséquences territoriales apparaît nécessaire.

Le plafond d'emplois ne diminue toutefois au total que de 2 000 emplois, en raison de l'embauche de 2 000 accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH) supplémentaires.

Entre 2013 et 2023, 240 000 élèves en situation de handicap supplémentaires ont été scolarisés. S'il était particulièrement important de permettre la scolarisation de ces enfants, la hausse de leur nombre a des conséquences budgétaires importantes. Le coût de l'école inclusive sera ainsi de 4,5 milliards d'euros en 2025, soit un montant stable par rapport à 2024, mais qui a augmenté d'un quart depuis 2022.

En particulier, le financement des emplois d'AESH représente plus de 3 milliards d'euros. Or, ce sont les maisons départementales des personnes handicapées (MPDH) qui sont à l'origine de la notification d'une aide humaine, et non l'éducation nationale. Cette déconnexion entre le prescripteur et le payeur n'est pas soutenable budgétairement à terme. Une évaluation plus approfondie des moyens consacrés à l'école inclusive me paraît donc nécessaire. Par ailleurs, la situation spécifique des élèves hautement perturbateurs n'est absolument pas évoquée dans la trame budgétaire.

Je souhaite maintenant attirer l'attention de mes collègues sur l'ampleur et le nombre de réformes qui ont eu lieu dans l'éducation nationale ces dernières années, de la politique du dédoublement des classes de grande section, CP et CE1 à celle du « choc des savoirs », récemment mise en oeuvre. Ces réformes, au coût certain, ont été engagées au prix d'un épuisement des personnels. Elles doivent par ailleurs s'inscrire dans le temps long pour pouvoir être évaluées. Il serait donc utile d'abandonner pour un temps les réformes de trop grande ampleur.

Dans le cadre de la politique du choc des savoirs, des groupes de besoins, c'est-à-dire des groupes à effectifs réduits d'élèves de niveau scolaire semblable, ont été mis en oeuvre en sixième et en cinquième. S'il est encore un peu tôt pour évaluer la pertinence d'une telle politique, il est toutefois notable qu'elle ait nécessité le déploiement de 2 300 équivalents temps plein (ETP) supplémentaires. La création de ces groupes de besoins en quatrième et troisième, qui doit en principe intervenir à la rentrée prochaine, impliquerait cette fois la mobilisation de davantage d'emplois, les établissements ayant déjà utilisé leurs marges de manoeuvre. Au vu des contraintes budgétaires actuelles, il serait pertinent d'en retarder le déploiement, ou de le repenser avec une approche au cas par cas. Chaque établissement pourrait, par exemple, mettre en place ces groupes de besoins sur deux niveaux différents, de la sixième à la troisième, et non sur toutes les strates, comme le demandent certains chefs d'établissement.

Par ailleurs, le pacte enseignant s'est révélé assez utile, même s'il est encore perfectible. Il a notamment permis de multiplier le taux de remplacement de courte durée par 2,5. Toutefois, le montant consacré à cette politique est de près de 800 millions d'euros dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2025, soit une hausse de près de 100 millions d'euros par rapport à 2024. En cette période de contrainte budgétaire forte, une telle augmentation pose question, à tout le moins.

Les crédits consacrés à la formation dans l'ensemble des programmes de la mission « Enseignement scolaire » s'élèvent à plus de 2 milliards d'euros, soit un montant stable par rapport à 2023 et 2024. Toutefois, en 2023, ils n'ont été consommés qu'à hauteur de 1,1 milliard d'euros, soit 50 % de l'enveloppe. Je vous proposerai donc un amendement visant à diminuer de 1 milliard d'euros ces crédits afin d'améliorer la sincérité de la prévision budgétaire.

J'aimerais enfin revenir sur les dépenses de deux opérateurs de l'État, l'Office national d'information sur les enseignements et les professions (Onisep) et le réseau Canopé. L'Onisep, dont l'objectif est de fournir des données centralisées relatives à l'orientation, me semble faire doublon avec les régions, à qui la compétence d'information sur l'orientation a été transférée depuis 2018. Le montant de sa subvention, de près de 23 millions d'euros, me paraît donc exagéré, sachant que cet office dispose de surcroît d'un important fonds de roulement.

Le réseau Canopé a, quant à lui, pour objet la formation continue des enseignants. Son rôle est difficile à distinguer de celui des instituts nationaux supérieurs du professorat et de l'éducation (Inspé) et des écoles académiques de la formation continue. En ce sens, le montant de sa subvention de 85 millions d'euros pose également question.

Malgré ces quelques remarques, je vous propose, mes chers collègues, d'adopter les crédits de la mission « Enseignement scolaire », dont la stabilité par rapport à 2024 est indispensable au vu du déficit de l'État.

Je vous soumettrai à ce stade un seul amendement, d'autres étant envisagés par la suite - nous y travaillons actuellement, en lien avec le rapporteur général et le ministère. Cet amendement vise à minorer de 1 milliard d'euros les crédits dédiés à la formation initiale et continue des enseignants. Ces derniers font l'objet d'une sous-consommation récurrente depuis dix ans, mais, avec 50 % des crédits non consommés, l'année 2023 marque un record. En conséquence, afin d'améliorer la sincérité de la prévision budgétaire pour 2025, nous proposons de ramener à 1,1 milliard d'euros les crédits de formation des enseignants, ce qui constitue tout de même un montant pratiquement équivalent à celui qui a été consommé en 2023.

M. Bernard Fialaire, rapporteur pour avis de la commission de la culture sur le programme « Enseignement technique agricole ». - S'agissant des crédits dédiés à la formation des enseignants, j'indique que la délégation à la prospective a adopté hier un rapport d'information sur la place de l'intelligence artificielle (IA) dans l'éducation. Celle-ci ne prendra évidemment pas la place des enseignants, mais elle pourrait leur permettre à terme de gérer une classe de 25 élèves comme s'ils étaient 12, notamment grâce à l'aide apportée sur l'évaluation des besoins et des résultats des élèves. C'est une perspective intéressante, mais qui nécessitera des efforts conséquents de formation.

L'enseignement agricole est souvent dépeint comme l'école de la réussite. Dans un contexte de baisse de la démographie scolaire, les effectifs de la filière progressent de 1 % par an depuis cinq ans, alors que 166 000 agriculteurs devraient partir à la retraite d'ici à 2030. Les élèves de la filière ont un indice de position sociale (IPS) plus bas que ceux de la filière générale, mais les résultats sont excellents.

Cette année, 1 600 élèves supplémentaires ont suivi un enseignement agricole. Or le financement de cet enseignement représente 5 000 euros par élève, ce qui implique une hausse de 8 millions d'euros de crédits.

L'engagement des enseignants de la filière est particulièrement fort : plus de 50 % de ceux exerçant dans le secteur public et 80 % de ceux exerçant dans le secteur privé adhèrent au pacte enseignant.

Aussi, les besoins de renouvellement du secteur et les résultats très positifs de cet enseignement nous invitent à ne surtout pas le négliger.

Pour le reste, je partage les orientations du rapporteur. Une clarification des compétences sera nécessaire, notamment celles des départements en matière médico-sociale et celles des régions en matière de formation, qui font doublon avec l'Onisep.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Je remercie Olivier Paccaud de nous avoir éclairés sur les enjeux de cette mission, qui représente le plus gros poste budgétaire de l'État. Compte tenu du dérapage budgétaire non contrôlé auquel nous assistons, en particulier ces deux dernières années, nous devons faire preuve de responsabilité. Je rappelle qu'au début du mois de septembre, l'ancien ministre de l'économie nous assurait encore que nous serions en mesure d'atteindre l'objectif d'un déficit budgétaire inférieur à 3 % du PIB d'ici à 2027, alors que cela aurait déjà dû lui sembler impossible.

