Mercredi 10 avril 2024

- Présidence de Mme Marie-Pierre Monier, présidente -

La réunion est ouverte à 16 h 30.

Audition de représentants d'associations d'élus locaux

Mme Marie-Pierre Monier, présidente. - Nous poursuivons notre mission d'information consacrée au périmètre d'intervention et aux compétences des Architectes des bâtiments de France (ABF) avec une table ronde fort attendue rassemblant les associations d'élus locaux. Je salue la présence en visioconférence :

- de M. David Nicolas, référent patrimoine de l'Association des maires de France (AMF), maire d'Avranches et président de l'agglomération du Mont-Saint-Michel Normandie ;

- de M. Vincent Joineau, maire de Rions, pour l'Association des maires ruraux de France (AMRF), en remplacement de Mme Nadine Kersaudy.

Notre mission résulte d'une initiative du groupe Les Indépendants - République et Territoires du Sénat, qui a confié le rôle de rapporteur à Pierre-Jean Verzelen.

Le Sénat, vous le savez, est la maison des élus locaux. L'ABF est une figure parfois controversée dans notre assemblée. Ayant pour mission principale la protection du patrimoine et de la qualité architecturale dans les zones protégées, il dispose de pouvoirs de contrôle propres dont l'exercice peut occasionner des frictions avec les élus et les porteurs de projets. En tant qu'élue locale d'un village de la Drôme, je travaille régulièrement avec l'ABF, dont je salue l'implication, qui permet notamment de préserver un potentiel touristique qui n'existe que par la beauté des sites.

Nous en sommes au début de nos travaux. Nos premières auditions nous permettent de mieux comprendre la complexité et la diversité des tâches qui incombent aux ABF dans les territoires. De nombreuses tâches leur sont demandées - peut-être trop. Il en résulte sans doute une forme de saturation administrative qui ne leur laisse pas toujours le temps d'effectuer leurs missions avec la concertation et la pédagogie nécessaires, notamment dans les territoires ruraux. Notre collègue Guylène Pantel expliquait qu'un seul ABF avait la charge de tout le département de la Lozère, qui n'abrite que 77 000 habitants, mais avec un territoire vaste et un patrimoine très varié.

Je vous propose d'ouvrir les échanges par un propos liminaire d'une dizaine de minutes chacun pour nous présenter votre retour d'expérience. Je donnerai ensuite la parole à notre rapporteur puis à mes collègues.

M. David Nicolas, référent patrimoine de l'Association des maires de France (AMF), maire d'Avranches et président de l'agglomération du Mont-Saint-Michel Normandie. - Je suis effectivement référent Patrimoine pour l'AMF et maire d'une ville dont le site patrimonial remarquable (SPR) est en cours de validation. Mon agglomération porte par ailleurs un projet de reconnaissance « Ville et Pays d'art et d'histoire ». Je suis également président de la commission régionale du patrimoine et de l'architecture (CRPA) de Normandie. La thématique patrimoniale me colle donc à la peau. Je connais bien les ABF. Je comprends parfaitement les difficultés que peuvent avoir certains collègues élus, dans leurs échanges avec eux ou dans les situations qu'ils rencontrent.

Je vais donner mon point de vue personnel, en tant que maire et témoin de la relation entre maires et ABF, puis en tant que référent Patrimoine de l'AMF - les deux convergent fortement.

Vous évoquiez la pédagogie. Cela me semble être un mot-clé à valoriser. Lorsqu'un contact régulier se fait entre l'ABF et les élus locaux, les choses se passent bien. L'ABF retrouve alors pleinement le coeur de sa mission : celle de conseil, et non de censeur. L'Architecte des bâtiments de France ne doit pas être le contradicteur systématique des bonnes volontés.

Les pétitionnaires qui souhaitent rénover leur maison se trouvent confrontés à une double injonction : d'une part, la réalisation d'économies énergétiques - via l'isolation ou l'installation de panneaux photovoltaïques, par exemple - et d'autre part, la réglementation ayant trait au patrimoine et dont l'ABF est le gardien. Nous arrivons parfois à des contradictions, voire des incohérences, dont la règle du rayon de 500 mètres est un exemple.

Les contradictions entre les problématiques environnementales, énergétiques et patrimoniales, génèrent beaucoup de difficultés. La pédagogie, le dialogue et la médiation me paraissent être une voie de passage intéressante pour faire de l'ABF un vrai conseiller, un vrai accompagnateur de projets susceptibles de ménager les patrimoines et les besoins de nos contemporains en matière de rénovation de l'habitat.

Je m'arrêterai là pour mon propos liminaire.

M. Vincent Joineau, maire de Rions, pour l'Association des maires ruraux de France (AMRF). - Je vous remercie de votre invitation. Je suis maire d'une petite commune rurale du sud de Bordeaux qui dispose depuis 2009 d'une ZPPAUP (zone de protection du patrimoine architectural urbain et paysager). Je suis par ailleurs médiateur pour traiter les recours effectués contre les Architectes des bâtiments de France, mais aussi chercheur à l'université Bordeaux Montaigne, où j'enseigne le patrimoine.

