Mercredi 9 octobre 2024

- Présidence de M. Jean-François Longeot, président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, de Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission des affaires économiques, et de M. Claude Raynal, président de la commission des finances -

La réunion est ouverte à 9 h 30.

Groupe de suivi des dispositions législatives et réglementaires relatives à la stratégie de réduction de l'artificialisation des sols - Examen du rapport d'information

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission des affaires économiques. - Mes chers collègues, les commissions des affaires économiques, de l'aménagement du territoire et du développement durable et des finances sont réunies aujourd'hui - et je remercie respectivement le président Longeot et le président Raynal de leur présence - pour examiner le rapport d'information établi par notre collègue Jean-Baptiste Blanc, avec Guislain Cambier, sur le suivi de la mise en oeuvre des objectifs de réduction du rythme de l'artificialisation des sols fixés dans la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite loi « Climat et résilience ».

Ce rapport est issu des travaux du groupe de suivi des dispositions législatives et réglementaires relatives à la stratégie de réduction de l'artificialisation des sols, créé en février dernier. Ce groupe de suivi, commun à nos trois commissions, est présidé par Guislain Cambier ; son rapporteur est Jean-Baptiste Blanc.

Je remercie nos deux collègues d'avoir pris à bras-le-corps ce sujet hautement inflammable. Nous n'avons de cesse de l'évoquer au sein de notre commission : que l'on aborde la crise du logement ou les freins à la réindustrialisation, la pénurie de foncier est toujours citée parmi les facteurs bloquants - même si, je dois le dire, le « ZAN » (« zéro artificialisation nette ») a parfois bon dos.

La mise en oeuvre rigide des objectifs de réduction de l'artificialisation des sols fixés par la loi « Climat et résilience » a aggravé cette situation ; les souplesses introduites, sur l'initiative du Sénat, par la loi du 20 juillet 2023, n'ont pas réglé tous les problèmes. Aussi, l'acronyme « ZAN » est aujourd'hui devenu un repoussoir pour bon nombre d'élus locaux, mais également pour les acteurs de l'aménagement et de la construction et, plus largement, pour les acteurs du monde économique. Tel est le constat dressé dans ce rapport.

De surcroît, le rapport présente un bilan raisonné des difficultés et blocages que posent le cadre législatif et réglementaire en vigueur et son application par les services de l'État.

Il liste également, sans tabou, les pistes d'évolution pour redessiner la route vers une sobriété foncière soutenable pour tous ; certaines sont techniques, d'autres sont plus structurantes. Je laisserai au président Guislain Cambier et au rapporteur Jean-Baptiste Blanc le soin de vous les présenter.

Nous avons tous accueilli avec soulagement la volonté du Premier ministre Michel Barnier, exprimée dans sa déclaration de politique générale, d'assouplir le « ZAN » - un peu de bon sens, enfin ! Il est certain que la vigilance constante du Sénat, qui n'a cessé de tirer la sonnette d'alarme, n'y est pas pour rien. Nous espérons pouvoir entamer maintenant une phase de dialogue réellement constructif avec le Gouvernement, auquel, je n'en doute pas le groupe de suivi aura toute sa part, dans la lignée de ce rapport.

M. Jean-François Longeot, président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. - À l'été 2021, l'ambitieux édifice législatif de la loi « Climat et résilience » a fait entrer la sobriété foncière dans une nouvelle dimension. Le législateur a posé les jalons d'une trajectoire inédite de réduction du rythme de l'artificialisation des sols, en deux temps : d'abord, un effort de réduction de moitié des consommations des espaces naturels, agricoles et forestiers (Enaf) à l'échelle nationale pour la première décennie ; ensuite, l'absence d'artificialisation nette d'ici à 2050, à un rythme et selon des modalités que le législateur aura à définir ultérieurement.

Depuis lors, le compteur a commencé à tourner et les élus locaux ont essuyé les plâtres du « ZAN », bien que l'objectif de sobriété foncière soit unanimement partagé. Les collectivités ont dû se mettre en ordre de marche pour appliquer une stratégie arithmétique, aveugle aux spécificités et aux dynamiques territoriales, aux efforts passés et à la qualité des sols. L'État ne s'est donné ni la peine ni les moyens d'en faire un laboratoire d'expérimentation de la transition écologique. Au reste, comment pouvait-on espérer que cette stratégie, mal expliquée, soit bien comprise ? Sans outils juridiques et fiscaux spécifiques, la gestion économe de l'espace « façon ZAN », si je puis dire, pénalise les finances locales et porte en elle le germe d'un aménagement du territoire déséquilibré et en décalage avec les besoins des territoires.

Le Sénat a tenté d'apporter de la souplesse et des correctifs au travers de la loi du 20 juillet 2023, dont il est à l'initiative, sans pour autant parvenir à apaiser toutes les craintes et à tracer un chemin partagé vers la sobriété foncière. En raison des incertitudes et des incompréhensions qu'il suscite, le « ZAN » est devenu le nouveau symbole du centralisme et des politiques décidées à Paris, sans écouter les territoires qui doivent les mettre en oeuvre.

Dans ce contexte plus que délicat, le groupe de suivi a échangé avec les acteurs qui « font le ZAN », pour recenser les difficultés persistantes, identifier les besoins et les attentes des élus locaux et cartographier les blocages normatifs. Les évolutions qu'ils vous présenteront ont été élaborées sans tabou ni volonté de faire table rase ; elles sont inspirées, je le sais, de la volonté d'engager les acteurs sur la voie étroite qui permettra de réussir le « ZAN ».

Je tiens à les féliciter, car la tâche est loin d'être aisée. Nous sommes en effet à un moment charnière : alors que les défis écologiques sont de plus en plus prégnants, la tentation de défaire les normes environnementales n'a jamais été aussi forte. Mme la présidente Estrosi Sassone l'a rappelé, le Premier ministre s'est dit prêt, lors de sa déclaration de politique générale, à « faire évoluer de manière pragmatique et différenciée la réglementation ZAN » : pour y parvenir, il trouvera au Sénat une boîte à idées, des bonnes volontés et surtout des solutions construites avec les territoires !

M. Claude Raynal, président de la commission des finances. - Notre commission des finances suit la question de l'objectif de zéro artificialisation nette depuis plusieurs années, au travers de l'engagement de notre rapporteur spécial des crédits relatifs au logement et à l'urbanisme, Jean-Baptiste Blanc.

Comme tous les parlementaires, dans nos territoires, nous sommes interrogés sur le « ZAN ». Le sujet revient régulièrement dans nos débats ; pourtant, le Gouvernement n'a, jusqu'à présent, rien proposé de concret dans les projets de loi de finances successifs en matière de financement de la réduction de l'artificialisation.

C'est pourquoi nous avons demandé, dès 2022, au Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) de réaliser une enquête sur la fiscalité locale dans la perspective du « ZAN », à la suite d'un premier rapport de notre collègue Jean-Baptiste Blanc relatif aux outils financiers mobilisables pour atteindre cet objectif. Le rapport du CPO a notamment recommandé d'étendre les conditions d'application de la taxe sur les logements vacants, ce qui a été fait dans la loi de finances pour 2023.

Ce travail se poursuit cette année au travers de la mission d'information relative au financement du « zéro artificialisation nette », pilotée par Jean-Baptiste Blanc et Hervé Maurey.

Les travaux de nos différentes commissions doivent bien sûr être coordonnés, c'est pourquoi il est important que soient présentées aujourd'hui les conclusions du groupe de suivi réunissant nos trois commissions, qui précèdent nécessairement celles qui sont relatives au financement du « ZAN ».

C'est toutefois un travail au long cours, voire, si j'ose dire, une démarche itérative : le Premier ministre a annoncé un assouplissement du « ZAN » dans sa déclaration de politique générale, mais dans le même temps la situation financière de la France est particulièrement dégradée, si bien que le nouveau gouvernement prévoit d'exercer une pression forte sur les dépenses de l'État et sur celles des collectivités territoriales.

Nous en saurons plus demain soir avec la publication du projet de loi de finances, mais je ne vous cache pas que l'équation économique du « ZAN » risque d'être difficile à établir. Aussi est-il probable que nous devions, plusieurs fois encore, sur le métier, remettre l'ouvrage...

M. Guislain Cambier, président du groupe de suivi des dispositions législatives et réglementaires relatives à la stratégie de réduction de l'artificialisation des sols. - Sans revenir sur sa genèse, je rappelle, à la suite de Mme la présidente Estrosi Sassone, que le Sénat a décidé, au début de l'année 2024, d'instituer un groupe de suivi des dispositions législatives et réglementaires relatives à la stratégie de réduction de l'artificialisation des sols, sous l'égide de la commission des affaires économiques, de celle de l'aménagement du territoire et du développement durable et de celle des finances. C'est un honneur d'en être le président et de travailler aux côtés de son rapporteur Jean-Baptiste Blanc, dont je salue la constante implication sur ce sujet.

Lorsque ce groupe de suivi a commencé ses travaux en février 2024, le cadre législatif et réglementaire nous semblait stabilisé, surtout après l'adoption de la loi d'initiative sénatoriale du 20 juillet 2023 ; nous pensions qu'il nous faudrait surtout veiller à sa bonne compréhension par les collectivités et à sa mise en application pragmatique et bienveillante par les services déconcentrés de l'État.

Cependant, le rapport que nous vous présentons aujourd'hui dément cette intuition de départ et constate, au contraire, la persistance de blocages qui ne sont pas solubles dans le droit en vigueur. Au fur et à mesure que les territoires modifient les documents de planification et d'urbanisme et entament les concertations pour répartir les enveloppes foncières, la complexité de la démarche révèle de nouvelles difficultés et met au jour des particularités ou des spécificités locales qui se heurtent à une stratégie rigide, comptable et, il faut bien le dire, désespérante pour les territoires.

En effet, malgré les adaptations et assouplissements permis par la loi du 20 juillet 2023, dite « ZAN 2 », nous constatons tous, dans nos territoires, que persistent les difficultés liées à la mise en oeuvre des objectifs de réduction de l'artificialisation fixés par la loi « Climat et résilience ». La territorialisation des enveloppes foncières s'avère dans la pratique très délicate à mettre en oeuvre : tous les territoires ne font pas face aux mêmes dynamiques démographiques et économiques et n'ont pas les mêmes préférences et priorités de développement local. La logique arithmétique et descendante qui a présidé à la fixation des enveloppes menace de gripper les perspectives de certains territoires, notamment ruraux. L'inquiétude continue de sourdre chez les élus locaux, dont certains découvrent avec effarement les réelles et nombreuses implications du « ZAN » dans leur territoire.

Pour élaborer ce rapport, nous avons entendu plus de soixante-dix acteurs du « ZAN » : élus locaux, représentants de l'État et de ses opérateurs, mais aussi acteurs économiques et associatifs, urbanistes, universitaires, etc. Nous avons aussi mené, le rapporteur et moi-même, de nombreux entretiens dans un format resserré, notamment à l'occasion de nos déplacements sur le terrain. Nous avons reçu de nombreuses contributions écrites ; nous avons également adressé un questionnaire aux associations d'élus, qui l'ont relayé auprès de leurs adhérents ; nous avons enfin pu tirer profit des réponses de plus de 1 400 élus locaux à la consultation en ligne organisée sur le site du Sénat.

Au moment de ce premier point d'étape, je voudrais remercier les membres du groupe de suivi de leur esprit constructif et de leur volonté, au-delà des logiques partisanes, d'apporter des solutions pragmatiques et de l'espoir à nos élus et à nos concitoyens. Je tiens bien sûr à adresser mes remerciements aux trois présidents de commission, qui ont pris le temps d'échanger avec nous sur le sujet : leur constante vigilance nous est précieuse, car elle conforte la légitimité de nos travaux.

