- Mardi 22 octobre 2024
- Mercredi 23 octobre 2024
- Proposition de loi organique portant réforme du financement de l'audiovisuel public - Examen des amendements de séance au texte de la commission
- Proposition de loi visant à assurer l'équilibre du régime d'indemnisation des catastrophes naturelles - Examen du rapport et du texte de la commission
- Contrôle budgétaire - Préparation de l'échéance des contrats de concessions autoroutières - Communication
- Accueil de nouveaux commissaires
- Désignation d'un rapporteur spécial
- Projet de loi de finances pour 2025 - Perspectives de l'économie française et la situation des finances publiques - Audition de Mme Anne-Laure Delatte, directrice de recherche au Centre national de la recherche scientifique (CNRS), rattachée à l'université Paris Dauphine-PSL (en visioconférence), M. Olivier Redoulès, directeur des études de l'Institut Rexecode, et Mme Natacha Valla, présidente du Conseil national de productivité (CNP)
- Jeudi 24 octobre 2024
- Projet de loi de finances pour 2025 - Mission « Immigration, asile et intégration » - Examen du rapport spécial
- Projet de loi de finances pour 2025 - Mission « Direction de l'action du Gouvernement » et budget annexe « Publications officielles et information administrative » - Examen du rapport spécial
- Projet de loi de finances pour 2025 - Mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » - Examen du rapport spécial
- Contrôle budgétaire - Prise en charge des militaires blessés - Communication
Mardi 22 octobre 2024
- Présidence de M. Claude Raynal, président -
La réunion est ouverte à 14 h 25.
Projet loi relatif aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l'année 2023 - Examen des amendements de séance
M. Claude Raynal, président. - Nous examinons l'amendement du Gouvernement sur le projet de loi relatif aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l'année 2023.
EXAMEN DE L'AMENDEMENT DE SÉANCE
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - L'amendement n° 1 déposé ce matin par le Gouvernement vise à actualiser les agrégats de finances publiques contenus dans l'article liminaire du projet de loi. Il aurait été souhaitable qu'une telle actualisation intervienne plus tôt, notamment à l'occasion du second dépôt du texte à l'Assemblée nationale en juillet dernier. Même s'il s'agit d'ajustements comptables, mon avis est défavorable dans la mesure où nous proposons de rejeter ce texte.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 1.
La commission a donné les avis suivants sur les amendements dont elle est saisie, qui sont retracés dans le tableau ci-après :
TABLEAU DES AVIS
Article liminaire |
|||
Auteur |
N° |
Objet |
Avis de la commission |
Le Gouvernement |
1 |
Actualisation des agrégats de finances publiques du tableau de l'article liminaire |
Défavorable |
La réunion est close à 14 h 30.
Mercredi 23 octobre 2024
- Présidence de M. Claude Raynal, président -
La réunion est ouverte à 9 h 00.
Proposition de loi organique portant réforme du financement de l'audiovisuel public - Examen des amendements de séance au texte de la commission
M. Claude Raynal, président. - Mes chers collègues, nous examinons les amendements au texte de la commission sur la proposition de loi organique portant réforme du financement de l'audiovisuel public.
EXAMEN DES AMENDEMENTS AU TEXTE DE LA COMMISSION
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. - L'amendement no 3 recrée une redevance finançant l'audiovisuel public : tel n'est pas l'objet de la proposition de loi organique. Par ailleurs, nous sommes soumis à un délai contraint, alors que la création d'une redevance nécessiterait du temps : si nous ne votons pas ce texte, c'est la budgétisation qui attend l'audiovisuel public. En outre, je rappelle que la contribution à l'audiovisuel public (CAP) n'a jamais été une garantie de financement : lorsque le Président de la République avait décidé un abaissement d'un euro de la CAP, la représentation nationale l'avait voté. En conséquence, je vous propose un avis défavorable à cet amendement.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 3.
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. - L'amendement no 2 réintroduit un financement de l'audiovisuel public par une fraction de TVA proportionnelle et dynamique. La semaine dernière, j'ai expliqué que nous préférions un montant fixe par rapport à une fraction en pourcentage d'une taxe, qui peut subir des hausses, mais aussi des baisses et qui est donc moins protectrice. Aussi, je vous propose un avis défavorable à cet amendement.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 2.
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. - Pour les mêmes raisons, j'émets un avis défavorable à l'amendement no 1, qui prévoit lui aussi de financer l'audiovisuel public par une redevance.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 1.
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. - L'amendement no 7 tend à réintroduire une redevance déguisée par le biais d'un compte d'affectation spéciale. Ce n'est pas compatible avec ce qui a été décidé à l'article 1er : avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 7.
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. - L'amendement no 6 tend à rétablir un prélèvement sur recettes (PSR) en faveur d'Arte. Certes, la qualité des programmes proposés par cette chaîne est indiscutable, mais nous ne souhaitons pas créer de singularité : il faut considérer l'audiovisuel public dans son ensemble, surtout à l'heure où l'on parle de fusion de l'audiovisuel public. Dès lors, j'émets un avis défavorable à cet amendement.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 6.
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur. - L'amendement no 8 du Gouvernement correspond à la suppression de cet article nécessaire à la levée du gage. Avis favorable.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 8.
La commission a donné les avis suivants sur les amendements dont elle est saisie, qui sont retracés dans le tableau ci-après :
TABLEAU DES AVIS
Proposition de loi visant à assurer l'équilibre du régime d'indemnisation des catastrophes naturelles - Examen du rapport et du texte de la commission
M. Claude Raynal, président. - Nous poursuivons avec l'examen du rapport de Jean-François Rapin sur la proposition de loi de notre collègue Christine Lavarde visant à assurer l'équilibre du régime d'indemnisation des catastrophes naturelles.
Je salue la présence de Pascal Martin, rapporteur pour avis de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable.
M. Jean-François Rapin, rapporteur. - Il nous revient ce matin d'examiner la proposition de loi de notre collègue Christine Lavarde visant à assurer l'équilibre du régime d'indemnisation des catastrophes naturelles. Son passage en séance publique aura lieu mardi 29 octobre.
Ce texte est la traduction de neuf des recommandations du contrôle budgétaire mené par Christine Lavarde sur le régime d'indemnisation des catastrophes naturelles, dont notre commission a adopté les conclusions le 15 mai dernier. Notre collègue avait également effectué auparavant un travail centré sur le risque relatif au retrait-gonflement des argiles (RGA).
La proposition de loi s'inscrit également dans le sillage de la mission d'information menée par Jean-François Husson sur les problèmes assurantiels des collectivités territoriales, ainsi que dans celui de la mission que j'ai moi-même rapportée avec Jean-Yves Roux, de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, sur les inondations survenues en 2023 et au début de l'année 2024, notamment dans le Pas-de-Calais.
Ainsi, voilà deux ans que la commission des finances mène un travail approfondi sur l'assurance des catastrophes naturelles et le financement de la prévention des risques, et ce texte en est l'un des aboutissements.
Les inondations récentes en Ardèche sont l'une des illustrations - trop nombreuses - que l'adaptation de nos territoires et de notre régime assurantiel face à la multiplication des catastrophes naturelles est un sujet absolument majeur.
En effet, le changement climatique conduira à une augmentation certaine de la fréquence et de l'intensité des inondations - nous avons déjà pu le constater lors des dernières décennies. La sinistralité liée à la sécheresse devrait quant à elle exploser : il est estimé que celle-ci représentera 43 milliards d'euros entre 2020 et 2050, contre 13 milliards d'euros les trente années précédentes.
Jusqu'à présent, le régime d'indemnisation des catastrophes naturelles, dit régime CatNat, a fait la preuve de sa durabilité. La garantie de l'État n'a été appelée qu'une seule fois, en 2000, à la suite des tempêtes Lothar et Martin, et le taux de couverture contre les catastrophes naturelles en métropole est de 97 %. De nombreux pays européens - on me l'a redit souvent en audition - envient ce dispositif.
Toutefois, le régime est à bout de souffle. La provision pour égalisation de la Caisse centrale de réassurance (CRR) tombera à zéro à la fin de l'année, et le risque que la garantie de l'État soit mobilisée est réel. L'augmentation du taux de la surprime de 12 % à 20 % au 1er janvier 2025 offrira une respiration au régime, mais au prix d'une augmentation brutale du coût de la prime d'assurance pour les assurés.
L'article 1er de la proposition de loi prévoit ainsi la mise en place d'un mécanisme de revalorisation automatique annuelle du taux de la surprime, pour tenir compte des effets du changement climatique. Il doit ainsi permettre de lisser l'augmentation de la surprime dans le temps, et permettre une véritable adaptation de notre modèle assurantiel.
L'amendement que je propose est d'ordre purement technique. Il vise à décaler la date de mise en oeuvre de la revalorisation au 1er janvier 2027, pour permettre aux compagnies d'assurances de modifier leurs systèmes informatiques, et de ramener la clause de revoyure du coefficient de revalorisation à trois ans, contre cinq ans dans le texte initial.
L'article 2 vise à supprimer la possibilité d'appliquer de manière répétée la franchise d'assurance en cas de succession d'un même aléa naturel sur une période courte. Il s'agit d'une mesure de justice, parfois appliquée dans la pratique, mais qui, faute de base légale, est souvent mal comprise. Je propose un amendement tendant à assouplir le dispositif, en supprimant la condition du « même aléa naturel ».
L'article 3 introduit une présomption de refus d'assurances pour motif d'exposition aux catastrophes naturelles dans les zones les plus à risque. Actuellement, la possibilité de saisine du bureau central de tarification (BCT) est entravée par la difficulté pour les assurés de prouver que le refus d'assurance « dommages aux biens » est lié au risque CatNat. Dans un souci de prévenir le risque de non-assurance, le dispositif proposé renverse la charge de la preuve et impose aux entreprises d'assurances d'établir que ce refus est motivé par d'autres raisons que le risque CatNat.
L'ensemble des personnes entendues a souligné l'archaïsme des modes de saisine du BCT. C'est pourquoi je propose un amendement prévoyant une possibilité de saisine électronique de cette instance.
J'en viens ensuite à l'article 4, qui introduit certaines garanties d'indépendance pour les experts en matière d'assurance des catastrophes naturelles. Alors que la profession fait face à une véritable crise de confiance dans nos territoires, il n'existe actuellement aucun encadrement des experts d'assurance. Le dispositif du présent article prévoit donc une garantie de l'indépendance capitalistique des sociétés d'expertise par rapport aux entreprises d'assurances, en premier lieu, et une déliaison entre leur rémunération et les résultats de leur expertise, en second lieu. Cette ébauche de statut des experts devrait permettre de rehausser la confiance des assurés dans cette profession et de renforcer son attractivité alors que les récents épisodes d'inondations ont souligné le manque d'experts.
La rédaction initiale de l'article 4 ne traitant que des experts exerçant sur demande des compagnies d'assurances, je propose par un amendement COM-8 d'étendre le champ de ces dispositions aux experts agissant pour le compte des assurés.
L'article 5 promeut deux dispositifs distincts. D'une part, il prévoit de rétablir la liberté d'utilisation des indemnités d'assurance en cas de sinistre provoqué par le phénomène de retrait-gonflement des argiles. D'autre part, il impose à l'assureur, lorsque celui-ci établit que le phénomène de RGA constitue la cause déterminante d'un sinistre, de notifier cette information dans un délai de trois mois au maire de la commune. Cet article revient ainsi sur l'obligation imposée à l'assuré par l'ordonnance du 8 février 2023 d'utiliser exclusivement ces indemnités pour réparer les dommages consécutifs au phénomène de RGA.
Si je partage l'objectif défendu par l'article 5, un retour à une liberté totale d'affectation des indemnités versées en RGA ne me paraît pas opportun, notamment au regard du risque de fraude. Les assurés peuvent en effet effectuer des travaux superficiels et vendre le bien. Il me semble donc souhaitable de maintenir le principe d'affectation en prévoyant deux exceptions claires : lorsque le coût des réparations excède la valeur du bien, d'une part, et lorsque le bâtiment est devenu inhabitable, d'autre part. C'est le sens de l'amendement COM-9.
L'article 6 prévoit un dispositif de modulation de la franchise en cas d'adoption de mesures de prévention par les assurés. Je partage l'objectif poursuivi par cet article, à savoir le renforcement de la culture du risque chez les particuliers. Toutefois, je crains que l'opérationnalité de ce dispositif ne soit pas établie. Le faible montant des franchises - 380 euros pour les biens à usage d'habitation ou les véhicules terrestres à moteur et 1 520 euros pour les biens à usage d'habitation en cas de risque RGA - rend la modulation peu incitative. Je propose donc la suppression de cet article.
Pour autant, dans un même objectif de renforcement des incitations à l'adoption de mesures préventives, je propose d'insérer un article additionnel après l'article 5 pour inclure, dans les rapports d'expertise, des préconisations sur les travaux de réduction de la vulnérabilité du bien. Ce dispositif s'inspire de ce qui est prévu dans le cadre de l'expérimentation « Mieux reconstruire après inondation », dite Mirapi.
Cette identification des travaux nécessaires intervient en complément de l'article 7, qui crée un dispositif incitatif de soutien à l'acquisition de prêts pour la prévention des risques, sur un modèle semblable à ce qui existe pour la rénovation énergétique.
Cette disposition nous paraît importante pour permettre la diffusion d'une véritable culture du risque au sein de la population. Les travaux réalisés par les particuliers sont l'un des angles morts de la politique de prévention, et cet article a vocation à y remédier. L'amendement que je propose a seulement pour objectif de lever une ambiguïté dans l'article pour être certain que le RGA y est bien inclus.
L'article 8 prévoit de conditionner l'octroi de MaPrimeRénov' à la réalisation de travaux de prévention des risques pour les logements les plus exposés. Pour citer Jean-Marc Jancovici, qui s'est exprimé au sujet de la proposition de loi, la question posée par cet article est « désagréable, mais pertinente ». Est-il raisonnable de continuer à subventionner la rénovation énergétique de logements qui pourraient disparaître au bout de quelques années en raison de catastrophes naturelles ? L'enjeu est celui de la cohérence de la politique d'adaptation au changement climatique.
Toutefois, il convient de s'assurer que cet article vise les travaux qui présentent les enjeux financiers les plus importants. L'amendement que je propose prévoit ainsi, conformément à l'intention de l'auteur du texte, de limiter l'application de l'article aux subventions pour les travaux de rénovations globales.
Enfin, l'article 9 étend le champ du fonds pour la prévention des risques naturels majeurs à des dispositifs expérimentaux relatifs à la prévention du retrait-gonflement des argiles et du recul du trait de côte. Le risque RGA concerne près de la moitié des logements individuels, et il n'existe aucun soutien public de grande ampleur à sa prévention ! De plus, ce risque est assuré dans le cadre du régime CatNat.
Même s'il s'agit d'une question majeure, le fait que le recul du trait de côte ne soit pas couvert par le régime CatNat peut poser des difficultés techniques à son intégration dans le champ du fonds Barnier. Je propose donc un amendement pour le retirer.
Ce texte représente une véritable avancée dans l'adaptation de notre régime d'assurance et le financement de la politique de prévention des risques. Il s'agit d'une politique de long terme, mais l'urgence de prendre des mesures fortes se fait de plus en plus sentir. Cette proposition de loi parvient à tenir cet équilibre : elle apporte une réponse aux enjeux du présent tout en préparant l'avenir.
Enfin, je me félicite du travail coordonné entre les deux commissions.
M. Pascal Martin, rapporteur pour avis de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. - Il me revient de vous présenter les résultats des travaux que j'ai conduits au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable.
Je ne reviendrai pas sur l'économie générale du texte, connue des membres de cette commission et dont notre collègue Jean-François Rapin a rappelé les enjeux.
Ce texte est nécessaire pour garantir la pérennité du régime CatNat ; je vous propose de l'enrichir, exclusivement dans sa dimension relative à la prévention des risques.
L'article 8 de la proposition de loi prévoit, pour les logements les plus exposés au risque, de conditionner le bénéfice du dispositif de MaPrimeRénov' à la réalisation de travaux de prévention adaptés. Il me semble nécessaire que cette disposition de bon sens, pragmatique, ne constitue pas un frein à l'effort de rénovation énergétique des logements. Je vous propose donc un amendement COM-19, qui prévoit que le Gouvernement remette au Parlement une évaluation ex post de l'impact de ce conditionnement sur la politique de rénovation énergétique.
Il me semble par ailleurs opportun de faire de l'école un lieu d'acculturation aux risques naturels majeurs. Nos enfants seront en effet les premiers exposés aux aléas naturels dans les années à venir et il est de notre responsabilité de leur donner les clefs de compréhension de ces phénomènes. L'amendement COM-16, qui transcrit une recommandation du rapport d'information de Jean-François Rapin et de Jean-Yves Roux relatif aux inondations survenues en 2023 et au début de l'année 2024, s'inscrit dans cette volonté.
Il faut également renforcer la culture du risque au stade de la cession de terrain et de la construction d'un logement ensuite, en renforçant les exigences des études géotechniques du sol. La loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (Élan) prévoit, en effet, dans les zones exposées au risque de RGA, l'obligation de réaliser une étude géotechnique dite « G1 », au stade de la cession du terrain ou de la construction du logement. Au stade de la construction, le particulier peut soit recourir à une étude « G2 », qui permet réellement d'adapter le bâti, soit suivre des prescriptions minimales fixées par décret qui sont, de l'aveu de l'ensemble des acteurs du secteur, insuffisamment robustes pour prévenir le phénomène de RGA. Je vous propose, dans l'amendement COM-15, de rendre l'étude « G2 » obligatoire, comme le préconise le rapport d'information de Christine Lavarde.
Je propose également de renforcer l'information des locataires et des acheteurs d'un bien en faisant figurer, au sein de l'état des risques obligatoires, les informations relatives à l'exposition au risque RGA. Tel est le sens de l'amendement COM-18 que je soumets à votre appréciation.
Enfin, l'amendement COM-17 vise à améliorer la prévention des risques tout au long de la durée de vie des logements. L'Agence nationale de l'habitat (Anah) est chargée d'améliorer la qualité de l'habitat. À ce titre, cette agence de l'État est notamment responsable du pilotage du programme de rénovation énergétique MaPrimeRénov'. Pour assurer une plus grande cohérence entre atténuation du changement climatique et adaptation à ses effets, il apparaît opportun de préciser que, dans ses missions, l'Anah prend en compte les enjeux de la prévention des risques.
Mme Christine Lavarde, auteur de la proposition de loi. - Monsieur le président, je vous remercie d'avoir demandé l'inscription de ce texte à l'ordre du jour des travaux du Sénat.
Cette proposition de loi émane de l'ensemble des travaux de notre assemblée. Elle s'inscrit dans la longue tradition du Sénat qui, depuis 2019, avec la mission d'information menée par Michel Vaspart et par Nicole Bonnefoy, le conduit à s'intéresser au sujet des catastrophes naturelles. C'était la première des deux chambres à le faire, mais le Sénat avait été ensuite court-circuité par l'Assemblée nationale. Actuellement, la donne a changé et le Sénat pourrait retrouver ses lettres de noblesse sur ce sujet que nous connaissons bien. Ce texte, transpartisan, a été largement ouvert à tous les signataires. J'ai travaillé en étroite collaboration avec Jean-François Rapin et Pascal Martin ; je souscris à l'ensemble de leurs propositions, qui rendent le texte encore plus consensuel et plus facilement applicable.
La question des moyens est importante. On nous rétorque que certaines de ces mesures coûtent cher. Mais, à compter de 2025, la prime CatNat augmentera pour tous les assurés, tant pour les contrats habitation qu'automobile. L'assiette de cette prime donne lieu à une autre surprime, actuellement une taxe affectée au budget général, qui, auparavant, transitait par un compte d'affectation spéciale (CAS).
Jusqu'à présent, les recettes collectées s'élevaient à environ 220 millions d'euros. À compter de 2025, le montant du prélèvement atteindra 450 millions d'euros. Dans ces conditions, on ne peut pas nous dire qu'il n'y a pas d'argent pour la prévention des risques, notamment pour le phénomène de RGA, grand oublié jusqu'à présent.
