Mardi 28 mai 2024

- Présidence de M. Jean-François Longeot, président -

La réunion est ouverte à 18 h 15.

Proposition de loi portant programmation nationale et simplification normative dans le secteur économique de l'énergie - Examen du rapport pour avis

M. Jean-François Longeot, président. - Nous examinons cet après-midi le rapport de notre collègue Didier Mandelli, désigné le 22 mai dernier rapporteur pour avis sur la proposition de loi portant programmation nationale et simplification normative dans le secteur économique de l'énergie. Je le remercie d'avoir accompli son travail dans un temps particulièrement contraint.

Ce texte d'initiative sénatoriale, déposé par Daniel Gremillet, Dominique Estrosi Sassone et Bruno Retailleau, est examiné au fond par la commission des affaires économiques, qui a désigné Patrick Chauvet et Alain Cadec comme rapporteurs.

Plutôt qu'une proposition de loi, c'est un projet de loi que nous attendions. En effet, comme je l'ai évoqué la semaine dernière, la loi de 2019 relative à l'énergie et au climat a instauré le principe d'une loi quinquennale sur l'énergie, permettant au Parlement de participer activement aux discussions sur le mix énergétique. Cependant, le Gouvernement a annoncé le 10 avril 2024 qu'il renonçait à déposer un tel projet de loi. Nous regrettons cette décision : un débat démocratique sur le sujet central de la transition énergétique est indispensable.

Je vous rappelle que le délai limite pour le dépôt des amendements de séance a été fixé par la Conférence des présidents au 6 juin à 12 heures, avec un examen en séance publique les 11 et 12 juin prochains.

M. Didier Mandelli, rapporteur pour avis. - Nous avons effectivement travaillé en un temps record. Désigné rapporteur pour avis mercredi dernier seulement, j'ai procédé à deux auditions de représentants du Syndicat des énergies renouvelables et du Haut Conseil pour le climat (HCC). Il ne m'a pas semblé utile d'en faire davantage, car il s'agissait pour nous de prolonger la loi du 10 mars 2023 relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables. Nous avons ensuite travaillé aux amendements, avant d'échanger avec Alain Cadec, rapporteur de la commission des affaires économiques. Notre rapport pour avis a donc été rédigé dans de brefs délais.

La transition énergétique est une nécessité, nous en sommes tous conscients, surtout au sein de cette commission. Le dérèglement climatique a déjà des conséquences, que nous observons tous au quotidien dans l'ensemble des territoires. Ce dérèglement bouleverse fondamentalement nos modes de vie ; nous en avons débattu lors des réunions plénières de notre commission sur la résilience des réseaux, les inondations, ou encore sur la lutte contre les zoonoses, pour ne citer que les plus récentes ; nous le constatons également au travers des travaux des rapporteurs de missions d'information - je pense à la mission conjointe de contrôle relative aux inondations survenues en 2023 et au début de l'année 2024 - et des travaux préparatoires de textes législatifs.

Les objectifs internationaux, fixés notamment dans l'accord de Paris de 2015, doivent nous permettre de relever ce défi. À ce titre, nous ne pouvons que nous réjouir de l'ambition particulière de l'Union européenne, qui a assigné, dans le cadre de la loi européenne sur le climat adoptée en 2021, un nouvel objectif transitoire aux États membres : réduire de 55 % les émissions nettes de gaz à effet de serre d'ici à 2030 par rapport aux niveaux de 1990.

Il revient maintenant à la France, comme à l'ensemble des autres États membres, de se doter des moyens nécessaires pour atteindre cet objectif ambitieux. Pour ce faire, il faut d'abord établir un plan stratégique, et seulement ensuite définir des moyens pour exécuter le plan.

Malheureusement, le Gouvernement a choisi d'inverser ces deux étapes, en nous proposant une chronologie à l'envers, laquelle manque donc cruellement de cohérence. La loi du 10 mars 2023 relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables, examinée au fond par notre commission en novembre 2022, a ainsi prévu des mesures permettant de développer les énergies renouvelables.

La loi du 22 juin 2023 relative à l'accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes, examinée par notre commission l'an dernier, a accompagné la relance du nucléaire sans que nous ne puissions jamais débattre de la stratégie d'ensemble du mix énergétique qui nous permettra d'atteindre nos objectifs climatiques.

Le président Longeot l'a rappelé, le Gouvernement a ensuite renoncé à déposer un projet de loi de programmation énergétique, malgré les dispositions de la loi du 8 novembre 2019 relative à l'énergie et au climat qui le prévoyaient. Nous ne pouvons que déplorer ce refus du débat parlementaire.

C'est pourquoi je remercie mes collègues Daniel Gremillet, Dominique Estrosi Sassone et Bruno Retailleau d'avoir déposé cette proposition de loi, qui comble une regrettable lacune gouvernementale.

Le cadre de la saisine pour avis de la commission, dont nous avons collectivement arrêté le principe la semaine dernière, m'a conduit à examiner plus particulièrement le titre Ier de ce texte relatif à la programmation énergétique. Mon rapport pour avis n'aborde pas le titre II relatif à la simplification des normes du domaine de l'énergie, dont certaines dispositions n'entrent pas véritablement dans le champ de notre expertise, ou alors de manière très indirecte.

L'objectif de réduction de gaz à effet de serre prévu par la proposition de loi - la diminution des émissions de gaz à effet de serre brutes de 50 % d'ici à 2030 - permettrait à la France de se conformer à ces objectifs internationaux.

Pour réduire ces émissions brutes, le texte prévoit, à raison, de s'appuyer sur deux piliers : la réduction de la consommation énergétique de 30 % en 2030 par rapport à 2012 et la décarbonation du mix énergétique, avec une part de l'énergie décarbonée supérieure à 50 % en 2030.

Je souscris pleinement à ces objectifs. Ils correspondent dans les grandes lignes aux premières orientations esquissées par le Gouvernement pour la future programmation énergétique. Il est rassurant de constater de telles convergences sur un sujet de long terme aussi crucial !

Les amendements que je vous proposerai d'adopter visent à compléter la programmation énergétique par un axe qui reste, me semble-t-il, insuffisamment développé et pour lequel la commission a une valeur ajoutée, compte tenu de son champ de compétences : les énergies renouvelables. La programmation énergétique de la proposition de loi fixe des objectifs à l'horizon 2030 : à cette date, la relance du nucléaire n'aura pas encore commencé à produire ses effets - je rappelle que la livraison des six premiers EPR 2 est prévue entre 2035 et 2037.

Pour atteindre nos objectifs de décarbonation tout comme pour la sécurité d'approvisionnement de la France, l'accélération du développement des énergies renouvelables est donc nécessaire. Le Sénat a déjà approuvé le principe d'une accélération lors de l'adoption, en 2022, à la quasi-unanimité, de la loi relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables.

C'est pourquoi je vous proposerai des amendements visant à assurer une prise en compte des énergies renouvelables dans les objectifs de la politique énergétique.

Le texte initial de cette proposition de loi prévoit déjà des objectifs capacitaires pour certaines énergies renouvelables - je les partage - pour l'hydrogène décarboné, les biocarburants, le biogaz et l'énergie hydraulique. Je vous propose de compléter cette programmation, en l'élargissant par des amendements à des objectifs capacitaires pour l'énergie photovoltaïque, en mentionnant l'énergie hydrolienne, et en précisant que le repowering est privilégié pour le développement de l'énergie éolienne.

Parallèlement à cet axe relatif aux énergies renouvelables, qui pourrait constituer le principal apport de notre commission à ce texte, j'ai souhaité aborder également la question des puits de carbone.

Pour atteindre l'objectif de réduction des émissions nettes de 55 % en 2030, nous devons à la fois réduire nos émissions brutes de 50 % par rapport à 1990 et augmenter la capacité d'absorption de nos puits de carbone. Pour cette deuxième dimension, la France est malheureusement bien loin d'atteindre les objectifs fixés. D'ailleurs, le Citepa, l'organisme chargé de comptabiliser les émissions de gaz à effet de serre de la France, l'a de nouveau rappelé il y a seulement quelques jours : la capacité d'absorption du puits de carbone a été divisée par deux durant les deux dernières décennies, en raison du mauvais état des forêts françaises.

Le Gouvernement doit sans plus attendre engager un plan pour restaurer à moyen terme ce puits de carbone, sans quoi, malgré une baisse des émissions brutes, l'objectif d'émission nette restera hors d'atteinte. Je réfléchis, en vue de la séance publique, à proposer un amendement tendant à améliorer la prise en compte de cet enjeu.

Enfin, je souhaite vous faire part d'une réflexion en cours sur les technologies de captage et de stockage de CO2. La proposition de loi fixe des objectifs de développement de ces technologies, qui sont en effet nécessaires pour répondre à certaines émissions résiduelles incompressibles de l'industrie. L'utilisation de cette technologie doit cependant être réservée à ces quelques cas et ne doit pas conduire à reporter les nécessaires efforts de transition énergétique des différents secteurs. Je réfléchis, là encore, à déposer un amendement à ce sujet en séance publique.

Tels sont les éléments que je vous proposerai d'adopter ou d'approuver dans leur esprit, pour me permettre de vous proposer des amendements en vue de la séance publique, compte tenu du calendrier très resserré, qui a imposé des travaux préparatoires au format extrêmement ramassé et accéléré.

Je suis convaincu que ces apports de bons sens, qui s'appuient sur nos expériences et, surtout, sur les travaux que mène le Sénat en général, et notre commission en particulier sur le sujet de l'énergie, contribueront à améliorer et à préciser cette proposition de loi, qui participe à la lutte contre le dérèglement climatique.

M. Jean-François Longeot, président. - J'en suis convaincu : de vos réflexions résulteront des propositions claires et concrètes !

M. Patrick Chauvet , rapporteur de la commission des affaires économiques. - Alain Cadec et moi-même avons réalisé les auditions en commun, mais nous nous sommes partagé le travail : la programmation pour lui, la simplification pour moi.

Dans un temps resserré, nous avons auditionné une trentaine de personnalités issues d'une vingtaine d'organismes différents. Chacun d'entre eux a témoigné du fait que cette proposition de loi répondait à une véritable attente. Comme à chaque fois, certains voulaient aller plus loin et d'autres moins loin, mais tous s'accordaient à dire qu'un tel texte était attendu. Il va dans le sens de l'intérêt général. Si près des quatre cinquièmes des personnalités auditionnées sont favorables au texte, tel n'est pas le cas des services de l'État, même si le Gouvernement s'est montré ouvert à la discussion.

M. Alain Cadec, rapporteur de la commission des affaires économiques. - Nous avons entendu EDF, l'Union française de l'électricité, France Gaz, France Gaz Renouvelables, France Hydro Électricité, Réseau de transport d'électricité (RTE) et la Commission de régulation de l'énergie (CRE), qui s'est montrée très positive. L'ensemble des organismes auditionnés s'est également montré positif, hormis la direction générale de l'énergie et du climat (DGEC). Ce texte répond à une demande légitime de l'ensemble des filières ; il correspond du reste à un engagement du Gouvernement, lequel n'a pas tenu sa parole.

Cela étant dit, nous avons eu un échange intéressant avec les membres du cabinet de M. Lescure : conscients de leur erreur, ils ont compris que le ministre pouvait se saisir opportunément de ce texte. D'ailleurs, nous le rencontrerons la semaine prochaine à ce sujet.

Nous considérons avec beaucoup d'intérêt les amendements de Didier Mandelli, qui seront examinés demain en commission et qui, bien sûr, seront accueillis favorablement. J'indique qu'une motion tendant au renvoi à la commission de la proposition de loi sera présentée par le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. Or je tiens à dire qu'il est nécessaire de légiférer pour clarifier et simplifier le cadre en vigueur.

