Mardi 22 octobre 2024
- Présidence de M. Cédric Perrin, président -
La réunion est ouverte à 17 h 30.
Audition du général Thierry Burkhard, chef d'état-major des armées (sera publié ultérieurement)
Le compte rendu sera publié ultérieurement.
Cette audition n'a pas fait l'objet d'une captation vidéo.
La réunion est close à 19 h 45.
Mercredi 23 octobre 2024
- Présidence de M. Cédric Perrin, président -
La réunion est ouverte à 9 h 35.
Audition du général Jérôme Bellanger, chef d'état-major de l'armée de l'air et de l'espace (sera publié ultérieurement)
Le compte rendu sera publié ultérieurement.
Cette audition n'a pas fait l'objet d'une captation vidéo.
Audition de l'amiral Nicolas Vaujour, chef d'état-major de la marine (sera publié ultérieurement)
Le compte rendu sera publié ultérieurement.
Cette audition n'a pas fait l'objet d'une captation vidéo.
La réunion est close à 12 h 30.
La réunion est ouverte à 16 h 30.
Audition de M. Jean-Noël Barrot, ministre de l'Europe et des affaires étrangères
M. Cédric Perrin, président. - Monsieur le ministre, nous sommes très heureux de vous recevoir cet après-midi pour votre première audition par notre commission. Votre nomination intervient dans un contexte géopolitique très dégradé et préoccupant. Vous trouverez toujours auprès de notre commission des sénateurs qui ont à coeur de défendre les intérêts de la France, la sécurité de nos compatriotes en France ou à l'étranger et la paix dans le monde.
Les ambitions diplomatiques de la France se concrétisent au travers des grandes lignes du budget que vous demandez pour l'an prochain. Le projet de loi de finances (PLF) pour 2025 suscite des inquiétudes au sein de la commission. La situation des finances publiques est très préoccupante. Pour l'ensemble du périmètre du ministère et de l'aide publique au développement (APD), la baisse des crédits s'élève à 15,5 % des crédits, soit une baisse d'un milliard d'euros. Cela est considérable et, même si l'impact du choc est amoindri pour le programme 105 « Action de la France en Europe et dans le monde », cela bouscule les engagements pris par le Président de la République pour réarmer notre diplomatie, après des années de baisse des effectifs, trajectoire qui n'avait été inversée qu'à compter de 2023.
C'est l'aide publique au développement qui assume la plus grosse part de cette déflation, puisque le programme 209 « Solidarité à l'égard des pays en développement » est amputé de 26 % de ses moyens. Dans ces conditions, vous nous direz quels objectifs et quelles priorités vous tâcherez de poursuivre.
M. Jean-Noël Barrot, ministre de l'Europe et des affaires étrangères. - Je suis très honoré d'être reçu par votre commission, à laquelle je souhaite rendre hommage, car elle a la tâche très lourde de s'occuper à la fois des affaires qui relèvent du ministère de l'Europe et des affaires étrangères et du ministère des armées, commission où vous cultivez un esprit de pluralisme qui contribue à la qualité de vos travaux.
Je souhaite aussi rendre hommage à un levier essentiel de la diplomatie française, la diplomatie parlementaire. Nous avons, vous et moi, la responsabilité de porter la voix de la France. Nous sommes attentifs au fait de vous fournir tous les éléments dont vous aurez besoin dans vos missions, comme nous sommes heureux de pouvoir bénéficier de vos retours d'expérience, très utiles pour éclairer nos positions d'une lumière différente et calibrer nos messages. Je souhaite que, sur des sujets transversaux, comme les économies budgétaires à réaliser, nous puissions recueillir vos avis. Charge à moi de réaliser les arbitrages et de trancher le moment venu.
J'en viens à la présentation du budget de mon ministère, tel qu'il vous a été soumis par le Gouvernement et sous réserve de son adoption définitive. Ce budget devait connaître entre 2024 et 2027 une hausse importante de ses moyens pour réarmer et moderniser la diplomatie, mais aussi pour atteindre nos objectifs en matière d'aide publique au développement.
Dans le contexte budgétaire que vous connaissez, le plafond des crédits du ministère a été révisé à la baisse, comme pour la plupart des ministères. Mon ministère continue donc d'apporter sa contribution à l'objectif de maîtrise des finances publiques fixé par le Premier ministre. Je dis bien « continue », puisque le ministère a pris une part significative dans les annulations et gels de crédits décidés par le précédent gouvernement en février et juillet dernier. Le montant total de ces diminutions s'élève à 880 millions d'euros, soit 12,5 % de notre budget pour l'année 2024.
Les trois quarts de ces économies ont concerné le programme 209, qui porte nos moyens d'aide publique au développement. Les coupes ont porté en grande partie sur l'aide en dons, à travers l'Agence française de développement (AFD), mais aussi sur nos contributions multilatérales ainsi que sur la provision pour risques majeurs, qui nous permet de débloquer rapidement des fonds pour apporter un soutien aux pays subissant des crises aux conséquences humanitaires d'ampleur.
Le programme 105 « Action de la France en Europe et dans le monde » a été affecté par les coupes, pour 153 millions d'euros au total. Dans ce contexte, ce sont les chantiers de réforme et de modernisation visant à rendre notre diplomatie plus agile qui ont été protégés en priorité.
Concernant le programme 185 « Diplomatie culturelle et d'influence », les annulations de crédits ont principalement concerné les subventions aux opérateurs, afin de préserver les actions au service de notre politique d'influence.
Ainsi, pour l'exécution du budget, un effort très important d'économies a été demandé au ministère, ce qui nous a conduits à un travail de priorisation que nous allons poursuivre l'année prochaine.
J'en viens maintenant au projet de loi de finances pour 2025, qui confirme les économies opérées en 2024 et prévoit une économie additionnelle de 200 millions d'euros.
En volume, le plafond ministériel est de 5,8 milliards d'euros en crédits de paiement, soit une diminution d'un milliard d'euros par rapport à la loi de finances initiale adoptée en 2024. Le ministère est appelé à contribuer à nouveau, et de manière très importante, à l'effort de redressement de nos finances publiques.
Dans ce cadre contraint, je procéderai avec méthode pour préserver nos chantiers et actions prioritaires. Je serai guidé par trois critères.
Le premier critère et de préserver les actions et leviers qui sont les plus décisifs pour nous permettre de porter la voix singulière de la France dans le monde. Cela passe évidemment par notre réseau diplomatique à l'étranger et les moyens qui sont à sa disposition, mais également par des leviers d'action tels que notre capacité à agir au coeur des crises en soutien aux populations en détresse et à leurs autorités sollicitant de l'aide.
Le deuxième critère est de préserver les leviers qui agissent directement sur le quotidien des Français. Je pense aux 2,5 millions de Français établis à l'étranger qui ont comme interlocuteur nos services consulaires pour toutes les étapes de leur vie et leurs démarches administratives. Je pense aussi à l'action décisive que mène notre ministère pour préserver la sécurité des Français, répondre au défi migratoire et protéger et renforcer notre souveraineté économique, notre tissu industriel et nos emplois.
Le troisième critère est de veiller à ce que ces contraintes budgétaires ne conduisent pas à l'abandon des investissements qui permettront de rendre notre administration et notre diplomatie plus innovantes, créatives et efficaces. Je pense par exemple au déploiement de notre nouvelle Académie diplomatique et consulaire, qui sera chargée de projeter encore davantage l'inventivité et l'excellence française dans notre action à l'étranger. Nous disposons de moyens plus réduits que d'autres diplomaties, mais notre diplomatie est souvent plus innovante.
Voilà la méthode qui sera la mienne pour opérer les choix nécessaires, auxquels vous serez étroitement associés.
Le Premier ministre a demandé des économies supplémentaires de 5 milliards d'euros pour redresser notre déficit public, en sus des économies prévues dans le PLF pour 2025. Sans pouvoir entrer dans le détail de la répartition de ces économies, en cours d'examen, mon ministère sera mis une nouvelle fois à contribution. Je serai guidé par les mêmes critères.
Je reviens au projet de loi de finances pour 2025, en commençant par les crédits consacrés à nos effectifs. Les dépenses de personnel représenteront plus de 1,15 milliard d'euros, soit une hausse par rapport à la loi de finances initiale pour 2024, ce qui financera la création de 75 nouveaux équivalents temps plein (ETP). Certains estimeront que le compte n'y est pas, puisque les engagements qui avaient été pris indiquaient une trajectoire de 700 ETP d'ici à 2027, dont 150 ETP en 2025.
Dans le contexte que nous connaissons, la préservation de la création de ces 75 ETP constitue une marque de confiance dans notre diplomatie. Le ministère a subi, entre 2006 et 2021, une forme de plan social par étapes, qui a conduit à la suppression de 3 000 ETP au point que le corps social du ministère a fini par réagir de manière très vigoureuse, ce qui a déclenché les états généraux de la diplomatie, qui ont permis d'identifier où mobiliser le plus efficacement possible les 700 nouveaux ETP prévus.
Le plafond d'emplois est ainsi porté à 13 892 ETP, ce qui équivaut aux moyens humains de la métropole de Toulouse. C'est avec ces moyens humains que nous assurons le fonctionnement de plus de 170 postes diplomatiques à travers le monde. J'ai aussi rappelé au Premier ministre que le nombre d'ETP présents en administration centrale équivalait aux effectifs du conseil départemental de la Savoie.
J'en viens maintenant aux quatre programmes principaux dont le ministère a la charge. Nous avons dû prioriser nos efforts. C'est le programme 209 qui assume l'essentiel des efforts. Les autres programmes restent stables, tout en restant en deçà des hausses attendues.
Le programme 105 « Action de la France en Europe et dans le monde » rassemble les moyens de notre action diplomatique et porte aussi le financement de plusieurs contributions obligatoires de la France à l'international.
