Mardi 30 avril 2024
- Présidence de M. Cédric Perrin et de Mme Dominique Estrosi Sassone, présidents -
La réunion est ouverte à 16 h 00.
Mission d'information conjointe sur la situation et l'avenir d'Atos - Examen du rapport d'information
M. Cédric Perrin, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. - Nous examinons aujourd'hui le rapport de la mission d'information conjointe sur la situation et l'avenir d'Atos.
Mme Sophie Primas, rapporteur de la commission des affaires économiques. - Je me réjouis de présenter devant vous, aux côtés de mes trois collègues rapporteurs - je les remercie pour la qualité et la confiance qui ont caractérisé nos travaux -, les conclusions de notre mission d'information conjointe et transpartisane relative à la situation et à l'avenir d'Atos, ce dernier étant, comme vous le constatez en suivant l'actualité, plus incertain que jamais.
Après trois mois de travaux et près de 84 personnes entendues en audition, nous avons mieux cerné ce qui constitue aujourd'hui la « galaxie Atos », car cette entreprise, avant de connaître de grandes difficultés, demeurait relativement méconnue tant du grand public que des parlementaires. La création de cette mission d'information s'inscrit dans la continuité d'une forte mobilisation parlementaire qui a longtemps contrasté avec l'attentisme et le silence du Gouvernement - nous y reviendrons.
Longtemps présenté comme un fleuron informatique français, Atos est aujourd'hui un groupe d'envergure internationale, dont la richesse essentielle est l'expertise de ses salariés et l'ensemble des compétences qu'il mobilise sur un spectre très large allant des domaines les plus pointus de l'informatique à celui plus général de l'infogérance. Le groupe est présent dans 69 pays et compte 95 000 collaborateurs dans le monde, dont 11 600 en France répartis sur 30 sites dans l'ensemble du territoire. Avec un chiffre d'affaires mondial s'établissant à près de 11 milliards d'euros en 2023, dont presque 2 milliards d'euros réalisés en France, Atos compte parmi les premières entreprises de services numériques de notre pays.
Nous considérons que sa seule assise nationale justifie toute notre attention, car les principaux clients d'Atos en France sont l'État, nos armées, nos ministères, nos services de renseignement, nos administrations et nos entreprises publiques.
Je citerai quelques domaines où Atos intervient. Le groupe est titulaire du marché du système d'information du programme de combat Scorpion, et responsable de la modernisation du système de contrôle des Rafales. Il est également porteur de la plateforme Mon espace santé pour la Caisse nationale d'assurance maladie et chargé de la gestion du système informatique de la carte Vitale, du domaine spatial, de la vidéosurveillance du Grand Paris Express. Il participe aux jeux Olympiques et Paralympiques et est gestionnaire du portail des douanes ou des services de secours et d'urgence. Vous pouvez constater que l'empreinte du groupe n'est pas que militaire.
Atos est présent « partout, tout le temps » - nous y reviendrons - et ses activités stratégiques, sensibles et de nature souveraine, sont réparties dans l'ensemble de son organisation. En effet, depuis 2022, Atos est scindé en deux parties, avec d'une part Tech Foundations qui gère les activités d'infogérance, d'autre part Eviden qui traite les activités plus stratégiques. Nous considérons que les activités stratégiques sensibles de nature souveraine ne se limitent pas à l'une de ces deux parties, mais sont présentes dans l'ensemble des activités du groupe.
Cette présence d'Atos « partout, tout le temps » est le fruit d'une longue histoire faite de contrats historiques signés avec des clients privés et institutionnels, nationaux, européens et internationaux, ainsi que d'une politique de croissance externe soutenue par de multiples fusions-acquisitions : nous en avons recensé 43 depuis 2008, dont 21 depuis 2020. Les acquisitions les plus importantes - Siemens IT en 2011, Bull en 2014, Xerox en 2015, puis Syntel en 2018 - ont toutes été effectuées lorsque Thierry Breton était président-directeur général du groupe, entre 2009 et 2019. Elles ont permis au groupe de s'internationaliser et de fortement se développer sur de nouveaux segments, de nouvelles compétences et de nouveaux marchés. Nous constatons que la gouvernance était relativement stable à cette époque et qu'il y avait, pendant cette décennie, une vision industrielle du groupe, même si l'on peut choisir de la louer ou de la critiquer.
Toutefois, les choix stratégiques effectués durant cette période ont été remis en question par plusieurs des personnes que nous avons entendues en audition : le nombre et la fréquence des acquisitions, leur prix d'achat et leur mode de financement, la rapidité et l'exécution des restructurations nécessaires au sein des sociétés nouvellement acquises, le développement de l'offshoring et l'avènement du cloud public, tels ont été les sujets sur lesquels nos interlocuteurs se sont souvent interrogés. Il est bien entendu toujours facile de juger a posteriori les décisions qui ont été prises, plusieurs analyses nous ayant par ailleurs indiqué que de telles évolutions n'allaient pas de soi il y a quelques années encore.
De plus, l'objectif de notre mission d'information n'était pas de porter un jugement sur la stratégie industrielle d'Atos, mais d'apprécier son avenir au regard de ses activités, notamment sensibles et souveraines.
Nous constatons en revanche que la succession de Thierry Breton a été mal, voire très mal, préparée avec une dissociation des fonctions de directeur général et de président du conseil d'administration effectuée dans la précipitation pour lui permettre de préparer sa nomination à la Commission européenne.