Comme nous y invite Olivier Paccaud, nous devons engager un effort de sincérité budgétaire en soustrayant du budget les crédits non consommés de la mission. Dans cette période de chasse aux économies, il me semble raisonnable d'en réaliser sur une réserve qui n'est pas consommée depuis dix ans. Peut-être cela contribuera-t-il à atténuer les débats stériles sur les baisses de crédits accordés aux entreprises et aux collectivités. Je vous encourage donc à voter l'amendement du rapporteur spécial.

Par ailleurs, je souligne l'effort qui est réalisé pour les AESH, car nous souhaitons tous une école plus ouverte aux enfants en situation de handicap. Toutefois, il convient de reconnaître les limites de l'école inclusive. Il existe également des instituts thérapeutiques, éducatifs et pédagogiques (Itep) et des instituts médico-éducatifs pour accueillir les enfants qui ont besoin d'un tel encadrement. Nous devons trouver le point d'équilibre entre l'école inclusive et les établissements spécialisés pour mieux accompagner les enfants selon leur degré de handicap. À cet égard, l'embauche de 2 000 AESH n'est pas neutre et me semble être une réponse proportionnée. De même, il faut trouver des solutions pour les enfants hautement perturbateurs.

Le rapporteur nous a dit continuer de travailler pour trouver les meilleures adaptations aux réductions d'effectifs d'enseignants qui ont été annoncées. Nous devons prendre les mesures les plus justes possible en faisant preuve d'une forme d'épure, dans le cadre d'un PLF particulier, qui doit nous permettre de commencer à redresser les comptes publics.

Mme Nathalie Goulet. - Ma première question porte sur l'enseignement agricole, qu'on appelle chez moi « réussir autrement » et qui tient une place très importante dans nos territoires ruraux et affiche un taux de réussite frôlant les 100 %. Notre ancienne collègue Françoise Férat, qui a longtemps été chargée de cette mission budgétaire, nous faisait toujours état d'une forme de dispute entre le ministère de l'agriculture et celui de l'enseignement sur le budget de l'enseignement agricole. Celui-ci est-il sacralisé ?

Ma seconde question porte sur l'école inclusive. Cette semaine, le maire de Flers, dans l'Orne, a annoncé que deux fillettes en situation de handicap risquaient de ne pas être prises en charge durant la pause méridienne, et ce en totale contradiction avec l'article 2 de la loi du 27 mai 2024 visant la prise en charge par l'État de l'accompagnement humain des élèves en situation de handicap durant le temps de pause méridienne. J'entends les propos du rapporteur selon lesquels il existe également des instituts médico-éducatifs (IME), mais nous ne saurions laisser des enfants livrés à eux-mêmes à l'école, pour des questions d'humanité et d'égalité républicaine.

Je serai très attentive à cette question, notamment pour ce qui concerne la division des tâches entre les départements et l'éducation nationale, et j'invite le rapporteur spécial à s'y pencher dans le cadre de ses missions de contrôle. Les conséquences des dysfonctionnements sont beaucoup plus violentes pour les enfants en situation de handicap.

M. Dominique de Legge. - Je partage la préoccupation d'Olivier Paccaud sur l'attractivité des postes d'enseignants, qui passe avant tout par leur rémunération. Les choses vont dans le bon sens et il convient de poursuivre dans cette voie.

Pour autant, cela ne nous interdit pas de nous interroger sur les effectifs de l'éducation nationale, qui compte 1,2 million de fonctionnaires, soit près de la moitié des personnels de l'État, dont 74 % sont des enseignants. Qui sont les 26 % restants ? Où sont-ils ? Que font-ils ?

Par ailleurs, en rapportant le nombre d'enseignants au nombre d'élèves, je parviens à un résultat de quinze élèves par enseignant, alors que le rapport spécial indique un ratio de vingt et un élèves par enseignant. Comment s'explique cet écart ?

Mme Florence Blatrix Contat. - Je partage les constats du rapport, à commencer par la nécessité d'augmenter la rémunération des enseignants, même si j'estime qu'il convient d'aller plus loin en la matière. Le pacte enseignant a-t-il fait l'objet d'une évaluation qualitative ? La consommation des crédits est une chose, mais je m'interroge sur les effets concrets de cette politique publique.

En ce qui concerne la diminution du nombre d'élèves, je partage votre analyse : les 4 000 suppressions de postes affecteront inévitablement nos écoles rurales. Je rappelle que nous nous situons entre la 26e et la 29e place au classement Pisa (Programme international pour le suivi des acquis des élèves), dans la moyenne des pays de l'OCDE, et nous ne cessons de perdre des places. Il convient de profiter de la baisse des effectifs scolaires pour diminuer le nombre d'élèves par classe et améliorer les conditions d'enseignement et d'apprentissage. Nous nous opposons donc aux suppressions de postes d'enseignants.

Je suis plutôt d'accord pour reporter la généralisation des groupes de besoins. Ce dispositif doit préalablement être évalué.

Par ailleurs, vous proposez de réduire les crédits dédiés à la formation. Sait-on pourquoi ces crédits ne sont pas consommés ? Jean-Michel Blanquer voulait faire de la formation le moyen de renforcer la qualité de l'enseignement et le niveau des élèves ; force est de constater que cela n'a pas fonctionné. Nous nous abstiendrons sur cet amendement.

Enfin, si je partage votre constat, je ne partage pas votre position sur cette mission. Aussi, nous n'en voterons pas les crédits.

M. Jean-Raymond Hugonet. - Je porte sur cette mission un regard de parlementaire, mais aussi d'élu local. En effet, nous sommes tous sollicités tout au long de l'année sur des questions de nombre de classes et de rapports avec les directeurs académiques des services de l'éducation nationale (Dasen).

Le constat est le suivant : la démographie scolaire diminue fortement - le rapporteur spécial nous indique que le nombre d'élèves dans le premier degré diminue de 6 % -, mais le nombre d'élèves porteurs de handicap évolue très fortement. Si notre place au classement Pisa semble se stabiliser, nous sommes loin d'un record olympique. Pourtant, il préconise de stopper les réformes de grande ampleur. Est-ce lié au fait que nous ayons connu six ministres de l'éducation en sept ans, chacun ayant voulu laisser sa trace ? Nous voyons bien que les enseignants n'y comprennent plus rien et s'appuient sur leur formation et leur ressenti pour exercer leur métier.

Le rapporteur spécial préconise des ajustements non mécaniques. Comme Dominique de Legge, je m'interroge sur l'articulation exacte entre les enseignants qui sont devant les élèves et ceux qui ne le sont pas. Ces derniers sont certainement très utiles, mais il convient d'éclaircir les choses. L'éducation nationale coûte 64,5 milliards d'euros alors qu'elle ne semble contenter personne. Pour reprendre une formule célèbre, s'agit-il d'un mammouth que nous ne parvenons même plus à faire bouger, ou simplement d'un manque de volonté, comme en témoigne le nombre de ministres éphémères ces dernières années ?

M. Thomas Dossus. - Nous aurons le débat sur les ajustements aux évolutions démographiques en séance. Pour ma part, je suis favorable à ce que nous profitions de la baisse démographique pour améliorer le taux d'encadrement.

En ce qui concerne l'amendement, qu'est-ce qui explique la sous-consommation des crédits dédiés à la formation, et l'augmentation de cette sous-consommation ? Cela semble contradictoire avec le fait que l'on demande de plus en plus de choses aux enseignants, ce qui suppose des besoins en formation.

M. Laurent Somon. - Je rappelle que l'économie est par définition la bonne administration des richesses matérielles, ce qui suppose d'adapter les moyens aux besoins. Cela nécessite une bonne évaluation. Nous n'avons pas abordé la question du zonage des réseaux d'éducation prioritaire (REP) et des réseaux d'éducation prioritaire renforcés (REP +). Le rapport publié en 2018 par la Cour des comptes sur l'éducation prioritaire était plutôt critique en matière de résultats. Nous attendons toujours la révision qui avait été annoncée à cette occasion.

En tant que président du conseil départemental de la Somme, j'ai essayé de modifier la carte scolaire des collèges pour améliorer la mixité sociale et affiner le zonage REP et REP +. Le projet est resté bloqué dans l'attente de la réforme annoncée par Jean-Michel Blanquer, dont nous sommes sans nouvelles. Pendant ce temps, nous sombrons dans le classement Pisa.

