Mardi 28 mai 2024

- Présidence de M. Philippe Mouiller, président -

La réunion est ouverte à 14 h 00.

Proposition de loi visant à encadrer les pratiques médicales mises en oeuvre dans la prise en charge des mineurs en questionnement de genre - Examen des amendements au texte de la commission

M. Philippe Mouiller, président. - Nous examinons les amendements au texte de la commission sur la proposition de loi visant à encadrer les pratiques médicales mises en oeuvre dans la prise en charge des mineurs en questionnement de genre, qui sera examiné en séance en fin d'après-midi et ce soir.

EXAMEN DE LA MOTION

Question préalable

M. Philippe Mouiller, président. - Nous examinons la motion n°  1 tendant à opposer la question préalable qui a été déposée par les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires.

M. Alain Milon, rapporteur. - Avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à la motion n° 1 tendant à opposer la question préalable à la proposition de loi.

EXAMEN DES AMENDEMENTS DU RAPPORTEUR

Article 1er

M. Alain Milon, rapporteur. - Les amendements n°  41 et 40 sont des amendements rédactionnels.

Les amendements n° 41 et 40 sont adoptés.

TABLEAU DES SORTS

Auteur

Objet

Avis de la commission

M. MILON, rapporteur

40

Amendement rédactionnel

Adopté

M. MILON, rapporteur

41

Amendement rédactionnel

Adopté

EXAMEN DES AMENDEMENTS AU TEXTE DE LA COMMISSION

Article 1er

M. Alain Milon, rapporteur. - Les amendements identiques nos  4, 8 et 32 visent à supprimer l'article 1er. Avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable aux amendements identiques nos 4, 8 et 32.

M. Alain Milon, rapporteur. - L'amendement n°  9 vise à supprimer l'interdiction de prescrire des traitements hormonaux ou de réaliser des chirurgies de réassignation et à encadrer ces pratiques. Cela va à l'encontre des dispositions adoptées la semaine dernière par la commission. Avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 9, de même qu'à l'amendement n°  17.

M. Alain Milon, rapporteur. - L'amendement n°  15 vise à supprimer l'interdiction de prescrire des traitements hormonaux avant l'âge de 18 ans et à supprimer le délai minimal de réflexion de deux ans pour les bloqueurs de puberté. Or ce délai a été fixé à la suite des auditions que nous avons menées avec les équipes spécialisées, qui nous ont dit avoir besoin de temps pour avoir une certitude de diagnostic. Avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 15.

M. Alain Milon, rapporteur. - L'amendement n° 10 vise la suppression du délai de deux ans. Avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement no 10.

M. Alain Milon, rapporteur. - L'amendement n°  2 rectifié a pour objet de rendre obligatoire la présence d'un psychologue et des professionnels de santé impliqués dans la prise en charge du patient en réunion de concertation pluridisciplinaire (RCP) et à exclure, en revanche, la présence d'un assistant social. L'encadrement proposé par notre commission prévoit la présence d'un pédopsychiatre, d'un endocrino-pédiatre et d'un pédiatre sans exclure d'autres professionnels de santé. Je suis hostile à la suppression de la présence d'un assistant social, car celui-ci est susceptible d'orienter les personnes concernées. Avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 2 rectifié.

M. Alain Milon, rapporteur. - L'amendement n°  11 tend à autoriser la tenue des RCP en visioconférence. Avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 11.

M. Alain Milon, rapporteur. - L'amendement n°  3 rectifié vise à rendre obligatoire la participation des parents aux RCP. Je considère qu'il est bénéfique que les parents participent aux consultations. En revanche, la décision du diagnostic doit être prise par les professionnels de santé. Les parents pourront assister aux RCP s'ils le souhaitent, mais il ne me semble pas souhaitable de les y obliger. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.

La commission demande le retrait de l'amendement n° 3 et, à défaut, y sera défavorable.

Article 2

M. Alain Milon, rapporteur. - Les amendements identiques nos  5, 12, 14 et 34 visent à supprimer l'article 2. Avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable aux amendements identiques nos 5, 12, 14 et 34.

Article 3

M. Alain Milon, rapporteur. - Les amendements identiques nos  13 et 16 visent à supprimer l'article 3 portant création de la stratégie nationale pour la pédopsychiatrie. La commission a précisé l'organisation de cette stratégie nationale la semaine dernière. Avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable aux amendements identiques nos 13 et 16.

M. Alain Milon, rapporteur. - L'amendement n°  6 rectifié, de simplification rédactionnelle, a pour objet de mieux appréhender dans leur globalité les différents aspects de la santé mentale des enfants et des adolescents. Avis favorable.

La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 6 rectifié.

M. Alain Milon, rapporteur. - L'amendement n°  7 rectifié prévoit de supprimer la mention explicite de l'objectif de soins pédopsychiatriques de proximité. Je comprends le souci de clarification des auteurs, mais il me semble nécessaire de préciser que le réseau de structures territoriales doit, dans sa mise en oeuvre, permettre à chacun de pouvoir recevoir des soins à proximité. Cela n'empêche évidemment pas une prise en charge dans d'autres structures, plus éloignées, par la suite, en cas de nécessité. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.

La commission demande le retrait de l'amendement n° 7 rectifié et, à défaut, y sera défavorable.

La réunion est close à 14 h 15.

TABLEAU DES AVIS

Auteur

Objet

Avis de la commission

Motion

Mme Mélanie VOGEL

1

Motion de rejet préalable

Défavorable

Article 1er

Mme SILVANI

4

Suppression de l'article

Défavorable

Mme GUILLOTIN

8

Suppression de l'article

Défavorable

Mme SOUYRIS

32

Suppression de l'article

Défavorable

Mme GUILLOTIN

9

Suppression de l'interdiction de prescrire des traitements hormonaux ou de réaliser des chirurgies de réassignation et encadrement de ces pratiques

Défavorable

Mme SOUYRIS

17

Suppression de l'interdiction de prescrire des traitements hormonaux ou de réaliser des chirurgies de réassignation

Défavorable

Mme ROSSIGNOL

15

Suppression de l'interdiction de prescrire des traitements hormonaux, du délai minimal de deux ans et des dispositions fixant la composition des RCP

Défavorable

Mme GUILLOTIN

10

Suppression du délai minimal de deux ans

Défavorable

Mme MULLER-BRONN

2 rect.

Présence obligatoire des parents en réunion de concertation pluridisciplinaire

Défavorable

Mme GUILLOTIN

11

Possibilité d'organiser les RCP en visioconférence

Défavorable

Mme MULLER-BRONN

3 rect.

Participation obligatoire des parents aux RCP

Demande de retrait

Article 2

Mme SILVANI

5

Suppression de l'article

Défavorable

Mme GUILLOTIN

12

Suppression de l'article

Défavorable

Mme ROSSIGNOL

14

Suppression de l'article

Défavorable

Mme SOUYRIS

34

Suppression de l'article

Défavorable

Article 3

Mme GUILLOTIN

13

Suppression d'article

Défavorable

Mme ROSSIGNOL

16

Suppression d'article

Défavorable

Mme DEVÉSA

6 rect.

Clarification juridique des objectifs assignés à la stratégie nationale pour la pédopsychiatrie

Favorable

Mme DEVÉSA

7 rect.

Suppression de la précision concernant l'objectif de soins au sein de « son lieu de vie ou de son lieu de soins »

Demande de retrait

Mercredi 29 mai 2024

- Présidence de M. Philippe Mouiller, président -

La réunion est ouverte à 9 h 30.

Proposition de loi ouvrant la possibilité de concilier une activité professionnelle avec la fonction d'assistant familial - Examen des amendements au texte de la commission

M. Philippe Mouiller, président. - Mes chers collègues, nous débutons nos travaux par l'examen des amendements au texte de la commission sur la proposition de loi ouvrant la possibilité de concilier une activité professionnelle avec la fonction d'assistant familial. Ce texte sera examiné en séance en fin d'après-midi au sein de la niche du groupe RDPI.

EXAMEN DES AMENDEMENTS AU TEXTE DE LA COMMISSION

Article 1er

Mme Solanges Nadille, rapporteure. - L'amendement no  2 vise à réserver la possibilité d'exercer la profession d'assistant familial aux seuls agents publics à temps partiel et à limiter les cumuls d'emplois aux seuls cas où le métier d'assistant familial serait exercé en relais d'un autre assistant familial pour une courte période.

Nous avons préféré en commission renvoyer à un décret les modalités d'encadrement du cumul d'emplois. Une définition dans la loi serait trop rigide et risquerait d'amoindrir la portée utile de ce texte. En outre, viser les personnes à temps partiel ne dit pas davantage de leur disponibilité effective.

C'est pourquoi je vous propose un avis défavorable.

Mme Raymonde Poncet Monge. - J'entends vos arguments, mais cela signifie qu'une personne à temps plein est salariée pour un deuxième travail. Quand on connaît les méthodes du Gouvernement qui consistent à embaucher en une demi-heure des enseignants, je ne lui donne pas mon blanc-seing. Ajouter un équivalent temps plein (ETP) à ces assistants familiaux dont le seul critère est la disponibilité, c'est deux fois non.

La seule façon de rendre vertueux ce texte uniquement quantitatif, c'est prévoir des dispositions de nature à résoudre le problème de la pénurie d'assistants familiaux, due au manque d'attractivité de cette profession. Or ce manque d'attractivité est lié au fait qu'ils n'ont pas de répit. Coupler cette proposition purement quantitative au fait d'offrir une solution certes un peu bâtarde au problème de la pénurie, en permettant aux temps partiels de travailler lors des temps de répit, en cas de maladie, de congés, de week-end, en relais d'un autre assistant familial référent, donnerait enfin du sens à cette proposition de loi.

M. Xavier Iacovelli. - Si l'on veut mettre en application les dispositions que nous avons votées en février 2022 sur le droit au répit des assistants familiaux, encore faut-il en recruter. Nous sommes d'accord sur la question de l'attractivité de ces métiers. Nous devons travailler sur le statut, sur la rémunération, sur l'harmonisation des conditions d'un département à un autre, sur l'implication des assistants familiaux dans le projet pour l'enfant. Je suis prêt à en discuter avec tous les acteurs, mais tel n'est pas le sujet de cette proposition de loi, qui vise avant tout à lever un des freins au cumul d'emploi, lequel est possible dans le privé, mais pas dans le public. Ce texte ne réglera pas la question de l'attractivité, mais permettra de lever ce frein. Peut-être que les personnes qui voudront cumuler seront uniquement des familles relais. Or pour cela, il faut être assistant familial, et donc être agréé, et avoir l'autorisation de cumul d'emploi : c'est le serpent qui se mord la queue. À l'image des enseignants, qui ont le choix entre une affectation dans un établissement et faire partie d'un pool de remplacement, les personnes qui pourront cumuler un emploi pourront, soit appartenir à un pool de familles relais pour permettre le répit des assistants familiaux, soit prendre en charge un seul enfant si elles peuvent l'accueillir.

Mme Marion Canalès. - On constate une évolution importante entre le texte initial et celui de la commission.

Le premier parlait de fonctionnaires à temps non complet. Le temps partiel est choisi pour diverses raisons : on a la volonté de s'occuper de ses enfants, d'avoir d'autres activités, ou, pourquoi pas, de devenir assistant familial. Le temps non complet est un coup de canif dans le contrat de la fonction publique.

Par ailleurs, nous sommes tous d'accord pour reconnaître qu'il y a une pénurie d'assistants familiaux. En revanche, on ne peut toucher au statut de la fonction publique, qui date de 1946, qu'avec parcimonie et prudence. Or je n'ai pas le sentiment que l'on ait suffisamment d'informations sur la manière dont cela fonctionne dans le privé. Combien de personnes sont-elles concernées ? Si cela ne fonctionne pas dans le privé, pourquoi cela fonctionnerait-il mieux dans la fonction publique ? On retombe dans le schéma d'une appétence particulière de fonctionnaires pour des temps non complets, subis.