M. Claude Raynal, président. - Nous ne pouvions pas nous en tenir à un rejet du texte de Sandrine Rousseau, car il s'agit d'un sujet très important que nous devons traiter.
Avec ce texte, une autre solution est proposée. Nous verrons bien ce que l'Assemblée nationale en fera, mais la commission des finances ne devait pas apparaître comme un acteur bloquant qui ne propose pas de solutions.
Mme Ghislaine Senée. - Le Sénat porte un grand intérêt aux risques naturels majeurs. Le texte issu de l'Assemblée nationale a été rejeté par le Sénat, alors même qu'il traitait tout particulièrement du RGA et de l'indemnisation des personnes concernées.
La présente proposition de loi ne facilitera pas l'accès des victimes aux indemnités. Toutefois, elle permet au régime CatNat de perdurer - c'est là un point important. Le 1er janvier prochain, les surprimes passeront de 12 % à 20 %.
Ce texte comporte des avancées : la suppression de la double franchise, l'inscription dans la loi des conflits d'intérêts pour les experts et le prêt à taux zéro (PTZ) pour les travaux de prévention, entre autres.
Cela dit, deux sujets m'interpellent, au premier rang desquels l'exclusion de MaPrimeRénov' des logements situés dans des zones à risque naturel élevé. La maison sinistrée continue d'appartenir à son propriétaire. Les maires le savent bien, ces logements en déshérence risquent d'être squattés. Je n'ai pas identifié de propositions visant à résoudre ce problème. Ne faut-il pas avoir recours au fonds Barnier pour pouvoir les détruire à partir du moment où ils sont inhabitables ? Ce sujet fait l'objet d'un impensé.
Je suis membre du Conseil d'orientation pour la prévention des risques naturels majeurs (COPRNM). Plusieurs expérimentations relatives à la prévention sont actuellement menées, sur l'initiative de France Assureurs, de la CRR ou du Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema). À ce stade, nous ne disposons pas encore de standards clairement établis ; le travail est en cours.
Un point m'inquiète. Même dans le cadre des remédiations totales, il peut y avoir des stades 2 ou 3 : après un premier problème, de nouveaux désordres peuvent survenir. L'article 5 me semble précipité, étant donné que nous ne disposons pas de standards définitivement établis en matière de prévention.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Je salue l'initiative de Christine Lavarde, ainsi que la qualité du travail mené sur cette proposition de loi, largement cosignée par de nombreux collègues.
Nous sommes au coeur du travail parlementaire d'évaluation, car le dispositif actuel est à bout de souffle ; il est proche de la rupture. Les solutions qui avaient été trouvées ne supposaient pas nécessairement des modifications législatives, mais le travail mené avec les acteurs du monde de l'assurance et de la réassurance aboutit à un résultat qui, je l'espère, sera largement soutenu, car cela touche non seulement les collectivités, mais aussi l'ensemble des Français.
Nos collègues ont cherché à maintenir les équilibres du système assurantiel des catastrophes naturelles, qui a une vertu : la mutualisation des risques. En cas de déséquilibre, il faut faire bouger les lignes : cela ne nous fait pas nécessairement plaisir, mais place les uns et les autres face à leurs responsabilités.
Je plaide pour un développement de la culture du risque et de la prévention. Au Japon, le risque sismique est intégré par tous les niveaux de la société. En France, les catastrophes naturelles sont diverses et multiples ; je pense notamment au RGA : si les préconisations en matière de construction avaient été respectées, nous aurions moins de problèmes.
Cette situation nous alerte sur le risque de non-assurance ou du renoncement de certains acteurs du monde de l'assurance, qui considèrent que l'aléa devient certain - dans ces conditions, ce n'est plus un risque.
J'appelle de mes voeux, après l'examen du texte en séance au Sénat, son examen rapide à l'Assemblée nationale.
M. Michel Canévet. - Je salue l'initiative des auteurs de cette proposition de loi, ainsi que la qualité des exposés des deux rapporteurs.
La semaine dernière, de graves inondations ont eu lieu dans notre pays. Certains de nos concitoyens n'auraient pas été suffisamment prévenus de leur intensité : la prévention est une attente extrêmement forte des Français.
Je souhaite relayer trois questions posées par des élus vendéens à Annick Billon.
Premièrement, il faudrait mener un travail sur la méthodologie mise en oeuvre pour caractériser les catastrophes naturelles, car les communes présentant un sol très argileux ne sont pas suffisamment prises en considération. Sans modification, les sinistrés pourraient ne jamais être indemnisés.
Deuxièmement, faut-il envisager qu'une contre-expertise soit effectuée sans que les deux experts aient échangé au préalable pour valider ou non la première expertise ?
Troisièmement, sur quels critères l'indépendance des experts vis-à-vis des compagnies d'assurances serait-elle évaluée ?
Mme Ghislaine Senée. - Dès lors que 50 % des maisons individuelles sont susceptibles de subir des aléas forts, exclure celles-ci de MaPrimeRénov' réduit le champ d'action du dispositif. Certes, on peut comprendre qu'un logement pouvant être inondé ne soit pas rénové, mais un certain nombre de ces maisons exposées ne souffrent d'aucun désordre à ce stade. Cette exclusion empêchera certaines personnes, faute de moyens, de mener à bien des travaux de rénovation.
Je m'inquiète d'une éventuelle dénaturation du fonds Barnier, qui fonctionne particulièrement bien : n'aurait-il pas fallu suivre les recommandations du rapport Langreney et créer un fonds ad hoc pour gérer le phénomène du RGA plutôt que de solliciter le fonds Barnier ?
Enfin, le trait de côte est non pas un aléa, mais une donnée naturelle : il faut le retirer des critères éligibles au fonds Barnier.
M. Marc Laménie. - J'adresse moi aussi mes remerciements aux rapporteurs ainsi qu'à tous les collègues.
Nous l'avons souvent constaté ces derniers temps : des petites rivières dont on ne parle jamais sont à l'origine d'inondations dévastant les locaux des particuliers et des entreprises.
On regrette souvent le manque d'entretien de ces petits cours d'eau et de leurs ouvrages hydrauliques. Les intervenants sont nombreux : les collectivités territoriales, mais aussi les opérateurs de l'État tels que Voies navigables de France (VNF), qui ont un rôle à jouer. Des mesures sont-elles prévues dans ce texte en la matière ?
M. Thierry Cozic. - Je me réjouis de l'inscription de ce texte à l'ordre du jour des travaux de notre assemblée.
Cette proposition de loi est attendue dans les territoires. Ainsi, la Sarthe est fortement exposée au phénomène du RGA. Le travail du Sénat sera particulièrement observé par nos concitoyens. Christine Lavarde l'a rappelé, nous ne partons pas de rien : Nicole Bonnefoy mène ce combat depuis des années.
Les propositions d'amélioration du texte me semblent aller dans le bon sens ; le groupe socialiste prendra le temps de les étudier, le débat aura lieu en séance.
À l'instar de Ghislaine Senée, je souhaiterais qu'un vrai débat soit organisé autour de MaPrimeRénov', car nos concitoyens qui ont recours à ce dispositif sont souvent ceux qui ont peu de moyens. Envisager d'en exclure les habitations menacées par un risque naturel ne me semble pas aller dans le bon sens. Le rapporteur peut-il préciser ses intentions et le sens de son amendement déposé à ce sujet ?
M. Victorin Lurel. - A-t-on une idée précise de l'impact de ces mesures sur le coût des primes d'assurance ? Certes, il faut rééquilibrer et pérenniser le système, mais comment ces hausses seront-elles accueillies par les assurés ? Pour le moment, il s'agit d'une inquiétude comptable, mais a-t-on quelque idée de ce que cela représentera sur le plan financier ?
M. Jean-François Rapin, rapporteur. - Monsieur Canévet, vous avez raison : la révision de la cartographie des RGA n'était pas forcément l'objectif initial sous-tendu par cette proposition de loi. Toutefois, l'élaboration d'une cartographie générale des risques est en cours. Au-delà de la question des coûts évoqués par Victorin Lurel, le texte vise à couvrir à l'avenir l'ensemble du territoire national par l'assurance. L'État et le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) travaillent sur cette question.
Depuis 2019, plusieurs rapports ont été publiés : celui de Nicole Bonnefoy et de Michel Vaspart, mais aussi celui que j'ai rédigé avec Jean-Yves Roux. Ils contiennent des mines de proposition : n'hésitez pas à vous en saisir pour combler les angles morts de ce texte - sur certains points, nous manquons encore de visibilité et nous manquons de temps pour réenclencher le dialogue entre le Parlement et l'État.
Monsieur Canévet, le contrôle des sociétés d'experts obéit aux règles du régime de droit commun de contrôle des entreprises. Les critères définis à l'article 4 ont été choisis justement car ils sont objectivables. Nous avons souhaité étendre ces dispositions aux experts d'assurés : à l'heure actuelle, nous pouvons tous exercer cette fonction autour de cette table, sans avoir reçu une quelconque reconnaissance d'une assurance ou, demain, un label ou une formation. L'objectif est non pas d'établir une nouvelle réglementation, mais bien d'assurer une objectivation des règles applicables aux personnes qui relaient les intérêts des assurances et des assurés.
L'information des assurés sur la possibilité de faire une contre-expertise est désormais obligatoire. Mais nous constatons que cette disposition n'est pas toujours appliquée.
Madame Senée, nous n'avons pas traité la question de l'abandon des maisons de sinistrés, car nous avons identifié des écueils. Le premier est le suivant : il s'agit du secret de l'assurance. Quid de la capacité de l'assureur à donner des informations à l'autorité publique en cas de transaction avec l'assuré ? L'assureur peut-il prévenir le maire qu'une maison sera prochainement abandonnée ?
J'en viens au second écueil. En cas d'abandon et si la maison devait être cédée à la commune, le maire se retrouve alors avec un paquet abandonné, ce qui engendre des frais de protection. Une telle disposition serait contraire à l'article 40 de la Constitution, en instaurant une charge imposée à la commune. C'est en effet la collectivité qui doit assumer le coût de la destruction de la maison. Ce sujet mérite d'être approfondi.
Je sais que l'exclusion de MaPrimeRénov' de ces habitations menacées soulève des inquiétudes. Mais le Sénat est l'assemblée du bon sens et du pragmatisme : est-il judicieux d'accorder une prime de rénovation à un bâtiment alors que ce dernier a déjà été soumis à une catastrophe naturelle et que le risque n'a pas été supprimé ? Nul dogmatisme de ma part, c'est simplement une question de bon sens. Budgétairement, nous en sommes au moment où l'on trie les blessés : que doit-on faire en premier lieu, où est l'urgence ? Tel est le sens de notre proposition : il faut supprimer le risque avant de recevoir une subvention au titre de MaPrimeRénov, pour que cette dernière soit la plus efficace possible - bien sûr, nous n'excluons personne de ce dispositif. Reste une question pendante à laquelle je n'ai pas de réponse pour le moment : à la suite d'une catastrophe naturelle, un assuré peut-il de nouveau solliciter une subvention pour des travaux d'isolation identiques ?
Monsieur Cozic, notre travail traduit non pas un aboutissement, mais une prolongation du chemin tracé dans plusieurs rapports du Sénat.
Monsieur Laménie, nous n'avons pas abordé le sujet des ouvrages hydrauliques et leurs opérateurs : ce sujet technique ne fait pas partie du périmètre de cette proposition de loi.
Monsieur Lurel, le premier impact de ces phénomènes sur les primes d'assurance se manifestera le 1er janvier prochain pour couvrir les difficultés que pourrait rencontrer la CCR. Nous faisons face à des événements dont l'intensité sera exponentielle ; voilà pourquoi nous prônons une montée en charge très progressive. Les taux seront fixés par décret et une révision triennale est prévue.
Nous nous inscrivons dans une démarche progressive, avec une vision à long terme pour ne pas nous retrouver dans la situation actuelle : il faut bien reconnaître que cette PPL traite aussi l'urgence.
M. Claude Raynal, président. - Avant d'examiner le texte, il revient à la commission d'adopter le périmètre indicatif de la proposition de loi au titre de l'article 45 de la Constitution. Je vous propose qu'il concerne toutes dispositions qui ont une incidence sur la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle ; toutes dispositions qui ont une incidence sur la connaissance et la prévention des risques naturels ainsi que sur l'indemnisation des dommages qu'ils sont susceptibles de causer ; toutes dispositions qui ont une incidence sur l'information des collectivités territoriales, des personnes, des entreprises et des associations de sinistrés concernant les démarches visant à mobiliser les dispositifs d'aides et d'indemnisation susceptibles d'être engagés après des risques naturels.
Il en est ainsi décidé.
EXAMEN DES ARTICLES
M. Jean-François Rapin, rapporteur. - Avec l'amendement COM-1, nous repoussons la hausse progressive du taux de la surprime à 2027, pour des raisons techniques, et nous proposons une durée de trois ans pour chaque clause de revoyure.
M. Pascal Savoldelli. - Nous voterons contre cet amendement, car nous souhaitons supprimer cet article lors de la séance publique.
Nous confronterons avec attention les votes de chacun sur cette proposition de loi avec ceux sur les montants alloués au fonds Barnier lors de l'examen du projet de loi de finances.
Mme Christine Lavarde. - Sans problème !
M. Pascal Savoldelli. - Nous verrons alors si le fonds Barnier en reste à son niveau actuel - 225 millions d'euros - et ce que décideront les défenseurs de cette proposition de loi, à laquelle nous ne nous opposerons pas. Les engagements pris seront-ils tenus ?
M. Jean-François Rapin, rapporteur. - J'ai présenté ma position sur le fonds Barnier dans une interview accordée au journal Le Moniteur la semaine dernière. Christine Lavarde et moi-même sommes d'accord : le montant demandé aux assurés doit revenir aux assurés. Soyez rassuré, monsieur Savoldelli, notre position est très claire.
La CCR a estimé le besoin de financement immédiat pour le fonds Barnier à 300 millions d'euros.
L'amendement COM-1 est adopté.
L'article 1er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
M. Jean-François Rapin, rapporteur. - Nous ne disposons pas encore d'information suffisante sur le temps nécessaire induit par une expertise obligatoire sur l'évolution du logement en matière de rénovation énergétique, ainsi que le prévoit l'amendement COM-4. Il faudrait nous assurer que cette disposition ne grève pas le temps des expertises en situation dégradée.
L'amendement COM-4 n'est pas adopté.
M. Jean-François Rapin, rapporteur. - Le texte de Mme Lavarde évoque un « aléa de même nature ». Mais définir cette notion est particulièrement difficile, tant pour le RGA que pour les inondations ; pour ce dernier cas, nous pouvons par exemple faire face deux ou trois mois après le sinistre à des remontées de nappes phréatiques. L'amendement COM-2 tend à résoudre cette difficulté.
L'amendement COM-2 est adopté.
L'article 2 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
M. Jean-François Rapin, rapporteur. - L'amendement COM-3 permet de saisir le bureau central de tarification par voie électronique.
L'amendement COM-3 est adopté. En conséquence, l'amendement COM-5 devient sans objet.
L'article 3 est ainsi rédigé.
M. Jean-François Rapin, rapporteur. - L'amendement COM-8 a pour objet d'ajouter les mots « ou l'assuré » après le mot « assureur », afin d'inclure les sociétés agissant pour le compte des assurés dans le champ de l'article.
L'amendement COM-8 est adopté.
L'article 4 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
M. Jean-François Rapin, rapporteur. - L'amendement COM-9 vise à maintenir le principe d'une affectation des indemnités liées au phénomène de RGA à la réparation du bien endommagé tel qu'il a été instauré par l'ordonnance du 8 février 2023, principe que l'article 5 vise à supprimer. Il l'assortit cependant de deux exceptions : lorsque les coûts de reconstruction dépassent la valeur vénale du bien, et lorsque le bien devient inhabitable.
L'amendement COM-9 est adopté.
L'article 5 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
M. Jean-François Rapin, rapporteur. - L'amendement COM-14 vise à introduire une obligation d'inclure dans le rapport d'expertise, dont la transmission à l'assuré est obligatoire, des préconisations de mesures de prévention des risques naturels.
L'amendement COM-14 est adopté et devient article additionnel.
M. Jean-François Rapin, rapporteur. - L'amendement COM-10 vise à supprimer cet article.
L'amendement COM-10 est adopté.
L'article 6 est supprimé.
M. Jean-François Rapin, rapporteur. - La mention de la prévention des « risques naturels majeurs » dans le dispositif présente une ambiguïté sur la question de savoir si le RGA en fait partie ou non. L'intention de l'auteur de la proposition de loi est bien que les mesures de prévention du RGA soient incluses dans ce nouvel outil de financement. L'amendement COM-11 vise à lever l'ambiguïté.
L'amendement COM-11 est adopté.
L'article 7 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
M. Jean-François Rapin, rapporteur. - Avis défavorable à l'amendement COM-6, qui vise à supprimer l'article 8, tendant à conditionner l'octroi de MaPrimeRénov' à des travaux de prévention des risques pour les logements les plus exposés.
L'amendement COM-6 n'est pas adopté.
M. Jean-François Rapin, rapporteur. - L'amendement COM-12 vise à limiter le conditionnement de MaPrimeRénov' aux travaux de rénovation énergétique d'une certaine ampleur, c'est-à-dire les rénovations globales.
L'amendement COM-12 est adopté.
M. Jean-François Rapin, rapporteur. - Avis favorable à l'amendement COM-19, qui prévoit un rapport du Gouvernement transmis au Parlement sur les conséquences du conditionnement de MaPrimeRénov'.
L'amendement COM-19 est adopté.
L'article 8 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
M. Jean-François Rapin, rapporteur. - Avis favorable à l'amendement COM-17 : l'Anah doit tenir compte des enjeux de prévention des risques dans ses activités.
L'amendement COM-17 est adopté et devient article additionnel.
M. Jean-François Rapin, rapporteur. - L'amendement COM-13 tend à supprimer la fin de l'alinéa pour retirer la mention au trait de côte.
L'amendement COM-13 est adopté.
L'article 9 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
M. Jean-François Rapin, rapporteur. - Avis favorable à l'amendement COM-15, qui tend à renforcer les règles de construction afin de prévenir les dommages au bâti résultant du RGA.
L'amendement COM-15 est adopté et devient article additionnel.
M. Jean-François Rapin, rapporteur. - Avis favorable à l'amendement COM-16, qui vise à inscrire la prévention des risques au programme de l'école primaire.
L'amendement COM-16 est adopté et devient article additionnel.
M. Jean-François Rapin, rapporteur. - Avis favorable à l'amendement COM-18, qui a pour objet d'informer les locataires et les acquéreurs de biens sur leur exposition au risque RGA.
L'amendement COM-18 est adopté et devient article additionnel.
La proposition de loi organique est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :
TABLEAU DES SORTS
Contrôle budgétaire - Préparation de l'échéance des contrats de concessions autoroutières - Communication
M. Claude Raynal, président. - Nous allons à présent entendre la communication de M. Hervé Maurey, rapporteur spécial, sur la préparation de l'échéance des contrats de concessions autoroutières, un sujet qui nous intéresse beaucoup.
M. Hervé Maurey, rapporteur spécial de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » sur les programmes « Infrastructures et services de transports » et « Affaires maritimes, pêche et aquaculture ». - Je commence par saluer le travail de Marie-Claire Carrère-Gée, avec qui j'ai conduit l'essentiel de cette mission de contrôle.
Pourquoi cette mission de contrôle ?
D'abord, parce que c'est en 2031, dans sept ans, que la première concession d'autoroutes arrivera à échéance. Cela peut paraître assez lointain, mais c'est en ce moment que tout se joue en ce qui concerne la notion, très importante, de bon état, qui figure dans les contrats de concessions, sans y être définie précisément. La valeur du patrimoine autoroutier français est estimée à 194 milliards d'euros ; cela mérite notre attention. La définition du bon état doit être notifiée par l'État aux concessionnaires, tout comme le programme de travaux nécessaires pour arriver à ce bon état, avant le 31 décembre 2024 pour la première concession arrivant à échéance. Nous sommes donc dans un sujet d'actualité.