M. Ronan Dantec. - Nous sommes tous d'accord pour dire que le Gouvernement ne respecte pas le travail parlementaire : c'est un problème systémique et préoccupant. Cette après-midi, j'ai interpellé le Gouvernement sur le partage de la valeur, que nous avons défendu dans la loi relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables. Or la réponse du Gouvernement ressemble furieusement à un enterrement de première classe : il faudrait tout remettre à plat, alors même que la rédaction du décret était bien avancée... C'est un rétropédalage complet ! Il ne reste pas grand-chose des accords que nous avions passés avec Agnès Pannier-Runacher lors de l'examen de ce texte, voté par l'ensemble des groupes politiques du Sénat.

Je suis attaché à cette programmation pluriannuelle de l'énergie « 5+ 5 », j'ai fait partie du petit groupe d'écologistes qui ont finalisé les négociations avec la directrice de cabinet de Manuel Valls juste avant son dévoilement par Ségolène Royal. Cette programmation est une grande avancée démocratique, car elle permet de discuter à intervalles réguliers des priorités énergétiques de la France. Je souhaite, à l'instar de ma collègue députée Julie Laernoes, qu'une telle programmation soit consacrée par la loi, car le Gouvernement a fait fi du cadre fixé par la loi Royal. Confrontés à un tel manque de respect de la loi, nous étudions même la possibilité d'un recours devant le Conseil constitutionnel ; et je pense que nous partageons tous cette même indignation.

Cela étant dit, je regrette qu'une partie des dispositions que vous proposez enjambent, si j'ose dire, la période de dix ans qui a été fixée dans la programmation pluriannuelle. Cela revient à répondre à un gouvernement qui ne respecte pas la loi par une proposition de loi qui, elle non plus, ne respecte pas le cadre législatif ! C'est bien dommage, car la question est de savoir comment faire pour atteindre les objectifs fixés pour les dix prochaines années. Lors de son audition dans le cadre de l'examen du projet de loi relatif à l'accélération de la production d'énergies renouvelables, RTE a clairement indiqué que sans développement massif des énergies renouvelables dans les dix prochaines années, nous n'atteindrons pas les objectifs climatiques ; et les débats sur le nombre d'EPR 2 ne vont rien changer !

Les amendements proposés par Didier Mandelli sont intéressants, et j'y serai très attentif. L'an dernier, nous avons débattu du prix extrêmement élevé de l'électricité, à la suite de la guerre en Ukraine ; or ils sont aujourd'hui très bas. Les contrats d'EDF à moyen terme sont moins fructueux que prévu ; la consommation énergétique ne redémarre pas. Pourquoi ? Cette proposition de loi doit être l'occasion de débattre de ce genre de questions. Le Gouvernement ne veut d'ailleurs pas avancer sur le partage de la valeur, car il estime qu'il devra compenser lui-même - et non les exploitants - la différence aux collectivités territoriales.

Aussi, nous devons concentrer nos travaux sur les dix ans de la programmation pluriannuelle de l'énergie.

M. Philippe Tabarot. - Je me félicite que notre commission se soit saisie pour avis de cette proposition de loi. Ce sujet, aujourd'hui évident, ne l'était peut-être pas il y a quelques années. Je n'imagine pas qu'une telle proposition de loi soit conçue sans un volet relatif aux énergies renouvelables.

Notre contribution rendra ce texte efficace et indispensable pour l'action de notre pays en la matière, après les différents coups d'arrêt que nous avons rencontrés. Aussi, je me réjouis que nos commissions aient pu collaborer, et j'espère que nous trouverons un consensus politique sur ce sujet.

M. Gilbert-Luc Devinaz. - Je souhaite expliciter les motifs de la motion de renvoi à la commission du groupe SER qui se fonde sur quatre arguments.

Premièrement, face au refus du Gouvernement d'appliquer la loi, cette initiative parlementaire trouve sa légitimité. Néanmoins, le contenu de cette proposition de loi va plus loin que le cadre pragmatique et programmatique de la loi quinquennale.

Deuxièmement, des propositions sont faites pour durcir le dispositif de sanctions en cas d'intrusion sur les sites nucléaires récemment adopté par le Parlement.

Troisièmement, nombre de dispositions, complexes, mériteraient des études d'impact ou des avis du Conseil d'État. L'article 14 de la proposition de loi justifierait que l'on prenne plus de temps pour en débattre.

Quatrièmement, la proposition de loi anticipe les résultats des travaux de la commission d'enquête portant sur la production, la consommation et le prix de l'électricité aux horizons 2035 et 2050.

Pour toutes ces raisons, nous avons déposé une motion de renvoi à la commission de façon à prendre le temps d'examiner plus en profondeur cette excellente initiative.

M. Alain Cadec, rapporteur de la commission des affaires économiques. - C'est tout à fait légitime ; elle fera d'ailleurs l'objet d'un vote.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 5

M. Didier Mandelli, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-50 vise à fixer un objectif de capacité de production d'énergie photovoltaïque de 50 gigawatts en 2030.

L'amendement COM-50 est adopté.

M. Didier Mandelli, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-51 vise à encourager le repowering pour le développement de l'éolien terrestre, car c'est l'une des façons de répondre aux besoins en électricité dans les dix prochaines années. Certains parcs sont à maturité ; le premier, installé au début des années 2000, a plus de vingt ans. Aussi, il faut prévoir plan de repowering pour répondre aux futurs besoins en énergie.

L'amendement COM-51 est adopté.

M. Didier Mandelli, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-52 a le même objet pour le développement de l'hydrolien. Le potentiel est évalué entre 3 gigawatts et 5 gigawatts selon les spécialistes ; favorisons donc l'augmentation de la production d'énergie hydrolienne !

Une première ferme pilote devrait être mise en service en 2026 dans la Manche ; développons ces techniques et ces potentiels avec un effet à moins de dix ans pour répondre aux besoins ! Tel est le sens de ces trois amendements.

M. Jean-Pierre Corbisez. - Au sein du groupe d'études « Énergie », nous nous sommes souvent trouvés en conflit avec des cadres du ministère de l'environnement au sujet de la petite hydroélectricité.

Aussi, dans votre esprit, l'hydroélectricité concerne-t-elle uniquement les estuaires ?

Ceux qui ont essayé d'installer une hydrolienne chez eux - je peux en témoigner - se trouvent confrontés à la guerre des services au sein du ministère ou au sein des directions départementales des territoires et de la mer (DDTM) entre les techniciens du développement durable et les techniciens faune-flore. Il faudra tenir compte de tous ces petits projets qui, mis bout à bout, ont un gros volume de production. Je ne souhaite pas que l'amendement COM-52 ne concerne que l'hydroélectricité des estuaires.

M. Didier Mandelli, rapporteur pour avis. - La ligne de partage est claire : la petite hydroélectricité relève de la commission des affaires économiques, l'hydrolien, de notre commission. Or l'estuaire, c'est encore le fleuve.

M. Alain Cadec, rapporteur de la commission des affaires économiques. - Nous sommes en eaux saumâtres...

M. Didier Mandelli, rapporteur pour avis. - C'est le même combat.

M. Jean-Pierre Corbisez. - Cela veut dire que l'hydrolien ne sera privilégié que dans les estuaires...

M. Alain Cadec, rapporteur de la commission des affaires économiques. - Il y a deux contraintes : la directive-cadre sur l'eau (DCE) et la continuité écologique des cours d'eau.

Mme Kristina Pluchet. - Aujourd'hui, on détruit seuils et moulins : 10 500 sont concernés !

L'amendement COM-52 est adopté.

La commission émet un avis favorable à l'adoption de la proposition de loi, sous réserve de l'adoption de ses amendements.

Les sorts des amendements examinés par la commission sont repris dans le tableau ci-dessous :

Article 5

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. MANDELLI

50

Ajout d'un objectif de capacités installées de production d'énergie solaire parmi les objectifs en matière d'énergies renouvelables mentionnés à l'article 5.

Adopté

M. MANDELLI

51

Ajout d'un objectif préférant le renouvellement des éoliennes terrestres existantes à l'installation de nouvelles parmi les objectifs en matière d'énergies renouvelables mentionnés à l'article 5.

Adopté

M. MANDELLI

52

Ajout d'un objectif de capacités installées de production pour l'énergie hydrolienne parmi les objectifs en matière d'énergies renouvelables mentionnés à l'article 5 de la proposition de loi.

Adopté

La réunion est close à 18 h 50.

Mercredi 29 mai 2024

- Présidence de M. Jean-François Longeot, président -

La réunion est ouverte à 9 h 05.

Proposition de loi visant à protéger la population des risques liés aux substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées - Examen des amendements au texte de la commission

M. Jean-François Longeot, président. - Nous examinons les amendements au texte de la commission sur la proposition de loi visant à protéger la population des risques liés aux substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées (PFAS). Nous commençons par l'examen des amendements déposés par le rapporteur.

EXAMEN DES AMENDEMENTS DU RAPPORTEUR

Article 1er

L'amendement rédactionnel n°  30 est adopté.

L'amendement de précision n°  31 est adopté.

Article 1er ter

L'amendement rédactionnel n°  29 est adopté.

Les sorts de la commission sont repris dans le tableau ci-dessous :

Article 1er

Auteur

N° 

Objet

Sort de l'amendement

M. PILLEFER

30

Rédactionnel.

Adopté

M. PILLEFER

31

Précision des modalités de mise à disposition du public de la carte des sites d'émission de PFAS.

Adopté

Article 1er ter 

M. PILLEFER

29

Rédactionnel.

Adopté

EXAMEN DES AMENDEMENTS AU TEXTE DE LA COMMISSION

Article 1er

La commission émet un avis défavorable aux amendements nos  4, 12, 25, 28, 26, 27 et 11.

M. Bernard Pillefer, rapporteur. - Avis de sagesse sur l'amendement n°  2.

M. Jacques Fernique. - L'amendement n° 2 vise à exclure les textiles techniques à usage industriel du champ de l'interdiction des textiles contenant des substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées en 2030. À mon sens, compte tenu de l'esprit qui a présidé à l'élaboration de ce texte et du rythme suggéré pour la mise en place des interdictions, cette exclusion ne s'imposait pas.

M. Bernard Pillefer, rapporteur. - Nous nous en remettons à la sagesse du Sénat. Nous pourrons trancher dans l'hémicycle.

La commission s'en remet à la sagesse du Sénat sur l'amendement n° 2.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n°  18 et aux amendements identiques nos  , 13  et 20.

M. Bernard Pillefer, rapporteur. - Avis défavorable à l'amendement n°  15.

M. Hervé Gillé. - Comment justifiez-vous cet avis ?

M. Bernard Pillefer, rapporteur. - La vocation de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) est de définir des valeurs toxicologiques de référence pour les différentes substances. Or, l'amendement adopté en commission vise à permettre des dérogations aux interdictions de mise sur le marché de produits contenant des PFAS de façon résiduelle. L'objectif n'est pas de fixer une norme sanitaire.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 15.

La commission émet un avis favorable à l'amendement n°  14.

Après l'article 1er

M. Bernard Pillefer, rapporteur. - Avis défavorable à l'amendement n°  10.

M. Hervé Gillé. - Compte tenu du contexte et de la suspicion qui pèse de plus en plus sur la qualité des eaux, la demande d'un rapport sur l'abaissement du seuil des PFAS dans l'eau potable me paraît tout à fait mesurée.

M. Bernard Pillefer, rapporteur. - Pour que la mesure soit efficace, il faudrait que la décision aboutisse rapidement à l'échelon européen.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 10, de même qu'à l'amendement n°  9.

Article 1er bis

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n°  1.

