- Mercredi 15 mai 2024
- Proposition de loi visant à assurer le respect du principe de laïcité dans le sport - Désignation d'un rapporteur
- Proposition de loi visant à assurer la mixité sociale et scolaire dans les établissements d'enseignement publics et privés sous contrat du premier et du second degrés et à garantir davantage de transparence dans les procédures d'affectation et de financement des établissements privés sous contrat - Désignation d'un rapporteur
- Proposition de loi relative à la réforme de l'audiovisuel public et à la souveraineté audiovisuelle - Désignation d'un rapporteur
- Projet de loi d'orientation pour la souveraineté en matière agricole et le renouvellement des générations en agriculture - Demande de saisine pour avis et désignation d'un rapporteur pour avis
- Audition de M. Philippe Delorme, secrétaire général de l'enseignement catholique
- Proposition de loi visant la prise en charge par l'État de l'accompagnement humain des élèves en situation de handicap durant le temps de pause méridienne - Examen, en deuxième lecture, des amendements au texte de la commission
- « Transports pendant les jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024 : quels enjeux ? » - Audition de M. Patrice Vergriete, ministre délégué chargé des transports, et de Mme Valérie Pécresse, présidente de la région Île-de-France, présidente d'Île-de-France Mobilités
Mercredi 15 mai 2024
- Présidence de M. Laurent Lafon, président -
La réunion est ouverte à 9 h 30.
Proposition de loi visant à assurer le respect du principe de laïcité dans le sport - Désignation d'un rapporteur
La commission désigne M. Stéphane Piednoir rapporteur sur la proposition de loi n° 273 rectifié (2021-2022) visant à assurer le respect du principe de laïcité dans le sport présentée par MM. Michel Savin, Bruno Retailleau, Stéphane Piednoir, Mme Jacqueline Eustache-Brinio et plusieurs de leurs collègues.
Proposition de loi visant à assurer la mixité sociale et scolaire dans les établissements d'enseignement publics et privés sous contrat du premier et du second degrés et à garantir davantage de transparence dans les procédures d'affectation et de financement des établissements privés sous contrat - Désignation d'un rapporteur
La commission désigne Mme Karine Daniel rapporteure sur la proposition de loi n° 471 rectifié (2023-2024) visant à assurer la mixité sociale et scolaire dans les établissements d'enseignement publics et privés sous contrat du premier et du second degrés et à garantir davantage de transparence dans les procédures d'affectation et de financement des établissements privés sous contrat présentée par Mme Colombe Brossel et plusieurs de ses collègues.
Proposition de loi relative à la réforme de l'audiovisuel public et à la souveraineté audiovisuelle - Désignation d'un rapporteur
La commission désigne M. Cédric Vial rapporteur sur la proposition de loi n° 545 (2022-2023) relative à la réforme de l'audiovisuel public et à la souveraineté audiovisuelle présentée par M. Laurent Lafon et plusieurs de ses collègues.
Projet de loi d'orientation pour la souveraineté en matière agricole et le renouvellement des générations en agriculture - Demande de saisine pour avis et désignation d'un rapporteur pour avis
M. Laurent Lafon, président. - Je vous propose de nous saisir pour avis de la partie consacrée à l'enseignement agricole du projet de loi d'orientation pour la souveraineté en matière agricole et le renouvellement des générations en agriculture et de confier la conduite de nos travaux sur le sujet à M. Christian Bruyen.
La commission demande à être saisie pour avis sur le projet de loi n° 2436 (A.N., XVIe lég.) d'orientation pour la souveraineté en matière agricole et le renouvellement des générations en agriculture et désigne M. Christian Bruyen rapporteur pour avis.
Audition de M. Philippe Delorme, secrétaire général de l'enseignement catholique
M. Laurent Lafon, président. - Nous accueillons aujourd'hui, pour la première fois en réunion plénière, M. Philippe Delorme, secrétaire général de l'enseignement catholique, qui est un interlocuteur régulier de notre commission dans le cadre des auditions de nos rapporteurs sur la plupart des sujets concernant l'école.
L'enseignement privé sous contrat accueillait, à la rentrée 2022, un peu plus de 2 millions d'élèves, soit 17,6 % des effectifs scolarisés. L'enseignement catholique y tient une place plus que prépondérante, puisqu'il représente 96 % des effectifs des établissements privés sous contrat. Présent dans l'ensemble des académies, il constitue historiquement, dans certaines d'entre elles, un acteur essentiel du système éducatif : en Bretagne, l'enseignement catholique sous contrat accueillait à la rentrée 2023 plus de 40 % des effectifs scolaires.
Depuis soixante-cinq ans, la loi n° 59-1557 du 31 décembre 1959 sur les rapports entre l'État et les établissements d'enseignement privés, dite loi Debré, fixe les rapports entre l'État et les établissements privés d'enseignement. Chacun ici le sait bien : la liberté d'enseignement demeure une question sensible, tant au niveau politique qu'au niveau sociétal. Son éventuelle remise en cause a bien entendu suscité, par le passé, des réactions passionnées - je pense aux manifestations du début des années 1980.
Plus récemment, les critiques des opposants à l'école libre se sont concentrées sur la question de la mixité sociale dans les établissements scolaires privés sous contrat ou sur celle des modalités de financement jugées par certains inadaptées, alors que l'école publique est en grande souffrance.
De nombreuses initiatives parlementaires ont été lancées sur le sujet par l'opposition sénatoriale et nous devrions débattre, le 13 juin prochain, à la demande du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, d'une proposition de loi visant à assurer la mixité sociale et scolaire dans les établissements d'enseignement publics et privés sous contrat du premier et du second degrés et à garantir davantage de transparence dans les procédures d'affectation et de financement des établissements privés sous contrat.
Monsieur le secrétaire général, cette audition vous offre l'occasion de préciser, devant la représentation nationale, les mesures prises par l'enseignement privé sous contrat afin de renforcer la mixité sociale au sein de ses établissements. Pouvez-vous notamment nous présenter le protocole d'accord relatif au plan d'action favorisant le renforcement des mixités sociale et scolaire dans les établissements privés associés à l'État par contrat relevant de l'enseignement catholique signé avec le ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse en mai 2023 ?
Nous souhaitons également vous entendre sur les modalités de contrôle des financements publics dont bénéficient les établissements privés sous contrat. La presse a pu ainsi se faire l'écho de l'utilisation des deniers publics pour financer des actions ne relevant pas de l'enseignement scolaire sous contrat. De même, en juin 2023, la Cour des comptes soulignait le caractère perfectible des contrôles financier et administratif sur ces établissements. Nous aimerions connaître votre réaction sur ces différents sujets et sur tout autre que vous souhaiteriez porter à notre connaissance.
Monsieur le secrétaire général, je vous laisse la parole pour un propos introductif d'une dizaine de minutes. Jacques Grosperrin, rapporteur pour avis sur les crédits relatifs à l'enseignement scolaire, vous posera ensuite ses questions avant qu'un représentant de chaque groupe s'exprime. Enfin, l'ensemble des collègues qui le souhaitent pourront vous interroger.
Je rappelle que cette audition est captée et diffusée en direct sur le site internet du Sénat.
M. Philippe Delorme, secrétaire général de l'enseignement catholique. - Je vous remercie de cette invitation à dialoguer avec vous ; j'y vois le signe d'une attention particulière, ce qui me réjouit. D'emblée, nous pouvons nous accorder sur un fait : les urgences éducatives de notre société invitent à travailler ensemble. À mon sens, il est possible de se faire confiance et de faire cause commune. Rien ne sert d'opposer ce qui peut concourir à l'oeuvre d'éducation dans notre pays.
Je trouve particulièrement injustes l'existence d'une certaine forme de défiance et l'idée selon laquelle « ce serait mieux sans nous », au regard de l'investissement loyal des chefs d'établissement, de nos équipes éducatives, de nos bénévoles et de nos familles pour coopérer à un « commun éducatif ». Pour notre part, il est naturel de contribuer au service public de l'éducation, sous la forme de l'association à l'État par contrat. Il est également naturel que je m'en explique devant la représentation nationale aujourd'hui.
Ensemble, prenons le temps de saisir la réalité de la situation, plutôt que de tenir compte de « on dit », et d'expliciter ce qui mérite toujours de l'être. C'est pourquoi je répondrai volontiers à vos questions.
Je ne me plaindrai jamais de la grande place prise par l'éducation dans le débat public. L'école est si importante ! Aussi, j'espère que nous aborderons les sujets éducatifs qui traversent notre société, comme les savoirs fondamentaux, le métier d'enseignant, la place des parents, la citoyenneté, le climat scolaire ou encore l'autorité.
Dans notre pays, aux côtés de l'enseignement public, il existe un enseignement privé. C'est bien plus qu'un fait. Aujourd'hui, en France, l'enseignement catholique compte plus de 7 200 établissements et accueille plus de 2 millions d'élèves. Une famille sur deux choisit un de nos établissements au cours de la scolarité de ses enfants. Par conséquent, notre contribution concrète à l'éducation des jeunes de notre pays - non pas seulement ceux issus de milieux favorisés comme on l'entend trop souvent - est incontestable.
C'est un fait dont vous connaissez chacun la réalité dans vos territoires, ou devrais-je dire plutôt les réalités, puisque les établissements de l'enseignement catholique revêtent des formes très différentes allant de l'école unique à classe unique dans le Cantal au groupe scolaire assurant tous les niveaux d'enseignement, de la maternelle à bac+3, dans un milieu plus urbain.
Au-delà de cette réalité, je souhaite partager avec vous quelques convictions fortes sur le cadre légal de fonctionnement des établissements d'enseignement privés associés à l'État par contrat, en m'appuyant sur ma responsabilité actuelle et sur mes expériences d'enseignant et d'éducateur, de chef d'établissement et de directeur diocésain.
L'esprit qui nourrit ces convictions, qui ont une grande importance à mes yeux, s'incarne très concrètement dans la réalité de nos établissements et s'exprime au travers de deux objectifs différents et pourtant totalement compatibles. L'existence de l'enseignement privé est l'expression d'une liberté essentielle, qui apporte au système éducatif de la diversité scolaire. C'est le premier objectif.
Il faut être convaincu de l'importance de la liberté d'enseignement comme facteur de pluralisme et de diversité scolaires, et que ce pluralisme répond aÌ un besoin scolaire, c'est-à-dire à une attente. On peut commenter à loisir les motivations des familles qui nous choisissent et n'y voir qu'un effet d'évitement ou de fuite. Tout chef d'établissement peut en témoigner : les familles veulent le meilleur pour leurs enfants et, si elles choisissent un projet de l'enseignement catholique, ce choix correspond à leurs aspirations. Nous ne sommes ni une simple variable d'ajustement ni des établissements supplétifs. Nous existons non pas par défaut, mais par nous-mêmes, pour offrir aux familles et aux élèves une proposition éducative différente, qui a sa propre valeur et qui répond aÌ une attente éducative et aÌ un besoin scolaire.
Dans le même temps, l'existence d'un enseignement privé contribue au « commun éducatif » de la Nation. C'est le deuxième objectif. Il faut donc être tout autant convaincu que la diversité peut être au service du commun. L'enseignement catholique est, non pas un contre-modèle, mais un modèle différent et associé, au travers de l'association à l'État par contrat. L'association, c'est rendre un service d'intérêt général par une contribution spécifique au service public de l'éducation.
Ces deux objectifs sont non seulement compatibles, mais aussi inséparables. Il n'existe pas, d'un côté, la liberté et l'autonomie et, de l'autre, la responsabilité de l'intérêt général et de la contribution au service public. En exerçant cette liberté, en toute responsabilité, nous apportons une contribution originale et nous remplissons notre rôle de partenaire loyal, associé à l'État.
Voilà ma conviction : c'est une affaire de liberté et de responsabilité, ce qui correspond à ma conception du rôle de l'État en matière d'éducation. Premièrement, l'exercice de la liberté d'enseignement est essentiel et, pour qu'une liberté existe, son expression doit être garantie. Deuxièmement, la liberté n'existe pas sans la responsabilité et n'exclut donc pas le contrôle. Par conséquent, nous attendons de l'État qu'il garantisse les conditions d'exercice de la liberté d'enseignement et un contrôle de sa part ne soulève aucune difficulté.
La liberté et la responsabilité permettent aussi de comprendre le caractère propre de ces établissements. L'erreur d'y voir une dimension purement confessionnelle est souvent commise. Si tel était le cas, d'autres réseaux d'enseignement privé, comme les écoles de langues régionales, ne trouveraient pas leur place. Le caractère propre, c'est la proposition, mais aussi la reconnaissance, d'un projet éducatif spécifique. En conséquence, et c'est une autre conviction forte, le contrat d'association n'impose pas de « faire pareil » que l'enseignement public, ce qui ôterait tout sens à l'association.
Nous entendons nombre de contresens à ce sujet. Ainsi donne-t-on à la formule « selon les règles de l'enseignement public » un sens qu'elle n'a pas : celui du mimétisme voire de l'assimilation. L'école catholique « ne fait pas pareil » et assume que son projet éducatif ne soit pas neutre, puisqu'il s'agit d'une proposition qui a son caractère propre et ses spécificités. En cela, ce projet doit impérativement faire l'objet d'un choix libre, qui est l'expression même de la liberté de conscience, telle qu'elle est définie dans les textes fondamentaux relatifs aux droits de l'homme : liberté de choix des familles et des enseignants de rejoindre, ou pas, un projet éducatif et d'y participer, tout en étant conscients que ce projet n'est pas neutre.
La diversité des projets éducatifs de chacun de nos établissements participe au développement d'un « commun » : chaque école catholique présente un visage singulier et s'empare de son autonomie à sa manière. Chacun des établissements doit être en mesure de donner du corps à cette liberté dans son projet éducatif, dans sa propre organisation, dans ses modalités de fonctionnement et de vie scolaire, dans l'animation de la communauté éducative, sous la responsabilité du chef d'établissement, que ce soit dans le premier ou le second degrés.
L'éducation se construit sur le projet de l'établissement, sur sa communauté et sur son autonomie. C'est ainsi que nous essayons de fonctionner depuis toujours, grâce à un pilotage centré sur l'établissement et sur son projet, et qui reflète la confiance en l'établissement et en sa communauté éducative. C'est ce que le chef de l'État qualifie de « révolution copernicienne » lorsqu'il évoque le système éducatif. À l'évidence, la responsabilisation des équipes éducatives, la confiance accordée aux acteurs, est la clé du succès, une clé tellement plus efficace qu'une réforme supplémentaire. Il faut être connecté étroitement au terrain et donner aux établissements les marges de manoeuvre dont ils ont besoin. Voilà ce que nous souhaitons apporter comme contribution loyale et responsable au système éducatif français.
Je m'inquiète parfois de l'effacement relatif de la liberté et de la responsabilité au sujet des questions éducatives. Qui peut croire encore que tout peut être réglé d'« en haut » ? Que plus de contraintes et de normes appliquées de manière descendante sont nécessaires pour que « cela aille mieux » ? Qu'une réponse univoque traitera la diversité des situations et des enjeux éducatifs ? Être ouverts à tous, c'est aussi cela : répondre aux attentes des familles, accueillir les jeunes dans leur diversité là où les établissements sont implantés, s'adapter à un territoire et à ses spécificités.
En ce sens, l'école catholique est réellement ouverte aÌ tous et elle répond, autant que possible, aux familles qui choisissent son projet pour faire grandir leurs enfants. Plus que jamais, il faut s'employer à rendre ce choix possible pour toutes les familles. C'est le sens du protocole d'accord relatif au plan d'action favorisant le renforcement des mixités sociale et scolaire dans les établissements privés associés à l'État par contrat relevant de l'enseignement catholique que nous avons signé avec le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse voilà tout juste un an.
Contrairement aÌ certaines idées reçues, le manque de liberté de choix conduit souvent aÌ l'entre-soi social et scolaire ; ce n'est pas l'inverse. En Bretagne, où nous sommes très présents, la mixité sociale dans nos établissements se situe au même niveau que dans ceux du secteur public. Est-il juste qu'une famille qui bénéficie d'aides sociales les perde si elle choisit l'enseignement privé ?
Dans ses principes et dans sa mise en oeuvre, la loi Debré n'est pas le reflet d'une idéologie. En cela, elle ne mérite ni d'être défendue ni d'être combattue idéologiquement, mais elle mérite d'être comprise au regard des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République. Cette loi au service de la liberté, de l'égalité et de la fraternité est le reflet d'un pacte social et éducatif et d'un choix de société.
Ce pacte, fait de liberté et de responsabilités, nous le vivons quotidiennement. Je crois profondément qu'il est au service de l'ensemble du système éducatif. Il s'incarne dans des acteurs et dans des actes. Il apporte à l'éducation de la diversité, de l'énergie, de la souplesse de fonctionnement. Il permet une pratique développée de la subsidiarité, synonyme de motivation et d'engagement, qui incite les équipes éducatives à donner le meilleur d'elles-mêmes, au service des jeunes qui nous sont confiés.
M. Jacques Grosperrin. - La mission d'information de l'Assemblée nationale sur le financement public de l'enseignement privé sous contrat a semblé raviver la guerre entre le public et le privé. Pour le groupe Les Républicains, ce rapport outrancier et caricatural, fait d'amalgames, ne correspond pas aux usages de la Chambre haute. Ces partis pris idéologiques ne sont pas les nôtres. Ici, nous servons la République dans le respect de nos interlocuteurs. Un principe essentiel nous guide : la liberté de choix des parents et des familles.
Monsieur le secrétaire général, les choses sont souvent perfectibles dans l'enseignement privé catholique comme dans l'enseignement public. Aussi, comment pourrions-nous améliorer l'un et l'autre ?
