Mardi 28 mai 2024

- Présidence de M. François-Noël Buffet, président -

La réunion est ouverte à 14 heures.

Proposition de loi encadrant l'intervention des cabinets de conseil privés dans les politiques publiques - Examen, en deuxième lecture, des amendements au texte de la commission

M. François-Noël Buffet, président. - Nous examinons les amendements au texte de la commission sur la proposition de loi encadrant l'intervention des cabinets de conseil privés dans les politiques publiques. Nous commençons par l'examen d'un amendement de la rapporteure.

EXAMEN DE L'AMENDEMENT DE LA RAPPORTEURE

Article 15

L'amendement rédactionnel n° 40 est adopté.

EXAMEN DES AMENDEMENTS AU TEXTE DE LA COMMISSION

Article 1er

Mme Cécile Cukierman, rapporteure. - L'amendement n°  26 du Gouvernement vise à exclure les établissements publics industriels et commerciaux (EPIC) du périmètre du texte, tout en incluant les centrales d'achat - nous avons d'ailleurs été nombreux à avoir été sollicités par la Régie autonome des transports parisiens (RATP), qui nous a fait part de sa volonté de ne pas se voir appliquer les dispositions prévues par cette proposition de loi, au motif qu'elles entraîneraient une distorsion de concurrence. Même s'il s'agit à mon sens d'une lecture erronée du texte, je propose un avis de sagesse sur cet amendement.

La commission s'en remet à la sagesse du Sénat sur l'amendement n° 26.

Mme Cécile Cukierman, rapporteure. - Avis défavorable à l'amendement n°  27, car il est contraire à la position de la commission.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 27, de même qu'aux amendements nos  22, 5 rectifié et 11.

Mme Cécile Cukierman, rapporteure. - Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable aux amendements identiques nos  12 rectifié et 23, qui visent à supprimer le décret d'application. La commission a imposé la semaine dernière que ce dernier soit soumis à l'examen du Conseil d'État.

La commission demande le retrait des amendements identiques nos 12 rectifié et 23 et, à défaut, y sera défavorable.

Mme Cécile Cukierman, rapporteure. - Avis défavorable à l'amendement n°  2, afin de ne pas alourdir la charge pesant sur les cabinets de conseil.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 2.

Article 1er bis (supprimé)

Mme Cécile Cukierman, rapporteure. - L'amendement n°  28, qui vise à réintégrer les collectivités territoriales dans le périmètre du texte, est contraire à la position de la commission. Avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 28.

Article 3

Mme Cécile Cukierman, rapporteure. - Avis défavorable à l'amendement n°  29. Cet amendement est la preuve que le Gouvernement n'applique pas les obligations que nous avons votées, pourtant à son initiative, dans la loi de finances pour 2023 !

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 29.

Mme Cécile Cukierman, rapporteure. - Avis également défavorable à l'amendement no  20. Le Sénat a estimé, en première lecture, que l'exception prévue pour les informations relatives au secret de la défense nationale est suffisante.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement no 20.

Mme Cécile Cukierman, rapporteure. - Avis favorable aux amendements identiques nos  13 rectifié et 24, qui prévoient la publication en données ouvertes des bons de commande ou des actes d'engagement et la mention des listes de prestations de conseil dans le rapport social unique (RSU).

La commission émet un avis favorable aux amendements identiques nos 13 rectifié et 24.

Après l'article 5

Mme Cécile Cukierman, rapporteure. - L'amendement n°  3 est contraire à la position de la commission. Avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 3.

Mme Cécile Cukierman, rapporteure. - Avis également défavorable à l'amendement n°  7 : il ne me semble pas utile d'inscrire dans la loi le principe de la subsidiarité du recours aux prestations extérieures de conseil.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 7, de même qu'à l'amendement n°  9.

Article 5 bis (supprimé)

Mme Cécile Cukierman, rapporteure. - L'amendement n°  1 rectifié est contraire à la position de la commission. Avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 1 rectifié.

Article 6

Mme Cécile Cukierman, rapporteure. - Avis défavorable à l'amendement n°  31 du Gouvernement, qui est contraire la position de la commission.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 31.

Article 10

Mme Cécile Cukierman, rapporteure. - Nous souhaitons préserver la rédaction adoptée par la commission la semaine dernière. Avis défavorable aux amendements nos  14 rectifié, 32 et 33.

La commission émet un avis défavorable aux amendements nos 14 rectifié, 32 et 33.

Article 11

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n°  15 rectifié.

Article 12

La commission émet un avis favorable aux amendements identiques nos  4 rectifié et 25.

Mme Cécile Cukierman, rapporteure. - Avis défavorable à l'amendement n°  10 : la saisine de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) ne saurait être calquée sur celle du Conseil constitutionnel.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 10.

Mme Cécile Cukierman, rapporteure. - L'amendement n°  34 est contraire à la position de la commission. Avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 34.

Article 13

Mme Cécile Cukierman, rapporteure. - Avis défavorable à l'amendement n°  35, qui est contraire à la position de la commission. Le régime de sanctions administratives apparaît plus adapté.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 35.

Article 14

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n°  36.

Article 15

Mme Cécile Cukierman, rapporteure. - Avis défavorable à l'amendement n°  37, mais avis favorable à l'amendement n°  16, qui vise à créer un motif d'exclusion de plein droit des procédures de passation pour les condamnations pour faux témoignage.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 37. Elle émet un avis favorable à l'amendement n° 16.

Article 16

Mme Cécile Cukierman, rapporteure. - Avis défavorable à l'amendement n°  38 du Gouvernement, qui vise à réécrire l'article 16.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 38.

Après l'article 16

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n°  8.

Article 17

Mme Cécile Cukierman, rapporteure. - Avis défavorable aux amendements identiques nos  17 et 18, qui visent à octroyer un pouvoir de sanction à la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) sur l'usage des données non personnelles.

La commission émet un avis défavorable aux amendements identiques nos 17 et 18.