Mme Cathy Apourceau-Poly. - Ce texte pose beaucoup d'interrogations. Je partage les propos de mes collègues.

Le Gouvernement ne fait jamais de bilan des opérations qui sont mises en place. J'aimerais qu'on puisse avoir d'ici à deux ou trois ans un bilan de l'efficacité de cette mesure.

Mme Solanges Nadille, rapporteure. - Madame Poncet Monge, lors de mes auditions, j'ai retenu deux éléments essentiels.

Les associations d'assistants familiaux se plaignent d'un déficit de communication pour ce métier.

Par ailleurs, au moment où l'on parle de la valeur travail, les enfants confiés à l'ASE peuvent comprendre ou souhaiter que, comme les autres parents, les adultes de la famille d'accueil ne restent pas en permanence au domicile. L'implication de la famille et de l'assistant familial est telle que l'enfant accueilli peut parfois presque être considéré comme un enfant légitime.

Par ailleurs, le texte initial prévoyait bien deux régimes différents, pour les temps complets ou non complets, le texte de la commission simplifie le dispositif en prévoyant un régime unique. Le renvoi à un décret permet de laisser la main au département, autorité compétente en la matière, pour adapter sa réponse à chaque situation. En effet, un enfant peut avoir plusieurs difficultés ne nécessitant pas forcément une prise en charge permanente. Face au déficit d'assistants familiaux, nous préférons solliciter les familles pour accompagner certains enfants parce que nous pensons que c'est la meilleure solution, plutôt que le placement en institution.

Certes, ce texte ne résoudra pas la totalité des problèmes rencontrés par les assistants familiaux, mais il ouvre le champ des possibles.

Si les textes se succèdent, c'est parce que le temps du grand soir de la protection de l'enfance n'est pas arrivé : mais cela ne nous empêche pas d'avancer par petits pas. Ce texte est un petit pas, mais un pas sûr.

Mme Cathy Apourceau-Poly. - Mais on veut quand même un bilan !

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 2.

Mme Solanges Nadille, rapporteure. - L'amendement no  1 prévoit de réserver la possibilité d'exercer la profession d'assistant familial aux seuls agents publics à temps partiel.

Pour les mêmes raisons qu'évoquées précédemment, je vous propose un avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 1.

Mme Solanges Nadille, rapporteure. - L'amendement no  3 entend réserver la possibilité pour les assistants familiaux de cumuler un autre emploi que dans le cas où ils réalisent leur accueil en relais d'un autre assistant familial lors de périodes courtes.

Pour les mêmes raisons qu'évoquées précédemment, je vous propose un avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 3.

Mme Solanges Nadille, rapporteure. - L'amendement no  4 tend à préciser que l'agent public pourra exercer le métier d'assistant familial à titre « complémentaire » et non « accessoire ».

Le terme « accessoire » ne vise pas à déprécier le métier d'assistant familial qui constitue bien entendu une profession à part entière et reconnue par l'existence d'un diplôme d'État. En commission, nous avons d'ailleurs veillé à ne pas créer une profession « à deux vitesses », en maintenant les mêmes garanties de formation pour tous les assistants familiaux. 

Le terme « accessoire » est toutefois celui qui est employé par le code général de la fonction publique et renvoie donc à un sens juridique précis. Afin de maintenir la lisibilité du dispositif, il est donc préférable de ne pas le remplacer. C'est pourquoi j'émets un avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 4.

TABLEAU DES AVIS

Article 1er

Auteur

Objet

Avis de la commission

Mme PONCET MONGE

2

Restriction de la possibilité d'exercer la profession d'assistant familial aux seuls agents publics à temps partiel et limitation des cumuls d'emploi aux seuls cas d'accueil en relais d'un autre assistant familial pour une courte durée

Défavorable

Mme PONCET MONGE

1

Restriction de la possibilité d'exercer la profession d'assistant familial aux seuls agents publics occupant un emploi à temps partiel

Défavorable

Mme PONCET MONGE

3

Limitation des possibilités pour un assistant familial d'exercer un autre emploi aux seuls cas d'accueil en relais d'un autre assistant familial pour une courte durée

Défavorable

Mme PONCET MONGE

4

Précision selon laquelle le métier d'assistant familial est exercé à titre "complémentaire" et non "accessoire"

Défavorable

Fiscalité comportementale dans le domaine de la santé - Examen du rapport d'information

M. Philippe Mouiller, président. - Nous allons entendre à présent la communication de la rapporteure générale Élisabeth Doineau et de Cathy Apourceau-Poly à l'issue des travaux de la mission d'information qu'elles ont conduite, au nom de la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (Mecss), sur la fiscalité comportementale dans le domaine de la santé.

Je vous rappelle que les travaux de nos collègues s'inscrivent dans le programme de contrôle de la Mecss pour la session 2023-2024, dont le bureau de la commission a pris acte à la fin de l'année dernière.

Mme Cathy Apourceau-Poly, rapporteure. - J'illustrerai mon propos à l'aide de plusieurs diapositives.

Si la fiscalité comportementale est parfois qualifiée de « fiscalité puritaine », nous n'avons évidemment pas abordé le sujet dans une optique moralisatrice. Il ne s'agit pas de dire qu'il est mal de boire de l'alcool ou de manger gras, sucré ou salé - tant que c'est avec modération. La situation est plus compliquée dans le cas du tabac, puisque la quasi-totalité des fumeurs sont des usagers quotidiens ou presque. Or c'est le fait d'être un fumeur quotidien, plus que le nombre de cigarettes fumées, qui est dangereux pour la santé.

Le sujet de notre rapport est particulièrement important. Il s'agit en effet, en utilisant la fiscalité comme point d'entrée, de nous interroger sur les politiques de lutte contre le tabagisme, la consommation nocive d'alcool et l'obésité.

Pourquoi nous interroger sur ces politiques ? Parce que ces comportements et pathologies entraînent un nombre élevé de décès prématurés, qu'ils réduisent considérablement le bien-être de nos concitoyens, qu'ils ont un coût élevé pour les finances publiques, et, enfin, parce qu'il existe un consensus technique sur ce qu'il convient de faire pour mettre en place des politiques de prévention efficaces.

Deux informations sont essentielles. D'abord, le tabac, l'alcool et l'obésité tuent globalement en France plus de 100 000 personnes par an, soit trente fois plus que les accidents de la route. Ensuite, leur coût net pour les finances publiques est globalement supérieur à 10 milliards d'euros selon les estimations usuelles. Il est plus élevé encore, si on prend en compte le fait que les personnes concernées produisent moins, ce qui a bien entendu des conséquences sur les recettes.

Nous nous sommes efforcées d'adopter autant que possible une approche évaluative, afin d'aborder sans polémique ce sujet qui déchaîne les passions.

Nous avons aussi voulu faire preuve de pragmatisme, en nous fixant pour règle de ne retenir que des mesures effectivement susceptibles d'être mises en oeuvre.

L'industrie du tabac n'est pas une industrie comme une autre, du fait bien sûr de la létalité de sa production, mais aussi de l'intensité de son lobbying. Les États membres de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) ont, pour cette raison, adopté en 2003 une convention-cadre pour la lutte antitabac, ratifiée en 2004 par la France, qui, notamment, oblige les pouvoirs publics à la transparence dans leurs relations avec l'industrie du tabac. Cette convention est explicitement citée dans le guide déontologique à destination des sénateurs. Nous nous sommes évidemment conformées à une exigence de transparence. En particulier, les représentants de l'industrie du tabac ont été auditionnés par la Mecss en plénière.

J'en viens à la première partie de notre présentation, relative au constat - lequel, vous vous en douterez, est un constat d'échec.

Dans le cas du tabac, cet échec est d'autant plus paradoxal que les moyens mis en oeuvre sont considérables. La fiscalité du tabac s'élève à 14 milliards d'euros par an. Elle représente plus de 80 % du prix d'un paquet de cigarettes. La France fait partie des six États où ce prix est le plus élevé.

Par ailleurs, la fiscalité n'est évidemment pas le seul outil de lutte contre le tabagisme. On pourrait donc s'attendre, compte tenu des moyens mis en oeuvre, à un éclatant succès de la politique menée en la matière. Or c'est tout le contraire.

Si l'on s'intéresse à la santé publique, l'indicateur pertinent n'est pas le nombre de cigarettes vendues, mais la proportion de fumeurs quotidiens. C'est en effet le fait de fumer régulièrement, plus que le nombre de cigarettes fumées, qui suscite le risque sanitaire.

Dans la plupart des pays de l'OCDE, le tabagisme a baissé de manière continue depuis les années 1960. Le fait que cette baisse soit ancienne, constante et quasi systématique suggère qu'elle a reposé sur des phénomènes sociaux plus que sur des politiques publiques. Or la France se distingue par rapport aux autres pays, comme on le voit sur le graphique, puisque le tabagisme est demeuré quasiment stable depuis cette période.

On observe une baisse du tabagisme après l'adoption de la loi Évin en 1991 et après les deux principales hausses de fiscalité, entre 2003 et 2004 puis entre 2018 et 2020. Les hausses de taxe sont donc efficaces. Toutefois, d'autres phénomènes, peut-être indépendants des politiques publiques, qui se sont produits dans la plupart des autres pays, ne se sont manifestement pas produits chez nous.

J'en viens maintenant à l'alcool.

L'alcool ne pose pas de problème tant qu'il est consommé avec modération. Par ailleurs, chacun sait que la consommation d'alcool a fortement baissé en France depuis les années 1960. À l'époque, il était normal de boire du vin quasiment à chaque repas. Ce n'est heureusement plus le cas aujourd'hui.

Toutefois, l'alcool demeure un problème majeur de santé publique.

Le graphique de gauche montre comment la consommation d'alcool pur par habitant a évolué depuis les années 1960 dans les États de l'OCDE. Nous avons clairement un problème : malgré sa forte baisse, la consommation d'alcool reste aujourd'hui en France supérieure à ce qu'elle était dans la plupart des pays de l'OCDE dans les années 1960. Aujourd'hui, dans l'OCDE, seuls trois États affichent une consommation d'alcool par habitant supérieure à celle de la France : la République tchèque, l'Autriche et la Lettonie.

Le graphique de droite montre que, en France, 10 % de la population sont à l'origine de près de 60 % de l'alcool consommé. Le modèle économique de la filière complique donc la lutte contre la consommation nocive d'alcool.

Si nous en sommes là, c'est parce que la politique de lutte contre la consommation nocive d'alcool a été singulièrement timide, beaucoup plus que celle contre le tabagisme.

Cette timidité a amené la Cour des comptes, dans une note de 2021 sur les enjeux structurels en matière de santé, à estimer que, contrairement à la lutte contre le tabagisme, les pouvoirs publics « n'ont pas engagé d'effort notable afin de réduire la consommation d'alcool ».

La loi Évin de 1991, qui interdit totalement la publicité pour le tabac, l'autorise sur la quasi-totalité des supports pour l'alcool, à l'exception de la télévision et du cinéma. Les contraintes portent en fait sur le contenu : on n'a pas le droit de parler d'autre chose que d'éléments factuels. Il n'est pas autorisé, par exemple, de chercher à associer une boisson alcoolisée à la convivialité. Les publicités doivent mentionner le fameux slogan « l'abus d'alcool est dangereux pour la santé ». Depuis 2009, la publicité est autorisée sur internet, ce qui, rétrospectivement, n'apparaît pas une bonne chose, tant les infractions sont nombreuses.

Par ailleurs, l'alcool est relativement peu taxé. Les recettes fiscales sont de seulement 4 milliards d'euros par an, contre 14 milliards d'euros pour le tabac. Surtout, le vin n'est quasiment pas taxé, ce qui prive de fait la fiscalité de l'alcool de tout effet sur la santé.

Enfin, après le tabac et l'alcool, nous avons examiné la fiscalité comportementale dans le champ nutritionnel. Il s'agit d'un sujet relativement récent, dans lequel les politiques sont tout juste initiées.