Si nous pouvons nous féliciter de l'augmentation des moyens dédiés aux personnes en situation de handicap, il s'agit également d'une question structurelle. Nous devons évaluer chaque école et chaque collège pour savoir où le bât blesse, comme je l'ai demandé au recteur de l'académie d'Amiens. C'est la seule manière d'affecter les bons moyens au bon endroit.

M. Jean-Baptiste Olivier. - Pour des raisons démographiques, les fermetures de classe surviennent non pas seulement dans les zones rurales, mais aussi dans les grandes villes. Rien qu'à Paris, on en compte 134.

Nous constatons une baisse du taux d'encadrement moyen, dû au dédoublement de classes. Cette mesure est sans doute guidée par de très bons sentiments, mais elle a entraîné, de fait, une dégradation du taux d'encadrement dans les établissements qui n'en ont pas bénéficié.

A-t-on évalué les conséquences de la prise en charge des élèves dits hautement perturbateurs sur le niveau global d'enseignement dans les classes ?

Sur le principe, tout le monde est favorable à l'école inclusive. Elle a à la fois des effets positifs, notamment en matière de socialisation et des effets négatifs quant à la capacité des enseignants à transmettre le savoir.

Du reste, l'augmentation de crédits pour la formation des enseignants n'étant pas adaptée aux besoins, elle apparaît comme de l'affichage.

On déplore un manque de demande de la part des enseignants : ils n'ont pas forcément le temps de partir en formation, surtout si elle a lieu pendant les heures de travail. Les formations proposées sont peut-être tout simplement inadaptées aux besoins.

M. Arnaud Bazin. - Plusieurs de mes collègues appellent à profiter de la baisse démographique du nombre d'élèves tout en maintenant le niveau de financement de l'enseignement scolaire. Toutefois, je m'interroge sur la relation directe de proportionnalité entre ces deux éléments.

Nous pourrions plutôt décider d'une meilleure rémunération des enseignants pour, j'ose le dire, attirer des profils plus brillants et impliqués, en contrepartie d'une moindre réduction du nombre d'élèves par classe. Des réflexions sont-elles engagées sur ce sujet ?

M. Bernard Fialaire, rapporteur pour avis. - Je précise que c'est bien le ministère de l'agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt qui gère le budget de l'enseignement agricole. Cependant, des efforts de mutualisation sont faits pour assurer des économies, notamment dans les systèmes d'information, lesquels sont directement gérés par l'éducation nationale.

M. Olivier Paccaud, rapporteur spécial. - Avant toute chose, je tiens à préciser que le rapporteur pour avis Jacques Grosperrin et moi-même avons travaillé en parfaite harmonie.

Notre collègue Nathalie Goulet a ouvert le bal sur le problème de l'école inclusive, en évoquant le cas précis de la pause méridienne.

Le décret d'application de la loi visant la prise en charge par l'État de l'accompagnement humain des élèves en situation de handicap durant le temps de pause méridienne a été pris en mai dernier. Comme son nom l'indique, elle permet la prise en charge de ces élèves directement par l'État pendant la pause méridienne, ce qui n'était pas le cas auparavant.

Or les AESH exercent souvent leur mission le matin et l'après-midi, mais pas le midi. Nous en avons connu quelques exemples dans mon département de l'Oise. Un inspecteur chargé de l'école inclusive s'est d'ailleurs efforcé de trouver des solutions.

On peut comprendre que ces professionnels n'aient pas envie de travailler de façon ininterrompue ; il ne s'agit pas de mauvaise volonté de leur part. En ce domaine, les réformes doivent être menées au point de croix, si je puis m'exprimer ainsi.

Vous m'avez interrogé sur le nombre de professionnels non enseignants au sein de l'éducation nationale. Sur ce point, je vous renvoie au rapport d'information que j'ai présenté en mai 2024 sur les personnels administratifs du ministère de l'éducation nationale. À l'heure actuelle, 74 % des agents employés par le ministère sont des enseignants, tandis que 12 % sont des AESH ou des assistants d'éducation (AED), soit 86 %. Notez que les AESH, au nombre de 135 000, sont désormais le deuxième métier de l'éducation nationale.

Que trouve-t-on dans les 14 % restants ? Il s'agit d'agents de l'administration, à hauteur de 5 % à peine, et, pour le reste, de laborantins, de personnels techniques, de conseillers principaux d'éducation et des membres des directions.

Concernant le rapport entre le nombre d'enseignants et le nombre d'élèves par classe, il existe une véritable mosaïque. Dans certains endroits, les classes ne sont parfois composées que de douze élèves en raison des dédoublements - on en compte des dizaines de milliers en France. Dans d'autres lieux, on trouve des classes de 30 élèves, à double ou triple niveau.

En zone rurale, les classes se situent en dessous de la moyenne nationale, autour de 17 élèves. D'ailleurs, je comprends que cette moyenne puisse surprendre ; elle est liée aux dédoublements, entre autres.

Elle s'établit désormais à 21,4 élèves par classe dans l'enseignement primaire et à 25,6 élèves par classe dans le secondaire.

Quant au pacte enseignant, il a été évalué, mais pas entièrement. Nous savons que 34 % des enseignants y adhèrent, avec des disparités importantes entre le primaire et le secondaire, les missions y étant parfois plus faciles à réaliser. On dénombre également un nombre plus important d'adhésions dans l'enseignement public.

Le pacte enseignant doit évoluer, c'est une évidence. Cependant, je ne pense pas qu'il soit utile de porter de 700 millions à 800 millions d'euros les crédits qui y sont alloués. Il a surtout permis de faciliter les remplacements de courte durée, qui étaient assurés via les heures supplémentaires. Or celles-ci ont été prises d'assaut par les groupes de niveau.

Le pacte reste nettement perfectible, notamment dans le primaire, où il finance désormais certaines missions coûteuses.

Par ailleurs, je ne pense pas qu'il faille étendre les groupes de besoins dans les classes de troisième et de quatrième au rythme prévu. Beaucoup de recteurs et de chefs d'établissement préconisent une telle extension, mais seulement au cas par cas, selon les besoins des établissements.

Encore une fois, le point de croix apparaît comme la meilleure des méthodes.

Par ailleurs, pourquoi les crédits en matière de formation ne sont-ils pas consommés ? Plusieurs réponses sont avancées. Selon les syndicats et les enseignants, la formation, aujourd'hui, n'est pas bien placée d'un point de vue temporel.

Certains syndicats affirment même que la formation continue proposée n'est pas intéressante, mais cela dépend des rectorats. Le taux de participation aux formations est très variable : la Picardie, par exemple, figure parmi les bons élèves.

Le ministère de l'éducation nationale apporte une autre réponse : les formations sont bien réalisées, mais les crédits seraient imputés sur d'autres lignes budgétaires.

Nous avions déjà eu un débat sur ce sujet l'an dernier. Pour tout vous dire, je n'ai toujours pas compris les explications qu'avait apportées Gabriel Attal lorsqu'il était ministre de l'éducation nationale. Peu importe, nous aurons de nouveau ce débat dans l'hémicycle.

Selon notre collègue Jean-Raymond Hugonet, trop de réformes ont été menées en peu de temps, chaque ministre voulant sans doute imprimer sa marque. Qu'il s'agisse du pacte enseignant, des groupes de niveau ou des dédoublements, nous n'avons pas suffisamment mené d'évaluations.

Certains inspecteurs généraux suggèrent de porter de 12 à 15 le nombre d'élèves par classe, ce qui permettrait de redéployer les moyens. Sur ce sujet, nous ne disposons encore d'aucune évaluation.