Article 18

Mme Cécile Cukierman, rapporteure. - Même si je comprends l'intérêt que présente l'amendement n°  6 rectifié, qui permettrait de contourner l'extraterritorialité du droit américain, je m'interroge sur sa portée opérationnelle. En effet, avons-nous l'offre nécessaire en matière d'informatique en nuage sécurisée ? C'est pourquoi je vais proposer de solliciter l'avis du Gouvernement.

La commission demande l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 6 rectifié.

Article 19

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n°  39.

Le sort de l'amendement du rapporteur examiné par la commission est retracé dans le tableau suivant :

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Article 15r

Mme CUKIERMAN, rapporteur

40

Amendement rédactionnel

Adopté

La commission a donné les avis suivants sur les autres amendements de séance :

Auteur

Objet

Avis de la commission

Article 1er

Le Gouvernement

26

Exclusion des EPIC du périmètre du texte et intégration des centrales d'achat

Sagesse

Le Gouvernement

27

Fixation d'un seuil de 200 millions d'euros pour l'application du texte aux établissements publics de santé

Défavorable

M. BOCQUET

22

Extension des prestations informatiques concernées par le texte

Défavorable

Mme BLATRIX CONTAT

5 rect.

Reìinteìgration des prestations de reìalisations informatiques dans le champ d'application de la proposition de loi

Défavorable

Mme Nathalie GOULET

11

Réintégration des prestations de conseil relatives aux prestations de l'État et des prestations de conseil réalisées par les banques dans le périmètre du texte

Défavorable

M. BAZIN

12 rect. bis

Suppression du décret d'application

Demande de retrait

M. BOCQUET

23

Suppression du décret d'application

Demande de retrait

M. BENARROCHE

2

Obligation, pour les prestataires de conseil, de présenter à l'administration bénéficiaire les scénarii qu'ils n'ont pas retenus

Défavorable

Article 1er bis (Supprimé)

Le Gouvernement

28

Réintégration des collectivités territoriales dans le périmètre du texte

Défavorable

Article 3

Le Gouvernement

29

Publication de la liste des prestations réalisées l'année précédente, au lieu des cinq années précédentes

Défavorable

Mme DURANTON

20

Exclusion des marchés de défense et de sécurité du périmètre du texte

Défavorable

M. BAZIN

13 rect. bis

Publication en format ouvert du bon de commande ou l'acte d'engagement lorsque la prestation de conseil se rattache à un accord-cadre et mention des prestations de conseil dans le rapport social unique de l'administration concernée

Favorable

M. BOCQUET

24

Publication en format ouvert du bon de commande ou l'acte d'engagement lorsque la prestation de conseil se rattache à un accord-cadre et mention des prestations de conseil dans le rapport social unique de l'administration concernée

Favorable

Article additionnel après l'article 5

M. BENARROCHE

3

Interdiction aux prestataires et aux consultants de réaliser une prestation auprès d'une administration dans les cinq ans suivant une action de mécénat

Défavorable

M. HOCHART

7

Subsidiarité du recours aux prestations extérieures de conseil

Défavorable

M. HOCHART

9

Clause de préférence nationale au sein des contrats

Défavorable

Article 5 bis (Supprimé)

M. BENARROCHE

1 rect.

Interdiction du recours à des consultants pour la rédaction des études d'impact et pour la rédaction de l'exposé des motifs des projets de loi

Défavorable

Article 6

Le Gouvernement

31

Restrictions à la publication des évaluations (prise en compte des secrets protégés par le CRPA)

Défavorable

Article 10

M. BAZIN

14 rect. bis

Rétablissement de la rédaction de l'article adoptée à l'Assemblée nationale

Défavorable

Le Gouvernement

32

Suppression de l'obligation faite aux conjoints, partenaires ou concubins d'un consultant de déclarer leurs activités professionnelles

Défavorable

Le Gouvernement

33

Suppression de l'obligation pour les consultants de déclarer les activités bénévoles passées et en cours

Défavorable

Article 11

M. BAZIN

15 rect. bis

Publication en données ouvertes des actions de démarchage, de prospection et de mécénat des cabinets de conseil

Défavorable

Article 12

M. BENARROCHE

4 rect.

Rétablissement de l'ouverture du droit de saisine de la HATVP aux organisations syndicales de fonctionnaires

Favorable

M. BOCQUET

25

Rétablissement de l'ouverture du droit de saisine de la HATVP aux organisations syndicales de fonctionnaires

Favorable

M. HOCHART

10

Ouverture de la saisine de la HATVP à 60 députés ou 60 sénateurs

Défavorable

Le Gouvernement

34

Suppression du pouvoir de contrôle sur place de la HATVP

Défavorable

Article 13

Le Gouvernement

35

Remplacement du régime de sanctions administratives par un régime de sanctions pénales

Défavorable

Article 14

Le Gouvernement

36

Suppression de la commission des sanctions de la HATVP

Défavorable

Article 15

Le Gouvernement

37

Suppression de l'article 15

Défavorable

Mme Nathalie GOULET

16

Création d'un motif d'exclusion de plein droit des procédures de passation pour les condamnations pour faux témoignage

Favorable

Article 16

Le Gouvernement

38

Intégration du secteur du conseil dans le régime de droit commun de contrôle des mobilités entre l'administration et le privé

Défavorable

Article additionnel après Article 16

M. HOCHART

8

Encadrement de la reconversion vers le secteur du conseil des détenteurs d'un emploi de l'« article 13 Constitution »

Défavorable

Article 17

Mme LINKENHELD

17

Octroi d'un pouvoir de sanction à la CNIL sur l'usage des données non-personnelles

Défavorable

Mme MORIN-DESAILLY

18 rect.

Octroi d'un pouvoir de sanction à la CNIL sur l'usage des données non-personnelles

Défavorable

Article 18

Mme BLATRIX CONTAT

6 rect.

Réalisation d'un audit de protection des données vis-à-vis des autoriteìs publiques d'Eìtats tiers

Avis du Gouvernement

Article 19

Le Gouvernement

39

Suppression de l'article 19

Défavorable

La réunion est close à 14 h 10.

Mercredi 29 mai 2024

- Présidence de M. François-Noël Buffet, président -

La réunion est ouverte à 10 heures.