Ensuite, il faut dès à présent se soucier du jour d'après, lorsque les infrastructures seront rendues à l'État.
Le premier point que je souhaite aborder est la rentabilité des sociétés d'autoroutes. On en a déjà beaucoup parlé, ce sujet a notamment fait l'objet d'une commission d'enquête sénatoriale et d'un rapport de l'inspection générale des finances (IGF) et du Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD). Les deux s'accordent à dire que la rentabilité des concessions devrait être particulièrement importante. Celle de certains groupes atteint 11 % ou 12 %, notamment grâce à des gains importants réalisés sur le refinancement de leur dette avec la baisse des taux d'intérêt. L'Autorité de régulation des transports (ART) a estimé ces « surbénéfices » à 40 milliards d'euros. À mon avis, il est inutile d'épiloguer sur ce point, ou d'envisager une résiliation anticipée, surtout depuis l'avis du Conseil d'État de juin 2023, qui montre qu'un tel projet serait juridiquement hasardeux. En revanche, nous devons tirer les leçons de cet épisode pour l'avenir.
En ce qui concerne la remise en état des infrastructures et la notion de bon état, je voudrais vous faire part de ma très vive inquiétude. Les auditions, notamment celle du directeur général des infrastructures terrestres et maritimes, nous ont montré que l'État se soucie surtout d'arriver à un accord avec les sociétés d'autoroutes pour éviter un contentieux. Cela le conduit à adopter une position qui, de notre point de vue, n'est pas assez ferme. C'est à l'État qu'il appartient de définir le bon état et de notifier le programme de travaux, quitte à prêter le flanc à une contestation devant les juridictions compétentes. Si l'on veut avant tout éviter le conflit, on adopte forcément des positions qui ne sont pas les meilleures garantes des intérêts patrimoniaux de l'État. J'en prends pour exemple le cas des structures évolutives de certains ouvrages, comme les ponts. Elles peuvent être aujourd'hui dans un bon état, mais on sait qu'à court ou moyen terme, elles ne le seront plus - on voit déjà des signes de faiblesse, d'usure, de vieillissement. Sur ce sujet, l'ART et l'État n'ont pas du tout la même interprétation, pour un enjeu, non négligeable, de l'ordre de 1 à 2 milliards d'euros.
J'évoquerai également les investissements de seconde génération.
Il s'agit d'investissements prévus par les contrats de concession, et financés par le péage, comme l'élargissement d'une autoroute de deux à trois voies, mais dont les travaux n'ont pas été réalisés s'il s'est avéré qu'ils n'étaient pas nécessaires. L'idée n'est pas de réaliser des investissements s'ils ne sont pas nécessaires, mais d'évaluer le gain qu'a constitué pour les sociétés d'autoroutes le fait de ne pas les avoir effectués, et de leur demander en contrepartie la réalisation d'autres investissements, ou éventuellement une ristourne. Or, lorsque j'ai évoqué ce sujet avec le directeur général de la Société des autoroutes du nord et de l'est de la France (Sanef), qui est la première société d'autoroutes dont la concession arrive à échéance, il m'a répondu très franchement que ce sujet n'avait jamais été abordé dans ses discussions avec l'État. Or, selon les estimations, l'enjeu se situe entre 1 et 5 milliards d'euros.
Notre rapport mentionne aussi ce qu'il faudra faire une fois que ces infrastructures auront été rendues - en bon état j'espère - à l'État. Nous excluons l'idée d'une exploitation en régie par l'État, pour plusieurs raisons.
D'abord, l'État n'entretient pas très bien - c'est le moins qu'on puisse dire - son réseau autoroutier non concédé, et il n'entretient pas mieux ses routes nationales. Ensuite, si ce n'est pas l'usager qui paye, c'est forcément le contribuable, qui devrait alors payer aussi pour les usagers étrangers. Si l'on pense à tous les camions qui viennent du nord de l'Europe, de l'Allemagne, il n'y a aucune raison que le contribuable français paie pour eux... De plus, un tel système aurait un mauvais effet sur l'évolution des modes de transport puisqu'il rendrait l'autoroute plus attractive que des modes de transport plus vertueux. Enfin, il priverait l'État de recettes importantes, puisque, ne l'oublions pas, le chiffre d'affaires des sociétés d'autoroutes, c'est-à-dire les péages, fait l'objet d'un prélèvement fiscal de l'ordre de 36 %.
Nous préconisons donc de bâtir un nouveau modèle de concession autoroutière. Il ne faut évidemment pas repartir sur le modèle actuel. En effet, les concessions ont été beaucoup trop longues : la durée de certaines est de 75 ans ! En outre, nous constatons actuellement une forme de surrentabilité. Enfin, le contrôle par l'État de l'exécution de ces concessions est tout à fait insuffisant.
C'est pourquoi il convient de retenir des durées de concession plus courtes, sans doute de l'ordre de 15 à 20 ans au maximum, et prévoir des rendez-vous tous les cinq ans pour faire le point sur la rentabilité et sur le suivi des travaux. Il importera également de réfléchir à la gouvernance de ces concessions. Certains soulignent, par exemple, qu'il ne serait pas absurde d'y associer les régions. Il conviendrait aussi de redéfinir, en amont, le périmètre des concessions, qui gagnerait dans certains cas à être réduit.
Ce nouveau modèle ne doit pas être bâti dans l'opacité, comme cela se fait en ce moment pour la définition du bon état. Il ne doit pas être échafaudé en cabinet ministériel. Il faut procéder à une très large concertation avec l'ensemble des acteurs concernés, comme les collectivités territoriales, les métropoles, les régions, les entreprises ou les différents professionnels.
Le financement dégagé par les péages devra être affecté, au-delà de ce qui est nécessaire pour la gestion des autoroutes, à l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afit France) pour profiter à l'ensemble des mobilités, c'est-à-dire les routes, bien sûr, mais aussi les infrastructures ferroviaires, qui sont dans un état très préoccupant, et que les évolutions budgétaires actuelles ne devraient pas améliorer.
En somme, ce rapport se structure autour de trois orientations. La première est d'obtenir une plus grande exigence dans la procédure de fin de concession. La deuxième est de définir un modèle de gestion des autoroutes profondément réformé. La troisième est de faire en sorte que l'exploitation des autoroutes contribue au financement des mobilités dans leur ensemble, notamment aux enjeux de la transition écologique.
M. Claude Raynal, président. -Pouvez-vous préciser le lien que vous établissez entre le fait que les transporteurs étrangers passent sur une autoroute contribuent à leur financement et le maintien d'un régime de concession ? Un établissement public pourrait aussi prélever un péage...
M. Jean-François Husson, rapporteur général. -C'est un dossier intéressant, avec des enjeux bien identifiés depuis un certain temps. Nous devons aider l'État à préparer au mieux la fin des concessions, et à corriger les éventuelles insuffisances, pour prendre les bonnes décisions. Il est attristant de voir que ce sont, en général, les parties d'autoroute concédées qui sont le mieux entretenues... On aimerait connaître un contre-exemple !
L'an dernier, j'avais soutenu l'idée de mettre à profit une fraction du produit des mises aux enchères de quotas carbone européens pour aider au financement des mobilités. Vos propositions s'inscrivent parfaitement dans le cadre du travail de contrôle et d'évaluation, mais aussi de proposition, de notre assemblée. Vous ne manquerez pas, je suppose, de remettre votre rapport en mains propres au ministre concerné, car il doit être lu le plus rapidement possible pour préparer au mieux l'avenir sur ce sujet très préoccupant.
En tant qu'élu de la région Grand Est, je connais les débats qui s'y tiennent sur la participation des transporteurs aux réseaux autoroutiers par une écocontribution. Le contribuable français ne doit pas être seul à payer, car nos voisins ont une approche différente et sollicitent une contribution qui me paraît juste et de bon sens.
M. Pascal Savoldelli. - Oui, monsieur le rapporteur, l'exploitation des autoroutes doit contribuer au financement des mobilités dans leur ensemble - je pense notamment au fret.
M. Christian Bilhac. -Vous proposez de faire financer l'ensemble des mobilités par les concessions autoroutières. Je crains le saupoudrage... Sur l'autoroute de Montpellier, il passe un camion toutes les quinze secondes à peu près. Sans un financement dédié, avec un objectif clair, nous n'arriverons jamais à la financer. Cela vaudrait mieux qu'une piste cyclable à droite, un couloir de bus à gauche et une ligne de tram ailleurs, ce qui aboutit souvent à du gaspillage.
M. Éric Bocquet. - La commission d'enquête sénatoriale avait tout dit sur le niveau de rentabilité extraordinaire de ces concessions autoroutières. Nous devons nous appuyer sur ses travaux. Dans le Nord, l'autoroute A25 est gratuite entre Lille et Dunkerque : elle est en bon état et remplit parfaitement sa mission.
M. Stéphane Sautarel. -Même si les échéances peuvent paraître lointaines, c'est dès à présent qu'il convient de s'y préparer, de fixer le cadre. Vos préconisations semblent de bon sens. Le premier axe concerne la posture de l'État qui, à ce stade, semble plutôt inquiétante. Je souscris donc à vos recommandations. Le deuxième axe est relatif à la gouvernance, qui me semble essentielle, au niveau des ministères comme des collectivités locales et des professionnels. Il faut un pilotage de l'ensemble de ces concessions et de leur volet financier. Vous souhaitez rendre les concessions beaucoup plus courtes. Vous évoquez une durée de quinze à vingt ans. Je m'interroge sur la soutenabilité de l'engagement d'opérateurs privés sur une telle durée.
M. Thierry Cozic. -Je souhaite revenir sur les options de gouvernance que vous présentez, essentiellement sur le modèle de la concession. Vous dites que le retour en régie serait une fausse bonne solution. Des chiffrages ont-ils été réalisés ? Combien cette solution coûterait-elle ?
M. Michel Canévet. - Le rapporteur a évoqué l'affectation de crédits à l'Afit France, dans le cadre de la revue des opérateurs. Ne serait-il pas opportun de supprimer cette structure ?
M. Vincent Capo-Canellas. - Vos orientations sont formulées avec beaucoup d'acuité. On est toujours interloqué face au montant de 40 milliards d'euros de profits supplémentaires. Vous insistez sur le fait que des travaux sont dus. Pour un nouveau système concessif, se pose la question du suivi. Dans les deux cas, avez-vous noté une prise de conscience sur le fait qu'il ne suffit pas simplement de définir un contrat et de faire une mise en concurrence, mais que la question du contrôle est une question centrale ? À propos de la surrentabilité, peut-on estimer l'impact réel sur les sociétés d'autoroutes de la taxe sur les infrastructures de longue distance ? Le Conseil constitutionnel l'a estimée conforme à la Constitution. On parle de 3 ou 4 milliards d'euros au cours des prochaines années...
M. Jean-Marie Mizzon. - Merci pour la qualité de ce rapport. Parmi les recommandations que vous formulez figurent un certain nombre d'obligations mises à la charge des concessionnaires. Pourquoi n'en prévoyez-vous pas une en matière de développement du covoiturage ? Sur l'A4, par exemple, que gère la Sanef, quand vous sortez de l'autoroute pour prendre un automobiliste qui souhaite covoiturer avec vous, vous payez plus cher que si vous ne vous arrêtez pas. Si l'on veut favoriser le covoiturage, il faut faire en sorte que le tarif soit linéaire.
M. Hervé Maurey, rapporteur spécial. - C'est vrai qu'il peut y avoir un péage même s'il n'y a pas de concession. Mais dans l'esprit des responsables politiques qui, aujourd'hui, prônent la fin des concessions, cela implique la gratuité pour l'automobiliste. La gestion publique, en général, conduit à augmenter le nombre d'emplois publics ainsi que les dépenses et la dette publiques. Ce n'est donc pas le modèle que nous préconisons. C'est vrai, les autoroutes concédées sont bien gérées. J'irai prochainement présenter ce rapport au ministre chargé des transports.
Monsieur Savoldelli, merci de soutenir notre proposition de faire en sorte que les péages financent l'ensemble des mobilités et l'ensemble des infrastructures, dont le fret. Nos infrastructures ferroviaires sont aussi dans une situation extrêmement préoccupante. J'auditionnais hier matin le président de l'ART dans le cadre de la préparation du projet de loi de finances pour 2025. On voit bien que, malgré tout ce qui est fait actuellement, le réseau continue à se dégrader, parce qu'on ne fait pas assez de travaux. On peut craindre à terme une véritable paupérisation du réseau ferroviaire, sur laquelle, m'a-t-il dit, on ne pourra plus revenir, même si l'on trouvait une mine d'or, parce qu'on n'aura pas la capacité de faire tous les travaux faute d'entreprises et en raison des nuisances générées.
Monsieur Bilhac, dans les années qui viennent, je pense que les sociétés concessionnaires auront moins d'investissements à réaliser que par le passé, puisque les infrastructures sont déjà construites. Certes, la transition écologique exigera des adaptations. Si les camions sont tous électriques, par exemple, il faudra aménager les aires pour qu'ils puissent recharger leur batterie. Les concessionnaires actuels ont beaucoup d'idées pour justifier d'éventuels investissements futurs ; ils parlent d'autoroutes électriques, qui permettraient aux voitures de se recharger en roulant, et évoquent des chiffrages en milliards d'euros... En fait, il est très difficile d'évaluer les investissements qui seront nécessaires dans le cadre de la transition écologique. En tout cas, leur montant sera moins important.
Si l'on maintient les péages au même niveau, il y aura un surplus, et c'est ce surplus que je propose d'affecter à l'Afit France : elle alloue déjà une partie de certains prélèvements au réseau ferroviaire.
Je ne connais pas l'A25, monsieur Bocquet. Sur la surrentabilité, sachez que l'activité autoroutière représente 9 % du chiffre d'affaires de Vinci et 43 % de son résultat. Ces chiffres montrent bien que l'activité autoroutière est l'une des « vaches à lait » du groupe...
En ce qui concerne la gouvernance, il n'y a pas actuellement de suivi satisfaisant. La direction générale des infrastructures, des transports et des mobilités (DGITM) s'intéresse uniquement aux questions techniques et non aux aspects financiers. Ceux-ci sont regardés à Bercy, mais pas de très près. Le modèle italien a été profondément revu à la suite de la catastrophe de Gênes ; tout a été remis à plat. Une forme de coordination interministérielle a été mise en place, auprès du président du conseil, ce qui permet de mobiliser toutes les compétences de l'État, techniques comme financières, et de sortir d'une logique en silo.
Quinze ans, est-ce trop court ? Je ne le pense pas, notamment au vu d'un certain nombre d'exemples étrangers. Si des investissements lourds ne peuvent pas être amortis sur une durée si courte, on peut prévoir un système de soulte. L'un des inconvénients du partenariat public-privé, c'est qu'il reviendrait à consolider la dette des autoroutes au sein de la dette publique.
Supprimer l'Afit France ? Je propose plutôt de réaliser un audit de l'ensemble des agences. Je ne suis pas sûr que ce soit l'Afit France qui ait les coûts de fonctionnement les plus élevés. Nous évoquons précisément cette question pour ne pas créer une agence supplémentaire chargée de financer l'ensemble des mobilités à partir des excédents des péages.
Monsieur Capo-Canellas, sur le contrôle et le suivi, je pense avoir déjà répondu : ce qui se fait au niveau de la DGITM ne relève que du domaine technique. Il faut une approche plus transversale.
La taxe sur les infrastructures de transport pèserait à hauteur de 450 millions d'euros cette année sur les sociétés d'autoroutes, ce qui est assez peu au regard des enjeux.
Monsieur Mizzon, il faut effectivement des dispositifs qui incitent au covoiturage, et non qui le pénalisent. Nous transmettrons votre remarque aux sociétés d'autoroutes.
La commission adopte les recommandations du rapporteur spécial et autorise la publication de sa communication sous la forme d'un rapport d'information.
Accueil de nouveaux commissaires
M. Claude Raynal, président. - Avant de passer à la suite de l'ordre du jour, permettez-moi de souhaiter, en votre nom à tous, la bienvenue à notre collègue Stéphane Fouassin, sénateur de La Réunion, qui rejoint notre commission en remplacement de Teva Rohfritsch, ainsi qu'à notre collègue Jean-Baptiste Olivier, sénateur de Paris, qui rejoint notre commission en remplacement de Marie-Claire Carrère-Gée. Je leur souhaite de fructueux travaux parmi nous.
Désignation d'un rapporteur spécial
M. Claude Raynal, président. - Comme vous le savez, il est de tradition que chaque commissaire des finances soit rapporteur spécial de crédits budgétaires. Il est donc proposé que Jean-Baptiste Olivier soit rapporteur spécial de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » sur les programmes « Infrastructures et services de transports » et « Affaires maritimes, pêche et aquaculture », aux côtés d'Hervé Maurey, comme l'était jusqu'à présent Marie-Claire Carrère-Gée.
La commission désigne M. Jean-Baptiste Olivier rapporteur spécial de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » sur les programmes « Infrastructures et services de transports » et « Affaires maritimes, pêche et aquaculture ».
La réunion est close à 10 h45.
La réunion est ouverte à 11 h 00.
Projet de loi de finances pour 2025 - Perspectives de l'économie française et la situation des finances publiques - Audition de Mme Anne-Laure Delatte, directrice de recherche au Centre national de la recherche scientifique (CNRS), rattachée à l'université Paris Dauphine-PSL (en visioconférence), M. Olivier Redoulès, directeur des études de l'Institut Rexecode, et Mme Natacha Valla, présidente du Conseil national de productivité (CNP)
M. Claude Raynal, président. - Grâce à cette audition commune consacrée aux perspectives économiques de la France et à la situation des finances publiques, nous allons nous pencher sur ce que pensent les économistes du budget pour 2025 qui est soumis à notre examen et sur son impact sur l'économie française. Nous entendons Mme Anne-Laure Delatte, directrice de recherche au Centre national de la recherche scientifique (CNRS), rattachée à l'Université Paris-Dauphine PSL, et qui se trouve en visioconférence ; M. Olivier Redoulès, directeur des études à l'institut Rexecode ; et Mme Natacha Valla, présidente du Conseil national de la productivité (CNP).
Le projet de loi de finances (PLF) pour 2025 est construit sur un ensemble d'hypothèses macroéconomiques formulées par le Gouvernement et sur lesquelles notre commission souhaite bénéficier de vos analyses, après avoir déjà entendu, le 11 octobre dernier, M. Pierre Moscovici en sa qualité de président du Haut Conseil des finances publiques (HCFP).
Pour redresser des finances publiques parvenues à un niveau de dégradation inédit, avec un déficit pour 2024 prévu pour l'instant à 6,1 % du PIB, le Gouvernement envisage dans le cadre du budget pour 2025 un effort structurel de 42 milliards d'euros, répartis entre 30 milliards d'euros de mesures nouvelles en prélèvements obligatoires et 12 milliards d'euros en baisses de dépenses. Cet effort est d'autant plus important que l'évolution spontanée des recettes serait, comme en 2023 et 2024, inférieure à celle du PIB. De ce fait, pour atteindre un ajustement structurel de 1,1 point de PIB - permettant le passage d'un déficit de 6,1 % à 5 % du PIB -, un effort structurel de 1,4 point de PIB, soit de 42 milliards d'euros, est nécessaire. Selon le Gouvernement, qui prend comme référence le « tendanciel » pour 2025, l'effort consenti pour atteindre un déficit de 5 % du PIB serait en réalité de 60 milliards d'euros. Je ne suis pas convaincu qu'il s'agisse de la bonne référence, et je pense même qu'il faut définitivement l'oublier pour clarifier nos débats.
Le Gouvernement prévoit une croissance du PIB de 1,1 % en 2025, alors même que l'ajustement structurel s'élève à 1,1 point de PIB. Selon le HCFP, cela signifie que la prévision de croissance sans cet ajustement serait de 1,7 %. Si l'on retenait comme base de calcul pour la détermination du niveau d'ajustement les 60 milliards d'euros sur lesquels communique le Gouvernement, cela signifierait que la croissance hors ajustement dépasserait les 2 % !