Que répondez-vous à ceux qui prétendent que l'enseignement privé catholique sous contrat ne fait pas preuve de transparence ? Quelles sont les modalités de contrôle ? Le dialogue de gestion entre l'État et les représentants des établissements a-t-il lieu dans un cadre satisfaisant ? La transmission obligatoire des comptes vous semble-t-elle suffisante ? Auriez-vous des propositions en la matière ? Les parents participent, sous une forme ou une autre, à ces contrôles. Vous demandent-ils des comptes ?
Le Sénat est la chambre des territoires. Que pouvez-vous nous dire sur le rôle des collectivités locales, ainsi que sur l'indice de position sociale (IPS) qui serait proportionnellement plus élevé pour vos établissements scolaires ?
Nous ne pouvons imaginer qu'un chef d'établissement puisse refuser l'entrée d'un élève dans une situation financière difficile. Dans nos territoires, les établissements privés catholiques sont souvent une deuxième chance. En cela, il ne faut pas faire d'amalgame avec le collège Stanislas à Paris qui a récemment suscité des débats. Pour renforcer la mixité, quelles contraintes l'enseignement catholique pourrait-il accepter en la matière ? Une compensation financière plus importante pourrait-elle être envisagée, car votre modèle économique n'est pas celui de l'enseignement public ?
M. Laurent Lafon, président. - Monsieur le secrétaire général, je vous laisse répondre à cette première série de questions.
M. Philippe Delorme. - Sans instaurer un système libéral, il faut aller vers une plus grande autonomie du système éducatif français en général, notamment s'agissant des réformes mises en oeuvre, en faisant confiance aux équipes éducatives, en tenant compte de la situation locale. La recherche de l'égalitarisme entraine de fortes inégalités au détriment des élèves les plus pauvres.
Nous sommes très favorables à la transparence, et la Cour des comptes ne nous a rien reproché sur ce point. En réalité, les services de l'État ne contrôlaient pas les comptes. Nous travaillons actuellement avec le ministère de l'éducation nationale en ce sens. En effet, l'enseignement catholique n'est pas dans une situation financière très privilégiée ; certains établissements sont même dans une situation extrêmement fragile - je veux faire taire les rumeurs sur d'éventuels donateurs exceptionnels qui nous abreuveraient de millions d'euros.
Les textes anciens ne correspondent plus à nos réalités et il est important que la transmission des comptes soit bien effectuée. Les élus représentants les collectivités locales sont invités au conseil d'administration, qui fixe le budget prévisionnel. Ils ont ainsi un pouvoir de contrôle et d'alerte. De surcroît, dans les plus gros établissements, un contrôle du commissaire aux comptes est effectif.
Dans le cadre de la transparence, nous avons aussi mis en place une base de données concernant tous nos établissements. Celle-ci sera opérationnelle à la rentrée de septembre ou dans le courant du trimestre de façon à ce que les familles disposent d'une information fiable et puissent frapper à notre porte.
Sur les IPS, je ferai deux remarques.
En premier lieu, la moyenne est toujours élaborée à l'échelle nationale. Or, vous le savez bien, la réalité de l'enseignement catholique est très différente d'un territoire à l'autre et ne peut se réduire à la Ville de Paris. Que nous accueillions moins d'élèves boursiers que dans le public, c'est incontestable. En revanche, affirmer que les chefs d'établissement choisiraient de ne pas accueillir des élèves car ils sont issus de milieux sociaux défavorisés est de l'ordre de la calomnie. J'ai moi-même été chef d'établissement en Seine-Saint-Denis ; je n'ai jamais refusé un élève pour des raisons économiques.
C'est un mauvais procès que l'on nous fait. Et nombre d'établissements proposent des aides financières importantes, mais les plus pauvres ne sont pas venus frapper à leur porte. C'est aussi la raison pour laquelle nous voulons travailler avec les collectivités locales afin que les familles les plus modestes puissent conserver les aides sociales notamment l'aide sociale à la restauration lorsqu'elles choisissent de scolariser leurs enfants dans le privé. Certes, nous sommes financés à 75 %, mais nous devons trouver un équilibre économique, car des emplois sont en jeu, des bâtiments à financer, des travaux s'imposent, etc.
En second lieu, l'entrée par la contrainte n'est pas une bonne idée. Je l'ai dit très souvent, il existe deux lignes rouges que nous n'accepterons jamais dans l'enseignement privé : les quotas et l'affectation des élèves, c'est-à-dire la carte scolaire.
Dans le processus de Parcoursup, nous tenons compte des élèves boursiers. Par exemple, les classes préparatoires ont des obligations à cet égard, mais en pratique, les élèves boursiers ne posent pas leur candidature chez nous. Il a été reproché à Pap Ndiaye de ne pas avoir posé de contraintes dans le protocole mis en oeuvre. Or si les établissements sont pénalisés financièrement, ils seront obligés de compenser par la contribution des familles.
M. Laurent Lafon, président. - Nous passons à la seconde série de questions.
M. Patrick Kanner. - Je fais partie de cette génération de 1984 qui a collé des affiches pour l'enseignement laïc. Depuis, mes collègues m'ont donné l'absolution. Le département du Nord compte 283 collèges. Sur les 100 les plus favorisés, 58 relèvent du privé, quand ils ne sont qu'une dizaine parmi les 100 les plus défavorisés. Il faut assumer ce constat et chercher à faire évoluer la situation.
Lors de l'examen de la loi du 31 décembre 1959 sur les rapports entre l'État et les établissements d'enseignement privés, Michel Debré avait déclaré : « Il n'est pas concevable pour l'avenir de la Nation qu'à côté de l'édifice public de l'éducation nationale, l'État contribue à l'élaboration d'un autre édifice qui lui serait en quelque sorte concurrent et qui marquerait, pour faire face à une responsabilité fondamentale, la division absolue de l'enseignement en France. »
Ces mots pèsent et doivent être gardés en mémoire pour ne pas rester sur le statu quo actuel. Il n'est nullement question de remettre en cause l'existence des écoles privées. Toutefois, les chiffres sont têtus : les collèges privés accueillent deux fois plus d'élèves socialement très favorisés (41% contre 16 %) que les collèges publics et deux fois moins d'élèves défavorisés (16%/ 40 %) que les collèges publics.
Certes, l'enseignement privé n'est pas homogène : à Roubaix ou à Tourcoing, par exemple, des établissements privés font un travail social évident. Notons qu'à Lille, des collèges publics pratiquent la ségrégation sociale. C'est un combat permanent que nous devons mener.
En revanche, y a-t-il une organisation qui serait insatisfaisante par rapport à l'objectif de mixité scolaire que nous allons défendre avec Colombe Brossel le 13 juin prochain ? Ce texte ne fera peut-être pas l'unanimité, mais il aura le mérite de poser les questions. Vous dites vous-même que vous êtes prêts à améliorer le système actuel. Ma question est simple : assurer la mixité sociale dans les établissements privés sous contrat, tant dans le premier que dans le second degré, et garantir davantage de transparence dans les procédures d'affectation et de financement vous paraît-il possible à court ou à moyen terme ? Quels moyens vous donnez-vous pour parvenir à cet objectif ?
Mme Annick Billon. - Merci, monsieur le secrétaire général. À mon tour de me confesser comme le président Kanner. J'affirme mon attachement à la liberté de choix, à la qualité de l'enseignement dispensé par l'école publique et privée sous contrat.
Je formulerai quelques questions par rapport à la rentrée 2024.
Les rectorats souhaitent imposer la mise en oeuvre des groupes de niveau, notamment pour les classes de sixième et de cinquième, avec des conséquences certaines sur le schéma d'emplois. Ce schéma commence-t-il à être stabilisé ? Qu'en est-il des mesures définitives pour les cartes scolaires, des dotations concernant les groupes de niveau, ainsi que de la répartition des postes ? Quid des lycées professionnels ?
Un rapport parlementaire de 2023 pointait le déficit de la couverture médicale dans l'enseignement privé sous contrat. La médecine scolaire dans ces établissements connaît en effet de grosses difficultés. Les frais pour réaliser un bilan psychométrique sont pris en charge pour les élèves scolarisés dans le public mais par pour ceux scolarisés dans le privé. Du fait de son coût - entre 300 et 400 euros - certaines familles y renoncent.
M. Pierre Ouzoulias. - Je ne fais pas de confession, mais je marque mon attachement à la liberté d'enseignement, qui est constitutionnelle. Je ne suis pas opposé à l'enseignement catholique, et je suis l'un des rares à avoir défendu la liberté de culte lors de la discussion de la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République. En revanche, je défends la liberté de conscience dans le privé et le public. La mission de l'enseignement public n'est pas la neutralité. Jean Jaurès disait que seul le néant est neutre. L'école publique doit former des républicains, ce qui fait peut-être la distinction avec votre enseignement.
Vous déclarez que vous êtes constitutifs du service public de l'éducation. Je vous entends, mais la laïcité ne s'y applique pas - je pense, notamment, à la loi du 15 mars 2004 encadrant, en application du principe de laïcité, le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics. Combien de vos établissements accueillent aujourd'hui des jeunes filles voilées ? Beaucoup le font dans mon département. Est-ce encore compatible avec le service public de l'éducation ? Je ne le pense pas.
Il serait dangereux, dites-vous, que le caractère propre de vos établissements soit limité aux activités extra ou périscolaires. Quelle liberté les établissements se donnent-ils au nom du caractère propre pour modifier l'enseignement par rapport aux programmes de l'État ?
M. Bernard Fialaire. - Je vous rassure, un radical du groupe du RDSE n'est pas là pour raviver la guerre scolaire. Nous sommes au contraire tous des défenseurs de la liberté. Nous ne voulons pas non plus l'égalitarisme, à condition que cette lutte ne soit pas un prétexte pour une ségrégation sociale.
Vous nous dites que le secteur privé n'accueille pas que des enfants issus de milieux favorisés. Hélas si, du fait du soutien de certaines familles derrière leurs enfants. Le rôle de l'école de la République est pourtant de donner à tous la même égalité des chances. Or, dans certains endroits ruraux, la ségrégation fait perdre des chances à des élèves. Comment peut-on faire pour que ce soit « mieux avec vous », sachant qu'il faut reconnaître les initiatives bénéfiques émanant de l'enseignement privé ?
Le contrat mérite un contrôle de la part de partenaires loyaux, ce qui impose une responsabilité pour la liberté, l'égalité, mais aussi la fraternité. Pour être effective, celle-ci suppose de faire vivre et d'éduquer ensemble des enfants. Comment favoriser cette valeur avec vous et garantir le principe de laïcité ?
Seriez-vous prêt à rediscuter du financement des écoles privées par les communes ? En effet, à côté de certains petits établissements, la fragilité financière touche aussi des municipalités. Quand des élèves passent dans l'école privée, cela crée une forme de double peine. Pourrait-on trouver un système plus juste, basé sur un nombre de places possibles, et non effectives ?
Mme Monique de Marco. - Merci, monsieur le secrétaire général, pour vos propos introductifs. Vous revendiquez un caractère propre, des projets éducatifs très spécifiques et une autonomie à votre manière. Peut-être n'appliqueriez-vous pas les groupes de niveau pour le français et les mathématiques en sixième et en cinquième et laisseriez le libre choix aux établissements au nom de ce caractère propre de l'enseignement catholique ?
Autre question : la formation des enseignants du privé. Elle est aujourd'hui gérée en grande partie par la fédération Formiris qui bénéficie chaque année de plus de 90 % de subventions publiques et est chargée de la politique de formation initiale des enseignants des établissements catholiques. Son fonctionnement est des plus opaques et suscite de plus en plus de critiques comme l'a démontré un article du journal Mediapart. J'aimerais avoir des informations complémentaires à ce sujet.
M. Max Brisson. - Monsieur le secrétaire général, personne n'est ici qualifié pour décerner des brevets de républicanisme. Je voudrais faire une profession de foi à l'instar de tous les orateurs précédents ; ils ont dit leur attachement à l'enseignement catholique et à la liberté d'enseignement, mais j'ai senti beaucoup d'attaques larvées qui renvoient à l'histoire de chacune de nos familles politiques.
Je vous remercie d'avoir répondu à l'invitation du président Lafon. Les explications directes valent mieux que des règlements de compte par presse interposée. Merci aussi d'avoir montré les vrais enjeux : la baisse du niveau de nos élèves attestée par toutes les évaluations internationales et nationales, la formation de nos professeurs, la place des savoirs fondamentaux, l'école inclusive. C'est de cela qu'il faut parler au lieu de ranimer une guerre scolaire.
J'ai été très choqué par le rapport de nos collègues députés, qui ont parlé de possibles détournements de fonds, de ségrégation scolaire, de caisse noire, d'omerta politique. Je remercie le rapporteur pour avis Jacques Grosperrin d'avoir déclaré que ce n'est pas ainsi que nous concevons le travail parlementaire.
Oui, beaucoup de questions sont profondément légitimes, mais les calomnies à votre encontre sont choquantes pour les élèves de vos établissements, les parents qui ont fait ce choix et pour celles et ceux qui servent un service d'éducation participant du service public. Ces accusations sont graves. Vous avez raison, il faut revenir à l'esprit de la loi Debré, cette grande loi de liberté profondément républicaine qui a passé les décennies, comme le fut la loi de 1905.
Certaines grandes lois, fondatrices, passent les siècles. Revenons à l'esprit de la loi de 1905. Oui, le contrat d'association permet à l'enseignement catholique de participer à l'éducation. Son financement est donc légitime. Le rapport Vannier-Weissberg oublie que si l'éducation nationale devait accueillir les enfants actuellement scolarisés dans le privé, cela coûterait beaucoup plus cher ; le budget de l'État ne serait pas capable d'absorber ce coût supplémentaire. Vous participez à ce service public de l'éducation.
Mais les questions financières sont un prétexte pour étatiser, uniformiser. Et si l'école publique se portait bien ? Comme Victor Hugo, je suis favorable à la liberté de choix des parents, à la liberté scolaire, à la liberté d'enseignement, à condition que l'école publique soit belle. Or elle est en crise - ce dont vous n'êtes pas responsable.
Vous vivez la confiance avec les équipes pédagogiques, les équipes de direction, la liberté d'organiser des projets pédagogiques différents pour s'adapter aux élèves ou aux territoires. Si là, on trouvait des inspirations pour l'école publique ?
Dans mon département des Pyrénées-Atlantiques, nous avons des écoles privées sous contrat qui assurent un enseignement en langue régionale. Ce pourrait être une source d'inspiration pour une école décentralisée, qui ne confond pas égalitarisme et égalité, et qui n'est pas enfermée dans une uniformité bureaucratique.
Dans mon département, sur les dix collèges ayant les IPS les plus faibles, cinq sont catholiques. Le département des Pyrénées-Atlantiques et le Pays basque sont-ils un cas à part ?
Comment concrètement organisez-vous l'autonomie des établissements, comment faites-vous confiance à vos professeurs sur le terrain ?
Mme Laure Darcos. - Le groupe Les Indépendants - République et Territoires ne souhaite pas réveiller la guerre entre le public et le privé. Ce n'était probablement pas le sens initial du rapport, qui montre cependant que la mixité sociale est encore compliquée à assurer. Dans mon département de l'Essonne, comme dans d'autres, de nombreuses familles défavorisées cherchent à scolariser leurs enfants dans le privé pour des raisons cultuelles : il n'y a jamais de problème de filles voilées, et on y respecte davantage les traditions religieuses.
Pourquoi autant de gens veulent-ils aller dans le privé, pourquoi autant de listes d'attente, sinon à cause d'un mal-être dans notre école publique ? Ministre après ministre, on essaie pourtant de l'améliorer par le dédoublement des classes par exemple, ou en augmentant le salaire des professeurs.
Dans notre commission d'enquête sur les agressions sur professeurs, nous avons préconisé que les écoles publiques établissent, comme dans le privé, un règlement entre les parents, les professeurs et les élèves.
Je reste persuadée qu'au fond ce rapport vous permettra de clarifier les choses sur la mixité. Éternelle optimiste, je pense que vous pourrez ainsi mieux vous justifier et être transparents sur la réalité des faits.
M. Philippe Delorme. - Monsieur Kanner, il est actuellement attesté par de nombreux sociologues que dans certains lieux se sont formés des ghettos scolaires. Le problème, c'est qu'on nous compare à des établissements sans mixité sociale, alors que nous avons souvent une mixité sociale équilibrée : notre IPS est moyen, mais nos écarts-types importants.
Un des départements les plus compliqués est la Seine-Saint-Denis. L'enseignement catholique y pèse 9 %, il n'est donc pas responsable de la situation ! Si l'on nous demandait d'aller là-bas, nous le ferions et nous jouerions le jeu d'une vraie mixité scolaire.
Nous ne sommes pas des concurrents de l'enseignement public, mais nous proposons une offre complémentaire offerte aux familles, via un choix de société fait en 1959. Je souhaite que l'enseignement public fonctionne bien, pour que ce soit un choix positif des familles.
Pourquoi y a-t-il tant de demandes ? On a parfois un établissement public flambant neuf à côté d'un vieux bâtiment privé. La logique voudrait qu'on ait plus d'élèves dans le public, or ce n'est pas forcément le cas. Notre projet correspond à une attente.