Les crédits consacrés à ces contributions internationales et aux opérations de maintien de la paix s'élèvent à 820 millions d'euros. Ils sont en baisse de 110 millions d'euros par rapport à 2024, du fait de facteurs externes comme la fermeture d'opérations de maintien de la paix, la diminution programmée de notre contribution à la Facilité européenne pour la paix (FEP) et la diminution de notre quote-part au budget des Nations unies. S'agissant des sommets internationaux qui se tiendront en 2025, 25 millions d'euros de crédits exceptionnels permettront d'organiser deux grands sommets, celui sur l'intelligence artificielle en février et celui sur les océans, en juin, à Nice.
Les moyens dévolus à la poursuite de la mise en oeuvre de l'agenda de transformation voient leur ambition réduite, mais préservée. Nous maintenons le budget de la direction du numérique pour continuer à accompagner les évolutions des métiers de la diplomatie et mettre en oeuvre des technologies innovantes telles que l'intelligence artificielle.
Nous renforçons les crédits consacrés à la sécurité de nos emprises diplomatiques et consulaires pour assurer la protection de nos agents.
Nous allouons aussi des moyens pour mettre en place l'Académie diplomatique et consulaire.
Nous avons ainsi priorisé les projets numériques, les projets de sécurité et les ressources humaines.
Les crédits du programme 151 « Français à l'étranger et affaires consulaires » connaissent une baisse de 5 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2024, pour s'établir à 156,9 millions d'euros.
Je ne souhaitais pas renoncer aux travaux de modernisation de l'administration consulaire. Les moyens sont ici préservés. L'attente de nos concitoyens est très forte, les sénateurs représentant les Français établis hors de France le savent. Ainsi, la finalisation du registre d'état civil électronique est prévue. En outre, nos services travaillent au développement d'une nouvelle solution de vote par internet, plébiscitée par les électeurs lors des élections législatives. Est également prévue la mise en oeuvre du service France Consulaire de réponse téléphonique aux ressortissants français de l'étranger. Ce service, dont le périmètre s'était élargi à soixante pays cette année, achèvera son déploiement en vue de la couverture mondiale à l'horizon fin 2025.
S'agissant des autres dépenses du programme 151, l'enveloppe pilotée par l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) s'établit à 111,5 millions d'euros. Ces aides continueront de permettre à nombre d'élèves à travers le monde d'accéder à nos lycées, outil fondamental de notre politique d'influence.
Afin de protéger les plus fragiles, les crédits consacrés à l'action sociale de nos postes consulaires s'élèvent à près de 20 millions d'euros, dont 15,2 millions d'euros en aides directes.
Les crédits du programme 185 « Diplomatie culturelle et d'influence » s'établissent en 2025 à 676 millions d'euros. Une grande partie du programme est constituée de la dotation à l'AEFE. Ces crédits représentent une baisse de 6,3 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2024, soit un retour à son niveau de 2023.
Nous continuerons néanmoins la mise en oeuvre de notre feuille de route en matière d'influence en priorisant l'Europe, l'Afrique et l'Indo-Pacifique. Plusieurs actions oeuvreront au rayonnement de la France à l'international, grâce aux bourses de mobilité étudiante - 70 millions d'euros y sont consacrés - et aux établissements à autonomie financière (EAF), dont la dotation de fonctionnement est préservée à hauteur de 45,7 millions d'euros.
L'ensemble des opérateurs devront cependant être mis à contribution par une diminution de leur dotation, pour absorber les économies demandées.
J'en viens au programme 209 « Solidarité à l'égard des pays en développement », très directement impacté par les coupes budgétaires.
L'aide publique au développement est portée par le programme 209, ainsi que par le programme 110 « Aide économique et financière au développement », dont la responsabilité incombe au ministère de l'économie et des finances. Le programme 209 inclut les dons, le programme 110 les prêts, les dotations ou autres moyens octroyés aux banques multilatérales de financement. Les moyens de la mission « Aide publique au développement » ont doublé entre 2017 et 2024. Nous partions de loin, et nous avions prévu d'aller encore plus loin, jusqu'en 2027.
Ces moyens connaîtront en 2025 une baisse de 1,4 milliard d'euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2024. Cela confirme les économies demandées en 2024 et en acte de nouvelles. Le programme 209, consacré à la solidarité avec les pays en développement, est le principal mis à contribution, à ce stade, dans ce PLF pour 2025. Cela représente 857 millions d'euros de baisse par rapport à la loi de finances initiale pour 2024, ce qui le ramène globalement à son niveau de 2021, avec 2,4 milliards de crédits de paiement. Nous devrons ainsi prioriser nos engagements tout en cherchant à préserver notre capacité à intervenir rapidement, gage de crédibilité politique.
C'est une équation exigeante, mais nous réussirons. Je souhaite pouvoir vous associer, mesdames, messieurs les sénateurs, à cette réflexion sur la priorisation.
Notre capacité à apporter des réponses d'urgence en cas de crise humanitaire grave s'élèvera à 500 millions d'euros en 2025, alors que 900 millions d'euros étaient prévus en 2024. Nous espérons le maintien de cette réserve pour crise majeure lors des débats parlementaires.
Si nos ambitions sont revues à la baisse en matière bilatérale, les ambassades pourront encore lancer des projets via le fonds Équipe France, outil qui a fait la preuve de son efficacité.
Les crédits délégués à l'AFD, qui constituent le bloc le plus important au sein du programme 209, seront nécessairement impactés par les réductions budgétaires. Il faudra préciser dans la programmation de l'agence, sur le plan géographique comme thématique, ses priorités.
En matière multilatérale, nous devons prioriser. Ces moyens nous permettent de nourrir nos partenariats avec les agences des Nations unies, vecteurs d'influence française importants ; cependant, il faudra faire des choix.
Le programme 110 « Aide économique et financière au développement » mis en oeuvre par le ministère de l'économie et des finances devrait connaître une baisse de 617 millions d'euros en crédits de paiement par rapport à la loi de finances initiale pour 2024 ; les crédits s'élevant à 1,7 milliard d'euros, la hausse reste de 78 % par rapport à 2017.
Les autorisations d'engagement du programme sont préservées, afin notamment de faire face à la reconstitution de l'Association internationale de développement et de contribuer au fonds de la Banque mondiale dédié aux pays les plus pauvres.
J'essaierai de vous présenter la copie budgétaire la plus transparente possible. J'assume un certain nombre de choix budgétaires dictés par l'exigence fixée par le Premier ministre, mais je souhaite qu'un certain nombre de décisions soient prises après consultation des parlementaires, notamment des rapporteurs pour avis et des rapporteurs spéciaux.
Mme Valérie Boyer, rapporteur pour avis du programme 105 « Action de la France en Europe et dans le monde ». - Selon une étude publiée en février par le Lowy Institute, la France a perdu deux places dans le classement des plus grands réseaux diplomatiques, tombant en cinquième position derrière la Chine, les États-Unis, la Turquie et le Japon.
Sans doute peut-on rectifier la méthodologie de ce genre d'études, qui classe les pays selon leur nombre d'ambassades, en ajoutant les postes à présence diplomatique. Il n'en reste pas moins que le réseau français est rapidement concurrencé, notamment par la Turquie et l'Inde. Ankara a ouvert 24 postes à l'étranger entre 2017 et 2023, soit plus que n'importe quel autre pays. L'Inde, qui dispose d'un réseau diplomatique limité au regard de sa puissance économique et démographique, a dépassé l'année dernière la moyenne des pays du G20 avec 194 postes, soit 21 de plus qu'en 2016. Les trois quarts des nouveaux postes diplomatiques indiens depuis 2021 se trouvent en Afrique. Le continent est également ciblé par la Turquie, qui y a ouvert 40 ambassades depuis 2005.
Il existe un débat classique entre les partisans du maintien par la France de son rang et les partisans de l'ajustement de son réseau à ses moyens réels. Faut-il se résoudre à ce que l'état de nos finances publiques tranche pour les seconds ?
Dans le cadre des missions que le Sénat m'a confiées, j'observe combien certains réseaux diplomatiques sont dynamiques et intrusifs lors de leurs interventions au sein de différentes enceintes. Je pense notamment à l'Assemblée parlementaire de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), où la Turquie et l'Azerbaïdjan ne cessent d'y saper nos positions.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur pour avis du programme 105 « Action de la France en Europe et dans le monde ». - Je constate la volonté du ministère de poursuivre son réarmement en matière de ressources humaines. Deux ambassades et un consulat vont ouvrir, ce qui est indispensable dans le contexte d'hyperconcurrence que nous connaissons.
Où seront affectés les 75 nouveaux ETP ? Il faut sans doute poursuivre la dynamique enclenchée au sein de la direction du numérique et de la nouvelle direction de lutte contre les influences et les infox.
Concernant notre empreinte en Afrique, le rôle de la direction de la coopération de sécurité et de défense (DCSD) ne peut qu'être réévalué. Qu'en est-il de l'extension du modèle de nos écoles nationales à vocation régionale (ENVR) à de nouvelles thématiques et à de nouvelles zones géographiques ?
M. Jean-Noël Barrot, ministre. - Merci madame Boyer, c'est une bonne manière de poser la question et c'est le bon moment pour la poser, car l'équation budgétaire est plus contraignante que précédemment. Je ne connais pas l'étude que vous citez, mais nous ne pouvons nous contenter de comparer le nombre de postes diplomatiques ; il faut aussi tenir compte des représentations permanentes et du nombre d'ambassadeurs auprès des institutions internationales. Il faut aussi s'interroger sur notre action en administration centrale, notamment dans le champ numérique. Cela étant dit, j'ai décidé de confier au Centre d'analyse, de prévision et de stratégie (Caps) une sorte de parangonnage des réseaux diplomatiques les plus performants. Ainsi, nous pourrons faire des choix de priorisation plus rapidement, en tirant les leçons des expériences réussies chez nos rivaux.