La réforme de la carte de l'éducation prioritaire doit être menée. La discrimination positive a conduit à gonfler les moyens pour les élèves les plus en difficulté. Or, dans beaucoup d'endroits, et pas seulement dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), les besoins ont encore augmenté. D'où la nécessité d'une réforme. Celle-ci avait été promise par Jean-Michel Blanquer. Or elle n'a jamais été menée. Ce qu'il faut, c'est non plus des réseaux d'éducation prioritaire, mais des écoles d'éducation prioritaire, d'autant que les inspecteurs de circonscription peuvent parfaitement identifier les endroits où il y a le plus d'élèves en difficulté. Au fond, c'est surtout une question de volonté politique.

Par ailleurs, la suppression de 4 000 postes d'enseignants sur l'ensemble du territoire entraînerait celle de 400 postes à Paris, mais aucune dans l'Essonne. Une chose est sûre, cette mesure touchera aussi bien les villes que les zones rurales.

Je dirai quelques mots sur l'école inclusive.

Aujourd'hui, 25 000 à 30 000 élèves sont considérés comme hautement perturbateurs. Ils relevaient jadis de structures spécialisées, à savoir les Itep et les IME.

Ces enfants sont aujourd'hui scolarisés dans des classes traditionnelles, parfois à temps partiel. Cela peut avoir des effets autant positifs que négatifs. À cet égard, le burn-out d'enseignants ou d'AESH et les problèmes de violence entre camarades ont souvent été niés, mais ils commencent à être pris en charge.

Il faut engager une réflexion sur les limites de l'école inclusive. En assurant la prise en charge des élèves hautement perturbateurs au sein de l'école traditionnelle, on a en réalité financé la non-mise en place de structures supplémentaires.

Je conclurai par la rémunération des enseignants. En REP et en REP +, elle est plus importante, parfois de l'ordre de 400 à 500 euros supplémentaires. C'est pourquoi le nombre de candidatures est démentiel lorsqu'un poste est à pourvoir.

Des efforts ont été faits pour attirer les enseignants et stabiliser les équipes. En REP +, ce n'est pas la peine d'en faire davantage, en raison de l'existence d'une prime spéciale.

Article 42

L'amendement n° 1 est adopté.

La commission décide de proposer au Sénat d'adopter les crédits de la mission « Enseignement scolaire », sous réserve de l'adoption de son amendement.

Projet de loi de finances pour 2025 - Participation de la France au budget de l'Union européenne (article 40) - Examen du rapport spécial

M. Claude Raynal, président. - Nous poursuivons nos travaux avec l'examen du rapport spécial de la mission « Participation de la France au budget de l'Union européenne ». Celle-ci est un peu particulière dans la mesure où l'affectation des crédits y est presque obligatoire puisqu'ils sont liés à l'intégration de la France à l'Union européenne (UE).

M. Jean-Marie Mizzon, rapporteur spécial de la mission « Participation de la France au budget de l'Union européenne ». - Comme chaque année, le projet de loi de finances (PLF) fournit une évaluation du prélèvement sur recettes du budget de l'État qui est versé au profit de l'Union européenne. L'examen de l'article fixant le montant de ce prélèvement nous donne l'occasion de faire le point sur les relations financières de la France avec l'UE.

Vous aurez remarqué que nous avons les coudées franches cette année puisque nos collègues députés, après avoir initialement voté un amendement de rabot de 5 milliards d'euros sur ces crédits, ont fini par rejeter l'article amendé.

Mon ambition, ce matin, est non pas de dénoncer les engagements européens de la France ni de remettre en cause notre crédibilité sur la scène internationale, mais de vous présenter le montant attendu de la contribution française pour l'année 2025 et de vous alerter sur les perspectives de hausses futures dès l'année 2026.

Pour mémoire, le financement de l'Union européenne repose sur trois piliers.

Le premier est celui des ressources propres traditionnelles, c'est-à-dire les droits de douane collectés par les États membres.

Le deuxième est celui des contributions des États membres, qui sont fondées sur une assiette harmonisée de TVA, sur une assise sur le revenu national brut (RNB) de chaque État membre et sur une troisième ressource qui est fonction du taux de recyclage des déchets plastiques.

Le troisième pilier est constitué de diverses autres ressources plus marginales, telles que le produit des amendes ou le report du solde de l'exercice antérieur.

L'année dernière, le montant du prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne avait été évalué, en loi de finances initiale (LFI), à 21,6 milliards d'euros. L'adoption de plusieurs budgets rectificatifs européens a ajusté ce montant à la hausse et le prélèvement sur recettes devrait donc finalement atteindre 22,3 milliards d'euros en 2024.

L'année 2024 a aussi vu une révision à mi-parcours du cadre financier pluriannuel (CFP), afin de tenir compte de la hausse des dépenses découlant de la guerre en Ukraine, de la recrudescence du phénomène migratoire, des besoins de la transition énergétique et numérique et de la reprise de l'inflation. L'addition s'élève à 64,6 milliards d'euros pour les années 2024-2027, dont 33 milliards sous forme de prêts. Après divers redéploiements de crédits, les nouveaux fonds à lever se chiffrent à 21 milliards d'euros. En matière de priorités, 50 milliards d'euros constituent un soutien additionnel à l'Ukraine et un peu moins de 10 milliards d'euros portent sur les migrations et sur les défis extérieurs.

J'en viens maintenant au coeur de mon rapport.

Le premier point à évoquer est, sans surprise, celui du montant de la contribution de la France au budget européen pour 2025.

Au travers de l'article 40 du PLF pour 2025, le montant du prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne est évalué à 23,321 milliards d'euros. Ce montant représente une hausse de 1,065 milliard d'euros par rapport à la prévision actualisée pour 2024.

En ajoutant au montant du prélèvement les droits de douane nets versés par la France au budget européen, la contribution totale s'élèverait à 25,3 milliards d'euros. Cette hausse est expliquée principalement par deux facteurs.

Le premier, conjoncturel, est la légère reprise des paiements de la cohésion : la mise en oeuvre de la politique en la matière pour la période 2021-2027 a, en effet, connu d'importants retards. Ces derniers ont conduit à une diminution conjoncturelle des besoins de paiement en 2024 et expliquent le faible niveau de la contribution française cette année-là.

Le second facteur, plus structurel, est la hausse limitée des droits de douane en 2025, après une année 2024 difficile. Le niveau fluctue en suivant celui du commerce international et, lorsqu'il est inférieur aux prévisions, l'écart est comblé par les États membres.

Par ailleurs, il m'appartient de rappeler que la France reste l'un des principaux bénéficiaires en volume des dépenses de l'Union européenne, et même le premier en 2023, dépassant la Pologne, même si la performance est moins flatteuse rapportée au nombre d'habitants, où notre pays n'est plus classé qu'à la 22e position, avec 242 euros par habitant.

Enfin, je rappelle, comme il est d'usage, que le montant évaluatif de ce prélèvement sur recettes pourra être actualisé par amendement du Gouvernement au cours de l'examen du projet de loi de finances, lorsque le budget de l'Union européenne sera définitivement adopté.

En effet, la Commission européenne a présenté son projet de budget pour 2025 en juin dernier en proposant un niveau de dépenses s'élevant à 199,7 milliards d'euros en crédits d'engagement et à 152,7 milliards d'euros en crédits de paiement. Suivant la coutume, le Conseil a adopté une position légèrement plus faible tandis que le Parlement européen s'est exprimé en faveur d'un niveau plus ambitieux. Les négociations se poursuivront dans les prochaines semaines pour aboutir, normalement, au cours du mois de novembre prochain.

Le second point à évoquer est le niveau attendu pour les années futures de la contribution de la France. Des défis de taille se présentent à nous.

En premier lieu, le sujet le plus urgent et le plus brûlant est celui de la forte progression de la contribution française qui est attendue pour les deux prochaines années, avec un montant estimé par la direction du budget à 30,4 milliards d'euros en 2026 et à 32,4 milliards d'euros en 2027. La raison de cette hausse est double.

D'une part, le facteur principal est la progression en volume de la contribution française, qui s'élevait en moyenne à 20,1 milliards d'euros par an dans le cadre financier pluriannuel précédent et qui est attendue à 26,2 milliards d'euros par an pour les exercices 2021-2027. Cela reflète la hausse de 14 % en euros courants du niveau du CFP pluriannuel voté, hausse fortement accentuée pour la France par le départ du Royaume-Uni, qui était l'un des principaux contributeurs au budget de l'Union européenne.