Il y a une incompréhension sur la transparence et les modalités d'inscription. On me demande que les chefs d'établissements donnent leurs critères, mais l'enseignement catholique ne fonctionne pas comme cela. Jamais il n'accepterait de rentrer dans une procédure de type Affelnet, contraignante, qui attribue des points à des jeunes, et qui tient très peu compte, dans certains lieux, de leurs résultats scolaires mais d'autres facteurs, et qui ne tient plus compte de la personne. Nous ne travaillons pas sur un dossier mais avec des personnes. Nous n'accueillons pas d'abord un élève, mais un jeune et sa famille. Chef d'établissement, en Seine-Saint-Denis et ailleurs, il m'est arrivé plusieurs fois de recevoir des jeunes que je n'aurais jamais pris si je m'étais arrêté à leur dossier scolaire. Mais lors de la rencontre, il s'est passé quelque chose. Nous avons établi une alliance éducative avec la famille, un contrat de confiance. Il y a beaucoup de jeunes issus de familles très défavorisées qui viennent chez nous. Il n'y a donc pas d'injustice. Si par transparence des inscriptions, vous voulez qu'on rentre dans Affelnet, c'est non : ni affectation ni quota. La liberté de choix des familles doit être garantie.
Nous avons également conscience de la nécessité de contribuer peut-être davantage à un rééquilibrage d'une certaine mixité sociale et scolaire. On ne refuse pas un élève pour cette raison, mais comment permettre à ces familles de venir chez nous ? C'est tout le sens du protocole signé avec Pap Ndiaye : une base de données informe les familles de la réalité financière du coût ; une contribution financière différenciée selon les revenus se met réellement en place ; nous créerons lors de la rentrée 2025 un tarif particulier pour les élèves boursiers ; et nous incitons à moduler les tarifs en fonction des revenus des familles. Cela existe déjà, mais nous souhaitons le généraliser. Nous ferons tout pour accueillir davantage d'élèves boursiers, mais nous ne pourrons le faire seuls. L'État s'est engagé, de manière non contraignante, pour que nos charges financières n'augmentent pas constamment - je pense notamment à nos charges immobilières ou à la fiscalité -, car sinon, ce sont les familles qui paient ! Nous n'avons pas de ressources venant de je ne sais où. Ce protocole prévoit aussi, en lien avec le recteur, responsable de la carte de formation, que nous nous implantions dans des lieux à forte mixité sociale et scolaire.
Depuis quatre ans, dans le cadre de la gestion des moyens d'enseignement, a été constituée une réserve à projets pour créer des établissements dans des lieux à forte mixité sociale et scolaire, comme ce fut le cas à Toulouse pour une école primaire il y a deux ans.
Les endroits où, chez nous, il y a le moins de mixité sociale ou scolaire, ce sont les lieux où nous sommes fortement implantés, depuis parfois des siècles, dans de grands centres urbains. Nous ne sommes pas responsables de leur gentrification ! À Paris, la proportion de cadres supérieurs et de professions intellectuelles supérieures est passée de 11 % en 1980 à plus de 30 % aujourd'hui : nous n'y sommes pour rien ! Cela a des conséquences immédiates sur l'accueil de nos élèves : nous avons perdu, dans ces grandes métropoles, les classes moyenne et moyenne-inférieure qui auparavant venaient chez nous, d'où l'augmentation des IPS dans ces territoires.
Vous pouvez compter sur notre détermination pour mettre en oeuvre ce protocole. L'enseignement catholique tient ses engagements, mais n'imaginez pas que d'un coup de baguette magique - nous avons signé ce protocole il y aura un an demain - plein de boursiers viendront nous voir. Ce travail s'inscrit dans le temps. J'ai confiance, car tout le monde porte un projet spécifique, toujours tourné vers les plus pauvres et les plus modestes. Et cela, sans contrainte. Dans notre société, il est très dangereux d'opposer deux catégories de jeunes : d'un côté, les riches et bien portants ; de l'autre, les autres. Il faut renouer avec un discours d'encouragement pour les jeunes issus de milieux moins favorisés pour leur dire : on croit en toi, tu dois faire un effort, mais on va t'aider. Il faut une promesse d'accompagnement.
Nous ne bénéficions plus d'aides en matière de médecine scolaire. C'est très compliqué pour nous lorsque certains enfants à besoins éducatifs particuliers nécessitent d'être suivis. Nous devons nous battre, et c'est un chemin de croix pour les familles. Ensuite, on nous accuse de ne pas les accueillir ! La situation s'est même dégradée.
Ce n'est pas au nom de notre caractère propre, mais de la liberté pédagogique que nous avons dit que nous mettrions en oeuvre les groupes de niveau ou de besoin en fonction des situations. Nous ne sommes pas contre une pédagogie différenciée ; nos établissements ont déjà des centaines d'initiatives en la matière. Mais je ne crois pas qu'une décision venue d'en haut soit efficace. De plus, nos établissements ne sont pas dotés pour mettre en oeuvre ces groupes. On ne peut pas faire quelque chose si l'on n'a rien !
Qu'on puisse accueillir des enfants en difficulté en sixième pour les aider, notamment en lecture, ne me choque pas. Donnons de la souplesse et de la confiance aux équipes pédagogiques pour mettre en place cette mesure. Nous avons des professeurs engagés et qui connaissent leur métier.
Les dotations de moyens horaires sont heureusement terminées, mais nous restons dans le flou sur de nombreux points.
Monsieur Ouzoulias, je crois profondément que l'enseignement catholique est très attentif au respect de la liberté de conscience. Actuellement, on évoque cette notion de façon un peu étendue. Demain, la présence de crucifix dans nos classes ne va-t-elle pas être considérée comme contraire à liberté de conscience des élèves ? Cela m'interroge... Nous respectons profondément la liberté de conscience. Mais lorsqu'on inscrit son enfant dans un de nos établissements, c'est un projet chrétien d'éducation qu'on choisit librement.
Nous formons des républicains. L'objectif de l'école catholique, comme de l'école publique, c'est de former des citoyens libres et responsables, capables de discernement et de jugement. Vu le nombre de personnes engagées dans la République et passées par nos établissements, j'ai l'impression que nous formons des républicains !
M. Pierre Ouzoulias. - Et qui sont à Sciences Po aujourd'hui... (Sourires)
M. Philippe Delorme. - Nous vivons la laïcité, et nous mettons en oeuvre les valeurs de la République : la liberté, l'égalité et la fraternité. Sur la fraternité, l'enseignement catholique n'a pas de leçon à recevoir. Nos écoles sont des lieux de fraternité, je le constate tous les jours. La différence peut être sociale, mais aussi culturelle ou religieuse.
Si on peut au moins nous reconnaître une chose, c'est que nous avons la capacité à faire vivre ensemble des jeunes de différentes origines sociales, culturelles et religieuses, de façon positive. Monsieur Ouzoulias, je n'ai pas de statistiques ethniques pour nos établissements, et je ne peux pas en avoir ! Vous me demandez le nombre d'élèves voilées... Nous n'avons pas cette comptabilité.
En fonction du choix des établissements, certains élèves peuvent porter un voile. Vous pensez à Saint-Gabriel ?
M. Pierre Ouzoulias. - À Notre-Dame.
M. Philippe Delorme. - Dans les quartiers nord de Marseille, nous avons un établissement avec une très large majorité d'élèves musulmans. C'est un choix qui correspond à notre identité chrétienne, notamment pour scolariser des jeunes filles dans de bonnes conditions. Cela n'empêche pas que nous vivions la laïcité. La laïcité, ce n'est pas l'absence de signes religieux. Elle est liée à la liberté de croire ou non et à la neutralité de l'État. Elle n'est pas liée au fait qu'on porte une croix, une kippa, un voile ou un turban.
Certains de nos établissements interdisent ces signes, d'autres les autorisent ; tout dépend du projet éducatif qui se construit. Nous vivons complètement la laïcité avec ce que nous sommes. Nous ne la vivons pas de la même manière que dans l'enseignement public. C'est lié à notre caractère propre, effectivement.
Il n'y a pas de mathématiques chrétiennes, d'histoire chrétienne... Les programmes doivent être respectés.
M. Max Brisson. - Y compris dans le public !
M. Philippe Delorme. - En revanche, il y a une certaine façon d'être pédagogue dans nos établissements, et une liberté pédagogique. Mais les programmes doivent être respectés, je le dis solennellement.
Sur la formation des enseignants, Mediapart n'est pas forcément la juste source pour s'informer sur la vie de nos établissements.
Je suis membre du conseil fédéral de Formiris. C'est un organisme paritaire, avec des syndicats. Le syndicat qui nous dénonce n'en est pas membre, car il n'est pas représentatif de l'enseignement catholique... C'est donc un peu délicat : il ne voit pas comment cela se passe !
Je peux vous assurer que les commissions fonctionnent parfaitement. Il y a dix ans, la Cour des comptes a émis un avis très favorable sur le fonctionnement de Formiris. Je ne sais pas quel est ce procès d'intention. Les fonds publics sont parfaitement gérés, utilisés et contrôlés régulièrement. N'ayez aucun souci. Les syndicats de maîtres sont bien représentés au bureau fédéral et au conseil fédéral.
Certes, nous sommes financés entre 73 % et 75 % par l'État, mais le coût d'un élève du privé est deux fois moins élevé pour le contribuable qu'un élève du public. Les communes ont interdiction d'accorder des subventions d'investissement dans nos établissements. Elles réalisent donc de substantielles économies lorsqu'elles accueillent un établissement privé sous contrat.
Remettre en cause le financement de l'école privée tel que défini par la loi serait injuste et briderait le choix des familles : si vous diminuez les forfaits, vous augmentez les contributions des familles. C'est mathématique, et vous iriez vers beaucoup moins de fraternité.
Monsieur Brisson, votre département n'est pas le seul avec une situation équilibrée entre public et privé. Je pense aussi à l'Aveyron, au Doubs, aux départements bretons... Il y a beaucoup de lieux où les IPS entre établissements publics et privés sont proches. Parfois, les IPS sont plus importants d'un côté ou de l'autre. Il faut souligner cette grande diversité.
Notre force, c'est de ne pas être dans une organisation verticale. Même si vous écoutez aujourd'hui le secrétaire général de l'enseignement catholique, il n'a en réalité aucun pouvoir direct sur les établissements. Nous travaillons autrement. Cela nous oblige à trouver les moyens non d'imposer par le haut quelque chose qui serait plus ou moins respecté sur le terrain, mais d'entraîner les gens avec nous. Il ne s'agit pas de donner des ordres continuels. L'autonomie des établissements, c'est de permettre aux équipes éducatives, aux chefs d'établissements - nos directeurs dans le premier degré sont de véritables chefs d'établissement - de mettre en oeuvre un projet éducatif porté tous ensemble, avec les familles, élaboré en lien avec le public d'élèves accueillis. Notre force, c'est qu'ils ne reçoivent pas chaque jour dix informations tombant d'en haut pour leur dire que faire. On leur fait confiance, mais après on contrôle. Il faut qu'il y ait du contrôle.
M. Martin Lévrier. - J'ai travaillé pendant trente ans dans l'enseignement catholique privé sous contrat - non dans l'enseignement, mais dans la gestion globale.
Entre autres polémiques, on affirme que l'enseignement catholique accueille les riches, mais ne voudrait pas accueillir les pauvres. Dans la journée pédagogique d'un élève se pose le problème du repas. L'enseignement catholique ne reçoit aucune subvention, donc le coût du repas retombe sur les parents. Comment améliorer ce système pour que les familles accèdent plus facilement à l'enseignement catholique sans avoir de problème financier d'accès à la demi-pension ? Un repas coûte 2 à 3 euros dans le public, contre 8 à 9 euros dans le privé.
Plutôt que de tenter de rouvrir la guerre scolaire qui n'a pas lieu d'être, inspirons-nous des bonnes idées de l'enseignement catholique, notamment du projet pédagogique. Ne faudrait-il pas donner à l'enseignement public la chance d'avoir un projet pédagogique par établissement, un projet de contrat qui intègre les parents, les enseignants et la direction dans un sens commun pour faire avancer les choses, et qui permette à chaque parent de savoir pourquoi il met les pieds dans cet établissement ?
Je rappelle que 99 % des établissements privés sous contrat se doivent d'avoir un commissaire aux comptes. Il est là pour contrôler, justifier les comptes et est responsable pénalement. Il y a donc bien un contrôle financier. Les comptes sont systématiquement transmis en préfecture et y sont consultables. Ne faut-il pas trouver des systèmes, par exemple de comptabilité analytique, pour bien comprendre l'utilisation des fonds publics, améliorer le système assez vieux, obsolète, et quasiment jamais contrôlé ? Mais ce n'est pas de votre faute.
M. Gérard Lahellec. - Sénateur des Côtes-d'Armor et défenseur de la laïcité, je suis très intéressé par votre contribution. J'ai retenu votre invitation à faire cause commune. Je suis dans cet état d'esprit pour compléter ma culture. J'ai d'excellentes relations avec la direction diocésaine de l'enseignement catholique. Je n'aurai pas à réciter mon acte de contrition...
Du fait de son histoire, la Bretagne est une académie particulière, avec un réseau très dense d'établissements. Cette spécificité bretonne est souvent présentée comme un modèle intangible, à dupliquer partout, comme si cela nous mettait à l'abri des grandes tendances secouant notre société. Je nuancerai le propos. L'enseignement public vit aussi des disparités de fait. Cela crée donc, par voie de conséquence, une forme d'inégalité dans l'approche des questions - pédagogie, organisation des établissements...
La tendance globale constatée au niveau des IPS est valable aussi en Bretagne, y compris dans vos propres établissements : les IPS ne sont pas les mêmes partout. Nous assistons actuellement à une croissance importante de la fréquentation de l'enseignement privé sous contrat par des effectifs venus de catégories sociales « privilégiées ». Je ne vous en ferai pas grief, mais cette situation n'est pas saine, du fait de la souffrance de l'enseignement public aujourd'hui - ce qui n'est pas de votre faute.
Nous sommes responsables pour dépasser cet état de fait. Si nous ne prenons pas en compte cette situation de crise, nous allons vers des conflits - qui ne sont pas d'actualité aujourd'hui.
Je serai très intéressé d'avoir vos éclairages sur votre conception de ce qui pourrait être enclenché comme processus, de nature à rassurer sur votre mixité sociale, et de respecter les mêmes obligations d'enseignement à la laïcité. Si nous ne traitons pas ensemble ces deux questions, nous cheminerons vers des conflits qui ne profiteront à personne.
Mme Laurence Garnier. - Je suis sénatrice nantaise, et de Loire-Atlantique où deux tiers des familles ont recours, au moins une fois, à l'enseignement privé pour la scolarité de leurs enfants.
À Nantes, ces dernières semaines, nous avons connu des événements atypiques et regrettables : des manifestations de certains syndicats de l'enseignement public devant plusieurs établissements privés nantais qui ont pris la forme de tentatives de blocage, voire de blocages. Certains slogans interrogeaient la participation financière de l'État dans l'enseignement privé, d'autres critiquaient plus ou moins brutalement le caractère religieux de ces établissements - vous évoquiez la présence de crucifix dans les classes... Les élèves et la communauté éducative ont été apostrophés de manière contestable, comme : « Vous n'êtes que des fils de bourges. »
Un certain nombre de ces manifestants - pas tous - étaient cagoulés. Imaginez l'effet à 8 heures du matin sur des collégiens, voire des écoliers ! Quels échanges avez-vous eus au sein de la direction de l'enseignement catholique, et quelle attitude avez-vous recommandée à ces chefs d'établissement, parfois pris de court ? Heureusement, ces événements sont rares... Certains établissements ont porté plainte, d'autres non. Quel regard portez-vous sur ces événements qui se sont déroulés à trois reprises à Nantes ?
Lors de l'assemblée générale des maires ruraux de Loire-Atlantique, le directeur académique et le directeur diocésain ont mis en avant la grande qualité de leurs relations. Certaines communes n'ont que des écoles privées. On n'est alors plus sur un sujet d'IPS, mais de proximité et de qualité du maillage éducatif français. Il est important de le rappeler. Nous sommes dans une période de fermetures de classes arbitrées par le rectorat. Je salue la qualité de la relation entre le directeur académique et le directeur diocésain pour faire en sorte, là où des classes ferment, de regarder ce qui peut se faire dans l'enseignement privé pour ne pas accentuer les difficultés que peut rencontrer l'enseignement public, du fait de l'évolution démographique dans certains territoires. En Loire-Atlantique, cela fonctionne bien.
Mme Colombe Brossel. - Mixités sociale et scolaire ne peuvent aller l'une sans l'autre. Faire progresser une politique publique en faveur de la mixité sociale et scolaire n'est pas que l'affaire de l'enseignement privé. Nous travaillerons ensemble sur la proposition de loi visant à assurer la mixité sociale et scolaire.
Il n'est pas possible d'évoquer la mixité sociale et scolaire sans les établissements privés. Par ailleurs, il n'y a pas d'enseignement privé, uniquement des établissements privés d'enseignement.
Vous parlez de « on-dit ». Or le rapport de la Cour des comptes, la note de la direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance du ministère de l'éducation nationale (DEPP) sur l'évolution de la mixité sociale des collèges - publiée hier - ne sont pas des on-dit, mais des réalités statistiques. À la rentrée 2022, 41 % des élèves du secteur privé sous contrat sont issus de milieux sociaux très favorisés, contre 20,5 % dans le secteur public. Inversement, seulement 16% des élèves du secteur privé sous contrat sont issus de milieux défavorisés, contre 40 % des élèves du secteur public. Ce sont des données étayées de la DEPP. Il en est de même pour l'IPS, avec un écart de 40 points entre les établissements publics en éducation prioritaire et les établissements d'enseignement privé sous contrat. Certes, vous avez raison, les moyennes sont des moyennes et il serait absurde de généraliser. Mais on retrouve aussi cette réalité dans les médianes et les écarts-types. Si l'on n'est pas capable de créer du commun à l'école, comment le faire dans notre pays ?
C'est moins au secrétaire général de l'enseignement catholique que je m'adresse qu'à la tête de réseau que vous êtes pour le ministère de l'éducation nationale et, de facto, dans nos collectivités locales.