Je constate un déficit dans le dialogue avec les ABF. Il faut du temps pour bâtir la confiance, comprendre la doctrine des uns et des autres. Je ne reviendrais pas sur les propos que je partage de M. Nicolas.

Il existe des différences d'appréciation entre les Architectes des bâtiments de France. Certains se contredisent. Or, l'État doit parler d'une seule et même voix. Lorsqu'un nouvel ABF m'explique que son prédécesseur a accepté un projet qui n'aurait pas dû l'être au regard du règlement, cela me pose un souci, d'autant que l'avis de l'ABF peut donner lieu à jurisprudence.

La capacité des règlements à intégrer les nouveaux besoins de construction pose également une difficulté - je ne parle pas uniquement de photovoltaïque -, même si le décret du 2 décembre 2022 a permis des évolutions positives sur le sujet des alentours et du rayon de 500 mètres.

Je m'interroge sur la capacité de dialogue entre les élus et l'ABF. Souvent, l'ABF se cantonne au règlement en vigueur, au motif que celui-ci a été imposé par le maire. Pour ne prendre que l'exemple de ma commune, le règlement date de 2009. La société a fortement évolué depuis. Or, la modification de la ZPPAUP représenterait une dépense de 100 000 euros pour ma commune. Nous ne pouvons donc pas la faire évoluer tous les trois ans. Comment dépasser le règlement ? Comment l'actualiser plus régulièrement tout en préservant la qualité paysagère de notre territoire ? Je ne connais aucun maire qui souhaite altérer la qualité paysagère de sa commune, mais nous avons besoin d'outils pour répondre à des situations auxquelles nous ne pensions pas lorsque le règlement a été construit.

Il existe par ailleurs une différence entre l'urbain et le rural en matière d'ingénierie. Dans nos communes, nous ne disposons pas de service à même de suivre l'évolution d'un immeuble ou de conseiller les pétitionnaires. En tant que médiateur, je constate que les petites communes peinent à accompagner les pétitionnaires, car elles ne disposent pas de cette compétence technique qu'ont les services du patrimoine des communes de plus grande taille.

Mme Marie-Pierre Monier, présidente. - Je vous remercie. Je donne la parole à notre rapporteur.

M. Pierre-Jean Verzelen, rapporteur. - Merci. Je pense qu'un certain nombre d'élus partagent vos constats.

La CRPA a parmi ses missions la gestion des recours. Pourriez-vous nous en dire plus sur son fonctionnement ? Je perçois beaucoup de frustration de la part des pétitionnaires et des maires quant à ces procédures. Comment ces commissions travaillent-elles ?

Pourriez-vous également nous expliquer le rôle du médiateur, qui a été évoqué la semaine dernière lors de nos auditions, mais que beaucoup d'entre nous ne connaissent pas ?

Le périmètre des abords (PDA) est aussi venu dans le débat. Les communes peuvent conduire un travail en amont avec l'ABF pour restreindre ce périmètre des 500 mètres. Cette démarche semble complexe et peu connue. Quel est votre avis sur le sujet ?

Enfin, quelles sont les préconisations de l'AMF et de l'AMRF pour fluidifier les relations avec l'ABF ?

M. Vincent Joineau. - La mission de médiateur m'a été confiée il y a deux ans environ par la DRAC et, plus particulièrement, par la conseillère Architecture de la CRPA, sur proposition du préfet. Cette fonction m'a été proposée en vertu de ma formation et de mes fonctions de maire.

Mme Marie-Pierre Monier, présidente. - Vous avez donc été désigné par la DRAC sur proposition du préfet ?

M. Vincent Joineau. - Absolument.

La CRPA tente de trouver un accord avant que le décisionnaire engage un recours auprès du juge. Un délai d'un mois s'écoule entre la saisie du préfet et la production de sa décision. Ce délai est très court.

Le travail de médiation ne concerne pas uniquement le médiateur ; un premier traitement est réalisé en interne à la DRAC pour orienter le pétitionnaire et, parfois, le dissuader d'aller au bout de la procédure. Sans ce travail de dissuasion, le nombre de dossiers arrivant sur mon bureau serait bien plus important. En deux ans, j'ai enregistré environ deux médiations par mois. Il semblerait qu'un deuxième médiateur ait été nommé pour la région Nouvelle-Aquitaine.

Concrètement, les services de la DRAC m'envoient les documents de la procédure - chacun étant plus ou moins lisible et exploitable. J'étudie le dossier. Un rendez-vous est ensuite pris avec le pétitionnaire et l'ABF ayant instruit la demande. J'écoute les deux parties. Sur cette base, j'émets un avis que j'envoie à la DRAC, qui le transmet au préfet pour décision finale.