Proposition de loi visant à prévenir les ingérences étrangères - Désignation d'un candidat pour faire partie de la commission mixte paritaire

La commission soumet au Sénat la nomination de M. Jean-Baptiste Lemoyne, en remplacement de Mme Nicole Duranton, comme membre titulaire de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à prévenir les ingérences étrangères en France.

Proposition de loi visant à permettre l'élection du maire d'une commune nouvelle en cas de conseil municipal incomplet - Désignation d'un rapporteur

La commission désigne Mme Nadine Bellurot rapporteure sur la proposition de loi n° 551 rectifiée (2023-2024) visant à permettre l'élection du maire d'une commune nouvelle en cas de conseil municipal incomplet, présentée par Mme Annick Billon, M. Bruno Retailleau, Mme Françoise Gatel et plusieurs de leurs collègues.

Mission d'information sur l'évolution institutionnelle de la Corse - Communication

M. François-Noël Buffet, président. - Mes chers collègues, je vous rappelle que, le 7 mai dernier, nous avons décidé de mettre en place une mission d'information sur l'évolution institutionnelle de la Corse, pour laquelle j'ai été désigné rapporteur. J'avais demandé à chaque groupe politique de désigner un sénateur pour y participer. J'ai donc reçu les candidatures suivantes : pour le groupe Les Républicains, Lauriane Josende ; pour le groupe Union Centriste, Philippe Bonnecarrère ; pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, Éric Kerrouche ; pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, Olivier Bitz ; pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste - Kanaky, Cécile Cukierman ; pour le groupe Les Indépendants - République et Territoires, Louis Vogel ; pour le groupe Rassemblement Démocratique et Social Européen, Michel Masset ; pour le groupe Écologiste - Solidarité et territoires, Mélanie Vogel.

Il en est ainsi décidé.

Mission d'information sur l'évolution institutionnelle de la Corse - Audition de M. Amaury de Saint-Quentin, préfet de Corse, préfet de la Corse-du-Sud (en téléconférence)

M. François-Noël Buffet, président, rapporteur. - Monsieur le préfet, alors que le Gouvernement et les élus corses mènent depuis plusieurs mois des négociations, auxquelles le Parlement n'est pas associé, sur l'évolution du statut de la Corse, la commission des lois a souhaité créer une mission d'information sur l'évolution institutionnelle de l'île.

La mission d'information débute aujourd'hui ses travaux avec votre audition. Elle entendra également, le 5 juin prochain, Gilles Simeoni, président du conseil exécutif de la collectivité de Corse (CDC).

Une délégation de la commission se rendra à Ajaccio les 10 et 11 juin 2024 pour rencontrer les représentants de la CDC, les représentants des maires, ainsi que les acteurs socio-économiques. Puis, la mission poursuivra ses travaux par des auditions, notamment d'universitaires, au Sénat.

Ces différents travaux doivent permettre de dresser le bilan des demandes d'évolution statutaire, pour déterminer les voies et moyens d'une meilleure adaptation du régime institutionnel de la Corse aux particularités de ce territoire.

Cette première audition a pour but de dresser un panorama des compétences de la CDC, puisqu'il s'agit d'une collectivité à statut particulier, ce qui la distingue des autres régions de l'Hexagone, et de procéder à une présentation des relations de la collectivité avec l'État. Elle doit nous permettre de clarifier la situation actuelle, afin de cerner précisément le point de départ du souhait d'évolution institutionnelle exprimé par de nombreux élus de la collectivité, souhait ayant donné lieu à des échanges déjà nourris avec l'État.

Nous souhaitons aussi savoir si la CDC exerce bien l'ensemble de ses compétences et, si ce n'est pas le cas, connaître les raisons pour lesquelles elle ne les exerce pas toutes. Enfin, nous aimerions savoir quelles compétences exercées par l'État pourraient, le cas échéant, être mieux exercées par la collectivité de Corse.

M. Amaury de Saint-Quentin, préfet de Corse, préfet de la Corse-du-Sud. - La Corse est un territoire d'exception : exception évidemment pour les 2 millions à 3 millions de visiteurs qui y viennent chaque année en villégiature et qui la perçoivent comme une magnifique carte postale, mais exception aussi du fait son histoire et de ses institutions, ainsi que des moyens considérables que l'État mobilise pour son développement.

La Corse est une île-montagne. La dimension « montagne » est importante à rappeler, car elle est synonyme de nombreuses contraintes.

C'est la troisième île de Méditerranée par sa superficie, avec 8 700 kilomètres carrés, et la moins densément peuplée, avec seulement 39 habitants par kilomètre carré.

La Corse, c'est aussi un patrimoine environnemental et paysager remarquable, avec notamment le parc naturel marin le plus vaste de métropole, en l'occurrence le Cap Corse, et sept réserves naturelles.

La Corse compte environ 350 000 habitants, dont plus de la moitié sont aujourd'hui concentrés sur le littoral, en particulier dans les principales villes et leur périphérie. Cette population a la particularité d'augmenter en moyenne de plus de 1 % par an ; c'est la croissance la plus dynamique des régions métropolitaines. Une telle évolution est essentiellement due au solde migratoire favorable : entre 3 000 et 4 000 personnes s'installent en Corse chaque année. Le solde naturel est très négatif sur l'île, qui abrite une population en moyenne plus âgée qu'en métropole. Près de 18 % des Corses vivent sous le seuil de pauvreté ; c'est le taux le plus élevé des régions métropolitaines.

L'économie de l'île s'organise principalement autour du tourisme, qui représente 39 % à 40 % du produit intérieur brut (PIB), notamment dans les secteurs de l'hôtellerie et de la restauration. La saisonnalité est forte : l'économie s'organise d'avril à octobre, avec une arrière-saison de plus en plus prolongée du fait de l'évolution du climat.

La construction est le deuxième pilier de l'économie insulaire, avec un parc de logements qui se caractérise par une surreprésentation des résidences secondaires : celles-ci représentent un peu moins de 29 % des logements, soit en moyenne trois fois plus que la province sur le continent. L'offre de logements sociaux est faible, et l'accès au logement pour les jeunes actifs dans les principaux bassins de vie que sont, notamment, Ajaccio et Bastia est difficile.