Depuis lors, six directeurs généraux, dont la moitié est restée moins d'un an, et deux présidents se sont succédé, chacun développant une stratégie différente de l'autre. Les errances dans la gouvernance de l'entreprise, aggravées par le fait qu'il n'y a pas eu d'actionnaire de référence pendant plus d'un an, ont conduit à une succession de stratégies erratiques. Nous pouvons par exemple mentionner la tentative d'acquisition de DXC Technology en 2021, la multitude de petites acquisitions diversifiées entre 2020 et 2022. Surtout, la succession de trois plans de réorganisation interne, parfois contradictoires entre eux, a abouti, sur les recommandations de cabinets de conseil extérieurs, à une scission du groupe en deux entités - Eviden et Tech Foundations - et a coûté plus de 700 millions d'euros pour des résultats mitigés et une pertinence qui demeure encore à démontrer : c'est un coût faramineux, surtout si l'on considère les besoins de liquidités de l'entreprise, qui sont de plus de 1,2 milliard d'euros d'ici à 2025.
Nous avons constaté avec regret que, à une vision industrielle, avait succédé depuis 2019 une succession de stratégies financières de court terme, mal conçues, mal comprises, mal perçues par les marchés financiers et inadaptées à la complexité du groupe.
Conséquemment, Atos a connu une dégradation continue de sa situation économique, sa valorisation boursière ayant été divisée par quarante en quatre ans, sa dette financière étant estimée à 4,9 milliards d'euros et ses perspectives d'évolution étant plus incertaines que jamais. Nous ne pouvons que craindre l'échec de la procédure de conciliation amiable ainsi que des négociations en cours sur la restructuration financière du groupe, même si nous souhaitons que l'entreprise parvienne à un accord avec ses créanciers. Un tel échec ferait basculer Atos en procédure de sauvegarde, signant le début d'une « vente à la découpe et au rabais » des actifs de l'entreprise.
De ce point de vue, le silence et l'attentisme du Gouvernement, qui a tardé à agir et à prendre conscience des risques pour l'entreprise comme pour la souveraineté de notre pays, est coupable. Coupable, car dans leur très grande majorité les parties prenantes que nous avons entendues en audition nous ont indiqué qu'elles auraient souhaité une intervention facilitatrice et stabilisatrice de l'État dès le second semestre 2022. En effet, l'annonce de la scission de l'entreprise a été très mal perçue et a constitué un appel d'air pour la cession d'actifs. Plus d'une année et demie a été perdue.
Il aura fallu une forte mobilisation parlementaire, l'été dernier ou lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2024, un fort soutien des collectivités territoriales en faveur de la modernisation de l'usine d'Angers de fabrication des supercalculateurs, et il aura surtout fallu que la situation se dégrade à l'extrême pour que le Gouvernement agisse enfin.
Nous regrettons que « l'État pompier » se soit substitué à « l'État stratège ». Si nous prenons acte de l'annonce, dimanche dernier, d'une offre de l'État pour l'acquisition des activités stratégiques logées dans la branche BDS (Big Data & Security), nous considérons que cette solution ne règlera pas la question de la soutenabilité de la dette et de l'avenir du groupe, notamment celui de Tech Foundations, dont certaines activités sont aussi stratégiques, et de ses 48 000 collaborateurs, pas plus que celui des activités restantes d'Eviden.
C'est pourquoi nous plaidons pour une intervention durable de l'État à deux niveaux, afin de prendre en compte toute la dimension souveraine des activités d'Atos. Tout d'abord, il faut une prise de participation minoritaire de l'Agence des participations de l'État (APE) au niveau de la structure-chapeau, Atos SE, garantissant une place au conseil d'administration et permettant une vision à 360 degrés de toutes les activités souveraines, militaires comme civiles, du groupe. Ensuite, il faut une prise de participation majoritaire de Bpifrance au niveau de la branche BDS pour assurer le financement dans la durée et une supervision resserrée d'activités technologiques performantes, imbriquées les unes dans les autres et nécessitant une mutualisation et une intensification des efforts de recherche et développement, surtout en matière de calcul intensif.
Mes collègues auront l'occasion de le préciser, mais nous plaidons également pour un maintien du périmètre actuel du groupe, en privilégiant les offres de reprise et de transformation de l'entreprise qui la maintiennent dans son entièreté.
Nous sommes conscients que la situation évolue rapidement, jour après jour, et les conclusions auxquelles nous sommes parvenus sont formulées à date. C'est aussi pourquoi nous formulons des recommandations adaptées à différents scénarios, notamment en cas de cession d'actifs.
M. Jérôme Darras, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. - Géant français du numérique, comme vient de le rappeler Sophie Primas, Atos est notamment présent dans le domaine du calcul haute performance (HPC) depuis le rachat de la société Bull en 2014.
Or, avec la fin des essais nucléaires en 1996, l'évaluation des performances des têtes nucléaires françaises repose quasi exclusivement sur un programme de simulation informatique déployé sur les supercalculateurs produits par Atos sur le site d'Angers.
Afin de sortir de la dépendance de notre pays à l'égard des États-Unis, laquelle a pu donner lieu à quelques déconvenues dans le passé, l'État a mis en oeuvre une stratégie nationale de calcul à haute performance. Soutenue par les besoins militaires, cette stratégie a permis à Atos de devenir un leader mondial en la matière, concurrençant directement l'américain Hewlett Packard et le chinois Lenovo. Atos demeure le seul fabricant de supercalculateurs en Europe, une Europe dont les besoins de calculs en haute performance seront toujours plus importants pour soutenir le développement de l'intelligence artificielle.