Monsieur Lemoyne, deux tiers des 75 ETP viendront alimenter le réseau à l'étranger. L'exercice annuel de programmation des effectifs permettra la mise en oeuvre de ce schéma d'emploi positif, notamment au bénéfice des priorités qui ont été fixées au ministère dans le cadre de son agenda de transformation : communication stratégique et diplomatie numérique dans le réseau, renforcement des postes de présence diplomatique - car sur les 170 postes diplomatiques que nous avons, 25 ont moins de 6 ETP -, et renforcement de nos capacités d'analyse politique et embauche d'experts en cybersécurité en administration centrale.
Je vous remercie d'avoir cité l'action de la DCSD, modeste numériquement mais qui produit des résultats considérables. Les ENVR - une vingtaine - sont très appréciées par nos partenaires, notamment en Afrique. En Afrique subsaharienne, l'objectif pour 2025 est l'endiguement de la menace terroriste, la lutte contre la piraterie et la poursuite du développement des partenariats. En Afrique du Nord et au Moyen-Orient, nous allons oeuvrer au renforcement des capacités régaliennes des États, à la lutte contre l'immigration régulière et contre le terrorisme, à la protection civile, au déminage et à l'approbation de l'enseignement du français. En Indo-Pacifique, la direction densifiera son réseau d'experts et développera deux écoles de sécurité maritime, à La Réunion et au Sri Lanka. Dans les Balkans occidentaux, en Europe continentale, la direction devrait achever le projet de Centre de développement de capacités cyber dans les Balkans occidentaux (C3BO) au Monténégro, projet que nous avons porté en lien avec la Slovénie. En Amérique latine et dans les Caraïbes, la direction poursuivra son action au profit de la police haïtienne et continuera à mettre l'accent sur la lutte contre le trafic de stupéfiants et les enjeux de sécurité civile.
M. Ronan Le Gleut, rapporteur pour avis du programme 151 « Français à l'étranger et affaires consulaires ». - Lors de l'examen du PLF 2024, mon corapporteur Guillaume Gontard et moi-même avions déposé un amendement pour abonder l'aide de l'État à la Caisse des Français de l'étranger (CFE) au titre de la catégorie dite « aidée », amendement soutenu par Jean-Baptiste Lemoyne. La CFE doit en effet assumer le coût de plus en plus lourd du tarif réduit dont bénéficient les assurés les moins favorisés pour leur protection sociale. Cet amendement, au coût très modeste de 380 000 euros, avait été adopté par le Sénat, avec une sagesse du Gouvernement, qui a pourtant choisi de ne pas le retenir dans le budget ensuite adopté selon la procédure de l'article 49.3. Pourquoi refuser cette compensation, pourtant promise initialement par l'État à la CFE ? Comment comptez-vous, à l'avenir, aider la CFE à faire face à cette charge croissante ?
Par ailleurs, à compter du PLF pour 2025, les crédits et effectifs du programme 151, comme ceux du programme 185, sont regroupés sur le programme 105. Quelle est la clef de répartition pour le programme 151 ?
M. Guillaume Gontard, rapporteur pour avis du programme 151 « Français à l'étranger et affaires consulaires ». - Ma première question porte sur le délai de carence au retour en France. Plusieurs droits sociaux ne sont reconnus qu'aux personnes pouvant justifier d'une résidence stable et régulière en France, condition qui nécessite de pouvoir prouver une présence d'au moins trois mois sur le territoire. Au retour en France, des Françaises et Français sont ainsi privés de leurs droits, en particulier de la couverture par l'assurance maladie. Quel est le nombre de citoyens concernés ? Certains retours en France, par exemple en tant que proche aidant ou pour une formation ou une activité bénévole, ne justifieraient-ils pas une ouverture immédiate des droits ? Par un amendement d'appel, le Sénat a souhaité réduire, voire supprimer ce délai de carence lors de l'examen du précédent PLFSS.
Issu d'un engagement présidentiel, le Pass éducation langue française, ou Pass enfant langue française, comme il est désormais désigné dans les documents officiels, a pour objectif de conserver le lien des Français établis à l'étranger avec notre langue. Destiné aux enfants de 6 à 11 ans, il consiste en vingt heures de cours gratuits en ligne. Or les crédits prévus dans le budget 2024 pour l'expérimentation de ce dispositif n'ont pas été reconduits dans le budget 2025, « dans l'attente d'une évaluation », est-il précisé dans le projet annuel de performance. Ce faisant, ne se prive-t-on pas de la possibilité de reconduire ou de généraliser l'expérimentation à la rentrée 2025 ? Quel est l'avenir de ce programme ?
M. Jean-Noël Barrot, ministre. - Une dotation de 380 000 euros est prévue pour la CFE dans le budget 2025. Cette dotation pourra être ajustée en fin de gestion, en cas de besoin, comme chaque année. Je regarderai attentivement un éventuel amendement s'il est déposé. Je serai toutefois attentif à ce qu'il n'aboutisse pas à sous-budgéter d'autres lignes. Le système actuel de redéploiement en fin de gestion a fait la preuve de son efficacité. S'agissant du niveau de la dotation budgétaire, une mission conjointe de l'inspection générale des affaires sociales (Igas) et de l'inspection générale des finances (IGF) va être lancée sur la gouvernance de la CFE pour mieux évaluer ses besoins. Ses conclusions sont attendues pour décembre 2024.
L'allocation du titre 2 du programme 151 a été basculée dans son intégralité vers le programme 105 : cela peut créer des difficultés de comparaison d'une année sur l'autre, j'en conviens.
J'en viens au délai de carence qui s'applique aux Français de l'étranger pour bénéficier de la sécurité sociale à leur retour en France. Le délai de droit commun est de trois mois au retour en France. Une dispense peut être accordée, sur demande, à titre exceptionnel. Il n'existe en revanche aucun délai de carence pour les adhérents à la Caisse des Français de l'étranger.
Le Pass éducation langue française a bénéficié, à titre expérimental, d'une dotation d'un million d'euros en 2024 sur le programme 151. Ces crédits avaient pour objectif de maintenir et renforcer les compétences en langue française des enfants français vivant à l'étranger, éloignés d'un environnement francophone. Ce dispositif a été expérimenté dans quatorze pays pilotes, moyennant vingt heures de cours de français en ligne pour des enfants âgés de 6 à 11 ans. Cette formation est dispensée par vingt-deux Instituts français et Alliances françaises. Dans l'attente d'une évaluation du dispositif, fixée au deuxième trimestre 2025, il n'est pas prévu de reconduire ces crédits l'année prochaine. Si l'expérimentation démontre l'efficacité du dispositif, ils pourront toutefois être reconduits.
Mme Catherine Dumas, rapporteure pour avis du programme 185 « Diplomatie culturelle et d'influence ». - J'interviendrai en mon nom et en celui de M. Didier Marie. Votre exposé liminaire a apporté quelques réponses concernant le programme 185. Cependant, je souhaite insister sur le fait que la baisse significative, de l'ordre de 45 millions d'euros, des crédits de ce programme suscite beaucoup d'inquiétudes. Comment concilier cette diminution avec les objectifs affichés par le Président de la République à plusieurs reprises, notamment dans son discours de Villers-Cotterêts, pour soutenir l'enseignement du français et, de manière générale, avec une ambition forte en matière de francophonie ?
Didier Marie souhaite pour sa part vous interroger sur la subvention pour charges de service public versée à l'AEFE, qui devrait diminuer de 14 millions d'euros. Le projet annuel de performance indique que cette baisse sera portée à hauteur de 10 millions d'euros par la fin de l'aide exceptionnelle au Liban accordée jusqu'en 2024. La grave crise que traverse ce pays ne nécessite-t-elle pas, au contraire, un soutien accru ?
En outre, comment concilier cette diminution avec l'objectif présidentiel du Cap 2030 qui prévoit un doublement des effectifs scolarisés dans le réseau d'enseignement français à l'étranger ?
Enfin, qu'en est-il de l'ouverture de l'ambassade de France au Guyana ?
M. Jean-Noël Barrot, ministre. - Dans le PLF 2025, la subvention à l'AEFE, qui représente environ deux tiers des crédits du programme 185, est en légère baisse. La priorité a été accordée aux bourses de mobilité pour les étudiants étrangers en France, dans la poursuite de l'effort de renforcement de notre attractivité de ces dernières années. Les crédits consacrés à ces bourses ne sont donc pas affectés par la diminution prévue. L'Institut français et Campus France ont été sollicités.
La subvention pour charges de service public de l'AEFE s'élevait à 445,5 millions d'euros après application du décret d'annulation de février 2024, qui avait gelé 3,1 millions d'euros. Dans le PLF 2025, une subvention de 440,8 millions d'euros est prévue, soit une baisse de 14 millions d'euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2024. Nous considérons que cette baisse peut être absorbée par l'AEFE, notamment du fait d'un coût inférieur à la prévision initiale de la réforme du statut de ses personnels détachés, dont l'État finance 50 % du coût réel. Le niveau de trésorerie de l'Agence demeure cependant un enjeu majeur et conditionne sa capacité à réaliser des investissements pour ses établissements en gestion directe. Par ailleurs, l'AEFE est confrontée à des besoins croissants liés au développement du réseau - suivi administratif des différents dossiers, etc. - et à la multiplication des crises. Le ministère reste particulièrement mobilisé pour concilier les objectifs de croissance fixés à l'Agence et le contexte de redressement des finances publiques.
Je prends toutefois bonne note de votre remarque, qui consiste à nous alerter sur le fait que la crise actuelle au Liban pourrait augmenter les coûts auxquels l'AEFE doit faire face. À ce stade, nous n'avons pas identifié de difficulté particulière, mais nous serons vigilants.
Enfin, l'objectif est d'ouvrir l'ambassade de France au Guyana au premier trimestre 2025.