Il convient également de souligner la surreprésentation des administrations publiques, la faiblesse de l'industrie locale - deux fois moins développée qu'en moyenne nationale - et la petitesse de l'activité agricole. Certes, on parle beaucoup des charcuteries corses, de la clémentine corse et des bons produits de la vitiviniculture corse, mais l'agriculture ne représente que 1,3 % du PIB.

Les entreprises corses sont constituées principalement de très petites entreprises (TPE) et de petites et moyennes entreprises (PME), et l'île présente la densité artisanale la plus forte de France.

Dans un contexte de fortes tensions en matière de recrutement, la Corse a un taux de chômage de 6,5 %, nettement inférieur à la moyenne nationale.

Compte tenu de la faiblesse de l'intensité concurrentielle - c'est le cas dans la plupart des îles -, et du coût des transports, les prix à la consommation sont supérieurs à ceux du continent. La cherté de la vie est également très visible en matière de gestion des déchets, qui coûte en moyenne deux fois et demie plus cher qu'au niveau national.

J'en viens aux institutions et aux compétences de la collectivité de Corse, qui marquent une spécificité de ce territoire.

Comme vous le savez, la collectivité de Corse est une collectivité territoriale à statut particulier relevant de l'article 72 de la Constitution. Il s'agit de la collectivité territoriale la plus décentralisée de métropole. Quatre statuts particuliers se sont succédé depuis 1982. Le dernier a été instauré par la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe), qui a créé, au 1er janvier 2018, la nouvelle collectivité de Corse (CDC) pour se substituer à la collectivité territoriale de Corse (CTC) et aux conseils départementaux de Corse-du-Sud et de Haute-Corse. Les deux départements de Corse subsistent néanmoins en tant que divisions territoriales de la République et circonscriptions administratives de l'État. Ils demeurent également en tant que circonscriptions d'élection d'un sénateur chacun.

La CDC diffère des conseils régionaux. Ses deux principaux organes sont l'assemblée de Corse, avec soixante-trois membres, et le conseil exécutif de Corse, avec onze membres. Chacun est doté d'un président : Gilles Simeoni pour le conseil exécutif de Corse et Marie-Antoinette Maupertuis pour l'assemblée de Corse.

Autre particularité, l'exécutif prépare et exécute les délibérations de l'assemblée de Corse et, chaque année, le président du conseil exécutif rend compte à cette dernière de son action dans un rapport spécial décrivant notamment la situation de la collectivité territoriale, son activité et le financement des différents services et des organismes qui en dépendent.

En plus de bénéficier des services de la collectivité de Corse, les deux organes sont assistés par une chambre des territoires, créée en 2018 pour maintenir un lien étroit avec les collectivités de niveau infra-territorial, et par le conseil économique, social et environnemental de Corse (CESEC).

En sus des compétences de droit commun des régions et des départements - il s'agit d'un point très important -, la collectivité a conservé sa clause générale de compétence et dispose de compétences particulières fixées par le code général des collectivités territoriales, notamment dans les onze domaines suivants : l'éducation et la formation, la culture et la communication, le tourisme, le sport et l'éducation populaire, la planification de l'urbanisme et l'aménagement, les transports, le logement, le développement économique, l'environnement, l'eau et l'assainissement, ainsi que l'énergie.

La CDC dispose également de la faculté d'émettre des propositions d'adaptation des lois et règlements aux spécificités de la Corse. Elle est systématiquement consultée sur les projets et propositions de loi ou de décret intéressant l'île.

Je souhaite entrer dans le détail des compétences particulières dont dispose désormais la collectivité de Corse. Les éléments que je vais vous donner sont extraits des articles L. 4421-1 et suivants du code général des collectivités territoriales.

En matière d'éducation et de formation, en plus de disposer des compétences habituelles des régions et des départements, la CDC finance les établissements d'enseignement professionnel, les établissements d'enseignement artistique, les établissements d'éducation spéciale, les lycées professionnels maritimes et les centres d'information et d'orientation. Elle arrête le programme des formations et le programme des équipements de l'Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes (Afpa) pour la Corse. Dans le cadre de l'enseignement supérieur, elle adopte le plan de développement de la langue et de la culture corses. D'une manière générale, la CDC mène des actions spécifiques pour le développement de la langue et de la culture corses, qui revêtent une importance toute particulière dans l'île, en complémentarité avec l'éducation nationale.

En matière de culture et de communication, la CDC contribue à promouvoir la réalisation de programmes de télévision et de radiodiffusion concernant notamment la langue et la culture corses. En Corse, la politique culturelle a été entièrement décentralisée, à l'exception de ses composantes les plus régaliennes que sont, notamment, les monuments historiques et l'archéologie préventive. En d'autres termes, les services de l'État en la matière, notamment la direction régionale des affaires culturelles (Drac), sont assez réduits dans ce domaine.

En matière de tourisme, la CDC dispose de compétences étendues. Elle détermine et met en oeuvre les orientations du développement touristique de l'île. Elle définit, met en oeuvre et évalue la politique du tourisme de la Corse et les actions de promotion à mener. Elle prononce le classement des communes « stations touristiques », détermine les règles de procédure relatives à l'instruction des demandes d'agrément ou de classement des hôtels et résidences de tourisme, des terrains de camping aménagé et des villages de vacances.

En matière de sport et d'éducation populaire, la CDC est attributaire des subventions du Fonds national pour le développement du sport (FNDS) destinées aux groupements sportifs locaux, et elle est chargée de les affecter. Elle est compétente pour conduire les actions en matière de promotion des activités physiques et sportives, d'éducation populaire et d'information de la jeunesse. Elle peut être chargée de la mise en oeuvre d'actions relevant de la politique nationale. À ma connaissance, cette faculté n'a pas été utilisée à ce stade.