Depuis les années 2000, la France, par l'intermédiaire de la direction des applications militaires (DAM) du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), a ainsi développé un partenariat avec Bull reposant sur le codéveloppement de supercalculateurs et le cofinancement des dépenses de recherche et développement.
Au cours des auditions, il nous a cependant été indiqué que la part de l'État avait progressivement diminué, passant de 50 % à l'origine à 20 % environ aujourd'hui. Nous appelons par conséquent à un renforcement de l'effort public pour maintenir et soutenir la recherche et développement dans les activités de calcul haute performance afin de préserver une filière nationale récemment constituée, qui permettra à la France et à l'Europe de saisir pleinement les opportunités de développement offertes par les nouvelles révolutions technologiques.
Plus généralement, l'État doit s'attacher à préserver une filière nationale de fabrication de supercalculateurs. Cet impératif impose, d'une part, la plus grande vigilance afin qu'un tel actif ne puisse pas être cédé, ni même contrôlé, par une entreprise ou un acteur étranger et, d'autre part, que tout acquéreur potentiel dispose d'une assise financière suffisante pour investir dans une telle activité et en garantir la pérennité.
Dans l'hypothèse où le groupe se séparerait de certains de ses actifs, nous estimons que la cession de la branche BDS n'aurait de sens que dans son intégralité et ne pourrait s'opérer qu'au profit d'un repreneur industriel français, ou d'un consortium d'industriels français, afin de mutualiser les efforts de recherche et développement et de développer les synergies technologiques entre les différentes activités de calcul intensif et de cybersécurité.
Le partenariat développé entre l'État et Bull-Atos que je viens d'évoquer s'est révélé gagnant-gagnant, l'État disposant d'un acteur national sur une filière critique et Atos pouvant s'appuyer sur les commandes étatiques et le très haut niveau de performance qu'elles impliquent, pour développer son offre HPC à destination d'autres clients, privés comme publics. Atos est, je le rappelle, l'unique acteur européen présent sur ce marché.
Atos fournit en particulier EDF, qui a en effet recours depuis une dizaine d'années à ses supercalculateurs pour mener des études dans plusieurs domaines : le comportement des ouvrages, leur tenue au vieillissement ou leur résistance à certains événements, internes comme externes.
Mais le rôle d'Atos dans le nucléaire civil ne se limite pas aux supercalculateurs. Le groupe, via sa filiale Worldgrid, est aussi spécialisé dans le développement de logiciels pour les systèmes de contrôle commande des centrales nucléaires.
Atos a par exemple fourni le système de contrôle-commande pour les centrales construites dans les années 1980 à 1990 telles que Civaux ou Chooz. Depuis 2022, EDF et Atos ont engagé un contrat de long terme, jusqu'à 2035, pour moderniser et maintenir opérationnel l'ensemble des centrales nucléaires françaises. Enfin, dans le cadre des campagnes de rénovation en cours de notre parc, il est prévu qu'Atos équipe l'ensemble des salles de commande des centrales nucléaires, à l'exception de celle de l'EPR de Flamanville 3 qui sera fournie par Siemens.
Enfin, dans le cadre du projet de construction de six nouvelles centrales EPR2 en France, Worldgrid, en partenariat avec Schneider Electric, a conclu un important contrat avec le groupe EDF, en juillet 2023, pour la fourniture des systèmes de contrôle de ces nouvelles installations.
Nous considérons par conséquent qu'il est essentiel de garantir la pérennité et de conserver dans le giron national un acteur tel que Worldgrid, dont les compétences ont été présentées comme uniques, lors des auditions, alors que la France s'est engagée dans la relance de sa filière nucléaire afin de garantir sa souveraineté énergétique.
Là encore, dans l'hypothèse où le groupe ne pourrait être maintenu dans son périmètre actuel, nous appelons à ce qu'une éventuelle cession de Worldgrid ne puisse se faire qu'à un repreneur français, accepté par EDF, ou à un consortium d'industriels français accompagnés le cas échéant par Bpifrance, afin de préserver une activité nucléaire souveraine et performante.
Si de telles cessions devaient intervenir, c'est-à-dire si le périmètre d'Eviden, séparé de BDS et de Worldgrid, devait se résumer pour l'essentiel aux seules activités digitales, nous pensons qu'il convient à tout prix d'éviter la constitution d'une entité « orpheline et résiduelle » qui porterait seule le poids de la dette, même après restructuration, afin de s'assurer que toutes les activités, cédées comme restantes, soient suffisamment valorisées et que leur pérennité soit garantie.
M. Thierry Meignen, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. - Au-delà du rôle absolument clé joué par Atos dans le domaine nucléaire, civil comme militaire, il faut rappeler que l'entreprise est omniprésente dans notre quotidien, notamment pour assurer notre sécurité.
Atos a ainsi un rôle déterminant dans le développement de systèmes d'information pour nos armées. L'entreprise est par exemple titulaire du marché du système d'information de combat du programme Scorpion, comme l'a rappelé Sophie Primas. Elle est par ailleurs responsable de la modernisation des systèmes de contrôle des Rafale et fournit des solutions techniques à nos services de renseignement tant en matière de télécommunications que de capteurs. L'annonce de Bruno Le Maire, hier, nous montre à quel point Atos est critique pour notre défense et nos services de renseignement.