M. Christian Cambon, rapporteur pour avis du programme 209 « Solidarité à l'égard des pays en développement ». - M. Patrice Joly et moi avons le malheur d'être rapporteurs pour avis sur les crédits concernés par les plus importants efforts de contraction budgétaire de votre ministère. Nous le regrettons d'autant plus que la commission des affaires étrangères et de la défense a beaucoup oeuvré pour améliorer l'aide au développement ces dernières années. Nous comprenons cependant les justifications profondes de cette décision. Face au dérèglement des finances du pays, des mesures sont nécessaires. Le problème n'en demeure pas moins réel et nous entendrons certainement de sérieuses récriminations de la part des ONG que nous commencerons à recevoir dès demain dans le cadre de la préparation de l'examen du budget.
À partir du moment où l'on contracte sévèrement les crédits, il convient d'affirmer précisément les priorités d'action, pour les utiliser au mieux.
L'AFD s'appuyait jusqu'à présent sur 13 milliards d'euros de crédits, ce qui est considérable. Il faudrait orienter prioritairement ces crédits vers les trois objets essentiels de l'aide : l'alimentation, la formation et la santé. En effet, une bonne part des drames de l'immigration sont liés au fait que de nombreuses populations ne trouvent plus dans leur pays les moyens de survivre et les fuient donc, dans les conditions effroyables que nous connaissons.
On nous a souvent parlé de priorités relatives à la sauvegarde de l'environnement et à la gouvernance. Mais on peut aider les gens à se nourrir, à se former et à se soigner dans une bonne gouvernance et en respectant l'environnement. Cela me semble d'autant plus important qu'une bonne part des crédits qui seront comprimés concernent des aides-projets, c'est-à-dire à des dons visant à aider des pays dans le besoin.
Ma deuxième observation vise l'application du vieux principe selon lequel la confiance n'exclut pas le contrôle. J'insiste une nouvelle fois sur la nécessité de mettre en place la commission d'évaluation de l'aide publique au développement. Je rappelle qu'elle a été instituée par une loi promulguée par le Président de la République le 4 août 2021. Nous sommes en octobre 2025, et le décret d'application se fait toujours attendre. Comme nous l'avons rappelé à chaque discussion budgétaire, une telle commission d'évaluation est d'autant plus nécessaire pour les parlementaires qu'elle permettra d'apprécier les politiques d'aide au développement au moment où les crédits se contractent.
J'insiste par ailleurs sur la nécessaire vigilance que nous devons avoir à l'égard de l'AFD. Sans remettre en cause les qualités des hommes et femmes qui la dirigent, cette agence requiert un pilotage politique, pour que ses priorités soient nettement affirmées et que l'on ne retrouve pas, comme cela s'est produit il y a quelques années, un bleu budgétaire faisant de la Chine et de la Turquie les deux pays les plus soutenus par l'aide au développement française. Il y avait là un manque de lisibilité regrettable. Nous devons nous manifester auprès des pays en grande difficulté.
Il faudra également regarder de près les grands fonds multilatéraux vers lesquels des sommes considérables, chiffrées à des centaines de millions d'euros, sont dirigées. À titre d'exemple, le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, qui est un fonds à l'approche très verticale, très difficile à manier, perçoit des sommes très importantes. Or celles-ci sont décaissées très lentement, alors même que la pandémie du sida est en régression, ce dont nous nous félicitons. Au vu des autres pandémies qui se développent dans le monde - je pense notamment au mpox - et des drames sanitaires qui en résultent, il faudrait que la France use de son pouvoir, y compris au sein des Nations unies, pour orienter les grands fonds vers ces priorités essentielles.
Afficher nos priorités, développer nos contrôles, veiller à ce que l'AFD travaille plus en direct avec le Parlement, comme nous l'avons toujours souhaité et comme nous l'avons rappelé d'ailleurs régulièrement à son directeur général : tout cela devrait vous permettre, monsieur le ministre, de surmonter les difficultés budgétaires qui sont les nôtres. Nous tâcherons de vous accompagner dans cette voie.
M. Patrice Joly, rapporteur pour avis du programme 209 « Solidarité à l'égard des pays en développement ». - Monsieur le ministre, vos propos liminaires faisaient apparaître une véritable ambition pour votre ministère, ainsi qu'une forme d'exaltation à l'égard des actions à mener. La part qu'il prend dans la réduction des dépenses publiques constitue néanmoins une véritable douche froide, en particulier pour ce qui concerne les crédits consacrés à la solidarité à l'égard des pays en développement et à l'aide humanitaire. À cela s'ajoutent les 2 milliards d'euros d'économies prévus sur le programme 110 « Aide économique et financière au développement ».
Or la pauvreté s'accroît, la malnutrition est un problème majeur et la santé comme l'éducation sont plus que jamais des enjeux essentiels. Cela soulève la question de l'interdépendance à l'échelle mondiale. Des efforts sont à mener dans plusieurs domaines : l'alimentation, la biodiversité, la gestion de l'eau, la lutte contre le réchauffement climatique ou encore la gestion des flux migratoires.
Au regard des engagements pris par la France ces dernières années, quelle image donne-t-on, quels symboles envoie-t-on au monde, particulièrement à l'Afrique où notre pays est malmené et parfois désigné comme bouc émissaire ?
Dans ce contexte, des réductions de crédits aussi importantes sont-elles bien raisonnables ? Je ne le pense pas. Si la France veut tenir son rôle et prendre sa part dans les actions à mener à l'échelle internationale, cela ne semble pas pertinent.
Il faut effectivement que la commission d'évaluation de l'aide publique au développement soit mise en oeuvre. On nous a dit que c'était l'affaire de quelques semaines, voire de quelques jours.
Par ailleurs, la taxe sur les transactions financières est l'un des rares prélèvements fiscaux à être effectué par une société privée, Euroclear. Or la Cour des comptes a constaté au cours d'un contrôle que le niveau de recouvrement de cette taxe était très en deçà de son potentiel réel, qui s'élève à plus du double. Cette situation tient à un manque de transparence, voire à certaines stratégies d'évasion et de fraude fiscales. Des solutions à ce problème pourraient être recherchées par la direction générale des finances publiques (DGFiP), en prévision des PLF 2026 et 2027.
M. Jean-Noël Barrot, ministre. - Je ne peux que vous rejoindre sur les priorités que vous avez citées. Dans un contexte budgétaire compliqué, il faut privilégier la lutte contre la grande pauvreté, l'aide alimentaire, l'aide à la formation et l'aide à la santé plutôt que des activités de soutien à des pays déjà avancés, qui se matérialisent souvent par des prêts. Ces derniers concernent essentiellement le programme 110. Le programme 209 doit être tourné pour sa part vers la lutte contre la grande pauvreté et la réponse aux crises humanitaires.
Lorsque j'ai brièvement exercé les fonctions de président de la commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale, j'ai appelé l'attention du Premier ministre sur la nécessité de publier rapidement le décret d'application relatif à la mise en oeuvre de la commission d'évaluation de l'aide publique au développement. J'ai l'honneur et la joie de vous présenter enfin ce décret, que je m'apprête à signer ! Vous pouvez compter sur moi pour le faire aboutir au plus vite.
Il nous faut conduire un travail de rationalisation et de hiérarchisation des priorités. Je constate que la prérogative de contrôle du Parlement, telle qu'elle est définie à l'article 24 de la Constitution, est souvent redoutée par l'exécutif, alors qu'il devrait s'appuyer sur ce travail d'évaluation pour solliciter de la part des administrations dont il a la charge les efforts qui s'imposent.
Monsieur Joly, est-il bien raisonnable de creuser dans les ressources d'un ministère tel que celui-ci ? Vous avez raison : les préoccupations des Français en matière d'immigration, de sécurité, de pouvoir d'achat ou d'emploi sont toutes liées à son périmètre d'action.
La question de l'immigration, abordée régulièrement dans les médias, se joue en partie au Liban. Si nous ne parvenons pas à trouver la voie du cessez-le-feu par une résolution diplomatique garantissant la sécurité du nord d'Israël et la souveraineté du Liban, nous revivrons ce que nous avons vécu en 2015, soit des vagues importantes de demandeurs d'asile qui viendront chercher refuge en Europe pour fuir la guerre et la persécution. Nous retrouverons la situation de vertige de l'époque, quand l'Europe s'est trouvée totalement démunie et désemparée face à un phénomène qu'elle n'avait pas anticipé.
Notre mission, la vôtre comme la mienne, est de toujours rappeler à nos concitoyens que, lorsque nous voyageons, lorsque nous échangeons avec des dirigeants politiques étrangers, nous le faisons au service des Français. La diplomatie, parlementaire ou gouvernementale, est au service des Français et touche à leurs préoccupations premières.
Lorsque d'importants efforts budgétaires seront nécessaires, la question du lien entre l'activité diplomatique et la résolution de ces problèmes très concrets sera peut-être davantage soulevée.
Le niveau et les modalités de la taxe sur les transactions financières ne relèvent pas du périmètre du ministère de l'Europe et des affaires étrangères. Je souhaite toutefois que ce débat puisse avoir lieu, à l'Assemblée nationale comme au Sénat.
M. Olivier Cadic. - Le gouvernement britannique devrait bientôt supprimer l'exemption de TVA dont disposent les écoles privées britanniques, ce qui concerne onze écoles françaises au Royaume-Uni. Cette TVA à 20 % aura un impact considérable sur les frais de scolarité. Depuis quelques mois, notre ambassade a engagé des négociations pour obtenir un statut spécifique aux écoles françaises afin de les exempter de TVA. Où ces négociations en sont-elles ? Des mesures de compensation seront-elles prises en cas d'échec ?
Par ailleurs, en Tunisie, le taux de base et le Smic sont inférieurs à ceux qui sont pratiqués en Algérie. Pourtant, le salaire versé aux agents du consulat général de France à Tunis est paradoxalement supérieur à celui des agents affectés à Annaba, Alger ou Oran. Le ministère est-il prêt à corriger cette incohérence ?