En 2012, le législateur a franchi un premier pas en instaurant la « taxe soda », qui se compose en fait de deux taxes : l'une sur les boissons à sucres ajoutés, l'autre sur les boissons édulcorées. La France a été l'un des premiers pays à décider de la mise en oeuvre de cette fiscalité, et une cinquantaine d'État dans le monde y ont recours aujourd'hui.

Ces politiques rencontrent donc un succès certain, alors qu'à l'inverse, les taxes sur les produits alimentaires solides se développent peu. Il n'existe pas en France de taxe à visée comportementale sur les aliments autres que les boissons.

La loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2018 a cherché à donner une dimension véritablement comportementale à la taxe sur les boissons sucrées, parce qu'elle ne produisait pas d'effet incitatif - ou plutôt désincitatif - dans son format précédent. Son barème linéaire a donc été modifié pour le rendre progressif. En revanche, cette réforme n'a pas concerné la taxe sur les boissons édulcorées, qui a conservé un barème linéaire et qui produit peu d'effet.

Ces deux taxes ont permis de récolter 486 millions d'euros de recettes en 2023, un montant en augmentation depuis 2018.

Pourtant, malgré la réforme de 2018, le bilan de la « taxe soda » est mitigé : l'augmentation des prix des boissons sucrées a été très faible - inférieure à 2 % par rapport au prix des boissons édulcorées -, et la moindre consommation de sucres est évaluée à moins d'un gramme par mois par habitant.

Enfin, sauf dans certains cas, les producteurs n'ont pas vraiment diminué le taux de sucre de leurs produits - ce que l'on appelle l'effet de reformulation - pour réduire le poids de la taxe qu'ils doivent payer.

Ce bilan décevant s'explique par le format de la taxe, trop complexe - elle présente quinze paliers ! - et trop progressif, qui ne produit pas d'effet de seuil significatif pour inciter les consommateurs ou les industriels à modifier leur comportement. D'autres modèles existent, nous le verrons par la suite.

D'ailleurs, tant que les recettes fiscales continuent d'augmenter, on peut considérer que la taxe ne décourage pas suffisamment la consommation des boissons sucrées.

Enfin, d'autres mesures sont mobilisées pour essayer de structurer une politique nutritionnelle, avec plus ou moins de succès. Les chartes d'engagements volontaires qui permettent à l'État de contractualiser avec des filières de production pour améliorer la composition nutritionnelle des produits, sur la base du volontariat, ont eu un effet très limité. De même, la loi du 20 décembre 2016 relative à la suppression de la publicité commerciale dans les programmes jeunesse de la télévision publique, dite loi Gattolin, est aujourd'hui dépassée et très largement insuffisante.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure. - Je prends le relais pour vous présenter la seconde partie de notre exposé, relative aux propositions. Celles-ci se décomposent en quatre parties : des propositions transversales, puis des recommandations relatives au tabac, à l'alcool, et enfin à la nutrition.

Il nous apparaît d'abord important que les recettes fiscales générées par les accises comportementales puissent être davantage orientées vers le financement de campagnes d'information et de sensibilisation - toutes les personnes auditionnées sont allées dans ce sens - , ou vers des dispositifs de soutien à l'achat de produits alimentaires favorables à la santé. Cette affectation est de nature à renforcer l'acceptabilité des taxes et crée un lien direct entre l'objet de la taxe et l'utilisation de ces recettes.

Ensuite, nous avons voulu souligner que la prévention doit être globale, alors qu'elle n'est aujourd'hui concentrée que sur le tabac. Une véritable politique de prévention de la consommation excessive d'alcool et de la mauvaise alimentation est nécessaire. Il faut pour cela cibler les publics, en priorité les jeunes et les adolescents, et travailler en partenariat avec les institutions scolaires et les collectivités locales, qui agissent au plus près des populations pour proposer des outils pragmatiques.

Enfin, nous devons nous donner les moyens de faire respecter la réglementation en vigueur concernant les interdictions de vente de tabac et d'alcool aux mineurs. C'est loin d'être le cas aujourd'hui - neuf débits de boissons sur dix ne respectent pas la loi. C'est un constat d'échec. Nous proposons d'alourdir les sanctions, qui n'ont pas d'effet dissuasif, et de renforcer les contrôles par une vérification des données d'identité pour s'assurer de l'âge lors de l'achat en magasin et en donnant compétence aux agents de la répression des fraudes.

J'en viens maintenant aux propositions concernant la lutte contre le tabagisme. Compte tenu des enjeux et de l'activité intense de communication et de lobbying de l'industrie du tabac, je suis obligée de m'attarder un peu sur le sujet.

D'abord, ce graphique montre le principal motif d'optimisme. Alors qu'il y a dix ans, le tabagisme quotidien au lycée était de 30 %, soit équivalent à celui du reste de la population, il s'élevait à 6 % en 2022. Si l'industrie du tabac ne trouve pas le moyen de contrecarrer cette évolution, le remplacement générationnel devrait permettre à la France de connaître enfin, au cours des prochaines décennies, la baisse du tabagisme qui a eu lieu dans les autres pays.

Toutefois, cela ne veut pas dire qu'il ne faut rien faire. La principale proposition que nous faisons est de reprendre l'augmentation de la fiscalité du tabac. Cela peut a priori sembler paradoxal, si on considère que la France est à la fois l'un des pays où la fiscalité du tabac est la plus élevée et où le tabagisme est le plus élevé.

Toutefois, on a vu que l'étonnante stabilité du tabagisme en France, qui la distingue des autres pays, remonte aux années 1960, soit bien avant les hausses de fiscalité de ces vingt dernières années.

Par ailleurs, les principales hausses de fiscalité, celles de 2003-2004 et de 2018-2020, ont correspondu à deux des trois principales baisses du tabagisme, la dernière étant consécutive à la loi Évin de 1991. Il y a donc bien une efficacité des hausses de taxe.

Le graphique permet d'objectiver ce phénomène. Les années où le prix des cigarettes augmente de moins de 4 %, le tabagisme augmente généralement. En revanche, quand le prix des cigarettes augmente de plus de 4 %, le tabagisme diminue presque toujours.

La direction générale de la santé (DGS) nous a donc indiqué préconiser une hausse continue du prix des produits du tabac - une véritable augmentation, pas une simple indexation sur l'inflation, comme c'est actuellement le cas.

La fiscalité est d'ailleurs indiquée par l'OMS comme la mesure antitabac la plus efficace.

La reprise de l'augmentation du prix des produits du tabac permettrait en outre de conforter l'éloignement des jeunes du tabagisme, qui est le sujet le plus stratégique.

La hausse de la fiscalité du tabac suscite, comme chacun sait, l'opposition de l'industrie du tabac et des buralistes. Il apparaît pourtant que les hausses de fiscalité ne sont pas la principale cause de la baisse du nombre de buralistes. En moyenne, quand le prix augmente, la baisse des ventes est proportionnellement moindre, de sorte que les bénéfices des buralistes augmentent. Le tabac n'en joue pas moins un rôle de produit d'appel.

Le principal argument avancé par l'industrie du tabac pour s'opposer à une hausse de la fiscalité est que, selon elle, l'augmentation des prix en France susciterait une explosion du marché parallèle, notamment illégal. L'industrie du tabac communique abondamment à ce sujet, dans la presse et à l'attention des élus.

Toutefois, ses estimations du marché parallèle sont explicitement contestées par la direction générale des finances publiques (DGFiP), la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI) et l'Observatoire français des drogues et des tendances addictives (OFDT), dont les évaluations sont beaucoup plus faibles. Il faut avoir la modestie de reconnaître qu'on ignore l'ampleur exacte du marché parallèle. Le programme national de lutte contre le tabac 2023-2025 de la DGDDI prévoit d'ailleurs la réalisation d'une enquête plus approfondie sur celui-ci.

Par ailleurs, l'augmentation du marché parallèle indiquée par l'industrie du tabac est beaucoup moins spectaculaire si on l'exprime en nombre de cigarettes, et non en pourcentage du nombre total de cigarettes, la hausse étant alors concentrée sur 2021 et 2022. Et en supposant que cette hausse corresponde à une réalité, il resterait à prouver qu'elle vient bien de la hausse de prix de 2018-2020.

La cigarette électronique ne nous semble pouvoir jouer qu'un rôle assez faible dans la diminution du tabagisme. Nous vous proposons donc de laisser les autorités sanitaires faire leur travail d'évaluation et de ne pas faire de propositions à ce sujet.

Le tabac à chauffer est beaucoup plus dangereux que la cigarette électronique. Il nous semble donc nécessaire de résister au lobbying de l'industrie du tabac, qui demande d'abaisser sa fiscalité. Dans la LFSS pour 2023, nous avions voté des dispositions permettant de rapprocher la fiscalité du tabac à chauffer de celle du tabac classique.

La proposition n° 4 consiste à augmenter le prix des produits du tabac d'au moins 3,25 % par an hors inflation jusqu'en 2040 (soit 5 % avec une inflation de 1,75 %). C'est en effet le taux à partir duquel la prévalence du tabagisme baisse en France.

Il nous semble qu'on pourrait augmenter le prix des produits du tabac non seulement par la fiscalité, mais aussi par une augmentation de la part du prix de vente revenant aux buralistes, fixée réglementairement.

La proposition n° 5 est le corollaire de la précédente. Pour qu'une hausse de la fiscalité soit socialement acceptable, il faut renforcer la lutte contre le marché parallèle.

La proposition n° 6 ne concerne pas le tabac, mais les produits contenant de la nicotine. Actuellement, si on excepte la cigarette électronique, ces produits peuvent être vendus aux mineurs. Cela concerne notamment les billes de nicotine. Nous préconisons d'interdire cette vente aux mineurs, conformément à une récente proposition de loi de notre collègue Alexandra Borchio-Fontimp. Comme elle, nous proposons que ces produits ne puissent être vendus que dans des bureaux de tabac ou des magasins spécialisés.

La proposition n° 7 pourrait sembler inutile, puisqu'elle préconise de maintenir le droit inchangé. En réalité, les industriels du tabac font un lobbying intense pour alléger la fiscalité sur le tabac à chauffer. Il nous semble donc utile de réaffirmer notre opposition à cette revendication.

J'en viens maintenant à nos propositions relatives à l'alcool.

Selon l'OFDT, quasiment aucun État européen producteur de vin ne taxe ce produit. Les seules exceptions sont la France et la Grèce, qui ne le taxent presque pas.

Lors du Printemps social de l'évaluation de 2023, la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale a adopté un rapport comprenant divers chapitres thématiques, dont l'un, rédigé par Cyrille Isaac-Sibille et Thierry Frappé, était consacré à la fiscalité comportementale applicable aux boissons. Ce rapport va assez loin dans ses propositions, préconisant notamment d'augmenter la fiscalité du vin.

Nous devons cependant être réalistes. Nous connaissons la teneur des débats concernant l'alcool. La France n'augmentera pas significativement la fiscalité du vin.

Une solution plus pragmatique serait d'instaurer un prix minimum de vente par unité d'alcool, comme c'est notamment le cas en Écosse depuis plusieurs années.

Par exemple, si on fixait un prix minimum à 60 centimes pour 10 grammes d'alcool, une bouteille de vin de 75 centilitres ne pourrait pas être vendue à moins de quatre ou cinq euros. Or certaines bouteilles sont vendues à deux euros.

La proposition n° 8 consiste à préconiser la poursuite des réflexions sur l'instauration d'un prix minimum par unité d'alcool. Actuellement la filière s'y oppose, craignant que la marge générée revienne aux vendeurs et aux grandes surfaces. Nous souhaiterions qu'elle bénéficie uniquement au producteur.

Le rapport de 2023 de la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale préconisait non seulement d'augmenter la fiscalité du vin, mais aussi d'instaurer un prix minimum par unité d'alcool.

Je précise que le prix minimum par unité d'alcool ne relève pas des projets de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS).