Environ deux tiers des médiations portent sur l'installation de panneaux photovoltaïques. Les autres dossiers ont trait aux enseignes, aux extensions et aux projets architecturaux dont l'ABF conteste la qualité.

Mme Anne-Marie Nédélec. - Puisque vous êtes désigné par le préfet, je suppose que vous intervenez à l'échelle du département.

M. Vincent Joineau. - Non, à l'échelle de la région.

Mme Marie-Pierre Monier, présidente. - Le médiateur est-il nommé par le préfet de région ou de département ?

M. Vincent Joineau. - Par le préfet de région.

Mme Anne-Marie Nédélec. - Tout se fait sur dossier ? Vous ne vous rendez pas sur place ?

M. Vincent Joineau. - Non. Lorsque je demande au pétitionnaire et à l'ABF de m'expliquer la procédure telle qu'ils l'ont vécu, je constate le plus souvent qu'aucun échange écrit ou oral n'a eu lieu en amont entre les deux parties. Généralement, je propose que le dossier soit entièrement repris et que des rencontres s'organisent sur le terrain pour trouver un accord. J'ai mis en place des permanences patrimoniales dans cette optique lors de ma prise de fonction en 2020 : l'ABF vient sur le territoire tous les mois pour échanger.

Mme Marie-Pierre Monier, présidente. - Si je comprends bien, il n'y a pas de rencontre entre le pétitionnaire et l'ABF avant que le dossier vous parvienne ?

M. Vincent Joineau. - En effet, dans la majorité des cas.

Mme Marie-Pierre Monier, présidente. - Lorsque vous évoquiez la nomination d'un deuxième médiateur, est-ce à l'échelle de la région ?

M. Vincent Joineau. - Cette nomination reste au conditionnel, car elle ne m'a pas été confirmée par la conseillère en architecture. Consciente du travail à produire, cette dernière m'avait fait savoir qu'une procédure était en cours pour que le préfet nomme un second médiateur.

Mme Marie-Pierre Monier, présidente. - Traitiez-vous deux dossiers par mois avant cette nomination ou depuis ?

M. Vincent Joineau. - Avant. Le rythme a changé il y a six ou sept mois. Je reçois désormais une demande tous les mois et demi environ.

Mme Guylène Pantel. - Qui peut être nommé médiateur ?

M. Vincent Joineau. - J'ai été choisi en raison de mes compétences en histoire et en archéologie. Je suis aussi connu des services de la DRAC.

Mme Marie-Pierre Monier, présidente. - La deuxième question du rapporteur portait sur les recours et le PDA.

M. David Nicolas. - J'aimerais tout d'abord apporter un éclairage sur le rôle du médiateur et de la CRPA, étant précisé que je suis président de la CRPA de Normandie.

Le médiateur est désigné parmi les membres de la Commission. La loi du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine (LCAP) prévoit que les CRPA soient présidées par des élus, mais elle préconise également que le médiateur soit un élu. Le médiateur intervient aux côtés de l'ABF et des services du préfet pour « déminer » les contentieux pouvant apparaître. En Normandie, les recours semblaient plus importants lors du précédent mandat. La loi LCAP a amélioré le travail d'accompagnement, ce qui permet d'arriver plus facilement à un compromis et évite les recours devant le juge. Cela reste à vérifier auprès des DRAC, mais je crois aussi que la consigne édictée en central est d'éviter les situations de blocage - au moins en Normandie. Le président de la CRPA peut demander l'organisation d'une commission pour étudier spécifiquement un dossier. Le plus souvent, le contentieux se règle en réunissant le pétitionnaire, l'ABF et l'administration compétente.

Mme Marie-Pierre Monier, présidente. - Les parties ne se rencontrent jamais avant que la demande soit portée en CRPA ?

M. David Nicolas. - Je pense que si. Nous devrions étudier des situations concrètes de blocage pour en identifier la cause. Dans les cas que j'ai en tête, le blocage émane des deux parties. Un ABF peut adopter une posture un peu bloquante sur un sujet donné. Parfois, le pétitionnaire ne suit pas les préconisations et s'entête, quitte à aller au point de rupture. C'est la raison pour laquelle la pédagogie et la concertation amont sont, pour moi, la clé de la réussite.

Parfois, le nombre d'ABF disponibles est insuffisant pour assurer cette mission de conseil. Les pétitionnaires, publics comme privés, ont souvent besoin de cet accompagnement pour poursuivre sereinement le projet. Avec le dialogue, nous parvenons toujours à trouver une solution, que cela soit sur des aspects esthétiques dans le cadre d'un SPR ou des abords d'un monument historique ou qu'il s'agisse d'un projet de rénovation énergétique.

Mme Anne-Marie Nédélec. - Est-il obligatoire de désigner un médiateur dans chaque région ?

M. David Nicolas. - Oui, cette nomination fait partie des obligations réglementaires. Elle est soumise à la validation du CRPA.