M. Bernard Pillefer, rapporteur. - Avis défavorable aux amendements nos  23  et 16.

M. Jacques Fernique. - Nous souhaitons que le Gouvernement se prononce sur le sujet. C'est pourquoi l'amendement n° 16 vise à définir une trajectoire de réduction progressive des PFAS dans les rejets atmosphériques quand cela se justifie. Un avis de sagesse aurait permis d'afficher notre volonté que le Gouvernement évolue sur le sujet.

M. Bernard Pillefer, rapporteur. - Nous n'avons pas la capacité de mesurer précisément la quantité de PFAS dans les rejets atmosphériques. Par conséquent, il serait compliqué de définir une trajectoire de réduction des émissions dans ces conditions.

La commission émet un avis défavorable aux amendements nos 23 et 16, de même qu'à l'amendement n°  21.

Article 1er ter

M. Bernard Pillefer, rapporteur. - Avis défavorable à l'amendement n°  22.

M. Alexandre Ouizille. - Je suis les pas du rapporteur. Cet amendement vise à introduire une logique d'accompagnement des collectivités territoriales. En effet, pourquoi celles-ci seraient-elles moins accompagnées sur les rejets atmosphériques que sur les rejets en milieu aqueux ? Nous manquerions une occasion si nous n'adoptions pas cet amendement, d'autant que le niveau de recherche préconisé est inférieur à celui qui est prévu pour le milieu aqueux.

M. Bernard Pillefer, rapporteur. - Cet amendement est satisfait pour ce qui est de la volonté de se doter d'un plan d'action pour la recherche sur les rejets atmosphériques, grâce au plan d'action interministériel sur les PFAS d'avril 2024. Il est important d'attendre les résultats de ce plan d'action avant d'envisager de fixer un niveau d'accompagnement pour les collectivités territoriales.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 22.

Article 2

M. Bernard Pillefer, rapporteur. - Avis favorable à l'amendement n°  24.

M. Jacques Fernique. - J'avais compris que la mention de « milieu naturel » faisait référence au droit existant, qui vise le milieu aqueux. Or cet amendement vise à préciser que la redevance s'applique aux rejets « dans l'eau » et pas dans le « milieu naturel » en général. Il n'apporte rien.

M. Bernard Pillefer, rapporteur. - Sur le fond, nous sommes d'accord, mais il s'agit d'un amendement de précision.

La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 24.

M. Bernard Pillefer, rapporteur. - Avis défavorable à l'amendement n°  8.

M. Hervé Gillé- Pourtant, le doublement du taux de la redevance pour pollution de l'eau que vise cet amendement ne porte que sur des montants très relatifs.

M. Bernard Pillefer, rapporteur. - En commission, nous avions jugé bon de mesurer l'importance de la recette sur cette redevance et d'en évaluer l'application avant d'envisager une augmentation.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 8.

Après l'article 2

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n°  6.

Article 2 bis

La commission émet un avis favorable aux amendements identiques nos  5 et 17.

Article 3

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n°  7.

Les avis de la commission sur les amendements de séance sont repris dans le tableau ci-après :

Article 1er

Auteur

N° 

Objet

Avis de la commission

M. GILLÉ

4

Interdiction des mousses anti incendies contenant des PFAS dans le cadre des essais, entraînements et formations, à compter du 1er janvier 2026.

Défavorable

Mme SOUYRIS

12

Interdiction des mousses anti incendies contenant des PFAS dans le cadre des essais, entraînements et formations, à compter du 1er janvier 2026.

Défavorable

M. RAMBAUD

25

Renvoi à un règlement européen pour définir les textiles concernés par la proposition de loi.

Défavorable

M. RAMBAUD

28

Dérogation au bénéfice des fluoropolymères de l'interdiction des PFAS.

Défavorable

M. RAMBAUD

26

Dérogation à l'interdiction des PFAS pour les textiles de construction.

Défavorable

M. RAMBAUD

27

Dérogation à l'interdiction des PFAS pour les textiles de construction utilisant des fluoropolymères

Défavorable

M. GILLÉ

11

Suppression de la dérogation à l'interdiction des textiles liés à la souveraineté nationale.

Défavorable

M. RIETMANN

2

Exclusion des textiles techniques à usage industriel du champ de l'interdiction des textiles contenant des PFAS à compter du 1er janvier 2030.

Sagesse

Mme BERTHET

18

Renvoi à un décret pour définir les textiles concernés par la proposition de loi.

Défavorable

M. GILLÉ

3

Interdiction des ustensiles de cuisine qui contiennent des PFAS dès le 1er janvier 2030.

Défavorable

M. FERNIQUE

13

Interdiction des ustensiles de cuisine contenant des PFAS à compter du 1er janvier 2030.

Défavorable

M. CORBISEZ

20

Interdiction des ustensiles de cuisine contenant des PFAS à compter du 1er janvier 2030.

Défavorable

M. FERNIQUE

15

Avis de l'ANSES pour définir la valeur résiduelle.

Défavorable

Mme SOUYRIS

14

Étiquetage obligatoire des ustensiles de cuisine contenant des PFAS.

Favorable

Article additionnel après Article 1er

M. GILLÉ

10

Demande de rapport sur l'abaissement du seuil de PFAS dans l'eau potable.

Défavorable

M. GILLÉ

9

Demande de rapport sur la création de comités de santé environnementale.

Défavorable

Article 1er bis

Mme VERMEILLET

1

Précision des substances concernées par la trajectoire de réduction des rejets aqueux de PFAS.

Défavorable

M. OUIZILLE

23

Intégration des rejets atmosphériques à la trajectoire de réduction progressive des PFAS.

Défavorable

M. FERNIQUE

16

Intégration des rejets atmosphériques à la trajectoire de réduction progressive des PFAS.

Défavorable

M. CORBISEZ

21

Intégration de mesures de formation à la trajectoire de réduction des rejets de PFAS.

Défavorable

Article 1er ter 

M. OUIZILLE

22

Plan d'action pour la recherche sur les rejets atmosphériques de PFAS des installations industrielles et l'accompagnement des collectivités territoriales.

Défavorable

Article 2

Mme BERTHET

24

Modalités de la redevance PFAS.

Favorable

M. GILLÉ

8

Doublement du taux de la redevance pour pollution de l'eau.

Défavorable

Article additionnel après Article 2

M. GILLÉ

6

Création d'une redevance liée aux PFAS.

Défavorable

Article 2 bis

M. GILLÉ

5

Publicité du programme des analyses des PFAS dans les eaux en bouteille.

Favorable

Mme SOUYRIS

17

Publicité du programme des analyses des PFAS dans les eaux en bouteille.

Favorable

Article 3

M. GILLÉ

7

Création d'une taxe additionnelle sur les bénéfices générés par les industries rejetant des PFAS.

Défavorable

Rapport public annuel consacré à l'action publique face au changement climatique - Audition de M. Pierre Moscovici, Premier président de la Cour des comptes

M. Jean-François Longeot, président. - Monsieur le président, nous sommes très heureux de vous accueillir ce matin pour faire suite à la publication, en mars dernier, du rapport public annuel de la Cour des comptes consacré à l'action publique en faveur de l'adaptation au changement climatique. Ce document, long de plus de 700 pages, pointe les lacunes et retards de l'État, des collectivités et des entreprises en la matière et souligne la nécessité d'une véritable planification.

Ce constat général est prolongé d'une analyse portant sur les actions publiques transversales, le cadre de vie, les infrastructures, l'environnement naturel, les personnes et les activités économiques. Nous saluons la transversalité et l'ampleur de cette analyse, qui justifiaient pleinement l'organisation d'une audition plénière par notre commission.

Parmi les seize chapitres thématiques du rapport, certains retiennent plus particulièrement notre attention compte tenu des travaux que nous avons engagés. Je pense notamment à l'adaptation des réseaux de transport et de distribution d'électricité, l'adaptation des réseaux ferroviaires, la gestion du trait de côte, l'adaptation des stations de montagne face au réchauffement climatique, ou encore l'adaptation des villes.

Des questions pourraient être posées sur les autres volets du rapport, partagés avec la commission des affaires économiques. Je pense par exemple à l'adaptation du parc nucléaire et à la gestion durable de la forêt métropolitaine.

M. Pierre Moscovici, Premier président de la Cour des comptes. - Je suis très heureux de me présenter pour la première fois devant votre commission.

Le rapport public annuel est un rendez-vous historique pour la Cour et un exercice important pour notre institution. Le Premier président de la Cour des comptes le remet chaque année au Président de la République. Il contient la substantifique moelle de nos travaux. Il ne s'agit plus d'un best of explorant toutes les dimensions de l'action publique. Nous nous concentrons chaque année sur un thème. Cette année, nous avions choisi le thème de l'adaptation au changement climatique, signe des temps mais aussi de la volonté qui est la nôtre d'écologiser la Cour des comptes. L'idée est que nous travaillions à la fois sur les sujets financiers, qui sont notre coeur de métier, et sur les sujets écologiques et climatiques.

L'adaptation au changement climatique désigne l'ensemble des mesures à prendre aujourd'hui et dans les décennies à venir pour continuer à vivre de façon supportable dans un climat qui aura profondément changé. Le volet complémentaire de l'atténuation consiste pour sa part à limiter le changement climatique lui-même. Il n'y avait pas eu jusqu'à présent de panorama aussi complet des politiques d'adaptation au changement climatique que celui que nous avons réalisé.

Alors que nous vivons les années les plus chaudes du siècle, nous devons nous adapter à une hausse de quatre degrés d'ici la fin de celui-ci. Tels sont les chiffres retenus par le ministère de la transition écologique, qui me paraissent prudents. Il est en effet toujours préférable de s'appuyer sur des chiffres aggravés, et d'avoir ensuite de bonnes surprises, plutôt que de se trouver dans la situation inverse.

La thématique de l'adaptation au changement climatique pose de nombreux défis à l'action publique, qu'elle concerne au premier chef. Tout d'abord, cette adaptation est multiforme. Il s'agit en effet de s'adapter à des phénomènes très variés : températures plus élevées, événements lents mais inéluctables - hausse du niveau de la mer, aux incidences que nous savons sur le trait de côte, fonte des glaciers, érosion du littoral -, événements ponctuels extrêmes - tempêtes, inondations, comme celles que nous avons connues en France récemment dans le Nord et le Pas de Calais, sécheresses, chaleurs extrêmes, canicules.

Les horizons d'attente et de validation des politiques publiques sont également très divers. Les politiques d'adaptation au changement climatique, qui revêtent une dimension nationale, sont nécessairement spécifiques à chaque territoire. Elles présentent en outre un caractère transversal et parfois diffus. Elles doivent souvent être conçues et mises en oeuvre au niveau local, tout en bénéficiant d'un pilotage et d'une coordination au niveau national.

Il s'agit évidemment d'un phénomène international. Tous les pays sont peu ou prou confrontés aux mêmes enjeux. Un cadre juridique international existe depuis 2010, toutefois beaucoup moins fourni que l'encadrement de l'atténuation du changement climatique. Pour ce qui concerne la France, le plan national d'adaptation au changement climatique (Pnacc), sur lequel les pouvoirs publics travaillent depuis 2022, devrait être présenté à la rentrée 2024.

Enfin, le dernier défi, et non le moindre, est le coût de ces politiques. Cela coûte très cher, et nous manquons d'un chiffrage exhaustif et cohérent. Il existe des chiffres. L'Institut de l'économie pour le climat (Institute for Climate Economics - I4CE) a évalué le coût de dix-huit mesures d'adaptation prioritaires à 2,3 milliards d'euros. Le rapport de M. Jean Pisani-Ferry et Mme Selma Mahfouz mentionne pour sa part la somme de 3 milliards d'euros. Nous n'avons pas produit, pour notre part, de chiffre de synthèse, compte tenu de la grande dispersion et du manque de disponibilités des données. Les sommes susmentionnées constituent toutefois des ordres de grandeur plausibles.