La proposition n° 9 consiste à mieux encadrer la publicité de l'alcool. Actuellement, les sanctions sont soit insignifiantes, soit inapplicables. Dans le cas d'internet, où la publicité est autorisée depuis 2009, les règles sont peu respectées, en particulier par les influenceurs. Nous vous proposons donc de retenir des peines plus dissuasives et adaptées et d'interdire la publicité pour l'alcool sur internet.

La proposition n° 10 consiste à élaborer et à rendre public un programme national de réduction des consommations nocives d'alcool, sur le modèle des programmes nationaux de lutte contre le tabac. C'est une recommandation qu'avait formulée la Cour des comptes en 2016. Un tel programme national permettrait de fixer des objectifs clairs et favoriserait la cohérence des actions menées.

Pour terminer, nous avons également formulé des propositions dans le champ nutritionnel, pour créer les conditions d'un environnement favorable à la santé.

Concernant le format de la « taxe soda », il nous semble nécessaire de le réformer à nouveau pour lui donner une portée réellement comportementale et renforcer son efficacité. C'est l'objet de la proposition n° 11.

Le cas du Royaume-Uni est tout à fait éclairant : ce pays a mis en place une taxe sur les sodas en 2018, qui pèse sur la quantité totale de sucres dans les boissons, et non sur les seuls sucres ajoutés comme en France. Il n'y a que deux tranches fiscales, contre quinze en France !

L'effet incitatif est d'autant plus fort que les paliers entre les niveaux de taxe sont élevés. Au final, l'effet de la taxe britannique a été dix fois supérieur à celui de la taxe française si l'on compare la moindre quantité de sucres consommés.

Par ailleurs, il est ressorti de nos travaux qu'une taxe bien expliquée aux contribuables et comprise des consommateurs est relativement bien acceptée. C'est pourquoi nous recommandons d'accompagner cette réforme d'une communication claire, en insistant sur le fait que les recettes de ces taxes pourront être affectées au financement d'actions de prévention en santé (proposition n° 12).

Pour aller plus loin, il ne faut pas se limiter à l'outil fiscal. La définition d'une politique nutritionnelle nécessite en effet d'autres mesures.

Tout d'abord, le choix de recourir à des outils non contraignants pour faire évoluer la composition des produits alimentaires des produits - c'est-à-dire réduire les taux de sucre, de sel, de gras - n'a pas fait ses preuves. La Cour des comptes a fait le même constat dans un précédent rapport sur la lutte contre l'obésité.

Sur le modèle d'autres pays, comme l'Autriche ou le Danemark, des standards de composition nutritionnelle pourraient être fixés pour certains catégories d'aliments. C'est le sens de notre proposition n° 13. Cette mission serait confiée à l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses). Je rappelle que le Haut Conseil de la santé publique (HCSP) avait recommandé d'agir en ce sens dès 2017.

En parallèle, le soutien à la consommation de fruits et de légumes, avec un dispositif de chèque alimentaire, pourrait être prévu. C'est ce qui avait été proposé par la Convention citoyenne pour le climat en 2020. Le Gouvernement avait souscrit à cette idée avant d'y renoncer. Il a seulement été inscrit dans la loi d'août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience que le Gouvernement remettrait au Parlement une étude d'impact dans les six mois sur les conditions de mise en oeuvre d'un chèque alimentaire - nous l'attendons toujours.

Parce que cette mesure nous semble importante, nous voulons, avec la proposition n° 14, rappeler le Gouvernement à ses engagements et disposer de cette étude d'impact pour que le Parlement puisse en débattre et décider de la possibilité d'expérimenter ce dispositif.

La question du marketing nutritionnel nous apparaît aussi très importante et nous l'avons largement discutée avec tous les acteurs rencontrés. Les études démontrent que l'exposition à la publicité a une influence forte sur les comportements alimentaires, et c'est particulièrement vrai pour les enfants et adolescents.

La loi Gattolin, qui régule la publicité durant les programmes télévisés destinés aux enfants de moins de 12 ans, est aujourd'hui dépassée. Internet échappe à toute régulation, alors qu'il s'agit du premier média visionné par les adolescents. De plus, les tranches horaires visées par la loi Gattolin ne représentent que moins de 1 % des programmes vus par les enfants. Donc, sur la base de travaux très précis conduits par Santé publique France, nous proposons d'encadrer beaucoup plus fortement la publicité pour des aliments qui affichent une mauvaise composition nutritionnelle, et pas seulement à la télévision (proposition n° 15).

Concernant le Nutri-Score, enfin, la réglementation européenne ne permet pas d'imposer un affichage obligatoire nouveau sur les emballages alimentaires. C'est le règlement de 2011 qui interdit de nouvelles mentions obligatoires. Le logo reste donc volontaire pour les industriels. Toutefois, et c'est encourageant, six autres pays européens - la Belgique, l'Allemagne, la Suisse, l'Espagne, le Luxembourg et les Pays-Bas - se sont coordonnés avec la France pour la mise en oeuvre du Nutri-Score.

Là encore, les études montrent non seulement que les produits qui seraient étiquetés D ou E affichent peu le Nutri-Score, mais aussi que cet outil influence le choix des consommateurs. C'est pourquoi l'activité de plaidoyer de la France pour un Nutri-Score obligatoire doit être poursuivie et renforcée, comme l'indique notre proposition n° 16.

M. Philippe Mouiller, président. - Je vous remercie pour ce travail de longue haleine, qui a nécessité de nombreuses auditions.

M. Bernard Jomier. - En introduction, vous menez une réflexion sur l'intérêt de la fiscalité comportementale. La dénomination ne me paraît pas bonne. Les sénateurs Catherine Deroche et Yves Daudigny s'interrogeaient également sur cette notion dans le rapport d'information de 2014 de la Mecss, Fiscalité et santé publique : état des lieux des taxes comportementales. La question des comportements est en effet complexe : il serait sans doute plus approprié de parler de « fiscalité sanitaire ». Nous entendrions ainsi mieux son objectif. La fiscalité est instituée soit pour générer des recettes, soit pour améliorer des indicateurs de santé.

Plus loin, vous parlez, à plusieurs reprises, d'un « constat d'échec ». Il me semble que la situation est plus contrastée. Certes, la consommation de tabac reste trop importante, mais la tendance n'est pas si négative que cela. À ce titre, le taux minimal d'augmentation du prix que vous proposez n'est pas très important. Les études montrent pourtant qu'une hausse substantielle, en un seul coup, est nécessaire pour réduire la consommation. Les augmentations annuelles n'ont pas d'impact, et apparaissent davantage comme un moyen d'augmenter les recettes de l'État, ce qui prête le flanc à la critique. Il vaut mieux augmenter la fiscalité de 15 % d'un coup que de 5 % à trois reprises.

En outre, l'industrie du tabac est l'une des plus corruptrices au monde. Nous devrions aller vers une révision de la directive européenne sur les produits du tabac. Or, chacun s'en souvient et le film Une affaire de principe le raconte bien, la dernière révision de 2012 a été l'objet d'un scandale sans nom. Le commissaire européen John Dalli, accusé de corruption par l'industrie du tabac, a été poussé à la démission. Il était pourtant totalement innocent. Il s'agissait d'une manipulation montée par les industriels pour le compromettre. C'est dire jusqu'où va ce lobby !

L'industrie du tabac est en train de glisser vers la commercialisation de produits sans fumée. Comment devons-nous réagir à cette réorientation stratégique ? L'outil de la fiscalité permettra-t-il d'y répondre ?

Enfin, Frédéric Valletoux, alors qu'il était député, avait déposé une proposition de loi afin de lutter contre les marchés parallèles. Le débat est d'une hypocrisie sans nom. Il est bien connu que l'industrie du tabac suralimente les marchés du Luxembourg ou d'Andorre pour nourrir le marché parallèle. Et après cela, les industriels tentent de nous expliquer qu'il faudrait baisser les taxes pour lutter contre ce phénomène !

Concernant l'alcool, il ne faudrait pas que le réalisme soit une résignation. Je comprends la difficulté à défendre certaines mesures, mais demandons-nous d'abord ce qui est utile pour la santé. Vient ensuite l'arbitrage politique entre les différents intérêts.

Je vous remercie d'avoir posé la question de l'instauration d'un prix minimum de l'alcool. Ainsi, les hypocrisies apparaissent. Ce prix minimum n'est pas une hausse de la fiscalité et n'a pas d'impact sur les filières considérées. En revanche, il en a un sur la santé publique, en en améliorant les indicateurs. Une filière qui s'oppose au prix minimum de l'alcool s'oppose à la réduction de la consommation de son produit et fait fi de son impact sanitaire. Nous pourrons avoir le débat lors de l'examen du prochain projet de loi de finances. La présidente de la sixième chambre de la Cour des comptes a dit qu'elle inscrirait ce point à son ordre du jour.

Vous êtes-vous penchées sur l'effet de la fiscalité sur l'équilibre des comptes sociaux ? Je me félicite que vous souhaitiez un meilleur fléchage des recettes de la fiscalité vers la prévention.

M. Alain Milon, président de la Mecss. - Je félicite Élisabeth Doineau et Cathy Apourceau-Poly pour leur travail remarquable. Leurs conclusions et propositions sont assez innovantes, en particulier l'instauration d'un prix minimum de l'alcool. Que les recettes de la fiscalité comportementale servent à la prévention est une bonne idée, mais elle n'est pas évidente à transcrire dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Je trouve que les rapporteures ne sont pas allées assez loin sur le sucre. Certaines entreprises intègrent du sucre dans les aliments pour bébé alors que ce n'est pas utile. Inscrivons l'interdiction de cette pratique dans le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Mme Florence Lassarade. - Merci aux rapporteures pour la qualité de leur travail. On cherche à combattre des addictions par des taxes. Or, il y a des addictions de toutes sortes. Actuellement, nous sommes confrontés à un problème d'obésité. Dans le cadre de la mission d'information sur la périnatalité, nous avons vu que le taux d'obésité avait augmenté de 20 % en vingt ans chez les femmes enceintes. Les coachs sportifs recommandent certains produits contre l'obésité, comme les barres hyper-protéinées, or elles sont nocives et, souvent, les mères qui en consomment en proposent à leurs enfants au petit déjeuner.

L'hypertension est un fléau lié à l'obésité et, sans doute, à la consommation excessive de sel. Dans votre proposition n° 13, vous suggérez de fixer des quantités maximales de sel dans les aliments. Qu'en est-il des eaux pétillantes, très riches en sel ?

On note une déconsommation constante de vin alors que le vin n'est presque pas taxé. Finalement, est-ce que ce sont les taxes qui incitent à moins consommer ?

Mme Raymonde Poncet Monge. - Merci aux rapporteures pour la qualité de leurs auditions. J'ai été étonnée d'entendre que la politique de lutte contre le tabac était un échec. On pourrait plutôt parler d'« essoufflement » de cette politique. La seule approche qui ait fonctionné a été systémique, incluant notamment l'interdiction de la publicité et l'interdiction de fumer dans les lieux publics clos, le paquet neutre et le Mois sans tabac. Il s'agissait de modifier les représentations. Et en effet, les jeunes, désormais, ne cherchent plus à fumer pour ressembler au « cow-boy Marlboro ».

Il faudrait également adopter une politique systémique contre l'alcool. Je regrette l'absence de campagne multi-entrées. On devrait déjà commencer par interdire la publicité pour l'alcool. En outre, pour fonctionner, le signal du prix doit être visible et annoncé. L'évolution progressive du prix des cigarettes a entraîné une habituation.

Là où la politique contre le tabac a en effet été un échec, c'est en matière d'inégalités. Comment faire pour que les 20 % les plus pauvres ne surconsomment pas de tabac ? Certaines habitudes sont parfois difficiles à empêcher. J'ai entendu que les boissons sucrées donnaient un effet illusoire de satiété, par exemple. Pour réduire les inégalités de santé, il faut surtout s'attaquer à la pauvreté.

Bernard Jomier suggérait de parler de « fiscalité sanitaire ». Parlons plutôt de « fiscalité de santé », ce qui englobe les inégalités de santé dans la réflexion.