En matière de planification de l'urbanisme et d'aménagement, la CDC élabore le plan d'aménagement et de développement durable de la Corse (Padduc), qui est en quelque sorte l'équivalent des schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (Sraddet) dans les autres régions. Depuis 2015, le Padduc traduit le projet d'aménagement de la Corse à l'horizon 2040 en matière de développement sociétal, de développement économique, de protection et de gestion environnementales, aussi bien pour la montagne que pour le littoral et la mer, notamment les aires marines. Ce Padduc sert de cadre de référence aux documents d'urbanisme. À ce titre, il doit notamment préciser les modalités d'application des lois dites « Littoral » et « Montagne » en fonction des particularités géographiques locales. Il définit le périmètre, la vocation et les usages de certains espaces stratégiques, notamment agricoles et environnementaux, au regard des enjeux de préservation et de développement. Il doit également intégrer, d'ici au mois de novembre 2024, un cadrage de la déclinaison en Corse de l'objectif « zéro artificialisation nette » (ZAN).

En matière de transports, les lignes de chemin de fer et tous les ports de commerce sont propriété de la CDC, ainsi que certains ports de pêche et de plaisance. Il en est de même des quatre principaux aéroports de la Corse que sont Ajaccio, Bastia, Calvi et Figari. La CDC exploite elle-même les transports ferroviaires propres à la Corse via un établissement dédié, « Les Chemins de fer de la Corse », et la SNCF a cessé toute activité dans l'île depuis 2012. Au titre de la continuité territoriale, la CDC est l'autorité organisatrice des transports et des liaisons aériennes et maritimes entre la Corse et le continent français. Pour les réguler, elle adopte, le cas échéant, des obligations de service public (OSP) et met en place des délégations de service public (DSP) lorsque les OSP ne suffisent pas à satisfaire par elles-mêmes le besoin de service public. Enfin, toutes les routes nationales, régionales et départementales ont été transférées à la CDC, qui est également autorité organisatrice des mobilités (AOM) pour les transports non urbains de voyageurs.

En matière de logement, la CDC définit, dans le cadre du plan de développement, ses priorités en matière d'habitat, notamment au vu des propositions qui lui sont adressées par les communes. L'assemblée de Corse, sur proposition du conseil exécutif, arrête la répartition entre les programmes d'accession à la propriété, de construction de logements locatifs neufs et d'amélioration de l'habitat existant, des aides attribuées par l'État sous forme de bonifications d'intérêts ou de subventions.

En matière de développement économique, le champ d'intervention spécifique dévolu à la collectivité de Corse en sus des compétences de droit commun est relativement réduit, car les prescriptions de l'Union européenne interdisent les aides susceptibles de fausser, ou de menacer de fausser la concurrence. La CDC peut uniquement, lorsque son intervention a pour objet de favoriser le développement économique local, accorder des aides à la création ou au développement des entreprises, en complément de celles qui peuvent être accordées par les conseils régionaux sur le continent.

En matière d'environnement, la CDC contrôle la gestion des différentes réserves naturelles en Corse et dispose du pouvoir d'en créer de nouvelles sur des espaces présentant un intérêt pour la faune, la flore, le patrimoine géologique ou paléontologique ou, d'une manière générale, pour la protection des milieux naturels. Elle en anime la gouvernance. Elle fixe les conditions d'institution et de fonctionnement des réserves de chasse. Elle préside et fixe la composition et les règles de fonctionnement du comité de massif, alors que celui-ci relève d'un préfet de massif assisté d'un commissariat de massif sur le continent. Elle répartit les crédits relatifs à la montagne qu'elle perçoit sous forme de subventions globales.

En matière d'eau et d'assainissement, la CDC doit mettre en oeuvre une gestion équilibrée des ressources en eau. Le schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux (Sdage) est élaboré sur son initiative par le comité de bassin, qu'elle organise et préside, alors que celui-ci est présidé par le préfet coordonnateur de bassin sur le continent. La collectivité détermine la procédure d'élaboration du schéma directeur et approuve le document proposé par le comité de bassin. Elle crée également la commission locale de l'eau ; elle en précise la composition et les règles de fonctionnement. Elle est responsable de l'élaboration des projets de territoire pour la gestion de l'eau (PTGE). Elle aménage et gère l'ensemble des ressources hydrauliques, par le biais d'un opérateur spécifique, l'office d'équipement hydraulique de Corse (OEHC). Celui-ci met en oeuvre le régime de tarification de l'eau au forfait.

En matière d'énergie, la collectivité définit, avec l'État, la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) de Corse, dans la mesure où l'île est une zone non interconnectée (ZNI) avec le continent, alors que l'Hexagone est soumis à une PPE unique.

La CDC élabore le schéma régional du climat, de l'air et de l'énergie (SRCAE). Elle organise et préside le conseil de l'énergie, de l'air et du climat de Corse. Elle met en oeuvre le programme de prospection, d'exploitation et de valorisation des ressources énergétiques. Elle est préalablement consultée sur tout projet d'implantation d'un ouvrage de production utilisant les ressources énergétiques locales.

Au-delà de ces onze compétences particulières, dont elle dispose en sus du droit commun, la CDC a le pouvoir de formuler des propositions d'adaptation des lois et des règlements pour la Corse. Elle peut ainsi demander de modifier ou d'adapter les dispositions réglementaires relatives à l'organisation et au fonctionnement des collectivités territoriales en Corse, ou au développement économique, social et culturel. Elle est systématiquement consultée sur les projets de lois ou de décrets qui concernent l'île.

Je tiens à souligner l'organisation particulière de la CDC : autour d'un noyau administratif central gravitent un certain nombre d'agences et d'offices. Pour mettre en oeuvre ses politiques, la collectivité dispose d'un nombre croissant d'établissements publics - dix à ce jour - qui sont placés sous sa tutelle. La Cour des comptes leur a consacré un chapitre entier de son rapport annuel de 2020, intitulé Les agences et offices de Corse : une réforme nécessaire.

La loi de 1991 portant statut de la collectivité territoriale de Corse a transféré à la CDC trois offices qui étaient placés précédemment sous la tutelle de l'État : l'office des transports de la Corse (OTC), chargé de l'organisation des transports entre la Corse et le continent ; l'office du développement agricole et rural de Corse (Odarc), chargé de la gestion des aides agricoles et rurales, notamment des aides au titre du 2e pilier de la politique agricole commune (PAC) et des fonds européens ; et enfin l'office d'équipement hydraulique de Corse (OEHC), chargé de l'aménagement et de la gestion des ressources brutes en eau ainsi que, plus marginalement, d'activités de distribution d'eau potable pour les collectivités locales.