L'exercice budgétaire fait souvent apparaître le ministère des affaires étrangères comme une simple structure de coûts, à maîtriser et à réduire. On oublie totalement les ressources engrangées grâce à ses ETP. Ainsi, un agent du service des visas produit des revenus quatre fois supérieurs à son coût. Chacun de ces agents fait gagner de l'argent à la France. À titre d'exemple, plus de 12 millions d'euros de revenus ont été obtenus en droits de chancellerie et visas à Londres en 2024, soit une hausse de près de 50 % par rapport à 2019. Les consulats ne doivent pas être vus comme des structures de coûts, mais comme des structures de profits, qu'il convient de développer et dont nos finances publiques ont bien besoin.
Les 75 créations de postes prévues dans le plan pluriannuel seront-elles bien effectuées ? Une rumeur m'est parvenue, selon laquelle elles seraient susceptibles d'être annulées.
L'objectif du Pass éducation langue française est d'apprendre le français aux enfants français qui ne parlent pas notre langue. La moitié des enfants français vivant aux États-Unis sont dans cette situation, tout comme deux tiers des enfants français nés en Amérique latine et 80 % de ceux qui vivent en Algérie et en Israël. Le consul de France à São Paulo a dit qu'il ne voyait plus d'enfants français parlant notre langue. Ce Pass était un engagement du Président de la République et il était destiné aux 80 % d'enfants français qui ne se trouvent pas dans le réseau de l'AEFE. Or le million d'euros mobilisé pour ce dispositif n'a pas été utilisé selon la commande politique de 2024, comme j'ai pu le constater en travaillant avec Olivier Becht sur cette question.
Chaque année, nous versons sans sourciller 440 millions d'euros à l'AEFE, dont une bonne partie subventionne une minorité d'écoles du réseau. Cela bénéficie à plus de 50 % d'étrangers et ne concerne que 20 % d'enfants français. En outre, seuls 4 % d'enfants français bénéficient des plus de 115 millions d'euros mobilisés pour les bourses.
Rien ne sera donc prévu dans le budget 2025 pour 80 % des enfants français vivant à l'étranger. Je veux vous convaincre, monsieur le ministre, de rééquilibrer le budget pour donner à notre pays une chance d'apprendre sa langue à ses enfants.
Mme Hélène Conway-Mouret. - Je compatis, monsieur le ministre. Il n'est jamais agréable de ne pas avoir les moyens de ses ambitions, d'autant que les nôtres sont, comme nos réseaux, universelles. Les annonces de l'année dernière avaient suscité de grands espoirs. Or, après le réarmement, nous avons l'impression d'assister à une forme de désarmement. Il est essentiel de dégager des priorités pour limiter l'impact négatif des suppressions de crédits annoncées. Un déploiement des deux tiers des effectifs dans le réseau consulaire serait ainsi bienvenu, car les besoins sont criants.
La conservation des crédits liés à la dématérialisation et à la modernisation est à saluer. En revanche, les crédits liés aux bourses scolaires et aux aides sociales sont en baisse, notamment ceux qui sont tournés vers les plus vulnérables, comme les organismes locaux d'entraide et de solidarité (Oles). Les aides destinées aux centres médico-sociaux diminuent en outre de 30 %.
Il est urgent d'aider la CFE à surmonter ses difficultés financières. Il y va de la santé des Français.
Par ailleurs, le budget de la francophonie est en baisse de 45 millions d'euros. Cette diminution affecte à la fois les Instituts français, les Alliances françaises et la formation. L'enveloppe des bourses doit être maintenue pour tenir compte de l'inflation, ainsi que de l'augmentation des frais de scolarité. J'attire votre attention sur le fait que le nombre d'élèves boursiers a diminué de 4 000 cette année.
Enfin, où en sont les négociations avec votre homologue thaïlandais sur la double imposition des Français de l'étranger en Thaïlande ?
M. Jean-Noël Barrot, ministre. - Les négociations relatives à l'application de la TVA sur les écoles françaises au Royaume-Uni sont toujours en cours. J'ai évoqué la question dans mes fonctions précédentes avec mon homologue. La décision d'appliquer la TVA sur les écoles privées découle de la volonté du gouvernement travailliste d'équilibrer son budget. Nous avions proposé des critères pour ne pas pénaliser nos établissements. Je n'ai pas les dernières informations à ce sujet, mais notre ambassadrice sur place suit ce dossier de près.
Dans la fixation de nos cadres salariaux, nous ne sommes pas guidés par le niveau du salaire minimum légal, dont la finalité et les modalités de calcul varient d'un pays à l'autre, mais par les niveaux des salaires effectivement pratiqués, notamment par les autres ambassades. Notre poste à Alger constate un décrochage de nos grilles salariales et en proposera la revalorisation au titre de 2025. J'étudierai attentivement cette demande qui, si elle est acceptée, sera financée par l'enveloppe pour mesures catégorielles figurant dans le budget 2025.
Si vous avez entendu une rumeur concernant les 75 ETP du ministère, je vous remercie d'en rechercher la source et de me la signaler ! Nous nous sommes battus pour les obtenir. Je souhaite qu'ils soient, au minimum, préservés. Comme je vous l'ai dit, un engagement avait été pris pour 150 ETP, afin de tenir la promesse des états généraux de la diplomatie.
Je m'engage par ailleurs à étudier le sujet du Pass éducation langue française avec attention, pour voir s'il est possible d'avancer sans attendre l'évaluation de l'expérimentation, même s'il est toujours préférable d'attendre qu'un bilan soit effectué avant d'étendre les modalités d'une expérimentation ou de la pérenniser.
Les aides à la scolarité diminuent effectivement, de 6 millions d'euros. Les moyens prévus devraient néanmoins suffire pour assurer l'accompagnement des familles. Le budget comporte en effet une enveloppe de 111,5 millions d'euros pour les bourses scolaires ainsi qu'une dotation portée à 2 millions d'euros pour l'accompagnement scolaire des élèves en situation de handicap. Les crédits consacrés aux affaires sociales s'élèveront en outre à 20 millions d'euros. Malgré une baisse de 1,6 million d'euros par rapport à 2024, l'enveloppe budgétaire restera donc à un niveau substantiel par rapport à la période antérieure à la crise du covid-19. Ce niveau est en effet supérieur de 2 millions d'euros à celui de l'enveloppe budgétaire de 2019. De plus, 15,2 millions d'euros seront alloués aux aides sociales directes.
Après une année faste pour la francophonie et la réussite du Sommet de la Francophonie, à Paris et à Villers-Cotterêts, les crédits consacrés à la francophonie diminuent. Cependant, malgré cette baisse de crédits, la France maintient sa capacité d'action au sein de la francophonie institutionnelle en qualité de premier bailleur de l'Organisation internationale de la francophonie (OIF).
Ce Sommet a été un succès diplomatique. Nous avons pu constater en effet que l'OIF demeurait attractive. Des demandes de réintégration ont été reçues, ainsi que des demandes de promotion, si je puis dire, dans l'ordre de la francophonie. Il a été également un succès populaire. Tous les mouvements d'entrepreneurs de la francophonie se sont en effet retrouvés dans un même lieu à l'occasion du salon FrancoTech, qui s'est tenu à la station F et a été unanimement salué comme une réussite.
Enfin, concernant la double imposition des Français vivant en Thaïlande, les services compétents ont été saisis de la question, notamment la direction de la législation fiscale (DLF). L'ambassade de France dialogue avec les autorités thaïlandaises avec l'appui de la direction des Français à l'étranger et de l'administration consulaire (DFAE). Une réunion d'information avait été organisée pour nos ressortissants au premier semestre 2024.
M. Cédric Perrin, président. - Nous en venons, après les questions budgétaires, à l'examen de la situation internationale, rendue difficile par la gravité et la multiplicité des crises.
Monsieur le Ministre, nous étions ensemble le week-end dernier en Ukraine, où vous avez réaffirmé le soutien de la France au peuple ukrainien. Les moments que nous avons passés auprès des héros de la résistance ukrainienne, près de la ligne de front, resteront parmi les plus marquants de ma vie d'élu. La France s'honore de poursuivre les efforts consentis depuis trente-deux mois. Dernièrement, elle a notamment communiqué sur la formation de la brigade Anne de Kyiv, destiné à appuyer la résistance ukrainienne sur le front.
Les forces armées russes ont cependant pris l'initiative depuis plusieurs mois et les déclarations en faveur de l'ouverture de négociations se multiplient. Le 16 octobre dernier, au moment où le président Zelensky présentait son plan pour la victoire aux députés ukrainiens, le chancelier allemand déclarait au Bundestag qu'il fallait « tout faire » pour « trouver un moyen d'empêcher cette guerre de continuer » et qu'il était prêt à discuter avec le président russe. Quelle est, monsieur le ministre, la position de la France sur chacun des points du « plan pour la victoire » ukrainien, notamment l'entrée de l'Ukraine dans l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord (Otan) et la poursuite du soutien financier et militaire ? Ce soutien peut-il selon vous se combiner avec de nouveaux efforts diplomatiques ?
Je viens de lire dans la presse l'annonce par les Américains de la détention d'éléments de preuve concernant l'arrivée de soldats nord-coréens en Russie, ce qui est loin de nous rassurer.
Au Proche-Orient et Moyen-Orient, la guerre s'est désormais installée et semble se régionaliser, frappant durement le Liban depuis plus d'un mois, avec le risque d'une escalade en Iran. À la sidération du 7 octobre a succédé une impuissance totale de la communauté internationale face à une guerre qui se prolonge et qui s'étend, et où les violations du droit international humanitaire se banalisent. Monsieur le ministre, vous avez rappelé, lors de votre nomination, votre attachement au respect du droit international : comment comptez-vous le promouvoir auprès des parties prenantes du conflit en cours ?
Certains propos récents du Président de la République sur l'arrêt de la livraison d'armes à Israël ou sur les origines de l'État israélien ont par ailleurs suscité des incompréhensions et des critiques, notamment du président du Sénat. Comment la France peut-elle retrouver une parole utile et crédible au Proche-Orient ? Comment aller vers l'arrêt des combats au Liban et à Gaza, conditions préalables à un processus de paix ?