Notre rapport se compose de seize chapitres thématiques, résultant de seize enquêtes menées par la Cour des comptes et les chambres régionales des comptes. Il s'agit d'un travail territorial - d'où les 700 pages du rapport - mené sur une année. Ces chapitres s'articulent autour de trois questions : les impacts du changement climatique sur les secteurs transversaux, sur les grandes infrastructures et sur l'environnement physique et biologique.

Certains chapitres portent sur le rôle des institutions financières et bancaires, sur le rôle de l'Agence française de développement (AFD) dans l'adaptation des pays en développement au changement climatique, ainsi que sur l'adaptation des logements, des villes ou encore de la politique immobilière de l'État, politique publique qui reste entièrement à concevoir. Nous avons aussi travaillé sur l'adaptation des centrales nucléaires, des ouvrages hydroélectriques, ainsi que sur celle des réseaux de transport et de distribution d'électricité. Cette dernière est engagée depuis plusieurs années, mais ses conséquences financières mériteraient d'être formalisées, tout comme la coordination entre l'État et les gestionnaires de réseaux. Nous avons travaillé également sur l'adaptation des voies ferrées au changement climatique. Ce dernier point est un enjeu majeur pour le quotidien des Français, qui souffrent et se plaignent des retards survenus sur les lignes. Cependant, il faut savoir que les intempéries sont à l'origine de 20 % des minutes perdues imputables aux réseaux et qu'à l'horizon 2100 les événements météorologiques pourraient causer huit à onze fois plus de retard qu'aujourd'hui. La gestion de la forêt fait aussi partie des sujets abordés. La forêt couvre tout de même un tiers du territoire métropolitain. Vous le savez bien, monsieur le président, votre département, le Doubs - que j'ai d'ailleurs bien connu lorsque nous en étions tous deux conseillers généraux -étant particulièrement concerné.

Nous avons travaillé sur la prévention des catastrophes naturelles dans les territoires ultramarins ainsi que sur la gestion du trait de côte. Le trait de côte est ce qui sépare la mer de la terre. Sans qu'il y ait de véritables menaces de submersion, nous assistons à un recul de ce dernier, auquel nous devons nous adapter et que nous devons anticiper.

L'adaptation des cultures céréalières a également été abordée. Les agriculteurs se sont très bien adaptés. Ce chapitre est donc plutôt un satisfecit. Le rapport comporte aussi un chapitre, fameux, sur les stations de montagne. La Cour des comptes a d'ailleurs produit un rapport thématique sur le sujet qui a provoqué de nombreuses réactions. J'assume ce chapitre, dont je sais qu'il va prêter à débat. L'économie des stations de montagne ne peut pas être la même dans une période de changement climatique. Nous devons en être conscients.

Je veux tirer quatre enseignements de ce travail. Tout d'abord, il faut connaître les effets du changement climatique, les risques auxquels nous devons nous adapter et leur ampleur. On observe une prise de conscience de l'urgence de l'adaptation au changement climatique, mais elle est hétérogène selon les secteurs. Pour certains domaines et acteurs comme les gestionnaires de réseaux, elle est déjà ancienne, et date des tempêtes de 1999. Pour d'autres secteurs, comme le logement, elle est très récente. Pour d'autres encore, comme l'immobilier de l'État, elle est inexistante.

Cette connaissance des risques reste à établir, en raison de nombreuses incertitudes inhérentes aux politiques d'adaptation, dont les effets sont, par définition, peu prévisibles.

Nous devons aussi améliorer les prévisions et les données dont nous disposons, qui sont souvent lacunaires. Ainsi, seuls deux tiers des 200 000 bâtiments de l'État sont recensés et voient leur état diagnostiqué. Il est par ailleurs singulier que les prévisions météorologiques soient beaucoup moins fiables outre-mer qu'en métropole, sachant que les événements extraordinaires y sont plus fréquents. Des efforts sont à faire en ce domaine. Il faut améliorer aussi les données financières.

Ensuite, il faut informer les citoyens et les décideurs publics des enjeux de l'adaptation au changement climatique, à commencer par l'articulation nécessaire entre adaptation et atténuation. L'idée est de faire de tous les citoyens et les décideurs publics des acteurs de ces politiques publiques. Le chapitre relatif à l'adaptation des soins aux personnes vulnérables montre combien la communication est déterminante pour prévenir les conséquences des périodes de fortes chaleurs sur la mortalité - lesquelles, massives en 2003, demeurent très significatives chaque année.

Cette information doit reposer sur la diffusion de messages adaptés sur l'ensemble des supports disponibles : télévision, radio, réseaux sociaux, téléphones portables. Cette démarche n'a rien d'un gadget. Informer les citoyens permet aussi d'obtenir leur adhésion et de les faire participer aux efforts d'adaptation. Je pense au dispositif MaPrimeRénov', auquel la Cour des comptes a consacré un rapport particulier. Cet outil, qui reste sans doute à améliorer, permet à la fois de financer l'amélioration du confort pour les résidents et de créer de l'emploi, en favorisant le recrutement par les entreprises du bâtiment. La prévention des catastrophes naturelles dans les territoires ultramarins nécessite également une meilleure communication et une plus grande adhésion de la part des citoyens.

Des efforts importants sont donc nécessaires pour convaincre ces derniers de la nécessité et des bienfaits de l'adaptation au changement climatique.

Après les mots « connaître » et « informer », le troisième mot d'ordre est « planifier ». La Cour des comptes relève que les objectifs de l'adaptation doivent être conciliés avec ceux de nombreuses autres politiques publiques. Cette articulation s'avère souvent difficile, dans les secteurs touristiques, notamment, comme les zones de montagne ou les littoraux, où l'on a toujours tendance à chercher des rustines ou à différer des décisions. Mieux vaut anticiper. Nous sommes toutefois conscients de la nécessité de concilier les politiques d'adaptation avec les souhaits des élus et des populations de préserver la pérennité de leurs modèles économiques. L'enjeu est donc de transformer les politiques d'adaptation tout en modifiant les écosystèmes existants. Les objectifs de l'adaptation doivent aussi parfois être conciliés avec ceux de l'urbanisme. À titre d'exemple, la protection de la forêt contre les incendies imposerait que les collectivités limitent l'urbanisation dans les zones forestières, mais les élus concernés sont souvent soumis à des pressions pour autoriser la construction en lisière des forêts.

Au-delà de cette conciliation entre objectifs, indispensable, il faut instaurer une véritable culture de la planification et de la gestion du risque. Les enquêtes que nous avons menées montrent en effet que la planification, lorsqu'elle existe, est, selon les mots du rapport, « défaillante » et « dispersée », dans le domaine de l'immobilier ou à l'échelle des villes. Parfois, des planifications locales existent, mais elles sont incomplètes ou appliquées de manière très inégale. C'est le cas pour la stratégie nationale de gestion du trait de côte.

La mise en oeuvre d'une planification rigoureuse et adaptée est une condition nécessaire, mais non suffisante. Il faut aussi un pilote qui arbitre et coordonne les nombreux acteurs concernés. Or le rapport dessine une situation très contrastée de l'état du pilotage des stratégies d'adaptation. Pour les gestionnaires de grands réseaux, par exemple, pour des raisons historiques assez peu compréhensibles, ce pilotage est plus abouti au sein d'EDF que de la SNCF.

Il faut en outre mieux coordonner les initiatives entre l'échelle nationale et l'échelle locale. Notons au passage que l'État ne joue pas toujours correctement son rôle de stratège, qui consiste à fixer des objectifs clairs et à définir une trajectoire pour les atteindre. Il faudrait y remédier.

Enfin, j'en viens au dernier grand message du rapport : comment assurer la qualité de la dépense publique dans les politiques d'adaptation, comment les financer et les mettre en oeuvre ? Les seize enquêtes que nous avons menées illustrent bien l'ampleur du défi. Tous les secteurs, tous les territoires devront s'adapter au changement climatique, ce qui requerra des investissements considérables. Les dépenses publiques à venir seront donc massives.

Nous mettons les pouvoirs publics en garde sur les risques de mal adaptation, qui résultent souvent de logiques de court terme. Certaines décisions prises en urgence donnent la priorité à des mesures qui, à long terme, vont à l'encontre de l'objectif d'adaptation. Cela revient à dépenser l'argent public de manière peu efficace. Je pense au déploiement systématique de la production de neige, parfois même à température positive, dans certaines stations de montagne, au rechargement des plages en sable, digne du savant Cosinus, qui ne fait que repousser l'échéance du recul du trait de côte, ou encore au recours à la climatisation, terriblement énergivore, très coûteuse et à l'efficacité variable.

Le recours à la recherche est essentiel pour trouver des solutions adaptées. Ce domaine pourrait bénéficier de moyens confortés dans la durée ainsi que d'un décloisonnement entre les spécialités et d'une coordination nationale plus poussée. Par exemple, l'agriculture céréalière a développé un système de recherche et d'innovation complet entre le public et le privé, qui offre aux exploitants la capacité de renforcer leur résilience.

L'évaluation des coûts de l'adaptation est en outre lacunaire, voire inexistante. Il faut y remédier, la vérité des prix constituant un élément d'arbitrage essentiel.

Tout cela ne passe pas forcément par de nouvelles dépenses publiques. Dette climatique et dette financière sont les deux faces d'une même pièce. On observe d'un côté une montagne de dette, qui ne cesse de croître - 3 100 milliards d'euros de dette, 110 % du PIB, 57 milliards d'euros de charge annuelle de la dette - et de l'autre, un mur d'investissements. Or le second ne pourra pas être construit si l'on ne diminue pas la première.

Ma crainte à l'égard de la dette publique tient d'ailleurs moins à sa soutenabilité devant les marchés qu'à l'incapacité qu'elle entraîne à déployer des investissements pour l'avenir et à retrouver des marges de manoeuvre. Nous ne pourrons pas faire face à de nouveaux chocs macroéconomiques ni aux besoins de la lutte contre le réchauffement climatique sans réduire notre dette publique.

Tels sont donc les constats tirés de nos analyses sur l'adaptation au changement climatique, assortis de quelques-unes de nos préconisations. Tout cela illustre la diversité des sujets que nous traitons.

Je voudrais enfin faire une annonce : nous souhaitons présenter un rapport annuel sur la transition écologique, parallèlement aux exercices relatifs aux lois de finances, en septembre de chaque année. J'espère pouvoir présenter le premier de ces rapports de synthèse au Sénat en septembre 2025. Les finances publiques, les finances sociales et la transition écologique sont désormais les trois priorités de la Cour des comptes.

M. Philippe Tabarot. - Monsieur le Premier président, je vous interrogerai sur le chapitre consacré à l'adaptation du réseau ferroviaire national au changement climatique, qui comprend des constats alarmants et suscite de nombreuses questions.

Nous sommes incapables d'évaluer précisément les effets du changement climatique sur la performance du réseau, mais nous savons que les dysfonctionnements devraient se démultiplier à cause des épisodes de forte chaleur et de fortes pluies. Il nous est encore plus difficile d'en mesurer les coûts, qui devraient considérablement augmenter dans les décennies à venir.

Selon vous, sur qui devront reposer ces coûts supplémentaires ? Sur le gestionnaire d'infrastructure, dont les moyens sont déjà insuffisants pour régénérer et moderniser notre réseau vétuste ? Sur les usagers, pour lesquels le prix du billet représente déjà un frein ? Sur l'État, dans la situation économique peu favorable que nous traversons ? Ou bien sur les assurances, et, le cas échéant, sous quelles conditions et à quel prix ?

Par ailleurs, si je suis d'accord avec la quatrième recommandation du rapport, qui vise à définir un plan d'adaptation au changement climatique et à l'inclure dans le contrat d'objectif et de performance, force est de constater que, dans la pratique, les cosignataires tiennent rarement compte de nos remarques et critiques. Nous ne disposons ni d'un suivi précis ni d'une évaluation en fin de contrat. Comment rendre ces documents plus efficaces et plus contraignants ?