D'autre part, à cet effet volume s'ajoute un effet cycle. Ainsi, la consommation des crédits s'accentue systématiquement à mesure que le CFP progresse et les rattrapages sont fréquents en fin d'exercice. Cet effet est renforcé pour le CFP 2021-2027 par l'ampleur du plan Next Generation EU, dont les crédits ne seront déboursés que jusqu'à 2026, ce qui a pu renforcer la sous-consommation de fonds structurels dans certains pays.

L'Union européenne affiche ainsi un niveau préoccupant de restes à liquider, qui correspond aux crédits d'engagement non couverts par des crédits de paiement. L'allongement du décalage entre l'engagement des dépenses et le versement des crédits de paiement s'est traduit par une augmentation progressive de leur niveau, qui équivaut désormais aux crédits de paiement de deux exercices complets, ce qui n'est pas soutenable dans le contexte budgétaire actuel et engendrera pour plusieurs années un besoin important de crédits de paiement qui pèsera sur le montant du prélèvement sur recettes.

En second lieu, dans une perspective de plus long terme, la mise en oeuvre du plan de relance Next Generation EU affectera durablement les finances de l'Union européenne.

Pour mémoire, les États ont convenu d'une enveloppe de 750 milliards d'euros à l'issue du Conseil européen de juillet 2020, répartie entre 360 milliards de prêts et 390 milliards de subventions. La grande majorité de ces fonds disponibles sont ceux de la nouvelle facilité pour la reprise et la résilience (FRR), pour un montant de 672,5 milliards d'euros. Cet instrument vise à proposer des subventions et des prêts aux États membres pour soutenir les réformes et les investissements.

Ce plan a été ajusté en mars 2023 avec l'adoption du plan REPower EU, qui vise à assurer l'indépendance de l'Union européenne à l'endroit des énergies fossiles russes d'ici à 2027 et à accélérer notre transition énergétique.

La France s'est mise en ordre de bataille pour tirer profit de ces plans successifs. Elle a conçu son plan national de relance et de résilience de manière à pouvoir maximiser les retours du plan de relance européen. Dès avril 2023, une mise à jour de ce plan était présentée pour tirer les conséquences du plan REPower EU.

Grâce à cette mobilisation, la France est le troisième pays bénéficiaire de la facilité pour la reprise et la résilience, derrière l'Espagne et l'Italie, avec une enveloppe de subventions d'un montant total de 40,3 milliards d'euros.

La France bénéficie d'un retour favorable sur ce mécanisme. Ramené au nombre d'habitants, le montant perçu, de 181 euros par habitant, est ainsi supérieur à la moyenne européenne, de 144 euros par habitant.

Enfin, depuis 2021 et à la suite d'un versement de 7,5 milliards d'euros reçu en juin 2024, la France a déjà reçu 30,9 milliards d'euros de subventions au titre de cette facilité, soit plus de 75 % des fonds auxquels elle a droit, ce qui la place en première position dans l'UE.

Néanmoins, à plan exceptionnel, financement exceptionnel. L'Union européenne s'est dotée d'une capacité d'emprunt pour financer le plan de relance Next Generation EU. La Commission émet des obligations sur les marchés financiers internationaux au nom de l'UE pour un montant qui pourra s'élever à 750 milliards d'euros.

Dans la continuité des conclusions du Conseil européen de juillet 2020, précisées par un accord interinstitutionnel en décembre 2020, il a été convenu que de nouvelles ressources propres seraient introduites pour assurer le remboursement de cet emprunt, l'accord de décembre 2020 contenant notamment une feuille de route pour l'introduction de ces ressources.

La Commission européenne a ainsi présenté le 20 juin 2023 une proposition relative à la nouvelle génération de ressources propres.

D'abord, elle prévoit une ressource fondée sur le marché carbone européen : 30 % des recettes générées par le système européen d'échange de quotas d'émission seraient affectées au budget européen.

Ensuite, la Commission suggère une ressource fondée sur le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières. Elle propose que 75 % des revenus issus de la vente des certificats du mécanisme d'ajustement deviennent une ressource propre de l'Union.

De plus, elle imagine une ressource fondée sur le pilier 1 de l'accord multilatéral de l'OCDE sur la fiscalité internationale.

Enfin, la Commission prévoit une nouvelle ressource propre statistique qui serait temporaire et fondée sur l'excédent brut des entreprises.

Force est toutefois de constater que les négociations s'enlisent, la feuille de route initiale contenant la mise en oeuvre d'un premier paquet dès le 1er janvier 2023. L'introduction de ces nouvelles ressources propres nécessite en effet la révision de la Décision Ressources propres, qui doit être approuvée à l'unanimité et ratifiée dans tous les États membres selon leur procédure nationale.

Aucun accord n'est anticipé à court terme. Les États membres dits frugaux redoutent en effet que de nouvelles ressources propres incitent les autres États à multiplier les dépenses. La situation devrait toutefois se débloquer l'an prochain dans le cadre de l'ouverture des négociations sur le prochain CFP, sous la présidence danoise.

Il est crucial pour la France qu'un accord soit trouvé à cette occasion. L'engagement financier de notre pays au titre de Next Generation EU est de l'ordre de 75 milliards d'euros et un défaut de réalisation du projet de nouvelles ressources propres entraînerait la hausse de 2,5 milliards d'euros de la contribution française à partir de 2028.

Concernant le prélèvement sur recettes, en l'état actuel des données disponibles, je recommande à la commission l'adoption, sans modification, de l'article 40 du projet de loi de finances pour 2025.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Par ses éclairages, le rapport nous met devant nos responsabilités sur le besoin de solidarité entre États membres, au-delà du discours de fond sur l'utilité de l'Union européenne. Il nous permet de nous pencher sur la capacité de l'Europe à trouver les voies et moyens de faire aboutir ses politiques en posant la question compliquée des ressources propres, d'autant que la France et l'Allemagne n'occupent plus tout à fait la position qui était historiquement la leur. Faute de trouver un accord, du fait de l'opposition des pays d'Europe du Nord, le remboursement du plan de relance se ferait à partir de notre participation au budget.

Je partage l'avis proposé pour cette mission par le rapporteur spécial.

Mme Nathalie Goulet. - Travaillant sur les questions de sécurité, j'ai éprouvé des difficultés à trouver le détail de subventions européennes accordées, à hauteur de plusieurs centaines de millions d'euros, à certaines entités étonnantes : université de Gaziantep, Université de sciences islamiques de Skopje, Islamic Relief Worldwide, organisation connue pour ses liens avec les Frères musulmans... Pouvons-nous contrôler ces subventions et leur affectation ? Le Parlement européen a failli voter un amendement en ce sens cette semaine. Je suis extrêmement inquiète : au nom de la diversité, nous finançons des ennemis de la République.

M. Jean-François Rapin. - La commission des affaires européennes partage les chiffres de ce rapport : nous nous dirigeons vers une inflation du budget européen. Même si une telle institution est difficile à gérer, il est nécessaire de mieux contrôler les politiques de l'Union. Concernant les ressources propres, condition sine qua non à tout nouvel emprunt européen, nous nous répétons tous les ans...

Je reviens de Budapest. Par le biais d'un amendement proposé par la France, les formulations de la Conférence des organes spécialisés dans les affaires communautaires insistent sur la continuation perpétuelle de l'aide à l'Ukraine. Nous parvenons, grâce aux intérêts produits par les actifs russes bloqués, à fournir des prêts à ce pays même si nous ne nous leurrons pas sur le fait qu'ils ne seront jamais remboursés et que nous pouvons être appelés à apporter plus de financements.