Mme Marie-Pierre Monier, présidente. - S'il n'y a pas d'autres questions sur le rôle du médiateur, je vous propose de passer à la question des abords et des préconisations.

M. Vincent Joineau. - Préconiser un dialogue amont interroge quant à la manière dont l'agent en charge de l'urbanisme réceptionne les dossiers en mairie : est-il en capacité d'identifier ceux devant faire l'objet d'un dialogue avec l'ABF ? Il y a un problème d'ingénierie dans les petites communes où ni l'élu ni l'agent n'ont nécessairement de compétence en la matière.

Les commissions locales des SPR restent peu utilisées. Elles sont pourtant pertinentes. Les CLSPR ont un rôle dans la médiation en cas de problème d'interprétation entre les services de l'État et l'agent des villes. L'instance est composée de représentants de l'État, de la mairie et de personnes qualifiées. Elle étudie le dossier et rédige un avis, qui se doit d'être un compromis. Cet avis doit être retenu. Pour les dossiers qui concernent des périmètres protégés dans les petites communes, pourquoi ne pas prévoir une concertation globale ? Pourquoi ne pas étudier les dossiers les uns après les autres, quitte à déroger au règlement - ce qui est le cas dans les CLSPR si un accord est trouvé ?

Se pose ensuite la question du règlement, très lourd à produire et à faire évoluer. Une souplesse ne pourrait-elle pas être trouvée pour le modifier sans passer par des processus complexes ? Les maires et les ABF utilisent le règlement pour justifier de ne rien faire. Nous devons y apporter de la plasticité.

Nous devons aussi rendre la qualité architecturale plus tangible et moins soumise à l'avis de l'ABF. Comme nous, chaque Architecte des bâtiments de France a sa propre culture. Or, cette culture ne doit pas s'imposer de manière implacable à la commune. Le dialogue est indispensable. Plus largement, nous devons clarifier la notion de qualité architecturale.

Mme Marie-Pierre Monier, présidente. - À quel « règlement » faites-vous référence ?

M. Vincent Joineau. - Le règlement patrimonial, qui est souvent adossé au PLU - le PLU reprend in extenso des pans entiers du règlement patrimonial.

M. David Nicolas. - Je rejoins ce qui a été dit. D'un ABF à l'autre, la messe n'est pas chantée de la même manière. Ce constat est d'autant plus vrai sur les territoires qui comptent des monuments historiques protégés de longue date. Il serait d'ailleurs souhaitable que la valeur patrimoniale des monuments inscrits soit réinterrogée. Nous en discutons en CRPA Normandie lorsque l'objet MH protégé fait plus ou moins patrimoine au sens actuel du terme. Il y a un vrai sujet.

Quoi qu'il en soit, le droit commun s'applique aux servitudes liées aux abords des monuments historiques. Or, selon l'ABF, l'appréciation du droit commun varie. Encore une fois, le dialogue est impératif sous peine de faire naître des tensions, des incompréhensions, des blocages, voire des contentieux.

Le périmètre délimité des abords devant supporter une servitude du fait de la proximité d'un monument historique doit être modifié. Selon moi - et selon l'AMF -, la meilleure manière pour ce faire est de constituer un site patrimonial remarquable. Tous les SPR étudiés en CRPA de Normandie sont d'anciennes aires de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine (AVAP) révisées. Les SPR validés sans AVAP préalables ont été initiés à l'époque où ces aires existaient, mais ils ont mis huit ou dix ans pour être finalisés. Plus d'un mandat municipal est donc nécessaire pour sortir du droit commun les servitudes liées aux abords d'un monument historique. Une volonté politique considérable est nécessaire, en termes budgétaires comme de suivi.

Pour la plupart des monuments historiques en France, la servitude créée par le rayon de 500 mètres occasionne une immobilité qui ne permet pas d'avancer vers une meilleure définition des périmètres et des limites des abords du monument.

L'ingénierie d'élaboration des SPR et de délimitation des limites et des abords des monuments historiques est coûteuse. Une ingénierie supplémentaire est ensuite nécessaire pour suivre au long cours le règlement produit localement, le faire vivre et accompagner les pétitionnaires. La disparition du droit commun laisse la place à un règlement spécifique qui doit être mis en oeuvre et suivi localement. Il revient souvent aux services municipaux d'orienter les pétitionnaires, de leur expliquer ce qu'il est possible de faire et ce qui ne l'est pas.

J'insiste sur un point : un bon règlement de SPR doit permettre, non pas d'assouplir, mais d'adapter les préconisations aux réalités de terrain. Il s'affranchit des règles de droit commun, très sèches et qui, appliquées trop mécaniquement par les ABF, aboutissent à des interdictions. Un bon SPR doit permettre d'utiliser certains matériaux ou de poser des panneaux photovoltaïques sur un bâtiment ancien.

Le SPR est la clé, mais sa mise en oeuvre nécessite une volonté politique très forte.

M. Vincent Éblé. - Cela fait tomber la logique des abords au compas. La zone est cartographiée sur les documents d'urbanisme.