Cette prévision « hors ajustement » est bien plus élevée que la croissance en 2023 et 2024, bien plus élevée aussi que la croissance potentielle et que ce qu'anticipait le consensus des économistes dans sa dernière publication du 7 octobre dernier pour 2025, à savoir 1 %.
En somme, cela signifie ou bien que la prévision de croissance hors ajustement est trop élevée, ou bien que l'impact récessif estimé de l'ajustement envisagé est trop faible. L'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), qui a publié sa note de conjoncture peu de temps après le dépôt du PLF, estime ainsi que la croissance devrait s'élever non pas à 1,1 %, mais à 0,8 % du PIB. Madame Delatte, sans proposer de prévisions de croissance, vous avez vous-même dans un article récent estimé que l'impact récessif de l'ajustement budgétaire serait de - 0,6 point de PIB en 2025 et même de - 1,7 point en 2026.
Nous aimerions connaître votre sentiment à tous les trois sur le sujet.
Nous aimerions également connaître votre analyse du dérapage hors norme du déficit pour l'année 2024.
Enfin, pour déterminer les grandes lignes de son scénario macroéconomique, le Gouvernement a formulé diverses hypothèses. Selon lui, l'assouplissement de la politique monétaire opéré depuis juin dernier par la Banque centrale européenne (BCE) et qui devrait se poursuivre en 2025 permettrait un rebond de l'investissement, après une chute, en 2024, qui n'avait pas été anticipée par le gouvernement Borne et à propos de laquelle la commission des finances alertait pourtant. Par ailleurs, le Gouvernement mise sur une hausse de la consommation des ménages expliquée par le reflux de l'inflation et la baisse du taux d'épargne : une certaine prudence devrait pourtant être de mise en la matière. Le Gouvernement anticipe également une forte hausse des exportations. Que pouvez-vous nous en dire ?
Je vous rappelle que cette audition est retransmise sur le site internet du Sénat et les réseaux sociaux.
Mme Anne-Laure Delatte, directrice de recherche au Centre national de la recherche scientifique, rattachée à l'université Paris Dauphine-PSL. - Je me suis principalement intéressée aux effets macroéconomiques du budget.
Tout d'abord, j'ai examiné le rythme d'ajustement exigé par les règles européennes. Le déficit structurel primaire, c'est-à-dire le déficit qui n'inclut pas le paiement des intérêts, est égal à 3,6 % du PIB, selon les prévisions du PLF pour 2025. Or les règles européennes exigent de réduire le déficit structurel primaire à 0,8 % du PIB. Les nouvelles règles prévoient des garde-fous en matière de déficit et de dette, soit un rythme minimum, avec un ajustement à réaliser en sept ans maximum. Pour respecter tous ces critères, c'est-à-dire faire un effort d'ajustement de l'ordre de 3 points de PIB sur sept ans et respecter le rythme minimum d'ajustement qui correspond aux garde-fous, il faut réaliser un effort structurel autour de 0,6 point de PIB par an, pendant sept ans, ce qui représente un effort d'environ 16 à 19 milliards d'euros par an. Cela a été calculé avec la méthodologie de centre de réflexion Bruegel.
Or le rythme d'ajustement prévu par le PLF pour 2025 n'est pas linéaire : on commence par un effort de 1,4 point de PIB en 2025, soit 42 milliards d'euros, puis entre 0,5 et 0,6 point de PIB par an jusqu'en 2031, pour conclure par un effort de 0,25 point de PIB en 2031.
Ainsi, je fais deux constats : la stratégie française et les exigences européennes sont très différentes. La stratégie française prévoit un effort initial beaucoup plus important qu'exigé, avant un ajustement légèrement moindre que ce qu'exigent les règles pendant plusieurs années notamment en 2031. Cela peut se négocier mais ce n'est pas exactement respectueux de ce que demandent les règles européennes avec leurs garde-fous. À terme, le déficit et la dette sont bien réduits si tout va bien.
Le but de la stratégie française est de réduire le déficit structurel pour dégager des marges de manoeuvre avant toute prochaine crise, d'envoyer un message positif et volontariste aux investisseurs et sans doute, aussi, un signal politique de la part du gouvernement Barnier.
Les risques sont que l'ajustement cumulé est légèrement supérieur à ce qui est nécessaire, entre 2 et 27 milliards d'euros de plus que ce qu'exigent les règles européennes, selon les estimations de l'institut Avant-garde. Le deuxième risque est le coût social des effets récessifs, notamment au regard des suppressions d'emplois à venir. Enfin, le troisième risque est de rater la cible, car les plans d'économies augmentent l'endettement à court terme, du fait des effets récessifs.
J'en viens au paradoxe de l'effet récessif des plans d'économies. Quand les administrations font des économies, elles réduisent la demande dans l'économie, ce qui diminue le PIB. Quand l'État réduit sa dépense ou augmente les prélèvements obligatoires, cela a un effet sur une grande partie des ménages. Un plan d'économies réduit l'activité économique les années suivantes, car, du fait des effets de demande et de revenu, la consommation et l'investissement baissent.
Cela a deux implications. Il existe un effet sur les recettes : moins d'activité entraîne moins de recettes. En raison d'un effet multiplicateur, des économies de dépenses à hauteur de 10 milliards d'euros réduiraient l'activité de 7,8 milliards d'euros l'année suivante. Cela conduit selon mes calculs à une évaporation de recettes de 4,4 milliards d'euros. Ainsi, pour 10 milliards d'euros, le déficit primaire ne baisse que de 5,6 milliards d'euros, alors qu'entretemps 15 000 emplois ont été supprimés.
Le second effet porte sur les ratios : moins d'activité augmente les deux ratios dette/PIB et déficit/PIB. Si le PIB baisse plus vite que la dette et le déficit, les ratios augmentent. Ainsi, si on part d'un déficit de 50 milliards d'euros, r 10 milliards d'euros d'économies de dépenses permettrait au déficit d'atteindre 44 milliards d'euros,. La dette passerait de 1 000 à 1 044 milliards d'euros et le PIB de 1 000 à 1 006 milliards d'euros. Ainsi, le déficit va baisser moins que les économies réalisées, le chômage va augmenter et la dette risque aussi d'augmenter à court terme.
Vous avez fait allusion, monsieur le président, à un article que j'ai publié la semaine dernière. J'ai effectivement estimé les effets macroéconomiques du PLF pour 2025, en ligne avec les prévisions de l'OFCE, en « traduisant » le texte initial du PLF en impulsions budgétaires.
La baisse des dépenses publiques de 12 milliards d'euros - soit 0,4 % du PIB - prévue par le PLF est à mettre en perspective avec des augmentations de prélèvements obligatoires à hauteur de 30 milliards d'euros ; une augmentation de l'impôt sur les sociétés (IS) qui doit rapporter 8,5 milliards d'euros - soit 0,3 % du PIB - ; une réduction des exonérations de cotisations sociales, ce qui correspond à augmentation des cotisations versées par les employeurs à hauteur de 0,1 % du PIB ; une hausse de l'impôt sur le revenu (IR) pour la tranche la plus élevée à hauteur de 0,1 % du PIB, et enfin une augmentation de la taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité (TICFE). Il y a encore d'autres économies dont la nature n'était pas précisée par le Gouvernement au moment du calcul.
Le modèle sur lequel je m'appuie est le modèle macroéconomique de l'économie française développé par le Trésor et l'Insee, dit « Mésange » (modèle économique de simulation et d'analyse générale de l'économie). Ledit modèle permet d'apprécier l'effet multiplicateur que j'évoquais précédemment : lorsque les dépenses sont réduites de 1 euro, le PIB se voit diminué de 78 centimes la première année, cette baisse étant appelée à être plus importante la deuxième année, soit en 2026.
La réduction des dépenses et la hausse des prélèvements obligatoires auraient pour conséquence une diminution des revenus des ménages, tandis que les carnets de commandes des entreprises seraient indirectement affectés par une moindre consommation des ménages et directement touchés par une diminution de la commande publique. Cet effet augmenterait dans le temps, car la baisse de la demande serait progressive. Si je me suis limitée aux deux premières années en raison des incertitudes politiques et de la difficulté de bâtir des projections à cinq ans, le modèle Mésange fait l'hypothèse que les effets des réductions de dépenses, loin de s'estomper, perdureraient et augmenteraient pendant cinq ans.
Pour ce qui est des effets macroéconomiques de l'impulsion budgétaire et fiscale du PLF pour 2025, le PIB augmenterait moins que prévu en 2025, avec une croissance qui ne serait que de 0,6 % pour une prévision de 1,2 %. Par conséquent, les recettes augmenteraient moins que prévu en ne progressant que de 0,3 point par rapport au scénario sans ajustement. Au total, pour 42 milliards d'euros d'économies, 10 milliards d'euros de recettes s'évaporeraient du fait des effets récessifs, d'où une diminution du déficit primaire d'environ 32 milliards d'euros.
En outre, la dette publique passerait de 113 % du PIB à 114,8 % du PIB, alors que les effets récessifs s'accentueraient en 2026, avec une variation du solde primaire qui ne serait pas loin de zéro en raison du ralentissement combiné de l'activité et des recettes. On pourrait continuer l'exercice pour 2026 puisque la stratégie pluriannuelle a déjà été établie. Si on fait un effort structurel de 0,5 point, on baissera de 0,6 ou 0,7 le solde primaire. À chaque fois qu'on fera des économies, on accentuera les effets récessifs. Il faudra donc prêter attention à l'effet récessif des réductions de dépenses.
M. Olivier Redoulès, directeur des études de l'institut Rexecode. - Merci de nous accueillir pour cette table ronde. En première réaction aux propos qui viennent d'être tenus, le modèle Mésange est extrêmement perfectionné et intéressant pour comprendre les effets à court et à moyen terme des différentes mesures fiscales, mais il présente au moins deux limites, à commencer par le fait de ne pas différencier les mesures. Or, quoi que l'on pense des mesures envisagées par le Gouvernement, ce dernier a essayé d'en limiter l'effet sur la conjoncture.
Par ailleurs, Anne-Laure Delatte ne semble pas avoir considéré l'effet positif à attendre sur les taux d'intérêt, le modèle Mésange donnant pourtant des estimations assez fortes de l'impact que pourrait avoir, par exemple, une hausse de 100 points de base des taux d'intérêt. Cette intégration du sujet des taux viendrait minorer assez fortement ce débat sur les effets de court terme : si vous perdez un peu de croissance à court terme, mais gagnez trois points de PIB à moyen terme, la question se posera forcément autrement, à la fois en termes d'activité économique et de recettes.
Sur le plan international, l'Europe reste dans une situation de croissance ralentie par rapport à la Chine et aux États-Unis, les trajectoires de croissance divergeant fortement. Le choc inflationniste semble se réduire, mais peut-être pas aussi fortement que ce que nous pensions, notamment aux États-Unis où les salaires continuent à être relativement dynamiques. Les taux d'intérêt pourraient rester élevés pendant assez longtemps, comme le montrent les mouvements à la hausse et à la baisse des anticipations de marché sur les taux d'intérêt ; parallèlement, la fragmentation du commerce mondial va sans doute au-delà du simple contrecoup du boom post-crise habituellement observé, dans la mesure où l'on observe une divergence entre la trajectoire du PIB mondial et celle du commerce mondial.
La Chine et les États-Unis accusent des déficits considérables et sollicitent une épargne mondiale qui est elle-même moins excédentaire qu'une dizaine d'années plus tôt : nous sommes structurellement sortis d'un monde où les taux d'intérêt réels étaient négatifs pour aller vers des taux d'intérêt clairement positifs, ce qui modifie la problématique de la consolidation budgétaire. En effet, lorsque les taux d'intérêt réels sont négatifs, la consolidation n'est guère utile à court ou à moyen terme dans la mesure où le ratio de dette publique baisse de manière un peu automatique. Ce n'est cependant plus le cas et nous ne savons pas quand nous sortirons de cette phase caractérisée par des taux positifs.
La France suit globalement la trajectoire de PIB moyenne de la zone euro depuis 2019, l'une des situations extrêmes étant celle de l'Allemagne, qui stagne littéralement puisque son PIB se situe exactement au même niveau que fin 2019 : on peut parler pour ce pays d'une demi-décennie perdue. En revanche, la majorité de nos voisins se sont montrés plus dynamiques que nous.
Avant la présentation du budget, l'institut Rexecode avait anticipé une croissance de 0,7 % en 2025, avec une légère diminution de l'emploi liée au redressement de la productivité, une inflation en recul et une légère reprise de la consommation des ménages, tandis que l'investissement productif devait continuer à baisser.
De manière assez étonnante, la demande interne française a été essentiellement soutenue par la dépense publique sur la période récente. En contrepoint, la consommation a été quasiment plate, tandis que l'investissement des entreprises est en repli depuis le milieu de l'année 2023. En matière d'investissement des entreprises, sur la décennie écoulée, la France avait pourtant suivi à peu près la même tendance que les États-Unis, mais l'écart a commencé à se creuser à cette date. À ce sujet, notre enquête menée avec Bpifrance en septembre 2024 montre que la moitié des très petites entreprises (TPE) ainsi que des petites et moyennes entreprises (PME) ont repoussé ou annulé des projets d'investissements et d'embauches en raison des incertitudes politiques.
Notre diagnostic, qui se rapproche de celui du Gouvernement, consiste à dire que la France est assez proche de son potentiel de croissance, avant la consolidation budgétaire - c'est-à-dire que c'est un potentiel qu'on atteint avec un déficit de 6 points de PIB. Notre modèle, calqué sur celui qui est utilisé par la Commission européenne, montre que l'écart de production - qui mesure la différence entre le PIB effectif et son niveau potentiel - est quasiment nul. La croissance du PIB s'établit autour de 1,1 % en 2024, en deçà de l'évaluation elle-même réévaluée à la baisse du Gouvernement, à 1,2 %.
J'en viens au programme d'ajustement lui-même, en rappelant qu'il convient de raisonner par rapport à des « tendances ». Ainsi, la diminution des dépenses à hauteur de 40 milliards d'euros interviendrait dans le cadre d'une tendance très dynamique des dépenses, qui auraient continué à croître en volume. Les prélèvements sont aussi en hausse par rapport à une tendance elle-même dynamique. Il faut aussi rappeler que le montant de 40 milliards d'euros affiché pour les dépenses comprend des diminutions d'allégements, donc des hausses de cotisations, donc de prélèvements obligatoires. D'après nous, l'effort structurel s'élève à environ 45 milliards d'euros, dont 27 milliards d'euros en recettes et 18 milliards d'euros en dépenses. Le calcul du HCFP est différent, mais identifie lui aussi une majorité de recettes.
Sur les 35 milliards d'euros de dépenses prévues, deux tiers ne sont pas connus ou incertains, seuls 12 milliards d'euros étant à peu près sûrs - et encore, l'avis du HCFP montrant que, malgré une annulation de crédits, les crédits reportés permettent de faire progresser la dépense et d'avoir des surprises. De surcroît, l'État n'a pas véritablement la main sur les dépenses des collectivités territoriales : même s'il peut freiner les ressources, il n'est pas certain que l'on aboutisse réellement à des baisses de dépenses. Enfin, 11 milliards d'euros correspondent à des mesures non documentées.
Les prélèvements, quant à eux, touchent majoritairement les entreprises. Si l'on inclut dans le calcul des mesures déjà programmées telles que la fin du bouclier tarifaire, ce sont 85 % - et non pas 70 % - des nouveaux prélèvements qui vont porter sur les entreprises, ce qui pose un vrai problème du point de vue de la croissance à court et à moyen terme.
Deux scénarios sont envisageables. Dans le premier, en intégrant un déficit de 6 % pour être au potentiel de croissance, cela signifie que notre potentiel de croissance soutenable est moindre. Nous pourrions être contraints de nous ajuster sur une trajectoire structurelle de PIB plus basse et vivre une situation équivalente aux pays qui ont connu des bulles immobilières, avec un ajustement venant corriger une phase de dopage de l'économie par le crédit.
Dans un second scénario, plus positif, nous pourrions considérer que ces 6 points de déficit freinent l'économie et qu'une consolidation budgétaire passant par des réformes structurelles pourrait aboutir à une croissance du PIB qui serait supérieure.
Je suis, pour ma part, agnostique s'agissant de ces deux trajectoires, qui dépendront beaucoup de la nature des mesures qui seront choisies. Ces observations nous ramènent à la composition du plan et aux 10 milliards d'euros de hausses de prélèvements qui vont pénaliser la compétitivité. Par exemple, la CVAE est maintenue jusqu'en 2028 alors qu'elle aurait dû être supprimée. Par ailleurs, la surtaxe d'IS, qui revient à un prélèvement sur la capitalisation boursière des entreprises, et la hausse du coût du travail affecteront la rémunération des facteurs de production et enverront un signal aux investisseurs, qui intégreront dans leur calcul de rentabilité une ponction tous les dix ans. Par ailleurs, les principales baisses de dépenses connues - telles que le décalage de la revalorisation des retraites - auront des effets plutôt neutres sur l'activité à moyen terme.
S'agissant de la croissance pour 2025, il existe une importante incertitude sur le niveau des « multiplicateurs budgétaires », un débat qui avait déjà été lancé par Olivier Blanchard en 2013. La situation est cependant très différente de celle de 2013, période de trappe à liquidité durant laquelle les taux d'intérêt étaient bloqués à zéro et qui était marquée par un mouvement de désendettement. Aujourd'hui, la position dans le cycle et la trajectoire baissière des taux d'intérêt réels et nominaux plaident en faveur de multiplicateurs plus faibles ; de plus, la nature des mesures atténue fortement l'effet récessif à court terme. À l'inverse, l'incertitude sur la fiscalité et la capacité productive future fait peser une véritable menace sur l'activité.
La hausse des cotisations va toucher les secteurs intensifs en main d'oeuvre, qui ne disposeront pas nécessairement de la possibilité de la répercuter sur les prix, notamment si leurs clients sont publics. En outre, certaines baisses de dépenses sociales et hausses d'impôts vont toucher des ménages financièrement contraints, tandis que la baisse des dépenses des administrations affectera mécaniquement le PIB. Certaines mesures ne sont pas encore connues.
En conclusion, j'ai le sentiment que le sujet est moins de court que de moyen terme. Il faudra conserver des marges de manoeuvre, car l'effort pourrait s'avérer insuffisant pour tenir la trajectoire. On peut estimer qu'il ne faut pas faire tout l'ajustement en début de période. Dans un monde idéal, on fait des réformes qui soutiennent la croissance, et on ajuste les finances publiques lorsque la situation est bonne. Ces marges n'existent pas en raison d'une inaction passée, à la fois depuis longtemps et sur la période la plus récente : une partie de la surprise sur le déficit n'en était pas vraiment une et tenait au fait que dans les documents du Gouvernement, il y avait 1,5 point de PIB de mesures à déterminer. Un tel niveau sur deux ans pose question. On peut cependant avoir intérêt à accélérer les choses car plus on retarde l'ajustement, plus la dette s'accumule. Or elle est sans doute scrutée de plus près que le déficit par les marchés financiers.
Mme Natacha Valla, présidente du Conseil national de productivité. - Merci de m'avoir invitée pour traiter ce sujet, inscrit à la fois dans l'actualité et dans une problématique de long terme pour notre pays.
J'aborderai plusieurs points, le premier ayant trait aux très forts effets des conditions initiales qui façonnent le débat budgétaire actuel dans notre pays, avec un ratio dette/PIB très élevé et la persistance d'un déficit primaire qui prend, en particulier cette année, des proportions inattendues et préoccupantes. Plus globalement, le Fonds monétaire international (FMI) vient de publier le numéro d'automne du Moniteur des finances publiques, qui évoque un record sans précédent de la dette publique depuis qu'on collecte cette donnée : celle-ci représente désormais 100 trillions de dollars et 93 % du PIB mondial. Au-delà des grands endettés que sont la Chine et les États-Unis, d'autres pays avancés sont concernés, dont le nôtre. Les exercices de soutenabilité de la dette, devenus très sophistiqués et incluant notamment des facteurs liés au passif contingent, sont explosifs quasiment partout, rendant la perspective générale sur l'endettement public assez défavorable. La publication fait également référence au concept de « dette à risque », qui met en perspective les chiffres de la dette avec les facteurs et aléas déjà évoqués : les taux d'intérêt, la croissance, etc.