Les répercussions des politiques communes sur le budget national sont le sujet central. Pour parvenir à rattraper le retard européen sur les États-Unis et la Chine en matière de recherche et d'innovation, le rapport Draghi chiffre dans ses conclusions les niveaux d'investissements nécessaires à 850 milliards d'euros par an, alors que le CFP est de 2 000 milliards sur six ans ! Un tel investissement ne pourra passer que par un emprunt qu'il faudra bien rembourser un jour. L'absence de ressources propres représenterait donc une catastrophe.

Comme chaque année, la France est contributrice nette au budget européen. Nous en sommes fiers, car nous faisons tourner la machine à l'image des Allemands. Il faut toutefois s'interroger : allons-nous chercher suffisamment de crédits qui pourraient de droit nous revenir ou vivons-nous au contraire dans une forme de « cocooning » financier ? Je ne dis pas qu'à terme nous ne serons plus contributeurs nets, mais, pour en avoir discuté avec les autorités nationales et européennes, la France pourrait récupérer environ 2 milliards d'euros, dont 600 millions au titre de la mission « Recherche et enseignement supérieur ». Étant donné la situation qui est la nôtre, ces 2 milliards ne sont pas anodins !

L'évaluation des crédits européens doit se faire à l'échelle européenne comme française. Nous devons pouvoir réagir sur certaines politiques, comme je l'ai fait à Budapest en appelant à la vigilance. J'ai eu des réunions bilatérales dans cette ville avec nos collègues allemands, polonais, espagnols et italiens : tous mes homologues ont conscience que l'Europe doit être un outil maîtrisable, sans quoi sa marche en avant incontrôlée retombera sur les budgets nationaux.

Mme Florence Blatrix Contat. - Les intérêts de Next Generation EU vont progresser à hauteur de 9 milliards à 10 milliards d'euros. La question des ressources propres est donc au coeur des enjeux, d'autant que Christine Lagarde, à la suite du rapport Draghi appelant à retrouver de la compétitivité, insistait encore ce matin sur le problème du décrochage de l'Union européenne. Il faut être capable de drainer de l'épargne. La présidence polonaise avancera peut-être au moins sur le mécanisme carbone aux frontières.

M. Jean-Raymond Hugonet. - Notre rapporteur spécial indique que l'Union européenne s'est dotée d'une « capacité d'emprunt ». L'expression sonne bien ! Notre addiction nationale à l'emprunt est-elle contagieuse ? Qui détient la dette européenne ?

M. Arnaud Bazin. - Le plan de relance comprend 40 milliards d'euros de subventions pour la France, les trois quarts étant déjà mobilisés. En parallèle, la participation française au budget européen pourrait augmenter de 2,5 milliards d'euros pour les années à venir. Que nous auraient coûté ces 40 milliards d'euros si, au lieu de les obtenir du budget européen, nous les avions empruntés sur les marchés ?

M. Michel Canévet. - L'absence de recours aux fonds des initiatives européennes ne s'explique-t-elle pas par la lourdeur administrative ? Cette dernière provient-elle d'exigences de Bruxelles ou de la suradministration française ?

L'aide au développement jusqu'à présent était financée par le Fonds européen de développement, que nous abondons à hauteur de 144 millions d'euros en 2025. Dorénavant, cette aide passe par le NDICI - Neighbourhood, Development and International Cooperation Instrument - Global Europe -, une initiative financée par la mission que nous examinons. J'ai pourtant constaté au contact d'organisations internationales que les actions menées par les États membres et celles qui sont conduites par l'Union européenne n'étaient pas convergentes. Il faudrait au contraire que l'action de l'UE soit complémentaire de celle des pays.

M. Claude Raynal, président. - J'y ajoute une remarque de M. Rapin : l'évaluation financière de la politique d'élargissement est une nécessité absolue.

M. Jean-Marie Mizzon, rapporteur spécial. - La Commission est contrôlée par le Parlement européen tout comme le gouvernement français est contrôlé par le Parlement. Face aux erreurs inévitables, il est difficile d'agir à l'échelle française, même si je déplore moi aussi si des financements sont alloués à des mouvements « ennemis de la République ». Il revient à nos représentants dans les institutions européennes, tant au Parlement qu'au Conseil, de réagir.

Même si le cadre financier pluriannuel actuel est supérieur de plus de 200 milliards d'euros au précédent, l'exécution de la politique de cohésion n'est pas linéaire. Les maîtres d'ouvrage ou les autorités de gestion sont toujours préoccupés en fin de programmation par le fait de faire aboutir les politiques, sans quoi les crédits sont perdus. Ainsi, de 2021 à 2023, l'effort s'est essentiellement concentré sur les programmes qui s'achevaient plutôt que sur les programmes qui démarraient en 2021. J'évoquais des prélèvements de l'ordre de 32 milliards d'euros pour les années qui viennent en raison de certaines accélérations prévisibles à partir de 2025.

Mme Blatrix Contat et moi avons eu la chance d'accompagner notre président à Budapest, lequel a discuté de la pertinence d'emprunter davantage en commun. On ne peut pas dire qu'il ait reçu une réponse enthousiaste !

Nous sommes contributeurs nets depuis l'origine, mais nous devons essayer de ne pas gaspiller des crédits qui nous sont ouverts, par exemple en matière de politique de cohésion. Le secrétariat général des affaires européennes a ainsi créé la cellule de mobilisation des fonds européens pour sensibiliser les acteurs à l'intérêt qu'ils ont à s'inscrire dans des programmes communautaires, comme l'initiative Horizon Europe, pour financer les projets qui sont les leurs.

Je suis d'accord sur le fait que les ressources propres représentent une arlésienne. À la suite de mes auditions, j'ai cru comprendre que la situation devrait se débloquer au second semestre de l'an prochain durant la présidence danoise du conseil de l'Union européenne.

La dette émise est détenue par l'Europe. Il faudra toutefois la rembourser !

M. Jean-Raymond Hugonet. - Les Chinois interviennent-ils ?

M. Jean-Marie Mizzon, rapporteur spécial. - Je ne sais même pas qui détient la dette française. D'après le ministre, cela change tout le temps...

Passer par les marchés pour financer le plan de relance aurait coûté plus cher, même si un emprunt par la France seule aurait été moins coûteux. Le financement européen doit aussi être vu comme un acte politique : s'endetter ensemble montre que nos pays se font confiance.

La Cour des comptes européenne convient elle-même de la lourdeur des procédures et de l'accumulation de difficultés dans l'accès aux fonds. Elle demande la mise en place de systèmes d'obtention des subventions plus à même d'être acceptés par les États membres.

La commission décide de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, l'article 40 du projet de loi de finances pour 2025.

Projet de loi de finances pour 2025 - Mission « Investir pour la France de 2030 » - Examen du rapport spécial

M. Claude Raynal, président. - Nous achevons nos travaux par l'examen des crédits de la mission « Investir pour la France de 2030 ».

M. Laurent Somon, rapporteur spécial de la mission « Investir pour la France de 2030 ». - La mission « Investir pour la France de 2030 », qui a succédé depuis la loi de finances initiale (LFI) de 2022 à la mission « Investissements d'avenir », est le véhicule budgétaire de financement du plan France 2030.

Ce dernier est un grand plan d'investissement public dans les domaines prioritaires pour la transformation de notre secteur productif. Ses deux objectifs principaux sont l'augmentation de notre croissance potentielle et l'accélération de la transition écologique de l'appareil de production.

Ce plan d'investissement est doté d'une enveloppe pluriannuelle globale de 54 milliards d'euros, un montant qui englobe, d'une part, le quatrième volet du plan d'investissements d'avenir (PIA 4), à hauteur de 20 milliards d'euros qui ont été votés par le Parlement à l'occasion de la loi de finances initiales pour 2021, et, d'autre part, le complément de financement du plan France 2030, à hauteur de 34 milliards d'euros que le Parlement a votés à l'occasion de la loi de finances initiale pour 2022. Par conséquent, depuis 2022, le débat budgétaire au Parlement concerne principalement le déploiement du plan.