La présence d'Atos ne se limite cependant pas au seul périmètre de la défense. Maillon essentiel de la souveraineté numérique française et de la dématérialisation de nos services publics, l'entreprise a notamment développé la plateforme Mon espace santé pour la Caisse nationale d'assurance maladie. Elle intervient en outre dans la gestion du système informatique de la carte Vitale, dans le domaine spatial ou encore dans la régulation des systèmes de vidéosurveillance du Grand Paris Express.
Sujet d'actualité, Atos est également le partenaire informatique mondial des jeux Olympiques et Paralympiques, soutenant les opérations de cybersécurité, exploitant le centre opérationnel technologique et développant des systèmes de gestion et de diffusion, jusqu'à la mesure de la performance des athlètes. Ces activités stratégiques relèvent d'Eviden, mais également de Tech Foundations.
Par ailleurs, les auditions que nous avons menées ne nous ont pas permis de considérer qu'il existait une étanchéité parfaite entre les activités des deux entités du groupe, lesquelles portent chacune des activités devant intéresser directement les pouvoirs publics.
C'est pourquoi, comme l'a indiqué Sophie Primas, nous estimons qu'un maintien du groupe dans son périmètre actuel serait le scénario à privilégier : il y a des offres sur la table.
Au regard de la criticité des contrats que je viens d'évoquer, si le scénario d'une cession de Tech Foundations redevenait néanmoins d'actualité, il conviendrait de faire preuve de la plus grande vigilance. Des conditions strictes de gouvernance et de cloisonnement de l'information devraient être prises afin d'éviter que le repreneur éventuel de Tech Foundations n'accède à des renseignements et aux décisions prises concernant les activités stratégiques, souveraines et sensibles du groupe Atos.
Plus généralement, le cas d'Atos nous rappelle la fragilité du dispositif de contrôle des investissements étrangers en France (IEF). Ces faiblesses, déjà relevées par le Sénat dans le cadre de différents travaux, résultent notamment d'un manque de moyens humains alloués au bureau chargé des IEF à la direction générale du Trésor, ainsi qu'au service de l'information stratégique et de la sécurité économique (Sisse) de la direction générale des entreprises (DGE), pour assurer une pleine applicabilité du dispositif.
Aujourd'hui, cette politique demeure une « politique de chef de bureau » qui mériterait un portage politique plus appuyé et un rattachement administratif à plus haut niveau, car les moyens dédiés à ce contrôle ne sont pas à la hauteur des enjeux de souveraineté qui y sont traités.
Ainsi, contrairement aux services du ministère des armées qui effectuent un contrôle plus resserré et systématique des IEF intéressant la défense nationale, aucune vérification systématique des engagements pris par les investisseurs n'est effectuée par les services du ministère de l'économie, aucun contrôle sur place ou sur pièce auprès des entreprises concernées n'est mené, ce qui est un « trou » particulièrement préjudiciable au sein de la maille du « filet » que devrait constituer le contrôle des IEF.
Au cours de nos travaux, il nous est par ailleurs apparu que certaines situations échappaient très largement à ce dispositif et à la méthodologie employée pour appliquer ce contrôle. Cela est par exemple le cas lorsqu'un investisseur national ou un investisseur étranger se situant en-deçà des seuils de contrôle parvient à réaliser un investissement grâce à la mobilisation de capitaux étrangers et à l'association de fonds d'investissement étrangers dont le lien avec un gouvernement ou un organisme public étranger est supposé ou avéré.
Cela est également le cas lorsqu'une partie de la dette d'une entreprise est titrisée, c'est-à-dire convertie en capital par des détenteurs étrangers ; une détention suffisante de capital pourrait conduire de tels acteurs étrangers à jouer un rôle dans la gouvernance d'entreprises d'une importance particulière pour la souveraineté et la défense nationales.
Aussi, nous appelons à un renforcement du dispositif de contrôle des investissements à l'étranger. Plusieurs leviers nous semblent devoir être actionnés.
Premièrement, un renforcement des moyens alloués au contrôle des investissements étrangers en France afin de permettre une vérification plus resserrée et plus systématique, notamment pour assurer le suivi dans le temps des engagements des investisseurs dont l'autorisation d'investissement est assortie de conditions.
Deuxièmement, un contrôle de l'origine des fonds d'un investisseur se situant a priori en-deçà des seuils, mais parvenant à réaliser son investissement grâce à des capitaux et à des fonds d'investissement dont le lien avec un gouvernement ou un organisme public étranger est avéré ou supposé.
Enfin, troisièmement, un contrôle des détenteurs étrangers de la dette d'une entreprise qui décident, dans le cadre d'une procédure de traitement des difficultés, de convertir tout ou partie de leur dette en capital.
M. Fabien Gay, rapporteur de la commission des affaires économiques. - Vous l'aurez compris, nous avons adopté un raisonnement multi-scénarios concernant l'avenir d'Atos. Nous ne cachons pas notre inquiétude sur l'évolution de la situation et le maintien en entier du groupe, solution qui nous semble être la plus préférable, mais qui semble mal embarquée, ce que nous regrettons profondément. Surtout, ce que nous ne souhaitons pas, c'est une « vente à la découpe et au rabais à la barre du tribunal de commerce ». Car en cas d'échec de la procédure de conciliation amiable, Atos entrera en procédure de sauvegarde ou, pire encore, déposera le bilan et le tribunal prononcera la faillite.