Certains de vos propos m'ont fait réagir. Les questions de mixité sociale et scolaire ne sont plus des questions de grands centres urbains. Un protocole sans contrainte me semble peu efficace et peu opérationnel.
L'absence de contrats d'association a été largement pointée par le rapport de la Cour des comptes : soit ils sont introuvables, soit ils n'ont pas été renouvelés, soit ils ne sont plus du tout adaptés. Quelle est votre action comme tête de réseau pour que ces contrats, base légale importante, soient actualisés et remontent ?
Comment prouvez-vous que les moyens publics dédiés à un certain nombre de politiques publiques et qui financent les établissements privés soient affectés effectivement à ces politiques publiques ? À Rennes, 90 % des établissements publics respectent le plafonnement en grande section, CP et CE1 à 24 élèves par classe, contre seulement 50 % des établissements privés. Les moyens alloués à cette décharge sont donc utilisés ailleurs. Ce n'est pas de bonne politique éducative ni de bonne politique d'organisation. Comment garantissez-vous que cet argent public finance cette politique publique ?
Mme Sonia de La Provôté. - Merci de vos réponses, qui clarifient sur de nombreux points les reproches de certains de vos détracteurs.
On vous fait un procès en ségrégation scolaire qui ne peut être complètement dénié, car vous êtes souvent aux premières places dans les classements départementaux des lycées pour les résultats au baccalauréat - même si l'on ne peut pas parler de préemption. Comment se positionnent les élèves de l'enseignement privé dans les évaluations nationales et les résultats scolaires ? Il semblerait que le niveau soit plutôt de bonne qualité. Un travail en lien avec l'éducation nationale pourrait être fait pour travailler sur les méthodes d'enseignement, la pédagogie, pour que chacun s'enrichisse. Ce travail de fond est-il mis en place ? Que répondre à ceux disant qu'au lycée les résultats sont bons, car les élèves sont acceptés en raison de leur niveau scolaire, et que les autres élèves iraient dans l'enseignement public ? Vos établissements répondent à autre chose qu'une sélection...
Mme Catherine Belrhiti. - À l'heure où de nombreux postes ne seront pas pourvus pour la rentrée prochaine dans le secteur public, quelle est la situation dans l'enseignement catholique ?
Vous avez déjà répondu sur les groupes de niveau. Nous sommes nombreux, depuis plusieurs années, à réclamer la fin du collège unique pour valoriser les meilleurs et ne pas exclure les élèves les plus en difficulté.
Vous dites rêver que vos 7 500 établissements soient contrôlés budgétairement, et regrettez ne pas être suffisamment audités, car les pouvoirs publics ne font pas leur travail. Cela vous dessert, comme dans le cas de la polémique avec le lycée Stanislas.
Comment les établissements catholiques peuvent-ils prouver leur bonne foi dans l'utilisation de l'argent public ?
J'ai enseigné durant 30 ans dans l'enseignement privé comme professeur d'histoire-géographie. Ma priorité était de former de futurs citoyens républicains. Nous recevions des enfants de toutes confessions, avec des professeurs également de toutes confessions. Je me suis sentie très libre. C'est la promesse d'accompagnement dans les établissements privés qui en assure l'attraction.
On accuse les établissements privés de concurrencer les établissements publics, mais c'est faux ! Il faut résoudre les problèmes de l'enseignement public, apporter des solutions et peut-être prendre exemple sur ce qui se fait dans l'enseignement privé.
Mme Alexandra Borchio Fontimp. - Merci de vos propos rassurants. Mère de famille, j'ai un enfant dans le privé et l'autre dans le public. Cette liberté d'enseignement proposée aux familles permet de trouver un enseignement adapté à chaque enfant. C'est une vraie richesse.
L'école catholique est ouverte à chacun, ce qui n'est pas le cas de toutes les écoles religieuses. Je rappelle qu'un élève de l'enseignement privé coûte deux fois moins cher au contribuable.
La carte scolaire, présentée comme un instrument au service de la mixité sociale, renforce les inégalités sociales face à l'école. Comparez l'IPS parisien entre l'est et l'ouest de la ville... Nous sommes souvent saisis par des administrés voulant se soustraire à la carte scolaire...
En creux se pose un problème de ségrégation et de cohabitation entre groupes sociaux hétérogènes. Comment la liberté peut-elle être une source de concorde et servir le système éducatif de notre pays ?
M. Adel Ziane. - Vous avez beaucoup parlé de la Seine-Saint-Denis, département dont je suis sénateur. Durant nos discussions est apparue la crainte d'une réémergence de la guerre scolaire, mais je souligne la concorde de nos débats. Nous sommes tous républicains. C'est parce que nous le sommes, que nous sommes attachés à la liberté et à l'égalité, mais pas à l'égalitarisme, que nous devons éviter. Au-delà des trajectoires politiques et partisanes, nous devons porter ces valeurs pour ne pas connaître une école à deux vitesses. Voilà la difficulté. Sans parler des valeurs de liberté : liberté d'enseignement, liberté pédagogique, liberté académique. Tout le monde doit être contrôlé - public, privé, enseignement primaire, secondaire, supérieur - sans que cela aboutisse à faire le procès ni de l'école publique ni de l'école privée.
Vous formez des républicains qui deviennent des citoyens, qui vont ensuite à Sciences Po ou à l'université.
Vous avez été directeur en Seine-Saint-Denis.
M. Philippe Delorme. - À Vaujours.
M. Adel Ziane. - Vous êtes conscient de la mobilisation des enseignants et des familles depuis le 26 février en Seine-Saint-Denis, qui préfigure une sorte de faillite de l'école publique dans notre département, voire à l'échelle nationale. Elle s'adresse à la puissance publique et dénonce cette dissonance cognitive, cette inégalité de traitement, qui a été documentée pour les écoles publiques de Seine-Saint-Denis.
Vous avez relevé le problème financier qui empêche certaines familles d'accéder à vos établissements. Cette concurrence se développe dans notre département et ailleurs en France, ce qui interroge sur la mixité sociale et scolaire.
Vos propositions pour permettre à plus de familles défavorisées d'aller vers l'enseignement privé participent de ce combat que nous devons mener collectivement, au-delà des problématiques transpartisanes, pour éviter demain d'avoir une école à deux vitesses.
Des informations documentées provenant de la Cour des comptes soulignaient trois points particuliers sur le contrôle pédagogique, le contrôle financier et le contrôle administratif. Évidemment, tout cela relève d'une volonté de l'État de vous aider. Il faut aussi que vous montriez les actions que vous menez en ce sens. Vous rêvez que les 7 500 établissements privés de France puissent être contrôlés par l'État. Faisons ce rêve ensemble et avançons pour empêcher le développement d'une école à deux vitesses.
M. Jean-Gérard Paumier. - J'ai apprécié votre propos offensif et argumenté sur la liberté de choix d'enseignement à laquelle je suis attaché. Dans mon département d'Indre-et-Loire, je connais l'importance de l'action de l'enseignement catholique, notamment en milieu rural. Dans ma commune de 10 000 habitants, il y a une école catholique. Les départs du public vers le privé tiennent essentiellement au sentiment d'une carence ponctuelle d'autorité ici ou là, à l'innovation et à la souplesse pédagogiques du privé, ainsi qu'à l'accueil des enfants avant et après l'école à des horaires plus adaptés à la vie des parents.
Je relève un paradoxe. Maire et conseiller départemental, j'ai été confronté pendant plus de 20 ans au marronnier annuel des critiques de la gauche sur le financement des écoles privées par les communes et des collèges privés par les départements. Pourtant, quand de 2012 à 2014, la gauche tenait les règnes de l'Élysée, de Matignon, de l'Assemblée nationale et du Sénat, aucun texte législatif n'est venu modifier les règles de financement de la loi Debré. C'est pour moi la meilleure illustration que nous sommes et devons rester dans l'équilibre public-privé de la loi Debré, par ailleurs ancien sénateur de mon département.
Mme Marie-Pierre Monier. - Lorsque la gauche était au pouvoir, elle a créé 60 000 postes dans l'éducation nationale. Ce n'est pas si mal...
Dans une récente interview, vous avez affirmé que les comptes de l'ensemble des établissements privés sous contrat étaient clairs et facilement contrôlables. Vous avez aussi parlé de la Cour des comptes. Or celle-ci relève dans son rapport que rares sont les établissements qui adressent leurs comptes. Ils sont faits, mais ne sont pas toujours adressés au directeur départemental ou régional des finances publiques, alors qu'ils doivent l'être dans les trois mois suivant la clôture de l'exercice. C'est même une obligation réglementaire. Ce ne sont pas des on-dit, mais un rapport de la Cour des comptes. Pourquoi ces établissements ne respectent-ils pas cette obligation ? Qu'allez-vous faire pour qu'ils s'y plient ?
Vous considérez aussi que les manquements pédagogiques constatés dans certains établissements, très documentés sur le plan médiatique, seraient marginaux. Disposez-vous d'éléments chiffrés ?
Quels mécanismes sont à la disposition des familles, des enseignants et des équipes de direction pour faire remonter à l'ensemble de la chaîne hiérarchique et académique les incidents graves ou les atteintes à la laïcité survenus dans les établissements de votre réseau ? Vos établissements ne seraient-ils pas touchés par le « pas de vagues » ?
M. Philippe Delorme. - Concernant la restauration scolaire, nous avons parfaitement conscience des difficultés financières des collectivités locales. Nous ne disons pas que nous voulons plus, mais il faut permettre aux familles de conserver leur aide sociale quand elles passent du public au privé. Cela ne créerait pas un coût supplémentaire pour la collectivité. Lorsqu'une famille paie 50 centimes un repas, contre 8,5 euros dans le privé, c'est un frein considérable. Certains départements ou communes ont oeuvré en ce sens. Récemment, le maire de Rodez a noué un accord avec une petite école privée de sa commune pour qu'elle puisse bénéficier de la cuisine centrale, pour le même coût que le public. C'est possible, et ce n'est pas une révolution.
Regardons tous ensemble comment on peut améliorer les choses pour que ce frein très important pour les familles soit dépassé.
Monsieur Lahellec, lors de la rentrée précédente, nous avons vu le départ de nombreuses familles de nos établissements en raison de la situation économique de la France. L'augmentation des IPS est liée à deux phénomènes principaux : d'abord, la crise économique. Les familles des catégories socioprofessionnelles (CSP) moyennes ou moyennes inférieures sont obligées de faire un choix. Ensuite, nous avons également été amenés à fermer des écoles, souvent où les IPS sont les plus faibles, car il n'y avait pas assez d'élèves.
Concernant les événements à Nantes, nous étions dans la subsidiarité : au local de gérer une situation. Notre conseil fut de ne pas jeter de l'huile sur le feu. Ce type de réactions peut être la conséquence des discours ambiants : à force d'opposer les personnes entre elles, on provoque ces réactions. Nous travaillons de façon complémentaire avec le privé. La liberté peut contribuer à une concorde sociale si toutes les personnes voulant venir chez nous peuvent le faire, avec des places suffisantes ou la possibilité de s'implanter. Mais à force d'opposer riches et pauvres, on arrive à de telles situations inadmissibles.
Les termes de « mixités sociale et scolaire », figurent, dans le protocole, au pluriel. Je combats l'idée dangereuse d'associer systématiquement les questions sociale et scolaire. Certes, les statistiques montrent un lien, mais attention à ne pas enfermer les jeunes.
Récemment, j'ai reçu le témoignage d'un jeune très intelligent, sans difficulté scolaire, mais dont les résultats sont catastrophiques. Il est issu d'un milieu défavorisé et habite aussi dans un quartier défavorisé. Il m'a dit qu'il ne pouvait être que mauvais élève puisqu'il appartenait à ce groupe. Évitons cette forme de déterminisme social ! C'est ce que vivent ces jeunes. De même, ce n'est pas parce qu'on est issu d'un milieu favorisé qu'on est bon élève. Je peux en témoigner comme père de famille de cinq enfants. Il y a de la diversité.
Il faut sortir de ces schémas qui enferment les jeunes en difficulté et proposer un accompagnement adapté. C'est très important.
Le rapport de la Cour ne fait pas état d'une absence de contrats d'association. Chaque année, nous envoyons un avenant avec la structure et les tarifs. Qu'on n'ait pas retrouvé l'original du contrat ne signifie pas qu'il n'existe pas. Ce n'est pas de notre ressort. Au service académique de faire le point avec chaque établissement et de contrôler que tout est en règle. Je n'ai pas à m'en mêler ; je ne suis pas un ministère.
Je reprends votre exemple, qui est bon : il est parfois absurde de vouloir imposer partout la même chose. La moyenne nationale est inférieure à 24 élèves dans les classes de grande section, CP et CE1. Il y a des lieux où 25, c'est beaucoup trop, lorsque de nombreux enfants sont en difficulté, et d'autres lieux où une classe de 28 ne pose aucun problème. Effectivement, certains de nos établissements respectent ce seuil de 24, d'autres non. Parfois, c'est à cause de raisons matérielles : sans salle disponible, il n'est pas possible d'avoir une nouvelle classe, d'autant que la collectivité publique ne va pas payer un Algeco... Il faut nous donner les moyens de mettre en oeuvre ces politiques.
Vous savez que nous sommes exclus des dispositifs d'éducation prioritaire, alors que nous avons des établissements pouvant être considérés comme tels, hormis les contrats locaux d'accompagnement à la scolarité mis en place par Jean-Michel Blanquer ; mais nous n'avons pas de nouvelles sur leur pérennité. Ce sont de bons contrats pour passer d'une logique de secteur à une logique d'établissement.
Selon les évaluations nationales, dans nos établissements, entre 10 % à 15 % de nos élèves de sixième sont dans le niveau le plus faible en mathématiques et en français, avec une différence entre les deux. Nous avons donc moins d'élèves en grande difficulté que dans l'enseignement public. C'est assez logique par rapport à nos lieux d'implantation, parce qu'on sait très bien dans quels lieux on peut repérer des élèves en difficulté.
Je n'ai pas l'habitude de pratiquer la langue de bois. Il y a des lieux où un tri des élèves s'effectue, et je ne soutiens pas ces pratiques. Je ne soutiens pas le fait de faire quitter un élève en cours de scolarité. Dans le public comme dans le privé, nous avons des lycées très élitistes et qui servent la République ; je ne vois pas pourquoi cela n'existerait pas. Mais accueillir un élève et lui dire à la fin d'un cycle qu'il ne reste pas, car il n'aura pas de mention très bien au bac, c'est inadmissible et cela doit être corrigé. Nous allons être très clairs sur ce sujet. L'enseignement catholique a une réelle capacité d'innovation pédagogique et éducative, et doit le montrer au quotidien par l'accueil diversifié d'élèves en fonction de leur niveau scolaire. Je parle à la fois de la question sociale et du niveau scolaire. C'est notre vocation, notre mission.
Depuis trois ans, nos concours sont remplis à 100 %. Il y a quand même une crise de vocation des enseignants ; c'est une vraie difficulté. Nous devons absolument réussir à redresser cette situation. Espérons que la réforme du concours à la rentrée prochaine fasse effet.
Nous avons des difficultés à assurer les suppléances, mais nous avons une souplesse et une tradition de service au sein de nos communautés éducatives qui font que les remplacements de courte durée étaient souvent assurés. Le pacte enseignant a très bien fonctionné chez nous parce que nos professeurs le faisaient déjà, et ils étaient bien contents de recevoir une rémunération pour ce qu'ils faisaient auparavant bénévolement.
Les contrôles pédagogiques sont les mêmes que dans le public, ni plus ni moins : rendez-vous de carrière, etc.
Certains contrôles financiers existent déjà avec le commissariat au compte, la présence d'élus au conseil... Certains comptes n'ont parfois pas été transmis à la demande des directions des finances publiques. Nous avons reçu des mails qui en témoignent, qui nous demandent de ne plus transmettre les comptes. Je peux vous les fournir, et nous les avions transmis à MM. Vannier et Weissberg. C'est une réalité ! Nous sommes d'une transparence absolue sur le sujet.
Le contrôle administratif doit exister, mais dans le même esprit que l'évaluation de l'école : lorsque le Conseil d'évaluation de l'école a mis en place les évaluations, nous avons travaillé avec Béatrice Gille puis Daniel Auverlot pour adapter les modalités à notre projet spécifique. C'est pourquoi cela se passe très bien. Parmi les évaluateurs, il y a un membre de l'enseignement privé pour deux membres de l'enseignement public, cela a permis de faire avancer les choses.
Le contrôle administratif ne doit pas être rigide. Il faut nous comprendre et nous connaître. Aujourd'hui, personne ne connaît la loi Debré, y compris dans l'administration. Beaucoup ne connaissent pas nos droits et nos devoirs, et nous assimilent par simplicité au fonctionnement du public. Il faut comprendre toutes nos marges de liberté en matière pédagogique et administrative. Nous sommes absolument favorables à ces contrôles.
Je ne crois pas qu'il n'y ait un phénomène de « pas de vagues » chez nous. Nous avons des problèmes de remontées informatiques, et nous y travaillons. Affirmer que nous avons zéro difficulté serait vous mentir. Des dérapages graves pour les valeurs de la République peuvent exister mais ils ne sont pas très nombreux. Il y a des incivilités, comme partout. Mais notre façon de vivre la laïcité est suffisamment ouverte pour permettre une expression religieuse dans le respect d'un cadre.
M. Laurent Lafon, président. - Merci pour vos réponses précises et ce dialogue respectueux et riche.
Cette audition a fait l'objet d'une captation vidéo disponible en ligne sur le site du Sénat.