Mme Marie-Pierre Monier, présidente. - Absolument. C'est le périmètre intelligent souhaité par la loi LCAP.

Mme Anne-Marie Nédélec. - Le SPR est-il un préalable au périmètre délimité des abords ?

Mme Marie-Pierre Monier, présidente. - Non, ce sont deux choses différentes. Le PDA est spécifique à un monument tandis que le SPR concerne une commune. La loi permet désormais d'affiner les périmètres en fonction des particularités.

Mme Anne-Marie Nédélec. - Des moyens et de l'ingénierie sont nécessaires pour effectuer ces adaptations, ce qui exclut d'office un ensemble de communes.

M. Vincent Éblé. - Oui, cela revient à une révision de PLU. Une enquête publique est même nécessaire.

Légitimement, votre vision est territoriale, voire micro-territoriale : l'approche parlementaire est en revanche nationale. De même, vous observez les différences et l'évolution des positionnements des ABF dans le temps : nous les observons d'un territoire à l'autre.

Le caractère solitaire de la décision de l'ABF est perturbant. Beaucoup d'élus perçoivent ces décisions comme arbitraires. Des décisions plus collégiales, prises au sein d'une commission d'appel, seraient opportunes. L'ABF dispose toutefois d'une culture et d'une expertise. Nous ne pouvons pas passer outre cette expertise lorsqu'elle ne nous convient pas et confier la décision à un préfet qui n'a pas suivi d'études d'architecture ou d'histoire de l'art. C'est la raison pour laquelle un délibéré collectif me paraît plus adapté. Il apporterait des garanties, une sorte de jurisprudence pouvant être reprise d'une période à l'autre, d'un dossier à l'autre. Une telle orientation renvoie à la question des moyens dont disposent les services de l'État pour instruire les dossiers.

La charge de travail des ABF est conséquente. Des missions complémentaires leur sont adjointes. De fait, ils instruisent très rapidement les dossiers, avec une forme d'automaticité, sans étudier les circonstances particulières.

M. David Nicolas. - Je ne retire rien de vos propos. Les ABF peuvent être des conseils formidables s'ils ont du temps à consacrer au terrain. J'essaie toujours de casser cette image d'empêcheur de tourner en rond. Un ABF présent et à l'écoute passe de méchant censeur à conseiller pertinent, particulièrement si la démarche n'implique pas un élu, mais un agent chargé d'urbanisme qui connaît les sujets patrimoniaux et qui vient mettre de l'huile dans les rouages. Il y a toujours - ou presque - une voie de passage pour que chacun s'y retrouve.

J'insiste sur le SPR. Le règlement est difficile à construire, mais, au même titre qu'un plan local d'urbanisme, c'est un bel objet. L'approche est très locale. Le règlement prend en compte toutes les composantes du patrimoine, quasiment à l'échelle de la parcelle. Une fois le diagnostic posé, le règlement emporte le consensus, car il est questionné auprès de la population. Des ateliers participatifs s'organisent pour associer les habitants. Un document approfondi apporte une réelle souplesse, bien plus que le droit commun applicable aux monuments historiques. Ce dernier ne fonctionne plus. Ajouté au manque de temps des ABF, nous arrivons à des situations de blocage.

Mme Marie-Pierre Monier, présidente. - Nous n'avons pas interrogé M. le directeur général des patrimoines et de l'architecture sur le sujet, mais j'aimerais connaître la montée en puissance des SPR.

Mme Nadine Bellurot. - Nous sommes plusieurs ici à avoir été maires et à avoir échangé avec des ABF. En fonction de la personne, les avis divergent. Pour un même site et une même demande, j'ai connu des positionnements complètement contraires. La décision ne dépend pas de données objectives, mais de la personne.

Comme vous, je regrette que nous soyons soumis à une décision couperet. Les élus sont responsables et connaissent leurs territoires. Certes, ils ont leur idée subjective du beau, mais ils restent en capacité de savoir ce qui peut être fait dans leur collectivité. Prenons l'exemple d'un bâtiment sans intérêt et non-entretenu de ma commune, dont la destruction a été refusée par l'ABF. Il avait échangé avec le propriétaire, qui n'avait pas les moyens de restaurer la toiture. Depuis, un trafic de drogue s'est mis en place dans ce bâtiment laissé à l'abandon.

Cet exemple est effrayant. Il résulte de l'obstination d'un ABF. Il ne me semble pas opportun de laisser à une seule personne une décision qui pourrait donner lieu à beaucoup plus de concertation. Nous avons trop d'exemples qui montrent qu'il serait préférable de prendre une décision collégiale, peut-être préfectorale. Le conseil des ABF est très intéressant pour éclairer les travaux, préciser l'aménagement que l'élu a en tête. Pour autant, il ne peut plus s'agir d'une décision unique.

Comment concevez-vous cette collégialité ? La décision pourrait-elle in fine être du ressort du préfet ?