Je ne m'appesantirai pas sur les constats, nous les connaissons tous : nous avons veillé à les objectiver dans notre rapport sous la forme d'une « cartographie des récifs, des écueils et des bancs de sable ». Je rappellerai simplement que, depuis le début, le ver est dans le fruit : les objectifs de réduction de l'artificialisation des sols de la loi « Climat et résilience » ont été fixés de façon arithmétique et statique, sans aucune prise en compte des réalités territoriales et des dynamiques locales. D'une part, le rythme de réduction de moitié en une décennie a été fixé au doigt mouillé, sans véritable étude d'impact, ce qui est d'autant plus grave qu'aucune autre stratégie nationale à mettre en oeuvre par les territoires n'a jamais défini un effort aussi significatif en un laps de temps aussi court. D'autre part, déterminer une enveloppe globale d'artificialisation uniquement par référence aux dynamiques passées ne permet pas de répondre aux besoins objectifs de foncier induits par des changements de circonstances et de nouveaux besoins, comme le développement des infrastructures nécessaires à la transition écologique ou la réindustrialisation.

Cette démarche fait également fi du volontarisme d'élus qui, même si leur territoire était, hier, peu dynamique, se démènent pour implanter une usine ou attirer de nouveaux habitants ; dit autrement, le « ZAN » prolonge pour l'avenir les trajectoires du passé, dans une logique résolument fataliste. Les collectivités vertueuses sont pénalisées et leurs perspectives de développement sont à présent bloquées - c'est un malus pour celles qui ont « fait le ZAN » avant l'heure ; nous ne pouvons pas nous y résoudre !

Pendant ce temps, l'État a choisi la facilité : il a troqué son rôle de stratège et d'aménageur - véritable abdication - contre un rôle de comptable et de courtier. Quand nous voulons parler projets de territoires à toutes les échelles, le ministre et les préfets, eux, sortent leurs calculatrices et leurs tableurs Excel et nous répondent en pourcentages. Comment s'étonner, dès lors, de l'incompréhension et des appréhensions des élus ? Du reste, nos concitoyens commencent également à se rendre compte des implications très concrètes du « ZAN » sur le prix des logements, sur l'attractivité et l'activité économiques, sur leur cadre de vie... Et ce sont les territoires de la France dite périphérique, ceux qui ont déjà - et encore récemment - manifesté le plus leur défiance à l'égard de l'action politique - lors de la crise des gilets jaunes, mais aussi dans les urnes -, qui seront les plus affectés ! Si nous voulons éviter que le « ZAN » ne devienne le ferment de nouvelles contestations, il est de notre devoir d'entendre et de prendre au sérieux ces mécontentements pour y apporter des remèdes... Il nous faut rendre possible cet objectif !

M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur. - Face aux constats étayés qui viennent d'être présentés et qui synthétisent fidèlement les auditions et les échanges que nous avons menés, nous proposons une action en deux temps.

En ce qui concerne la période avant 2031 d'abord, pour laquelle un objectif est inscrit dans la loi, le « - 50 % », nous avons identifié trois leviers d'intervention.

Le premier consiste à mettre la pression sur l'État pour une application non pas homogène, mais cohérente de la réforme dans les territoires, avec des instructions claires fixées aux services déconcentrés afin que l'on ne dise pas une chose à l'un et son contraire à l'autre, et que toutes les collectivités soient traitées avec équité. Nous demandons, en particulier, que les instructions pour davantage de souplesse qui ont été données par l'ancien ministre Béchu dans la circulaire du 31 janvier 2024 soient systématiquement appliquées, avec la marge des 20 % de dépassement autorisé, sans nécessiter de justification spécifique lors du contrôle de légalité des nouveaux documents d'urbanisme. Cela n'appelle pas de modification législative.

Le deuxième levier, ayant vocation à être actionné pendant cette première période et également pour la suite, est celui du coût de la sobriété foncière et de l'instauration de mécanismes d'incitation à la réduction de l'artificialisation. La mission d'information de la commission des finances, dont Hervé Maurey et moi-même sommes les rapporteurs, rendra ses conclusions prochainement.

Le troisième levier consiste à prévoir des modifications ciblées de la réglementation afin de donner de l'air aux collectivités et leur permettre de gérer les injonctions contradictoires auxquelles elles sont soumises.

Sur ce point, le projet de loi de simplification de la vie économique va finalement poursuivre son chemin législatif. L'amendement exemptant l'industrie du décompte du « ZAN », que nous avions fait adopter en juin, pourrait donc - je l'espère - prospérer : c'est essentiel, car réindustrialiser sans foncier est une équation impossible à résoudre.

L'avenir de la loi logement est plus incertain ; il nous faudra trouver un moyen de réintroduire l'exception « ZAN » pour les communes en déficit de logement social. Face à l'urgence de la crise du logement, il faudra d'ailleurs sans doute réfléchir à des assouplissements plus globaux. Le Gouvernement semble disposé à avancer sur le sujet, ce dont je me réjouis : nous participerons naturellement à la réflexion commune.

En ce qui concerne le long terme maintenant, pour la période après 2031, nous avons deux niveaux de réflexion.

Le premier est d'ordre technique : il s'agit, sans toucher à l'objectif final, de faciliter l'application de la stratégie de réduction de l'artificialisation à moyen terme. Pour cela, nous avons là aussi identifié trois leviers.

Il s'agit, d'abord, des outils d'aménagement et d'ingénierie en faveur de la sobriété foncière, qui devront être encore amplifiés et renforcés à mesure que le « ZAN » montera en puissance.

Il s'agit, ensuite, de l'introduction de nouveaux critères obligatoires de territorialisation, comme les différentiels de densité, les dynamiques de peuplement et d'activité, mais aussi, comme l'a proposé notre collègue Jean-Claude Anglars, la protection du bâti au titre du code du patrimoine, qui limite fortement la possibilité de recourir à la renaturation du fait des restrictions aux démolitions.

Plus structurellement, nous voulons passer d'une démarche descendante à une logique ascendante : pour mieux prendre en compte l'ensemble de ces critères de territorialisation, il faudra inverser la logique d'attribution des enveloppes foncières, cesser de vouloir faire rentrer les projets des territoires dans une enveloppe déterminée a priori mais, au contraire, partir des besoins des territoires - lesquels devront bien sûr être étayés et justifiés. Pour réussir le « ZAN », nous devons accomplir cette révolution copernicienne.

Il s'agit, enfin, d'une réforme d'aspect technique, mais dont la portée va bien au-delà : nous proposons de conserver, au-delà de 2031, la comptabilisation de l'artificialisation en consommation d'Enaf, un mode de comptabilité avec lequel les élus sont familiers et qui permet, en outre, de ne pas inclure l'artificialisation induite par les bâtiments agricoles actuels et futurs, ce qui serait en cohérence avec les objectifs de protection des activités agricoles et de souveraineté alimentaire. Dans ce cadre, nous devrons bien sûr réfléchir à des garde-fous pour ne pas voir nos campagnes bétonnées par des mégafermes industrielles.

Notre deuxième niveau de réflexion est sans doute plus disruptif. Jusque-là, le Sénat s'est efforcé d'assouplir le « ZAN » en restant dans le cadre posé par la loi « Climat et résilience ». Nous pensons qu'il faut se demander, sans tabou, si nous avons légiféré, comme le préconisait Portalis, avec « sagesse, justice et raison », si ces mesures, pour utiles qu'elles aient été, n'ont pas été élaborées dans un moment où le législateur s'est « livré à des idées absolues de perfection » et si le cadre élaboré à l'été 2021 n'est pas en train de muer en carcan.

Puisque je viens de convoquer Portalis, je médite sur une maxime qu'il a rédigée : « Les lois sont faites pour les hommes, et non les hommes pour les lois ; elles doivent être adaptées au caractère, aux habitudes, à la situation du peuple pour lequel elles sont faites. [...] S'il est possible, dans une institution nouvelle, de calculer les avantages que la théorie nous offre, il ne l'est pas de connaître tous les inconvénients que la pratique seule peut découvrir. » On croirait ces préceptes inspirés par une critique raisonnée du « ZAN », plus de deux siècles avant sa mise en oeuvre...

Nous avions déjà envisagé, dans la loi « ZAN 2 », de nous extraire - de manière ponctuelle - du cadre rigoureux de la loi « Climat et résilience », en sortant complètement les grands projets de l'enveloppe nationale, mais la mutualisation entre régions avait été le prix à payer pour une commission mixte paritaire conclusive. Les concessions étant le lot des régimes bicaméraux, nous nous sommes rangés à cette solution...

À l'usage, les régions nous disent que ce n'est pas satisfaisant ; cela nourrit un sentiment d'injustice. En outre, cela ne vaut, pour l'instant, que jusqu'en 2031. Or ces grands projets ont besoin de visibilité à plus long terme. Ne faudrait-il pas réinterroger l'idée d'une exclusion totale et définitive de ces projets, en particulier les projets d'envergure nationale ou européenne (PENE), du décompte « ZAN » ? Est-il souhaitable de continuer avec un État ne disposant pas de compte foncier et dont les projets sont portés par les enveloppes des territoires ? Question rhétorique, mais lourde de sens...

Plus largement, faut-il sortir de l'enveloppe certains projets ou conserver le cap et la trajectoire de la sobriété foncière, mais en ne fixant plus ces enveloppes limitatives qui font le désespoir de certains élus locaux, ce qui constituerait un fort témoignage de confiance aux territoires pour déterminer les projets qui justifient vraiment d'artificialiser ? Nous n'avons pas la réponse, mais la question mérite d'être posée.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Le nombre de sénatrices et de sénateurs présents ce matin montre clairement le niveau de préoccupation que ce sujet provoque dans les territoires et chez les élus. Nous ne pouvons que rappeler notre incompréhension devant l'absence de réelle étude d'impact au moment de la présentation du projet de loi « Climat et résilience » : il est essentiel que les choix du législateur soient éclairés par toute l'information dont dispose l'État. D'autres missions et études sont en cours pour compléter le rapport qui vient de nous être présenté ; c'est essentiel tant ce sujet est complexe et ses implications multiples. En fait, aujourd'hui, personne ne s'y retrouve !

M. Christian Redon-Sarrazy. - Ce rapport rejoint le constat que le Sénat fait depuis plusieurs mois : le « ZAN » a été défini comme un objectif arithmétique qui ne prend pas en compte les contextes territoriaux. Nous avons essayé d'assouplir le dispositif avec la loi « ZAN 2 », mais d'autres textes, plus sectoriels - industrie verte, logement... -, ont percuté nos propositions.

Il n'y a aucun dialogue entre l'État et les collectivités : les élus locaux se plaignent d'un État qui n'utilise que sa calculatrice et ne fournit pas un accompagnement suffisant.

Nous ne souhaitons pas remettre en cause l'objectif de lutte contre l'artificialisation, mais il nous faut proposer des avancées, y compris en termes de fiscalité. La mise en oeuvre de cet objectif doit se faire avec les habitants et les élus, et en cohérence avec les priorités du pays : la réindustrialisation, le logement, la souveraineté agricole... Nous devons avoir en tête la santé des sols, mais nous ne devons pas accentuer les fractures territoriales ou sociales.

Ce rapport doit nous permettre d'ouvrir un dialogue, ce qui est nécessaire. C'est un sujet au long cours pour lequel nous avons besoin d'ingénierie et d'un accompagnement des territoires.

M. Ronan Dantec. - Nous avons finalement deux rapports pour le prix d'un ! Notre mission, au sein du groupe de suivi, était de prendre en compte les réelles difficultés d'application du « ZAN », même après la loi « ZAN 2 », pour mettre cette mesure au service de l'aménagement et du rééquilibrage du territoire et de l'agriculture - la première victime de la consommation de foncier.

Certaines propositions du rapport sont intéressantes, par exemple celle relative à la comptabilisation en Enaf, pour simplifier l'application - je porte cette proposition depuis le début -, mais on sent une sorte de « chapeau général » de remise en cause de l'objectif...