La loi de 1991 a également créé deux nouveaux établissements sous la tutelle de la collectivité : l'office de l'environnement de la Corse (OEC), chargé de la gestion des déchets et des réserves naturelles, et l'agence du tourisme de la Corse (ATC), qui définit les stratégies de développement et de promotion touristiques.

La CDC a créé, de son côté, deux agences : l'agence de développement économique de la Corse (Adec), mise en place en 1992, qui est responsable de l'élaboration de stratégies d'aide au développement et d'animation des filières, et l'agence d'aménagement durable, d'urbanisme et d'énergie de la Corse (AUC), qui a été créée en 2011 et assure notamment l'exécution du Padduc et de la PPE.

La loi du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové (Alur) a créé l'office foncier de la Corse (OFC), qui constitue un établissement public sui generis : sa mission est de constituer des réserves foncières pour les collectivités locales.

Chacun de ces huit établissements publics est présidé par un membre du conseil exécutif de Corse. Son président, Gilles Simeoni, préside ainsi lui-même l'OFC.

Ces huit établissements comptaient 618 collaborateurs en 2023, tandis que les services de la collectivité en comptabilisaient environ 4 300.

Lors de la création de la collectivité unique en 2018, l'office de l'habitat de la Haute-Corse est devenu l'office public de l'habitat de Corse ; l'office de l'habitat de la Corse-du-Sud avait été transféré en 2017 par le conseil départemental à la communauté d'agglomération du pays ajaccien (Capa).

Les Chemins de fer de la Corse (CFC), qui constituaient autrefois une société anonyme d'économie mixte locale exerçant une délégation de service public, sont devenus, le 1er janvier 2024, un établissement public industriel et commercial (Épic), qui est placé sous la tutelle de la CDC.

Un onzième établissement public sous la tutelle de la collectivité devrait voir le jour : une étude de faisabilité a ainsi été réalisée en 2022, en application de la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises (Pacte), sur un possible transfert de tutelle à la CDC de la chambre régionale de commerce et d'industrie et de la chambre des métiers et de l'artisanat de Corse. Les discussions se poursuivent sur ce sujet très complexe entre le Gouvernement et les parties prenantes insulaires.

J'en viens maintenant aux relations entre la collectivité de Corse et l'État

Depuis ma prise de fonction en mars 2022, j'entretiens une relation fluide et constructive avec le président du conseil exécutif de Corse, Gilles Simeoni. Nous avons pu ainsi avancer sur des dossiers importants pour le développement du territoire.

Dans le domaine de l'énergie, après une longue négociation, nous avons abouti à un accord en mars 2023 pour réviser la PPE de la Corse. Nous avons ainsi validé le choix d'utiliser la biomasse liquide comme carburant dans les deux centrales thermiques de l'île. La centrale de Lucciana fonctionne actuellement au fioul léger ; elle devrait utiliser de la biomasse liquide à partir de 2026. La future centrale ajaccienne du Ricanto remplacera en 2027 ou en 2028 celle du Vazzio, qui est installée près d'Ajaccio. Ce dossier traînait depuis 2011... Je viens de signer le permis de construire. Cette centrale est prise en compte dans la PPE. Cet accord a également débouché sur l'octroi d'une aide de 200 millions d'euros par le Gouvernement à la collectivité de Corse sur dix ans, afin d'accompagner la conversion aux énergies renouvelables des 26 000 foyers et entreprises jusqu'alors alimentés au gaz et au pétrole liquéfié, notamment dans les bassins d'Ajaccio et de Bastia.

Nous avons aussi avancé sur la question de la gestion des déchets, sujet qui revêt une importance toute particulière en Corse, car le tri y est moins développé que sur le continent. Nous avons mené un travail fructueux avec les services de la collectivité afin de trouver les moyens de réduire les volumes de déchets ultimes enfouis chaque année dans les deux centres de stockage insulaires. Ce travail en commun a permis de faire évoluer le plan territorial de prévention et de gestion des déchets, afin qu'il soit aligné sur les orientations nationales et sur les directives européennes. Lorsque j'ai pris mes fonctions, un blocage prévalait sur ce sujet depuis plusieurs mois. Grâce aux échanges et aux négociations que nous avons menés, j'ai pu émettre un avis favorable sur le futur plan.

Nous avons également mobilisé des aides de l'État en faveur de l'opérateur compétent en matière de déchets, l'OEC, notamment pour financer une étude sur la valorisation des combustibles solides de récupération que produiront les futurs centres de tri de l'île à partir de 2028. Le premier centre est en cours de réalisation à Monte, près de Bastia. Il est financé à hauteur de 80 % par l'État.

L'État, via l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), oeuvre de concert avec l'office compétent de la collectivité dans le cadre d'une multitude d'appels à projets conjoints, afin d'accompagner les acteurs publics et privés pour réduire les déchets, lutter contre le gaspillage alimentaire ou encore développer l'économie circulaire.

Parmi les particularités de ce territoire, il faut souligner l'ampleur des moyens apportés par l'État. En février 2018, le Président de la République a annoncé la mise en oeuvre, à partir de 2021, sous l'égide du préfet de Corse, d'un nouveau plan pluriannuel d'investissement de l'État en Corse : le plan de transformation et d'investissement pour la Corse (PTIC). Celui-ci a ainsi succédé au programme exceptionnel d'investissement (PEI), qui avait permis la réalisation d'opérations en Corse pour un montant de 1,9 milliard d'euros, grâce à une aide de l'État de plus de 1,2 milliard d'euros sur vingt ans. Le nouveau plan vise à poursuivre l'engagement financier exceptionnel de l'État sur l'île, afin de soutenir la réalisation des projets structurants de développement nécessaires : 500 millions d'euros seront ainsi engagés par l'État entre 2021 et 2027. La moitié de ces crédits permettra de soutenir les opérations structurantes portées par le bloc communal. L'autre moitié de l'enveloppe bénéficiera aux projets de niveau régional, menés par la CDC.