M. David Nicolas. - Il revient précisément à la CRPA d'arbitrer les avis des ABF qui apparaîtraient comme trop brutaux. L'exemple que vous présentez devrait être arbitré en commission. Les CRPA associent des élus, des spécialistes du patrimoine ainsi que des historiens et des chercheurs à même de rendre un avis sur la qualité intrinsèque du bâti. Pour moi, cette instance est le lieu de débat idéal, sous réserve que le président de la CRPA accepte de la réunir pour échanger.

Mme Marie-Pierre Monier, présidente. - L'avis final revient-il au préfet de région ?

M. David Nicolas. - Oui.

M. Vincent Joineau. - Les instances de dialogue existent. La CLSPR est à la main de la communauté de communes, qui dispose de la compétence d'urbanisme. Elle étudie et suit le dossier. Si une médiation est nécessaire, le dossier passe en CLSPR.

De mon expérience, la CLSPR reste peu plébiscitée, car la procédure est lourde. En outre, la communauté de communes se sent moins concernée par ces problématiques communales. Fort de ces constats, cette commission locale doit-elle rester à la main de la communauté de communes ? Pour que l'instance soit plus opérationnelle, il me semble préférable que la commission soit à la main de la commune, qui invitera la communauté de communes au titre de sa compétence d'urbanisme.

M. David Nicolas. - Je suis d'accord, d'autant que le SPR va se développer au niveau communal. Il est évident que la commission qui statue sur des situations complexes à l'échelle d'une communauté ou d'un EPCI, sur un SPR communal, doit rester aux mains de la commune. Pour avoir du sens, la commission doit aussi être majoritairement composée d'élus issus de la commune.

Mme Sabine Drexler. - En cas de création d'un SPR ou d'un PDA, à qui revient-il d'effectuer un inventaire des bâtis bénéficiant d'une protection particulière ? Qui sont les membres de la CRPA ?

M. David Nicolas. - Pour mettre en place un SPR, un chargé d'études doit être désigné. Il peut d'agir d'un cabinet d'urbanisme avec une forte composante patrimoniale ou d'un architecte du patrimoine. Le diagnostic est objectif ; il s'appuie sur la compétence patrimoniale du chargé d'études. Une cartographie de la commune ou du territoire est réalisée pour révéler le caractère patrimonial des lieux. Certains SPR contiennent une étude à l'échelle de la parcelle, c'est-à-dire du bâtiment. D'autres identifient même plusieurs composantes patrimoniales sur une même parcelle en distinguant un jardin, une fontaine ou un puits détaché du bâti, qui ferait patrimoine.

Il revient ensuite aux membres de la CLSPR de définir le patrimoine à mettre en avant. La commune a la main. Le règlement ainsi établi à l'échelle locale permet de s'affranchir d'une lecture très dogmatique et brutale du droit commun.

Les CRPA sont composées de fonctionnaires de l'État, des DRAC, des conservateurs des monuments historiques et des conservateurs des services d'antiquité départementaux, éventuellement du directeur du service régional de l'archéologie. Les commissions comptent aussi des Architectes des bâtiments de France, des associations du patrimoine - y compris parfois des associations régionales ou locales et des sociétés d'histoire locales. Bien sûr, des élus communaux, départements et régionaux désignés par le préfet siègent en CRPA. Enfin, les commissions comptent un collège de scientifiques. En CRPA de Normandie, nous invitons des chercheurs du CNRS, dont le regard contredit souvent les assertions des professionnels du patrimoine. Ce dialogue amène beaucoup de richesses.

En tant que président de CRPA, j'estime avoir la chance de siéger dans une commission dont les membres acceptent et nourrissent l'échange. Les débats permettent de sortir de lignes préétablies par les chargés d'études de la DRAC. À l'issue du débat, le pressentiment initial du service instructeur n'est pas toujours suivi.

Mme Guylène Pantel. - Toutes les communes ne peuvent pas financer l'ensemble des documents d'urbanisme nécessaires.

La présidente le disait dans son introduction : la Lozère compte un seul ABF. Dans le département, 72 % des communes ne disposent pas de document d'urbanisme. De fait, le rayon de 500 mètres s'applique automatiquement. Tous les villages sont couverts. Nous sommes bloqués.

Bien avant que cette mission soit mise en place, j'ai déposé dans la niche RDSE une PPL visant à supprimer les décisions descendantes émanant d'un seul ABF pour instaurer des décisions collégiales avec le maire, la préfecture.

M. Hervé Reynaud. - Ce qui est décrit par M. Nicolas est vrai. Souvent, soit les élus n'ont pas la formation nécessaire, soit ils renoncent. Les démarches sont extrêmement lourdes et dépassent l'échéance d'un mandat. Beaucoup d'élus renoncent à s'engager dans les procédures de SPR. En outre, les SPR génèrent des contraintes nouvelles.