Proposition de loi visant la prise en charge par l'État de l'accompagnement humain des élèves en situation de handicap durant le temps de pause méridienne - Examen, en deuxième lecture, des amendements au texte de la commission
M. Laurent Lafon, président. - Il n'y a pas d'amendement au texte de notre commission sur la proposition de loi visant la prise en charge par l'État de l'accompagnement humain des élèves en situation de handicap durant le temps de pause méridienne.
La réunion est close à 11h40.
- Présidence de M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport, et de M. Jean-François Longeot, président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable -
La réunion est ouverte à 16 h 35.
« Transports pendant les jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024 : quels enjeux ? » - Audition de M. Patrice Vergriete, ministre délégué chargé des transports, et de Mme Valérie Pécresse, présidente de la région Île-de-France, présidente d'Île-de-France Mobilités
M. Jean-François Longeot, président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. - Mes chers collègues, je suis heureux de vous accueillir cet après-midi aux côtés de Laurent Lafon pour cette audition conjointe de la commission de la culture, de l'éducation et du sport et de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable.
Nous entrons dans la dernière ligne droite avant les jeux Olympiques et Paralympiques (JOP) de Paris 2024, seulement soixante et onze jours nous séparant aujourd'hui de la cérémonie d'ouverture. Il nous semble donc indispensable de faire un point sur la préparation de cet événement d'ampleur mondiale, plus spécifiquement en ce qui concerne l'organisation de nos réseaux et de notre offre de transport durant cette période.
L'organisation de ces Jeux devrait se traduire par un afflux massif de voyageurs et par des besoins de mobilité beaucoup plus élevés qu'à l'accoutumée dans l'ensemble des villes accueillant des épreuves, notamment en région Île-de-France. Près de 600 000 spectateurs pourraient se déplacer chaque jour - vous pourrez peut-être revenir sur les dernières estimations.
Cet événement sera aussi l'occasion de grandes premières : à titre d'exemple, ainsi que nous l'a indiqué Jean-Pierre Farandou lors d'une audition la semaine dernière, le Stade de France sera rempli et vidé deux fois le même jour. Dans ces conditions, pouvez-vous aujourd'hui nous indiquer si, d'après vous, l'offre de transport permettra d'absorber les flux supplémentaires de passagers ?
En d'autres termes, sommes-nous prêts à faire face aux défis posés par les jeux Olympiques et Paralympiques ? Les plans de transport doivent être adaptés pour augmenter les capacités de déplacements des usagers, mais les infrastructures doivent également être au rendez-vous. Aussi, pourriez-vous faire un point sur les calendriers d'ouverture des nouvelles lignes et des prolongements prévus dans le dossier de candidature de Paris 2024 ? En fin de compte, les promesses formulées en 2017 seront-elles tenues ?
Ces promesses concernaient aussi le prix du ticket pour l'usager. Autant dire que sur ce sujet, la situation a beaucoup évolué. Alors que le dossier de candidature prévoyait que tous les détenteurs de billets pour les épreuves olympiques pourraient voyager gratuitement sur l'ensemble du réseau d'Île-de-France le jour de la compétition à laquelle ils assisteraient, la décision a finalement été prise d'augmenter le prix du ticket de métro pour le porter à 4 euros. Madame la présidente, pourriez-vous revenir sur les raisons qui ont présidé à ces évolutions ?
Relever le défi des mobilités quotidiennes de centaines de milliers de voyageurs sur des durées extrêmement courtes suppose aussi de permettre à tous de se déplacer dans de bonnes conditions. C'est pourquoi je souhaiterais vous interroger sur la politique menée en matière d'accessibilité des réseaux aux personnes en situation de handicap. Dans quelle mesure l'offre sera-t-elle adaptée aux besoins des usagers ?
En outre, les jeux Olympiques et Paralympiques vont assurément conduire à des déplacements cadencés de personnes, au gré des différentes épreuves. Dans ces conditions, il est indispensable que le parcours des voyageurs, leur information en cas de difficulté ou de retard, mais aussi les systèmes de billettique soient accessibles, fluides et ergonomiques, afin de ne pas créer de nouveaux engorgements. Là encore, la France sera-t-elle au rendez-vous en matière d'information voyageur et de billettique ?
Enfin, je souhaiterais vous entendre sur un dernier sujet d'importance, celui des grèves. Comment appréhendez-vous les éventuelles grèves qui pourraient survenir pendant cette période ? La commission de l'aménagement du territoire et du développement durable s'est récemment prononcée sur la proposition de loi visant à concilier la continuité du service public de transports avec l'exercice du droit de grève déposée par Hervé Marseille, qui propose de suivre le modèle italien. Y voyez-vous une réponse possible face à certaines situations ?
M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. - Je remercie, à mon tour, le ministre et la présidente de la région Île-de-France d'avoir répondu à notre invitation. Je me réjouis de cette réunion commune sur un sujet qui intéresse nombre de nos concitoyens, déjà confrontés au quotidien à des problématiques de transport et inquiets des perturbations que pourraient entraîner les jeux Olympiques et Paralympiques.
Du 26 juillet au 8 septembre, la France accueillera en effet cet événement exceptionnel que sont les jeux Olympiques et Paralympiques. Le monde entier aura les yeux rivés sur notre pays. La réussite de cet événement, que nous souhaitons tous, comporte de multiples paramètres. Pour étudier l'ensemble de ces aspects, la commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport a mis en place une mission d'information chargée du suivi de la préparation des Jeux, dont les rapporteurs sont Claude Kern et Jean-Jacques Lozach. Ceux-ci ont réalisé de multiples auditions au cours des dernières semaines, notamment sur la question des transports. Ils vous interrogeront également.
Le bon déroulement des compétitions appelle un dispositif inédit en matière de transports, auquel l'ensemble des acteurs travaille depuis déjà un moment.
Le défi est triple. Il s'agit d'abord de transporter les spectateurs, venus de France ou de l'étranger, vers et depuis les trente-cinq sites olympiques et dix-neuf sites paralympiques. Ces sites sont répartis sur tout le territoire français, mais ils sont particulièrement concentrés à Paris et en région parisienne.
Il s'agit aussi de transporter le plus efficacement possible les 10 500 athlètes olympiques et les 4 400 athlètes paralympiques, ainsi que l'ensemble des personnes accréditées par l'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques et tout leur matériel, du moment de leur arrivée sur le territoire jusqu'à leur départ à la fin des compétitions.
Enfin, ces déplacements propres aux Jeux devront perturber le moins possible les déplacements usuels à cette période de l'année, tant pour les travailleurs que pour les vacanciers.
Le risque sécuritaire, réévalué l'an dernier à la hausse, ajoute une dimension supplémentaire à cette équation déjà complexe. Ce risque, multiple, comprend les menaces cyber. Il constitue une contrainte forte dans l'organisation des Jeux et un facteur de coûts supplémentaires pour l'ensemble des acteurs.
En 2022, à la suite des incidents survenus au Stade de France lors de la finale de la Ligue des champions, le rapport d'information commun des commissions de la culture et des lois a mis en évidence un certain nombre de dysfonctionnements, notamment dans la gestion des flux de personnes venant des RER. Ce rapport a identifié des problèmes de coordination entre les différents acteurs, respectivement responsables du bon fonctionnement des transports, de la sécurité et de l'organisation sportive.
Vous nous direz quels enseignements ont été tirés de cet incident, en précisant notamment comment est assurée la coordination entre vos services, ceux de la préfecture de police et du Comité d'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques (Cojop).
L'arrivée de la flamme le 8 mai dernier à Marseille a lancé le compte à rebours des opérations : chacun souhaite que la fête soit réussie, et nous avons toutes les raisons de penser qu'elle le sera.
La question des transports a toutefois été identifiée, dès la candidature de Paris aux Jeux, comme une question sensible. C'est pourquoi il nous paraît important de faire un point sur ce sujet à quelques semaines de l'événement.
Mme Valérie Pécresse, présidente de la région d'Île-de-France, présidente d'Île-de-France Mobilités. - Nous sommes à soixante-douze jours des jeux Olympiques et Paralympiques, et nous sommes prêts comme jamais. Je le dis avec un peu d'expérience : lors des Jeux de Rio, auxquels j'avais assisté, les toilettes des athlètes avaient été installées pendant les Jeux, et l'on peignait encore les stades la semaine précédant les épreuves. Nous ne sommes pas dans ce cas : toutes les infrastructures sportives ont déjà été livrées.
J'ai entendu le Président de la République dire ne vouloir que des médailles d'or aux Jeux. En matière de transport, on pourrait chaque semaine décerner des médailles d'or aux opérateurs, aux spécialistes du secteur des bâtiments et travaux publics (BTP) ou à Alstom, qui livrent dans les délais des chantiers colossaux.
En réalité, les Jeux n'ont pas modifié nos ambitions pour les transports en Île-de-France. Ils ne sont pas à l'origine du plan d'accessibilité des transports, du projet Eole, du projet du tramway T3, du prolongement des lignes 11 ou 14 du métro. Ces projets existaient déjà et figuraient dans les contrats de plan État-région. Force est toutefois de constater que si dans notre pays rien n'arrive à l'heure, surtout pas les trains, grâce aux Jeux, tout arrive à l'heure.
Notre ambition est aussi de conserver pour un certain temps, car je doute que Los Angeles ou Brisbane parviennent à nous égaler sur ce point, la médaille d'or des Jeux entièrement accessibles en transport en commun. Cet engagement, que nous avions pris lors de la candidature de Paris 2024, n'a jamais été tenu par aucune autre capitale. De plus, nos bus et nos navettes fonctionneront non pas au diesel, mais de manière décarbonée.
Ces projets sont spectaculaires, pharaoniques. Ils battent des records : nous avons bouclé le tramway T3 et libéré la porte Maillot ; nous avons prolongé Eole jusqu'à la Défense. Nous inaugurerons prochainement le prolongement de la ligne 11 en Seine-Saint-Denis, après six ans de travaux, même si cette ligne n'est pas directement liée aux Jeux - nous ne voulions pas la sacrifier sur l'autel des Jeux, ni que les Franciliens aient le sentiment que nous n'ouvrions que les infrastructures des Jeux. Il s'agit du plus grand prolongement de ligne de métro jamais réalisé, qui s'étend sur six kilomètres. La ligne 14 sera prolongée au mois de juin entre Saint-Denis-Pleyel et Orly-Aéroport, où l'on pourra se rendre en train automatique sans crainte des grèves. Tous ces travaux sont rendus dans les temps grâce à l'effet magique des JOP.
Ce matin même, Patrice Vergriete et moi-même inaugurions la nouvelle gare de Saint-Denis, à l'issue du plus grand chantier de mise en accessibilité d'une gare en France. Ayant coûté 160 millions d'euros, financés par la région, Île-de-France Mobilités (IDFM) et la SNCF, ce projet concerne l'une des gares de Jeux, qui est la deuxième gare d'Île-de-France et la douzième gare de France, plus grande que celles de Lille ou de Bordeaux.
Nous avons accéléré notre plan d'accessibilité, les jeux Paralympiques nous imposant d'être exemplaires : 95 % des flux de passagers d'Île-de-France emprunteront des transports entièrement accessibles, et toutes les gares des Jeux seront entièrement accessibles. Là encore, les Jeux permettent un bond en avant.
Outre le réseau et les infrastructures, les coûts spécifiques des transports dus aux JOP, du 26 juillet au 12 août, puis du 28 août jusqu'au 10 septembre, représentent une dépense supplémentaire de 250 millions d'euros pour Île-de-France Mobilités.
Ces surcoûts s'expliquent par un renforcement de l'offre, à hauteur de 15 % en moyenne par rapport à un mois d'août habituel, mais à hauteur de 70 % sur le RER C en direction du vélodrome de Saint-Quentin-en-Yvelines ou des épreuves d'équitation à Versailles, ou encore sur le RER B, la ligne 14 ou la ligne 13. Toutes les lignes desservant les sites olympiques seront beaucoup plus utilisées que d'habitude.
À cela s'ajoutent 50 000 cartes gratuites de circulation pour les forces de police et de sécurité venant de toute la France, ainsi que 45 000 cartes gratuites pour les bénévoles. S'y ajoute également une série de coûts supplémentaires, notamment les primes actuellement négociées à la RATP, qui devront tenir dans l'enveloppe fixée conjointement avec l'entreprise et le ministère.
Nous augmentons également l'offre de transport en postant près de 450 navettes gratuites à des points névralgiques pour aider ceux qui ne pourraient pas se déplacer à pied jusqu'aux sites, par exemple entre la station Porte d'Auteuil et Roland-Garros, entre Charles-de-Gaulle-Étoile et ce même stade, entre Porte de Saint-Cloud et le Parc des Princes, entre la gare du RER C et le parc de Versailles, entre Massy et Saint-Quentin-en-Yvelines, ou encore à la sortie du RER E et du RER A pour se rendre à la base nautique de Vaires-sur-Marne. Pour ces endroits qui ne sont pas très bien desservis, il faut plusieurs plans de transport. Ces navettes gratuites, accompagnant les spectateurs dans les derniers kilomètres de leurs trajets, sont des bus articulés de dix-huit mètres, cadencés parfois à la minute.
L'offre de transport concerne également l'accessibilité. Dans les huit grandes gares d'Île-de-France, 150 navettes conduiront directement à la porte des sites olympiques les personnes en situation de handicap et leurs accompagnants, pour le tarif d'un ticket de métro.
Ces offres supplémentaires de transport expliquent les 250 millions d'euros de dépenses supplémentaires d'Île-de-France Mobilités durant les Jeux, sans compter les infrastructures, déjà prévues et financées.
À soixante-douze jours des Jeux, tous les plans de transport sont terminés, y compris le plan de transport spécifique de la cérémonie d'ouverture et la mise en place des différents périmètres de sécurité. Que les compétences des uns et des autres soient très claires : il ne m'appartient pas de contester une décision du préfet de police. Certes, durant les réunions préparatoires, nous discutons, et nous avons, par exemple, obtenu que les stations Invalides et Saint-Michel puissent rester ouvertes.
Lorsque l'on est obligé de fermer une sortie de métro à cause d'une infrastructure des JOP, ce sont les pompiers qui décident si le flux de passagers peut ou non s'écouler, et non la région. Si la fermeture de certaines gares ou de certaines correspondances cause des problèmes, il faut en discuter non pas avec la région, qui n'est qu'un exécutant, mais avec la préfecture de police. Cette dernière négocie avec le Cojop pour repousser le plus possible le moment où les gradins de la cérémonie d'ouverture seront montés, afin de fermer le plus tard possible les correspondances et les sorties de métro. Si les correspondances doivent être fermées à cause des infrastructures des Jeux, c'est pour assurer l'éventuelle évacuation du métro en cas d'incident. Personne ne souhaite que les recommandations des pompiers de Paris ne soient pas prises en compte.
Je me réjouis que la cérémonie d'ouverture ne réunisse finalement que 330 000 spectateurs. Île-de-France Mobilités était très inquiet à cause des flux de voyageurs induits, mais ce chiffre, même s'il est important, ne dépasse pas la jauge. La mise en place du périmètre de sécurité aura des impacts significatifs sur de nombreuses lignes de métro et de bus : dix-sept stations de métro et du RER C seront fermées du 18 juillet au 26 juillet inclus, ainsi que le tronçon central de la ligne 7 du métro, entre les stations Jussieu et Palais-Royal-Musée du Louvre. Il y a donc un certain nombre de désagréments pour les Franciliens, je le reconnais.
Par ailleurs, la cérémonie d'ouverture coïncide également avec le chassé-croisé entre les juilletistes et les aoûtiens dans les grandes gares parisiennes. Nous allons le plus possible renforcer l'offre de métros au moment de l'arrivée des spectateurs pour la cérémonie, entre 15 heures et 18 heures, ainsi que vers 23 heures 15, à la fin de la cérémonie. Nous avons décidé d'ouvrir toutes les lignes automatisées durant toute la nuit de la cérémonie d'ouverture, car nous avons pensé que cela permettrait de désaturer la ville si certains spectateurs voulaient prolonger la fête. Les Noctiliens seront renforcés, les lignes circulaires N01 et N02 étant notamment cadencées toutes les six minutes.
La nuit du samedi 10 août, lors du marathon pour tous et de la grande fête de clôture, toutes les lignes de métro et le RER C intra-muros fonctionneront toute la nuit en complément du Noctilien.
Un mot au sujet de la rentrée scolaire, avec laquelle coïncideront les jeux Paralympiques : nombre d'entre vous se sont émus des impacts du plan de transport prévu sur les transports scolaires. Nous donnerons des conseils aux Franciliens. Île-de-France Mobilités a mis en place une application traduite en six langues, Transports publics Paris 2024, qui donne de bons conseils de déplacements. Des itinéraires habituels seront déconseillés : la ligne 13, en raison de sa faible jauge capacitaire, ne rentrera pas dans le plan de transport des jeux Paralympiques pour préserver la rentrée des Franciliens, et les spectateurs seront invités à emprunter les lignes du RER B ou du RER D, ainsi que la ligne H ou les lignes 12 et 14 du métro. Pour l'accès au site de Vaires-sur-Marne, tous les trajets auront lieu sur le RER E, et le RER A ne fera pas partie du plan de transport, car il est trop utile pour la rentrée des Franciliens. Le plan de transport des jeux Paralympiques n'est pas le même que celui des jeux Olympiques.
Les agents et les opérateurs sont massivement mobilisés : il y aura 250 conducteurs de métro supplémentaires, dont 100 conducteurs de la SNCF venant en renfort de province, ainsi que 3 000 conducteurs de bus supplémentaires. Évidemment, les primes sont nécessaires, car on demande à ces agents de reporter leurs vacances : il faudra assurer le service en juillet, en août et aussi en septembre, à la rentrée. Un énorme travail de dialogue social est fait avec les opérateurs. Les discussions sur les compensations indemnitaires sont totalement légitimes, même si j'ai demandé à ce qu'elles respectent l'enveloppe fixée.