En juillet 2022, lorsque je suis arrivé, le dossier était bloqué, en raison de tensions entre l'État et la CDC. J'ai repris le dialogue et nous avons pu parvenir à un accord sur le PTIC. Depuis lors, près de 37 millions d'euros de crédits ont été délégués par l'État à la CDC, notamment pour accompagner la réalisation de neuf opérations structurantes, principalement dans le domaine de l'eau, afin de rendre l'île plus résiliente face au changement climatique.

Sur l'enveloppe de 500 millions du PTIC, 213 millions ont été programmés au travers de contrats de projet avec les différents maîtres d'ouvrage locaux concernés. Grâce aux bonnes relations que j'entretiens avec la CDC, je me suis attaché, depuis ma prise de fonction, à renouer les échanges techniques qui étaient à l'arrêt, notamment sur le contrat de plan État-région (CPER) pour la période 2021-2027. Nous devrions pouvoir procéder à une signature conjointe du document d'ici à la fin de l'année 2024.

J'en viens maintenant à la question du rôle de la préfecture et de la collectivité de Corse dans les échanges sur une éventuelle évolution institutionnelle de l'île.

Ces échanges ont été placés sous l'égide du ministre de l'Intérieur à la demande du Président de la République. Ce processus dit « de Beauvau », portant sur un éventuel statut d'autonomie de la Corse, a été lancé après les violences de mars 2022, à la suite du décès d'Yvan Colonna.

Un comité stratégique (Costrat) a été mis en place. Il associe des représentants de l'État et certains représentants politiques de l'île : les parlementaires de l'île, le président du conseil exécutif de Corse, la présidente de l'assemblée de Corse, les représentants des groupes politiques, les présidents des associations des maires et les maires d'Ajaccio et de Bastia.

Outre les discussions relatives à un éventuel nouveau projet institutionnel pour l'île et au regard des analyses diligentées par la direction générale des collectivités locales (DGCL), notamment celle portant sur le statut des grandes îles de Méditerranée, ce « Costrat » devait également permettre de faire le point sur une série de thématiques afin de partager les constats et d'envisager les mesures à adopter, sans attendre l'avènement d'une éventuelle réforme institutionnelle.

Les thématiques retenues lors du premier « Costrat » réuni le 21 juillet 2022 étaient les suivantes : le modèle économique et social ; la lutte contre la spéculation ; l'aménagement ; l'urbanisme ; le logement ; l'agriculture ; les finances et la fiscalité ; l'autonomie énergétique et les questions environnementales ; la jeunesse et la formation ; la santé ; la langue, la culture, le peuple et l'identité corses et, enfin, les infrastructures.

Après le deuxième « Costrat », réuni le 16 septembre 2022, les travaux ont été suspendus pendant plusieurs mois à l'initiative des parties prenantes insulaires qui appelaient de leurs voeux des décisions de justice favorables à un rapprochement des deux derniers détenus corses membres du commando Érignac. À la suite d'une décision de justice favorable à un régime de semi-liberté pour l'un de ces détenus rendue en janvier 2023, le processus des « Costrat » a repris.

C'est à l'occasion de cette reprise que le Président de la République a assisté au « Costrat » du 24 février 2023 : il a alors réaffirmé son soutien au processus de discussion. Par la suite, la réunion de la même instance en date du 7 juin 2023 a permis de croiser les regards dans les domaines du foncier, de l'urbanisme et du logement, et d'établir un calendrier précis pour recueillir les propositions des élus insulaires en matière de réforme constitutionnelle, afin de favoriser une plus grande autonomie de l'île.

Mettant les échanges thématiques que j'évoquais précédemment de côté, les étapes suivantes se sont alors focalisées sur des discussions institutionnelles : une première délibération en ce sens a été adoptée par l'Assemblée de Corse le 5 juillet 2023, sans pouvoir d'ailleurs réconcilier les points de vue entre les différents groupes nationalistes. Lors de son voyage officiel dans l'île le 28 septembre 2023, le Président de la République est intervenu devant l'Assemblée de Corse et a déclaré qu'il souhaitait disposer, dans les six mois, d'un projet d'écritures constitutionnelles rassemblant le plus largement possible les forces vives de la Corse et suscitant l'accord des groupes de l'assemblée de l'île.

Après plusieurs séances de travail à Paris présidées par le ministre de l'Intérieur et des outre-mer - la dernière réunion date du 11 mars 2024 -, l'assemblée de Corse a pu adopter, le 27 mars 2024, un projet d'écritures constitutionnelles qui est venu clore le « processus de Beauvau » engagé deux ans plus tôt.

Dans ce cadre, mon rôle, et celui de mes services, a surtout consisté à apporter un éclairage sur la situation de la Corse, en fournissant notamment des notes techniques pour préparer et animer les échanges thématiques lors des « Costrat ». La participation s'est limitée, du côté du préfet de région, du préfet de Haute-Corse et des services de l'État sur l'île, à cette contribution technique.

M. Philippe Bonnecarrère. - Merci pour cette présentation particulièrement instructive. Le contrôle de légalité en Corse appelle-t-il des observations particulières de votre part ?

M. Éric Kerrouche. - Les évolutions institutionnelles envisagées vous paraissent-elles souhaitables ? Par ailleurs, combien de demandes d'adaptation la CDC a-t-elle envoyées ? Combien d'entre elles ont reçu une réponse du Gouvernement ?

M. Dany Wattebled. - Que contient le dernier protocole d'autonomie ?

M. Amaury de Saint-Quentin. - Le contrôle de légalité ne soulève pas de difficultés particulières, même si un certain nombre de sujets, dont l'urbanisme, sont plus sensibles en Corse que dans d'autres territoires. Globalement, les dossiers sont traités avec la même volonté et le même souci d'efficacité qu'ailleurs : pour ce faire, j'ai centralisé le contrôle de légalité au niveau de la préfecture de région afin de disposer d'une vision exhaustive des enjeux et de mieux comprendre certaines situations, avec l'objectif d'apporter des réponses adaptées. La seule difficulté, qui n'est pas spécifique à la Corse, a trait aux moyens dont nous disposons pour assurer ce contrôle de légalité, car nous souhaiterions souvent faire plus en matière d'urbanisme, de marchés publics et de fonction publique territoriale, mais ne disposons pas des ressources nécessaires.