Le rôle des États-Unis reste déterminant dans la dynamique de ces deux conflits. Vous nous présenterez peut-être vos réflexions sur les conséquences que pourrait avoir à cet égard l'élection de début novembre aux Etats-Unis.
Nous aimerions vous entendre ensuite sur la politique de la France sur le continent africain. Une partie des dirigeants africains francophones ne se sont pas rendus au dernier Sommet de la Francophonie - ni le roi du Maroc, ni le président congolais, ni le président sénégalais - et l'on a appris que le prochain sommet Afrique-France se tiendrait en 2026 au Kenya, pays non francophone. C'est une réorientation audacieuse de nos partenariats, qu'il faudrait mieux expliquer. Plus généralement, quels sont nos priorités, nos objectifs, notre stratégie en Afrique ? Quels moyens vous faudra-t-il pour les concrétiser ?
La situation dans la Corne de l'Afrique se dégrade également, puisque nous assistons à une escalade progressive entre l'Éthiopie et la Somalie, dans laquelle la Turquie et l'Égypte sont hautement impliquées. La France a des intérêts dans cette région, notamment par sa présence historique à Djibouti.
Je veux enfin rappeler l'effroyable conflit en République démocratique du Congo (RDC), qui a causé entre cinq et dix millions de morts ces vingt dernières années : quelle est la position de la France sur ce dossier si douloureux ?
Il est difficile de faire ici un tour du monde complet. Peut-être nous direz-vous encore un mot de la situation en mer de Chine, autour de Taïwan bien sûr, où les tensions ne faiblissent pas, mais aussi pour les Philippines sur lesquelles la Chine exerce une pression croissante.
M. Jean-Noël Barrot, ministre. - Monsieur le président, vous l'avez dit, nous rentrons d'Ukraine où nous avons pu constater à quel point la voix de la France y résonne singulièrement. Le combat des Ukrainiens est aussi le nôtre : il s'agit d'un enjeu de sécurité pour nous, Européens, mais aussi d'une question humanitaire - je pense à la situation des enfants ukrainiens blessés, traumatisés, parfois kidnappés ou déportés. Nous sommes aussi les garants d'un ordre international fondé sur le droit qui prémunit l'ensemble des peuples du monde contre la loi du plus fort.
Si l'Ukraine devait tomber, c'est tout l'édifice conçu en 1945 par nos prédécesseurs qui s'effondrerait avec elle. En empêchant la défaite de l'Ukraine par l'aide que nous apportons à ses combattants, ainsi que dans les domaines civil et humanitaire, nous préparons la victoire des principes auxquels nous croyons et nous assurons les conditions de la maîtrise de notre propre destin, qu'il s'agisse du prix de l'énergie et du blé ou du fonctionnement de notre espace numérique.
C'est pourquoi la position de la France est de continuer à soutenir aussi longtemps et intensément que nécessaire la résistance des Ukrainiens face à la guerre d'agression que la Russie mène depuis deux ans et demi.
La voix de la France est également singulière au Proche-Orient.
Le 7 octobre dernier, sur le site du festival Nova, la France était aux côtés des familles et des victimes du pire massacre antisémite depuis la Shoah pour panser les plaies ; elle était aux côtés de la population d'Israël dans son ensemble pour lui dire qu'elle n'oublie ni les plus de mille deux cents victimes, dont quarante-huit Français, ni les otages - tous les otages. Je pense à Erez, Eitan, Sahar et Mia qui ont été libérés dans la joie et les larmes après d'intenses efforts. Je pense à Elia et Orion qui ont été assassinés. Je pense à Ofer et Ohad, pères de famille retenus captifs depuis un an dans la bande de Gaza ; je pense à tous ceux qui partagent leur sort.
Le Président de la République et le Premier ministre ont reçu les familles le jour même. La France n'abandonnera jamais ses compatriotes. Tous les otages doivent être libérés sans condition.
Mais parce qu'elle ne fait pas de distinction entre les victimes civiles, la France se tient aux côtés des Palestiniens de Gaza et de Cisjordanie depuis le premier jour, en appelant à un cessez-le-feu immédiat et en plaidant pour une solution politique permettant aux deux peuples de vivre en paix et en sécurité. Cette solution passera par la création d'un État palestinien, par des reconnaissances collectives et réciproques et par des garanties de sécurité pour Israël.
Au Liban aussi, la France fait entendre sa voix.
Le Hezbollah porte une lourde responsabilité dans la situation que nous connaissons aujourd'hui, en ayant entraîné le pays dans une guerre que le peuple libanais n'avait pas choisie. Déjà des milliers de morts, dont deux de nos compatriotes, déjà des centaines de milliers de déplacés et de nombreux blessés.
Si nous ne faisons rien, le Liban de demain pourrait ressembler à la Syrie d'aujourd'hui, livré au trafic de drogue et au terrorisme, avec des millions de malheureux jetés sur les routes de l'exil.
C'est la raison pour laquelle nous organisons demain, jeudi 24 octobre, une conférence internationale de soutien au peuple et à la souveraineté du Liban pour tracer des perspectives diplomatiques, mobiliser l'aide humanitaire et en garantir l'acheminement, mais également pour accompagner les Libanais dans leur désir de vivre en paix et en sécurité dans un État fonctionnel capable d'assurer leur prospérité.
La voix de la France est singulière en Afrique et elle est confrontée à de nombreux défis : crise économique, inégalités, tensions sociales, conséquences du dérèglement climatique... La France est à l'initiative pour agir aux côtés de ses partenaires africains, y compris dans les situations les plus compliquées.
Au Soudan, où une personne sur deux a besoin d'une aide d'urgence, la France est présente. En six mois, grâce à nos efforts, 90 % des 2 milliards d'euros d'engagements financiers promis lors de la conférence de Paris pour le Soudan du mois d'avril ont été décaissés. Des avancées ont été obtenues en matière d'accès humanitaire, dont la réouverture du couloir d'Adré entre le Tchad et le Darfour. J'ai travaillé, en marge de l'Assemblée générale des Nations unies, avec mes homologues allemand et américain et avec le Haut Représentant de l'Union européenne. Nous ne relâchons pas nos efforts.
Dans la région des Grands Lacs, notre rôle est de tout faire pour obtenir la désescalade et construire la paix. Nous soutenons la médiation que conduit l'Angola entre la République démocratique du Congo et le Rwanda. Il faut être à la hauteur des intérêts de la France et des Français.
Les défis qui sont devant nous, géopolitiques, sécuritaires, économiques, démographiques, trouvent tous une part de leur réponse au sud de la Méditerranée, sur ce continent qui compte plus du quart des États membres des Nations unies et qui comptera en 2050 deux milliards d'habitants. Établir avec les pays africains partout où cela est possible des partenariats refondés sur la base d'intérêts mutuellement reconnus est donc une nécessité, voire un impératif diplomatique.
La voix de la France est aussi singulière en Europe, si singulière qu'il lui arrive d'être isolée, mais l'histoire récente nous a donné raison. En matière de politique industrielle, nous avons su mobiliser l'Europe sur l'agenda de Versailles, convaincre nos partenaires concernant le salaire minimum, la réglementation des géants du numérique ou encore la nécessité d'imposer le principe de réciprocité dans les échanges commerciaux.
Une Europe plus forte, plus souveraine, plus unie, plus indépendante. Voilà ce que la France soutient, aux côtés de l'Allemagne, et je ferai en sorte que notre tandem demeure un moteur. Nous défendrons également cette ambition avec nos amis polonais, en format dit de Weimar, qui a été remis sur les rails par mon prédécesseur, Stéphane Séjourné, notamment pour répondre aux menaces informationnelles.
Je continuerai à appuyer nos efforts pour que l'Europe de la défense prenne forme et se hisse à la hauteur des menaces qui nous guettent.
La voix de la France est singulière, enfin, dans le concert des Nations et à l'Organisation des Nations unies. La France ne se contente pas d'occuper son siège, certes confortable, de membre permanent du Conseil de sécurité, elle assume pleinement sa vocation de garant de l'ordre international fondé sur le droit et la Charte des Nations unies. Voilà notre seule boussole, celle que nous utilisons pour condamner toutes les violations du droit international, en particulier du droit international humanitaire.
Cette responsabilité consiste aussi à adapter les enceintes multilatérales aux enjeux actuels pour consolider leur légitimité, en soutenant l'entrée de l'Inde, du Japon, du Brésil et de l'Allemagne au Conseil de sécurité et en ouvrant celui-ci à une présence africaine.
Il s'agit également d'affronter la menace climatique et environnementale qui touche tout le monde et qui affecte particulièrement l'Europe.
C'est pour cela que nous protégeons les poumons de notre planète, notamment les océans. La France a ainsi joué un rôle déterminant dans la conclusion de l'accord dit BBNJ issu de la Conférence intergouvernementale sur la biodiversité marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale, sur lequel vous aurez, mesdames, messieurs les sénateurs, à vous prononcer dans quelques jours. Elle renforcera encore cette ambition à Nice où elle organisera avec le Costa Rica la troisième conférence des Nations unies sur les océans.
Puis, nous avons la responsabilité de soutenir nos partenaires qui subissent de plein fouet la crise climatique et, souvent en même temps, la crise de la dette. C'est pourquoi la France a accueilli en juin 2023 un sommet pour un nouveau pacte financier mondial, le pacte de Paris pour les peuples et la planète, soutenu à ce jour par soixante-six pays.
Voilà les quelques mots liminaires que je voulais partager avec vous, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs. Contre tous les vents contraires, contre le surgissement de la violence et de la brutalité dans les relations internationales, la voix de la France ne variera ni ne faiblira.
M. Hugues Saury. - Ma question concerne un petit pays, grand et peuplé comme la région Centre-Val de Loire, mais qui n'est pas central, puisqu'il est aux confins de l'Europe : la Moldavie.