Un mot sur les tarifs. Tous les titres de transport seront dématérialisés et disponibles sur les appareils Android et Apple. Les tarifs des transports durant les Jeux ont été fixés à un niveau élevé. Je le sais, mais ce n'est pas ma faute, même si c'est ma responsabilité. C'est le Cojop qui avait promis la gratuité des transports, avant de réaliser en 2021 qu'il ne disposait pas de l'argent pour la financer. Je m'étais alors tourné vers l'État, qui m'avait indiqué qu'il ne pouvait pas non plus assurer ces coûts. Il revenait donc à la région d'Île-de-France d'assumer une dette de 250 millions d'euros. Je suis désolée, mais il était hors de question de laisser cette dette aux Franciliens, alors qu'elle représente une hausse du tarif du Pass Navigo de 8 euros.
Le premier objectif est donc de ne pas laisser la dette relative aux JOP aux Franciliens. Le deuxième objectif, non négligeable, est de réguler les flux de voyageurs, qui constituent le vrai problème auquel nous sommes confrontés. Nous ne voulons pas d'encombrements aux entrées des gares et des stations. Nous sommes obligés de laisser une possibilité d'achat au guichet ou auprès du conducteur, mais l'objectif est que chacun prenne ses tickets par internet, à l'avance, pour plus de fluidité. Nous le martèlerons : tout est accessible sur internet. Le passe Paris 2024 à 16 euros par jour permet l'accès aux aéroports, qui coûte aujourd'hui 12 euros. Il est au juste prix, il permet de circuler de manière illimitée dans toute l'Île-de-France. J'aurais préféré qu'il soit moins cher, mais personne n'a proposé de le financer.
Une signalétique dédiée sera installée, et la présence humaine sera renforcée. Nous déploierons1 000 agents de sécurité en plus dans les transports pendant les Jeux, 62 équipes de cynodétection pour repérer les colis abandonnés, 85 000 caméras équipant la totalité des gares, des bus, des tramways et des trains, et nous disposerons d'un centre de commandement unique financé par l'État et la région à la préfecture de police. De plus, nous créerons une brigade régionale des transports, et j'espère que, grâce à l'adoption rapide de la proposition de loi relative au renforcement de la sûreté dans les transports de M. Tabarot en cours d'examen à l'Assemblée nationale, nous pourrons donner plus de pouvoir aux agents de sécurité dans les transports, ce qui sera très utile.
L'effort est collectif et l'ambition est olympique.
M. Patrice Vergriete, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports. - Nous sommes en effet à un peu plus de soixante-dix jours du début des Jeux. Nous sentons avec l'arrivée de la flamme olympique le début d'un engouement populaire, ce dont je me félicite. Nous souhaitons tous que ces Jeux soient une fête qui nous permette de donner une très belle image de notre pays.
L'enjeu en matière de transport est important : il faut concilier différents flux, qui émanent, d'une part, directement des jeux Olympiques et Paralympiques, avec les spectateurs, les athlètes et les accrédités, et, d'autre part, des déplacements du quotidien. La conciliation de ces flux constitue le défi des transports.
Notre pays a souhaité démontrer son exemplarité : les Jeux seront entièrement accessibles en transport collectif ou à vélo, et nous donnons, avec notre politique de transport, l'image d'un pays qui privilégie les enjeux relatifs au développement durable.
Nous voulons que les différents acteurs, l'État, la région, la Ville de Paris, jouent collectif. Le comité stratégique des mobilités des JOP de 2024 a ainsi préparé ces travaux pour que les transports soient à l'heure au moment des Jeux.
Tous les plans de transport sont aujourd'hui validés. L'augmentation de l'offre globale de transports en Île-de-France atteint 15 % en moyenne, et plus de 70 % sur certaines lignes. La semaine dernière, j'étais à Châteauroux où des trains et des rames supplémentaires sont prévus le matin et le soir, ainsi que des navettes. En province, les plans de transport sont donc également largement validés.
Au sujet des plans de transport, le seul point qui reste en discussion lors des réunions du comité stratégique des mobilités des JOP de 2024 est celui de l'ouverture de la station Champs-Élysées-Clemenceau. Il semble que nous nous dirigions vers sa fermeture, mais j'ai souhaité que l'on étudie de plus près la possibilité de garder cette station ouverte, afin de faciliter les déplacements des Franciliens, notamment en ce qui concerne la correspondance avec la ligne 13.
Avons-nous rempli l'ensemble du cahier des charges pour les infrastructures ? Deux manquent à l'appel : le Charles-de-Gaulle Express ne sera pas au rendez-vous ni la ligne 15 au sud de l'Île-de-France. Pour tout le reste, le cahier des charges est tenu, témoignant du coup d'accélérateur permis par les jeux Olympiques.
Valérie Pécresse et moi-même avons déjà eu l'occasion d'inaugurer ensemble plusieurs infrastructures : le prolongement du tramway T3B, celui du RER E, la gare de Saint-Denis ce matin, demain après-midi nous inaugurerons le franchissement urbain Pleyel, puis au mois de juin le prolongement de la ligne 14 et la mise en accessibilité de la gare du Nord. Nous pouvons être fiers de voir toutes ces infrastructures au rendez-vous.
Il s'agira là d'un véritable héritage des Jeux. Il y aura peut-être des nuisances pour les déplacements au quotidien durant les Jeux, mais cet héritage, essentiel, améliorera largement les services de transports franciliens.
Nous pouvons y ajouter les travaux réalisés pour le vélo : 400 kilomètres de pistes cyclables, les « olympistes », 27 000 places de stationnement, 46 000 vélos en libre-service.
L'accessibilité a été un élément saillant des différents plans de transport. Un dispositif nous permet de disposer bientôt de 1 000 taxis accessibles, contre 250 actuellement. On peut également mentionner la mise en accessibilité de la gare de Saint-Denis et de la gare du Nord, ainsi que la formation des agents au handicap. Les personnes en fauteuil seront également mieux prises en charge dans les aéroports.
Le comité stratégique des mobilités des JOP de 2024 a fait le choix d'anticiper et de prévenir à temps la population afin de lui permettre d'adapter son comportement quand elle peut le faire. J'ai été frappé par la capacité d'adaptation des Franciliens lors de la fermeture de l'autoroute A13. Il est vrai qu'aujourd'hui il y a de nombreux embouteillages, et j'entends ceux qui les considèrent comme un enfer, mais ces embouteillages n'ont pas été aussi importants que ce que nous le craignions. La population s'est donc adaptée à la paralysie consécutive à cette situation.
Mme Pécresse a évoqué l'application développée par IDFM. Le Gouvernement a mis en place le site internet anticiperlesjeux.gouv.fr. Ces deux outils, en relation, permettent d'anticiper et de repérer en temps réel la fréquentation sur les différentes lignes et dans les différentes stations. Cela donnera une visibilité complète pour choisir son itinéraire en temps réel. La campagne de communication a plutôt été un succès : nous comptons 1,5 million de visiteurs du site, et 60 000 personnes se sont déjà abonnées à ses alertes. Un énorme travail a été mené avec les professionnels de la logistique urbaine pour trouver des itinéraires adaptés et optimiser les déplacements en temps réel.
Au sujet de la sécurité, Mme Pécresse a évoqué la proposition de loi de M. Tabarot, qui sera bientôt examinée par l'Assemblée nationale après avoir été adoptée par le Sénat. Elle donnera des outils complémentaires aux opérateurs, qui se sont déjà fortement mobilisés pour augmenter le nombre de patrouilles dans les transports.
L'accueil est aussi particulièrement développé, notamment grâce aux volontaires qui orienteront les spectateurs et les athlètes durant les Jeux : 1 500 volontaires à Aéroports de Paris (ADP), 10 000 à la SNCF, 3 000 à la RATP. Des moyens humains considérables sont déployés pour aider ceux qui se déplaceront à cette période.
Vous avez évoqué le risque cyber, que nous considérons avec beaucoup d'attention. Avec les institutions spécialistes, nous sommes en train de tester nos infrastructures numériques, notamment celles relatives aux transports, par des méthodes de crise.
Monsieur le président, vous avez évoqué la question de la grève. Le dialogue social en cours à la RATP et à la SNCF sur la question des primes relatives aux JOP est légitime si l'on parle d'annuler des congés et de faire accepter des règles qui imposent d'être présent à la fois durant l'été et pendant la rentrée. Je n'ai aucune raison d'être inquiet.
Je me suis exprimé sur ce sujet lors de l'examen de la proposition de loi visant à concilier la continuité du service public de transports avec l'exercice du droit de grève déposée par Hervé Marseille, en insistant sur le risque d'inconstitutionnalité qu'elle soulève. Je vous rappelle qu'en Italie, cette démarche trouvait son origine non pas dans la loi, mais dans un accord entre les partenaires sociaux, ensuite ratifié par la loi. Si nous devions emprunter cette voie, le faire par le dialogue social me semble la méthode la plus adéquate.
M. Philippe Tabarot. - Les jeux Olympiques seront un test grandeur nature, car ils solliciteront au plus haut point les infrastructures. Île-de-France Mobilités et les opérateurs seront les principaux acteurs d'une histoire qui, je le crois, se passera bien, tant l'investissement humain et matériel est au rendez-vous. Il est temps de couper court aux discours anxiogènes et aux polémiques prématurées selon lesquelles les déplacements vireront au cauchemar. Si c'était le cas, chacun rendra des comptes, mais en temps voulu.
Pour autant, d'évidentes crispations pourraient enrayer la qualité du service. Le premier sujet, ce sont les grèves. Depuis de nombreux mois, le Sénat a lancé plusieurs initiatives à leur propos. Bruno Retailleau, Hervé Marseille et moi-même avons déposé des propositions de loi pour lutter contre les abus manifestes du détournement du droit de grève. Pourquoi, monsieur le ministre, ne pas avoir repris nos propositions en temps et en heure ? Avez-vous payé toutes les rançons demandées pour passer les JOP sans encombre syndicale ? Si la prime pour les JOP est légitime, c'est la question du financement des départs en retraites qui a coûté la présidence de la SNCF à Jean-Pierre Farandou. L'augmentation durable de 400 euros demandée par le syndicat SUD-Rail pour tous les personnels de la SNCF outrepasse probablement les services sollicités pour cette période. Nous ne pourrons pas indéfiniment continuer à fermer les yeux et à baisser la tête face au colossal pouvoir considérable de nuisance d'une minorité contre la majorité des Français.
Le second sujet, c'est la sécurité dans les transports. Je vous rappelle qu'en 2023 près de 7 000 personnes ont été victimes de vols avec violences ou de coups et blessures dans les transports en commun. En parallèle, nous observons une forte hausse du port d'objets dangereux dans les transports. La SNCF estime ainsi que plus de 4 000 objets dangereux ont été introduits l'année dernière sur son réseau, notamment des hachoirs de boucher, des pics à glace, des couteaux ou des battes de base-ball.
La proposition de loi relative au renforcement de la sûreté dans les transports a été adoptée par le Sénat. Elle vise à développer un arc de prévention élargi, à renforcer l'arsenal et les prérogatives des forces de sûreté, ainsi qu'à créer de nouveaux délits. Nous espérons, après l'examen plutôt positif ce matin même de plusieurs articles de ce texte en commission des lois à l'Assemblée nationale, son adoption rapide.
Monsieur le ministre, deux mesures relèvent directement de vous et du pouvoir réglementaire. Êtes-vous prêts à vous engager, à l'instar de votre prédécesseur, pour que les agents de la surveillance générale de la SNCF (Suge) ou du groupe de protection et de sécurité des réseaux de la RATP (GPSR) soient dotés de pistolets à impulsion électrique, dits Taser, ou pour mobiliser la réserve opérationnelle de la police nationale en complément des forces de sûreté et des forces de l'ordre, dans l'intérêt des usagers des transports en commun ?
Madame la présidente, l'État tiendra-t-il ses engagements une fois les Jeux passés, pour accompagner la région dans le financement et l'offre liée à ces infrastructures nouvelles du quotidien ?
M. Jean-Jacques Lozach. - Vous avez présenté la mise en place de l'organisation et de la fonctionnalité des infrastructures. Pourriez-vous nous apporter quelques précisions au sujet de la méthode de concertation retenue avant que les décisions relatives à l'organisation des JOP n'aient été prises ? L'avis des associations d'usagers, voire de leur fédération nationale, a-t-il notamment été pris en compte ?
Monsieur le ministre, nous sommes très sensibles à l'héritage olympique, formalisé dans le document France 2024, porté par le ministère des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques, mais qui engage également d'autres ministères. Sur les 170 objectifs stratégiques de ce document, un seul concerne les mobilités, le plan vélo. Cela n'est-il pas décevant, et ce document de référence ne mérite-t-il pas d'être très rapidement complété ?
M. Hervé Gillé. - Madame la présidente, monsieur le ministre, je souhaite vous interroger sur trois enjeux soulevés par la tenue des jeux Olympiques et Paralympiques.
Premièrement, il sera indispensable d'assurer une articulation efficace entre les différents modes de transport pour absorber le flux sans précédent de voyageurs. Le recours aux mobilités douces sera nécessaire pour limiter l'engorgement des transports collectifs et maîtriser les émissions polluantes tout au long des Jeux. Quelles mesures ont été prises pour renforcer l'offre en la matière et garantir une intermodalité fluide ? Les sites olympiques et paralympiques seront-il réellement accessibles par les mobilités douces ?
Deuxièmement, madame la présidente, vous aviez annoncé en début d'année qu'à compter du mois de juin, en cas de malaise voyageur, les conducteurs de métro seraient autorisés à repartir sans attendre l'arrivée des secours à quai pour assurer la régularité du service. Ce point peut être inquiétant pour la sécurité des voyageurs, d'autant qu'une chaleur caniculaire risque de peser à cette période. Ce protocole sera-t-il effectivement mis en place, et quelles mesures sont-elles prévues pour prévenir les malaises voyageurs liés à l'afflux des passagers et à d'éventuelles fortes chaleurs ?
Enfin, troisièmement, je souhaite aborder la question du transport de marchandises. Nous avons récemment reçu des responsables de ce secteur qui sera mis à rude épreuve cet été, du fait des risques de congestion du trafic et des restrictions de circulation. Quelles stratégies seront-elles mises en place pour accompagner les transporteurs et garantir le fonctionnement de la chaîne logistique jusqu'au coeur de la ville pendant les Jeux ? Il s'agit d'une opportunité pour expérimenter à grande échelle une logistique urbaine plus durable et fluide. Certaines mesures appliquées cet été sont intéressantes, notamment le recours accru au transport fluvial ou à la cyclologistique, les livraisons en horaires décalés ou l'augmentation de l'offre d'aires de livraison. Pourront-elles être pérennisées après les Jeux ?
M. Claude Kern. - J'ai trois questions complémentaires. Tout d'abord, vous avez indiqué que les plans de transport étaient terminés, tout en évoquant la nécessité d'un dispositif résilient pour faire face aux flux et répondre à tous les incidents éventuels. Il faut donc disposer de dessertes multiples pour tous les sites. Est-ce bien le cas ? Au cas où cette redondance ne serait pas assurée, comment répondrez-vous à un incident de circulation ?
Ensuite, des exercices sont réalisés pour anticiper des situations de crise. Que prévoyez-vous en cas de canicule, sachant que de nombreuses gares ne sont pas climatisées, et que les spectateurs sont incités à se déplacer à pied ou à vélo ?
Enfin, ma dernière question porte sur les retombées économiques des JOP. À l'évidence, ces retombées seront positives sur le tourisme et l'hôtellerie, mais des retombées négatives sont également à craindre pour de nombreux commerçants, en raison de la perturbation des transports et de la circulation. Ces impacts positifs et négatifs ont-ils été évalués à l'échelon de la région ?
M. Pierre Barros. - Je vous remercie de vos propos enthousiasmants : nous avons tous envie que la fête soit réussie.
Les jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024 seront l'occasion d'accueillir entre 10 et 15 millions de touristes dans Paris et sa métropole. Cette situation exceptionnelle met au défi plusieurs secteurs d'activité, en particulier l'hébergement et le transport, dont l'énorme travail mérite d'être salué.
En ce qui concerne les transports, les retards accumulés en matière d'investissement, y compris pour les projets en cours comme le Grand Paris Express, associés à une offre structurellement insuffisante, font craindre la saturation du réseau durant l'été, après celle que les Franciliens connaissent déjà au quotidien.
La candidature de Paris s'appuyait sur le prolongement de la ligne 14, la construction des lignes 15, 16 et 17, ainsi que sur celle du Charles-de-Gaulle Express. En définitive, seules les lignes 14 et 11 ainsi qu'une portion du RER E, jusqu'à Nanterre, seront livrés à temps.
L'aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle devait être desservi par le RER B, le Charles-de-Gaulle Express et la ligne 17 du métro. L'aéroport du Bourget devait aussi être relié à cette dernière ligne. Malheureusement, cela sera impossible. Le RER B devra donc couvrir seul ces itinéraires, alors que même la Cour des comptes indiquait au sujet de cette ligne dans son rapport annuel qu'« il ne se passe pas une semaine sans que des incidents de toute nature fassent l'actualité ».
Ce constat peut d'ailleurs être étendu aux autres lignes de RER, tant la dégradation des conditions de transport est synonyme de galère pour les presque 5 millions d'abonnés du passe Navigo - hier soir, j'ai mis presque trois heures pour rentrer chez moi, dans le Val-d'Oise.