L'administratrice judiciaire désignée pour piloter cette procédure a récemment travaillé sur la restructuration du groupe Orpea, avec les conséquences que l'on connaît sur l'emploi. Dans le cadre d'une procédure de sauvegarde accélérée, il a ainsi été imposé aux différentes parties prenantes une restructuration importante du groupe : effacement de 60 % de la dette nette, apurement du bilan et conversion importante de la dette en capital.
L'entrée d'Atos en procédure de sauvegarde accélérée dans les prochains mois nous semble tout à fait plausible, surtout que le cadre de refinancement proposé repose sur des projections économiques et financières ambitieuses et sur des hypothèses fortes, à telle enseigne qu'Atos a indiqué, hier, que ses besoins de liquidités n'étaient plus de 600 millions d'euros, comme cela avait été présenté au début du mois, mais de 1,1 milliard d'euros. C'est donc sans surprise que nous avons appris, hier, que la restructuration financière allait être plus importante que ce qui avait été annoncé il y a deux semaines seulement.
Il ressort notamment de nos travaux que la société EPEI (EP Equity Investment) de Daniel Kretinsky n'exclut en aucun cas de revenir au deuxième tour des négociations pour racheter et restructurer la branche Tech Foundations. Des milliers d'emplois ont déjà été supprimés en Allemagne et il nous a été indiqué par la direction d'Atos que des milliers d'emplois supplémentaires devraient encore l'être dans les prochaines années, pour redresser la marge opérationnelle de Tech Foundations. Nous ne pouvons donc que regarder avec inquiétude l'avenir des 11 600 salariés du groupe présents en France et des différents sites de recherche et de production répartis sur notre territoire, surtout après avoir découvert récemment dans la presse l'ampleur des restructurations décidées par le groupe Casino, Exxon ou les sous-traitants aéronautiques ou automobiles, en contradiction totale avec la politique de réindustrialisation forte sur laquelle le Gouvernement a pourtant largement communiqué.
Je me permets d'insister sur ce point, car cette question est souvent oubliée, surtout par les services de l'État, qui n'envisagent jamais un maintien du groupe en entier. Nous avons pu le constater à de nombreuses reprises lors des auditions que nous avons menées ces dernières semaines. C'est d'autant plus important que, dans une entreprise à forte valeur technologique comme Atos, la première valeur est constituée par les collaborateurs, détenteurs de compétences et de savoir-faire uniques, en particulier pour les activités sensibles et souveraines.
Préserver l'emploi, c'est préserver les compétences, donc préserver la valeur du groupe et son avenir. Par conséquent, nous recommandons aux pouvoirs publics de fixer des garanties de préservation de l'emploi et de l'outil industriel pour maintenir les capacités productives de l'ensemble du groupe, en particulier en cas de cession de la filiale Worldgrid ou de la branche BDS, que l'État a proposé de racheter par l'intermédiaire de l'APE, car c'est là que les compétences les plus rares sont à préserver. En cas de cession, nous comptons sur l'engagement des pouvoirs publics tout comme sur celui des industriels français en position de repreneurs.
Mes collègues l'ont rappelé à plusieurs reprises, le positionnement d'Atos est tellement stratégique et tellement indispensable au bon fonctionnement du pays que l'?État doit se montrer exemplaire. La très grande majorité du chiffre d'affaires du groupe est réalisée hors de France, mais les clients d'Atos en France sont essentiellement des acteurs publics et parapublics. C'est important de le rappeler. Face aux difficultés actuelles, l'État doit soutenir Atos. C'est pourquoi nous recommandons aussi de ne pas dénoncer les contrats en cours auprès des acteurs publics et parapublics comme les ministères régaliens, la sécurité sociale ou le service des douanes.
Nous considérons également que l'analyse de la situation actuelle doit être l'opportunité d'améliorer nos politiques publiques et nos dispositifs de protection de nos actifs stratégiques de façon durable. De ce point de vue, nous avons été marqués lors des auditions par l'importance prise par les logiques financières de court terme, en particulier depuis 2019 : comme l'a dit Mme Primas, nous sommes passés d'une logique industrielle à une logique purement financière. Certes, Atos est une société cotée, mais c'est également l'entreprise « la plus shortée » de France, c'est-à-dire l'entreprise la plus concernée par la vente à découvert, de l'ordre de 20 % de son capital en moyenne : c'est un volume très important.
La vente à découvert est une activité légale, très encadrée, mais elle peut être fortement déstabilisatrice. Or elle est d'autant plus déstabilisatrice que le capital d'Atos est flottant, dilué auprès de nombreux actionnaires dits « petits porteurs ». Il n'y a pas eu d'actionnaire de référence entre le départ de Siemens en 2022 et l'arrivée de David Layani à la fin de 2023, c'est-à-dire durant la période au cours de laquelle se sont succédé les stratégies erratiques des dirigeants successifs, à chaque fois adoptées par un conseil d'administration dont le rôle et la composition ont été fortement contestés, de nombreuses personnes auditionnées estimant qu'il manquait des profils industriels.
Face à cette situation, nous recommandons de faire évoluer le dispositif européen encadrant la vente à découvert. Nous nous étonnons qu'une entreprise cotée avec des activités aussi stratégiques et souveraines qu'Atos puisse faire l'objet d'un tel volume de ventes à découvert, surtout lorsqu'elle est engagée dans des procédures de prévention et de traitement de ses difficultés financières. Il y a là matière à davantage protéger nos actifs stratégiques et nous considérons que la souveraineté ne devrait pas être un objet de spéculation boursière. Cette dernière réflexion est un peu personnelle, mais je sais que l'ensemble de mes collègues la partage désormais.