Ce pays a connu, dimanche dernier, une double élection importante : le premier tour de l'élection présidentielle et une consultation sur l'adhésion à l'Europe. La présidente sortante, Maia Sandu, qui est pro-européenne a fait un très bon score : 42,31 % des voix. Les résultats de la consultation sur l'Europe ont certes été favorables à l'adhésion, mais avec une très courte majorité, puisque le score était de 50,43 %.
La réaction de la présidente a été de dire qu'il s'agissait d'une « attaque sans précédent contre la démocratie » et que des groupes criminels agissant de concert avec des forces étrangères hostiles aux intérêts nationaux moldaves ont attaqué le pays à coup de dizaines de millions d'euros de mensonges et de propagande pour piéger la Moldavie dans l'incertitude et l'instabilité.
Monsieur le ministre, quelle est l'attitude de la France par rapport à l'influence, l'ingérence - je ne sais pas comment on doit la qualifier - russe ? Comment la France et l'Europe entendent-elles travailler de concert sur ce sujet ?
Mme Michelle Gréaume. - Monsieur le ministre, la priorité du budget 2024 était la sécurité et la stabilité par la préservation de la paix, le règlement des crises à l'extérieur de nos frontières et la lutte contre le terrorisme.
Force est de constater que le Moyen-Orient s'embrase et que le conflit entre Israël et la Palestine se déploie dorénavant au Liban.
Force est de constater que notre mission de lutte antiterroriste au Sahel, où les gouvernements ont demandé aux troupes françaises de quitter leur territoire, est un échec.
Force est de constater que la guerre en Ukraine ne semble pas trouver de point final.
Je ne me permettrai pas de dire que votre gouvernement n'a pas rempli son rôle en matière de promotion de la sécurité et de la stabilité internationales. Mais il est important de rappeler que l'objectif d'atteindre 0,7 % du revenu national brut en 2025 consacré à la lutte contre les inégalités mondiales, un objectif issu d'une loi de 2021, ne sera pas atteint. Pire, cette trajectoire n'a cessé de s'inverser à partir de 2023, avec une diminution à l'époque de 1,6 milliard d'euros, puis un nouveau coup de rabot en février dernier de 742 millions d'euros. Aujourd'hui, vous nous proposez, dans le projet de loi de finances pour 2025, une coupe de 1,3 milliard d'euros, soit des crédits inférieurs de 23,3 % à ceux de 2024 ! Il faut faire des économies, dites-vous...
Ces différents renoncements représentent près de 21,2 milliards d'euros désinvestis du développement international d'ici à 2030 et je le regrette. Monsieur le ministre, l'APD n'est pas de la charité, elle permet d'atteindre collectivement les objectifs de développement des Nations unies. Une telle réduction empêche la mise en oeuvre effective d'une politique étrangère en faveur de la solidarité et de la mise en place des droits humains.
Les ONG ont appelé à rendre la collecte de la taxe sur les transactions financières plus performante. Pourquoi, monsieur le ministre, celle-ci reste-t-elle plafonnée à 528 millions d'euros, alors même que son objectif initial était de participer à la solidarité internationale ?
Mme Marie-Arlette Carlotti. - Monsieur le ministre, tout à l'heure, nous recevions dans l'hémicycle deux sénatrices congolaises auxquelles nous avons rendu hommage. Du coup, je souhaite vous interroger sur la situation en République démocratique du Congo (RDC) où se joue l'une des crises humanitaires les plus graves et les plus négligées de notre époque.
Le président de notre commission parlait tout à l'heure de millions de morts et de déplacés, des viols de femmes, de filles et d'enfants. Les viols d'enfants ont augmenté de 40 % entre 2022 et 2023. Et nous savons que ce bilan ne cesse de s'alourdir.
Comme tous les pays occidentaux, la France est perçue comme ayant des indignations et des émotions à géométrie variable. Nous n'apparaissons pas très virulents pour condamner les exactions du M23 ou l'exploitation illégale du sous-sol congolais. Je n'ai pas dit que nous ne condamnions pas. Bien sûr, nous condamnons, mais je pense que les relations entre Emmanuel Macron et Paul Kagame sont plus affirmées ; elles sont même assumées, puisque nous avons donné la présidence de l'Organisation internationale de la francophonie au Rwanda.
Vous parliez tout à l'heure de diplomatie parlementaire. Le groupe d'amitié France-Afrique centrale s'est récemment rendu en RDC. L'un des membres de cette délégation est venu nous en parler : il nous a dit combien ils n'avaient pas toujours été bien reçus, ils ont même été, quelquefois, pris à partie - je reprends son expression. Voilà comment porte la voix de la France en RDC !
Alors, monsieur le ministre, quel est votre propre constat sur la situation ? Quelles sont les étapes qui, d'après vous, resteraient à franchir ? Vous avez parlé tout à l'heure de la médiation que mène l'Angola : pouvez-vous nous en parler ? Est-ce que vous êtes prêt à tenir un discours de vérité avec tous - je dis bien, tous - les protagonistes ?
M. Jean-Noël Barrot, ministre. - La Moldavie a effectivement connu, dimanche dernier, le premier tour de l'élection présidentielle et un référendum sur l'adhésion à l'Union européenne. Ce dimanche, une élection, également très importante, a lieu en Géorgie.
D'une certaine manière, ces élections vont façonner une partie du destin de l'Europe pour les années à venir. La Russie mène une guerre sur le champ de bataille en Ukraine et elle mène une guerre sur le terrain électoral en Moldavie et en Géorgie, comme elle l'avait fait en Ukraine, lorsque ce pays avait décidé de se tourner vers l'Union européenne plutôt que de rester sous le joug de la Russie. Quelle attitude adopter ?
Lorsque le président Perrin et moi étions dans le train qui nous ramenait de Kiev, le jour de ces votes en Moldavie, j'ai appelé par anticipation mon homologue, me disant qu'il serait très occupé plus tard dans la soirée. Les premières estimations n'avaient pas encore été diffusées, mais l'importance de la participation pouvait laisser penser à une issue plus favorable que ce qui avait pu être anticipé. Je l'ai félicité pour l'extraordinaire campagne qui avait été menée en faveur de l'adhésion malgré des conditions épouvantables et une importante manipulation de l'opinion - il semble même qu'il y ait eu des achats de voix de la part de la Russie. Cependant, je l'ai senti très prudent au téléphone. Et on s'est effectivement aperçu, durant la soirée, que le surcroît de mobilisation était lié à des manoeuvres russes, certes contrecarrées par la mobilisation du camp pro-européen, que ce soit pour l'élection présidentielle ou pour le référendum.
Il est vrai que Maia Sandu, avec plus de 40 % des voix, a fait un très bon score, mais on aurait pu espérer, il y a quelques mois encore, qu'elle passe dès le premier tour. En outre, le référendum a été gagné à 13 000 voix près... C'est pourquoi il nous faut soutenir autant que nous le pouvons, sans ingérence ni soutien qui serait contre-productif, sa campagne de second tour. Elle doit encore être réélue pour pouvoir poursuivre le travail engagé de manière admirable par la Moldavie sur la voie de l'adhésion à l'Union européenne.
J'ai assisté le 25 juin dernier à la conférence intergouvernementale qui a ouvert les négociations d'adhésion de la Moldavie à l'Union européenne et j'ai entendu le Premier ministre moldave dire aux États membres : ne nous faites pas de cadeaux, jugez-nous sur nos mérites propres, nous voulons entrer dans l'Union européenne parce que nous voulons l'État de droit, la démocratie, la lutte contre la corruption, l'indépendance de la justice et des médias ! C'était admirable, mais tout cela dépend du second tour de l'élection présidentielle...
J'ai adressé cet après-midi un message à mon homologue moldave pour lui demander ce qu'on pouvait faire pour l'aider. Il m'a répondu qu'il fallait veiller à la sécurité des bureaux de vote à l'étranger pour que les Moldaves puissent s'y rendre le jour J, sans le moindre problème, afin d'exercer leur droit civique. Il anticipe de nouvelles campagnes de manipulation informationnelle visant à laisser planer le doute sur les opérations de vote.
Madame Gréaume, je partage votre constat sur l'importance de l'aide publique au développement pour atteindre les objectifs du développement durable. S'agissant de la taxe sur les transactions financières, je veux néanmoins préciser une chose que je n'ai pas mentionnée précédemment faute de temps.
Jusqu'à présent, le produit de la taxe sur les transactions financières était affecté en partie à l'aide publique au développement. Ce n'est plus possible en raison de la révision de la loi organique relative aux lois de finances : on ne peut plus affecter une ressource, sauf dans des circonstances extrêmement limitées. À la place de l'affectation de cette taxe à l'aide publique au développement, le projet de loi de finances pour 2025 tend à créer un fonds de solidarité pour le développement qui va reprendre le montant des crédits qu'aurait fourni l'affectation de la taxe sur les transactions financières. La ressource n'est plus une taxe affectée, elle est budgétaire.
On peut naturellement avoir un débat sur cette taxe, comme sur toute ressource fiscale. Le débat est légitime, mais son résultat n'influera pas directement sur le budget de l'aide publique au développement, puisque cette taxe, je le redis, ne peut plus lui être affectée. Il en va de même pour la taxe sur les billets d'avion.
Madame Carlotti, le Président de la République, qui a de fréquents échanges avec les présidents Tshisekedi et Kagame - ce fut notamment le cas lors du dernier Sommet de la francophonie -, et mon ministère sont pleinement mobilisés sur les sujets agitant la République démocratique du Congo, le Rwanda et la région des Grands Lacs.
L'effort de médiation le plus prometteur est celui mené par l'Angola. Mais la résolution durable des tensions dans la région passera par un travail sur les causes profondes du conflit : celles-ci sont en partie liées à l'histoire, mais elles s'expliquent aussi par des raisons économiques, notamment les ressources naturelles situées à l'est de la RDC. Il nous semble que des solutions peuvent être trouvées pour mieux organiser l'accès à ces ressources et lier le destin de tous les acteurs de cette région. De telles solutions pourraient permettre à celle-ci de sortir de la spirale de la violence dans laquelle elle est malheureusement engagée.