Concernant la pertinence de l'évolution institutionnelle, il m'est délicat de répondre à une question éminemment politique qui relève, par définition, du Gouvernement et du Parlement. Je vous laisserai donc apprécier la pertinence de tels changements. Vous aurez remarqué que les compétences de la CDC sont d'ores et déjà très larges.

Enfin, je n'ai pas d'informations particulières sur le dernier protocole d'autonomie, les dernières discussions ayant eu lieu entre le ministre de l'Intérieur et les élus corses concernés. Nous n'avons pas été associés à l'élaboration de ce document et je ne peux guère vous communiquer d'éléments sur ce point.

M. Paul Toussaint Parigi. - Vous avez l'honneur d'être à l'entame des auditions relatives au processus d'autonomie de la Corse. Je souhaite avoir une pensée pour la Nouvelle-Calédonie, territoire qui vous est cher, et rappeler que la violence - nous sommes réunis ici à la suite d'une série de violences en Corse -, qu'elle soit sournoise ou spectaculaire, n'est jamais une solution. Le processus d'évolution institutionnelle de la Corse a quant à lui été mené, jusqu'à présent, dans un esprit pacifique et constructif.

Nous sommes victimes des mêmes phénomènes : le contrôle de légalité vous amène parfois à prendre des décisions qui vont à l'encontre de la politique de la CDC, par exemple par rapport à la langue corse ; pour ce qui me concerne, j'ai déposé quelques centaines d'amendements émanant de demandes de la CDC, souvent de manière transpartisane. Or ces propositions se heurtent, dans 98 % des cas, à un problème constitutionnel, ce qui me fait dire que nous vivons une sorte de statu quo.

Pour répondre à Éric Kerrouche, 40 demandes d'adaptation ont été faites, mais l'État n'y a apporté aucune réponse. Je souhaite que nous allions le plus loin possible dans les discussions afin d'aboutir à un processus de construction et d'avenir pour la Corse. Après les violences, qui ont miné les relations entre l'État et la collectivité de Corse, nous avons l'opportunité, pour reprendre la formule d'un ancien ministre de l'Intérieur, de vivre côte à côte et non pas face à face.

M. Olivier Bitz. - Comment appréciez-vous la capacité de la Corse à assurer financièrement l'autonomie qu'elle réclame ?

M. Francis Szpiner. - Comment expliquez-vous l'absence de réponse de l'État face à la quarantaine de demandes d'adaptation qui vient d'être évoquée ? Quelle est la nature de ces dernières ? Par ailleurs, la CDC serait-elle à même de financer elle-même le revenu de solidarité active (RSA) ?

M. Amaury de Saint-Quentin. - La question de savoir si la Corse pourrait assumer financièrement son autonomie est à nouveau directement politique, et, une fois encore, je me garderai de me substituer au Parlement et au Gouvernement sur ce sujet. Je peux en revanche vous communiquer des éléments factuels : le budget de la collectivité pour 2024 s'élève à 1,4 milliard d'euros, dont un peu plus d'1 milliard d'euros consacré au fonctionnement et environ 330 millions d'euros dédiés à l'investissement, avec un endettement qui s'établit à 1 milliard d'euros.

Nous faisons face à des enjeux majeurs, comme l'a souligné la Cour des comptes dans un rapport consacré en 2023 à la mise en oeuvre du PEI sur la période 2002-2022. Nous accusons encore beaucoup de retard, notamment en matière d'assainissement : 135 structures ne répondent pas aux normes, notamment européennes, et mettent la France en difficulté à l'égard de la directive relative aux eaux résiduaires urbaines. Dans le domaine des déchets, la Corse produit 168 000 tonnes de déchets par an pour une capacité de traitement insulaire limitée à 100 000 tonnes. Il nous faudra trouver des réponses concrètes, l'implantation d'une usine de traitement en Haute-Corse sur le territoire de Monte devant permettre de réduire significativement la part des déchets voués à l'enfouissement. De la même manière, le réseau de distribution d'eau manque de fiabilité, d'où la nécessité de répondre aux attentes légitimes des ménages, des acteurs économiques et du monde agricole.

Concernant les demandes d'adaptation déposées, je ne dispose d'aucune information sur les raisons ayant conduit l'État à ne pas y répondre. Depuis ma prise de fonction, aucune demande de ce type n'a été déposée.

Mme Lauriane Josende. - Pouvez-vous préciser le niveau et le taux des subventions européennes pour chacun des projets et des offices que vous avez évoqués ?

M. Amaury de Saint-Quentin. - La gestion des fonds structurels relevant désormais de l'échelon régional, cette dimension nous échappe pour une très grande partie : nous ne disposons pas d'un rapport ou d'informations particulières quant à l'utilisation de ces fonds européens par la CDC. Cependant, la direction générale de la politique régionale et urbaine de la Commission européenne s'est récemment rendue en Corse et j'ai eu l'écho d'un large satisfecit de sa part.

Pour ce qui est des aides de l'État, les moyens issus de l'échelon européen sont relativement réduits et aucune difficulté particulière n'est à relever, notamment dans la mise en oeuvre de la PAC. D'une manière générale, les niveaux d'aide et d'intervention sont très élevés si je les compare aux territoires d'outre-mer dans lesquels j'ai exercé la fonction de préfet, avec une prise en charge des projets à hauteur de 70 % ou de 80 % du montant total hors taxes.

M. François-Noël Buffet, président, rapporteur. - Je rappelle que nous aurons l'occasion d'interroger le président de la collectivité le 5 juin 2024. Merci, monsieur le préfet, pour votre intervention. Les membres de la mission d'information se rendront en Corse les 10 et 11 juin prochain.

La réunion est close à 11 h 05.