L'enveloppe globale de 54 milliards d'euros n'a pas été modifiée et continue de servir de référence au Gouvernement dans la mise en oeuvre du plan. Elle n'a pas été remise en cause par l'exécutif actuel. Le Président de la République et le Gouvernement ont décidé de structurer les investissements du plan en dix-sept objectifs et leviers. Il s'agit de dix-sept secteurs identifiés comme prioritaires pour stimuler notre croissance potentielle et pour accélérer notre transition écologique. Par définition, ces objectifs ont une dimension concrète et ils doivent permettre à notre pays de relever de grands défis technologiques d'avenir comme la construction d'un avion bas-carbone ou encore la production en France d'au moins vingt biomédicaments innovants.

Je profite de la présentation des crédits de la mission pour attirer votre attention sur l'exercice de reprogrammation qui a été organisé par le précédent gouvernement le 23 octobre 2023 afin de modifier le montant des investissements dédiés à chaque objectif et à chaque levier. La nécessité de cette reprogrammation n'est pas en cause, dans la mesure où la programmation initiale faisait apparaître une sur-programmation de plus de 3 milliards d'euros lorsque l'on additionnait les montants de chacune des enveloppes par objectif et par levier. Cependant, le choix du précédent gouvernement de procéder à cette reprogrammation via une réunion technique interministérielle, sans y associer le Parlement, est discutable au regard des montants en jeu. Ainsi, le montant de l'enveloppe dédiée à la décarbonation de l'industrie a été réduit de plus de 1 milliard d'euros sans que le Parlement ne soit consulté ni même informé de ce choix. La reprogrammation a pourtant eu lieu pendant la période budgétaire et le pouvoir législatif aurait pu être informé de la nouvelle répartition des enveloppes.

Le déploiement du plan se poursuit : un peu plus de la moitié des aides ont déjà été attribuées aux bénéficiaires finaux. Par conséquent, l'enjeu des exercices à venir réside dans le versement effectif des aides déjà attribuées.

L'exercice 2024 a par ailleurs été marqué par l'épisode de la dissolution, qui a eu des effets directs sur les attributions d'aides du plan, qui requièrent la signature du Premier ministre lorsqu'elles excèdent 15 millions d'euros. Les dossiers d'attribution d'aides se sont donc accumulés sur le bureau du Premier ministre jusqu'à la nomination de Michel Barnier en septembre dernier. Les services du Premier ministre nous ont toutefois indiqué que ces retards ponctuels étaient en cours de résorption et ne remettaient pas en cause le rythme de déploiement au cours de l'exercice 2024.

Je conclus en rappelant les données structurantes du plan et de son état d'avancement au 30 juin 2024 : le montant total des aides attribuées atteint 33 milliards d'euros soit 61 % de l'enveloppe pluriannuelle totale ; sur ce montant, le volume des aides qui ont été décaissées au profit des bénéficiaires finaux est de 9 milliards d'euros, soit 17 % de l'enveloppe. Par conséquent, il reste encore des montants importants d'aides à verser, ce qui justifie les 5,8 milliards d'euros inscrits dans le projet de loi de finances.

M. Thomas Dossus, rapporteur spécial de la mission « Investir pour la France de 2030 »- La mission « Investir pour la France de 2030 » subit en apparence une baisse massive de ses crédits avec une réduction de 1,9 milliard d'euros, soit 25 % des crédits de paiement, entre la loi de finances initiale pour 2024 et le projet de loi de finances (PLF) pour 2025. Pour autant, cette évolution ne correspond pas à une inflexion du plan France 2030 qui ne sera pas affecté par l'évolution du montant des crédits de la mission.

Pour expliquer cet effet d'optique d'une diminution apparente des crédits sans conséquence concrète sur les bénéficiaires, je rappellerai le cadre de gestion non conventionnel des investissements d'avenir.

Le plan d'investissements d'avenir, qui a précédé le plan France 2030, a été créé par le Parlement à l'occasion de la loi de finances rectificative du 9 mars 2010. Son objectif était de sanctuariser des financements fléchés vers les domaines d'avenir pour s'extraire, selon l'expression d'Alain Juppé et Michel Rocard, de la « tyrannie du court terme ».

Sur le plan juridique, cette volonté de ne pas soumettre les aides du plan France 2030 à l'arbitrage du Parlement et du Gouvernement dans le cadre du budget annuel de l'État s'est traduite par la création d'un cadre de gestion extrabudgétaire avec des aménagements au principe d'annualité budgétaire.

Sur le plan opérationnel, les aides des investissements d'avenir, puis de France 2030, ne sont pas distribuées directement par l'État, mais par l'intermédiaire de quatre opérateurs : la Banque publique d'investissement (Bpifrance), l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), l'Agence nationale de la recherche (ANR) et la Caisse des dépôts et consignations (CDC).

L'atténuation du principe d'annualité pour les investissements d'avenir repose sur la coexistence de deux cycles de ces dépenses publiques.

D'une part, le cycle opérationnel de la dépense prévoit que les opérateurs disposent dès la première année de l'intégralité des enveloppes de mise en oeuvre du plan. Ainsi, toutes les autorisations d'engagement qui ont été ouvertes sur le périmètre de France 2030 ont rapidement été consommées au moment de la signature des conventions entre l'État et les opérateurs du plan.

Le reste du cycle opérationnel est organisé par l'opérateur qui va successivement identifier les bénéficiaires finaux par l'organisation d'appels d'offres, puis signer avec eux un contrat précisant les conditions de versement de l'aide, et enfin procéder au versement des aides en assurant un suivi souvent échelonné sur plusieurs années, le décaissement étant progressif.

D'autre part, parallèlement à ce cycle opérationnel de la dépense, la mission « Investir pour la France de 2030 » sert de support à un second cycle, qui est le cycle budgétaire des aides du plan France 2030.

Le budget général intègre chaque année une enveloppe de crédits de paiement de plusieurs milliards d'euros qui correspondent à la nécessité d'abonder les comptes des opérateurs du plan pour leur permettre de décaisser les aides au profit des bénéficiaires finaux. Par conséquent, les crédits votés dans ce PLF serviront à financer des aides qui ont souvent été attribuées il y a déjà plusieurs années et pour lesquelles l'État s'est déjà engagé à verser les fonds sous réserve d'atteindre certains jalons contractuels.

J'en viens désormais à l'opération réalisée par le Gouvernement pour réduire les crédits de la mission sans réduire les aides.

Depuis plusieurs années, les crédits de paiement de la mission ont abondé les comptes dédiés des opérateurs pour la mise en oeuvre du plan. Du fait de l'imprécision des prévisions de décaissement, les besoins en crédits de paiement ont été surestimés, d'où une trésorerie cumulée dédiée à France 2030 qui devrait atteindre 5,3 milliards d'euros à la fin de l'année 2024.

Par conséquent, le Gouvernement a fait le choix, pour l'exercice 2025, d'opérer une ponction substantielle de trésorerie sur les opérateurs concernés pour ramener cette trésorerie à 1,4 milliard d'euros à la fin de l'année 2025. Ce schéma de financement aboutit à une situation dans laquelle la moitié des aides qui seront décaissées par les opérateurs en 2025, soit 3,9 milliards d'euros, seront financées non pas par des crédits de la mission « Investir pour la France 2030 », mais par le prélèvement sur trésorerie que le Gouvernement a décidé de réaliser. Cette gestion optimisée de la trésorerie dédiée constitue une mesure de bonne gestion dont nous prenons acte. Elle permet de réduire les crédits du budget général pour l'exercice 2025 tout en préservant le déploiement du plan. En effet, du fait du double cycle des dépenses que je vous ai présenté, cette réduction ponctuelle des crédits de la mission par ponction sur la trésorerie des opérateurs n'a pas d'effet opérationnel sur le versement des aides aux bénéficiaires finaux.

M. Laurent Somon, rapporteur spécial. - L'amendement FINC.1 que je propose à la commission des finances tend à une ponction complémentaire de 144 millions d'euros sur la trésorerie des opérateurs pour atteindre, sur le périmètre des aides d'État du programme 424, une trésorerie globale de 1,2 milliard d'euros.