Pour lutter contre le marché parallèle du tabac, il faut limiter l'approvisionnement en tabac d'un pays à la quantité correspondant à la consommation locale.

M. Bernard Jomier. - C'est l'objet du texte défendu par M. Valletoux.

Mme Raymonde Poncet Monge. - On croit défendre nos filières viticoles, mais le vin qui sera pénalisé par le prix minimum de l'unité d'alcool est importé. Au contraire, on pourra ainsi protéger les niches de vin de meilleure qualité.

Le lobby du sucre est comparable à celui du tabac. Il offre des animations aux enfants pour les inciter à consommer du sucre.

Mme Véronique Guillotin. - Merci aux deux rapporteures pour la qualité de leur travail. J'ai reçu plusieurs fois des représentants de lobbies du vin, venus m'expliquer l'effet néfaste du prix minimum de l'alcool. Je suis très contente que celui-ci soit recommandé par le rapport. Je suis un peu déçue, en revanche, d'une sorte de résignation sur l'alcool qui laisse entendre que l'on ne pourrait pas faire grand-chose. L'impact de ce produit sur la santé publique est réel. Il faut donc des actions ciblées. Certes, le modèle économique de ce secteur ne doit pas être négligé, mais ce n'est pas la priorité de la commission des affaires sociales. J'ai demandé aux représentants de la filière du vin comment ils se projetaient dans l'avenir, en cas de baisse de la consommation. Ils m'ont répondu que ce n'était pas mon problème... Cela a signé la fin de la conversation.

Je ne me résigne pas à l'inaction.

Les chèques alimentaires pour l'achat de fruits et légumes sont une excellente proposition. Il faudrait défendre le slogan : « Faire comme avant », c'est-à-dire donner des légumes et des fruits aux enfants plutôt que des gourdes de compote, qui provoquent un pic de sucre. Retrouvons de bonnes habitudes. En Alsace, des chèques de ce type sont proposés dans les centres communaux d'action sociale.

Je vis à cinq minutes en voiture du Luxembourg, où les produits du tabac coûtent moins cher qu'en France. Un décret publié le 29 mars dernier supprime toute limite explicite au nombre de cigarettes pouvant être achetées par un particulier dans un autre Etat de l'Union européenne. La seule limite éventuelle est qu'il est difficile, si l'on achète quinze paquets par jour, d'affirmer que c'est pour sa consommation personnelle. J'aimerais bien connaître le taux de consommation de tabac des habitants du Luxembourg et celui des habitants des zones frontalières qui s'y approvisionnent.

Je suis plus optimiste que les rapporteures sur l'évolution de la consommation de tabac. Insistons sur la réussite que traduit le moindre taux de consommation chez les jeunes. Les politiques doivent cibler les publics en amont de l'entrée dans le tabagisme, avant que les habitudes ne soient ancrées, car après, il sera difficile de s'en défaire.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure. - Je voudrais remercier tous ceux qui ont participé aux auditions de la Mecss, car elles ont été passionnantes. La position de certains, dont les industriels du tabac, était connue d'avance.

Nous avons réalisé un travail énorme, au cours d'une quarantaine d'auditions. Il a été compliqué de choisir, ce matin, quelles informations mettre en avant. Aussi, je vous invite à lire notre rapport.

Je remercie Bernard Jomier pour ses remarques, auxquelles nous souscrivons pleinement. Fallait-il conserver le titre de « Fiscalité comportementale » ? Ce que nous voulons, c'est améliorer la santé des Français. Ainsi, si nous avons insisté sur les morts évitables, c'est pour vous interpeller, et ce n'est pas la fiscalité en tant que telle qui nous a intéressées. Certains ont avancé que nous cherchions à augmenter les taxes pour combler le trou de la sécurité sociale, mais ce n'est pas du tout le cas ! Nous voulons surtout qu'il y ait moins de malades à soigner et moins de personnes affaiblies par des addictions.

Le rapport d'information de 2014 qu'a cité notre collègue Bernard Jomier mentionnait la notion de « contribution de santé publique ». Nous avons pris le parti de rester sur la « fiscalité comportementale » par souci de clarté. Tous ceux qui ont intérêt à ce que leurs produits continuent d'être vendus en grande quantité veulent dire « stop » à la fiscalité quand d'autres souhaitent l'augmenter. De notre point de vue, la fiscalité est un outil, mais s'il n'est pas accompagné, il n'a plus aucun intérêt en termes de santé. D'où l'inclusion dans notre rapport de dispositions sur la publicité et sur l'information.

Quand nous employons, dans le cas du tabac, le mot « échec », ce n'est pas pour dire que les politiques n'auraient pas eu d'effet - nous affirmons le contraire -, mais pour souligner le fait que la prévalence du tabagisme quotidien est aujourd'hui l'une des plus élevées de l'OCDE, et est à peu près la même que dans les années soixante, ce dont on ne peut se satisfaire.

Dans le cas de l'alcool, s'il est vrai qu'en France la consommation par habitant a été divisée par deux depuis les années soixante, elle reste supérieure à ce qu'elle était dans la plupart des pays à cette période. Par ailleurs, aujourd'hui, dans l'OCDE, seuls trois États ont une consommation d'alcool par habitant supérieure à celle de la France. Nous ne pouvons rester inactifs.

À la page 37 du rapport, nous avons réalisé un chiffrage indicatif de l'impact de l'alcool, du tabac et de l'obésité sur les finances publiques, en prenant notamment en compte l'effet de la perte de PIB sur les recettes. Le coût net pour les finances publiques serait de plusieurs dizaines de milliards d'euros.

Alain Milon, nous vous remercions, en tant que président de la Mecss, d'avoir soutenu l'inscription de ce rapport au programme de travail de la Mecss. Votre préconisation d'interdire l'ajout de sucre dans certains aliments pour bébé est cohérente avec la proposition n° 13.

Florence Lassarade, vous avez surtout parlé d'obésité et des produits protéinés et salés. Dans les différents programmes de l'État relatifs à l'alimentation et à la santé, des demandes sont faites aux producteurs. Néanmoins, dans le cadre des chartes d'engagement, seuls les boulangers ont mis en oeuvre une politique efficace de diminution de la quantité de sel dans le pain, à hauteur de 30 % d'ici à 2025. De grands cuisiniers font aussi des efforts pour diminuer le sucre dans leurs desserts, mais ces engagements ne sont pas suffisamment suivis par les principaux industriels. En tant que présidente d'une épicerie sociale, quand je vois les étiquettes des produits que je distribue, pizzas ou plats préparés, je suis consternée ! Nous allons travailler sur le sujet localement avec la Banque alimentaire, mais il est grand temps d'agir à la base, c'est-à-dire avec ceux qui produisent ce genre de produits. Si nous ne faisons rien, les gens risquent de s'habituer à mal s'alimenter dès le plus jeune âge. Tout est question de dosage et de santé personnelle, car certains sont plus sensibles au sucre et au sel.

Mme Cathy Apourceau-Poly, rapporteure. - Le mot « échec » n'a été employé que sur le tabagisme.

Mme Raymonde Poncet Monge. - L'échec concerne plutôt les deux autres sujets.

Mme Cathy Apourceau-Poly, rapporteure. - Certes, mais il concerne aussi le tabagisme. J'ai souhaité inscrire ce terme pour créer un choc, car le tabagisme est quasiment resté à un taux stable depuis les années 1960. Eu égard aux nombreuses campagnes qui ont été menées et aux moyens mis en oeuvre, on ne peut pas parler de « réussite ». Cela dit je ne vois pas d'objection à parler, comme certains collègues, d'« essoufflement ».

Toutefois, l'échec ne veut pas dire qu'il faut arrêter la prévention. Au contraire, il convient de continuer les démarches, de les amplifier et de réfléchir à d'autres campagnes ou à de nouveaux moyens d'action. Il est également important de s'adapter à la société d'aujourd'hui, notamment à l'influence des réseaux sociaux sur les jeunes.

Les pays frontaliers représentent un vrai souci. J'habite dans le Pas-de-Calais, dans une commune limitrophe de la Belgique ; nos habitants s'y rendent chaque semaine pour faire le plein d'essence et pour acheter des cartouches de cigarettes. Nous parlons de santé publique, alors même qu'un récent décret supprime toute limite explicite du nombre de cigarettes en provenance de l'Union européenne.

M. Xavier Iacovelli. - Je soutiens complètement ce rapport. Merci à nos deux rapporteures pour l'important travail qu'elles ont effectué. Si l'on pouvait changer le terme de « fiscalité comportementale » en « fiscalité sanitaire », ce serait plus logique. En effet, la question est avant tout de santé publique et notre responsabilité est de faire en sorte que les prix soient encadrés pour cela.

Sur le sucre et l'obésité, j'avais déposé un amendement lors de l'examen du PLFSS pour 2024, voté à la quasi-unanimité du Sénat, visant à instaurer des taxes pour l'industrie agroalimentaire. Cette dernière nous empoisonne au quotidien, car le sucre est aussi addictif que la cocaïne ! Il ne faut pas taxer les consommateurs, mais contraindre les industriels à diminuer le taux de sucre dans leurs produits. Malheureusement, cet amendement a été écarté après application de la procédure prévue à l'article 49 alinéa 3 de la Constitution. Le débat devrait être reporté à la discussion du PLFSS pour 2025.

Le Nutri-Score a été une très belle invention, d'autant que 60 % des industriels le respectent. Mais ceux de nos concitoyens qui ont de petits revenus regardent le prix plutôt que le Nutri-Score, et cela au détriment de la santé de leurs enfants. Il faudrait que les taxes soient plus importantes sur les produits de mauvaise qualité. Je ne sais pas s'il est possible d'instaurer une taxe différenciée selon la qualité nutritionnelle à l'échelle européenne, mais il faut y travailler, car l'obésité touche souvent les plus précaires.

Mme Cathy Apourceau-Poly, rapporteure. - Exactement !

M. Xavier Iacovelli. - En tant qu'élus, nous devons veiller à ce que la restauration dans les collectivités locales soit exemplaire. L'enjeu porte non seulement sur la santé, mais aussi sur l'économie. En effet, les maladies liées à l'obésité représentent un coût de 13 milliards d'euros par an pour la sécurité sociale. Et je ne parle pas de la baisse de productivité que vous avez détaillée dans votre rapport. C'est un vrai sujet de santé publique qui dépasse les clivages partisans.

Mme Chantal Deseyne. - Je voudrais revenir sur le volet de la qualité nutritionnelle, car pas moins de 18 maladies sont induites par le surpoids. Généraliser le Nutri-Score est une bonne mesure, mais l'on pourrait aussi contraindre les industriels de l'alimentation ultra-transformée à modifier la composition de leurs préparations. Je ne suis pas hostile aux taxes, mais on risque de faire payer les plus précaires. Lors des auditions que nous avions organisées dans le cadre de notre mission d'information sur le surpoids et l'obésité, une sociologue nous expliquait que, pour faire plaisir à leurs enfants, les parents aux revenus modestes leur donnaient un soda ou un pain au lait industriel, soit des produits moins chers, mais de mauvaise qualité. Il faut donc développer l'éducation au bien-manger, éventuellement avec des cours de cuisine dispensés dans des associations ou bien grâce à un chèque pour acheter des fruits et légumes.

Mme Brigitte Devésa. - L'alimentation et l'obésité en France sont un drame et nous l'avions montré dans notre rapport d'information Surpoids et obésité, l'autre pandémie. Je vous félicite, mesdames les rapporteures, pour votre travail remarquable. Je suis ravie que vous cherchiez à relancer le Nutri-Score. En effet, lors de nos auditions, nous avions constaté que les industriels français n'étaient pas proactifs sur ce sujet. Si l'on instaure une taxe, il ne faudrait pas que ce soit les plus pauvres qui en pâtissent. Je suis d'accord avec Raymonde Poncet Monge, c'est sur la pauvreté qu'il faut agir.