Enfin, à l'instar du régulateur britannique, qui est cité dans le rapport, l'Autorité de régulation des transports (ART) devrait-elle exercer des prérogatives sur le plan d'adaptation au changement climatique du réseau ferroviaire ? Lors de son audition, le président de cette dernière, Thierry Guimbaud, a plaidé pour inscrire dans la loi le rôle de l'ART en matière de transition écologique. Qu'en pensez-vous ?

M. Ronan Dantec. - J'insiste sur l'importance de ce rapport de la Cour des comptes, qui souligne la prise de conscience par l'État et par la société de la gravité de la crise climatique et la nécessité d'adaptation.

Il existe une contradiction entre le coût de l'effort colossal qu'induit le risque d'un réchauffement de 4 degrés d'ici à 2100 et l'orthodoxie financière. Il n'est pas possible de chiffrer ce coût, aussi vaut-il mieux raisonner en pourcentage de PIB. Il convient d'agir vite, car les investissements consentis dès à présent éviteront des coûts plus importants à l'avenir.

Comment mobiliser suffisamment d'épargne et d'investissements dans un cadre budgétaire qui, malgré les discours, ne correspond pas à une économie de guerre ? Est-il au moins envisageable d'analyser différemment les types d'investissements ? Par exemple, le Sénat a proposé de distinguer les investissements consentis par les collectivités territoriales en faveur de la transition énergétique - elles sont des acteurs clés en la matière - de leurs investissements habituels. Peut-on agir en matière d'ingénierie financière ? Peut-on, comme l'a suggéré Philippe Tabarot, mobiliser les assureurs ?

Par ailleurs, l'aide au développement constitue un enjeu crucial. Il nous faut être conscients de la montée d'un Sud global anti-Occident, les pays du Sud considérant que les défis climatiques qu'ils doivent relever sont liés à notre mode de vie. J'ai pu mesurer, lors des COP, l'ampleur de la demande de financement de ces pays pour adapter leur économie. Comment la France intègre-t-elle cette demande dans ses politiques de développement, notamment à destination des pays africains ? Faut-il trouver d'autres modes de financement ? Dans le monde tel qu'il se dessine, la question de l'adaptation au changement climatique est centrale.

M. Didier Mandelli. - Monsieur le Premier président, en tant que président du groupe d'étude Mer et littoral du Sénat, je souhaite vous interroger sur la gestion du recul du trait de côte, dont nous avons fait le fil conducteur de nos travaux pour les trois ans à venir.

Votre rapport soulève à juste titre la différence de traitement entre la submersion marine et l'érosion côtière au sein de nos politiques publiques. En effet, les outils fonciers mobilisables et les financements pour lutter contre ces risques sont distincts, le recul du trait de côte n'étant pas pris en charge par le fonds de prévention des risques naturels majeurs, dit fonds Barnier.

Cette distinction, si elle se justifie par le caractère prévisible et progressif du recul du trait de côte, par opposition aux submersions marines, est contestée par de nombreux élus locaux et est scientifiquement discutable, car les deux phénomènes s'alimentent mutuellement : les submersions marines peuvent accélérer le recul du trait de côte et ce dernier expose de nouveaux secteurs aux vagues de submersion. Selon vous, serait-il pertinent de traiter ces risques par des instruments communs ?

Par ailleurs, en m'appuyant sur les travaux du comité national du trait de côte, dont je suis membre, et du Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema), qui a rendu un rapport récemment, j'aimerais aborder la question du financement des opérations de relocalisation et de recomposition spatiale face à ce recul.

Certaines des pistes qui figurent dans votre rapport ont déjà été formulées par des parlementaires et mobilisent des ressources locales, notamment la création d'un fonds de solidarité côtière alimenté par les droits de mutation à titre onéreux (DMTO) et une mobilisation accrue de la taxe pour la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations, dite taxe Gemapi, dont vous suggérez le déplafonnement. Le Sénat a rejeté à l'unanimité un amendement du Gouvernement tendant à permettre le financement de l'adaptation face au recul du trait de côte par la taxe Gemapi, car le produit qui en est issu est déjà très insuffisant pour prendre en charge les besoins existants.

La piste d'une affectation partielle de la taxe sur les éoliennes en mer a également été évoquée pour ce qui concerne la zone économique exclusive. Selon moi, les riverains ne doivent pas être les seuls payeurs. Aussi une part de fiscalité locale est-elle peut-être souhaitable et la solidarité nationale l'est-elle sans doute.

Quel regard portez-vous sur l'idée d'affecter une part du produit tiré de l'éolien offshore au financement de l'adaptation des territoires littoraux face au recul du trait de côte et sur celle de créer un fonds de solidarité côtière ?

M. Jean-Claude Anglars. - Monsieur le Premier président, le monde agricole se souvient du rapport que vous avez produit en 2023 sur l'élevage bovin, qui a créé un grand émoi, notamment dans le Massif central. Toutefois, je vous interrogerai non pas sur l'agriculture, bien que je sois rapporteur pour avis pour le Sénat du texte que nous allons bientôt examiner sur le sujet, mais sur la situation des concessions hydroélectriques.

À Montezic, dans la vallée de la Truyère, la construction d'une centrale hydroélectrique d'une capacité de 430 mégawatts est prête à démarrer. Comme d'autres projets, elle est suspendue à la résolution du contentieux européen sur le renouvellement des concessions arrivant à échéance.

Dans un référé de 2 décembre 2022, la Cour des comptes a recommandé au Gouvernement d'agir à cet égard. Dans votre rapport de 2024, vous avez formulé les mêmes recommandations : « il serait opportun de ne plus considérer les stations de transfert d`énergie par pompage (STEP) comme des ouvrages ordinaires destinés à commercialiser de l'électricité sur le marché de détail, mais comme des équipements destinés à contribuer à la flexibilité du réseau. Leur mode de rémunération devrait être revu en ce sens. La Cour réitère donc la recommandation figurant dans le référé précité d'étudier un modèle de rémunération propre aux STEP. »

Or le ministre délégué chargé de l'industrie et de l'énergie a déclaré en février qu'il n'y aurait pas de projet de loi relatif à la souveraineté énergétique jusqu'à la fin de l'année, en attendant un débat sur l'équilibre global du système énergétique français. En mars, Bruno Le Maire, que j'ai interrogé au cours d'une séance de questions au Gouvernement, n'a pas été en mesure d'apporter des précisions sur les solutions et le calendrier prévus.

Monsieur le Premier président, jusqu'à quand cette situation juridique est-elle tenable ?

M. Hervé Gillé. - Monsieur le Premier président, vous l'avez souligné, la vertu des trajectoires ne trouve pas toujours de contrepartie financière. Nous devons nous doter d'outils et de méthodes pour évaluer le rapport coût-bénéfice et l'impact conjoncturel et structurel des investissements consentis.

Par ailleurs, vous avez peu abordé les marchés carbone et les compensations carbone, qui sont un sujet majeur. Quels nouveaux types de fiscalité carbone sont-ils envisageables ?

Vous avez mentionné l'intérêt de la planification. Pour aller plus loin, nombre de nos politiques publiques ne sont pas suffisamment conditionnées, et leur trajectoire n'est pas suffisamment définie dans les règlements. Certains outils sont sous-utilisés ou sous-dotés, comme les plans climat-air-énergie territoriaux (PCAET), sur lesquels j'ai travaillé avec Ronan Dantec. Il convient de mieux accompagner les territoires et de mieux articuler les fonds européens pour développer la planification écologique, car il s'agit d'une faiblesse majeure.

En ce qui concerne les transports, nous manquons de lisibilité sur les trajectoires d'investissements. Nous avons le sentiment que cela part dans tous les sens, ce qui empêche de déployer une stratégie véritablement offensive et de définir des objectifs prioritaires. Je pense à la qualité du réseau et à son adaptation mais il est aussi question de développer des voies à grande vitesse, qui sont particulièrement coûteuses ; d'investir dans le train du quotidien ; de développer des services express régionaux métropolitains (Serm), mais sans que l'on connaisse l'enveloppe qui y sera réellement consacrée... La stratégie nationale est floue. Quel est votre sentiment sur le sujet ?

Par ailleurs, comme l'a évoqué Jean-Claude Anglars, l'eau est un sujet majeur, à côté duquel on ne saurait passer, qu'il s'agisse de l'hydroélectricité ou de la pollution des eaux.

En effet, les scandales se multiplient quant à la qualité des eaux qui sont prélevées ou mises en bouteille. Une réflexion doit être menée sur l'ensemble des aires de captage, mais aussi sur les processus industriels. Des procédures dérogatoires posent question d'un point de vue politique. Quel est votre avis sur cette question ?

En ce qui concerne les concessions hydroélectriques, de grandes inquiétudes existent sur les soutiens d'étiage. Sur la Garonne, la campagne d'étiage a coûté 5,5 millions d'euros en 2022. Les aménités des barrages sont absolument essentielles, notamment sur le bassin Adour-Garonne.

M. Pierre Moscovici. - Monsieur Gillé, nous n'avons pas réponse à tout et ne prétendons pas à l'exhaustivité, mais vous nous donnez de nombreuses pistes de travail.

Il me semble déceler un fil conducteur dans l'ensemble de vos questions, celui de la planification. Le rôle de la planification est de fixer une stratégie et une trajectoire et de permettre à l'ensemble des acteurs de travailler ensemble. En se fondant sur la trajectoire d'un réchauffement de 4 degrés d'ici à 2100, quelles politiques d'atténuation et d'adaptation devons-nous conduire et en nous appuyant sur quels financements ?

Il va de soi que les questions que vous avez posées sont toutes pertinentes et pourraient pour beaucoup d'entre elles donner lieu à des rapports de la Cour des comptes ou des chambres régionales des comptes. Au reste, je le redis, la Cour des comptes se propose d'établir un rapport annuel sur la transition écologique pour aborder de concert les sujets climatiques et financiers.

Pour répondre à Ronan Dantec, je vous dirai qu'à la Cour nous ne parlons pas d'orthodoxie financière, terme connoté, mais plutôt de qualité de la dépense, de sérieux budgétaire, de règles à respecter. En tous cas, je veux affirmer de manière solennelle et ferme qu'il n'y a aucune contradiction - il y a même un lien nécessaire - entre la réduction de la dette publique et l'action climatique. C'est bien là le sujet politique par excellence. Certains s'imaginent qu'on peut vivre avec une dette plus élevée, continuer à s'endetter. D'autres pensent qu'on peut réduire la dette. Mais comment ? Certains pensent que la croissance suffit. D'autres s'imaginent que des recettes massives, générées par un coup de barre fiscal, y pourvoiront. D'autres enfin prônent des politiques dites d'austérité, avec une réduction très brutale de la dépense publique.

J'ai acquis cette certitude au cours de mes quarante ans d'expérience dans la vie publique : il n'y a pas de bonne politique publique sans finances publiques saines. La dette publique est l'ennemie de toute politique publique. Il est impossible d'agir efficacement avec une dette élevée, car on est tout simplement coincé, fait aux pattes, immobilisé, paralysé. La charge de la dette est passée de 25 à 57 milliards d'euros depuis 2021, car nous sommes sortis de la période magique des taux négatifs. Elle va atteindre 85 milliards d'euros, de l'aveu même du Gouvernement. Le Haut Conseil des finances publiques (HCFP), que je préside, a d'ailleurs indiqué que la trajectoire financière jusqu'en 2027 manquait de crédibilité et de cohérence, nous aurons l'occasion d'en reparler au moment du prochain projet de loi de finances. Et je viendrai présenter au Sénat dans un mois notre rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques.