Or le « ZAN » est un progrès très important pour préserver l'agriculture. On ne peut pas parler de souveraineté alimentaire et en même temps supprimer des hectares de terre agricole - plus de 20 000 hectares de surface agricole utilisée (SAU) ont été supprimés par an entre 2015 et 2022 et cela ne diminue pas. Nous avons donc besoin du « ZAN » et du plafond du - 50 % à l'horizon 2031. Remettre en cause le « ZAN » revient à mettre en cause notre agriculture.

La semaine dernière, Nantes Métropole a délibéré en faveur de 30 hectares d'urbanisation supplémentaire pour une zone artisanale, contre l'avis de la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF) et du monde agricole. Supprimer le « ZAN » constituerait en réalité un cadeau fait aux métropoles qui continueront de grignoter les zones maraîchères ou les grandes zones céréalières du bassin parisien. Il y a là une contradiction majeure !

Ma question est donc simple : est-ce que vous entendez garder le plafond de 125 000 hectares en 2031, quitte à être beaucoup plus volontaristes en matière d'aménagement du territoire, pour que ces hectares bénéficient d'abord aux villes moyennes désindustrialisées et au monde rural ?

M. Claude Raynal, président de la commission des finances. - Le débat est vif !

Mme Nathalie Goulet. - La question de l'insuffisance de l'étude d'impact me fait m'interroger sur la raison pour laquelle nous avons été si peu nombreux à ne pas voter ce texte ! Finalement, on veut aujourd'hui mettre une rustine sur un mauvais texte ; on pourrait aussi imaginer une refonte complète de l'objectif et de la méthode.

Il y a des incohérences profondes, de principe, pour le monde rural : sans logements ni habitants, il ne peut pas y avoir de ruralité ! Il y a aussi des incohérences concrètes : je pense, par exemple, au fait que les méthaniseurs ne sont pas comptabilisés dans le « ZAN » alors que d'autres infrastructures le sont. Nous devons apporter davantage de cohérence, car ce sont toutes ces incompréhensions qui provoquent un rejet viscéral de cette stratégie dans les territoires les plus ruraux.

M. Guislain Cambier, président du groupe de suivi. - Ce que nous vous avons présenté est un rapport d'information, pas une proposition de loi, monsieur Dantec. Le rapport dit clairement - et je le répéterai autant de fois qu'il faudra - que l'ensemble des remontées de terrain montre que l'objectif instauré par le « ZAN » est partagé et a été intégré par les élus et acteurs locaux, qui ne remettent pas en cause l'objectif, mais la méthode et le rythme de mise en oeuvre, voire l'acronyme lui-même qui fait maintenant office de repoussoir... Mais il faut en garder l'esprit !

Pour paraphraser Marc Aurèle, on est souvent injuste par omission : c'est ce qui se passe pour les méthaniseurs. Cela montre que nous manquons de définitions.

Il faudra donc bien faire évoluer le texte de la loi « Climat et résilience » - sans tout réécrire, car cette loi a produit des effets positifs, les élus locaux ont déjà changé leur manière d'aménager le territoire et diminué leur consommation foncière - pour être plus précis, afin d'en permettre une application plus réaliste, avec les territoires.

M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur. - Nos travaux ont permis d'identifier deux défauts majeurs du « ZAN » : il n'est pas territorialisé ; il n'est pas financé. Une lettre - sidérante ! - du précédent ministre de l'économie et des finances montre bien que l'État n'a pas intégré ce problème du coût du « ZAN ».

Nous avons tout fait pour rendre la territorialisation effective - avec la garantie rurale, les « PENE », la prise en compte des spécificités des territoires de montagne et littoraux, une nouvelle gouvernance, mis en place par la loi « ZAN 2 » - mais le fait est que cela ne marche pas, parce que c'est imposé à marche forcée, de manière arithmétique et descendante.

Nous nous interrogeons effectivement, monsieur Dantec, sur le - 50 %, mais nous ne proposons pas de l'abroger en l'état de nos réflexions. Les élus locaux ont intégré depuis longtemps la nécessité de sobriété, mais ils ne supportent plus le caractère descendant des politiques publiques, en particulier celle-là. Il faut adapter la règle au contexte territorial. Il nous faut concilier la sobriété foncière et les priorités des politiques publiques - le logement, la réindustrialisation, etc. Pour cela, nous devons faire sauter ces verrous intelligemment.

Nous n'en pouvons plus de ces trois lettres - « ZAN » - et de la manière dont les choses se mettent en place. Nous avons besoin d'outils et de financement pour accompagner les élus pour mieux aménager, densifier, construire la ville sur la ville, requalifier les friches, renaturer, protéger les terres agricoles. Je rappelle que le groupe de suivi a reçu 1 400 réponses dans le cadre de la consultation en ligne qu'il a initiée et elles vont très largement dans ce sens : une inquiétude des élus qui partagent l'objectif mais se le voient imposer par l'État sans l'accompagnement ni l'ingénierie adéquats.

Heureusement que la commission des finances a pris l'initiative de travailler sur le coût de la sobriété foncière !

M. Philippe Grosvalet. - Ne jetons pas le bébé avec l'eau du bain ! L'idée de sobriété foncière est aujourd'hui entendue... Mais elle est assez relative.

J'ai convaincu les maires de mon territoire de tendre vers l'objectif zéro artificialisation bien avant la loi « Climat et résilience », car le foncier disponible, dans mon territoire, en Loire-Atlantique, n'est pas infini, comme dans les autres territoires soumis à forte pression démographique.

Je soutiens donc, à terme, l'objectif « zéro », mais j'estime que le chemin pour y parvenir est compliqué et doit être différencié. Or le principe de subsidiarité n'a pas vraiment cours dans notre pays...

Si l'on est d'accord sur un objectif, reste à en définir la temporalité et la manière de le mutualiser dans un même territoire.

En Loire-Atlantique, par exemple, nous avons une métropole, un littoral, une sensibilité environnementale extrême, une agriculture dynamique et 17 000 habitants supplémentaires à loger chaque année.

En conséquence, quelle est l'échelle la plus pertinente pour appréhender le « ZAN », en tenant compte du principe de subsidiarité ? La loi actuelle n'est pas satisfaisante à cet égard. Il nous reste encore à définir l'espace géographique et politique le plus adapté pour atteindre cet objectif partagé, du territoire le plus petit - la commune - au plus grand.

M. Hervé Gillé. - Sur ce sujet complexe, il y a un risque d'instrumentalisation politique et de dérive populiste. Soyons responsables, mes chers collègues.

À mon sens, l'essentiel du sujet repose sur la différenciation territoriale, tous les territoires étant différents. C'est particulièrement vrai pour les outre-mer.

Par ailleurs, où devons-nous placer les arbitrages ? On ne peut s'arrêter à l'échelon communal. C'est a minima le niveau intercommunal qui doit être retenu, voire des schémas de cohérence territoriale (Scot), qui couvrent 60 % du territoire. Cela permettrait un dialogue et des arbitrages collectifs. Il faut de surcroît une bonne articulation aux niveaux départemental et régional, qui doit trouver sa traduction dans les schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (Sraddet), selon le principe de subsidiarité : c'est bien en partant des territoires qu'il faut appréhender la mise en oeuvre du « ZAN », dont l'objectif est réaffirmé aujourd'hui. Or je ne trouve pas vraiment cela dans les conclusions du groupe de suivi.

Nous sommes néanmoins favorables à ce stade à vos conclusions, tout en réservant notre position sur le texte à venir.

M. Michel Canévet. - À mon sens, l'objectif du « ZAN » est contre-productif pour le développement et l'aménagement du territoire. Ne vaudrait-il pas mieux parler de réduction de l'artificialisation nette, le « RAN » ?

M. Guislain Cambier, président du groupe de suivi. - Ce travail se traduira par des propositions législatives concrètes. Nous avons déjà pu faire avancer nos idées par amendements sur des textes concernant la simplification de la vie économique, le logement ou l'agriculture.

Parmi ces propositions, il y a des choses qui feront sans doute consensus sur la manière de comptabiliser ou d'établir des modalités de contractualisation avec les territoires. Mais il faudra préciser certains points. Qui met-on autour de la table ? Comment contrôle-t-on les efforts faits ? Chacune des strates de notre République doit être responsabilisée, y compris l'État.

Concernant le rythme, la borne de 2031 suscite beaucoup d'interrogations. En effet, les Sraddet vont être adoptés fin 2024 pour être déclinés ensuite dans tous les documents d'urbanisme en cascade. Vu les délais qui sont nécessaires, environ quatre ans, ils seront assez rapidement obsolètes, nonobstant les dynamiques qui auront pu se manifester. Aussi, nous allons rapidement mettre sur la table d'autres façons de comptabiliser et une proposition de rythme plus adapté.

Par ailleurs, dans la loi « Climat et résilience », nous avons mis en avant la biodiversité et la santé des sols, mais tous les sols ne se valent pas au regard de leurs potentiels agronomiques ou de leurs fonctionnalités écologiques. Or les textes actuels n'en tiennent pas compte.

Enfin, comment l'État accompagne-t-il les territoires pour reconquérir les friches ?

Vous le voyez, cette réglementation « ZAN » est beaucoup plus transversale qu'il n'y paraît. Il n'est pas question de refaire une nouvelle loi, mais nous devons nous attacher à éviter l'effet « tuyaux d'orgue ».

M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur. - Même notre collègue Dantec le dit, il faut revenir à la notion d'Enaf, qui me paraît moins complexe que l'artificialisation, mieux acceptée et comprise par les élus locaux. Cela permettrait de surcroît de lever les incertitudes concernant les bâtiments agricoles.

La définition de l'artificialisation est beaucoup trop idéologique. Ainsi, dans le décret « nomenclature », il est spécifié que les jardins des pavillons sont considérés comme artificialisés, pour inciter les élus à faire de la subdivision parcellaire.

Revenir aux Enaf nous permettrait peut-être d'avoir une approche plus ascendante pour réussir à relever le défi de la sobriété avec la pleine collaboration des élus locaux.

Il y a selon moi trois sujets sur la table : les bâtiments agricoles ; les « PENE » ; les énergies renouvelables, notamment avec le problème des méthaniseurs, mais pas seulement.

M. Jean-Marc Boyer. - Après avoir participé aux travaux du groupe de suivi et vous avoir entendu, j'ai envie de dire : tout ça pour ça !

Les élus locaux sont favorables à la sobriété foncière - ils l'appliquent d'ailleurs déjà -, mais ils ne veulent pas du « ZAN » tel qu'il leur est proposé. Pour moi, le « ZAN » est mort !

Or les services de l'État mettent aujourd'hui beaucoup de pression sur les élus locaux et font le « ZAN » par anticipation. Au lieu d'accompagner les collectivités dans leurs projets d'urbanisme, ils les contraignent en s'appuyant sur des avis de cabinets d'études qui se contentent de faire du copier-coller d'un territoire à l'autre.

Il y a urgence, car les communes et les intercommunalités préparent actuellement leurs documents d'urbanisme et les services de l'État font comme si la loi « ZAN » était pleinement appliquée. Je pense que mes collègues font la même expérience dans leur département. Si l'on temporise trop pour adopter des mesures, le rouleau compresseur des services de l'État va continuer son oeuvre et nous arriverons après la bataille.

Au nom de la libre administration des collectivités locales, ne faut-il pas que nous envoyions dès aujourd'hui un signal pour dire que le « ZAN » est suspendu dans l'attente d'un nouveau texte ? Le Sénat ne peut-il pas envoyer une motion aux ministres concernés pour qu'ils enjoignent aux préfets de surseoir à l'application de la loi ?

M. Sébastien Fagnen. - À l'issue des six mois de travaux du groupe de suivi sur la mise en oeuvre du « ZAN », le constat est clair : de grandes difficultés se font jour sur tous nos territoires. Comme le président du groupe de suivi l'a rappelé, on n'aménage pas le territoire avec un tableau Excel. La prise en compte de la géographie fait ainsi cruellement défaut. C'est là le péché originel de la loi.