Le deuxième point renvoie à la problématique de la trajectoire à moyen terme des dépenses, déjà évoquée par le « rapport Arthuis », remis par la commission sur l'avenir des finances publiques. Publié en 2021, ce document reste néanmoins d'actualité, ses annexes fournissant notamment des idées et des recommandations en matière de maîtrise de la trajectoire des dépenses à moyen terme.
La baisse du déficit structurel est un objectif prioritaire par rapport à cet enjeu de soutenabilité de la dette, sans oublier une question de gouvernance de moyen terme puisque la situation française est compliquée, notamment pour ce qui concerne la maîtrise des finances publiques au niveau des collectivités locales. Plus globalement, l'efficacité de la dépense publique doit être débattue : même si je comprends qu'un temps considérable soit consacré à la discussion sur la ventilation des dépenses, il serait essentiel d'en accorder autant à la mesure de leur efficacité.
J'en viens au troisième point, qui porte sur l'arbitrage nécessaire entre, d'une part, le caractère justifié de la dette pour lisser les chocs macroéconomiques dans le temps, notamment à l'occasion de crises ; d'autre part, la capacité à déployer des moyens pour construire la croissance potentielle de demain, elle-même un facteur de premier ordre pour la soutenabilité de la dette.
S'agissant du débat portant sur les multiplicateurs, j'aimerais mettre en avant des travaux moins visibles et relatifs à des multiplicateurs bien plus granulaires. En particulier, quand on ventile l'effet sur la croissance des différents postes de la dépense publique, on constate d'importantes différences. Le multiplicateur de l'investissement est ainsi très régulièrement considéré comme étant supérieur à un. Cela signifie que la réduction des investissements va casser la croissance à court terme. La meilleure raison pour ne pas y procéder est que, en raisonnant sur la ventilation des dépenses, une diminution des investissements affectera la trajectoire de croissance et la croissance potentielle, qui n'est déjà pas fameuse, comme le relevait justement Olivier Redoulès.
J'en viens aux questions de compétitivité et de productivité, en soulignant l'importance d'évaluer l'impact des mesures fiscales pour les performances de notre pays. Concernant la productivité, la France n'est pas dans sa meilleure forme - tout comme l'Allemagne et l'Espagne, certes -, mais se situe à rebours de l'Italie, des États-Unis et du Royaume-Uni, puisque notre productivité par tête et par heure travaillée est encore en deçà des niveaux d'avant la crise covid, soit une faiblesse persistante qui est tout à fait cohérente avec les estimations de croissance potentielle.
Une analyse détaillée de ces contre-performances de productivité permet de constater que les secteurs de la construction, du commerce et de nombreuses branches industrielles ont eu une contribution fortement négative dans ce mouvement ; à l'inverse, les secteurs de la communication, de l'information et de l'agriculture ont plutôt contribué de manière positive.
La ventilation des facteurs conjoncturels autour de cette faiblesse de la croissance de la productivité laisse apparaître que la proportion prise par l'apprentissage - sans critiquer ce dispositif - a eu un impact à court terme sur la croissance de la productivité. En outre, les mesures de soutien adoptées pour faire face à la crise sanitaire et à la crise énergétique ont contribué à maintenir un statu quo qui n'a pas été favorable à la performance en termes de productivité. La fin de ces mesures temporaires devrait générer une dynamique et libérer des équilibres économiques plus spontanés.
J'en termine avec la compétitivité, en rappelant que l'environnement international s'est fortement modifié et que la Chine a perdu des parts de marché dans le commerce mondial, tandis que la position de la France s'est améliorée. Nous gagnons des parts de marché, même si le solde de nos comptes courants reste négatif, la situation de l'Allemagne étant un facteur important pour notre compétitivité relative et notre performance commerciale. De surcroît, nous sommes devenus plus compétitifs sur les prix, le coût du travail ayant diminué en termes relatifs par rapport à nos partenaires commerciaux. En contrepoint, notre compétitivité hors prix ne s'est pas améliorée.
En résumé, la performance de la France sur les marchés mondiaux en matière commerciale et d'attractivité des capitaux et des investissements étrangers constitue l'un des rares facteurs favorables à l'heure actuelle,. J'estime qu'il faut intégrer ces éléments à la réflexion budgétaire et fiscale actuelle : certains de nos voisins se portent moins bien qu'avant et nous pouvons capitaliser sur des mesures qui ont été favorables aux entreprises et, de fait, à la croissance. Je dresse ce constat de façon très agnostique, rappelant simplement que nous avons besoin de la croissance pour assurer la stabilisation de la dette et l'équilibre des comptes publics.
En conclusion, j'attire votre attention sur le fait que la BCE n'est plus là pour acheter notre dette publique, pour la première année pleine. S'agissant du policy mix, le desserrement monétaire qui se dessine avec la diminution des taux d'intérêt peut compenser un resserrement budgétaire, mais restons vigilants par rapport aux facteurs spécifiques à notre pays, en particulier à l'égard de primes de risques qui sont plus élevées que par le passé.
M. Claude Raynal, président. - Merci pour vos trois exposés qui englobent des problématiques et des sujets plus larges que les réponses plus immédiates que nous recherchons dans le cadre du débat sur le PLF pour 2025, même si les conclusions à en tirer sur le plan des décisions politiques à court terme n'ont rien d'évident.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Nous sommes en effet à la recherche d'éclairages et je note que deux des trois économistes ont affiché une position agnostique, ce qui me préoccupe compte tenu de la nature du débat et de l'ampleur des ajustements à effectuer. On a plutôt retrouvé de la compétitivité, mais la productivité ne s'est pas suffisamment rétablie, et finalement nos comptes publics se sont très sensiblement dégradés et le niveau de la dette est inquiétant. D'après le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, que nous avons reçu le 11 octobre, l'économie française a bien résisté, mais à quel prix ?
Lorsque Mme Delatte a indiqué que le freinage de la dépense publique risquait de ralentir la croissance, je n'ai pas pu m'empêcher de penser que nous aurions dû enregistrer une croissance exceptionnelle ces dernières années au regard de l'ampleur des dépenses engagées. Je reste interrogatif.
De manière générale, notre objectif consiste à trouver des solutions pour redresser la situation et permettre au pays de retrouver confiance en lui-même, ce qui représente à mon avis la moitié du chemin.
D'après vous, le taux d'épargne des ménages pourrait-il se maintenir à un niveau élevé, ou au contraire refluer ?
Par ailleurs, le redressement observé sur le plan du commerce extérieur tient-il à des facteurs exogènes, notamment la tendance à la baisse de l'euro, ou à un renforcement de la compétitivité de l'appareil productif français ?
Comment l'accélération du dérapage du déficit public s'explique-t-elle en si peu de temps ?
Enfin, quel regard portez-vous sur la possibilité d'introduire une part de financement hors marchés de la dette publique sous une forme ou une autre ?
Mme Florence Blatrix Contat. - En réalité, trois questions se posent : le montant de l'ajustement budgétaire à réaliser - qui est cadré au niveau européen -, le rythme à suivre et l'identification de ceux qui doivent porter l'effort.
Certes, les entreprises porteraient une large part de l'effort. Mais comment expliquez-vous que la productivité n'ait pas été au rendez-vous ces dernières années, alors que plusieurs allègements de charges ont été octroyés aux entreprises, ainsi que des aides substantielles, notamment via le crédit d'impôt recherche (CIR) ? Une annulation de la politique de l'offre aurait-elle vraiment un effet sur la compétitivité ?
Quel rythme d'ajustement budgétaire faut-il suivre ? Madame Delatte a évoqué un effet de 0,6 point en 2025 et en cumulé 1,5 point en 2026. Les effets récessifs du scénario prévu, impliquant un effort très important la première année, se poursuivront-ils ? Faut-il se caler plutôt sur le calendrier européen ou suivre le rythme prévu par le Gouvernement ?
M. Vincent Capo-Canellas. - Mme Delatte a mentionné un ajustement budgétaire à 42 milliards d'euros, impliquant 30 milliards d'euros de recettes et 12 milliards d'euros de réduction des dépenses publiques. M. Redoulès a évoqué, pour sa part, un ajustement de 45 milliards d'euros, moyennant 27 milliards d'euros de prélèvements supplémentaires et 18 milliards d'euros de réduction des dépenses publiques. Pourquoi de tels écarts ?
Un effort aussi important est-il nécessaire dès la première année ? Le réglage prévu entre l'ajustement budgétaire visé et le maintien de la croissance est-il le bon ? Cette politique pourrait avoir un effet récessif trop important, ce qui condamnerait la suite du processus. Ne faudrait-il pas prévoir un effort moins important la première année, et agir davantage pour réduire les dépenses, si tant est que cela soit possible ?
Les alourdissements de taxes ne risquent-ils pas de pénaliser, par contrecoup, certains secteurs comme le tourisme, par exemple, qui souffrirait des conséquences des hausses des taxes pesant sur le transport aérien ? De même, les mesures envisagées ne risquent-elles pas d'affaiblir les capacités d'investissement des collectivités locales ?
M. Thierry Cozic. - Madame Delatte, où devrait-on porter l'effort pour neutraliser l'impact économique des mesures annoncées : sur les recettes ou sur la réduction des dépenses publiques ?
M. Grégory Blanc. - Le groupe TotalEnergies, qui dispose d'importantes liquidités, vient d'annoncer un rachat massif d'actions en 2024 et 2025. En quoi une augmentation de l'IS sur les plus grandes sociétés pourrait-elle avoir un impact récessif sur l'économie française ?
Par ailleurs, il existe en économie un phénomène connu : ceux qui ont de faibles revenus présentent une plus forte propension à consommer, quand les détenteurs de revenus plus élevés ont davantage tendance à épargner. Or la Banque de France souligne que l'épargne des Français est majoritairement placée aux États-Unis. Qu'en pensez-vous ?
M. Jean-Baptiste Olivier. - Je me méfie toujours des analyses keynésiennes, même si elles s'avèrent parfois pertinentes. Diminuer la dépense aura certes des conséquences sur l'économie. Toutefois, toutes les dépenses ne se valent pas : un euro dépensé n'a pas la même efficacité partout.
Selon le principe du multiplicateur d'investissement, un euro d'investissement produit davantage qu'un euro de PIB. Mais s'agit-il d'investissement privé, public, ou des deux ? L'investissement public produit-il autant que l'investissement privé ?
M. Thomas Dossus. - Le coup de rabot prévu sur les collectivités territoriales, qui réduira leur capacité d'investissement, aura-t-il un impact plus important que d'autres coupes budgétaires sur notre croissance à venir ?
M. Victorin Lurel. - Il me semble que deux visions s'opposent : d'un côté, une politique appuyée sur une dépense publique importante, qui n'a pas généré, comme le rapporteur général le soulignait, la croissance espérée, et, de l'autre, une politique qu'il faut bien qualifier d'austéritaire, aux conséquences sociales considérables.
Madame Delatte, sur quel modèle économique vous êtes-vous appuyée pour décrire les effets récessifs que vous avez exposés ?
Vous avez dit par ailleurs qu'il ne fallait pas prévoir un effort aussi important dès la première année. Le risque est d'avoir un ajustement très récessif qui dure même au-delà de sept ans. Quel est le bon rythme en matière d'ajustement budgétaire ? Aurait-il fallu commencer plus progressivement ? Quelle est la bonne politique économique à suivre pour obtenir des effets économiquement moins coûteux et socialement moins difficiles ?
Mme Natacha Valla. - Le placement de l'épargne européenne et française aux États-Unis est un sujet important, pour la France comme pour l'Europe. Ce ne sont pas vraiment les riches qui achètent des actions américaines. Les banques et les assureurs vont chercher du rendement dans des classes d'actifs peu risquées et peu rémunératrices, en l'occurrence les obligations américaines. Ce phénomène se retrouve clairement dans la balance des paiements. Les Américains ont quant à eux une capacité d'endettement très forte : le dollar est encore la monnaie dominante. Ils consomment une partie de cet argent collecté, mais ils l'investissent aussi à l'étranger dans des classes d'actifs plus risquées et donc plus rentables. Nous avons mené des travaux avec la BCE, qui montrent un dividende de risque, sur ce différentiel de rendement entre l'épargne absorbée par les États-Unis et ensuite réinvestie dans le monde, qui rapporte aux États-Unis entre 2 % et 3 % de rendement par an. Le problème de l'allocation de notre épargne est effectivement central. Plusieurs systèmes ont été envisagés pour y remédier : dans le rapport Draghi, par exemple, ou le rapport Letta sur l'Union des marchés de capitaux.
Le multiplicateur d'investissement est un multiplicateur d'investissements publics agrégés, qui a un effet d'entraînement important pour l'investissement privé. Il n'a donc pas d'effet d'éviction mais plutôt un effet de catalyse. La dépense publique gagne ainsi en efficacité. Je ne militais pas pour préserver l'ensemble des investissements publics en l'état, mais pour revoir la ventilation des dépenses publiques en faveur de l'investissement.
La nécessité de lisser l'effort budgétaire dans le temps peut s'entendre, au vu de l'effet récessif immédiat des politiques envisagées. Cependant, cela fait longtemps que l'on n'a pas entendu parler d'effort dans le pays pour la saine gestion des finances publiques. Il ne faudrait pas non plus brouiller ce signal positif par un ralentissement. Il est vrai néanmoins qu'un arbitrage est à réaliser.
La performance de la France en matière de commerce extérieur est un peu moins mauvaise qu'auparavant du fait notamment de facteurs exogènes, notamment les moindres résultats de l'Allemagne et de la Chine. Toutefois, et même s'il faut avoir du discernement sur les mesures, si nous n'avions pas eu des politiques favorables à l'offre, nous n'aurions pas été en mesure de capter cette opportunité donnée par les circonstances extérieures.
Par ailleurs, le CNP creusera la question du coût du travail.
Enfin, pour ce qui concerne le financement de la dette, il peut être tentant de chercher d'autres sources de financement que les marchés, a fortiori au vu de l'importance de notre épargne. Cela s'est fait dans l'histoire donc tout se regarde. Les marchés restent néanmoins la source de financement à privilégier, tant que l'on parvient à se financer à des taux d'intérêt corrects. Les primes de risque assignées à notre pays, c'est-à-dire le « facteur pays », vont nous le dire, et elles dépendent elles-mêmes du signal qu'on enverra collectivement en tant que pays sur la saine gestion de nos finances.
M. Olivier Redoulès. - L'emploi du terme « agnostique » signifie que l'on a conscience des limites de la science économique et que l'on admet, sur tel ou tel sujet, que l'on ne sait pas répondre : soit par manque de recul, soit en raison de la complexité des mesures mises en place. En ce cas, il vaut mieux miser pour la prudence.
Le taux d'épargne en France est plus élevé que la moyenne européenne, laquelle a augmenté, alors qu'elle a diminué aux États-Unis. Si on exclut les gens les plus financièrement contraints, des mesures qui freineraient les revenus des ménages auraient donc sans doute assez peu d'effet sur la consommation. La grande protection accordée jusqu'à présent aux ménages a d'ailleurs surtout servi l'épargne et moins la consommation, ce qui tend à limiter l'effet multiplicateur de l'épargne à très court terme. Tout dépend toutefois de la façon dont les mesures sont calibrées.
On observe un redressement des indicateurs de parts de marché en matière de commerce extérieur. À titre d'exemple, Airbus avait pris du retard dans la remise en ordre de ses chaînes de production. De bonnes surprises pourraient survenir dans les mois à venir. Il y a une part de rattrapage, mais des améliorations sont aussi survenues en matière de coût du travail dans presque tous les secteurs. Ce n'est toutefois pas forcément le cas dans les secteurs manufacturiers, dans lesquels l'Italie, par exemple, fait des miracles.
Pourquoi le déficit public a-t-il dérapé récemment ? L'avis du HCFP paru en avril 2024 relatif aux prévisions macroéconomiques associées au programme de stabilité pour les années 2024 à 2027 nous conduisait déjà vers un effort d'ajustement budgétaire de 1,5 point de PIB, soit 45 milliards d'euros. Les 15 milliards d'euros restant semblent venir des collectivités, avec des recettes parfois meilleures et parfois pires que prévu.
Le Gouvernement a annoncé un déficit public à 7 % du PIB en 2025 si rien n'est fait. Or cela suppose une dynamique de la dépense publique en volume plus forte que le PIB, soit 2,8 %. Il faut voir comment cette hypothèse a été construite, mais cela peut témoigner d'une forme de prudence de la part du Gouvernement.
Concernant le financement de la dette, je ne crois pas qu'il faille s'attendre à des coûts moins élevés hors marché que sur les marchés. La France accède encore aux marchés dans de bonnes conditions, moyennant un taux d'intérêt à 3 %, soit un taux plus favorable que celui qui était prévu en 2022 dans le projet de loi de programmation des finances publiques 2023-2027. L'augmentation des taux d'intérêt a donc été moindre que prévu. Il y a un peu de spread par rapport à l'Allemagne, mais en termes absolus les taux restent assez faibles.
Le rythme d'ajustement budgétaire annoncé agit comme un signal. Il a également un effet sur la dynamique de la dette. Cependant, il est vrai que la Commission européenne laisse une certaine marge pour étaler l'ajustement sur plusieurs années, à condition de présenter un plan et des réformes crédibles. Il serait donc possible de plaider pour un étalement de l'ajustement sur sept ou huit ans. Cela impliquerait toutefois une poursuite de l'augmentation de la dette. Il faut être prêt à l'assumer et à convaincre les marchés.
J'en viens aux différences de montant relevées dans mon propos par rapport à la présentation d'Anne-Laure Delatte. Le rapport économique, social et financier (RESF) mentionne 30 milliards d'euros de prélèvements, parmi lesquels 3 milliards d'euros concernent les collectivités. Or il ne s'agit pas, à mon sens, de prélèvements, mais de mesures de frein de dépenses. C'est pourquoi j'évoque plutôt une somme de 27 milliards d'euros. On arrive ensuite à la somme de 44 milliards d'euros retenue pour l'ajustement : la partie relative à la réduction de la dépense publique, elle tient compte à la fois de la hausse de l'ordre de 10 milliards d'euros de la charge de la dette et de l'effet de moindre recette spontanée par rapport à ce qu'on pouvait attendre avec une élasticité des prélèvements obligatoires au PIB de 1.
À quelques exceptions près, je ne crois pas par ailleurs que l'augmentation de l'IS ait des effets récessifs. En revanche, à moyen terme, elle peut avoir un effet sur le potentiel de croissance.
Vous avez évoqué le transfert de l'épargne vers les États-Unis. La rentabilité de l'épargne est un sujet important. L'augmentation de l'IS réduira les dividendes ou le patrimoine valorisé des entreprises, ce qui limitera les investissements - même si ce n'est pas sûr à très court terme. De plus, à moyen terme, elle induira un risque sur le rendement attendu. La décision de TotalEnergies de se coter à New York est à comprendre dans ce contexte.
Les collectivités sont en outre l'un des premiers canaux d'investissement public. Le multiplicateur d'investissement dépend beaucoup de la qualité de la dépense et de la gouvernance dans laquelle il s'inscrit. Si la dépense effectuée est tournée vers un vrai projet - qui pourrait être du « fonctionnement », comme l'éducation dont on peut s'interroger s'il s'agit vraiment d'une dépense de cette nature du point de vue de l'économiste -, qui génère un retour sur investissement, son effet peut être très élevé.
Mme Anne-Laure Delatte. - Comme cela a été souligné, l'important effort budgétaire immédiat demandé risque d'avoir un effet récessif. La question se pose donc de savoir quelle est la stratégie à suivre.
Il est nécessaire de réduire le déficit, en raison de nos engagements européens et pour préparer le pays à l'avenir. Plusieurs chocs comme celui de la crise du covid-19 risquent en effet de survenir. Nous devons avoir la capacité de nous endetter pour y faire face. Les organisations internationales, comme le FMI, anticipent d'ailleurs une hausse des dettes publiques pour cette raison.