Notre situation est donc très préoccupante. Investir massivement pour le climat, la défense, la transition numérique, ou l'innovation et la recherche, pour retrouver de la compétitivité, très bien ; mais comment le faire sans marges financières ? Le préalable à tout investissement intelligent, c'est de réduire la dette pour retrouver des marges. Vous dites qu'en économie de guerre, on fait des déficits. Alors nous sommes en guerre depuis longtemps ! Cela fait 50 ans que notre budget est en déficit et, ces dernières années, ce fut un vrai festival : la dette a crû de 600 milliards d'euros en cinq ans ! Cette hausse n'est pas uniquement imputable à la crise de la covid ou à la crise énergétique ; elle résulte aussi de l'augmentation des dépenses ordinaires. Sont-ce des dépenses de qualité ? Avez-vous la sensation, dans votre diversité politique, mesdames, messieurs les sénateurs, que les services publics fonctionnent beaucoup mieux dans ce pays, grâce à ces 600 milliards d'euros de dépenses publiques supplémentaires ? Non : nous avons un problème massif de qualité de la dépense publique. Et nous faisons beaucoup plus de déficit que les autres. Nous sommes les champions d'Europe, derrière les Italiens ! Nous sommes le pays dont la dette publique ne cesse de croître. Nous sommes les seuls dans ce cas. Nous sommes le pays dont le taux de dépenses publiques dans le PIB est le plus important... Bref, nous ne ferons rien pour réduire notre dette climatique si nous ne réduisons pas notre dette financière. Nous devons retrouver des marges de manoeuvre pour agir. Je ne sais pas qui gouvernera ce pays après 2027, après 2032, mais je sais que cette personne trouvera de toute façon une situation des finances publiques extrêmement compliquée, et qu'agir dans ces conditions sera très difficile. Et ne rêvons pas à des solutions magiques, comme le recours à la politique monétaire ou l'annulation de la dette. Nous sommes dans un ensemble qui s'appelle la zone euro, et qui est extrêmement protecteur à cet égard. Vous distinguez, à juste titre, entre bonne et mauvaise dette ; mais à la fin, pour l'État, il n'y a qu'une seule dette, qu'il faut rembourser. Pardonnez ma vivacité, mais cette réponse vient du fond du coeur. J'ai exercé quelques fonctions, je n'en ai pas connu où l'on était capable d'agir sans argent. S'il y a des magiciens dans la salle, qu'ils se lèvent. Je vois que personne ne se lève : c'est que tout le monde ici est très réaliste, ce qui est logique quand on est sénateur.

Le coût des infrastructures incombe à l'État et à l'opérateur, mais il faudra aussi envisager une contribution de l'usager. D'ailleurs, nous remettrons en 2025 un rapport sur la contribution des usagers au financement des transports publics, en réponse à une demande qui a émergé sur la plateforme citoyenne de la Cour des comptes et des chambres régionales et territoriales des comptes. Le suivi des contrats entre l'État et la SNCF incombe aux administrateurs représentant l'État au sein des conseils d'administration, mais la Cour des comptes y contribuera aussi. Comparer notre régulateur à celui du Royaume-Uni est difficile en raison des différences de modèles.

J'en viens à l'AFD. Le concept de Sud global est discuté, et discutable. Certes, il montre bien que ce n'est plus l'Occident qui dirige la planète, mais les autres pays sont-ils vraiment unis ? La Cour constate que, depuis une quinzaine d'années, les pays développés fournisseurs d'aide au développement, dont nous faisons partie, ont augmenté fortement leur financement relatif au changement climatique. C'est le cas de l'AFD. La Cour note une mobilisation effective de la France et singulièrement de l'AFD depuis une dizaine d'années sur ces questions. L'État a rehaussé régulièrement les objectifs fixés à l'Agence, avec des engagements annuels passés de 146 millions d'euros en 2012 à 2 milliards d'euros par an depuis 2019. La France fait partie des États qui ont le plus fortement engagé ce mouvement vers le financement de l'adaptation. La Cour constate également que l'AFD a ajusté ses modèles d'intervention aux enjeux d'adaptation, où les États partenaires sont en première ligne pour la mise en place de cette nouvelle politique publique. C'est plutôt un chapitre positif !

C'est aussi le cas de celui qui concerne le trait de côte. Nous nous sommes penchés sur plusieurs départements, dont la Gironde. Les actions à entreprendre pour s'adapter aux risques en la matière sont rarement formalisées, et lorsqu'elles le sont, c'est de manière insuffisante et hétérogène, en raison d'un manque de clarté sur l'échelon compétent pour agir. Nous proposons que ce soit l'autorité chargée de la gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations, c'est-à-dire le bloc communal, qui soit responsable.

S'agissant du financement, nous évaluons l'effort public à consentir dans ce domaine entre 50 millions et 150 millions d'euros par an jusqu'à 2040. On estime à 22 millions d'euros le coût sur 20 ans du déplacement d'un quartier de 30 maisons, et à 835 millions d'euros le déplacement d'un front de mer de trois kilomètres. Notre estimation est donc assez prudente. En tous cas, un modèle de financement pérenne doit être construit. Nous suggérons de mettre à contribution les usagers du littoral par la création d'un fonds de solidarité côtière alimenté par une taxation plus importante des ventes de biens situés dans les intercommunalités littorales, mais nous préconisons le maintien d'un reste à charge local. Je sais que d'autres propositions existent, d'inspiration nationale.

Notre rapport sur la loi du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous (Égalim) a formulé des messages complémentaires aux ajustements constatés dans la filière bovine, monsieur le sénateur.

Vous m'interrogez sur l'hydroélectrique. La Cour réitère sa recommandation, figurant dans le référé, d'étudier un modèle de rémunération propre aux STEP. Vous vous demandez jusqu'à quel point la situation actuelle va durer. Difficile de le dire à la place du ministre, vous en conviendrez ! La Cour a un grand sens des institutions républicaines. Mais elle effectue des suivis réguliers de ces recommandations. Dans trois ans au plus tard, nous reviendrons auprès des pouvoirs publics pour vérifier si cette recommandation a été mise en oeuvre. Si ce n'est pas le cas, nous analyserons les raisons pour lesquelles la situation n'a pas évolué. J'espère tout de même que nous n'aurons pas à le faire.

La Cour des comptes n'est pas un pouvoir, ni exécutif ni législatif. Ce n'est pas un contre-pouvoir. C'est simplement une institution républicaine, qui est là pour informer le citoyen - et au premier chef le Parlement - et pour diffuser des informations objectives dans un monde qui en manque.

M. Saïd Omar Oili. - À la lecture du rapport annuel consacré à l'action publique en faveur de l'adaptation au changement climatique, j'avais suggéré dès le début mois de mars à la présidente de la délégation sénatoriale aux outre-mer de vous auditionner. Un chapitre de ce rapport traite en effet des territoires ultramarins. À la différence de l'Hexagone, nous sommes déjà, en outre-mer, dans des crises climatiques. Il ne s'agit pas simplement de s'adapter, mais de faire face à ces changements, dans des territoires insulaires et éloignés de la métropole.

Depuis plus d'un an, nous n'avons pas d'eau à Mayotte. Si la phase aiguë de la crise est passée, celle-ci n'est pas terminée, et durera longtemps. Les investissements à faire sont colossaux pour fournir suffisamment d'eau à la population, avec une poussée démographique de 6 % par an. Il y a quelques jours, nous avons échappé à un point zéro dans les ressources en eau. Selon le directeur de la sécurité civile et de la gestion des crises, interrogé par les députés, c'est la plus grosse opération de secours que l'État ait engagé en termes de moyens financiers et humains. S'ajoute la crise sanitaire, avec le développement du choléra : le réchauffement climatique peut aussi ramener des maladies qui avaient disparu depuis longtemps. Nous vivons aujourd'hui à Mayotte avec le choléra, et c'est sans doute une des conséquences de la crise de l'eau. Il y a 122 cas répertoriés et déjà deux personnes en sont décédées. On n'a pas vu cela en métropole depuis le siècle dernier - et nous sommes en France !

Les services de la direction générale de l'aviation civile (DGAC) ont annoncé qu'avec la montée du niveau de la mer, la piste actuelle ne sera plus utilisable en 2035. Il s'agit d'un autre exemple des conséquences du changement climatique. Pour ma part, je préférerais que Mayotte soit pilote sur un projet de rehaussement de la piste actuelle. Sur tous les territoires outre-mer, les aéroports sont situés au bord de la mer. À moyen terme, ils vont peut-être disparaître. La question des infrastructures portuaires et aéroportuaires dans les territoires ultramarins ne concerne donc pas uniquement Mayotte, et elle devrait faire l'objet d'une attention particulière de la part des services de l'État. Je partage vos propositions mais je suggère que la question de l'adaptation des infrastructures dans les territoires ultramarins fasse l'objet d'une recommandation spécifique et que la DGAC et les services portuaires intègrent ces évolutions dans les perspectives de gestion des investissements futurs.

Monsieur le président, pouvez-vous nous éclairer sur les enjeux, importants, de l'action publique dans les territoires ultramarins en ce qui concerne la lutte contre le réchauffement climatique ?

M. Olivier Jacquin. - Merci pour ce rapport, dont je me réjouis qu'il devienne un travail régulier : c'est une bonne chose de revenir périodiquement sur la politique climatique. L'enjeu est important et l'impact du réchauffement est grave. Vos analyses sont claires au niveau national. Pourriez-vous les préciser en ce qui concerne les collectivités territoriales ? Nous sommes dans une République décentralisée. Quelle est votre analyse pour les différentes strates, qu'il s'agisse des régions, des départements ou des communes ?

M. Guillaume Chevrollier. - Vous nous présentez ce matin le rapport annuel consacré à l'action publique en faveur de l'adaptation au changement climatique, avec comme mots-clés les verbes « connaître », « informer », « planifier ». Vous représentez la Cour des comptes. Comment financer ces politiques publiques d'atténuation et d'adaptation ? Vous avez rapidement fait un lien entre dette climatique et dette financière, en rappelant l'état de nos finances publiques et nos 3 600 milliards d'euros de dettes, qui représentent 110 % du PIB, et en soulignant que nos dépenses publiques équivalent à 57 % de notre PIB. La Cour des comptes publie des rapports alarmants, année après année. Nous les recevons et nous les lisons avec beaucoup d'intérêt. Vous formulez beaucoup de recommandations : il y en a 62 dans le dernier rapport public annuel de 2024. Mais suivez-vous leur application ? C'est indispensable pour mesurer l'impact concret du travail de la Cour des comptes et son efficacité.

Vous avez été commissaire européen. Quelles sont les relations de la Cour des comptes avec la Cour des comptes européenne ? Menez-vous des travaux communs sur la dette financière des différents États de l'Union européenne ? Il est question de lever un emprunt européen. Quelle serait sa soutenabilité financière ? La Cour des comptes européenne travaille-t-elle sur les politiques d'adaptation au changement climatique et de lutte contre le réchauffement ?

M. Michaël Weber. - Merci pour ce rapport, qui est pour nous, sénateurs, une mine d'or - ou plutôt, en l'occurrence, un puits de carbone ! Nous y trouvons des idées, des réponses et sans doute des solutions à construire.

Je m'inquiète de constater que, sur les questions de transition énergétique et de lutte contre le réchauffement climatique, il y a désormais une forme de défiance chez nos concitoyens. Ils se demandent au quotidien comment eux-mêmes seront impactés par ces changements et comment ils pourront eux-mêmes y faire face. Ils évaluent leur impact sur leur propre budget, sur leur train de vie, sur leur quotidien. L'acceptabilité sociale est aujourd'hui mise en difficulté, et nous devons imaginer des mécanismes financiers pour l'améliorer.