À l'ONU, 193 pays ont adopté l'Agenda 2030 : ce programme en faveur du développement durable définit 17 propositions pour éradiquer les inégalités concernant la pauvreté, la santé, etc. Sa recommandation n° 3 vise notamment à promouvoir le bien-être à tous les âges. Étant rapporteure sur le dossier de contrôle Entreprises et climat, dans le cadre de la délégation aux entreprises, je me rends compte qu'il est indispensable de mettre en place toutes ces recommandations si l'on veut améliorer la situation. Quelle est votre réflexion à cet égard ?

Mme Céline Brulin. - Ce débat me semble très intéressant. En effet, on pourrait orienter la consommation des gens en fonction de certains objectifs de santé. Mais il ne faut pas oublier les dimensions sociale et culturelle du problème. Vous avez raison, madame la rapporteure générale, de rappeler que le soupçon selon lequel l'enjeu est surtout de remplir les caisses de l'État et d'atténuer le déficit de la sécurité sociale est réel, et il va l'être de plus en plus. Par conséquent, les recettes de cette fiscalité doivent être orientées a minima sur des campagnes de prévention et d'éducation, dans un objectif de santé publique. Je souscris aussi à votre proposition de revenir à la source du problème : de grands groupes et des lobbies offrent sciemment de nouveaux produits qui sont néfastes à la santé et qui créent des addictions. Nous sommes les premiers acteurs de notre santé, mais nos concitoyens ne peuvent pas être tenus comme seuls responsables face aux nouveaux phénomènes de société qui se développent.

Quant à la publicité, la réglementation est moyenâgeuse. Aujourd'hui, internet et les réseaux sociaux jouent un rôle considérable pour susciter des consommations qui ne sont pas bonnes pour la santé.

M. Daniel Chasseing. - Je veux à mon tour féliciter les rapporteures pour ce travail.

Je ne crois pas qu'on puisse parler d'un échec dans la lutte contre le tabagisme, puisque l'usage du tabac chez les jeunes est passé de 30 % en 2011 à 6 % en 2022. Ce n'est sûrement pas suffisant, mais ce n'est quand même pas rien.

Les buralistes évoquent le sentiment d'une explosion du marché parallèle, même dans les départements ruraux non frontaliers. Cela ne semble pas être le cas. Il est important d'avoir un état des lieux précis.

Il faut également bien faire savoir que le tabac à chauffer est aussi dangereux que le tabac.

En ce qui concerne l'alcool, je trouve positif de ne pas avoir augmenté la fiscalité sur le vin. Nous devons travailler avec la filière pour que nos actions profitent aussi aux producteurs. Je note que, dans les départements ruraux notamment, nombre de services d'addictologie ont fermé, certainement par manque de médecins... Or nous savons que 10 % des consommateurs représentent 60 % de la consommation. Il est donc très important de maintenir ces services en vue d'un accompagnement intensif. Il faut aussi mener des campagnes d'information auprès des jeunes sur les dangers d'une addiction massive, même ponctuelle.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure. - Nous devons effectivement travailler avec les collectivités locales et les acteurs locaux pour lutter contre les addictions, en particulier chez les jeunes. C'est, pour beaucoup, une affaire d'éducation : chacun doit bien avoir conscience qu'il n'a qu'une vie et qu'il faut protéger sa santé.

Les préoccupations de Brigitte Devésa trouvent un écho dans des stratégies nationales, notamment le programme national nutrition santé (PNNS) 2019-2023, qui vise une baisse de 20 % de la fréquence de surpoids et d'obésité chez les enfants et adolescents, et dans la stratégie nationale pour l'alimentation, la nutrition et le climat (Snanc), plus globale. Pour autant, je note que nous ne disposons pas d'un tel programme sur l'alcool, d'où notre proposition d'un programme national de réduction des consommations nocives d'alcool.

Par ailleurs, je note que les industriels sont simplement « invités » à mettre en place des démarches volontaires, par exemple au travers de chartes ou d'engagements collectifs, et que tout cela est trop faible. Nous pensons qu'il faut travailler sur l'idée de trouver de nouvelles formules à leurs produits avec une meilleure qualité nutritive. Le mouvement est très lent ! Par exemple, un limonadier a diminué la quantité de sucre dans ses produits ; malheureusement, ce type d'initiative est très rare. Nous devons trouver un moyen pour forcer les choses.

Enfin, sur le Nutri-Score, les industriels sont trop frileux : le logo est surtout appliqué pour les produits qui ont un bon classement, pas pour les autres... Nous devons trouver, au niveau européen, les moyens d'aller plus loin.

Mme Cathy Apourceau-Poly, rapporteure. - Les élus sont souvent inventifs sur le terrain et les idées qu'ils développent - ateliers cuisine, cueillettes, aides à la préparation de repas, etc. - pourraient utilement être reprises et mises en oeuvre plus largement.

Je veux revenir sur un point très important. Ce sont les catégories sociales les plus pauvres qui mangent le plus mal. Les conditions sociales difficiles expliquent aussi en partie la prévalence des addictions. Nous ne devons pas nous voiler la face ! Il faut donc aider particulièrement ces populations. C'est pour cette raison que je ne souhaite pas que nous proposions ce qui pourrait ressembler à une punition : si nous fiscalisons certains produits - je ne parle pas à cet instant de l'alcool ou du tabac -, cela aura des conséquences directes sur les familles et nous devons y prendre garde.

Je crois par ailleurs qu'il faut taxer les régimes protéinés, car les conséquences peuvent être graves.

En ce qui concerne le sucre, nombre de médecins sont très inquiets sur l'importance du sucre ajouté dans les aliments. Cela crée une addiction larvée.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure. - Je veux insister sur la responsabilité de chacun et sur le fait que nous devons, avec les acteurs locaux, sensibiliser la population dès le plus jeune âge.

Les recommandations sont adoptées.

La commission adopte, à l'unanimité, le rapport d'information et en autorise la publication.

Cancers imputables à l'activité de sapeur-pompier - Examen du rapport d'information

M. Philippe Mouiller, président. - Nous entendons à présent la communication d'Anne-Marie Nédélec et Émilienne Poumirol à l'issue des travaux de la mission d'information qu'elles ont conduite sur les cancers imputables à l'activité de sapeur-pompier.

Je vous rappelle que les travaux de nos collègues s'inscrivent dans le programme de contrôle de la commission pour la session 2023-2024.

Mme Anne-Marie Nédélec, rapporteure. - En tant qu'élus des territoires de la République, nous sommes tous ici particulièrement attentifs à ce qui concerne les sapeurs-pompiers, qui assurent chaque jour un service public particulièrement précieux auprès de nos concitoyens.

Nous comptons au total un peu moins de 253 000 sapeurs-pompiers en France, dont près de 80 % sont volontaires. Leur activité est évidemment dangereuse : risques traumatiques, toxiques, infectieux, cardio-vasculaires, routiers, psychologiques, de stress thermique, de déshydratation, de troubles musculosquelettiques, etc.

Il est en revanche un risque dont nous parlons trop peu, je veux parler de celui de développer une maladie professionnelle, notamment un cancer.

Il est important de préciser, pour commencer, que trop peu d'études ont porté sur ce sujet dans notre pays au cours des dernières décennies - deux, en l'occurrence. Publiées en 1995 et en 2012, elles concluent à une mortalité globale plus faible chez les sapeurs-pompiers par rapport à la population générale, ce qui pourrait s'expliquer par un biais appelé le « phénomène du travailleur sain » : les soldats du feu sont généralement en meilleure santé physique que le reste de la population. S'agissant de la mortalité par cancer en particulier, si la seconde étude ne notait qu'une surmortalité modérée, mais non statistiquement significative pour certains types de cancers, la première aboutissait au constat d'une mortalité supérieure pour les cancers uro-génitaux, respiratoires et digestifs.

En outre, l'an dernier, il est apparu au terme d'une étude britannique portant sur près de 11 000 sapeurs-pompiers qu'un cancer avait été diagnostiqué chez 4 % d'entre eux. Il s'agissait, dans plus d'un tiers des cas, d'un cancer de la peau et, dans 12 % des cas, d'un cancer des testicules. Les auteurs de cette étude, qui doit certes être regardée avec prudence en raison du champ statistique restreint, estimaient que le taux de cancer était supérieur de 323 % chez les sapeurs-pompiers âgés de 35 à 39 ans par rapport à la population générale.

Il est regrettable que nous ne disposions pas de données épidémiologiques pouvant servir de base de travail fiable, recueillies sur le long terme au sein d'un échantillon assez large. Nous ne sommes pas les premières à le déplorer : le colonel Christian Pourny, dans son fameux rapport de 2003, le notait déjà, en invitant à créer une banque nationale de données (BND). Cette BND a été créée depuis lors au sein de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL), mais elle ne présente qu'un intérêt limité dans la mesure où tous les départements ne l'alimentent pas et où les maladies professionnelles sont, comme les accidents du travail, largement sous-déclarées en France.

Quoi qu'il en soit, il n'est pas douteux que les sapeurs-pompiers s'exposent, dans l'exercice de leurs fonctions, à nombre d'agents et de substances reconnues cancérogènes. Citons par exemple certains produits de combustion, comme les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP), des matériaux de construction, comme l'amiante, les substances perfluorées et polyfluorées (PFAS) contenues dans les émulseurs des produits d'extinction ou encore les retardateurs de flammes libérés dans l'air au cours de la combustion des objets du quotidien. Ces derniers ont d'ailleurs été retrouvés chez tous les sapeurs-pompiers ayant participé à des analyses biologiques organisées par l'équipe de l'émission de France Télévisions « Vert de rage » avec une université américaine et un laboratoire tchèque, y compris l'un d'entre eux, le BDE-209, à des niveaux très importants.

Il est donc logique que, en juin 2022, le Centre international de recherche sur le cancer (Circ), agence de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), ait classé l'activité de sapeur-pompier comme cancérogène pour l'homme sur la base de preuves suffisantes pour le mésothéliome et le cancer de la vessie et de preuves limitées pour les cancers du côlon, de la prostate et des testicules, le mélanome et le lymphome non hodgkinien. Pour ce qui concerne le mésothéliome, le risque serait plus élevé de 58 % chez les pompiers qu'au sein de la population générale ; il serait supérieur de 16 % dans le cas du cancer de la vessie.

Dans ce contexte, quel est donc l'état du droit en France en ce qui concerne la reconnaissance d'un cancer en maladie professionnelle chez un sapeur-pompier ?

Depuis 2017, les fonctionnaires, y compris les sapeurs-pompiers professionnels, bénéficient d'une présomption d'imputabilité au service pour tout cancer désigné par un tableau de maladies professionnelles et contracté en service ou à l'occasion de l'exercice de leurs fonctions dans les conditions mentionnées par ledit tableau. Si l'autorité territoriale compétente estime que la pathologie n'est pas imputable au service, il lui appartient désormais d'en apporter la preuve, dont la charge se trouve ainsi inversée.

En tout état de cause, si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste des travaux susceptibles de provoquer l'affection ne sont pas remplies, l'imputabilité au service d'une maladie désignée par un tableau peut tout de même être reconnue, si l'agent prouve qu'elle a été directement causée par l'exercice de ses fonctions.

Une pathologie peut enfin être reconnue comme ayant une origine professionnelle, y compris si elle ne figure pas dans les tableaux, à la double condition que l'agent établisse qu'elle a été essentiellement et directement causée par l'exercice de ses fonctions et qu'elle entraîne une incapacité permanente d'au moins 25 %. Dans ces deux derniers cas, le conseil médical départemental, composé de médecins, de représentants du service départemental d'incendie et de secours (Sdis) et de représentants du personnel, est obligatoirement consulté pour avis avant que le Sdis ne prenne sa décision sur l'imputabilité de la maladie au service.

Si son origine professionnelle est reconnue et si une incapacité temporaire de travail en découle, le fonctionnaire peut prétendre à un congé pour invalidité temporaire imputable au service (Citis) durant lequel il conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il reprenne ses fonctions ou soit mis à la retraite. Du reste, il a également droit au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie.