À cela s'ajoutent de nombreux « bugs » - je vous cite, madame la présidente -, liés à l'ouverture à la concurrence des lignes de bus en grande couronne, qui concerne notamment la DSP3 : lignes supprimées sans que les élus en soient clairement avertis, chauffeurs qui attendent pendant plusieurs heures des bus très usagés qui peinent à sortir des ateliers de réparation et doivent prendre leur service en retard... Il semblerait que les bus électriques tombent très facilement en panne, et doivent souvent être remplacés par des bus diesel.
Comment, dans ces conditions, envisager sereinement de transporter les millions d'usagers du quotidien et le public des JOP cet été ? Ne soyons pas naïfs au sujet de l'impact des départs en vacances et du télétravail : comment ne pas être inquiet quant à un éventuel délaissement de certaines dessertes, en particulier des quartiers populaires et ruraux qui ne sont pas situés à proximité de sites olympiques ? En plein coeur de Paris, il faut parfois attendre une heure pour prendre un bus sur une ligne intra-muros. En effet, dans ces conditions, il reste la marche... Comment ne pas s'interroger au sujet de la période d'après les jeux Olympiques et Paralympiques, quand les personnels qui auront assuré le service tout l'été poseront leurs droits à congés ? Le sujet concerne également les forces de l'ordre et de secours.
Nombre d'élus de banlieue sont inquiets, voire en colère : ils ne comprennent pas ces partis pris. Vous avez pris des engagements devant eux. Vous devrez les tenir, pour que ces JOP ne soient pas un bouchon continu, mais bien une fête pour toutes et tous.
M. Michel Savin. - Permettez-moi de parler à double voix avec ma collègue Agnès Evren, qui n'a pas pu être présente à cette réunion.
Mme Evren souhaitait vous interroger sur l'immense défi logistique que représentent ces Jeux, en raison du nombre de sites à desservir à Paris, ainsi qu'en petite et en grande couronne. L'ambition est de permettre à l'intégralité des près de 500 000 spectateurs attendus chaque jour de se rendre sur les sites olympiques en transport en commun. Comment la coordination opérationnelle entre les lignes des réseaux de la RATP et celles de la SNCF sera-t-elle assurée ? Comment avez-vous procédé pour élaborer ce plan de transport sur mesure pour les JOP, sur quels principes et sur quelles données vous êtes-vous appuyés pour adapter le réseau ?
Monsieur le ministre, vous avez mentionné l'objectif de disposer de 1 000 véhicules taxis accessibles, en Île-de-France comme dans les autres métropoles accueillant des épreuves. Combien de dossiers ont-ils été actuellement déposés, et quel est le coût pour l'État des aides à l'achat ou à la location de longue durée de véhicules ?
Mme Marta de Cidrac. - Monsieur le ministre, j'ai cru entendre une forme de satisfecit dans vos propos au sujet de la fermeture de l'autoroute A13. Restera-t-elle fermée plus longtemps que ce qui était prévu ? Pouvez-vous indiquer une date pour sa réouverture ? Nous sommes loin d'avoir la même impression que vous quant aux stratégies mises en place pour surmonter une situation qui pénalise nombre de franciliens qui utilisent quotidiennement cette partie de l'autoroute.... Je défends l'utilisation des transports en commun, mais certains ne peuvent pas faire autrement que d'utiliser leur voiture.
Mme Laure Darcos. - Je souscris pleinement aux propos de ma collègue Marta de Cidrac. Madame la présidente de région, vous avez évoqué la rentrée scolaire, qui aura lieu en même temps que les jeux Paralympiques. La situation risque en effet d'être difficile. Vous m'avez un peu rassurée, mais je reste inquiète notamment au sujet des transports scolaires en grande couronne. Pouvez-vous nous assurer que les cars scolaires seront disponibles pour tous les Franciliens au moment de la rentrée ?
Mon inquiétude porte également sur le télétravail dans les entreprises. J'ai entendu le message gouvernemental qui passe en boucle à la radio, mais ne faut-il pas être plus alarmiste vis-à-vis des entreprises qui n'ont toujours pris aucune disposition envers leurs salariés ? Ceux-ci éprouvent de l'angoisse à l'idée de devoir se rendre à leur travail cet été, mais n'osent pas demander eux-mêmes à leur employeur de télétravailler. La région ne pourrait-elle pas émettre des injonctions plus fortes afin d'alerter les entreprises, et leur indiquer que la situation risque d'être extrêmement compliquée si leurs salariés doivent emprunter les transports ?
M. Pierre Ouzoulias. - Étant conseiller départemental des Hauts-de-Seine, je ne m'exprimerai pas sur la situation engendrée par l'affaissement de l'autoroute A13.
Vous avez tout à fait raison, monsieur le ministre, l'application anticiperlesjeux.gouv.fr que vous avez mise en ligne est un franc succès : compte tenu des difficultés de transport annoncées sur cette application, les franciliens en déduisent que la meilleure solution est de partir ! Il me paraît contradictoire de dire que les JOP seront une immense fête populaire, à laquelle tout le monde doit participer, sauf en Île-de-France et dans les autres endroits où l'on n'aura pas les moyens de transporter la population...
Sur la ligne B, dont je suis un usager, les difficultés sont quotidiennes. On n'imagine pas qu'il puisse y avoir une affluence supplémentaire sur cette ligne, qui est déjà dans l'incapacité d'assurer ses missions de service public. Les usagers sont très inquiets. Votre site ne les a pas du tout rassurés ; au contraire ! Il leur donne le sentiment que les choses se passeraient beaucoup mieux sans eux.
Je pense que ce n'était pas le bon message à faire passer. On semble oublier que les JOP, c'est aussi le rassemblement de personnes qui s'unissent sur des valeurs universelles. À cet égard, on aurait pu faire montre d'une plus grande solidarité, y compris envers les Franciliens.
Mme Mathilde Ollivier. - Cet été, particulièrement pendant la période des jeux Olympiques, nous serons en période de chassés-croisés sur les routes, mais aussi dans les trains. Il a été indiqué qu'il n'y aurait pas de trains supplémentaires sur les lignes à grande vitesse de la SNCF. Je m'interroge sur la capacité de l'offre ferroviaire à assurer un trajet à l'ensemble des voyageurs, entre ceux qui voudront passer par la capitale pour rejoindre leur destination de vacances et ceux qui voudront se rendre à Paris pour les jeux Olympiques.
Les JOP constituaient l'occasion de laisser un héritage solide pour la vie quotidienne des personnes en situation de handicap. Le taxi, les navettes dont vous nous avez parlé ne sont pas des solutions pérennes au défi de l'accessibilité des transports aux personnes handicapées. Comment combler ce retard ? Quel sera l'héritage pour le transport des personnes en situation de handicap après les jeux Olympiques et Paralympiques ?
Le projet de création, à titre expérimental, d'un vertiport, m'a stupéfaite. J'ai bien compris que cette expérimentation de taxis volants ne concernera que des invités, mais cela fera de Paris la première capitale au monde à mettre en oeuvre du transport aérien urbain. Ce mode de transport, particulièrement énergivore et réservé à des nantis, est-il une bonne idée, à l'heure où l'objectif est de réduire fortement les émissions de CO2 ? Il ne fera qu'augmenter la disproportion de l'empreinte carbone en fonction du niveau de richesse. Pouvez-vous revenir sur cette expérimentation et ses objectifs ? Avant de s'occuper du ciel, il est peut-être plus important de se concentrer sur la terre et le sous-sol.
M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture. - C'est parfois complémentaire !
M. Adel Ziane. - Je me joins aux propos de mon collègue Philippe Tabarot. Nous en arrivons à une phase importante de la dimension événementielle, comme on l'a vu à Marseille.
Je veux insister sur le côté festif de l'événement et sur la prise de conscience par les Français et les Françaises de l'enjeu. Dans mon département de la Seine-Saint-Denis, l'héritage - que ce soit le village olympique, que nous avons inauguré il y a quelques semaines ; le franchissement urbain de Pleyel ; le centre aquatique, à Saint-Denis ; ou encore le village des médias - permettra d'accélérer l'amélioration du quotidien des habitants. Autre élément de cet héritage : le prolongement de la ligne 14, jusqu'à Pleyel - la gare a été inaugurée hier - et jusqu'à Orly prochainement.
On a compris qu'il y aurait trois types de flux durant les jeux Olympiques : celui des athlètes et de leurs accompagnants, celui des millions de spectateurs, dont on ignore encore le nombre précis, et, bien évidemment, celui des voyageurs habituels du réseau.
À la fin de l'année 2023, 5 lignes de métro étaient sous le seuil des 90 % de régularité. La ligne 13 sera stratégique pour desservir le stade de France durant les JOP, avec des journées où ce stade se remplira et se videra jusqu'à trois fois. Comment cet afflux exceptionnel va-t-il être traité ?
Je m'associe aux propos de Laure Darcos sur le télétravail. J'ai l'impression que, dans le secteur public, le message est en train de passer, mais peut-être faudrait-il une campagne de communication plus forte à destination des entreprises du secteur privé pour faciliter le télétravail - les capacités existent aujourd'hui.
Les agents de la fonction publique seront fortement mobilisés pour la réussite des jeux Olympiques, dans les transports en particulier. Après l'été se posera la question des compensations, des congés. Or ce sera le moment des jeux Paralympiques, de la rentrée des classes et du retour des Franciliens en Île-de-France.
Ma dernière question porte sur l'application éphémère Transport public Paris 2024. Le directeur d'Île-de-France Mobilités nous a annoncé, en janvier dernier, qu'une collaboration était en cours entre le ministère des transports et des acteurs comme Google Maps et Citymapper. Où en sont les discussions sur cet outil complémentaire pour permettre aux Franciliens et aux Franciliennes comme aux touristes qui viendront participer à l'événement de se repérer dans les différents lieux et sites olympiques de l'Île-de-France ?
Mme Colombe Brossel. - La fête va être belle. Nous allons vivre un événement extraordinaire, qui n'arrivera pas deux fois dans nos vies. Et nous allons tout faire pour que la fête soit réussie, populaire, et qu'elle laisse un héritage. Notre pays a bien besoin de tels moments !
Pour autant, pour que la fête soit belle, il faut qu'elle soit belle pour tout le monde. Évidemment, en tant que sénatrice de Paris, je m'interroge sur la compatibilité de tout cela avec les transports du quotidien des Parisiens et des Franciliens. De fait, une partie d'entre eux seront présents, comme tous les étés, et utiliseront les transports...
Je crois que personne ne remet en question la nécessité, à un certain nombre d'étapes - on a parlé de la cérémonie d'ouverture -, de fermer des stations de métro, pour des questions de sécurité. J'ai compris qu'il y avait un sujet sur la station Champs-Élysées-Clemenceau. Comment parvient-on à éviter des fermetures de stations ou de zones de transit qui seraient tellement longues qu'elles perturberaient la capacité des usagers du métro à se déplacer ? Comment sont organisés les itinéraires bis et, surtout, les connexions bis ? Comment communique-t-on spécifiquement sur ce sujet, qui n'est pas anecdotique ? J'avais compris qu'il y avait des interrogations concernant la station Franklin D. Roosevelt, mais je vous vois dire non de la tête. Sommes-nous vraiment parvenus au bout des discussions sur la durée de ces fermetures ?
Lors de son audition, j'avais interrogé le préfet Michel Cadot sur l'accompagnement des visiteurs, notamment dans les moments de flux très importants. Sa réponse m'avait laissée un peu sur ma faim... Quelques mois plus tard, je compte sur vous pour nous donner davantage d'éléments concrets.
On sait que c'est dans les endroits dans lesquels l'afflux sera important qu'il y aura des difficultés. Je pense notamment à l'ouest de Paris, avec le parc des Princes et Roland-Garros. Nous avons compris que l'offre de transport supplémentaire ne permettra pas d'absorber tous les flux et qu'il y aura un important dispositif humain pour permettre de les organiser et de les réguler. Dont acte ! Êtes-vous aujourd'hui en mesure de nous dire quels seront les ordres de grandeur de la mobilisation humaine sur ce point nodal ? C'est vraiment l'un des points de difficulté identifiés par tous depuis le début. J'imagine que des agents de la SNCF, de la RATP, des volontaires et, peut-être, les forces de sécurité seront mobilisés ?
Le préfet Cadot laissait entendre qu'il y aurait une mobilisation assez large. Combien y aura-t-il de bataillons ? Comment tout cela va-t-il s'organiser ?
Mme Valérie Pécresse. - Je veux encore une fois remercier publiquement Élisabeth Borne et Clément Beaune ainsi que le Parlement d'avoir voté les financements d'Île-de-France Mobilités pour l'après-Jeux. Il ne suffit pas d'ouvrir des lignes nouvelles ; encore faut-il pouvoir les faire fonctionner ! Nous avions besoin de cette contribution des entreprises pour rester à l'équilibre. Cela me permet de ne pas faire peser le financement de ces lignes sur les seuls usagers.
Je laisserai le ministre Patrice Vergriete répondre à Jean-Jacques Lozach sur l'offre de taxis, puisque cela relève de sa responsabilité. Je note tout de même que nous disposerons de 1 000 taxis à hydrogène, dont la région finance les bornes de recharge ainsi que le développement. Ce sera la première flotte urbaine de taxis hydrogène au monde ! C'est une première mondiale. Cela permettra de commencer à développer une offre de mobilité hydrogène en Île-de-France.
Pour ce qui concerne le plan vélo, 400 kilomètres de pistes cyclables sont prévus uniquement pour les Jeux - lancés à 50 % par la région -, et 30 000 places de parking sont déjà construites. Chaque fois que Patrice Vergriete et moi-même inaugurons des gares, nous inaugurons aussi d'immenses parkings vélo. Celui de la gare du Nord sera l'un des plus grands de France. Ces parkings seront évidemment sécurisés et offriront un « écosystème vélo », avec, notamment, la possibilité de faire réparer son vélo.
Je ne m'exprimerai pas sur Vélib, qui ne relève pas de ma responsabilité. En revanche, je puis vous dire qu'il y aura 2 000 vélos électriques Véligo supplémentaires en location longue durée durant les mois de juillet et d'août, pour permettre notamment aux bénévoles et à tous ceux qui travailleront pour les Jeux de se rendre sur les sites.
J'ajoute que nous ouvrirons, en juin, une plateforme qui s'appellera Emplois post-JO pour tous les métiers de transport, de l'hospitalité et de la sécurité. Nous avons déjà toute une série de grands partenaires qui recruteront les salariés et les bénévoles des JOP sur cette plateforme : Accor, Disney, Sodexo, mais aussi toutes les polices municipales, les grands opérateurs de transport... De fait, entre 35 000 et 50 000 personnes ayant reçu une formation ou obtenu un contrat JOP risquent de rester sur le carreau. La région organisera des formations passerelles, et les CV et les demandes des employeurs pourront être déposés dès juin. Ce dispositif est très important. Je pense notamment aux métiers de la sécurité, où la demande est énorme ; les collectivités, notamment, pourront se nourrir de ces 25 000 personnes supplémentaires que nous avons formées.
Monsieur Gillé, que ce soit à Londres ou à Tokyo, le protocole de sécurité pour les malaises voyageurs commande de sortir l'usager de la rame. Ce n'est pas le cas en France. Je ne connais pas l'historique de notre protocole de sécurité. Peut-être a-t-il été copié sur le protocole des pompiers pour les accidents intervenus dans la rue ?
Pour ma part, je défends depuis très longtemps les pratiques que j'ai pu observer à Londres et à Tokyo. L'objectif n'est pas de privilégier le fait de faire rouler la rame - ce sera la conséquence positive. Si l'on sort la personne de la rame, la rame poursuivra son chemin, mais ce qui importe, c'est de choisir le meilleur pour la sécurité de cette personne. Or, quand on la laisse dans la rame, on vide la rame, donc on remplit le quai, ce qui empêche les services secours d'atteindre le voyageur et risque de créer d'autres malaises. À l'inverse, si l'on sort la personne de la rame - il existe tout un protocole, supervisé par les pompiers et le Samu -, les services secours pourront accéder très vite à celle-ci, puisque le quai sera libre. On protège donc à la fois la personne et la régularité des trains, ce qui est gagnant-gagnant.
Ce protocole entrera en vigueur à la suite d'un processus de dialogue social à la RATP. Malheureusement, la SNCF ne pourra le mettre en vigueur que sur la station du RER B de la gare du Nord. J'aurais souhaité que ce soit beaucoup plus rapide, mais la modification d'un protocole de sécurité implique de la concertation et de la formation.
C'est d'autant plus important compte tenu du risque de canicule. J'ai réuni hier Jean Castex et Jean-Pierre Farandou et toutes les équipes de la RATP et de la SNCF pour que nous nous dotions d'un plan canicule. Celui-ci conduira à ce que 100 fontaines à eau, financées par Île-de-France Mobilités, soient installées dans les 50 gares des Jeux. Il y aura également des brumisateurs, des aspergeurs de gouttes d'eau, en lien avec les villes hôtes des Jeux. Cependant, un brumisateur implique d'avoir un point d'eau et un accès à l'eau, ce qui n'est pas toujours simple. La Ville de Paris a aussi travaillé sur l'accès aux points d'eau près des stations de bus. On voit que nous sommes tous en train de nous mobiliser. Bien évidemment, il faudra aussi distribuer des bouteilles d'eau. Nous sommes en train de réfléchir au stockage, à la logistique, pour pouvoir gérer une éventuelle situation caniculaire.
Je rappelle qu'il y a huit ans, avant que je ne sois présidente de région, Île-de-France Mobilités achetait des bus diesel non climatisés. Maintenant, nous n'achetons que des bus électriques et climatisés. Cela change la donne. Nous allons essayer de mettre le maximum de ces bus climatisés sur les Jeux - en tout cas, il n'y aura que des bus propres, tous les bus n'étant pas encore climatisés.