La semaine dernière, mon cabinet a reçu une délégation de parlementaires de RDC ; j'échangerai demain à 15 h 30 avec mon homologue congolaise en vue de trouver le chemin vers les solutions les plus adaptées.
M. Philippe Folliot. - La situation au Proche-Orient emporte des conséquences dramatiques pour les civils, plus particulièrement à Gaza et au Liban.
Voilà quelques mois, j'ai écrit à votre prédécesseur sur la situation des orphelins gazaouis, mais ma lettre est restée sans réponse. Certaines familles françaises seraient prêtes à les accueillir. La situation tend à devenir la même au Liban qu'à Gaza.
Quelle est la position de la France à ce sujet ? Notre pays a toujours fait montre d'ouverture face à ces situations d'urgence humanitaire. Quelles sont les perspectives pour que des familles françaises puissent accueillir ces enfants ?
Mme Valérie Boyer. - Je souhaite évoquer la dictature gazière au pouvoir en Azerbaïdjan.
Je ne reviendrai pas sur la situation de l'Arménie : les événements dans l'Artsakh, avec la guerre asymétrique des quarante-quatre jours, le nettoyage ethnique, la destruction du patrimoine arménien millénaire dans l'indifférence internationale - l'Unesco est particulièrement discrète... -, l'occupation de plusieurs kilomètres carrés de la République d'Arménie, les vives inquiétudes sur le sort des prisonniers dont nous n'avons aucune nouvelle, etc. Je voudrais aussi vous parler de l'assassinat sur notre sol, à Mulhouse, d'opposants au dictateur Aliyev, un bourreau pour les Arméniens, mais aussi pour ses propres ressortissants.
Mais je pense surtout à la France. Comment pouvons-nous accepter la déstabilisation de notre pays en Nouvelle-Calédonie, par le biais de campagnes de propagande permanentes ? Cette propagande coûte très cher à la France - les dégâts sont évalués à 4 milliards d'euros. Alors que les yeux du monde entier se tournent vers le Pacifique, alors que les États-Unis regardent avec attention cette zone du monde, la place de la France est menacée.
Dans ce contexte d'extrême agressivité, quelle est la stratégie française sur la présence de notre pays à la COP 29, qui se tiendra à Bakou, d'ici à quelques semaines ? Comment se manifeste la solidarité des autres pays européens à l'égard de la France, attaquée dans cette partie du monde ?
Si la France se résout à aller à Bakou, vous me permettrez une remarque : il est curieux de parler d'écologie dans une dictature gazière !
Le décret du 11 octobre précise les attributions respectives des ministres. Comment expliquez-vous que ce soit votre collègue Agnès Pannier-Runacher qui soit compétente en matière de négociations climatiques ? Si des représentants français se rendent en Azerbaïdjan, comment faut-il comprendre cette décision ? Dans de telles circonstances, est-il pertinent de s'y rendre ?
M. Olivier Cadic. - Monsieur le ministre, vous parliez de l'importance de la diplomatie parlementaire. Mme Tsai Ing-wen, ancienne présidente de Taïwan, était en France la semaine dernière en vue de développer les relations bilatérales entre nos deux pays. J'observe que des ministres de plusieurs pays européens se sont rendus à Taïwan. Quand un ministre français fera-t-il de même ?
M. Jean-Noël Barrot, ministre. - Monsieur Folliot, je vous remercie pour votre question. J'ai consacré mes premiers instants de ministre de l'Europe et des affaires étrangères à l'Ukraine. Dans le cadre de la formule de paix du président Zelensky, j'ai décidé de contribuer au groupe de travail piloté par le Canada et l'Ukraine, en cofinançant deux centres de défense des droits des enfants à Dnipro et à Kharkiv sur le modèle du centre que nous avons visité le week-end dernier à Kiev avec Cédric Perrin et Bruno Fuchs. Ceux-ci servent à la fois de bureau délocalisé du procureur de la Cour pénale internationale (CPI) - le mandat d'arrêt visant Vladimir Poutine a été fondé sur les déportations d'enfants ukrainiens pendant la guerre -, mais aussi de lieu d'accueil pour que les enfants reçoivent les soins physiques et psychologiques nécessaires.
Je n'ai pas de réponse toute prête sur les orphelins de Gaza et du Liban, mais je reviendrai vers vous sur ce point.
Madame Boyer, l'Azerbaïdjan fait montre d'agressivité d'abord à l'encontre de l'Arménie, au mépris du droit international, notamment humanitaire, mais aussi envers notre pays par le biais d'ingérences numériques ou plus classiques - toutes condamnables.
L'Azerbaïdjan a choisi de provoquer une crise sans précédent dans nos relations et poursuit ses agissements hostiles à notre encontre sur le plan informationnel. Le service de vigilance et de protection contre les ingérences numériques étrangères (Viginum) a documenté le 17 mai des manoeuvres informationnelles d'origine azerbaïdjanaise à notre encontre en Nouvelle-Calédonie. Cette campagne est d'autant plus préoccupante que le ministre de l'intérieur et des outre-mer avait à l'époque relevé les liens que certains indépendantistes en Nouvelle-Calédonie entretenaient avec l'Azerbaïdjan.
Des manoeuvres similaires, appelant notamment au boycott des jeux Olympiques, avaient déjà été détectées en provenance d'Azerbaïdjan. Celles-ci ont toutefois peiné à obtenir une visibilité suffisante dans le débat public numérique francophone pour produire des effets réels sur le bon déroulement des événements, comme l'indique le rapport de Viginum du 13 septembre. C'est la raison pour laquelle il a été décidé de ne pas organiser une riposte que je qualifierais de bruyante sur ce sujet, de peur de donner à ces manoeuvres informationnelles plus d'écho qu'elles n'en avaient eu... Mais il est clair que de tels agissements affectent de manière très négative notre relation avec l'Azerbaïdjan.
Cela ne doit pas nous faire oublier le soutien que nous devons à l'Arménie et au peuple arménien. Et comme vous le savez, Sébastien Lecornu a été le premier ministre des armées à se déplacer en Arménie. Nous avons aussi obtenu, au niveau européen, que la Facilité européenne pour la paix puisse être étendue à ce pays.
Nous entretenons des relations très étroites avec les autorités arméniennes pour renforcer toujours plus nos coopérations dans les domaines civil et énergétique à un moment un peu critique pour l'Arménie. Le pays se tourne de plus en plus vers l'Union européenne, en rompant une relation qu'il entretenait depuis longtemps avec la Russie.
Mme Boyer m'a interrogé sur la COP 29. Je suis moi aussi un peu sceptique sur les résultats qu'une COP peut avoir dans un pays qui prospère sur les énergies fossiles. Cela dit, le principe des COP doit être préservé. C'est un outil extraordinaire pour faire avancer les sujets climatiques et ceux relatifs à la biodiversité. C'est la raison pour laquelle nous nous projetons davantage sur la COP 30 qui aura lieu à Belém. À Bakou, la présence française sera réduite au minimum - Agnès Pannier-Runacher s'y rendra pour les conclusions.
Le décret d'attribution des compétences ministérielles revient en effet à la formule prévalant avant le gouvernement Attal, à savoir une représentation politique assurée par le ministère de la transition écologique ; c'est plutôt la formule vers laquelle s'orientent la plupart de nos partenaires européens. Cela dit, les négociations elles-mêmes sont menées par une équipe interministérielle placée sous l'autorité d'un ambassadeur dont la nomination, même si elle se fait en bonne intelligence avec le ministère de la transition écologique, relève du ministère de l'Europe et des affaires étrangères. D'ailleurs, ce poste est aujourd'hui vacant ; nous réfléchissons à le pourvoir.
Monsieur Cadic, je ne peux pas répondre de manière très précise à votre question. Je souhaite simplement rappeler que des exercices militaires chinois se sont tenus dans le détroit de Taïwan le 14 octobre dernier ; ceux-ci nous ont beaucoup préoccupés.
Votre question m'offre l'occasion de réaffirmer l'attachement de la France à la paix et à la stabilité dans la région, qui sont indispensables pour assurer la sécurité et la prospérité globales : une escalade aurait des conséquences incalculables, non seulement pour la région, mais également pour le reste du monde. Nous sommes opposés à toute modification unilatérale du statu quo ainsi qu'à tout usage de la force et de la coercition dans le détroit de Taïwan. Nous appelons évidemment les parties à éviter toute escalade.
M. Cédric Perrin, président. - Nous sommes particulièrement satisfaits de la manière dont vous traitez notre commission et, plus globalement, le Parlement - cela n'a pas toujours été le cas. Nous avons besoin de travailler ensemble.
Tous nos concitoyens n'ont pas conscience de la situation internationale dans laquelle nous vivons ou des conséquences que peut avoir l'ingérence russe sur les élections en Moldavie ou l'arrivée de troupes nord-coréennes en Russie - et peut-être un jour en Ukraine.
Que serait notre monde si la Russie venait à gagner ? La violence l'emporterait alors sur le droit. Ces auditions sont importantes pour sensibiliser le plus largement possible sur ces questions internationales.
Vous avez évoqué la diplomatie parlementaire, à laquelle le président du Sénat est lui aussi très attaché. En tant que parlementaires, nous la mettons en oeuvre dans les différents pays que nous visitons. Nous jouons nous aussi notre rôle, car le ministre ne peut pas être partout et il lui est impossible de dire certaines choses - nous, nous le pouvons.
Vous pouvez compter sur notre commission pour vous soutenir et faire en sorte que l'influence française progresse dans le monde, même si nous sommes bien conscients que nos difficultés budgétaires rendront les choses plus complexes que nous l'envisagions.
Je le répète : merci encore pour la considération que vous avez témoigné au Parlement depuis votre prise de fonction.
La réunion est close à 18 h 25.
Cette audition a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.