Le temps passé en congé est pris en compte pour la détermination des droits à l'avancement d'échelon et de grade, ainsi que pour la constitution et la liquidation des droits à pension de retraite. Si, au terme du congé, il est apte à reprendre ses fonctions, le fonctionnaire doit être réintégré dans son emploi ou, à défaut, réaffecté dans un emploi correspondant à son grade. Le cas échéant, il peut demander le bénéfice d'une allocation temporaire d'invalidité (ATI) cumulable avec son traitement s'il est atteint d'une incapacité permanente partielle résultant de la maladie. S'il est en revanche dans l'impossibilité définitive et absolue de continuer ses fonctions, il peut être admis à la retraite pour invalidité.

De même, un sapeur-pompier volontaire atteint d'une maladie contractée en service ou à l'occasion du service pourra bénéficier de la prise en charge des frais médicaux directement liés à cette maladie, d'une indemnité journalière compensant la perte de revenus subie du fait de l'incapacité temporaire de travail et d'une allocation ou rente en cas d'incapacité permanente.

Au-delà de ces dispositifs de réparation, les pouvoirs publics ont accentué, depuis la publication du rapport Pourny, leurs efforts en matière de prévention des risques.

Sur le plan du suivi médical, d'abord. Les sapeurs-pompiers professionnels bénéficient ainsi de l'intervention des services de médecine préventive, avec notamment une visite d'information et de prévention au minimum tous les deux ans. Ils sont également astreints à un contrôle régulier de l'aptitude médicale, laquelle est prononcée par un médecin de sapeurs-pompiers tous les ans, ou tous les deux ans pour les sapeurs-pompiers âgés de 16 à 38 ans. Dans ce cadre, le médecin peut notamment prescrire un contrôle radiologique pulmonaire au moins tous les trois ans à partir de 40 ans. Le Gouvernement envisage d'ailleurs de réformer le contrôle de l'aptitude afin d'harmoniser les pratiques et de les adapter aux évolutions de la médecine. Enfin, un suivi post-professionnel est ouvert depuis 2015 aux agents ayant notamment été exposés à une substance cancérogène. Celui-ci est assuré soit par le service de médecine préventive, soit par un médecin choisi par l'agent, les frais en découlant étant intégralement pris en charge par le Sdis.

La prévention s'inscrit également dans le cadre opérationnel. Au travers de son fonds national de prévention (FNP), la CNRACL contribue ainsi au financement de projets en la matière et d'études épidémiologiques. Elle met également à la disposition des Sdis de la documentation sur les risques professionnels, ainsi qu'un logiciel, dénommé Prorisq, qui leur permet de suivre leur sinistralité.

La Caisse s'est enfin trouvée à l'origine de plusieurs initiatives importantes ces dernières années, à commencer par la constitution d'un groupe de travail sur les risques liés aux fumées d'incendie ayant abouti à un rapport contenant quarante-trois recommandations et à la publication par la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC) d'un guide de doctrine opérationnel sur la prévention desdits risques.

Je citerai également le rapport du Centre d'essai et de recherche de l'Entente méditerranéenne (Ceren) sur l'efficacité de filtration des cagoules utilisées lors des feux de forêts, commandité par la CNRACL, qui a démontré que ces cagoules ne filtraient quasiment rien et conduit à l'élaboration d'un nouveau modèle de cagoules, dont le taux de filtration atteint au moins les 70 %. L'enjeu de la prévention des risques professionnels semble donc bel et bien assimilé par les pouvoirs publics.

Mme Émilienne Poumirol, rapporteure. - Néanmoins, des progrès majeurs nous semblent encore devoir être réalisés. En effet, pour ce qui concerne les sapeurs-pompiers, seuls deux types de cancer sont aujourd'hui présumés imputables au service, à savoir le carcinome du nasopharynx et le carcinome hépatocellulaire, dont le lien avec l'activité de sapeur-pompier ne semble pourtant établi par aucune publication. Les tableaux sont en effet édictés par le Gouvernement après consultation des partenaires sociaux, selon des logiques visiblement assez éloignées de l'état des connaissances scientifiques. Si le cancer de la vessie et le mésothéliome, dont le lien avec l'activité de sapeur-pompier a été confirmé par le Circ, figurent bien dans les tableaux de maladies professionnelles, la liste des travaux susceptibles de les provoquer n'inclut pas l'extinction des incendies. Les agents potentiellement concernés sont donc contraints d'apporter la preuve du lien direct entre ces pathologies et l'exercice de leurs fonctions, ce qui est souvent difficile à matérialiser.

Certains autres pays développés, comme les États-Unis ou le Canada, sont bien en avance sur la France à cet égard. Ainsi, 28 types de cancer pourraient être reconnus comme maladies professionnelles chez les sapeurs-pompiers dans l'État du Nevada. Au Canada, ce nombre varie selon les provinces et va jusqu'à 19 en Ontario. Au Québec, en particulier, 9 types de cancer sont présumés imputables au service : les cancers du rein, de la vessie, de la peau et de la prostate, le myélome multiple, le lymphome non hodgkinien, le mésothéliome non pulmonaire ou pulmonaire et le cancer du larynx, ces deux derniers ne pouvant l'être qu'à la condition que le malade n'ait pas été fumeur pendant les dix ans ayant précédé le diagnostic.

Pour revenir au cas français, la CNRACL nous a indiqué n'avoir enregistré, au cours des dix dernières années, que 21 demandes d'allocation temporaire d'invalidité concernant des cancers professionnels chez des fonctionnaires territoriaux, sans qu'aucun d'entre eux n'émane d'un sapeur-pompier. Du reste, seules 31 maladies professionnelles ont été déclarées chez les sapeurs-pompiers professionnels en 2022, ce qui laisse deviner une forte sous-déclaration. Plusieurs facteurs d'explication de ce phénomène peuvent être avancés : le refus du médecin d'établir le certificat initial à défaut de formation ou de compréhension de la procédure, une prise en compte insuffisante de la polyexposition, des biais au sein des conseils médicaux en défaveur des travailleurs, l'extrême complexité de la procédure de reconnaissance et d'indemnisation ou encore la difficulté à obtenir des preuves de l'exposition à des facteurs de risque, qu'aggrave le caractère très limitatif des tableaux de maladies professionnelles dans leur état actuel s'agissant du cas des pompiers.

En matière de prévention aussi, nous pouvons et devons faire mieux. Le principal obstacle à son développement réside dans l'autonomie de gestion des Sdis, qui empêche toute coordination à l'échelle nationale. Je veux insister, à titre d'illustration, sur le cas des fiches d'exposition. Il ressort de nos auditions que certains Sdis tâcheraient de tracer les expositions auxquelles sont soumis leurs agents, mais que ces pratiques ne seraient ni systématiques ni généralisées. Et pour cause, aucune prescription législative ou réglementaire n'existe, pas plus, d'ailleurs, qu'un modèle national de fiche d'exposition. À défaut, il est extrêmement difficile pour les sapeurs-pompiers victimes d'un cancer, sans pouvoir prétendre à la présomption d'imputabilité au service, de démontrer le lien entre leur activité et cette pathologie.

À cela s'ajoutent les insuffisances constatées en matière de suivi médical. Du fait de la désertification médicale, bien des Sdis rencontreraient en effet des difficultés à respecter la fréquence réglementaire des visites d'aptitude, dans le cadre desquelles, au surplus, les médecins se bornent à constater la capacité des agents à exercer des fonctions opérationnelles, sans réel examen de leur état de santé. Le suivi post-professionnel, quant à lui, se heurterait à la même problématique de démographie médicale et se résumerait en pratique à une invitation faite à l'agent, au moment de la cessation de ses fonctions, à consulter régulièrement son médecin traitant. Notons, par ailleurs, que ce suivi ne concerne que les sapeurs-pompiers professionnels, à l'exclusion des volontaires.

Nous avons également relevé de sérieuses lacunes s'agissant des équipements de protection individuelle (EPI) utilisés par les Sdis. Si les logiques d'héroïsation tendent à céder le pas à une responsabilisation accrue des sapeurs-pompiers, le port des appareils respiratoires isolants (ARI) ne serait pas systématique, en raison, notamment, des contraintes qu'ils représentent en opération - ils pèsent 14 kilos et posent des problèmes de thermorégulation. Or, il est démontré que la capacité de filtration de la cagoule qui leur est parfois substituée est nulle. Le prototype de cagoule filtrante n'est, quant à lui, toujours pas certifié et n'est donc pas encore accessible. En tout état de cause, quand il le sera, son coût devrait représenter le triple de celui des cagoules actuelles, ce qui limitera vraisemblablement les possibilités d'acquisition par les Sdis, dont les finances sont hélas particulièrement contraintes. Ce dispositif filtrera au moins 70 % des particules fines, mais pas les autres substances chimiques libérées au cours de la combustion, et ses conséquences sur la respiration et la thermorégulation ne sont pas certaines.

Sur le plan scientifique, enfin, le ministre de l'intérieur a annoncé, en fin d'année dernière, avoir lancé une étude épidémiologique conduite par le Conservatoire national des arts et métiers (Cnam) et l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm). Nous avons donc souhaité en savoir un peu plus sur cette initiative. Il apparaît en réalité que celle-ci correspond à la fois à un soutien apporté à une thèse en ergonomie en cours d'élaboration, qui vise à documenter et à évaluer les effets sur la santé de l'activité de sapeur-pompier, et à la conception d'une matrice tâches-expositions, qui doit permettre de mieux identifier les expositions des sapeurs-pompiers et de faciliter le suivi médical et la reconnaissance d'éventuelles maladies professionnelles. Bien qu'il ne s'agisse donc pas réellement d'une étude épidémiologique à proprement parler, contrairement à ce qu'a affirmé Gérald Darmanin devant l'Assemblée nationale, nous nous réjouissons de ces démarches, qui s'inscrivent dans le bon sens. Néanmoins, nous craignons qu'elles servent de prétexte au Gouvernement pour reporter aux calendes grecques la mise en oeuvre des mesures d'urgence qu'impose la reconnaissance à l'échelle internationale de la cancérogénicité de l'activité de sapeur-pompier.

Nous formulons par conséquent dix propositions visant à mieux protéger la santé des soldats du feu. D'abord et avant toute chose, il est impératif de simplifier et de favoriser la reconnaissance en maladie professionnelle des cancers imputables à la lutte contre l'incendie. Nous invitons donc le Gouvernement, qui y est habilité, à soumettre aux partenaires sociaux la création d'un tableau de maladies professionnelles spécifique regroupant les pathologies liées aux travaux d'extinction des incendies, aujourd'hui éparpillées entre plusieurs tableaux.

Devraient alors y être intégrés les sept types de cancer dont le lien avec l'activité de sapeur-pompier a été affirmé par le Circ, avec un délai de prise en charge de quarante ans et une durée d'exposition minimale de quinze à vingt ans. Il ne s'agit pas de permettre leur reconnaissance en maladie professionnelle, ce qui est déjà possible sous condition d'apporter la preuve de leur lien avec l'extinction des incendies, mais de leur appliquer la présomption d'imputabilité au service chaque fois que les conditions que je viens de mentionner seront remplies. Du reste, une clause de revoyure devrait permettre à l'avenir de mettre à jour ce tableau spécifique en fonction de l'évolution des connaissances scientifiques. De plus, nous préconisons de procéder systématiquement à l'évaluation des droits à l'allocation temporaire d'invalidité (ATI) des agents des collectivités locales au terme d'un congé pour invalidité temporaire imputable au service (Citis), ce qui contribuerait à limiter le non-recours à cette allocation.

Pour tous les cancers qui resteraient en dehors du tableau spécifique dont nous proposons la création et dont le lien potentiel avec la lutte contre l'incendie n'est pas démontré en l'état des connaissances scientifiques, il importe de permettre aux sapeurs-pompiers de fournir plus aisément la preuve de leur exposition à des facteurs de risque afin de démontrer le lien entre ces affections et l'exercice de leurs fonctions. Nous proposons par conséquent d'élaborer un modèle national de fiche d'exposition à des facteurs de risque spécifiques à l'activité de sapeur-pompier et d'en rendre obligatoire le remplissage après chaque intervention à risque.