L'idée est simple : il s'agit de permettre au Gouvernement de compléter la ponction de trésorerie programmée pour l'exercice 2025. En effet, la moitié des aides du plan France 2030 seront financées par une ponction de trésorerie des opérateurs en 2025. Si je salue cette mesure de saine gestion, les informations que nous avons recueillies pendant les auditions montrent que le Gouvernement n'est pas allé au bout des marges offertes par la trésorerie excédentaire des opérateurs.

Le niveau de ponction complémentaire a été calculé pour permettre de préserver, pour chacun des opérateurs, une marge de trésorerie dédiée d'au moins 200 millions d'euros. Cette marge me semble suffisante pour ne pas perturber le déploiement du plan dès lors que rien ne fait obstacle à ce que la trésorerie soit gérée globalement à l'échelle du programme dans le cadre du dialogue de gestion entre le secrétariat général pour l'investissement (SGPI) et les opérateurs. Si des projets accélèrent, ils seront compensés par ceux qui ralentissent.

On constate une tendance à la surévaluation des besoins de décaissement qui s'explique par la nature des projets dont certains sont mis en oeuvre avec retard par rapport au calendrier initial. Cette économie de 144 millions d'euros permet donc d'optimiser la gestion de la trésorerie des opérateurs sans conséquence opérationnelle sur le plan France 2030.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. -Vous avez souligné le choix du Gouvernement de mobiliser la trésorerie des opérateurs qui ont accumulé un excédent depuis plusieurs années qui peut aujourd'hui servir au décaissement des aides.

Je ne peux que saluer cette initiative, dont je signale qu'elle prend la suite des amendements de la commission des finances qui visaient déjà la trésorerie de certains opérateurs l'année dernière.

Je soutiens à cet égard l'amendement du rapporteur spécial Laurent Somon pour compléter la ponction de trésorerie à hauteur de 144 millions d'euros.

Ma question est la suivante : est-ce que certains opérateurs auraient une trésorerie excédentaire mais qui ne pourrait pas être prélevée par réduction des crédits qui lui sont alloués parce que ceux-ci seraient insuffisants ?

M. Michel Canévet. - Cette mission est cruciale : l'investissement doit être plus important et le fonctionnement mieux maîtrisé.

Vous avez évoqué la cartographie des territoires accompagnés. L'équilibre territorial est-il pertinent ?

La répartition entre avances remboursables et subventions est-elle optimale ? Ne devrait-on pas augmenter la part relative des avances remboursables afin d'éviter de financer à crédit ?

Mme Christine Lavarde. - Le Président de la République a demandé que France 2030 finance 2 milliards d'euros d'investissements supplémentaires sur l'intelligence artificielle (IA). Cela crée un biais de sélection ubuesque qui est sans lien avec les objectifs du plan.

M. Victorin Lurel. - Notre groupe votera ces crédits, mais nous avons quelques remarques, récurrentes depuis quelques années, sur les retards de décaissement. Le pilotage et l'efficacité du secrétariat général pour l'investissement (SGPI) n'ont pas été améliorés depuis l'arrivée de M. Bonnell...

La gestion de ce programme important doit être moins opaque et nous souhaitons être mieux informés, au-delà des bleus budgétaires, des jaunes budgétaires et des rapports du SGPI, car aucun de ces documents ne nous donne de vision transversale consolidée sur les investissements réalisés ou en cours. Faisons front commun avec l'Assemblée nationale pour que les prérogatives parlementaires soient mieux respectées et pour demander plus de transparence, avec la mise en libre accès de la liste des bénéficiaires, des montants, des répartitions des financements, de l'état d'avancement des projets, des encaissements et décaissements, etc.

Comme la Cour des comptes, nous recommandons le renforcement urgent du pilotage de la rentabilité des investissements d'avenir pour garantir les intérêts financiers de l'État, car quel est le retour financier sur ces investissements ?

Nous avons appris récemment que l'enveloppe France 2030 était régionalisée, avec un financement paritaire entre l'État et les régions. Or la Cour des comptes nous apprend que la Guyane et La Réunion ne peuvent pas financer à hauteur de la dotation de l'État. Une autre modalité de partage doit-elle être recherchée ?

Nous avions évoqué l'an dernier l'idée d'une mission d'information, car, par souci de souplesse, l'État n'identifie pas avec suffisamment de précision les secteurs soutenus, ce qui aboutit à une dilution de l'autorisation parlementaire et à un manque de sérieux dans le portage des politiques publiques. Les informations contenues dans le projet annuel de performance ne sont pas sérieuses. Pourquoi ne pas lancer une telle mission d'information ?

M. Grégory Blanc. - Des crédits pour la rénovation du patrimoine de l'État sont-ils prévus pour 2025 dans la mission ?

La ponction sur la trésorerie résulterait de gels ou de reports récurrents de crédits : est-ce bien cela ?

M. Jean-Marie Mizzon. - Si nous étions véritablement ambitieux, nous confierions la tâche d'investir pour la France aux acteurs qui s'en chargent le plus : les collectivités territoriales, notamment les régions, qui connaissent les acteurs de leur territoire et qui sont compétentes en matière d'économie et de recherche, alors que les agences ont besoin de moyens importants pour fonctionner. Pourquoi ne pas confier la mission d'investir pour la France aux régions ? Cela réglerait la question de l'égalité territoriale de la répartition des aides du plan.

M. Laurent Somon, rapporteur spécial. - Monsieur Canévet, le SGPI veille à un déploiement territorial équilibré, mais il s'agit d'appels à projets, il faut donc que des propositions remontent des différents territoires.

Bien sûr, il vaut mieux des avances remboursables, mais les start-up ont souvent besoin d'un effet de levier pour lever les fonds privés via une subvention de l'État. L'État prend aussi des participations au travers de ses opérateurs.

Monsieur Lurel, il est encore un peu tôt pour calculer un retour sur investissement. Après un premier versement de démarrage, les contrats conditionnent les fonds à l'atteinte de certains objectifs, d'où des retards de décaissement, car les entreprises sont plus souvent en retard qu'en avance. On peut donc jouer sur la trésorerie, ce qui donne de la souplesse.

L'information du Parlement pourrait être améliorée, comme nous l'avions souligné dans notre rapport d'information de mai dernier. Le conseil de surveillance des investissements d'avenir a été long à s'installer, mais désormais son président a la volonté de mettre en place un calendrier de suivi précis. Le cas échéant, pourquoi pas une mission d'information ?

Oui, les régions sont les mieux placées pour conseiller le SGPI sur les appels à projets. Encore faut-il que les contrats régionaux entre le SGPI et les régions sur le volet régionalisé du plan France 2030 aient été signées, ce qui n'est pas le cas en Nouvelle-Aquitaine. En revanche, La Réunion, la Guadeloupe, la Martinique et la Guyane l'ont fait.

Madame Lavarde, les crédits fléchés sur l'intelligence artificielle passent de 2 à 4 milliards d'euros à l'échelle du plan France 2030. Cela crée en effet un risque de biais de sélection dès lors que le montant global de l'enveloppe n'a pas été révisé.

Monsieur le rapporteur général, les trésoreries excédentaires ne peuvent pas toutes être mobilisées par amendement de crédit. Je pense notamment à la CDC, dont le niveau de trésorerie dédiée au programme 424 sera de 844 millions d'euros fin 2024 et de 421 millions d'euros fin 2025, en tenant compte de l'amendement de la commission. Si l'on veut ramener ce niveau à un niveau comparable aux autres opérateurs, il faudrait déposer un amendement dans le cadre de la première partie du PLF pour opérer une ponction complémentaire à hauteur de 200 millions d'euros.

M. Thomas Dossus, rapporteur spécial. - Nous manquons encore de transparence, notamment sur les bilans financiers trimestriels. S'agissant de la régionalisation, je suis partisan d'un pilotage national pour éviter des doublons de financement.

Article 42

L'amendement FINC.1 est adopté.

La commission décide de proposer au Sénat d'adopter les crédits de la mission « Investir pour la France de 2030 », sous réserve de l'adoption de son amendement.

La réunion est close à 12 h 40.