Nous pensons à l'inverse que les Jeux auront un impact très positif pour les commerçants, même si ce n'est pas forcément pour tout le monde ni dans tous les secteurs.
Je veux évoquer le précédent positif de la Coupe du monde de rugby. À écouter les hôteliers et les autres acteurs, la Coupe allait être une catastrophe sur le plan des transports et du tourisme ! Or tout s'est très bien passé. Nous avons eu 500 000 visiteurs de plus que d'habitude, avec des retombées économiques absolument spectaculaires, qui ont d'ailleurs peut-être conduit nos hôteliers à placer la barre un peu haut en termes de coût des nuitées. Les impacts négatifs, pour les commerçants, tiendront à des questions de logistique et de limitation de transport, sujets de sécurité qui ne relèvent pas de ma compétence.
M. Barros m'a demandé de faire un bilan des transports en Île-de-France. Hier, j'ai réuni Jean-Pierre Farandou, Jean Castex, la SNCF et la RATP. L'enquête annuelle de satisfaction, qui porte sur 150 000 voyageurs, a montré un taux de satisfaction de 86 % des voyageurs de la RATP et de 78,5 % pour la SNCF. S'il faut évidemment se focaliser sur les voyageurs mécontents - c'est ma préoccupation quotidienne -, je considère que, dans certains autres services publics, de tels taux de satisfaction seraient considérés comme énormes. Je le dis pour ceux qui voient toujours le verre à moitié vide, quand on pourrait le voir aux trois quarts plein.
Je ne nie pas que nous ayons trois lignes très en souffrance - les lignes B, C et D -, pour lesquelles il existe des plans de remédiation spécifiques. Sur le RER B, nous avons gagné deux points de régularité en commençant à mettre en place des mesures de mise en cohérence RATP-SNCF, dont je pensais qu'elles avaient été mises en oeuvre depuis longtemps, mais dont le rapport d'Yves Ramette a révélé qu'elles n'avaient pas encore été complètement prises. Nous continuons évidemment à avoir un plan de redressement pour toutes ces lignes. Le RER C était à 90 % de régularité le mois dernier ; même si elle demeure fragile, la situation s'améliore.
Monsieur Ziane, à la date d'hier, 10 lignes de métro étaient au-dessus de 90 % de régularité. S'il reste encore trois lignes de métro fragiles, et si la ligne 8 est en difficulté, le redressement est donc très tangible, des conducteurs et des mainteneurs ayant été recrutés. Ces changements améliorent évidemment la qualité de service.
Pour ce qui concerne les bus de Paris, le taux de non-réalisation du service est passé de 25 % l'année dernière à 8 % le mois dernier, dont 6 à 7 % liés uniquement aux difficultés de circulation dans Paris.
Michel Savin a relayé la question d'Agnès Evren sur l'organisation. Un transport manager, dépendant du ministre des transports, gérera tous les transports en commun de l'Île-de-France, toute la circulation - ce sujet totalement à part ne dépend pas du tout de nous - et l'organisation de la coordination de l'ensemble. Ce centre de coordination des transports olympiques (Coto) aura son siège au bâtiment Pulse, à l'instar du Cojo.
La sécurité relève quant à elle du Centre de coopération opérationnelle de la sécurité (CCOS), centre de commandement unique de la préfecture de police, infrastructure unique cofinancée par l'État et la région. Nous avons installé 80 000 caméras sur l'ensemble du réseau de transport. L'examen de la proposition de loi Tabarot, traduit une demande d'Île-de-France Mobilités, qui a financé le centre et gère déjà 1 300 agents de sécurité et des médiateurs afin de pouvoir entrer dans ce centre. Le préfet y est très favorable. De fait, il est extrêmement paradoxal que nous gérions 1 300 personnes, que nous financions à peu près toutes les dépenses de sécurité et que nous soyons interdits de CCOS !
Pierre Ouzoulias a évoqué le RER B. Il faut vraiment comprendre que l'affluence supplémentaire est calculée par rapport à un mois d'août normal.
Cela me permet de répondre aux questions sur le télétravail. Nous avons défini le plan de transport en considérant que tous les Franciliens se rendraient au travail. Nous avons fait comme s'il s'agissait d'un mois d'août normal, et nous avons ajouté le déplacement dans les infrastructures. Nous avons suivi un principe de précaution maximum pour avoir l'offre maximale. Évidemment, j'appelle les Franciliens qui le peuvent à télétravailler, mais nous ne forcerons personne, le plan de transport ayant été conçu pour que tout le monde puisse aller travailler.
En ce qui concerne l'accessibilité, l'héritage des Jeux est colossal, grâce au plan de 1,8 milliard d'euros cofinancé par l'État et la région. Ce plan nous a permis de faire en sorte que toutes les gares des Jeux soient 100 % accessibles. À cet égard, les Jeux ont pour impact de faire aboutir ces travaux d'accessibilité, qui étaient d'ores et déjà programmés.
Aujourd'hui, 95 % des voyageurs qui prennent le métro le font dans des gares 100 % accessibles, ce qui est énorme. Cela ne veut pas dire que 95 % des gares sont accessibles : c'est 95 % des flux qui le sont.
Il est très facile de caricaturer l'innovation qu'est le vertiport. Pour ma part, j'adore les innovations technologiques, surtout quand elles sont zéro pollution et zéro carbone. C'est le cas de ce taxi volant à décollage vertical, totalement électrique et décarboné. Étant, comme moi, très soucieuse de faire en sorte qu'il n'y ait plus de bouchons sur l'A1, vous serez évidemment intéressés par l'idée d'un transport qui a vocation à être collectif...
Le projet a été mal présenté, ce qui a créé une ambiguïté. M. le ministre me l'a d'ailleurs reproché, et il a eu raison. Cependant, c'est Aéroports de Paris et la RATP qui étaient à l'origine de ce projet. Je n'ai fait que saisir la balle au bond...
Le projet consiste à se doter d'une navette collective pour aller jusqu'à Roissy au départ d'un vertiport, cette navette pouvant transporter huit à dix personnes - ce ne sera jamais un Concorde ! L'objectif est de transporter les passagers des taxis en mettant huit voitures de moins sur la route. Le modèle économique ne consiste donc pas à transporter les nantis qui prennent leur jet au Bourget ! L'idée est de remplacer le taxi, donc de viser plutôt les classes moyennes aisées. Nous ignorons si ce projet de transport collectif zéro carbone plutôt haut de gamme, permettant de remplacer des voitures sur la route, de gagner du temps et d'avoir moins d'embouteillages fonctionnera.
Quoi qu'il en soit, il pourrait être utilisé pour le transport sanitaire dans les hôpitaux parisiens. Aujourd'hui, on utilise, à cette fin, des hélicoptères, dont on sait - je parle sous le contrôle de Colombe Brossel - qu'ils génèrent une pollution maximale et un bruit maximal... Le ministre est très favorable à cet usage d'intérêt général de ce transport électrique zéro carbone, qui occasionne très peu de bruit. Il a raison.
Être opposé au progrès technologique par idéologie n'apporte pas de solutions. Peut-être que ce projet n'aboutira pas, mais mon modus operandi, c'est d'essayer de trouver de nouvelles solutions.
La fermeture de la station Champs-Élysées-Clemenceau dépend du préfet de police. Nous essayons aujourd'hui d'obtenir du Cojo qu'il retarde au maximum l'arrivée de l'infrastructure de façon que l'on puisse laisser la gare ouverte le plus tard possible.
Une grande partie des 450 navettes gratuites seront dédiées à l'axe ouest - Charles-de-Gaulle-Étoile-Roland-Garros, Porte d'Auteuil-Roland-Garros... Cependant, je ne pense pas que ce sont les personnels de la RATP ou de la SNCF qui feront la gestion des flux entre l'infrastructure RER C et les stades - il y aura du monde qui remontera le boulevard Murat ou l'avenue de Versailles ! Cela relèvera de la signalétique JO. Je répète que, sur certains trajets, tous ceux qui sont en bonne santé et qui ont envie de profiter de l'été parisien et du Bois de Boulogne pourront faire quelques centaines de mètres à pied. Au reste, les statistiques montrent que les 25-35 ans constituent la première tranche d'âge des détenteurs de billets. On peut imaginer que certains d'entre eux aient envie de profiter de Paris, de se balader sur les quais de Seine...
M. Patrice Vergriete, ministre délégué. - Je commencerai par répondre à la question sur l'accord à la SNCF et la gestion des fins de carrière pour les métiers pénibles de M. le sénateur Tabarot, qui aime bien caricaturer.
M. Philippe Tabarot. - Le préavis du 21 mai prochain, ce n'est pas de la caricature ! C'est la réalité.
M. Patrice Vergriete, ministre délégué. - Nous sommes d'accord sur la réalité du préavis du 21 mai prochain. Pour ce qui concerne l'accord sur la gestion des fins de carrière, je répète qu'un accord signé en 2008 prévoyait déjà des départs anticipés jusqu'à 12 mois, que la décision de renégociation de cet accord est intervenue à l'issue des grèves de 2022 et n'est donc pas directement liée aux jeux Olympiques et que le coût s'élève à 35 millions d'euros, pour 1,3 milliard d'excédents à la SNCF. Je crois savoir comment il va être financé... Enfin, quasiment tous les grands groupes français se sont dotés d'un tel accord sur la gestion des fins de carrière des métiers pénibles - je pense à Airbus, Air France, Stellantis, Renault, etc. C'est dans leur intérêt, un tel accord étant préférable à des arrêts maladie ou à des licenciements. Je vois donc peu le rapport avec les JO.
Quant à la décision concernant la non-reconduction de Jean-Pierre Farandou à la tête du groupe SNCF, elle a été prise bien avant cet accord, puisqu'il était simplement atteint par la limite d'âge.
M. Philippe Tabarot. - Deux heures avant notre commission...
M. Patrice Vergriete, ministre délégué. - Comme vous avez pu le constater, je n'ai pas été signataire du communiqué de presse, mais je disposais de cette information avant l'accord salarial. Je vous livre les choses telles qu'elles sont, tout à fait honnêtement et sincèrement.
Nous sommes en train de travailler sur les points réglementaires liés à la sécurité avec les opérateurs, en particulier, évidemment, avec le ministère de l'intérieur et le ministère de la justice. Il s'agit de faire respecter le droit et les libertés. J'espère arriver au bout de ce travail de manière pleinement satisfaisante. Cela dit, je partage votre objectif, comme vous le savez déjà, puisque nous avons engagé la procédure accélérée sur la proposition de loi que vous avez déposée et qui est en cours d'examen par les députés justement pour pouvoir être au rendez-vous des jeux Olympiques. Je tiens à dire que nous travaillons en parfaite complémentarité sur ces questions.
Je le répète, la gestion de la logistique urbaine fera sans doute partie de l'héritage des Jeux. Le dispositif JOPtimiz permettra de définir des itinéraires, de savoir s'il faut un QR code pour entrer dans tel ou tel périmètre, de faciliter le contact avec les forces de l'ordre... Ce nouveau dispositif sera très utile après les Jeux pour faciliter la logistique urbaine. La France a beaucoup de progrès à faire en la matière, et créer des outils de ce type à l'occasion des jeux Olympiques peut nous permettre, demain, d'améliorer les choses. Il faudra aussi penser à la structuration de plateformes de logistique urbaine autour de nos grandes métropoles - c'est une autre question, que nous aurons sans doute l'occasion d'évoquer plus tard.
Nous en sommes aujourd'hui à 800 taxis sur 1 000, y compris avec les formations mises en oeuvre. À la date d'aujourd'hui, le coût s'élève à 5,9 millions d'euros pour 380 dossiers. Nous verrons ce qu'il en sera quand le nombre de taxis sera de 1 000.
Sur l'A13, il n'y a absolument pas de satisfecit ! Comment pourrais-je me satisfaire de la perte d'une infrastructure majeure pour la desserte de l'Île-de-France, dont, du reste, l'État n'est pas responsable ?
Mme Marta de Cidrac. - Vous sembliez satisfait de la gestion de cette fermeture !
Mme Laure Darcos. - Vous avez dit que cela s'était bien passé !
M. Patrice Vergriete, ministre délégué. - Pas du tout ! Comment pourrait-on être satisfait de la gestion d'une infrastructure qui dysfonctionne ?
Ce que j'ai voulu souligner, c'est la capacité de nombreux Franciliens à s'adapter qu'a montrée la comparaison établie dans le cadre de la modélisation. Je n'ai pas nié le problème, et je sais qu'il est extrêmement difficile pour vous, qui le subissez au quotidien ! Je constate simplement que la capacité d'adaptation de la population est systématiquement sous-estimée.
La réouverture de l'autoroute A13 est d'ores et déjà effective dans le sens Province-Paris pour les voitures - la voie est désormais empruntée par beaucoup de camions, raison pour laquelle les contrôles des forces de l'ordre devront sans doute être renforcés. Dans le sens Paris-Province, cette réouverture aura lieu probablement lors de la seconde quinzaine de juin. C'est ce qui a été annoncé par le ministère des transports, et je pense que cette échéance devrait être respectée.
De manière générale, je veux revenir sur la philosophie qui a guidé la région et l'État dans l'accompagnement des Franciliens. Nous essayons d'apporter des solutions collectivement à travers un plan de transport, mais nous ne pourrons évidemment pas nous adresser individuellement à chaque Francilien. Ce qu'il faut, c'est donner à chaque Francilien les éléments suffisants pour lui permettre de s'adapter, en connaissance de cause, dans son parcours spécifique dans la région.
L'outil numérique qui permet de connaître en temps réel l'état du trafic, l'état de la saturation et, ainsi, de modifier éventuellement ses horaires de travail et l'outil de parcours d'Île-de-France Mobilités qui permet de conseiller un trajet sont parfaitement complémentaires et permettent d'individualiser la réponse. Au reste, il y a des choses qu'on ne peut pas prévoir. L'idée est donc de communiquer à chaque individu l'état du trafic et le parcours conseillé pour atteindre sa destination. C'est la philosophie qui nous a guidés pour essayer d'accompagner la population.
Sur l'avion à décollage et atterrissage verticaux, ou VTOL (Vertical Take-off and Landing), je partage ce qu'a dit la présidente de région. Avec le transport sanitaire, ce type de mobilité peut représenter une opportunité d'intérêt général demain. Je le dis très clairement : refuser l'expérimentation d'une innovation qui pourra sauver des vies ne me semble pas responsable. On peut débattre des usages d'une telle innovation, mais la refuser par principe me semble regrettable.
L'expérimentation permettra de mesurer le bruit, la gêne, les risques en termes de sécurité, la manière dont cela fonctionne concrètement - et si cela fonctionne, d'ailleurs. Il s'agit d'analyser le potentiel d'une telle innovation. Pour ma part, le transport sanitaire dans des villes comme Paris me paraît un usage stratégique pour demain. Je pense vraiment que cela peut sauver des vies.
J'en viens à l'accessibilité. Nous avons, ce matin, inauguré la gare de Saint-Denis. L'accessibilité est pérenne : après les Jeux, la gare ne redeviendra pas comme elle était avant. Le renfort d'accessibilité qui résulte de l'effort consenti pour les JO survivra à ces derniers. Au final, nous aurons largement renforcé l'accessibilité.
Certes, nous n'avons pas été tout à fait au rendez-vous dans toutes les gares en termes de sonorisation ; je pense en particulier à ce qui devait être fait pour les personnes aveugles dans le métro. Mais nous continuerons l'effort après les JO, pour résorber notre retard dans un certain nombre de stations. En tout état de cause, nous répondons aux besoins dans toutes les stations concernées par les Jeux.
Comme la présidente de région l'a expliqué, les plans de transport ont été calibrés pour tous les Franciliens qui travaillent, en rajoutant la surdemande. J'insiste sur le fait que l'on sera au mois d'août !
Mme Laure Darcos. - Et en septembre !
M. Patrice Vergriete, ministre délégué. - Certes, mais reconnaissons ensemble que l'affluence ne sera pas la même pour les jeux Paralympiques, à la rentrée.
Globalement, les plans de transport ont intégré les Franciliens, à qui l'on donnera des éléments de connaissance.
Au demeurant, d'autres mobilités sont possibles. Si tous les Franciliens ne sont pas en capacité de faire du vélo, pour d'autres, il n'y a pas d'obstacles. Pourquoi ne serait-ce pas le moment de sortir son vélo ? On sera en plein mois d'août ; c'est tout à fait possible ! L'offre de vélos que j'ai évoquée tout à l'heure - 26 000 vélos en libre-service - est considérable.
En résumé, tout a été calibré pour répondre aux besoins de transport collectif, mais il existe des alternatives.
Et je ne vois pas pourquoi on se sentirait obligé de quitter l'Île-de-France ! Je pense que tout a été prévu pour que chacun puisse profiter de ce qui sera une belle fête populaire.
Mme Valérie Pécresse. - Certains Franciliens mettront du beurre dans les épinards en louant leur appartement ... C'est aussi un héritage des Jeux !
- Présidence de M. Michel Savin, vice-président de la commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport, et de M. Didier Mandelli, vice-président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable -
M. Didier Mandelli, vice-président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. - Les présidents des deux commissions ayant dû partir pour la Conférence des présidents, je vais conclure cette réunion, en mon nom et en celui de mon collègue Michel Savin, qui représente le président de la commission de la culture.
Madame la présidente, monsieur le ministre, je vous remercie pour toutes vos réponses à ces questions légitimes des membres de nos deux commissions. Nous partageons tous le souci d'atteindre l'objectif que nous sommes fixé collectivement : faire de ces Jeux une réussite, dans l'intérêt de notre pays.
Cette audition a fait l'objet d'une captation vidéo disponible en ligne sur le site du Sénat.
La réunion est close à 18 h 20.