Mais, comme le dit l'adage, il vaut mieux prévenir que guérir. En matière de prévention, nous avançons plusieurs pistes d'action. L'équipement en cagoules filtrantes de nouvelle génération devant constituer une priorité compte tenu des enjeux, il serait justifié que l'État accorde aux Sdis une dotation exceptionnelle afin de leur permettre d'en acquérir massivement, de même que tous types d'équipements dont l'efficacité en matière de protection individuelle est prouvée scientifiquement. Je pense en particulier aux combinaisons, qui n'empêchent pas la pénétration de substances cancérogènes.

Dans le même temps, la recherche scientifique et l'analyse de données doivent se poursuivre en parallèle d'un renforcement des efforts de dépistage précoce des cancers et autres pathologies liées à l'activité de sapeur-pompier. Nous invitons donc les pouvoirs publics à mener, à intervalles réguliers, des programmes nationaux de surveillance médicale destinés aux sapeurs-pompiers et comportant des examens de dépistage précoce de ces maladies. Il nous paraît tout aussi nécessaire de renforcer le suivi post-professionnel en obligeant les Sdis à proposer tous les cinq ans une visite de contrôle assurée par un médecin de sapeurs-pompiers à l'ensemble des pompiers professionnels retraités. Dans le cadre de cette surveillance, des données épidémiologiques seraient collectées et analysées par un observatoire de la santé des sapeurs-pompiers. Ce dernier serait chargé de proposer des mesures dans le champ de la prévention comme dans celui de la réparation.

Enfin, dans ce domaine comme dans tant d'autres, nous n'avancerons pas sans nous appuyer sur le personnel médical, qui joue un rôle crucial au plus près des agents. La formation des médecins et infirmiers de sapeurs-pompiers en médecine du travail gagnerait donc à être renforcée afin de leur en inculquer les principes et les modes d'application à la situation des sapeurs-pompiers. Nous souhaitons que cet effort d'information vise en premier lieu les sapeurs-pompiers eux-mêmes. Il est donc impératif que les risques auxquels cette activité les expose leur soient présentés dès la première visite médicale d'aptitude. Nous ne le dirons jamais assez : les sapeurs-pompiers doivent être les premiers acteurs de leur propre santé.

Je terminerai mon propos en redisant, en votre nom à tous, mes chers collègues, la reconnaissance de la Nation envers ces femmes et ces hommes qui mettent chaque jour leur vie en péril pour protéger celle des autres. À eux tous, nous disons du fond du coeur : « Merci. Nous sommes à vos côtés ».

Je remercie le président Mouiller de m'avoir confié ce rapport, et Mme Anne-Marie Nédélec pour le travail transpartisan que nous avons mené.

Mme Annie Le Houerou. - Je vous remercie pour ce travail. Vous avez cité de nombreuses difficultés : la sous-déclaration des maladies professionnelles, la difficulté du suivi médical, la formation des professionnels de santé - médecins et infirmiers -, ou encore la nécessité d'études particulières et de données centralisées sur ces pathologies.

Un article paru hier dans Le Monde précise que les pompiers sont « aux premières loges » dans la contamination aux substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées (PFAS). Des traces ont été retrouvées dans les cheveux de tous les sapeurs-pompiers testés par les organisations syndicales, à la demande notamment du mouvement Les Écologistes.

Les mousses anti-incendie et les tenues imperméabilisées en seraient pour partie responsables. Pensez-vous que la contamination à ces polluants particuliers pourrait être intégrée à la liste des maladies imputables au service ?

Par ailleurs, comment systématiser les analyses pour assurer un meilleur suivi des sapeurs-pompiers, afin d'éviter le développement de maladies ?

Mme Raymonde Poncet Monge. - Je salue la qualité de votre rapport.

De manière générale, il y a beaucoup à faire sur les maladies professionnelles de l'ensemble des corps de métiers. Néanmoins, il faut pour cela faire preuve de volonté. Vous avez dit qu'il fallait des subventions exceptionnelles pour que les Sdis, dont l'équilibre financier est souvent précaire, puissent investir dans des équipements réellement protecteurs.

Vous avez parlé de polyexposition. On entend souvent dire qu'il n'existerait pas de mousses anti-incendie aussi efficaces que celles qui contiennent des PFAS. Certes, mais des alternatives pourraient tout aussi bien être utilisées lors des exercices de simulation, qui représentent 90 % de l'activité des sapeurs-pompiers ! Tel sera l'objet de plusieurs amendements sur la proposition de loi visant à protéger la population des risques liés aux PFAS qui sera examinée lors de la niche du groupe GEST demain. C'est une mesure de bon sens, surtout quand on sait que ces polluants sont éternels et que nous ne pouvons pas revenir en arrière.

Mme Pascale Gruny. - Je remercie les rapporteures et le président d'avoir pris en compte ce sujet essentiel. En effet, si les pompiers jouent un rôle clé dans nos territoires, ils apparaissent, à première vue, en très bonne santé physique, et la thématique essentielle que vous avez abordée est peu visible.

Je regrette que nous ne nous intéressions trop souvent qu'aux mesures curatives, au lieu de chercher à faire de la prévention. Des équipements plus efficaces et moins polluants sont-ils utilisés à l'étranger ? Le coût de la mauvaise protection des sapeurs-pompiers finit en effet par être répercuté sur la sécurité sociale, sans même prendre en compte la sous-déclaration. Le cas des volontaires doit aussi susciter notre réflexion, beaucoup travaillant par ailleurs en entreprise.

Avez-vous travaillé sur les troubles musculo-squelettiques ? Les sapeurs-pompiers sont de plus en plus mobilisés en cas d'accident et dans le cadre du service ambulancier. Or, la formation dans ce domaine est généralement lacunaire. Par ailleurs, la prise en charge psychologique est souvent insuffisante.

Vous avez parlé du financement des Sdis. Nous connaissons bien ces enjeux. Mon département a investi 22 millions d'euros en leur faveur. Nous attendons désormais le rapport de la Cour des comptes.

Enfin, il faut noter que les volontaires sont plus souvent face au feu que les professionnels.

M. Khalifé Khalifé. - L'amiante, qui libère des fibres cancérogènes après un incendie, est en bonne partie responsable des cancers en lien avec l'activité de sapeur-pompier. Néanmoins, nombre de pompiers logent dans des bâtiments construits dans les années 1960. Avez-vous établi un lien entre la présence d'amiante dans les casernes et les cancers ?

Mme Émilienne Poumirol, rapporteure. - L'article du journal Le Monde révèle l'ampleur de la contamination aux PFAS. Tous les pompiers testés montrent des signes de contamination, y compris à une molécule pourtant interdite depuis 2009.

Nous avons essayé de faire le lien entre des facteurs d'exposition et le risque de maladie professionnelle. Nous manquons de données, puisqu'il n'existe que deux études, la première datant d'il y a trente ans, la deuxième, d'une dizaine d'années.

Mme Raymonde Poncet Monge. - C'est significatif !

Mme Émilienne Poumirol, rapporteure. - C'est en effet significatif de l'intérêt que portent les pouvoirs publics en général à la santé des sapeurs-pompiers, dont ils vantent si souvent l'héroïsme.

La question des retardateurs de flamme est particulièrement problématique, comme l'a montré l'enquête de « Vert de rage ». Ceux-ci, présents dans tous les objets du quotidien, y compris les jouets ou les pyjamas pour bébés, sont souvent extrêmement toxiques.

Je veux insister sur le risque lié à la polyexposition. Les fumées contiennent un très grand nombre de substances nocives. En outre, les pompiers avaient souvent l'habitude de retirer leur ARI une fois le feu éteint, alors que les dernières fumerolles sont les fumées les plus toxiques... Il faut donc systématiser les analyses.

Madame Poncet-Monge, il est sans doute nécessaire de limiter les exercices dans les caissons. Je me sens un peu coupable, car j'ai été à l'origine de l'acquisition de superbes caissons d'entraînement dans mon département ! Néanmoins, nous avons redoublé de précaution, notamment à l'égard des formateurs, qui y passent de nombreuses heures.

Madame Gruny, il ne nous a pas été indiqué qu'il existait du matériel de meilleure qualité dans d'autres pays. Cela me semble assez peu probable, compte tenu de l'ampleur des travaux conduits en France en vue de l'élaboration d'un prototype de cagoules filtrantes.

Monsieur Khalifé, nous n'avons pas étudié spécifiquement la question des casernes. Néanmoins, les bâtiments qui sont construits aujourd'hui ne sont pas concernés par les problèmes d'amiante. En revanche, il peut exister des problématiques liées à l'agencement des locaux, par exemple lorsque les gaz d'échappement sont orientés vers les vestiaires, malgré la présence de circuits de décontamination.

Mme Anne-Marie Nédélec, rapporteure. - Vos questions rejoignent plusieurs problématiques que nous avons soulevées.

Il y a d'abord le manque de données, qui nous a fortement handicapées. Je ne m'attendais pas à de telles lacunes, car je pensais que les fiches d'intervention étaient bien plus complètes.

Par ailleurs, nous avons constaté l'insuffisance du suivi médical, notamment d'analyses régulières.

Il faut aussi tenir compte de l'adaptation des équipements aux dangers. Nous n'avons pas reçu d'informations sur l'existence de nouveaux équipements à l'étranger. Concernant les cagoules, la France est relativement en avance, mais nous serons confrontés à la question de leur coût. En effet, le prix d'une cagoule passera de 15 euros à 40 ou 50 euros.

Par ailleurs, 80 % de nos pompiers sont des volontaires. Les activités sont variables selon les pompiers, les pays - le secours à la personne prend ainsi une place importante dans le travail des sapeurs-pompiers français - et même les régions. Ainsi, nous avons voulu savoir si des pathologies particulières affectaient les sapeurs-pompiers du sud de la France, plus régulièrement exposés aux feux de forêt que ceux du nord. Aucune étude n'existe sur le sujet.

Nous avons besoin de plus d'éléments chiffrés, et de fiches d'exposition contenant des données précises.

Davantage de cancers doivent en outre pouvoir être présumés imputables à l'activité de sapeur-pompier. À ce titre, les deux seuls cancers pouvant l'être à ce jour ne le sont nulle part ailleurs dans le monde. Le Circ ne les a pas même évoqués ! Nous n'avons pas voulu proposer leur retrait de la liste, mais nous recommandons d'en ajouter plusieurs autres, pour lesquels le lien a été confirmé par le Circ ou jugé très probable.

Nous ne devons pas oublier les sapeurs-pompiers volontaires, qui peuvent être soumis à des substances cancérogènes dans le cadre de leur activité professionnelle. C'est sur eux, en effet, que repose l'essentiel de nos services de secours.

Enfin, il faut insister sur la prévention afin d'éviter le développement de cancers. De grands progrès ont été accomplis en la matière. Néanmoins, les formateurs nous l'ont dit : le pire ennemi du pompier reste souvent le pompier lui-même.

Les recommandations sont adoptées.

La mission d'information adopte, à l'unanimité, le rapport d'information et en autorise la publication.

Questions diverses

M. Philippe Mouiller, président. - Notre délégation organisera un déplacement au Canada du mardi 27 août au dimanche 1er septembre inclus. Il s'agira d'étudier les politiques d'indemnisation du chômage et de retour à l'emploi au Canada, notamment en matière de contracyclicité.

Outre moi-même, cette délégation comprendra deux membres du groupe Les Républicains, un membre du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, un membre du groupe Union centriste, et un membre du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky. Il reviendra à chacun de ces groupes de désigner les participants.

Mme Raymonde Poncet Monge. - Et le groupe Écologiste - Solidarité et Territoires ?

M. Philippe Mouiller, président. - Il ne sera pas représenté dans le cadre de ce déplacement. Le dernier poste de la délégation est affecté successivement à l'un des plus petits groupes du Sénat.

La réunion est close à 12 h 10.