Il s'agit non pas de faire passer le « ZAN » par pertes et profits, mais de le remettre à l'endroit avec une logique différente : nous devons partir des besoins des territoires, tout en respectant l'objectif originel.

Pour rassurer Ronan Dantec, je dirai que le garde-fou est à Matignon, puisque Michel Barnier, dans sa déclaration de politique générale, a précisé qu'il n'y aurait de remise en cause ni de la philosophie ni de l'objectif. Nous jugerons sur pièces lors de l'examen de la proposition de loi qui naîtra de nos travaux. J'en profite pour saluer le travail de notre collègue Nicole Bonnefoy sur la qualité des sols, qui nous aura été d'une grande utilité.

J'insiste sur l'ingénierie, indispensable pour accompagner les élus des communes rurales. Sur la décennie 2011-2021, il faut savoir que la consommation foncière a porté avant tout sur l'habitat dit dispersé, selon la nomenclature du Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema). Les élus ruraux se battent pour développer leur territoire, mais il ne faut pas les laisser seuls face aux acteurs économiques privés. Aussi, nous devons réarmer les services déconcentrés de l'État, pour qu'ils puissent aider les élus locaux à bâtir un modèle d'aménagement plus vertueux.

M. Grégory Blanc. - Je tiens à remercier Guislain Cambier et Jean-Baptiste Blanc pour leur travail : ce rapport permettra en effet de lever un certain nombre d'incompréhensions.

Chacun d'entre nous est favorable à une réforme, dans la mesure où nous sommes tous conscients de la nécessité de nous préparer à une augmentation des températures de l'ordre de 4 degrés en France. Avec la mise en oeuvre du « ZAN » se pose dès aujourd'hui la question d'un changement des pratiques que ce soit en termes d'aménagement du territoire ou de construction. S'il faut reconnaître que la stratégie de réduction de l'artificialisation des sols est une source de contraintes, convenons aussi - personne ne l'a fait ce matin - que le « ZAN » est une opportunité, et qu'il donne des perspectives en matière de développement économique.

J'aurai trois questions.

La première est d'ordre financier : il est nécessaire de se pencher sur une meilleure articulation entre les collectivités territoriales, en particulier entre les régions et les intercommunalités - je pense en particulier aux aménagements d'infrastructures d'intérêt général. Il faut repenser les modalités d'aménagement du territoire, alors qu'aujourd'hui, certains freinent manifestement toute réflexion à ce sujet : comment faire, selon vous, pour assurer davantage d'horizontalité à l'échelle des territoires ?

La deuxième part du constat d'une défaillance totale de l'État dans l'accompagnement des acteurs locaux : rien n'est prévu pour définir une stratégie à l'horizon 2050. Quel chemin emprunter pour engager cette transition ? C'est une problématique que vous ne semblez pas avoir esquissée dans votre rapport.

Ma dernière question est budgétaire : si l'on veut vraiment atteindre les objectifs fixés dans la loi, que ce soit en 2031 ou en 2050, il est nécessaire de dégager des moyens plus significatifs qu'aujourd'hui. Comment faire pour concrétiser cette ambition ?

M. Guislain Cambier, président du groupe de suivi. - Je suis d'accord avec Grégory Blanc : je déplore que l'État n'ait pas développé de vision à long terme en matière d'aménagement du territoire. Le Gouvernement n'a effectivement dessiné aucune perspective claire depuis que nous l'y avons invité en février dernier.

Pour ce qui est de la mise en place du « ZAN », ce sont les régions qui sont aujourd'hui en première ligne, puisqu'elles doivent décliner cet objectif dans leurs Sraddet. Le ruissellement vers les échelons infrarégionaux que sont les intercommunalités et les communes est, quant à lui, en marche.

À l'évidence, la question de l'organisation du dialogue dans les territoires se pose. Ainsi, la commission régionale de conciliation sur l'artificialisation des sols est régulièrement critiquée pour son fonctionnement et sa composition ; de surcroît, la faiblesse des enveloppes régionales suscite de nombreuses réserves sur le terrain.

En réalité, le fond du problème tient à la lenteur de l'État pour fixer les règles, définir les nomenclatures et établir une doctrine quant aux objectifs assignés aux uns et aux autres. Ce que montre notre rapport, c'est que la méthode retenue ne fonctionne pas.

Dernière remarque, il manque à cette stratégie de réduction de l'artificialisation tout un volet financier et fiscal. La mise en concurrence des collectivités les unes avec les autres - ces dernières ont des projets de territoire plus ou moins aboutis - freine la création d'une sorte de « bourse des territoires », à toutes les échelles, qui permettrait de renaturer les espaces à un endroit, de construire à un autre endroit pour saisir les opportunités qui se présentent.

M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur. - Je tiens à rassurer Grégory Blanc : nous pointons bel et bien les défaillances de l'État dans notre rapport - il s'agit même d'un fil rouge, de même que nous déplorons l'impensé fiscal du « ZAN ».

Notre collègue a raison de souligner qu'il est indispensable d'avoir une vision prospective. Si nous décidons d'en finir avec cette démarche planificatrice, comme certains le souhaitent, il faudra définir une logique plus ascendante dans une perspective peut-être davantage contractuelle. Tout reste à imaginer, notamment les articulations entre les différents niveaux de collectivités. C'est même à mes yeux le principal travail que nous aurons à mener.

M. Yannick Jadot. - La question éminemment politique du « ZAN » est évidemment révélatrice de nos difficultés - crise du logement, désindustrialisation, inégalité entre territoires, etc. Mais, à mesure que nous y réfléchissons, le « ZAN » est aussi devenu un bouc émissaire.

Certes, de nombreux élus ont d'ores et déjà intégré la sobriété dans leur politique d'aménagement du territoire, mais il faut reconnaître que l'artificialisation des sols n'a pas baissé. Malgré l'effondrement du logement social, la crise de l'industrie, l'affaissement des services publics dans les territoires, elle se maintient à un niveau élevé.

Puisqu'il en est question, je partage l'avis de ceux qui déplorent le choix de l'appellation « zéro artificialisation nette » : celle-ci laissait effectivement entendre que l'objectif devait être atteint dès 2021. L'engagement du Premier ministre à maintenir cette ambition ne lève pas pour autant de bien légitimes inquiétudes, tant on sait que ce gouvernement n'aura vraisemblablement pas une espérance de vie telle qu'il sera toujours en place en 2050...

M. Laurent Duplomb. - On ne sait jamais !

M. Yannick Jadot. - Même si les écologistes sont de culture girondine, je suis en désaccord avec ceux qui pensent qu'il faut en finir avec la planification. Il faut certes partir des territoires, mais les mesures de mutualisation proposées dans le rapport sont bien trop faibles. Il faut cesser de prévoir des dérogations pour tout, c'est le plus sûr moyen de rendre le dispositif totalement inopérant.

M. Laurent Duplomb. - Il a raison : autant abroger la loi !

M. Yannick Jadot. - La lutte contre l'artificialisation des sols est indispensable. Inutile de rappeler que des inondations impressionnantes ont lieu partout dans notre pays. Personne ne peut plus prétendre aujourd'hui que c'est la faute des écologistes qui ne veulent pas que l'on cure les rivières !

De nombreux sénateurs sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP. - Si !

M. Yannick Jadot. - La vigueur de votre réaction prouve que vous avez fait de cette loi le bouc émissaire de tous nos maux. Une telle démagogie accentue la défiance vis-à-vis du monde politique et accroît le vote en faveur du Rassemblement national.

M. Cédric Chevalier. - Le « ZAN » peut effectivement être une opportunité pour nos territoires : les efforts qui sont demandés aux élus en termes de sobriété appellent une réflexion sur l'optimisation de la consommation foncière, autrement dit une analyse de bon sens.

Cela étant, le « ZAN », dans sa mise en oeuvre, est facteur d'injustice. En raison de son mode de calcul, les collectivités les plus vertueuses sont pénalisées.

M. Laurent Duplomb. - C'est vrai !

M. Cédric Chevalier. - Beaucoup d'élus n'ont pas attendu le « ZAN » pour s'engager dans la sobriété foncière, tout simplement parce qu'ils sont conscients des enjeux et connaissent bien leur territoire. Demain, ceux-là, s'ils ont de nouveaux projets, seront pénalisés... Le rapport tient-il compte de cette injustice ?

Un certain nombre de clarifications sont par ailleurs nécessaires. Ainsi, une partie des décrets d'application de la loi « Climat et résilience » ont paru fin 2023, alors que le compteur était lancé depuis deux ans... Tout cela manque de cohérence.

Autre remarque : les échéances fixées pour l'approbation des documents d'urbanisme que sont les Scot et les plans locaux d'urbanisme intercommunaux (PLUi) - respectivement en août 2026 et août 2007 - sont ubuesques. Le calendrier devrait vraiment être revu, car en résultera l'acceptabilité du « ZAN » par l'ensemble des élus locaux.

M. Christian Bilhac. - Je remercie le rapporteur et le président du groupe de suivi pour ce travail. Le « ZAN » est un sujet de préoccupation pour les élus.

On ne peut pas bâtir l'avenir sur des contre-vérités : on ne sauvera pas l'agriculture avec le « ZAN » - il ne faut pas rêver ! La consommation de surfaces agricoles augmente, non pas parce que l'on construit, mais parce que l'agriculture ne permet pas de faire vivre nos agriculteurs ! Ce n'est pas en stoppant l'urbanisation qu'on sauvera l'agriculture !

M. Laurent Duplomb. - Tout à fait !

M. Christian Bilhac. - Haro aux fausses bonnes idées !

Deuxième observation, la loi « ZAN » est censée s'appliquer à Paris comme dans le village de Saint-Michel-d'Alajou sur le plateau du Larzac. Cela ne peut pas fonctionner ! Comment voulez-vous que le maire d'une commune hyperrurale, qui n'a pas délivré de permis de construire depuis plus d'un an ou qui a près de 95 % de son territoire en zone naturelle ou agricole, réagisse lorsqu'on lui dit qu'il ne faut pas artificialiser ? Il vous regarde éberlué, parce qu'il ne peut pas le comprendre !

J'ai deux questions très simples : pourquoi ne pas exclure ces petites communes rurales du « ZAN » ? Comment faire pour dialoguer avec un État qui préfère l'oukase et l'injonction à la discussion ?

M. Daniel Salmon. - Dans certains territoires, les choses se passent plutôt bien. Ainsi, en Bretagne, les conférences des Scot ont permis d'aboutir à des compromis, lesquels ont conduit à l'élaboration d'une trajectoire régionale de mise en oeuvre de la stratégie de réduction d'artificialisation des sols.

Regardons les choses en face : la véritable problématique est celle du financement du « ZAN ». D'après vous, mes chers collègues, sera-t-il plus facile de financer notre dette écologique dans quelques années que le « ZAN » aujourd'hui ? Personnellement, je connais la réponse à cette question.

Enfin, l'acronyme « ZAN » n'est peut-être pas le bon, mais il est préférable au « zéro ambition nette », ce vers quoi nous nous orientons.

Mme Anne-Catherine Loisier. - Je vous remercie de toutes ces précisions qui permettent d'apporter des réponses aux interrogations multiples qui émergent des territoires.

Permettez-moi cependant de revenir sur quelques points.

D'abord, la maîtrise de l'artificialisation des sols existait bien avant le « ZAN ». Les nombreux élus locaux présents ici ce matin peuvent en témoigner : la plupart, si ce n'est la totalité, des Sraddet comportaient déjà un objectif en la matière.

La loi « ZAN » a fixé des objectifs plus ambitieux sans pour autant prévoir les financements y afférents. Comment accompagner les territoires dans une démarche vertueuse de meilleure maîtrise de l'artificialisation des sols, et ce de façon réaliste ? Si l'on tient compte de la situation actuelle, je crains que la plupart des acteurs des territoires soient incapables, à l'avenir, de financer la mise en oeuvre de cet objectif. Il est urgent que le Sénat, qui assure la représentation des collectivités territoriales, se montre à l'écoute et aide les élus locaux à avancer sur ce sujet.