Si nous appelons à davantage de pédagogie, de dialogue et de médiation, c'est bien qu'il en manque. Les ABF sont relativement isolés, les élus locaux sont démunis. Certaines communes ou communautés de communes ne disposent pas d'ingénierie. Des départements et des élus locaux ne connaissent pas les médiateurs.

M. Pierre-Jean Verzelen, rapporteur. - Nous partageons tous deux constats. Tout d'abord, il est préférable de rencontrer l'ABF en amont. Ensuite, les Architectes des bâtiments de France ont trop de travail. Il ne semble pourtant pas dans l'air du temps d'accroître leur nombre. Dans ces conditions, comment alléger leur quotidien ?

Quel est votre point de vue sur l'avis conforme dans le périmètre des 500 mètres ?

M. Vincent Joineau. - Fort de l'expérience de mes fonctions de médiateur, je constate un problème de cadre méthodologique. Les pétitionnaires peinent à savoir les documents qu'ils doivent fournir.

L'AMRF 33 a rédigé des propositions concrètes à la DRAC en vue d'établir une charte de bonnes pratiques et un document d'appui à destination des maires pour qu'ils accompagnent correctement les pétitionnaires. Nous les avons formulées en réunion, devant le préfet, notamment. Tout le monde y était favorable. Pourtant, rien n'a été fait. Il apparaît que la DRAC Nouvelle-Aquitaine a adressé un document au ministère pour validation, sans avoir associé les élus locaux à la réflexion. Nous sommes très mécontents. Nous étions prêts à nous impliquer dans l'élaboration de ce document-cadre.

Sur ma commune, il n'est pas possible d'installer plus de quatre mètres carrés de panneaux photovoltaïques. Un pétitionnaire souhaitait en installer 600 mètres carrés. Je lui ai dit que je soutiendrais son dossier s'il apportait une preuve de l'absence de co-visibilité. L'ABF a refusé le projet. Je l'ai pour ma part autorisé. J'ai écrit au préfet pour lui faire connaître ma position, en lui joignant le dossier et en soulignant l'absence de co-visibilité. J'ai accompagné le pétitionnaire, mais ce n'est pas toujours possible.

Nous devons a minima disposer d'un cadre travaillé par la DRAC avec les élus.

Mme Marie-Pierre Monier, présidente. - Dans cet exemple, êtes-vous parvenu à faire accepter à l'ABF un dossier qui n'entrait pas dans le cadre de votre règlement ?

M. Vincent Joineau. - Non, l'ABF a refusé le projet, considérant que le règlement de la commune devait s'appliquer. Elle avait toutefois fait savoir qu'elle n'engagerait pas de recours.

Mme Marie-Pierre Monier, présidente. - Le projet a-t-il finalement pu se mettre en oeuvre ?

M. Vincent Joineau. - Oui.

M. David Nicolas. - L'AMF avait émis des doutes sur la suppression des prérogatives de l'ABF en matière d'avis conforme. Dans certains territoires, les élus locaux sont soumis à des pressions de promoteurs et de divers acteurs qui profitent du vide laissé par l'ABF pour faire n'importe quoi. Il est difficile de trouver la ligne de crête.

Il pourrait être opportun de mieux représenter les élus dans les CRPA, en nombre et dans la qualité de la sélection. Les associations départementales pourraient cibler les élus locaux à même d'être réellement actifs dans ces commissions et d'intervenir en tant que relais. L'AMF demandait une meilleure représentativité des élus locaux dans les CRPA qui, je le rappelle, sont désormais présidées par des élus.

M. Pierre-Jean Verzelen, rapporteur. - La région est-elle la bonne échelle ? Une commission départementale ne serait-elle pas plus efficace ?

M. David Nicolas. - C'est une bonne question. La Normandie a la chance d'être une région historique. Je suppose que dans des régions telles que l'Occitanie, le découpage est moins pertinent.

M. Pierre-Jean Verzelen, rapporteur. - Avant le lancement de cette mission d'information, je connaissais peu les CRPA. J'ignore même qui est le médiateur de ma région. À titre personnel, je pense que l'échelle régionale n'est pas la bonne.

M. David Nicolas. - Les CRPA ont été calés sur les DRAC.

Mme Marie-Pierre Monier, présidente. - S'il n'y a pas d'autres questions, je vous propose de conclure. Si vous avez des documents complémentaires à nous communiquer, n'hésitez pas.

M. Pierre-Jean Verzelen, rapporteur. - Vous pouvez également nous communiquer des positions ou des propositions écrites émanant de vos associations respectives que nous pourrions reprendre dans notre rapport.

Mme Marie-Pierre Monier, présidente. - Je vous remercie pour votre temps et pour la qualité des échanges.

La réunion est close à 17 h 50.

La réunion est ouverte à 18 h 30.