Voilà donc, mes chers collègues, la feuille de route qui a été la nôtre dans le cadre de cette mission d'information. Vous l'aurez compris, nous espérons qu'Atos parviendra à trouver une solution, idéalement pour maintenir le périmètre de ses activités grâce à un accompagnement beaucoup plus résolu et durable de l'État : il y va de notre souveraineté et de notre défense nationale.
Mme Sophie Primas, rapporteur de la commission des affaires économiques. - La vente à découvert concerne des sociétés qui vendent à prix élevé des actions qui ne leur appartiennent pas pour les racheter ensuite à un prix inférieur sur le marché. Ces sociétés parient donc sur la décroissance de la valeur capitalistique de l'entreprise concernée. Or, fait quasi unique sur le marché boursier, 20 % du capital d'Atos est en vente à découvert et aucune alerte n'a été émise à ce sujet, alors que cette entreprise devrait être particulièrement sous surveillance.
Nous présentons donc 11 recommandations. La question de la suite se posera certainement, l'actualité autour d'Atos étant brûlante et sensible. Pour avoir découvert cette entreprise dans ses profondeurs, nous avons pu constater combien ses activités étaient essentielles au fonctionnement de notre pays. Sur le plan militaire, je salue l'alerte qui avait été émise par Cédric Perrin. Le Sénat n'a pas l'habitude de se mêler de la stratégie des entreprises, ce n'est pas son rôle. Cependant, compte tenu du caractère hautement stratégique des activités de cette entreprise, il est de notre rôle et, encore davantage, de celui du Gouvernement d'avoir un oeil attentif sur son évolution boursière et sa santé. Cette entreprise se porte mal depuis deux ans, il aurait été souhaitable que le Gouvernement ait une attention beaucoup plus aiguisée sur ce point.
M. Cédric Perrin, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. - Je remercie et félicite les rapporteurs pour le travail réalisé et les nombreuses auditions qui ont été menées, a fortiori au vu de la complexité et de l'aridité des sujets abordés. Je remercie également Dominique Estrosi Sassone d'avoir cru à cette mission. Je regrette que l'alerte que nous avons lancée au mois d'août dernier n'ait pas été transpartisane, mais nous l'avons émise rapidement, au moment où M. Daniel Kretinsky dévoilait ses ambitions, et pendant une période de vacances où les absents étaient nombreux.
Au-delà de l'aspect stratégique des activités d'Atos, n'oublions pas que cette entreprise rassemble des dizaines de milliers d'emplois. L'État a décidé, fort opportunément, juste avant la présentation de votre rapport, d'intervenir au capital de cette société. Cependant, un découpage par appartements aurait des conséquences dramatiques pour des milliers de salariés. N'oublions pas cet aspect humain essentiel.
Le comportement du Sénat tout au long de cette affaire témoigne d'un grand sens des responsabilités. La tribune que nous avons publiée date du mois d'août. Nous avons interrogé à de nombreuses reprises le ministre de l'économie et des finances, notamment lors des séances de questions d'actualité au Gouvernement. On nous expliquait qu'en l'absence de détention de plus de 10 % du capital de l'entreprise par des investissements étrangers, l'État n'avait pas de raison d'intervenir. Or nous réclamions une telle intervention. Au vu de la chute du cours de la Bourse, notre responsabilité était grande, compte tenu des emplois en jeu. J'y insiste, le Sénat a fait preuve d'une grande responsabilité en prenant le temps nécessaire avant de lancer cette mission d'information.
Souhaitons que le ministre de l'économie et des finances nous écoute, et que vos recommandations soient prises en compte et appliquées.
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission des affaires économiques. - Je félicite également les rapporteurs et salue ce travail mené de manière transpartisane, marque de notre souci d'oeuvrer pour l'intérêt général. J'ose croire que vos recommandations seront examinées avec beaucoup d'attention.
Le Gouvernement sort de son attentisme et de son silence. J'ai la faiblesse de penser que le sérieux avec lequel la présente mission a été menée et l'alerte qu'elle a lancée y sont pour quelque chose. Je ne sais pas si le Gouvernement aurait réagi de la sorte s'il en était allé autrement.
Mme Sophie Primas, rapporteur de la commission des affaires économiques. - Le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky (CRCE-Kanaky) a également émis plusieurs alertes pendant l'examen du projet de loi de finances (PLF) pour 2024.
Des conséquences dramatiques sont effectivement à attendre pour les emplois. Des restructurations sont d'ores et déjà en cours pour la division Tech Foundations, qui resteront nécessaires quelle que soit l'issue de cette affaire.
Si une vente par appartements avait lieu, le dommage le plus important à mes yeux serait la perte de compétences. Le groupe Atos présente en effet des compétences exceptionnelles. Toutes ses activités, même si elles sont dispersées dans plusieurs filiales, sont complémentaires et issues d'une activité de recherche et développement (R&D) très performante. Nous militons également pour le maintien du groupe entier, car nous ne voyons pas comment une partie des activités pourrait supporter le poids de la dette du groupe. Aucune entité n'est capable, seule, d'en soutenir la charge. Le projet de rachat de l'entité Tech Foundations par le groupe EPEI de M. Daniel Kretinsky n'incluait d'ailleurs pas la reprise de la dette. Nous sommes très inquiets sur ce point.