Monsieur le rapporteur, plusieurs de vos recommandations me semblent particulièrement judicieuses. Je pense à la comptabilisation en Enaf qui, de mon point de vue, doit continuer de s'appliquer après 2031. Il était également utile de rappeler la nécessité des aménagements prévus dans les textes, notamment les dispositifs d'assouplissement mis en place par l'ancien ministre de la transition écologique, Christophe Béchu. Le report de la mise en oeuvre de la mutualisation de la garantie de développement communal, qui suscite beaucoup de questions, est en outre essentiel. Enfin, l'État doit assumer sa politique : une première étape consisterait à extraire le compte foncier de l'État de l'enveloppe nationale dédiée à la consommation d'espaces.

Compte tenu de l'importance de ce sujet, il me semble indispensable que nous votions sur les recommandations du rapport d'information.

M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur. - Monsieur Jadot, il est faux de dire que l'artificialisation n'a pas diminué : 21 000 hectares aujourd'hui contre 31 000 en 2011 !

M. Ronan Dantec. - Les chiffres ne bougent plus depuis 2015 !

M. Jean-Baptiste Blanc, rapporteur. - Nous sommes sur un plateau, après une forte diminution entre 2009 et 2015.

En ce qui concerne la planification, elle aurait pu fonctionner si nous y avions été associés. Je me permets de vous recommander la lecture de l'ouvrage Un nouveau contrat écologique : les auteurs insistent sur la nécessité d'associer toutes les parties prenantes pour atteindre l'objectif de sobriété foncière.

Monsieur Salmon, vous parlez de « zéro ambition nette », mais il faut aussi éviter le « zéro assouplissement net » !

M. Guislain Cambier, président du groupe de suivi. - Il y avait urgence à engager ce travail du groupe de suivi, car l'horloge tourne. Nous vous avons présenté aujourd'hui le rapport, mais nous allons continuer à travailler sur le sujet. Il est nécessaire de faire preuve d'une vision plus « girondine », comme l'a dit M. Jadot, c'est-à-dire différente selon les territoires. Il faut faire confiance aux élus et fixer clairement les règles afin d'éviter les effets de bord, mais nous devons aussi rester fermes avec l'État.

La commission des affaires économiques, la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable et la commission des finances adoptent le rapport d'information et en autorisent la publication.

La réunion est close à 10 h 55.

- Présidence de M. Claude Raynal, président -

La réunion est ouverte à 11 h 00

Proposition de loi visant à mettre à contribution les Ehpad privés à but lucratif réalisant des profits excessifs - Examen du rapport et du texte de la commission

M. Claude Raynal, président. - Nous en venons à l'examen du rapport de Bruno Belin sur la proposition de loi visant à mettre à contribution les Ehpad privés à but lucratif réalisant des profits excessifs. Je salue la présence parmi nous de notre collègue Jean-Luc Fichet, auteur du texte.

M. Bruno Belin, rapporteur. - Mes chers collègues, pour la clarté de mon propos je vous indique d'ores et déjà que je vais proposer à la commission de rejeter ce texte.

La plupart d'entre vous ont été, ou sont encore, conseiller départemental ou élu municipal : vous connaissez donc la situation dans laquelle se trouvent les Ehpad. Ceux-ci peuvent être classés en trois catégories : les Ehpad publics portés par des personnes publiques qui sont souvent des municipalités et des centres communaux d'action sociale (CCAS), les Ehpad privés à but non lucratif et les Ehpad privés à but lucratif, ces derniers étant visés par le texte.

En effet, la proposition de loi tend à créer une taxe sur le résultat net de ces établissements dont le produit serait versé à la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA). Je m'interroge sur ce que pourrait penser le Conseil constitutionnel d'une taxe qui ne toucherait qu'une seule catégorie d'Ehpad au regard du principe d'égalité devant les charges publiques. Par ailleurs, il serait probable que les Ehpad concernés essayent d'optimiser leur compte de résultat pour ne pas être assujettis.

L'affaire Orpea a dégradé l'image des Ehpad à but lucratif : les travaux de la commission des affaires sociales du Sénat et les enquêtes des journalistes ont montré que, malgré des résultats florissants, de grands groupes ont eu des comportements condamnables. Nous avons tous été choqués de découvrir que les soins aux résidents étaient minutés et qu'il n'était parfois prévu de leur donner une douche qu'une fois tous les six jours...

Néanmoins, il faut noter que la situation des Ehpad n'est aujourd'hui plus la même qu'il y a quelques années, comme l'a souligné un rapport de la commission des affaires sociales : leurs résultats sont catastrophiques, ce qui met en difficulté un certain nombre d'établissements.

Je rappelle que le fonctionnement des Ehpad est assuré en grande partie par de l'argent public, notamment avec la participation des agences régionales de santé (ARS) et des conseils départementaux. Si l'on prévoit une taxe supplémentaire, il est à craindre que ce soit le résident qui la finance, via une augmentation du prix de journée.

J'y insiste, la situation a changé depuis la pandémie : des résidents ou potentiels résidents sont décédés, et des personnes âgées ont renoncé à entrer en établissement par crainte d'être encore davantage exposées. À cette baisse du « stock démographique » se sont ajoutées les conséquences de l'affaire Orpea. Le taux d'occupation des établissements a diminué, ce qui a eu un impact financier immédiat. Résultat : nous avons assisté à un effondrement de la cotation en bourse des deux groupes d'Ehpad les plus importants.

Un travail considérable doit maintenant être effectué, d'abord parce que la génération du baby-boom va entrer dans l'âge de la dépendance, mais aussi parce que nous vivons de plus en plus longtemps, et avec davantage de pathologies. Il sera nécessaire d'augmenter de manière importante le nombre de places en Ehpad dans la décennie 2030. On estime à plus de 100 000 le nombre de places nouvelles nécessaires d'ici à 2030. Enfin, il faut souligner le besoin de personnels. Les postes, et les formations qu'il serait nécessaire d'engager à cette fin, n'ont pas été planifiés.

Pour toutes ces raisons, je vous propose de rejeter la proposition de loi.

M. Jean-Luc Fichet, auteur de la proposition de loi. - Le rapporteur a indiqué d'emblée qu'il était défavorable au texte, ce qui a le mérite de la clarté. Nous sommes tous en relation avec des maires, des présidents de CCAS et de conseil d'administration d'Ehpad, mais aussi avec des bénévoles, présidents de conseils d'administration d'associations qui gèrent des Ehpad. Tous nous sollicitent quotidiennement tant ils sont aux abois, la situation s'étant particulièrement aggravée récemment : tous sont confrontés à des déficits abyssaux.

Dans un premier temps, ils se tournent vers l'État, qui renvoie à la préparation d'une loi « Grand Âge » dans laquelle figureraient les investissements à prévoir afin de garantir un accueil qualitatif pour les personnes en perte d'autonomie. Les départements, quant à eux, invoquent un manque de moyens. Pour prendre l'exemple du Finistère dans lequel s'était rendue Aurore Bergé il y a deux ans, 8 millions d'euros avaient été attribués afin de venir en aide aux Ehpad, une somme faible qui était venue combler un déficit de trésorerie, mais qui ne permettait pas de répondre aux besoins.

Il faut alors se tourner vers une réduction des dépenses, ce qui est synonyme d'effectifs amoindris et d'une moins bonne formation des personnels, d'où des difficultés d'accueil. Il est également possible de se tourner vers les résidents pour assurer le financement, mais ceux-ci se sont souvent déjà séparés de leurs biens et ne disposent plus de véritables ressources.

À l'inverse, le secteur privé bénéficie d'une dynamique très forte, même après l'affaire Orpea. Bien évidemment, nous sommes tous d'accord pour dire que le secteur privé est nécessaire, nul ne prétendant s'en passer pour assurer l'accueil de nos aînés. Cela étant, la question de la marge de ces groupes se pose : tel est le sens de la proposition de loi, qui vise à appliquer une taxe additionnelle au-delà d'un taux de rentabilité financière de 10 %, taxe dont les recettes iraient à la CNSA avant de procéder à une redistribution qui permettrait d'aider les établissements publics et associatifs, via les départements.

Si ladite taxe ne générerait sans doute pas des montants très élevés dans un premier temps, l'argument selon lequel le secteur privé s'arrangerait toujours pour réaliser des profits masqués ne me paraît guère convaincant : même sans cette taxe, la gestion privée conduira à rechercher des économies, ce qui est parfois positif, mais ce qui a parfois des conséquences directes et négatives sur la vie des résidents.

En outre, l'argent public n'est pas réservé aux établissements publics et sert à financer, dans une proportion non négligeable, les dépenses d'investissement et de fonctionnement des établissements privés. Les résultats du secteur privé sont ainsi parfois obtenus grâce à l'argent public et au financement de postes pourtant non pourvus. Dans nombre de cas, pour une masse salariale de 100 postes, 30 % d'entre eux ne sont pas occupés, cette manne revenant dans le budget général de l'établissement et devenant une source de profits.

Les ARS ne disposent cependant pas des moyens de contrôler finement les budgets des Ehpad privés à but lucratif, qui leur sont présentés comme étant en déficit alors que les résultats globaux des grands groupes sont excédentaires - voire très excédentaires - au niveau fiscal. Il y a donc bien matière à s'interroger sur la manière dont ces bénéfices ont été réalisés, l'argent public ayant peut-être servi de coup de pouce pour dégager ces excédents.

Je le redis pour conclure : mon objectif n'est pas de porter l'estocade au secteur privé à but lucratif, mais simplement de modérer les profits et de répartir les excédents, de façon que les autres Ehpad publics et associatifs en bénéficient.

M. Arnaud Bazin. - En préalable, je précise que je suis commissaire surveillant de la Caisse des dépôts et consignations (CDC), qui détient près de 20 % du capital de l'ex-Orpea, qui s'appelle désormais Emeis. Laurent Guillot et Guillaume Pépy conduisent une remise en ordre du fonctionnement du groupe, tant au niveau national qu'international.

Je constate comme vous les grandes difficultés des Ehpad publics et privés non lucratifs, les départements peinant à répondre aux besoins dans le contexte budgétaire actuel. Le problème est vaste et concerne la totalité de la prise en charge du troisième âge, notamment à domicile : contraints et forcés, les départements contiennent la dépense horaire à un niveau difficilement conciliable avec une prise en charge de qualité.

Les Ehpad privés à but lucratif, quant à eux, jouent un rôle important et ne doivent pas être découragés, car de moindres investissements dans ce secteur ne feraient qu'accroître la pression pesant sur le privé à but non lucratif et le public. Par curiosité, je me suis renseigné plus précisément sur le montant moyen d'une mensualité auprès d'Emeis : celui-ci s'établit à 3 000 euros par mois, soit un montant élevé pour certaines catégories de la population, mais qui reste accessible, malgré tout, à une partie de nos concitoyens. Une fois encore, il ne faut pas décourager les investissements dans les Ehpad privés, car, au-delà des considérations techniques sur le produit de la taxe proposée, il s'agirait d'un très mauvais message envoyé au secteur. Pour autant, je ne partage pas l'objectif d'atteindre des rendements à deux chiffres dans ces établissements.

M. Pascal Savoldelli. - De nombreuses entreprises rêveraient d'atteindre le même résultat net et le même niveau de fonds propres que les Ehpad privés, et il me paraît difficile de reprocher à l'auteur de la proposition de loi une démarche confiscatoire.

Par ailleurs, le rapporteur a indiqué qu'une contribution additionnelle risquerait d'entraîner un recul de l'investissement privé dans les établissements commerciaux, ce qui reste à démontrer. En septembre 2024, le rendement avant avantages fiscaux s'établit entre 3,5 % et 6 % : invoquer le péril d'une fuite des investisseurs n'est pas très sérieux.

M. Marc Laménie. - Ce sujet de société nous interpelle, le volet humain devant être davantage pris en compte que le volet financier. Je note que la suppression de la vignette automobile a privé les départements de recettes non négligeables pour financer la prise en charge des personnes âgées, et qu'il est paraît impossible de réinstaurer ce dispositif.