La question de l'acceptabilité sociale transparaît aussi dans les politiques publiques. On sent depuis quelques mois une sorte de frein sur l'intensité des mesures à prendre pour améliorer la transition énergétique et climatique. Que pensez-vous des mécanismes imaginés pour améliorer l'acceptabilité sociale des mesures de transition ?

Les moyens à mettre en oeuvre dans les années à venir sont à comparer au coût de l'inaction climatique. Les mesures prises aujourd'hui sont source d'économies à l'avenir, il faut le souligner. On parle de 110 % du PIB, mais il y a quelques années, quand l'Italie est arrivée à 120 %, on disait que c'était une catastrophe...

Mme Marta de Cidrac. - Ma question concerne l'AFD. Vous en parlez dans votre rapport et je souhaitais connaître votre avis sur l'articulation entre notre aide au développement et l'adaptation au changement climatique. Cette agence est financée pour l'essentiel par le ministère des affaires étrangères et par le ministère de l'économie et des finances. C'est notre opérateur principal sur ces sujets dans le monde. Les engagements financiers de l'AFD ne cessent d'augmenter depuis 2014. Ils ont dépassé les 2 milliards d'euros. Dans votre rapport, vous recommandez d'augmenter les crédits consacrés à la transition climatique. De combien ? Vous réclamez également un retour sur les impacts et les résultats des actions menées. Elles n'ont pas le même poids selon les zones géographiques. Vous dites qu'il serait intéressant que nous ayons un retour d'expérience de ce que fait l'AFD dans toutes les régions du monde, pour inspirer nos collectivités territoriales. Pouvez-vous préciser cette recommandation ?

M. Simon Uzenat. - Je suis co-rapporteur d'une mission d'information sur les entreprises et le climat. Je me concentrerai donc sur la partie du rapport qui est consacrée à l'accompagnement de l'adaptation. Vous dites que les objectifs de l'adaptation doivent être articulés avec ceux du développement économique. Il faut sans doute inverser la logique. Beaucoup d'acteurs économiques affirment que l'enjeu est de repenser les modèles de développement économique à l'aune des enjeux posés par le changement climatique, qu'il s'agisse de l'adaptation ou de l'atténuation. Le rapport déplore le faible nombre de projets verts rentables. Ces projets ne sont pas rentables dans les critères de l'économie actuelle. À juste titre, vous évoquez dans le rapport un déplacement des curseurs de la rentabilité. Il faudra probablement aller bien plus loin qu'un simple déplacement de curseurs, notamment dans la banque et l'assurance, où l'intégration du risque climatique reste relativement faible.

Vous recommandez de pousser les entreprises à agir ou à modifier leur comportement par la réglementation ou par une action sur les prix des biens et services. Pouvez-vous nous en dire davantage sur ces deux leviers, que nous avons également identifiés et sur lesquels nous travaillons ? Vous l'avez dit dans votre propos introductif, ne pas s'adapter ou mal s'adapter serait à terme bien plus coûteux. Vous pointez également l'absence de politique publique relative à l'adaptation englobant l'ensemble des acteurs financiers, publics et privés. Les acteurs économiques que nous avons rencontrés nous disent tous qu'ils ont besoin d'aide supplémentaire, en particulier de la part de l'État. Des dépenses supplémentaires, cela requiert des recettes supplémentaires. Vous recommandez d'ailleurs de compenser tout surcroît de dépenses ou toute baisse d'impôts par des économies ou des hausses de recettes. S'agissant de ces hausses de recettes, avez-vous des pistes plus précises en lien avec les enjeux climatiques ? Qu'il s'agisse des entreprises ou des collectivités territoriales, on voit bien que le modèle de financement doit être largement repensé.

Quelle est votre évaluation du mur d'investissements ? C'est un enjeu majeur. Dans l'une des recommandations, vous évoquez des pistes, en lien avec le troisième Pnacc. Pourriez-vous les préciser ? Quelle méthode retenir pour évaluer au mieux ces besoins d'investissements à l'échelle nationale ?

Mme Denise Saint-Pé. - Eu égard aux changements climatiques et à la résilience nécessaire des réseaux électriques, vous préconisez dans votre rapport, outre la modification de l'arrêté des conditions techniques de 2001, que soit intégré dans les contrats de service public conclus entre l'État et les gestionnaires de réseau des objectifs nécessaires d'adaptation au changement climatique. À ce jour, l'exigence de services publics existe avec Réseau de transport d'électricité (RTE), le transporteur d'électricité, mais pas avec le distributeur, Enedis. Alors que se multiplient les raccordements d'énergies renouvelables sur nos réseaux, comment l'État peut-il aider en tenant compte du contexte budgétaire contraint et sachant que les collectivités territoriales sont propriétaires des réseaux électriques ?

M. Hervé Reynaud. - Merci pour cet échange sur votre rapport annuel consacré à l'action publique en faveur de l'adaptation au changement climatique. J'ai beaucoup apprécié la sincérité de vos propos, notamment sur la charge de la dette, ou sur la qualité de la dépense. Certains collègues ont parlé du reste à charge pour nos collectivités territoriales sur un certain nombre de ces sujets. Le Président de la République impute dans L'Express la dérive des dépenses aux collectivités locales et affirme qu'il n'y a pas de dérapage de la dépense de l'État. Qu'en dites-vous ?

Mme Marie-Claude Varaillas. - Si l'on veut s'adapter au changement climatique et en atténuer les impacts, il faut des investissements publics et privés massifs. Il nous faut dépasser ce que vous avez appelé le mur d'investissements. Votre rapport a le mérite de signaler ce besoin massif d'investissements, tout en dénonçant une situation des finances publiques préoccupante. N'y a-t-il pas là une injonction contradictoire ? Comment demander à l'État de réduire son déficit au moment où il doit agir davantage pour accompagner la transition écologique ?

Après avoir annoncé 10 milliards d'euros supplémentaires pour financer sa planification écologique, le Gouvernement a procédé à des coupes drastiques dans le budget, qui n'épargnent pas cette transition écologique. Par exemple, 1 milliard d'euros ont été retirés aux crédits de MaPrimeRenov', et 500 millions d'euros ont été soustraits du fonds vert. Vous déclariez pourtant, à juste titre, qu'il serait paradoxal d'aller taper dans le secteur sur lequel on a le plus besoin d'investissements.

Le logement en est un, tout comme le ferroviaire. Le Gouvernement a annoncé un plan de 100 milliards d'euros d'ici à 2040. Si ce plan est mis en oeuvre, il aura une incidence sur les finances publiques. Dans ce cas, que dirait la Cour des comptes ? Y a-t-il des investissements pesant sur le déficit que la Cour des comptes serait prête à saluer, dans une vision à long terme ? L'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) a évalué le coût de l'inaction face aux dégâts du dérèglement climatique à 260 milliards d'euros. Pour réduire le déficit, soit on baisse les dépenses, soit on augmente les recettes. La Cour des comptes estime qu'au moins 50 milliards d'euros d'économies seront nécessaires d'ici 2027 pour faire passer le déficit public sous les 3 % du PIB...

M. Pierre Moscovici. - La Cour des comptes s'est penchée dans son rapport public annuel sur les outre-mer. Je ne vais pas y revenir, sinon pour tirer quelques leçons générales. Il y a une culture traditionnelle du risque dans ces territoires, notamment par la mémoire des phénomènes cycloniques, mais elle tend à s'estomper parmi les jeunes générations, ce qui entraîne des comportements individuels peu adaptés et une moindre adhésion aux efforts de prévention. Il faut retravailler sur cette culture du risque, notamment par une meilleure information. L'adoption, l'application, la mise à jour des documents de planification prévus par la réglementation sont mises en oeuvre de façon très variable, et les moyens humains et techniques déployés présentent des lacunes. Les possibilités de financement de la politique de prévention, qui sont nombreuses, sont peu fléchées vers l'outre-mer.

À Mayotte, la situation est extrêmement sérieuse, dans toutes ses dimensions. Vous savez sans doute, monsieur le sénateur, que la Cour des comptes a produit un rapport assez global sur la question. Je me suis rendu il y a quelques semaines à La Réunion. La Cour des comptes est très consciente de la crise multiforme qui touche l'île. La crise de l'eau a des conséquences sanitaires dramatiques. Vous avez évoqué les morts du choléra. Nous venons de commencer à préparer un rapport pour le Sénat sur la gestion de l'eau en outre-mer. Il sera rendu fin 2024. L'équipe qui effectue ce contrôle s'est rendue à Mayotte en mai dernier. Vous m'avez fait par ailleurs un certain nombre de suggestions, notamment sur l'adaptation des infrastructures aux changements climatiques, et vous avez mentionné la situation de l'aéroport. Nous allons transmettre ces idées au président de la chambre régionale concernée : nous avons une toute petite implantation à Mayotte. Son responsable reviendra vers vous pour voir dans quelles conditions travailler sur ce sujet, qui me paraît très important - mais c'est à lui de définir la programmation de sa chambre ! Nous avons un rôle tutélaire sur les chambres régionales des comptes, mais elles sont indépendantes et autonomes.

Le rôle des collectivités locales dans l'adaptation au changement climatique est essentiel, monsieur le sénateur. On ne peut pas définir une politique d'adaptation sans tenir compte des situations climatiques locales. Les politiques climatiques doivent être territorialisées. Notre rapport montre que les situations sont très différentes selon les territoires : montagne, plaine, littoral, avec des variations nord-sud. Il est crucial d'articuler une stratégie nationale avec des schémas régionaux et locaux. Nous constatons qu'il existe une planification nationale qui doit être approfondie, un État stratège jouant imparfaitement son rôle de pilote, et des stratégies locales inégales, éparses et parfois lacunaires. L'enjeu est de faire émerger une stratégie commune. En réponse à votre question générale, il est essentiel d'articuler et de coordonner le national et le local. Une planification cohérente est indispensable.

Nous publions un rapport biannuel de suivi des recommandations. Nous sommes très visités pendant les Journées européennes du patrimoine, et je rencontre souvent des citoyens à cette occasion. Ils formulent deux reproches : « On ne vous écoute pas » et « On devrait suivre 100 % de vos recommandations. » En réalité, 75 % de nos recommandations sont suivies, ce qui n'est pas négligeable. Mais les 25 % non suivies ne sont pas toujours les moins importantes... Nous revenons tous les trois ans sur ce qui n'a pas été suivi. Il est bon que toutes nos recommandations ne soient pas suivies à 100 %, car je crois à la légitimité du politique et non au gouvernement des juges et des experts.

Nos relations avec la Cour des comptes européenne sont limitées car nous n'exerçons pas le même métier. Nous héritons d'une tradition française née sous Bonaparte, avec la loi du 16 septembre 1807. Nous sommes une juridiction, avec un rôle constitutionnel d'évaluation des politiques publiques, d'information du Parlement et de contrôle du Gouvernement. Philippe Séguin parlait d'équidistance entre le Gouvernement et le Parlement. Nous avons des compétences extrêmement larges. La Cour des comptes européenne est un corps d'audit, qui travaille essentiellement sur les politiques proposées par la Commission européenne, avec une certaine distance. J'ai été commissaire européen, et je crois que notre Cour des comptes est davantage entendue, et parfois crainte, par les pouvoirs publics que ne l'est la Cour des comptes européenne. Celle-ci compte 27 membres, un par État partie ; il s'agit d'un conseiller maître, M. François-Roger Cazala, et nous faisons des échanges de magistrats.

En vérité, nous avons aussi des relations non négligeables avec la Commission européenne. En particulier, comme Premier président de la Cour des comptes, je préside aussi le Haut conseil des finances publiques, qui rend des avis sur tous les projets de lois de finances, de lois de financement de la sécurité sociale, de lois de finances rectificatives, de lois d'orientation des finances publiques, sur les programmes de stabilité... Ces avis sont très entendus et ils sont pris en compte par la Commission européenne dans l'appréciation de la situation de la France.