M. Yannick Jadot. - Il a été dit que le Sénat n'avait pas vocation à se mêler des stratégies des entreprises. En réalité, si, il le peut, quand il s'agit d'entreprises stratégiques. On ne peut définir des règles en matière de politique industrielle et laisser ensuite les entreprises agir à leur guise. On privatise toujours les bénéfices et on socialise les pertes ! Combien de milliards d'euros ont-ils été investis par l'État dans des entreprises françaises stratégiques, dont il n'a pas voulu contrôler les stratégies ? Des inspecteurs des finances ont ainsi dirigé des groupes industriels qui ont conduit ensuite des opérations de fusion-acquisition ou d'expansions à l'international. Or, à la fin, c'est le contribuable qui paye.
Nous n'avons pas à gérer les entreprises à leur place, mais, lorsqu'il s'agit de secteurs stratégiques sur lesquels nous déterminons des politiques industrielles, un droit de regard est nécessaire.
Mme Sophie Primas, rapporteur de la commission des affaires économiques. - Je suis contente de voir qu'il existe encore des différences politiques... La meilleure façon de s'intéresser aux entreprises touchant à des enjeux de souveraineté, c'est d'entrer au capital et d'avoir un siège au conseil d'administration.
M. Yannick Jadot. - Je suis tout à fait d'accord ! Entrons au capital plutôt que de voir ces entreprises partir à l'étranger.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. - Merci pour le travail conduit, très précieux. Je salue notamment la recommandation n° 10 visant à renforcer les moyens alloués au contrôle des investissements étrangers en France, qui va dans le sens du rapport d'information que j'avais rédigé avec Marie-Noëlle Lienemann intitulé Anticiper, adapter, influencer : l'intelligence économique comme outil de reconquête de notre souveraineté. La politique de sécurité économique s'est heureusement renforcée ces dernières années. Toutefois, il faudrait davantage de moyens, pour un meilleur suivi dans le temps. C'est pourquoi le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants (RDPI) a souhaité inscrire dans sa niche du 29 mai prochain un débat sur le contrôle des investissements étrangers en France comme outil d'une stratégie d'intelligence économique au service de notre souveraineté. Les travaux de la présente mission constitueront un cas pratique intéressant à cet égard.
M. Fabien Gay, rapporteur de la commission des affaires économiques. - Je partage la vision de Yannick Jadot. La question industrielle nous occupera certainement un bon moment. Il faudra débattre du contrôle de l'argent public. Pour ma part, je ne m'oppose pas au fait que l'État dirige certaines entreprises stratégiques, mais il s'agit d'un autre débat.
Par l'intermédiaire de l'APE, l'État a présenté une offre ferme de reprise de certaines activités stratégiques. Pour autant, contrairement à ce que l'on a pu lire ici ou là, cela ne signifie pas qu'Atos soit sauvé. La reprise proposée concerne une partie seulement du groupe. Notre recommandation est que l'État entre au capital de l'intégralité de la structure, à hauteur de 10 % ou 15 %, et agisse comme un élément stabilisateur pour les autres actionnaires, y compris pour la restructuration de la dette. Or ce n'est pas ce qui est annoncé. L'État vient au secours d'une entreprise privée, sur une activité stratégique. Tout le monde s'accorde en effet à dire que les supercalculateurs ne peuvent tomber dans les mains d'entreprises étrangères. Mais qu'en est-il du reste ? Aucune entité issue d'un découpage du groupe ne sera en mesure de supporter à elle seule une dette de 5,4 milliards d'euros. L'alerte que nous lançons aujourd'hui doit être entendue. Nos recommandations demeurent d'actualité malgré les annonces gouvernementales du week-end dernier.
Au fil de nos auditions, qui ont concerné 84 personnes au total, nous avons tout entendu : qu'il fallait garder le groupe dans sa globalité, le scinder en deux, etc. Toutefois, ce qui a forgé notre conviction, c'est de constater combien toutes les activités du groupe étaient interconnectées. Un découpage entraînerait une perte de compétences. En outre, aucune entité seule ne pourra supporter la charge, immense, de la dette. Ce constat reste valable, y compris après l'annonce de M. Bruno Le Maire.
M. Philippe Folliot. - Combien l'entrée de l'État au capital d'Atos figurant dans votre recommandation n° 2 coûterait-elle ? Quel serait le coût de la mise en oeuvre de la recommandation n° 9 visant à augmenter la part de financement octroyée par l'État pour maintenir et soutenir la R&D ? Compte tenu de la situation dégradée des finances publiques, nous ne pouvons ignorer les conséquences financières des recommandations formulées.
Mme Sophie Primas, rapporteur de la commission des affaires économiques. - L'entrée de l'État au capital d'Atos SE serait un moyen de rassurer les clients et les marchés financiers. Notre objectif est de prévoir une intervention de court terme, de façon agile. L'APE est faite pour cela.
Par ailleurs, si le groupe est vendu à la découpe, les supercalculateurs ne peuvent partir à l'étranger. Il faut que l'État soit décisionnaire et qu'il fasse les commandes nécessaires pour donner à cette entité des perspectives de chiffre d'affaires.
La valorisation de l'entreprise étant très fluctuante, il m'est difficile de vous répondre précisément sur le plan financier. En revanche, on me souffle que, compte tenu de la valorisation boursière actuelle, l'opération ne coûtera malheureusement pas très cher...
Je vous remercie de l'attention que vous avez portée à ce dossier. Nous pouvons à présent communiquer à son sujet, ce que nous nous étions abstenus de faire pour éviter d'exposer Atos, société cotée, à des difficultés supplémentaires.