M. Grégory Blanc. - Nous ne nous sommes plus dans la situation décrite par le journaliste Victor Castanet, Orpea, Korian et d'autres ayant été conduits à renflouer leur capital. Les pénuries de personnels expliquent désormais l'essentiel des difficultés à assurer une prise en charge correcte des personnes âgées, les douches espacées de parfois plus de six jours existant toujours.

Le véritable sujet reste celui du modèle économique des Ehpad, ce qui m'amène à exprimer une divergence avec le rapporteur lorsqu'il affirme que « l'alourdissement de la fiscalité sur le secteur des Ehpad commerciaux présente un risque réel de désinvestissement » : le désinvestissement est déjà à l'oeuvre, justement, car nous ne soulevons pas l'enjeu de leur modèle économique.

Notre débat porte donc non pas sur le fait de savoir si une nouvelle taxe générerait suffisamment de recettes pour renflouer la CNSA, mais sur le caractère juste d'une taxe visant des établissements commerciaux fort lucratifs grâce à la clientèle aisée qu'ils attirent, ainsi que sur la nécessité de corriger les écarts. Une telle démarche me paraît justifiée par rapport au message que nous devons adresser aux acteurs privés, à savoir que le modèle d'Ehpad qui doit être bâti à l'avenir doit s'appuyer sur la mixité des publics. C'est pourquoi je soutiens cette proposition de loi.

Mme Isabelle Briquet. - Les besoins sont énormes en matière de prise en charge des personnes âgées, en l'absence d'une loi relative au grand âge que nous attendons tous, mais qui ne verra peut-être jamais le jour. L'argument du rapporteur selon lequel les Ehpad à but lucratif habilleront leurs comptes de manière à ne pas s'acquitter d'une taxe additionnelle m'a surprise : devrions-nous abandonner toute idée de taxation pour ce motif ? D'autres secteurs se livrent à ce type de pratiques, mais nous n'avons pas à nous départir de toute velléité en la matière pour autant.

Jean-Luc Fichet a soulevé un point à creuser, à savoir le défaut de contrôle budgétaire de ces Ehpad. En tout état de cause, notre groupe soutient cette proposition de loi.

M. Michel Canévet. - Le groupe Union Centriste partage les préoccupations relatives au financement des structures d'accueil pour les personnes âgées, mais rejoint l'avis du rapporteur quant à l'inadéquation de cette proposition de loi à la situation. En effet, la presse se fait l'écho du redressement judiciaire de Réside Études Seniors, qui gère 73 résidences. En outre, des mesures relatives à la fiscalisation des gros opérateurs sont d'ores et déjà annoncées dans le prochain projet de loi de finances (PLF), qui semble être un outil plus adapté pour l'adoption de mesures fiscales appropriées. Nous partageons donc les conclusions du rapporteur.

M. Christian Bilhac. - Une fiscalisation peut effectivement passer par le PLF, mais je suis assez favorable à la taxation de ces Ehpad à but lucratif. Selon moi, un Ehpad doit assurer une fin de vie digne et bienveillante aux personnes âgées et n'a pas vocation à gagner de l'argent.

M. Bruno Belin, rapporteur. - Madame Briquet, nous n'encourageons évidemment pas la fraude fiscale, mais nous savons très bien qu'il est aisé d'optimiser les comptes de résultats en jouant avec les loyers, frais de siège et autres postes. Les services du ministère des finances nous ont confirmé que, en l'état actuel des choses, aucun établissement ne serait concerné par cette taxe.

Le président du Syndicat national des établissements et résidences privés pour personnes âgées (Synerpa) nous a indiqué au cours des auditions que les banques ne prêtaient plus aux Ehpad à but lucratif tant les risques de non-recettes sont élevés. Compte tenu du niveau atteint par les tarifs à la journée, il n'est pas certain que les potentiels résidents soient en mesure de les assumer. Une moyenne de 3 000 euros mensuels a été précédemment mentionnée par le sénateur Bazin : parmi l'ensemble des Ehpad analysés, je n'ai rien trouvé à moins de 2 000 euros par mois, le tarif le plus élevé atteignant 11 000 euros. Tous ces établissements ont d'ailleurs été contrôlés par les ARS et par les départements de tutelle, qui ont renforcé les services dédiés.

La crise des Ehpad commerciaux est réelle, malgré les changements de noms qui se sont imposés. Par exemple, le huitième groupe français, Medicharme, a été placé en liquidation judiciaire en février dernier.

M. Claude Raynal, président. - En application du vade-mecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des Présidents, la commission des finances a arrêté, lors de sa réunion du 9 octobre 2024, le périmètre indicatif de la proposition de loi visant à mettre à contribution les Ehpad privés à but lucratif réalisant des profits excessifs.

Ce périmètre comprend les dispositions relatives aux modalités applicables pour la détermination des impositions de toutes natures des gestionnaires d'Ehpad et les dispositions relatives à la création d'une nouvelle imposition à la charge des gestionnaires d'Ehpad.

Il en est ainsi décidé.

EXAMEN DE L'ARTICLE UNIQUE

L'article unique constituant l'ensemble de la proposition de loi n'est pas adopté.

Conformément au premier alinéa de l'article 42 de la Constitution, la discussion en séance portera en conséquence sur le texte de la proposition de loi déposée sur le Bureau du Sénat.

Proposition de loi visant à mettre en place une imposition des sociétés plus juste et plus écologique - Examen des amendements de séance

M. Claude Raynal, président. - Nous examinons les amendements de séance déposés sur la proposition de loi visant à mettre en place une imposition des sociétés plus juste et plus écologique, présentée par M. Rémy Féraud et plusieurs de ses collègues.

EXAMEN DES AMENDEMENTS DE SÉANCE

Article 1er

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n°  3.

Après l'article 1er

L'amendement n°  1 est déclaré irrecevable en application de l'article 45 de la Constitution.

Article 2

La commission émet un avis défavorable aux amendements n°  2 et n°  4.

La commission a donné les avis suivants sur les amendements dont elle est saisie, qui sont retracés dans le tableau ci-après :

TABLEAU DES AVIS

Article 1er

Auteur

Objet

Avis de la commission

M. SAVOLDELLI

3

Relèvement du taux normal de l'impôt sur les sociétés (IS) et création d'un barème progressif pour les petites et moyennes entreprises (PME)

Défavorable

Article additionnel après Article 1er

Auteur

Objet

Avis de la commission

M. SAVOLDELLI

1

Création d'une taxe sur les programmes de rachat d'actions

Irrecevable art. 45, al. 1 C (cavalier)

Article 2

Auteur

Objet

Avis de la commission

M. SAVOLDELLI

2

Création d'une contribution sur les bénéfices exceptionnels

Défavorable

M. FÉRAUD

4

Modification du critère d'assujettissement à la contribution additionnelle

Défavorable

M. Claude Raynal, président. - J'indique par ailleurs que M. Bruno Belin étant retenu demain, il sera remplacé en sa qualité de rapporteur en séance publique par M. Laurent Somon.

- Présidence de M. Claude Raynal, président -

La réunion est ouverte à 11 h 00.

Proposition de loi visant à lutter contre les fermetures abusives de comptes bancaires - Examen des amendements au texte de la commission

M. Claude Raynal, président. - Nous passons à l'examen des amendements au texte de la commission sur la proposition de loi visant à lutter contre les fermetures abusives de comptes bancaires, présentée par M. Philippe Folliot et plusieurs de ses collègues. Nous commençons par examiner un amendement du rapporteur.

EXAMEN DE L'AMENDEMENT DU RAPPORTEUR

Article unique

M. Marc Laménie, rapporteur. - L'amendement n° 11 vise à assurer l'application de la proposition de loi à la Nouvelle-Calédonie, à la Polynésie française et à Wallis-et-Futuna.

L'amendement n° 11 est adopté.

EXAMEN DES AMENDEMENTS AU TEXTE DE LA COMMISSION

Avant l'article unique

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n°  7.

Article unique

La commission émet un avis défavorable aux amendements nos  6, 4 et 1 rectifié.

La commission s'en remet à la sagesse du Sénat sur l'amendement n°  8.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n°  5.

Après l'article unique

Mme Christine Lavarde. - Je viens de prendre connaissance des amendements de M. Buis, qui sont en lien avec la lutte contre le blanchiment. J'ai été interpelée par la rédaction de l'article unique issue des travaux de la commission, qui laisse entendre qu'une personne impliquée dans du blanchiment serait informée du fait qu'elle a été détectée.

Je n'avais pas de solution à proposer et n'ai donc pas déposé d'amendement, mais ceux qui ont été proposés par M. Buis permettent de replacer cette problématique des enquêtes Tracfin et de la lutte contre le blanchiment. Il ne faudrait pas, au motif légitime de vouloir apporter une protection contre les fermetures abusives de comptes bancaires, informer les auteurs d'actes illicites qu'ils ont été détectés.

M. Marc Laménie, rapporteur. - L'amendement n°  9 vise à interdire la fermeture de compte lorsque leur titulaire est visé par une enquête diligentée par le parquet national financier, le parquet national antiterroriste ou l'une des juridictions interrégionales spécialisées, et lorsque le compte est visé par une déclaration de soupçon à Tracfin.

Cet amendement soulève une sérieuse difficulté : comment l'établissement de crédit pourrait-il être au courant de l'enquête alors même que le secret de l'enquête et de l'instruction constitue l'un des principes fondateurs de la procédure pénale française ? Il est donc impossible de mettre en oeuvre la disposition prévue sans permettre à l'établissement de crédit de savoir que l'un de ses clients fait l'objet d'une enquête, ce qui n'est absolument pas souhaitable.

La commission émet un avis défavorable aux amendements nos  9 et 10.

L'amendement n°  3 rectifié est déclaré irrecevable en application de l'article 45 de la Constitution.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n°  2.

La commission a donné les avis suivants sur les amendements dont elle est saisie, qui sont retracés dans le tableau ci-après :

TABLEAU DES AVIS

Article additionnel avant Article unique

Auteur

Objet

Avis de la commission

Mme Mélanie VOGEL

7

Allongement du délai de préavis avant fermeture d'un compte bancaire pour les Français de l'étranger

Défavorable

Article unique

Auteur

Objet

Avis de la commission

M. BILHAC

6

Motivation systématique de la fermeture d'un compte bancaire par l'établissement de crédit et suppression de toute condition de délai

Défavorable

M. BOCQUET

4

Motivation systématique de la fermeture d'un compte bancaire par l'établissement de crédit

Défavorable

Mme BRIQUET

1 rect.

Motivation systématique de la fermeture d'un compte bancaire par l'établissement de crédit et suppression de toute condition de délai

Défavorable

Mme CONWAY-MOURET

8

Application du dispositif aux clients résidant en France et hors de France

Sagesse

M. BOCQUET

5

Encadrement des fermetures unilatérales de comptes bancaires par les établissements de crédit

Défavorable

Article additionnel après Article unique

Auteur

Objet

Avis de la commission

M. BUIS

9

Interdiction de clôture du compte bancaire lorsque son titulaire fait l'objet d'une déclaration de soupçon à Tracfin et d'une enquête

Défavorable

M. BUIS

10

Notification à l'ACPR des décisions de fermeture des comptes bancaires et contrôle des établissements de crédit

Défavorable

M. CANÉVET

3 rect.

Information annuelle du client relative à ses prélèvements SEPA actifs

Irrecevable art. 45, al. 1 C (cavalier)

Mme Nathalie GOULET

2

Interdiction d'inscription des fermetures de compte au fichier national des comptes bancaires (Ficoba) et autres fichiers

Défavorable

Déplacement d'une délégation du Bureau de la commission en Corée du Sud et au Japon - Communication

M. Claude Raynal, président. - Mes chers collègues, une délégation du Bureau s'est rendue à Séoul et Tokyo du 6 au 15 septembre. Elle était composée de moi-même et du rapporteur général Jean-François Husson, ainsi que de nos collègues membres du Bureau Michel Canévet, Thierry Cozic, Thomas Dossus et Stéphane Sautarel.