S'agissant des effets récessifs sur le PIB, ils s'élèveraient à 1,5 point en 2026, La baisse des taux d'intérêt ne suffira pas à compenser cette évolution négative. Et ce constat est fait sans même retenir l'effort de 2026. Or, cette année-là, il faudra continuer à augmenter les prélèvements obligatoires ou trouver de nouvelles dépenses publiques à supprimer.
J'utilise le modèle Mésange développé par l'Insee et la direction générale du Trésor, qui y a par ailleurs également recours. Il est keynésien à court terme, mais ne l'est plus ensuite. La demande joue en effet au départ, avant que l'offre prenne le relais.
Les efforts devraient porter là où les multiplicateurs sont les plus bas. Les économies réalisées devraient avoir le moins d'impact possible sur l'activité. Comme le multiplicateur d'investissement peut être supérieur à 1, toute suppression de dépense d'investissement risque de s'avérer contre-productive, c'est-à-dire qu'on va tellement réduire l'activité que cela finira par réduire davantage les recettes que les économies qui ont été faites. Il ne faut pas non plus agir sur la TVA, qui est payée par l'ensemble des ménages, car cela affecterait les revenus de ceux qui ont la plus grande propension à consommer. En ce sens, augmenter la taxe sur l'électricité n'est pas une bonne idée. Il vaut mieux se tourner vers les ménages percevant les revenus les plus élevés, car ils présentent une plus grande propension à épargner.
L'idée serait donc de chercher les multiplicateurs les plus faibles, dans les multinationales qui optimisent leur fiscalité et chez les hauts patrimoines. Or il est très surprenant de constater que le budget pour 2025 ne prévoit aucune contribution de ces derniers, que ce soit par un impôt sur la fortune ou par un impôt sur les hautes successions. Pourtant, si l'on ponctionne une partie du patrimoine des plus fortunés, cela n'affectera pas leur consommation, car celle-ci est déjà bien inférieure à leurs capacités. Un impôt sur les multinationales et un autre sur les hauts patrimoines pourraient donc être envisagés.
S'agissant de l'impact de certaines mesures sur la compétitivité et l'investissement, le CIR a peu, voire pas d'effet, sur l'investissement. Les exonérations de cotisations sociales accordées au-delà d'un certain seuil n'ont pas d'effet. Il serait donc possible de revenir sur toutes ces mesures sans affecter l'économie.
Le montant issu de l'ensemble de ces prélèvements nouveaux et de ces réductions de dépenses pourrait s'élever à environ 50 milliards d'euros. Je recommanderais de prélever 18 milliards d'euros sur cette somme pour réduire le déficit la première année, et faire de la dépense d'investissement, tournée en particulier vers la transition, qui souffre d'un déficit d'investissement estimé à 30 milliards d'euros par an selon le rapport de Jean Pisani-Ferry et Selma Mahfouz.
En réalité, ce PLF m'inquiète surtout en ce qu'il ne prépare pas l'avenir. On essaie de réduire le déficit en coupant des dépenses qui vont affecter la trajectoire de long terme de l'économie française, sans aucunement préparer les Français aux chocs écologiques à venir.
M. Claude Raynal, président. - Merci beaucoup de votre participation.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
La réunion est close à 12 h 50.
Jeudi 24 octobre 2024
- Présidence de M. Claude Raynal, président -
La réunion est ouverte à 10 h 30.
Projet de loi de finances pour 2025 - Mission « Immigration, asile et intégration » - Examen du rapport spécial
M. Claude Raynal, président. - Nous examinons les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration ».
Mme Marie-Carole Ciuntu, rapporteur spécial de la mission « Immigration, asile et intégration ». - L'examen des crédits de la mission s'inscrit cette année dans un double cadre : d'un côté, une pression migratoire qui s'est encore accentuée ; de l'autre, une volonté politique qui s'est clarifiée.
Concernant le premier point, les dernières données disponibles témoignent d'une aggravation de la pression migratoire en 2023, qui a atteint des niveaux très élevés. Cela vaut d'ailleurs pour l'Europe dans son ensemble. Plus d'un million de demandes d'asile ont ainsi été enregistrées dans l'Union européenne en 2023, un niveau très proche des records historiques datant de la crise migratoire des années 2015 et 2016. Par ailleurs, 3,7 millions de premiers titres de séjours ont été accordés par les États membres cette année-là : comparés aux chiffres d'il y a cinq ans, c'est près de la moitié en plus. Et les chiffres de l'immigration irrégulière sont aussi explosifs, atteignant en 2023 le plus haut niveau depuis la crise de 2016.
Pour en venir à la France, le nombre de demandes d'asile a dépassé son record historique en 2023 avec plus de 140 000 demandes. Le nombre de premiers titres de séjour délivrés est, quant à lui, supérieur de plus de la moitié à celui d'il y a dix ans. Et ces flux se traduisent logiquement en stocks : fin 2023, 4 millions de titres de séjour étaient valides, à comparer aux 2,7 millions de titres valides à fin 2013.
Le contexte étant posé, qu'en est-il maintenant des grands équilibres du budget de la mission pour 2025 ?
Dans le contexte de réduction des dépenses publiques que nous connaissons tous, ce budget a dû faire des économies. Globalement, les crédits baissent de 2 % en autorisations d'engagement, soit 35 millions d'euros, et de 5 % en crédits de paiement, soit environ 110 millions d'euros.
En outre, il faut prendre en compte le fait que, pour la première fois, en 2025, les crédits initiaux proposés intègrent les dépenses afférentes à l'accueil des personnes fuyant l'Ukraine. C'est d'ailleurs un changement opportun par rapport aux années 2023 et 2024, dont les budgets initiaux ne couvraient pas ces dépenses, pourtant certaines.
Pour comparer utilement le budget de 2025 à celui de 2024, il faut donc neutraliser cette évolution. Concrètement, la baisse du budget est ainsi en réalité de l'ordre de 300 millions d'euros, soit environ 14 %.
Cette baisse globale du budget n'est toutefois pas uniforme. Elle touche quatre postes principaux.
Le premier poste de baisse concerne les dépenses d'intégration des étrangers déjà autorisés à séjourner durablement en France, au-delà de la première carte de séjour temporaire ; l'économie est de 79 millions d'euros.
Le deuxième poste d'économies concerne l'hébergement des demandeurs d'asile, dont le parc se réduit et les crédits baissent de 71 millions d'euros. Le parc du dispositif national d'accueil serait ainsi réduit de 6 500 places en 2025, bien que cette réduction soit compensée partiellement par une hausse de la disponibilité des places. En cumulé, il y aurait 1 500 places disponibles de moins en 2025 par rapport à cette année.
Le troisième poste de réduction des dépenses concerne l'investissement dans les centres de rétention administrative (CRA), à hauteur de 47 millions d'euros en crédits de paiement - j'y reviendrai.
Enfin, le dernier poste de baisse des crédits concerne le budget prévisionnel de l'allocation pour demandeur d'asile (ADA), avec une réduction de 47 millions d'euros. Cette diminution est permise par l'accélération des délais de traitement des demandes d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) ces dernières années.
Alors que penser de ces évolutions des crédits de la mission ? Évidemment, j'aurais préféré, comme la plupart d'entre vous, que certains postes soient davantage préservés. Je pense notamment à l'intégration des étrangers réguliers ou encore à l'hébergement des demandeurs d'asile. Mais l'état des finances publiques étant ce qu'il est, il est logique que des économies aient été réalisées, comme sur bien d'autres missions. Surtout, ce budget doit être analysé dans un cadre plus large, pour deux raisons.
D'une part, la mission « Immigration » ne porte, comme vous le savez, qu'une part minoritaire des crédits consacrés par l'État à cette politique. Alors que les crédits proposés pour la mission sont de 2 milliards en 2025, le coût total de la politique d'immigration et d'intégration serait de 7,7 milliards d'euros, en hausse de 55 millions d'euros par rapport à 2024.
D'autre part et surtout, l'analyse du budget de la mission ne peut se faire seulement sur la base d'un examen ligne à ligne des crédits. Une question encore plus essentielle est de savoir quelle politique on met derrière ces dépenses.
Or si la commission des finances et le Sénat ont régulièrement rejeté les crédits de la mission au cours de ces dernières années, c'est largement parce que la politique qui y était associée était trop peu lisible. Aujourd'hui, les choses ont changé.
Dès la fin d'année dernière, les débats parlementaires, en particulier au Sénat, ont été l'occasion de renforcer les dispositions de ce qui est devenu la loi du 26 janvier 2024 pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration. Si beaucoup de mesures utiles ont été censurées par le Conseil constitutionnel pour des raisons de forme, cette loi permet notamment un réel renforcement de la politique d'éloignement des étrangers en situation irrégulière, tout en renforçant l'intégration.
Des résultats tangibles en résultent d'ailleurs dès aujourd'hui. Selon les informations que j'ai recueillies, entre le 28 janvier et le 1er octobre 2024, plus d'une centaine de retours supplémentaires ont d'ores et déjà été effectivement exécutés sur la base des nouvelles dispositions de la loi. Et au-delà du cadre législatif, le Gouvernement met aujourd'hui en oeuvre une politique claire en matière d'immigration. Je pense que c'est la bonne voie : moins subir la pression migratoire, davantage éloigner les personnes en situation irrégulière, et mieux intégrer ceux qui résident régulièrement sur le territoire, y compris en attendant d'eux non seulement une connaissance de leurs droits, mais également de leurs devoirs.
Comme cela a été annoncé, un prochain texte sur l'immigration et des modifications des textes européens pourraient contribuer à aller plus loin encore.
Cela étant dit, je souhaite néanmoins soulever deux points de vigilance sur le budget de la mission.
Le premier porte sur les crédits d'investissement dans les CRA, en réduction par rapport à 2024 de 47 millions d'euros en crédits de paiement et de 115 millions d'euros en autorisations d'engagement. Certes, cette baisse fait suite à une hausse des crédits en 2024. Néanmoins, elle peut surprendre au regard de l'objectif de porter le nombre de places en CRA à 3 000 en 2027, contre moins de 2 000 aujourd'hui. Au cours de mes travaux de préparation de l'examen du budget de la mission, j'ai eu l'occasion d'apprendre qu'il était envisagé par le Gouvernement d'augmenter ces crédits en cours de discussion parlementaire. Il me semble que cela serait opportun. Étendre le nombre de places en CRA est un objectif essentiel, et je serai attentive à sa bonne réalisation.
Mon second point d'attention touche aux formations linguistiques et civiques des étrangers primo-arrivants qui souhaitent s'installer durablement en France. Ces derniers sont à ce titre signataires du contrat d'intégration républicaine (CIR), qui leur ouvre le droit à ces formations.
J'en ai fait le bilan dans mon récent rapport de contrôle sur le sujet : ces formations souffrent d'importants écueils, tenant aux résultats obtenus, à l'articulation entre les volets linguistique et civique et à l'absence d'obligation de résultat pour obtenir en fin de course une carte de séjour pluriannuelle.
Il n'en demeure pas moins que, si ces formations doivent être réformées, elles sont importantes pour l'intégration effective des personnes concernées. Elles vont l'être encore davantage dans la mesure où la loi du 26 janvier 2024 a prévu que la délivrance d'un premier titre de séjour pluriannuel serait désormais conditionnée à des obligations de résultat à l'issue des formations linguistiques et civiques. Le niveau en français n'est désormais plus seulement visé, il est exigé, en même temps qu'il est relevé du niveau A1 au niveau A2.
Or les crédits concernés portés par le programme 104 restent stables pour 2025. Dans ces conditions, il faudra améliorer sensiblement l'efficience des formations et s'appuyer davantage sur une contribution des entreprises employeuses ou des signataires du CIR. Je continuerai de suivre ce sujet de près.
Pour conclure, si je reste vigilante notamment sur le sujet des investissements dans les CRA et sur la formation des étrangers primo-arrivants, je suis favorable à l'adoption des crédits de la mission.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. -Pour avoir assisté vendredi dernier, à la préfecture de Meurthe-et-Moselle, à la remise des cartes de nationalité, j'ai remarqué que ceux qui demandent la naturalisation sont souvent là depuis une durée plus longue que celle requise pour obtenir la nationalité française. Il faut prendre en compte les parcours humains individuels. En effet, l'accueil de ressortissants étrangers doit rester l'une des valeurs fortes de notre République.
Au demeurant, comme le rapporteur spécial, nous allons surveiller de près le nécessaire ajustement budgétaire. Il ne faut pas se démunir de certains des moyens qui sont indispensables.
Enfin, et cela doit être mis au crédit des précédents gouvernements, les délais de traitement de l'Ofpra se sont considérablement réduits en deux ans : de près de neuf mois en 2021, ils sont passés à environ quatre mois en 2023. Cette réduction des délais concourt à mieux traiter les dossiers et à réduire les coûts associés aux demandes d'asile.
Mme Nathalie Goulet. - Je remercie Madame le rapporteur spécial.
Ma première question concerne la gestion des étrangers en France. La mission couvre-t-elle le système d'information de l'administration numérique pour les étrangers en France (Anef) et de l'application de gestion des dossiers des ressortissants étrangers en France (Agdref) ? Où en est la mise à jour du premier fichier, qui pose un certain nombre de difficultés ?
Par ailleurs, j'évoquerai la question de l'aide aux associations chargées de l'intégration et de l'accueil des migrants. La commission des lois avait obtenu l'année dernière le détail des subventions versées, à savoir un peu plus de 1 milliard d'euros. L'association Coallia est prise dans la tourmente en raison de dysfonctionnements. Quel contrôle avons-nous sur ces structures ?
M. Arnaud Bazin. - Je remercie Madame le rapporteur spécial pour la qualité et la précision de ses informations. Pourriez-vous nous préciser le périmètre de cette mission et nous confirmer le montant de la politique d'immigration et d'intégration dans son ensemble, qui s'élèverait à un peu plus de 7 milliards d'euros ? En particulier, les places d'hébergement d'urgence sont-elles prises en compte ? Selon les informations qui me remontent régulièrement, les départements tels que le mien enregistrent un taux d'occupation de 80 % par des étrangers sans droits ni titre.
M. Rémi Féraud. - Merci pour ce rapport spécial. Il existe un fossé important entre le discours politique du Gouvernement et le budget de la présente mission. Cela va sans doute devenir un problème politique...
Je suis également attentif à la baisse du nombre de places pour les demandeurs d'asile et d'hébergement. La situation des déboutés du droit d'asile, très nombreux dans la capitale et d'autres villes de France, est préoccupante et risque d'alimenter les difficultés d'hébergement. De plus, les crédits de l'apprentissage du français sont en forte baisse.
Par ailleurs, en savez-vous plus sur les amendements que le Gouvernement compte présenter pour modifier son propre budget ?
M. Pascal Savoldelli. - À mon tour de vous remercier, Madame le rapporteur spécial. Sur les quatre postes d'évolution en négatif, les deux principaux concernent l'intégration et l'hébergement d'urgence pour les demandeurs d'asile, comme vous l'avez indiqué. J'y ajouterai la baisse des crédits à hauteur de 85,55 %, qui passent de 9 millions d'euros à 1,3 million d'euros, pour l'accompagnement des résidents des foyers de travailleurs migrants. Pouvez-vous me le confirmer ?
Je partage vos deux points de vigilance.
Concernant les CRA, il existe trois voies possibles : les éloignements, dont 80 % sont réalisés dans les quarante-cinq premiers jours, et 8 % au-delà des soixante jours - les chiffres de ma circonscription - ; l'assignation à résidence, sans aucun dispositif d'accompagnement ; enfin, la remise en liberté, sans accompagnement non plus. Toute volonté politique ne saurait se résumer à des lignes budgétaires.
Mme Marie-Carole Ciuntu, rapporteure spéciale. - Premièrement, l'accompagnement des travailleurs migrants connaît non pas une remise en cause, mais un transfert de crédits, principalement vers le programme 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables » de la mission « Cohésion des territoires ».
Deuxièmement, si davantage de places sont ouvertes dans les CRA, les assignations à résidence nécessaires diminuent d'autant. L'objectif est d'atteindre en 2027 les 3 000 places, contre moins de 2 000 à l'heure actuelle. Il a été annoncé que le Gouvernement préparait un amendement au présent budget pour garantir l'atteinte de cet objectif ; mais je ne peux vous donner son libellé précis à ce stade.
Troisièmement, les travaux liés aux fichiers que vous évoquez, Madame Goulet, relèvent en partie de la mission. Nous poserons donc des questions à ce sujet.
Quatrièmement, j'ai eu l'occasion d'interroger l'ancien ministre de l'Intérieur sur Coallia. Je pointais alors l'absence de contrôle par l'État des associations qui travaillent dans le domaine de l'immigration et de l'intégration, qui sont sollicitées dans tant de domaines différents qu'elles en développent des fragilités. Un an après les mises en garde d'un rapport de la Cour des comptes, Coallia est venue il y a deux jours répondre précisément aux critiques et me rendre compte des évolutions.
Dans le cadre du 2° de l'article 58 de la loi du 1er août 2001 relative aux lois de finances, nous avons demandé à la Cour des comptes de se pencher sur l'ensemble des missions de ces associations. Nous devrions avoir un retour avant la fin de l'année, lequel se focalisera sur les plus grosses structures, hors leurs missions d'hébergement, qui ont déjà été traitées dans un récent rapport de la Cour. Nous pourrons ainsi porter un véritable jugement.
Cinquièmement, le coût de l'immigration est évalué à 7,7 milliards d'euros. En dehors des 2 milliards de cette mission, sont notamment concernées des dépenses de la police nationale pour 1,4 milliard d'euros, de protection maladie pour 1,3 milliard d'euros, ou encore de formations supérieures et de recherche universitaire, pour 1,7 milliard d'euros.
L'apprentissage du français et des valeurs civiques pour les étrangers qui ne sont pas encore autorisés à résider durablement sur le territoire connaît non pas une baisse des crédits, mais une stagnation. Il s'agit d'un point de vigilance. Toutefois, il faut passer d'une obligation de moyens à une obligation de résultat, car les ressources augmentent plus vite que le nombre de contrats d'intégration républicaine conclus ces dernières années.
La commission décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration ».
Projet de loi de finances pour 2025 - Mission « Direction de l'action du Gouvernement » et budget annexe « Publications officielles et information administrative » - Examen du rapport spécial
M. Claude Raynal, président. - Nous examinons les crédits de la mission « Direction de l'action du Gouvernement » et le budget annexe « Publications officielles et information administrative ».
M. Christopher Szczurek, rapporteur spécial de la mission « Direction de l'action du Gouvernement » et du budget annexe « Publications officielles et information administrative ». - La mission « Direction de l'action du Gouvernement », qui réunit les services du Premier ministre ainsi que plusieurs autorités administratives indépendantes (AAI), enregistre, telle qu'elle nous est présentée pour 2025, une baisse notable de dépenses en crédits de paiement (CP), à périmètre constant.
En effet, si ces crédits affichent apparemment, à périmètre courant, une légère hausse de 1,23 % pour atteindre un total de 1,066 milliard d'euros, cette évolution doit être corrigée de plusieurs transferts en base, qui influent sur le périmètre de la mission.
Parmi ces transferts en base, le mouvement le plus important concerne la centralisation des crédits relatifs à la coordination de la politique numérique auprès des services du Premier ministre. Alors que cette coordination était précédemment partagée avec le programme 352 « Innovation et transformation numériques » de la mission « Transformation et fonction publiques », la suppression du programme 352 se traduit par un transfert de 22 millions d'euros au profit de l'action 16 du programme 129 « Coordination du travail gouvernemental ».
Il convient de noter que cette évolution était soutenue de longue date par les rapporteurs spéciaux de la mission « Transformation et fonction publiques » de notre commission et avait également été recommandée par la Cour des comptes. Dans sa note d'exécution budgétaire publiée en avril 2024, la Cour relevait ainsi que « la valeur ajoutée du portage de ces crédits par un programme spécifique et distinct du programme 129 sembl[ait] (...) limitée ».
À périmètre inchangé, la mission présente une baisse en CP de 14,8 millions d'euros, soit 1,4 % en euros courants et 3,1 % en euros constants, pour s'élever à 1,038 milliard d'euros.