Vous évoquez l'acceptabilité. Les dernières élections européennes ont été marquées par un gros progrès des partis écologistes ; celles qui arrivent verront sans doute une forme de recul de ces formations. Cela montre que l'acceptabilité recule. Si nous ne sommes pas capables de montrer comment l'économie et l'écologie sont compatibles, de montrer comment on peut à la fois traiter la question de la dette écologique et celle de la dette financière, pour permettre à la société de se mobiliser, alors nous aurons des phases d'accélération et de recul. D'ailleurs, le Parlement européen qui semble devoir résulter des prochaines élections européennes sera sans doute moins favorable à la mise en oeuvre du Green Deal, qui est la principale proposition stratégique de la Commission actuelle.

Nous avons donc insisté sur la notion d'information, qui figure parmi les quatre priorités que j'ai énoncées : connaître, informer, planifier, financer. Informer, c'est positiver les conséquences pour les citoyens des politiques publiques en la matière. Notre rapport sur les bovins, comme celui portant sur les stations de ski, a soulevé des problèmes qui sont réels afin de susciter une prise de conscience. Nous ne disons pas qu'il faut fermer les stations de ski, mais que toutes les stations de ski françaises, pratiquement, doivent réfléchir à ce que sera leur modèle en 2050. La commune de Métabief, par exemple, s'est déjà adaptée à la nouvelle donne. Cela représente des contraintes, mais toutes doivent le faire.

En ce qui concerne l'AFD, l'examen de projets d'adaptation conduits au Maroc et au Sénégal montre bien que ces projets présentent une plus-value avérée, dont témoignent plusieurs exemples de solutions qui réduisent la dépendance des populations à la mobilisation de moyens extérieurs, et favorisent aussi leur résilience au changement climatique, que ce soit en matière d'agriculture ou d'aménagement urbain. Les limites peuvent tenir aux partenaires de l'AFD, qui visent encore souvent un développement économique de court terme plutôt qu'une adaptation durable au changement climatique. Il nous semble en effet que les actions engagées par l'AFD pourraient faire l'objet d'une plus grande diffusion en France et à l'étranger, pour partager les bonnes pratiques contestées.

Vous m'interrogez sur l'évaluation du mur d'investissements. Nous n'avons pas donné de chiffre de synthèse. Le rapport Pisani-Ferry-Mahfouz fait autorité en la matière. Il parle de 70 milliards d'euros à trouver avant 2030, pour moitié dans le secteur privé et pour moitié en fonds publics. Ce chiffre nous paraît adapté.

La Cour des comptes n'est pas compétente fonctionnellement sur les recettes. Nous nous concentrons sur les dépenses publiques. Les recettes relèvent du Conseil des prélèvements obligatoires (CPO), que je préside également. À titre personnel, il me semble que balayer d'un revers de main les propositions faites par Jean Pisani-Ferry et Selma Mahfouz en matière fiscale n'est pas sérieux.

Les finances publiques, c'est une matière extrêmement simple. Oui, nous avons trois façons de réduire les déficits. Augmenter la croissance est la solution la plus vertueuse. Mais soyez conscients, mesdames, messieurs les sénateurs, que nous ne sommes pas à l'aube des Trente glorieuses. Notre croissance potentielle tourne autour de 1 % par an. Ne nous comparons pas aux États-Unis : nous n'avons pas la même démographie, nous n'avons pas la même compétitivité, nous n'avons pas la même monnaie. Il faut donc muscler notre potentiel de croissance, mais pas tout en espérer. Deuxième option, accroître les recettes. Quand j'étais ministre des finances, je m'étais illustré par une formule, que je revendique toujours : le ras-le-bol fiscal. Quel que soit l'électorat, et notamment dans les classes moyennes, il faut être conscient qu'il y a une limite au consentement à l'impôt. Cela ne veut pas dire qu'on ne peut rien faire. Il y a aussi des questions d'équité. Je pense que le volet fiscal peut être utilisé, mais avec des marges de manoeuvre faibles. On en arrive donc fatalement à faire des économies sur les dépenses.

Dans la trajectoire décrite par le Gouvernement dans le programme de stabilité, il y a certes 50 milliards d'euros d'économies. Mais cette trajectoire n'est pas suffisamment consistante, à notre avis. Et elle comporte aussi 20 milliards d'euros de prélèvements obligatoires. Le problème, c'est qu'à ce stade, ni les uns, ni les autres ne sont spécifiés, informés, documentés. Cela nous chiffonne.

Je ne commenterai pas les propos du Président de la République, mais on ne peut pas dire que les collectivités locales soient responsables de l'ensemble du dérapage des dépenses - ce qui ne signifie pas qu'elles sont exonérées. La Cour des comptes produira aussi, fin juin, une revue de dépenses qui porte sur le financement des collectivités territoriales. Mais dire que l'État ne dépense pas trop ne me paraît pas exact. En 2023, par exemple, on a débranché, en quelque sorte, 28 milliards d'euros de dépenses exceptionnelles, pour rebrancher 29 milliards d'euros de dépenses ordinaires. Ainsi, la dépense a continué à croître dans une année où elle aurait dû très fortement refluer.

Le moment venu, il faut faire des économies, qui ne sont pas forcément douloureuses si elles sont intelligentes. Dans l'ensemble du spectre de la dépense publique, les collectivités territoriales ne peuvent pas être épargnées complètement. Il faut aussi tenir compte de la différence de situation entre les régions, les départements, les communes. La Cour des comptes publiera début juillet son rapport sur les finances publiques locales, qui montre que la structure continue de se déformer, que les poutres continuent de travailler.

Quant au mur d'investissements, j'espère bien que nous serons capables de faire des progrès en la matière. C'est l'un des sujets du rapport sur la planification écologique pour l'an prochain, je vous l'annonce. Sa première mouture paraîtra, je l'espère, en septembre 2025.

Vous avez parlé de coupes drastiques dans les finances publiques, à hauteur de 50 milliards d'euros. Ce n'est pas négligeable, en effet, et je reconnais que ce sont des économies qui n'ont pas été faites depuis bien longtemps. C'est pourquoi, d'ailleurs, nous avons quelques doutes sur la possibilité de passer de 5,1 % du PIB - à condition d'y arriver en 2024 - à 3 % en 2027. Nous avons soulevé un problème de cohérence : soit on garde un taux de croissance élevé, et nous n'aurons pas 3 %, soit on veut atteindre 3 % à tout prix, mais il faudra faire plus que 50 milliards d'euros, car la croissance va s'affaisser.

Je n'ai jamais été partisan de l'austérité, dans aucune de mes fonctions, et je reste hostile à l'austérité, qui affaiblit l'État. D'ailleurs, nous n'en sommes pas là : un pays qui a exécuté 50 budgets en déficit de suite n'est pas un pays qui a fait de l'austérité. Il y a des phases de stop-and-go, mais dans l'ensemble, c'est quelque chose à quoi nous avons renoncé depuis très longtemps, tous gouvernements confondus. De plus, nous sommes les champions de la dépense publique, puisque celle-ci représente 57 % de notre PIB, soit huit points de plus que la moyenne de la zone euro. Cette préférence collective pour la dépense fait partie de notre culture, et je ne la conteste pas. Elle serait plus convaincante, certes, si cette dépense publique était efficace. Pour moi, la vraie question ne porte pas tant sur la quantité de dépenses publiques que sur sa qualité. Et j'observe que nous avons augmenté considérablement, notamment depuis 2001, la quantité de dépenses publiques, sans que la perception et la réalité des services publics ne s'améliorent en proportion.

Plus la dépense publique augmente, plus nos concitoyens se défient du service public. Je vais prendre trois exemples. L'Éducation nationale, d'abord : nous ne cessons de reculer dans les classements du Programme international pour le suivi des acquis des élèves (Pisa), et l'on voit l'écart entre le privé et le public se creuser sans cesse. Deuxième exemple, nous avons dépensé 67 milliards d'euros pour l'hôpital depuis quatre ans. Vous êtes élu sur des territoires. Je ne suis pas sûr que vous puissiez dire « Cocorico ! Mon hôpital fonctionne dix fois mieux ! » Enfin, nous dépensons deux fois plus pour le logement en France que dans n'importe quel pays de la zone euro en termes de pourcentage du PIB. Pour autant, construisons-nous suffisamment ? Poser la question, c'est y répondre. Avons-nous le sentiment d'une mobilité très forte dans le logement social ? Poser la question, c'est y répondre. Je ne dis pas que nous pourrions économiser des milliards d'euros facilement, mais simplement que cette dépense n'est pas bien définie.

Mon plaidoyer principal est que pour réduire la dépense publique, pour limiter la dette publique, pour retrouver des marges afin de faire face à la dette écologique, il faut travailler sur la qualité de la dépense. À quoi servent les revues des dépenses publiques ? Certaines ont été faites il y a un an, on ne les a pas vues. Il y en a davantage cette année, on ne les voit toujours pas. Celles de la Cour des comptes seront transparentes. Je vous rendrai un rapport comportant trois dimensions, l'assurance maladie, les collectivités territoriales et le dispositif de sortie de crise, tout début juillet. La Cour y travaille déjà. Il est très important que ces sujets soient dans le débat public, car je suis persuadé que nous pouvons faire des économies intelligentes, et dépenser mieux plutôt que dépenser moins, avec une meilleure qualité des services publics. Cela rendra moins douloureuses les économies nécessaires.

L'un d'entre vous comparait les 120 % de dette de l'Italie à nos 110 %. Nous sommes aujourd'hui sur le podium des trois pays les plus endettés de la zone euro - la Grèce étant hors hors-concours. L'Italie est à 137 %, nous sommes à 110 %, mais nous sommes le seul pays dont la dette publique augmente dans la zone euro. Tous les autres font des efforts pour la diminuer. Notre problème, ce n'est pas tant la notation de la France ou ce que pensent les marchés : en réalité, les marchés apprécient plutôt la dette française, qui est une dette européenne. La question est plutôt de savoir quelle marge de manoeuvre nous voulons garder pour agir face aux défis du futur, pour faire face à l'économie de guerre, faire face au changement climatique.

Sur ce point, je le répète, nous avons un besoin de réflexions collectives d'intelligence. En gardant les finances publiques comme elles sont, nous n'arriverons pas à grand-chose. Je ne sais pas qui dirigera ce pays dans le futur, mais celui-ci ou celle-là, si on ne retrouve pas de marge de manoeuvre sur nos finances, ne pourra pas mener de politique publique à la hauteur des enjeux. C'est aussi simple que cela. Il y a de nombreuses façons de résoudre le problème. Nous n'avons pas, nous, de baguette magique. Les trois leviers que sont la croissance, la hausse des recettes et la baisse des dépenses publiques, sont disponibles. Il faut probablement conjuguer les trois, mais dans quelles proportions ? C'est aussi aux citoyens électeurs de le choisir, à travers leurs représentants.

M. Jean-François Longeot, président. - Merci. Sans une réflexion globale sur l'état de nos finances et le montant de notre dette, et sans une définition claire des politiques que nous souhaitons mettre en oeuvre en matière environnementale, nous n'y arriverons pas. Il faut pour cela beaucoup de volonté et un peu de courage. Il faut aussi convaincre nos concitoyens. La station de Métabief, par exemple, a réalisé des adaptations importantes, mais le président du syndicat s'est fait tirer dessus. On l'accusait de répudier l'économie de neige. Ce n'est pas qu'il ne voulait plus de l'économie neige, c'est qu'il n'y avait pas de neige ! Il faut anticiper, sans dramatiser, et c'est le rôle de l'élu, afin de mettre en place les bonnes politiques pour le bien de nos concitoyens. Merci à tous pour ces échanges.

La réunion est close à 11 h 10.

Cette audition a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.