Dans les deux pays, nous avons rencontré, outre l'ambassadeur, des vice-ministres des finances nationales et locales ainsi que leurs administrations, les présidents et certains membres des commissions parlementaires exerçant les compétences de notre commission et les représentants d'entreprises françaises. En outre, nous avons rencontré à Séoul le président de l'autorité qui régule le secteur bancaire et assurantiel, le président de l'organisme qui garantit les dépôts bancaires, ainsi que l'équipe du Fonds vert chargée du volet financier de l'Accord de Paris de 2015, et le « Budget Office », un organisme d'expertise au service de l'Assemblée nationale. À Tokyo, nous avons eu un temps d'échange avec la gouverneure - c'est-à-dire la maire -, avec les représentants des collectivités locales et avec des organismes d'assurance des catastrophes naturelles, ainsi qu'avec plusieurs économistes et instituts spécialisés dans les finances nationales et locales.

Comme vous le voyez, les journées ont été denses, ce qui nous a permis de croiser les points de vue - pas toujours identiques - des autorités politiques et des entités privées, de l'administration et des économistes, des acteurs locaux et des sociétés françaises présentes localement, concernant les thèmes du déplacement que je répartirai en quatre grandes catégories : les aspects macroéconomiques et la situation des finances publiques ; le financement de la transition écologique et l'assurance des catastrophes naturelles ; les relations financières entre l'État et les collectivités territoriales ; enfin, les perspectives de coopération entre la France et ces deux pays.

J'aborderai pour commencer le sujet des finances publiques en Corée et au Japon. La question du déficit et de la dette publique se pose dans un grand nombre de pays, mais pas forcément dans les mêmes termes. En Corée, le budget initial pour 2024 prévoyait un déficit public de 1,9 % du PIB et une dette publique d'environ 50 % : les chiffres peuvent paraître faibles par rapport à la France, mais ils progressent et la Corée songe à s'inspirer de la règle européenne limitant la dette publique à 60 % du PIB.

Par-delà la dette publique, il faut toutefois prendre garde à la dette des ménages, qui constitue un vrai sujet d'attention dans ce pays puisqu'elle atteint 100 % du PIB - contre 60 % en France -, principalement à cause des emprunts souscrits pour acheter ou louer des logements. Nos interlocuteurs estiment que cet endettement concerne surtout des ménages aisés et reste donc maîtrisé - en tout cas pour l'instant.

Les dépenses de l'État augmentent faiblement, en favorisant les dépenses sociales dont l'augmentation est liée notamment à l'enjeu démographique, qui est très inquiétant sur le long terme : la Corée possède de loin le taux de natalité le plus faible de l'OCDE avec 0,7 enfant par femme et les autorités tentent de le relancer, sans succès jusqu'à présent. Le pays pourrait perdre 20 de ses 50 millions d'habitants d'ici à 2070. Les dépenses d'éducation sont d'ores et déjà en diminution.

Enfin, les députés coréens - le Parlement est monocaméral - disposent pour analyser les aspects macroéconomiques et les questions relatives aux finances de l'État d'un « Budget Office », sur le modèle du Congressional Budget Office américain : c'est un véritable organisme de recherche qui réalise des analyses et des études d'impact, estime le coût des propositions de loi présentées par les députés, formule des prévisions macroéconomiques et évalue les grands programmes gouvernementaux. Il répond aux demandes des députés et des commissions permanentes, dans un esprit de neutralité. Il peut notamment procéder au chiffrage des propositions de loi.

Si l'on considère que cet organisme, doté de 138 employés, s'ajoute au personnel de l'Assemblée nationale elle-même - 3 550 employés -, de la bibliothèque - 362 employés - et du service de la recherche - 126 employés -, cela donne une idée des moyens importants mis à la disposition des députés dans un pays moins peuplé que la France - dans un système certes monocaméral.

Nous connaissons mieux la situation du Japon, décrite par tous nos interlocuteurs comme un défi aux théories classiques de la macroéconomie : le pays a connu depuis les années 1990 une économie languissante que le gouvernement a cherché à relancer par une succession de plans qui n'ont guère ramené la croissance, mais ont nourri une dette publique qui atteint aujourd'hui 255 % du PIB selon les mesures du Fonds monétaire international (FMI).

Depuis plus de vingt ans, le gouvernement fixe un objectif de déficit public à 0 % qui n'est jamais atteint : l'optimisme des prévisions officielles tranche avec le pessimisme des prévisions de certains économistes, qui prévoient de nouveaux déficits. C'est une situation que l'on connait...

Pour autant, nos interlocuteurs ne s'inquiétaient que modérément de la soutenabilité de cette dette, même si la reprise limitée de l'inflation et des taux d'intérêt risque de renchérir son coût. Il est bien connu que cette dette est détenue à 90 % environ par des nationaux japonais ; on sait moins que ces nationaux ne sont pas d'abord des investisseurs privés, mais la Banque du Japon et les institutions financières. C'est la raison pour laquelle le président de la commission des finances estime que cette dette massive ne pose pas vraiment de problème d'éviction des investissements privés. Les autorités financières cherchent toutefois à attirer des investisseurs étrangers afin d'avoir une communauté de créanciers plus diversifiée.

Tel est le « miracle » japonais que les économistes peinent à expliquer : relance sans croissance, et dette rachetée par la Banque du Japon sans explosion de l'inflation. Lorsque j'ai interrogé le vice-ministre des finances sur le risque d'apparition d'une boucle salaire-inflation, il m'a répondu qu'il espérait précisément que les salaires augmentent, afin de soutenir l'inflation récemment réapparue !

Ainsi, malgré une dette considérable, une croissance faible et un vieillissement accéléré qui devraient leur faire perdre une partie importante de leur population d'ici à 2100, les deux pays disposent encore de nombreux atouts. La transition écologique constitue toutefois un défi considérable.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - La Corée du Sud et le Japon ont tous deux fixé un objectif de neutralité carbone en 2050. Nos interlocuteurs ne portent toutefois pas tous la même appréciation sur l'avancement des actions menées. De manière générale, notre impression est que ces deux pays sont moins avancés que nous en matière de transition écologique. La population japonaise, par exemple, ne s'est pas vraiment approprié l'objectif de neutralité carbone. Le véhicule électrique se déploie de ce fait lentement au Japon où selon un document qui nous a été remis, le prix du carbone est de 2 euros par tonne seulement, contre plusieurs dizaines d'euros en Europe.

Les entreprises en prennent conscience, surtout si elles ont des activités internationales, mais notre impression est que le « d'abord les affaires » continue de primer. Le vice-ministre de l'économie et des finances de Corée nous a ainsi indiqué que les critères européens relatifs au changement climatique et à la décarbonation pourraient conduire à réduire les échanges entre son pays et notre continent... Au Parlement japonais, nos interlocuteurs se demandaient même si l'Union européenne a vraiment l'intention de déployer jusqu'au bout le mécanisme d'ajustement aux frontières, qui vise à permettre à l'Union européenne d'appliquer des coûts supplémentaires selon les émissions de carbone des entreprises situées dans les pays tiers. Compte tenu de la taille du marché européen, la mise en place de ce mécanisme emporte une véritable fébrilité.

L'enjeu majeur, pour ces deux pays qui sont dépourvus de ressources naturelles et où les centrales thermiques produisent les deux tiers de l'électricité, est celui du mix énergétique. Bien que le Japon commence à relancer des centrales arrêtées après l'accident de Fukushima en 2011, certains de nos interlocuteurs regardent le mix énergétique français avec envie. Si le nucléaire a permis de limiter la hausse des prix au Japon après l'invasion de l'Ukraine, ce qui a amélioré sa réputation auprès du public, les résistances sont encore grandes.

En Corée, les résistances sont moins fortes et le nucléaire est aussi un moteur de croissance à l'export, comme EDF a pu le constater à ses dépens, il y a quelques semaines, lorsque le groupe a perdu un marché en République tchèque face au groupe coréen KHNP.

L'essor des énergies renouvelables est encore lent. Les deux pays misent sur l'éolien en mer, mais plutôt sur des plateformes flottantes en raison de la profondeur des fonds marins.

La Corée et le Japon se projettent davantage sur le charbon « propre », sur l'hydrogène « vert », voire « gris », et sur l'ammoniaque produit par des centrales solaires au Moyen-Orient. S'il ne s'agit pas des solutions les plus efficaces pour diminuer les émissions de CO2, l'approche est très pragmatique. Le Japon met aussi l'accent sur les transition bonds ou « obligations de transition », conçues pour financer des projets qui aident des entreprises polluantes à réduire leur impact environnemental. On connaît mieux chez nous les obligations vertes, qui sont dédiées exclusivement aux projets ayant un impact environnemental positif direct, comme les énergies renouvelables. Encore une fois, le choix du Japon est clair : la transition écologique ne se fera pas au détriment du secteur industriel, et il n'est pas question de sortir entièrement des énergies fossiles.

Les deux pays ne sont donc pas en avance, mais il ne faut pas sous-estimer leur capacité, le cas échéant, à accélérer : les entreprises disposent de fortes capacités d'investissement et le gouvernement peut impulser des dynamiques fortes. Il peut, par exemple, envoyer des messages sur les téléphones pour encourager à limiter la consommation d'électricité lors des périodes de tension sur le réseau. L'un de nos interlocuteurs français nous indiquait par ailleurs que le ministère de l'industrie est en train de mettre en place de nouvelles normes.

Dans le secteur du bâtiment, au Japon, la rénovation énergétique n'a pas, jusqu'à présent, été prioritaire par rapport à l'adaptation des bâtiments au risque sismique, bien plus immédiat. Les bâtiments étant toutefois reconstruits beaucoup plus souvent qu'en France dans les deux pays, une adaptation du parc immobilier serait bien plus rapide, à condition qu'ils s'y engagent réellement. Si le gouvernement japonais diffusait des directives environnementales claires, le pays pourrait s'engager avec résolution dans la transformation de son modèle. Le Japon prévoit déjà d'investir pas moins de 150 000 milliards de yens - soit 950 milliards d'euros - dans les dix ans à venir pour la transition écologique, dont 125 milliards d'euros seront financés par l'État.

C'est donc le moment pour les entreprises françaises de se positionner. Celles que nous avons rencontrées nous ont expliqué que l'expérience française leur donnait de vraies opportunités. Dans le domaine du nucléaire, par exemple, les opérateurs français pourraient non pas vendre de nouvelles centrales, pour lesquelles les Japonais comme les Coréens disposent d'une industrie interne, mais apporter leurs compétences pour certaines phases du cycle nucléaire, par exemple le stockage des combustibles usés ou le démantèlement des centrales.

Si le Japon est bien plus en avance en matière de construction antisismique, c'est qu'un tremblement de terre de magnitude 6 sur 8 dans le monde survient au Japon, pays dans lequel entrent en collision quatre plaques tectoniques. Nous nous sommes particulièrement intéressés à leur système d'assurance face aux catastrophes naturelles. Le risque sismique est très particulier, car le montant des indemnisations versées, qui se limite à quelques dizaines de millions d'euros la plupart des années, peut s'établir à plusieurs milliards d'euros en cas de séisme majeur, 8 milliards d'euros pour le grand tremblement de terre de 2011 et peut-être 50 milliards d'euros lorsque surviendra le tremblement de terre séculaire qui a 70 % de risque d'affecter Tokyo dans les trente ans à venir.

Un système à plusieurs niveaux prévoit l'implication du seul secteur assurantiel privé jusqu'à un montant de 700 millions d'euros, puis un partage des coûts entre le public et le privé jusqu'à 12 milliards d'euros, et au-delà - ce qui n'est pas arrivé dans l'histoire récente - un financement essentiellement public des dommages. Par ailleurs, un système de réassurance conçu sur le très long terme assure une assistance mutuelle entre générations.