Comme me l'ont confirmé en audition les représentants de la direction des services administratifs et financiers (DSAF) du Premier ministre, cette baisse de 3,1 % en euros constants, autrement dit en volume, s'inscrit dans l'effort de redressement des finances publiques mis en avant par le Gouvernement dans le cadre du projet de loi de finances (PLF) pour 2025.
Pour autant, cette diminution des crédits pour 2025 connaît une répartition inégale entre les deux programmes de la mission « Direction de l'action du Gouvernement ».
En effet, avec une baisse en CP de 2,3 % en euros courants et de 4 % en euros constants, le programme 129 « Coordination du travail gouvernemental », qui regroupe les services du Premier ministre à proprement parler, supporte globalement l'ensemble de l'effort budgétaire, passant sous la barre des 900 millions d'euros à périmètre constant.
À l'inverse, le programme 308 « Protection des droits et libertés », qui couvre les budgets des différentes autorités administratives indépendantes rattachées à la mission, connaît une hausse en CP de 4,5 % en euros courants et de 2,6 % en euros constants, pour atteindre un niveau de plus de 140 millions d'euros à périmètre constant.
Cette évolution contrastée se retrouve dans les schémas d'emplois des deux programmes. Alors que les efforts de maîtrise des dépenses sur le programme 129 se matérialisent par la suppression de vingt équivalents temps plein (ETP) en 2025, le schéma d'emplois du programme 308 demeure positif, avec dix-huit ETP supplémentaires en 2025, même s'il est en retrait par rapport à son niveau pour 2024.
Les principales autorités administratives bénéficiaires de créations d'emplois sont, d'une part, la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), avec huit ETP supplémentaires, d'autre part, la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), avec six nouveaux ETP. Par ailleurs, le Défenseur des droits est doté de quatre ETP supplémentaires. Par contraste, il convient de noter que le schéma d'emplois de l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM) sera nul en 2025, en dépit de l'extension de ses missions au titre du paquet législatif européen relatif aux services numériques. Il est vrai que les besoins de recrutements liés aux nouvelles missions de l'ARCOM avaient été anticipés les années précédentes.
Au total, le schéma d'emplois de la mission sera légèrement négatif en 2025, à hauteur de deux ETP, alors qu'il était fortement positif en 2024, à hauteur de 156 ETP. Néanmoins, une part importante de cette baisse s'explique par la fin logique de l'activité de la délégation interministérielle aux Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024, qui se traduit par la suppression de dix ETP. Les effectifs globaux de la mission, en incluant ceux de l'ARCOM qui sont comptabilisés à part, demeureraient à un niveau d'environ 4 300 ETP.
Après cette présentation générale des crédits et des emplois, j'en viens à mes principales observations concernant les évolutions prévues pour les administrations rattachées à la mission en 2025.
En premier lieu, dans la continuité des enseignements de mon récent rapport de contrôle sur le Haut-commissariat au Plan (HCP), je tiens à souligner les effets très incertains de la réorganisation des instances de conseil et d'évaluation, qui devrait intervenir dans les prochains mois. En effet, dans sa déclaration de politique générale, le Premier ministre a annoncé, comme exemple de rationalisation, la prochaine fusion du HCP et de France Stratégie.
Pour mémoire, dans le cadre de mon rapport de contrôle, j'avais appelé à la clarification de la répartition des compétences entre le HCP, France Stratégie et le Secrétariat général à la planification écologique (SGPE). La fusion du HCP et de France Stratégie va donc plus loin que ma recommandation initiale.
Certes, cette mesure peut avoir valeur d'exemple pour d'autres regroupements de structures administratives, mais les économies budgétaires associées devraient demeurer très limitées. Alors que France Stratégie comptait 135 ETP fin 2023 et bénéficie d'une dotation budgétaire de 23,1 millions d'euros en 2024, le HCP dispose de ressources dix fois inférieures, avec quatorze ETP et un budget de 1,9 million d'euros. Ce n'est donc pas avec cette seule fusion que nous redresserons les finances publiques.
À la suite de la déclaration du Premier ministre, la presse a évoqué la possible nomination de l'actuel Haut-commissaire au Plan pour diriger l'organisme qui résulterait de la fusion des deux structures. À ce propos, je réitère la recommandation que j'avais formulée dans mon rapport concernant la nécessité de structurer davantage la programmation des travaux en soumettant les décisions du Haut-commissaire à l'avis consultatif préalable d'un collège de personnalités qualifiées.
Par ailleurs, s'agissant du Secrétariat général à la planification écologique, qui n'est pas visé par cette mesure de fusion, le PLF pour 2025 marque une inflexion avec une baisse des effectifs, minime, d'un ETP, alors que ceux-ci avaient connu une montée en puissance continue entre 2022 et 2024.
À cet égard, il convient de relever que le SGPE a fait l'objet d'une évolution notable avec la nomination du nouveau gouvernement. En effet, le secrétaire général s'est vu retirer la responsabilité du pôle écologie du cabinet du Premier ministre. Je considère qu'il s'agit d'une évolution opportune, qui permet de distinguer plus clairement les responsabilités administratives et les responsabilités politiques en matière environnementale.
En second lieu, j'observe que les autorités administratives indépendantes du programme 308 « Protection des droits et libertés » continuent de bénéficier de moyens budgétaires élevés, qui reflètent en partie des missions croissantes, mais également une gestion qui pourrait être rationalisée.
Certes, la mise en oeuvre du règlement européen sur les services numériques (RSN) implique de nouvelles missions pour l'ARCOM comme pour la CNIL, qui ont été consacrées par la loi du 21 mai 2024 visant à sécuriser et réguler l'espace numérique.
Ainsi, en tant que coordinateur pour les services numériques français, l'ARCOM a notamment été chargée de la régulation des fournisseurs de services intermédiaires établis en France ainsi que de la participation à la régulation des très grandes plateformes en ligne et des très grands moteurs de recherche en ligne au niveau européen.
De même, la CNIL a été désignée autorité compétente pour assurer le respect et le contrôle de certaines obligations applicables aux plateformes en ligne. Par ailleurs, elle sera chargée du filtre national de cybersécurité anti-arnaque, destiné à renforcer la protection des internautes, avec un nombre potentiel de sites malveillants à surveiller estimé à 300 000 par an.
Pour autant, en dépit de l'attribution de missions croissantes à ces autorités, il me semble que leur gestion pourrait être sensiblement améliorée et rationalisée, en particulier dans le domaine immobilier. Par exemple, le financement du déménagement de la HATVP se traduira en 2025 par une dotation supplémentaire de 14,5 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et de 1,75 million d'euros en CP en vue de la signature d'un nouveau bail de neuf ans.
De fait, deux points apparaissent particulièrement problématiques, ce qui avait déjà été souligné l'an dernier dans le rapport pour avis de Mme Nathalie Delattre, au nom de la commission des lois du Sénat : d'une part, le recours à des baux locatifs pour héberger des autorités ayant vocation à perdurer, d'autre part, le non-respect des cibles de mètres carrés par poste de travail fixées par la direction de l'immobilier de l'État.
Dans ce contexte et au regard de la double nécessité, d'une part, de garantir un équilibre entre l'ensemble des administrations de la mission en matière d'évolution des crédits, et d'autre part, d'assurer une contribution des AAI concernées à l'effort de redressement des finances publiques, l'amendement que je vous propose d'adopter vise, à périmètre constant, à geler, au niveau fixé en loi de finances initiale pour 2024, la dotation globale des autorités rattachées au programme 308 « Protection des droits et libertés ».
Avant de conclure, je dirai quelques mots sur le budget annexe « Publications officielles et information administrative ». Géré par la direction de l'information légale et administrative (DILA), celui-ci devrait atteindre en 2025 un pic ponctuel de recettes, à hauteur de 181 millions d'euros, soit une hausse de 8,19 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2024.
Cette évolution s'explique, d'une part, par l'effet du cycle des investissements des communes l'année précédant les élections municipales, qui devrait se traduire par un rebond des recettes issues des annonces de marchés publics, pour un montant de 71,1 millions d'euros, et, d'autre part, par la révision à la hausse de la trajectoire concernant les recettes d'annonces publiées au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales (BODACC), pour un montant de 100 millions d'euros, compte tenu de l'exécution plus élevée constatée chaque année.
Ainsi, alors que les dépenses du budget annexe devraient s'élever à 150,6 millions d'euros en CP, en légère baisse par rapport à 2024, celui-ci devrait dégager en 2025 un excédent important, à hauteur de 30,4 millions d'euros, soit le double du niveau de 2024.
Si la DILA prévoit de poursuivre le déploiement des actions de modernisation numérique, notamment avec la dématérialisation de la chaîne de production des textes normatifs, la modération des dépenses de personnel engagée depuis plusieurs années par la direction pourrait être fortement affectée par une évolution du statut juridique des agents.
En effet, dans une décision de février 2024, le Conseil d'État a remis en cause le statut de droit privé des agents issus de l'ancienne direction des Journaux officiels, qualifiant l'ensemble du personnel d'agents de droit public. Cette décision a conduit à l'arrêt, pour la fin de l'année 2024, du plan de départs volontaires qui s'appliquait aux agents de droit privé.
Compte tenu de ces différentes observations, je vous propose donc d'adopter les crédits ainsi modifiés de la mission « Direction de l'action du Gouvernement » ainsi que les crédits du budget annexe « Publications officielles et information administrative ».
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Je retiens en premier lieu de ce rapport les premières annonces de rationalisation des autorités administratives indépendantes rattachées au Premier ministre. Il nous appartiendra de suivre de près ces évolutions, ainsi que celles qui concernent la DILA où les effectifs se sont significativement réduits depuis cinq ans : la réalisation des missions malgré cette baisse est-elle satisfaisante ? Cette direction pourrait servir d'exemple pour d'autres administrations.
Je retiens en second lieu la clarification à l'endroit du secrétariat général à la planification écologique. Parfois, sous couvert de mutualisation des fonctions, un poste peut être exposé à un mélange des genres. Le fait qu'il n'y ait plus de rattachement au Premier ministre est en ce sens un bon signal, qui permet de favoriser l'acceptation des mesures environnementales dans l'opinion publique, chez les décideurs, les élus et les entreprises, qui trouvent que les contraintes en la matière s'empilent et s'enchevêtrent, ce qui dessert d'abord la cause en question.
M. Grégory Blanc. - Dans cet océan de baisses se trouve une augmentation de 1,5 % pour l'ordre de la Légion d'honneur, dont le budget global s'élèverait à 31,5 millions d'euros. Quelle est la justification d'une telle hausse ? Au regard du budget de cette action, supérieur à celui de l'action 11 « Stratégie et prospective » du programme 129 « Coordination du travail gouvernemental », je ne me retrouve pas dans l'amendement qui est proposé, lequel vise une baisse supplémentaire de la protection des droits et des libertés.
Mme Isabelle Briquet. -Les crédits de la mission apparaissent en hausse du simple fait du rattachement du programme « Innovation et transformation numériques », sans quoi ils seraient en baisse de 10 millions d'euros environ. Cette diminution concerne pour l'essentiel les crédits alloués à l'action 01 « Coordination du travail gouvernemental » et à l'action 02 « Coordination de la sécurité et de la défense » du programme 129. Il existe donc des répercussions sur les moyens accordés à l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI), ce qui pose question dans un contexte d'accroissement de la menace cyber. Des précisions ont-elles été apportées dans le cadre des auditions sur les missions de cette agence et sur les moyens qui lui sont affectés ?
Je souscris à l'appel lancé par le rapporteur général en faveur de la clarification des fonctions. Celle-ci vous paraît-elle de nature à rendre disponibles des données qui permettraient une réelle information parlementaire ?
M. Stéphane Sautarel. - Le programme 308 « Protection des droits et libertés » connaît la création de 18 postes, ce qui interroge. Plus globalement, une réduction de deux ETP sur la totalité de la mission est proposée. À quoi se rapportent-ils ? L'essentiel des baisses provient assez naturellement de la délégation interministérielle aux Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024. Reste-t-il des postes dans cette dernière ? Le cas échéant, combien ?
M. Michel Canévet. - Je me réjouis que les actions « Coordination du travail gouvernemental », « Coordination de la sécurité et de la défense » et « Coordination de la politique européenne » connaissent une baisse de crédits sans réduction de postes en matière de sécurité et de défense.
En matière de protection des droits et des libertés, quelle raison justifie une telle augmentation pour le bail de la HATVP ? L'État n'avait-il pas de locaux disponibles dans son parc de bâtiments ? Quelle est la justification de ce loyer important ?
Avez-vous, monsieur le rapporteur spécial, des idées de regroupements à réaliser dans le cadre du programme 308 ? Je suggère le rattachement du Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) au Défenseur des droits.
Concernant le budget annexe de la DILA, pourquoi les recettes se portent-elles aussi bien ?
Mme Nathalie Goulet. - Un peu comme dans une publicité pour les frites - c'est ceux qui en parlent plus qui en mangent moins -, plus il y a de coordination, plus il y a de cafouillages, et réciproquement ! Je m'inquiète toutefois de la diminution des moyens accordés à l'action « Coordination de la politique numérique » étant donné les enjeux de cybercriminalité, d'autant que, dans le même temps, la direction interministérielle du numérique perd un ETP. Pouvons-nous essayer de coordonner nos remarques sur le dysfonctionnement de l'administration numérique, exprimées au sujet de la mission « Immigration, asile et intégration » et de la présente mission, pour obtenir des réponses à nos questions avant la discussion budgétaire en séance ?
Même si beaucoup d'entre eux relèvent du domaine réglementaire, est-il possible de faire le ménage dans les comités Théodule autour du Premier ministre, qui passent de 313 à 316, quelques-uns n'ayant pas connu la moindre réunion ? Rentrent-ils dans le cadre de cette mission ? On finit par évaluer l'évaluation des politiques d'évaluation...
M. Pascal Savoldelli. - Il faut veiller à ce que les agents de la DILA partent dans des conditions correctes malgré leur changement de statut.
Si nous suivions le rapporteur spécial sur le programme 308 « Protection des droits et libertés », nous toucherions à la CNIL, à la Commission d'accès aux documents administratifs ou encore à la Commission nationale consultative des droits de l'homme, le choix du rapporteur spécial m'étonnant moins pour cette dernière... Concernant la CNIL, nous sommes en pleine guerre des données, aussi, il nous faut obtenir le plus possible de transparence et de démocratie. Je ne voterai donc pas l'amendement.
M. Christopher Szczurek, rapporteur spécial. - La justification de la hausse des moyens accordés à la Légion d'honneur tient à des projets technologiques mis en place en 2024 - modernisation de l'application métier qui gère les ordres nationaux, nouveau système d'information budgétaire et comptable, poursuite du projet de valorisation des archives de l'ordre -, qui seront effectifs en 2025.
L'amendement que je porte sur le programme 308 vise un gel de la hausse des moyens alloués aux autorités administratives indépendantes et non pas une baisse, afin que chacun réalise un effort budgétaire, notamment en matière de ressources humaines et d'immobilier.
M. Grégory Blanc. - Pourquoi donc ne pas le faire pour la Légion d'honneur ?
M. Christopher Szczurek, rapporteur spécial. - Les volumes ne sont pas les mêmes. Le gel de la hausse des moyens alloués aux autorités du programme 308 concerne des montants sans commune mesure avec l'augmentation des crédits de la Légion d'honneur : 14,28 millions d'euros en AE et 6,06 millions d'euros en CP pour les premières, contre 460 000 euros pour la seconde. À cet égard, la hausse des crédits de la Légion d'honneur doit être replacée dans l'évolution générale des crédits du programme 129, qui sont en baisse à périmètre constant.
Le schéma d'emplois de la mission comprend une baisse de vingt ETP sur le programme 129 et une hausse de dix-huit sur le programme 308. La diminution des moyens accordés à l'action 02 « Coordination de la sécurité et de la défense » du programme 129, qui comprend notamment l'ANSSI, le Groupement interministériel de contrôle (GIC) et l'Opérateur des systèmes d'information interministériels classifiés (OSIIC), sous la supervision du Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN), est justifiée par leur forte croissance durant les années précédentes. En audition, la direction des services administratifs et financiers du Premier ministre nous a indiqué considérer les moyens comme suffisants en l'état. En particulier, aucune suppression de poste prévue pour 2025 au titre du programme 129 ne porte sur l'ANSSI, le GIC ou l'OSIIC.
Nous ne disposons pas d'éléments précis sur les perspectives de déménagement du siège de la HATVP.
L'éventuelle fusion du CGLPL et du Défenseur des droits pourrait figurer dans le rapport prochain. Il faudra organiser des auditions.
Concernant la coordination entre cette mission et la mission « Immigration, asile et intégration » en matière d'enjeux informatiques, je me renseignerai. Je n'ai pas non plus d'éléments factuels ou de chiffres sur tous les comités existants au sein des instances publiques.
M. Christopher Szczurek, rapporteur spécial. - L'amendement FINC.1 vise à geler l'augmentation de la dotation budgétaire allouée au programme 308 « Protection des droits et libertés ». S'il devait ne pas être adopté, je préconiserais néanmoins le vote en faveur des crédits de la mission.
L'amendement est adopté.
La commission décide de proposer au Sénat d'adopter les crédits de la mission « Direction de l'action du Gouvernement », sous réserve de l'adoption de son amendement.
La commission décide de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits du budget annexe « Publications officielles et information administrative ».
Projet de loi de finances pour 2025 - Mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » - Examen du rapport spécial
M. Claude Raynal, président. - Nous en venons à l'examen des crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation ».
Je salue la présence parmi nous de Jocelyne Guidez, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales.
M. Marc Laménie, rapporteur spécial de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation ». - Je commencerai en indiquant que je n'ai reçu qu'hier les réponses à mon questionnaire budgétaire portant sur le programme 169 de la mission « Anciens combattants ». En revanche, j'ai reçu avant la date limite, fixée au 10 octobre, la totalité des réponses au questionnaire portant sur le programme 158, le second de la mission.
Les crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » continuent de diminuer légèrement, de 16,5 millions d'euros en 2025, pour la deuxième année consécutive. La mission représente une masse financière globale de 1,9 milliard d'euros.
Je salue moi aussi la présence de Jocelyne Guidez, qui préside par ailleurs le groupe d'études « Monde combattant et mémoire ».
Comme chaque année, la baisse des crédits est la conséquence de la baisse de la population des bénéficiaires de l'allocation de reconnaissance du combattant, anciennement appelée retraite du combattant, et de la pension militaire d'invalidité. Ces deux pensions, qui concentrent 1,17 milliard d'euros, sont versées respectivement aux titulaires de la carte du combattant et aux militaires et anciens militaires souffrant d'une invalidité du fait de leur engagement. Ces deux populations ont en commun d'être en moyenne très âgées et de diminuer fortement chaque année.
Ces deux pensions sont par ailleurs déterminées en fonction du point de pension militaire d'invalidité (PMI), qui est indexé sur les rémunérations publiques. Ce dernier sera revalorisé de 0,94 % le 1er janvier 2025, passant ainsi de 15,90 à 16,05 euros. Cette revalorisation est inférieure à l'inflation et ne remet pas en cause la trajectoire des crédits de la mission.
Plusieurs mouvements méritent d'être soulignés à l'occasion du projet de loi de finances pour 2025.
Les crédits de la rente mutualiste du combattant, une rente majorée par l'État et assortie d'avantages fiscaux dont peuvent bénéficier les anciens combattants, sont cette année en hausse, alors que celle-ci suivait traditionnellement la trajectoire baissière de l'allocation de reconnaissance du combattant pour les mêmes raisons démographiques. Le projet annuel de performances indique que la baisse de la démographie des bénéficiaires ne compense plus l'effet amplificateur de la revalorisation des taux de majoration légale. Cette hausse est significative, avec un montant de 16,5 millions d'euros, soit une hausse de 8,5 %.
L'effort en faveur des harkis et autres rapatriés continue d'augmenter à la suite du renforcement exceptionnel dont il avait fait l'objet en 2022. L'augmentation des crédits en 2025, pour un montant de 11,3 millions d'euros, est la conséquence d'un renforcement des crédits dédiés aux rentes viagères des rapatriés et de leurs veuves.