Les recommandations sont adoptées.
La mission d'information adopte, à l'unanimité, le rapport d'information et en autorise la publication.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
La réunion est close à 17 h 00.
- Présidence de M. Cédric Perrin, président -
La réunion est ouverte à 17 h 00.
Bilan annuel de l'application des lois - Communication
M. Cédric Perrin, président. - Comme chaque année, il me revient de tirer le bilan de l'application des lois entrant dans le champ de compétence de notre commission, pour la session 2022-2023. Au cours de celle-ci, notre commission s'est d'abord prononcée sur 17 lois ratifiant des accords internationaux, mais celles-ci n'appellent pas de mesures d'application.
Une très importante loi relevant de nos secteurs de compétence a été promulguée au cours de l'exercice précédent : la nouvelle loi de programmation militaire (LPM) pour les années 2024-2030. Cette loi a reçu, à ce jour, un taux d'application de 30 %.
Ainsi, pour le chapitre 1er relatif au renforcement du lien entre la Nation et ses armées, trois décrets ont déjà été pris, concernant notamment la carte du combattant à la composition des conseils départementaux pour les anciens combattants et victimes de guerre, le recrutement des anciens militaires d'active ainsi que le maintien en service des militaires ayant atteint la limite d'âge.
Pour le chapitre 2 relatif au renseignement et à la contre-ingérence, un décret a été publié le 13 décembre 2023 sur l'exercice par un militaire ou un agent civil de l'État d'une activité au bénéfice d'un État ou d'une entreprise étrangère.
Pour le chapitre 3 relatif à l'économie de défense, un décret du 28 mars 2024 relatif à la sécurité des approvisionnements des forces armées et des formations rattachées a été pris, ainsi qu'un décret du 4 avril 2024 relatif au contrôle du coût de revient des marchés de défense ou de sécurité de l'État et de ses établissements publics.
Par ailleurs, l'article 54 de la loi prévoit la création d'une commission parlementaire d'évaluation de la politique du Gouvernement en matière d'exportation de matériels de guerre et de matériels assimilés, de transfert de produits liés à la défense ainsi que d'exportation et de transfert de biens à double usage. Les membres de cette commission ont été respectivement désignés par le président du Sénat le 3 avril 2024 et la présidente de l'Assemblée nationale le 4 avril 2024. Mme Gisèle Jourda et M. François Bonneau sont les représentants du Sénat.
Concernant le chapitre 4 sur la crédibilité stratégique, trois décrets ont été pris, relatifs notamment à la mise en oeuvre des dispositifs de protection contre les menaces résultant des drones ou encore à la conservation des produits sanguins labiles pour les besoins de la défense.
À l'inverse, 23 autres mesures réglementaires d'application de la LPM n'ont pas encore été prises à ce jour.
Il s'agit notamment de nombreuses mesures du chapitre 1er relatif au renforcement du lien entre la Nation et ses armées, et en particulier celles qui sont liées à la réserve opérationnelle. Le Gouvernement envisageait la publication de ces mesures en décembre 2023 et elles ont donc pris du retard.
L'application des mesures de modernisation des réquisitions n'est pas encore effectuée non plus, mais le Gouvernement a indiqué que les textes seraient pris en mai prochain.
Enfin, cinq mesures d'application relatives à la crédibilité stratégique, qui devaient être prises en février de cette année, ne l'ont pas encore été, de même que cinq mesures relatives à la sécurité des systèmes d'information. Espérons que ce retard ne s'aggravera pas.
Concernant l'aide publique au développement, la loi du 4 août 2021 de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales, est, depuis l'exercice précédent, totalement applicable, d'autant que nous venons d'adopter la loi du 5 avril 2024 relative à la mise en place et au fonctionnement de la commission d'évaluation de l'aide publique au développement, qui devrait faciliter l'instauration rapide de ce nouvel organisme.
Je vais à présent évoquer brièvement les rapports que le Gouvernement doit remettre au Parlement. La LPM en prévoit plusieurs, à diverses échéances.
Plusieurs de ces échéances ne sont pas encore atteintes, notamment pour le rapport sur l'économie de défense ou le rapport sur le suivi de la mise en oeuvre de la mission « Défense ».
En revanche, le Gouvernement doit nous remettre avant le 30 avril, c'est-à-dire aujourd'hui, un rapport sur le bilan de l'exécution de la programmation militaire, qui devra être suivi d'une présentation par le ministre de la défense et d'un débat au sein de notre commission et de la commission de la défense de l'Assemblée nationale. Nous devons donc être attentifs à ce point dans les prochains jours.
Concernant par ailleurs la loi du 4 août 2021 de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales, le rapport présentant la stratégie de la France en matière de mobilité internationale en entreprise et en administration ne nous a pas encore été transmis, alors que le délai prévu par la loi a expiré le 6 août 2022. Surtout, la deuxième édition du rapport sur la stratégie de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales, qui doit être présenté chaque année avant le 1er juin, n'a pas été déposée, de même que le rapport sur les experts techniques internationaux français.
En conclusion, nous devrons, au cours de l'année à venir, être particulièrement vigilants sur l'application de l'ensemble des mesures prévues par la LPM, notamment celles qui concernent le nouveau régime de réquisition. Le contexte international, qui s'est encore dégradé depuis que nous l'avons adoptée, rend d'autant plus sensible cette question.
Pour votre complète information, un débat en séance publique sur le sujet de l'application des lois est prévu le 28 mai.
La réunion est close à 17 h 05.