Le financement ne couvre pas 100 % de la reconstruction, mais il garantit la possibilité de revenir à une vie raisonnable : le soutien de l'État vient compléter les efforts individuels de chacun et la solidarité collective. En outre, la prime, que les assureurs doivent fixer à « prix coûtant », sans chercher de bénéfice, est liée au niveau de risque, qui varie selon la proximité par rapport aux failles tectoniques : nos interlocuteurs nous ont expliqué qu'il s'agissait de limiter le niveau des primes, mais aussi de sensibiliser les habitants au niveau de risque. La culture du risque est en effet très répandue : chacun sait ce qu'il doit faire et où il doit se réfugier en cas de tremblement de terre. Nous avons pu constater que des vidéos de prévention sont diffusées dans les halls d'immeuble.

Outre les séismes, parfois accompagnés d'un tsunami, le Japon est aussi exposé aux éruptions volcaniques, aux typhons et aux épisodes de très fortes intempéries, notamment de neige abondante. L'État prend en charge une partie de la charge financière revenant aux préfectures en fonction de leur situation financière et de l'intensité de la catastrophe : par exemple, l'État couvre 50 % des frais inférieurs à 2 % du montant des ressources fiscales ordinaires de la préfecture, mais 90 % des frais dépassant 4 % de ces ressources.

M. Claude Raynal, président. - S'agissant de la transition écologique au niveau mondial, nous avons également rencontré les représentants du Fonds vert, une institution sui generis qui met en oeuvre les financements prévus par l'Accord de Paris de 2015 et dont le siège se trouve en Corée. Le Fonds vert est alimenté par les pays développés et finance dans les autres pays des projets liés pour moitié à l'atténuation du changement climatique et pour moitié à l'adaptation au changement climatique. Il a déjà approuvé 15 milliards d'euros de projets, et vise 30 milliards de dollars en 2030. Si l'on ne peut que saluer l'action du Fonds qui prévoit d'ouvrir des bureaux dans chaque continent, il faut prendre garde aux risques de redondance avec d'autres fonds ayant les mêmes objectifs.

Nous avons également abordé, dans plusieurs réunions, la question des relations entre les collectivités territoriales et l'État. En Corée comme au Japon, l'organisation territoriale est beaucoup plus simple qu'en France puisqu'elle repose sur deux niveaux de collectivités, avec des municipalités beaucoup plus vastes que chez nous et un échelon intermédiaire - province en Corée, « préfecture » au Japon. À chaque niveau, le chef de l'exécutif et l'assemblée délibérante sont élus au suffrage universel. Nous avons ainsi rencontré Mme Yuriko Koike, élue trois fois gouverneure de Tokyo, qui a 14 millions d'administrés et un budget égal à celui de la Suède.

Les collectivités disposent de compétences étendues. Au Japon, elles organisent l'éducation et rémunèrent les enseignants, l'État fixant toutefois un plancher de salaire. Elles font aujourd'hui face à l'enjeu du vieillissement de la population, en particulier dans les zones rurales nipponnes : la diminution de la population active affecte les recettes fiscales, alors que les dépenses sociales s'accroissent rapidement.

Il n'y a pas, comme en France, une administration déconcentrée généraliste placée sous l'autorité d'un préfet représentant l'État. L'État dispose toutefois de forts moyens d'action, par la loi ou par l'édiction de directives, et il peut remodeler la carte des collectivités territoriales lorsque la population augmente ou diminue. Il y a une vingtaine d'années, l'État a fait pression pour limiter le poids des fonctionnaires, mais le tremblement de terre de 2011 a montré l'importance de disposer d'un réseau efficace d'agents territoriaux.

L'autonomie réelle demeure très limitée, car les ressources financières des collectivités dépendent étroitement de l'État. Les recettes fiscales locales ne constituent qu'un tiers des ressources des collectivités dans chacun des deux pays, la majeure part provenant de transferts de ressources fiscales nationales ou de dotations de l'État liées à la réalisation de projets particuliers. Au Japon, par exemple, un montant de 20 000 milliards de yens environ de ressources fiscales, soit 125 milliards d'euros, est transféré aux collectivités qui ont le moins de recettes fiscales directes, afin de leur permettre d'assurer un certain niveau de service administratif. Les barèmes de ces transferts font l'objet d'un débat chaque année, entre le Gouvernement et les représentants des collectivités locales à l'automne, puis au Parlement au mois de mars, car l'année fiscale commence en avril.

Nous avons eu quelques échanges sur le système très particulier en vertu duquel les citoyens japonais peuvent choisir dans quelle municipalité ils payent leurs impôts locaux. L'objet de cette mesure est de permettre à un habitant venu vivre en ville de faire bénéficier de meilleures ressources son village d'origine, qui a souvent plus de besoins que les métropoles. Ce système a une dimension citoyenne, puisqu'il permet de donner une valeur positive au paiement de l'impôt, mais il présente aussi des biais, car les communes accordent des cadeaux en nature aux contribuables qui les choisissent : une concurrence s'établit ainsi entre les municipalités, favorisant celles qui ont les meilleurs produits locaux à proposer...

Ce qui nous a toutefois le plus frappés dans le système de financement des collectivités territoriales, c'est que les représentants des gouverneurs du Japon - l'équivalent de l'Assemblée des départements de France (ADF) ou de l'association Régions de France - nous ont indiqué qu'ils étaient dans l'ensemble satisfaits des relations financières entre l'État et les collectivités. Le dialogue avec l'administration centrale paraît harmonieux et le système est donc bien accepté dans l'ensemble, malgré l'absence de péréquation horizontale entre les collectivités riches et celles qui ont un potentiel fiscal moindre, les déséquilibres étant partiellement compensés par l'attribution des ressources provenant de l'État.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Abordons à présent la question des relations entre la France et ces pays. La France est souvent perçue comme un pays d'art, de culture et de gastronomie. La réussite des jeux Olympiques a été très largement saluée par nos interlocuteurs, en particulier au Japon où avaient été organisés les précédents jeux Olympiques, dans des conditions plus difficiles qu'en France puisque la crise sanitaire avait empêché le public de venir dans les stades.

Nous manquons toutefois de grands projets communs avec ces deux pays : le dernier grand chantier français en Corée remonte aux années 1990 avec le TGV. L'un de nos interlocuteurs faisait pourtant valoir qu'il y a aussi des technologies françaises à l'intérieur d'un téléphone Samsung. Le vice-ministre de l'économie et des finances soulignait pour sa part les coopérations dans le domaine de la défense qui existent entre nos deux pays.

La communauté française en Corée est modeste - de l'ordre de 3 000 personnes - mais elle s'accroît, et sa moyenne d'âge est de 29 ans seulement.

La structure économique de ces deux pays est toutefois très différente de la nôtre.

L'économie coréenne est structurée autour des chaebols, des conglomérats dans lesquels des liens capitalistiques complexes permettent à la famille fondatrice de maintenir son contrôle : ce système contribue fortement aux exportations et assure l'avenir par de très gros investissements, mais il défavorise les petites entreprises qui emploient beaucoup plus de personnes et qui rencontrent plus de difficultés.

Il faut aussi souligner l'importance des dépenses consacrées à la recherche et développement, en particulier aux technologies de rupture, avec un fonds de 10 milliards d'euros pour l'intelligence artificielle.

L'économie japonaise est elle aussi dotée de très grands groupes, dans lesquels les liens sont moins formalisés qu'au sein des chaebols coréens, mais qui contribuent tout autant à la stabilité du système économique : chaque entreprise a, par exemple, un lien privilégié avec une banque de référence qui viendra à son secours en cas de difficulté.

La Corée nous montre qu'un pays riche - membre de l'OCDE depuis 1996 - peut conserver une forte base industrielle, 32 % du PIB relevant de l'industrie en général, dont 24 % pour l'industrie manufacturière, contre 10 % environ en France. Le pays a su se spécialiser dans les activités à forte valeur ajoutée en mettant l'accent sur la recherche et développement. La Corée a donc profité de la mondialisation, mais c'est aussi une faiblesse potentielle en cas de troubles internationaux.

En conclusion, les deux pays sont à la fois très proches dans leur esprit favorable aux entreprises et aux affaires, et assez lointains par certains aspects : les Coréens vont très vite et investissent rapidement dans toutes les nouveautés, alors que le Japon travaille davantage sur le long terme, en s'appuyant sur une économie qui est depuis longtemps l'une des toutes premières du monde.

Le changement démographique y constitue une préoccupation permanente et existentielle, à laquelle aucun de ces pays - pas plus que nous d'ailleurs - n'a de réponse claire. Je note toutefois que le ratio des recettes fiscales au PIB est de seulement 32 % en Corée et 35 % au Japon, avec une TVA à 10 % : autant dire que les gouvernements de ces pays disposeront en cas de besoin d'une certaine marge de manoeuvre pour financer des politiques publiques ambitieuses.

Enfin, si les débats politiques peuvent être vifs, il convient de relever l'importance des solidarités au sein des communautés locales, mais aussi des entreprises : ces liens assurent une cohésion de la structure sociale, mais aussi économique, qui aidera ces deux pays à affronter les enjeux à venir.

M. Arnaud Bazin. - Comment expliquer qu'il n'y ait pas d'inflation au Japon, alors même que la banque centrale fait fonctionner la planche à billets ? Quelles sont les hypothèses qui permettraient d'expliquer ce mystère ?

M. Claude Raynal, président. - Il n'y a pas d'effet d'éviction dans la mesure où les grands groupes financent leur développement sur les marchés internationaux. L'usage de la planche à billets est donc purement domestique.

Les conséquences en sont toutefois la baisse du yen et la hausse des taux d'intérêt, qui mettent en difficulté l'économie locale. L'économie japonaise arrive au bout de ce système.

M. Thierry Cozic. - Je vous remercie de la qualité de ce compte rendu, ainsi que de la préparation de ce déplacement au cours duquel nous avons eu des échanges de haut niveau.

Proposition de loi organique portant réforme du financement de l'audiovisuel public - Désignation d'un rapporteur

La commission désigne M. Jean-Raymond Hugonet rapporteur sur la proposition de loi organique n° 720 (2023-2024) portant réforme du financement de l'audiovisuel public, présentée par M. Cédric Vial, Mme Catherine Morin-Desailly, MM. Roger Karoutchi, Laurent Lafon et plusieurs de leurs collègues.

Projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour l'année 2025 - Demande de saisine pour avis et désignation d'un rapporteur

M. Claude Raynal, président. - La commission demande, comme chaque année, à être saisie pour avis du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025, et désigne M. Vincent Delahaye comme rapporteur pour avis.

J'en profite pour vous rappeler que M. Vincent Delahaye est également rapporteur pour avis au nom de notre commission sur le projet de loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale de l'année 2023, qui a été redéposé par le Gouvernement à la suite de la dissolution de l'Assemblée nationale et que nous examinerons la semaine prochaine en commission.

La commission demande à être saisie pour avis sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025, sous réserve de sa transmission, et désigne M. Vincent Delahaye rapporteur pour avis.

La réunion est close à 12 h 20.

Vendredi 11 octobre 2024

- Présidence de M. Claude Raynal, président -

La réunion est ouverte à 9 h 30.

Projet de loi de finances pour 2025 et projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 - Audition de M. Pierre Moscovici, président du Haut Conseil des finances publiques (sera publié ultérieurement)

Le compte rendu de cette réunion sera publié ultérieurement.

Cette audition a fait d'une captation vidéo qui est disponible sur le site du Sénat.

La réunion est close à 11 h 15.

La réunion est ouverte à 11 h 30.

Projet de loi de finances pour 2025 - Audition de MM. Antoine Armand, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, et Laurent Saint-Martin, ministre auprès du Premier ministre, chargé du budget et des comptes publics (sera publié ultérieurement)

Le compte rendu de cette réunion sera publié ultérieurement.

Cette audition a fait d'une captation vidéo qui est disponible sur le site du Sénat.

La réunion est close à 13 h 35.