J'en viens au dispositif de réparation prévu par la loi du 23 février 2022, qui vise à indemniser les rapatriés du fait de leur conditions d'accueil sur le territoire national dans des camps ou hameaux de forestage. Le 4 avril 2024, dans une décision Tamazount, la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) a obligé la France à réexaminer certains dossiers et à verser des indemnités plus importantes à certains rapatriés. Le coût budgétaire supplémentaire entrainé par cette décision est estimé à 41 millions d'euros. Cependant, les crédits de ce dispositif restent stables, le Gouvernement ayant choisi de lisser la dépense dans le temps.
Les crédits dédiés à la Journée défense et citoyenneté (JDC) sont en forte hausse - 15 millions d'euros -, elle doit faire l'objet d'une refonte.
Les crédits liés à la mémoire subissent, quant à eux, une baisse de 9,3 millions d'euros, car la programmation mémorielle de l'année 2025 est moins importante que celle de l'année 2024, durant laquelle avaient été célébrés les 80 ans des débarquements et de la Libération. Je saisis cette occasion pour saluer les bénévoles oeuvrant dans les associations patriotiques et de mémoire, ainsi que tous les porte-drapeaux.
J'attire cependant votre attention sur les crédits de l'entretien du patrimoine mémoriel militaire de l'État. Si leur montant est stable entre 2024 et 2025, à hauteur de 16,6 millions d'euros, 8 millions d'euros de crédits ont été annulés en 2024. Les contraintes budgétaires entraînent des retards dans l'entretien des sépultures militaires. De nombreuses associations, parmi lesquelles le Souvenir français, participent à ce travail important.
Dernier point de vigilance : au cours des années précédentes, la trésorerie du principal opérateur de la mission - l'Office national des combattants et des victimes de guerre (ONaCVG) - avait été mise à contribution pour réduire les crédits lui étant destinés en loi de finances. En conséquence, ses marges de manoeuvre sont très réduites pour aborder le contexte actuel de contrainte budgétaire.
Autre opérateur de l'État, l'Institution nationale des invalides (INI) fait également face à des difficultés - elle les estime conjoncturelles - pour maintenir son niveau d'activité, avec une baisse de ses ressources propres et une situation budgétaire actuellement tendue. En particulier, elle a dû geler toutes ses dépenses d'investissement hors schéma directeur immobilier.
Enfin, dans le cadre de la maîtrise des comptes publics, je propose un amendement de crédits d'appel qui vise à confier à l'ONaCVG le soin d'assurer la mémoire et les missions de l'Ordre de la Libération. Cette mission est actuellement confiée à une structure administrative ad hoc, le Conseil national des communes « Compagnon de la Libération », qui est le troisième opérateur de la mission ; ses tâches apparaissent redondantes avec celles de l'opérateur de droit commun de la politique de mémoire, l'ONaCVG. Le montant de l'économie envisagée est très modique - 1 million d'euros -, mais celle-ci s'inscrit dans une logique de rationalisation administrative.
Je vous propose d'adopter les crédits de la mission tels que modifiés par l'amendement de crédit que je vous ai présenté.
Mme Jocelyne Guidez, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales sur la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation ». - Je remercie le rapporteur spécial pour la qualité de son travail ; nous échangeons régulièrement ensemble.
La très légère baisse de 1,1 % par rapport à 2024 des crédits de cette mission s'explique, comme chaque année, par le poids des pensions militaires d'invalidité et de l'allocation de reconnaissance du combattant, dont les dépenses se réduisent mécaniquement par la diminution du nombre de bénéficiaires.
Notre combat doit se concentrer sur la valeur du point de PMI. Je constate que la revalorisation de 0,94 % prévue cette année est plus importante que la version initiale du projet de loi de finances pour 2024. Toutefois, l'augmentation resterait en deçà de l'inflation - je le déplore.
Je tiens également à souligner deux postes de dépenses qui augmentent et qui me paraissent importants. Dans cette période de maîtrise de la dépense publique, je tiens à vous rassurer en soulignant que ces lignes budgétaires ne sont pas pour autant phénoménales.
Il est proposé une hausse de 15 millions d'euros des crédits consacrés à la JDC. Le Gouvernement annonce une refonte complète de cette journée afin de susciter davantage d'intérêt pour les carrières de la défense. Nous ne pouvons effectivement pas faire l'économie d'une réflexion sur l'organisation et la finalité de la JDC. Ce projet va donc a priori dans le bon sens.
J'en viens à la subvention versée par l'ONaCVG en faveur du dispositif des maisons Athos. Le projet de loi de finances prévoit une nouvelle augmentation des crédits à hauteur de 1 million d'euros, après celle de 2024 ; je m'en réjouis. Pour m'être déplacée très récemment à la maison Athos de Bordeaux, je dois dire que ce dispositif remplit parfaitement son rôle d'accompagnement et de reconstruction de nos militaires blessés psychiquement. Les maisons Athos et leurs équipes remplissent une fonction utile et bénéfique qu'il convient de soutenir.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Pourquoi ne pas créer une mission de contrôle sur les missions exercées par l'ONaCVG ? Certains services départementaux semblent plus actifs que d'autres.
Je pense par ailleurs qu'il ne faut pas essayer de mener cinq objectifs simultanément avec une multitude d'organismes, qui, in fine, perdent de leur efficience et n'atteignent pas leur cible.
Monsieur Laménie, la simplification et la mutualisation entre les différents opérateurs ont-elles été menées à leur terme pour gagner en efficacité ?
Mme Isabelle Briquet. - Merci aux rapporteurs pour leur travail.
La baisse des crédits de ce budget est logique, car elle est liée à la diminution des ayants droit.
La poursuite de la mise en oeuvre du droit à réparation des harkis est une bonne chose. Celle-ci est parfois contrainte : la décision de la CEDH en témoigne. Il importe que la réparation puisse s'effectuer dans les meilleures conditions possibles.
Dans la continuité de la commémoration du 80ème anniversaire des débarquements et de la Libération, nous saluons le maintien des subventions en faveur des hauts lieux de mémoire. Dans la Haute-Vienne, le sujet mémoriel est de première importance avec la restauration du village martyr d'Oradour-sur-Glane.
En ces temps où l'on recherche des économies, je souhaite notamment une évaluation du SNU : déterminer l'efficacité de toutes ces politiques publiques est un premier pas à cet égard. Qu'en pensez-vous, monsieur le rapporteur spécial ?
M. Olivier Paccaud. - Dans la lignée des propos de Mme Briquet, la réparation envers les rapatriés est un élément très important. La décision de la CEDH entraîne un coût supplémentaire pour les finances publiques à hauteur de 41 millions d'euros. Combien de dossiers sont-ils concernés ? Quel est leur montant moyen ?
M. Michel Canévet. - Je félicite à mon tour nos deux rapporteurs pour leur exposé.
Je salue les efforts de rationalisation proposés. Les dépenses fiscales liées à cette mission sont-elles susceptibles d'évoluer ?
Pourquoi les moyens alloués à la JDC augmentent-ils autant ? Est-ce en raison de l'augmentation du nombre de jeunes concernés ? SNU, service militaire volontaire et JDC : certes, les objectifs de ces dispositifs ne sont pas forcément identiques, mais ne faudrait-il pas réfléchir à une rationalisation de l'action en direction de la jeunesse ? Nous devons réfléchir aux moyens de sensibiliser les jeunes à l'intérêt de la défense nationale et de l'action au service de la collectivité. En tout état de cause, évitons ce fonctionnement en silo.
Je pense qu'une partie des travaux effectués au profit de l'INI concerne le site des Invalides à Paris. Certes, il est logique d'entretenir notre patrimoine national, mais quid des crédits alloués à l'INI ? Sont-ils suffisants pour poursuivre les travaux de rénovation ? J'ai noté qu'un contrat d'objectifs et de moyens (COM) avait été signé pour la période 2022-2026 : où en est-on ?
Mme Christine Lavarde. - Mme Guidez a mis en avant l'augmentation des crédits de la JDC. J'ai fait partie des premières fournées ; à l'époque, cela s'appelait la journée d'appel et de préparation à la défense (JAPD) et la session durait une seule journée. Cette dernière était consacrée le matin à la lutte contre l'illettrisme ; l'après-midi avait pour objectif de donner aux jeunes l'envie de rejoindre les formations militaires.
Quelles actions nouvelles sont-elles prévues grâce à ces moyens supplémentaires ?
M. Marc Laménie, rapporteur spécial. - Monsieur le rapporteur général, l'ONaCVG et l'INI sont les principaux opérateurs de cette mission. Nous avions réalisé un contrôle budgétaire sur l'ONaCVG voilà deux ans ; il importe aujourd'hui de voir si nos recommandations ont été mises en oeuvre.
Je suis d'accord avec vous : d'un département à l'autre, les activités sont variables. Cela dépend souvent des liens tissés entre les agents des services départementaux - en général, de deux à quatre personnes - avec les associations patriotiques et de mémoire et l'éducation nationale. Je rappelle que l'ONaCVG est présente en métropole, en outre-mer et en Afrique du Nord.
Aux termes du contrat d'objectifs 2022-2027, les effectifs de l'organisme ont baissé : L'Office a un plafond de 800 équivalents temps plein (ETP) en 2025, contre 900 en 2019. Les 104 services de l'ONaCVG dans les territoires comptent environ 400 ETP. Certains départements n'ont plus aucune présence militaire, hormis le délégué militaire départemental - et les gendarmes, bien sûr, qui sont des militaires, même s'ils dépendent du ministère de l'intérieur ; le rôle des antennes de l'ONaCVG est donc important.
L'organisme a développé de nouvelles compétences. Ainsi, Mme Guidez a évoqué l'exemple des maisons Athos. Pour ma part, je citerai l'indemnisation des rapatriés : cette nouvelle mission représente des ETP supplémentaires.
Madame Briquet, monsieur Paccaud, vous avez évoqué le droit à réparation, à la suite de la décision de la CEDH, qui, dans la décision Tamazount, considère que l'indemnité prévue par le dispositif de réparation n'est pas suffisante pour les rapatriés qui ont séjourné dans le camp de Bias. Celle-ci, définie par la loi du 23 février 2022, s'élève à 3 000 euros pour la première année de vie dans un camp ; à cette somme il convient d'ajouter 1 000 euros pour chaque année supplémentaire. La CEDH considère que l'indemnisation doit s'élever à 4 000 euros par année passée dans le camp. Le surcoût pour l'État de cette décision est estimé à 41 millions d'euros.
Nous ne connaissons pas le nombre exact de dossiers ; le coût moyen de chacun d'entre eux est estimé entre 30 000 et 60 000 euros ; en moyenne, les personnes sont restées dans le camp entre 7 et 15 ans.
Madame Briquet, vous avez évoqué le financement des hauts lieux de mémoire par l'État. Ponctuellement, l'ONaCGV peut y contribuer, sans oublier l'apport des collectivités territoriales.
Monsieur Canévet, madame Lavarde, vous avez évoqué la JDC. Voilà quelques années, la Cour des comptes avait publié un rapport sur le sujet. Il s'agit d'une des actions devant entretenir le lien entre les armées et la jeunesse. N'oublions pas les nombreuses autres initiatives en faveur de la jeunesse, comme les cadets de la gendarmerie, les jeunes sapeurs-pompiers ou les classes défense.
La JDC revêt bien sûr un aspect militaire, mais elle a également été utilisée pour mener d'autres actions, comme la détection de l'illettrisme, la lutte contre les préjugés ou des actions de sensibilisation au profit du développement durable et de l'écologie, entre autres. Elle représente un budget de 97 millions d'euros en 2024, avec un coût par jeune de 130 euros environ. Pour le moment, nous ne savons pas précisément à quoi correspond la hausse de 15 millions d'euros, mais il s'agirait de « remilitariser » le dispositif dans un contexte où les armées ont du mal à suffisamment recruter.
Le SNU relève quant à lui du ministère des sports, de la jeunesse et de la vie associative. Il se déroule sur une semaine et ne se situe pas dans le même ordre de grandeur budgétaire.
Mme Jocelyne Guidez, rapporteure pour avis. - Le SNU a été mis en avec la volonté de remplacer le service militaire. Malheureusement, tous les jeunes ne peuvent pas en bénéficier, car le SNU n'est pas obligatoire. De plus, nous ne disposons pas d'infrastructures en nombre suffisant ; bien souvent, ce sont les communes qui apportent leur concours à la bonne marche du dispositif.
Malheureusement, le SNU n'attire pas suffisamment de jeunes. Dans ces conditions, on peut s'interroger sur son efficacité, compte tenu de son coût, qui s'élève à 4 000 euros par jeune. Je regrette que le SNU n'ait pas été rendu obligatoire, à l'instar du service militaire, qui favorisait le brassage de toutes les catégories sociales. Le SNU aurait gagné en efficacité.
Le service militaire volontaire (SMV) est une initiative très importante, qui accueille de nombreux jeunes déscolarisés afin de les remettre en selle. Il faut tout faire pour conserver ce dispositif.
Marc Laménie l'a rappelé, la JDC est un moyen efficace pour détecter les jeunes en situation d'illettrisme, alors qu'il est très difficile de recenser les personnes qui ne savent ni lire ni compter ; telle était également l'une des missions assignées au service militaire. Il convient aussi de préciser que d'autres jeunes veulent en savoir davantage sur l'armée, par exemple sur la géopolitique ou sur le maniement des armes.
Si le SNU devait être supprimé - je ne me prononce pas sur cette question -, il faudrait que la JDC dure plus qu'une journée.
M. Claude Raynal, président. - Nous allons procéder au vote de l'amendement no 1 déposé sur l'article 42.
M. Michel Canévet. - L'Ordre de la Libération doit-il être rattaché à l'ONaCVG, comme le prévoit l'amendement ? Nous avons évoqué tout à l'heure les principaux opérateurs de la mission. Il convient de choisir le bon organisme de rattachement.
M. Marc Laménie, rapporteur spécial. - C'est le sujet que j'aborde avec cet amendement.
Monsieur Canévet, vous avez évoqué également dans l'une de vos questions le site des Invalides, dont l'entretien revient à l'INI. Les travaux du site des Invalides sont nécessaires, car la préfecture de police a émis un avis défavorable à la poursuite de l'exploitation de la quasi-totalité du site pour des raisons de sécurité. Le coût de ces travaux s'élève à 62 millions d'euros, dont 12 seront prélevés sur la trésorerie de l'INI. De nouveaux travaux sont prévus, au profit du bâtiment Robert de Cotte, pour un montant de 22 millions d'euros.
L'amendement n° 1 est adopté.
La commission décide de proposer au Sénat d'adopter les crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation », sous réserve de l'adoption de son amendement.
Contrôle budgétaire - Prise en charge des militaires blessés - Communication
M. Claude Raynal, président. - Nous allons maintenant entendre une communication de Marc Laménie sur son contrôle budgétaire sur la prise en charge des militaires blessés.
M. Marc Laménie, rapporteur spécial. - J'ai réalisé cette année un contrôle sur la prise en charge des militaires blessés. Je précise qu'il s'agit de la prise en charge après la phase aiguë de la blessure, car auparavant, ce ne sont pas les crédits de la mission « Anciens combattants » qui sont concernés.
Les blessures des militaires ne se limitent pas à la blessure de guerre : toute blessure imputable au service entraînant une infirmité ou une invalidité ouvre le droit à une pension militaire d'invalidité (PMI). En 2024, on compte 39 420 blessés recevant une PMI. Évidemment, la prise en charge des blessés ne se limite pas aux PMI, elle comprend le parcours de soins du blessé, y compris les phases de réhabilitation physique et psychique.
L'Institution nationale des invalides (INI) joue un rôle très important à ce titre : cet établissement est spécialisé dans la réhabilitation des militaires devenus invalides après avoir été blessés lourdement. Elle comprend également un centre de pensionnaires au sein duquel sont accueillis les blessés dont le degré d'invalidité empêche de recouvrer leur autonomie, ainsi qu'un centre d'appareillage pour les invalides ayant besoin de prothèses.
La prise en charge comprend aussi un accompagnement social et professionnel des blessés et de leurs familles. Outre des congés spécifiques, un suivi psychologique et une aide aux démarches, le militaire peut demander un accompagnement dans un projet professionnel - formation, réorientation, création d'entreprise - adapté à son invalidité. Après que le militaire a quitté l'armée, cet accompagnement est réalisé par l'Office national des combattants et des victimes de guerre (ONaCVG).
Enfin, le blessé militaire bénéficie de dispositifs de reconnaissance et de réparation au premier rang desquels les PMI. Ces différents dispositifs représentent 880 millions d'euros sur les crédits de la mission « Anciens combattants », dont 690 millions pour les seules PMI.
Au total, la majorité du coût de la prise en charge des blessés est supportée par la mission « Défense ». S'il n'existe pas d'estimation du coût global de cette politique, le service de santé des armées bénéficie à lui seul d'un financement à hauteur de 1,6 milliard d'euros.
Toutefois, malgré un parcours complet, certaines difficultés persistent : le parcours administratif du blessé pour qu'il bénéficie des dispositifs décrits est long et complexe. De même, la prise en compte de la blessure psychique n'est que très récente.
Le ministère des armées a déployé un Plan Blessés 2023-2027, qui se distingue de ses prédécesseurs par son ampleur et son ambition, puisqu'il porte non seulement sur le parcours de soins, mais également sur les démarches et les acteurs qui l'entourent. Il prévoit notamment de réduire et de simplifier les démarches administratives qui incombent au blessé, de tenir compte de la blessure psychique dans le parcours de soins et de centraliser les informations et démarches du blessé sur une plateforme numérique.
Même s'il est encore trop tôt pour en tirer des conclusions, ces mesures vont dans le bon sens. Elles montrent une véritable volonté de s'attaquer au mur administratif que constituent les démarches du blessé. Ces initiatives doivent être soutenues et pérennisées ; c'est l'objet de ma première recommandation.
La meilleure prise en compte de la blessure psychique passe par l'ouverture de dix « maisons ATHOS » d'ici à 2030. Les maisons ATHOS sont des centres non médicalisés - celui que nous avons visité à Auray dans le Morbihan s'apparente à un gîte - de réhabilitation des blessés psychiques, qui permettent à ces derniers de se réintégrer à la suite du traitement médical qu'ils ont suivi. Le traitement médicalisé de la blessure psychique doit également être développé, notamment par l'Institution nationale des invalides.
Le développement récent de ces dispositifs ATHOS s'explique par l'accroissement du nombre d'anciens militaires en retour d'opérations extérieures (Opex) qui souffrent d'un syndrome post-traumatique depuis 2010. La capacité d'accueil de ces derniers doit être portée à 1 500 blessés grâce à l'ouverture de dix maisons ATHOS.
Par ailleurs, nous avons identifié quelques angles morts.
Tout d'abord, l'accès au traitement en cas de blessure psychique est une source de grandes difficultés. En effet, les blessés psychiques ne sont souvent pas capables de réaliser eux-mêmes les démarches administratives pour bénéficier de ce traitement.
Ensuite, si la blessure psychique ne se déclare qu'après le départ des armées, le blessé ne bénéficie pas des aménagements normalement prévus en cas de blessure - positions de congé de moyenne ou longue durée, accompagnement administratif, etc. Cette question de l'accès aux soins pour les blessés psychiques est l'objet de mes recommandations nos 2 et 3.
Enfin, les pensions militaires d'invalidité sont calculées à partir de points PMI, qui sont accordés selon le grade et le degré d'invalidité du blessé. Or la valeur du point PMI est fixée sur l'évolution des rémunérations publiques, qui est traditionnellement moins dynamique que l'inflation. Ainsi, au fil des années, la valeur des PMI est grignotée par l'inflation, ce qui est particulièrement problématique dans les périodes où celle-ci est élevée. C'est d'autant plus problématique que les plus grands invalides bénéficient des pensions les plus élevées et sont ainsi les plus dépendants de leur pension pour vivre. Ma recommandation n° 4 porte sur cette question.
La commission adopte les recommandations du rapporteur spécial et autorise la publication de sa communication sous la forme d'un rapport d'information.
La réunion est close à 12 h 30.