Audition de MM. Patrick Brie, adjoint à la sous-direction de la qualité du cadre de vie, Benoît Bergegère, chef du bureau des sites protégés, et Yannick Pache, chef du bureau de la réhabilitation du parc et des évaluations économiques, direction générale de l'aménagement, du logement et de la nature (DGALN), du ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires

Mme Marie-Pierre Monier, présidente. - Mes chers collègues, nous reprenons nos travaux avec l'audition de M. Patrick Brie, adjoint à la sous-direction de la qualité du cadre de vie au sein de la direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages, qui représente devant notre mission d'information le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Monsieur Brie, je vous remercie de vous être rendu disponible pour éclairer les travaux de notre mission d'information, qui, je vous le rappelle, portent sur le périmètre d'intervention et les compétences des architectes des bâtiments de France (ABF). Nous nous penchons sur le sujet à l'initiative du groupe Les Indépendants - République et territoire du Sénat, qui a confié le rôle de rapporteur à notre collègue Pierre-Jean Verzelen.

Au cours de nos premières auditions, nous avons essentiellement envisagé le rôle des ABF dans leur mission de préservation de l'unité architecturale des sites protégés. Face à l'urgence climatique, cette mission s'enrichit - ou s'alourdit - de plus en plus souvent d'un rôle de contrôle, et idéalement de conseil et d'accompagnement, en matière de rénovation énergétique du bâti patrimonial. Cette démarche suppose des travaux qui peuvent toucher à l'aspect extérieur des bâtiments : je pense bien entendu au remplacement des fenêtres ou à l'isolation par l'extérieur pour renforcer les performances techniques des habitations, mais également à l'implantation en plein essor de panneaux photovoltaïques. On comprend donc aisément que dans certains cas, la préservation du cadre de vie patrimonial et l'ambition écologique entrent en conflit - ce que nombre des membres de la mission d'information ont pu constater dans leurs territoires.

Ce débat est d'ailleurs loin d'être nouveau dans notre assemblée. Lors de la discussion sur le projet de loi relatif à l'accélération de la production d'énergies renouvelables en novembre 2022, le Sénat avait tout d'abord adopté un amendement supprimant l'avis conforme de l'ABF pour l'installation de ces panneaux destinés à produire de l'électricité dite « verte », avant de finalement revenir, dans sa grande sagesse, sur ce point. Le gouvernement s'était alors engagé à établir une instruction à l'attention des ABF pour « concilier les principes de la transition écologique et de la préservation du patrimoine ». Cette instruction a été conjointement élaborée par le ministère de la culture et votre ministère de rattachement, M. Brie, et a effectivement été publiée le 9 décembre 2022.

Nous sommes donc impatients de vous entendre pour comprendre comment votre administration mène au quotidien ce travail de conciliation. Je vous cède donc sans plus attendre la parole pour un propos introductif d'une dizaine de minutes, avant de laisser notre rapporteur s'exprimer à son tour.

M. Patrick Brie, adjoint à la sous-direction de la qualité du cadre de vie, Direction générale de l'aménagement, du logement et de la nature (DGALN). - Merci de nous avoir invités à participer à la réflexion que vous conduisez sur l'équilibre entre différentes politiques, en particulier pour conjuguer la préservation du patrimoine et la politique de développement économique, à commencer par son volet consacré aux énergies renouvelables. Pour illustrer la collaboration entre la direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages et le ministère de la culture, je suis, tout d'abord, accompagné de M. Yannick Pache, chef du bureau de la réhabilitation du parc et des évaluations économiques rattaché à la sous-direction en charge de la qualité et du développement durable dans la construction : c'est à ce niveau que s'articulent en grande partie les deux politiques précitées. S'agissant de l'autre dimension de notre travail avec le ministère de la culture, je suis accompagné de M. Benoît Bergegère, responsable du bureau des sites protégés, ce bureau faisant partie de la sous-direction à laquelle j'appartiens.

J'en viens aux principales caractéristiques de cette collaboration relative à la protection des espaces protégés que sont les sites classés et les sites inscrits. Ces derniers doivent être distingués des abords des monuments historiques ou des zones que l'on appelle maintenant les sites patrimoniaux remarquables qui relèvent du code du patrimoine. Quant à eux, les sites classés et les sites inscrits sont des outils prévus par le code de l'environnement. Ils visent à protéger des espaces naturels - qui peuvent néanmoins être occupés par l'homme et parfois même construits - en application de la loi du 2 mai 1930 qui a elle-même succédé à une loi de 1906 et instauré une protection des espaces répondant à l'un des cinq critères de classement fondés sur leur valeur pittoresque, scientifique, légendaire, artistique ou historique. Répondent, par exemple, à ce dernier critère des lieux de bataille qui ont une dimension mémorielle. Ces catégories recouvrent des territoires qui, autrefois, ont pu apparaitre comme relativement modestes et certains ont même été classés « pittoresques » car ils abritaient des arbres remarquables. Cependant, la doctrine a évolué au fil des années et on a ensuite parfois classé des sites très importants comme les paysages structurés par le canal du Midi ou le massif du Mont-Blanc. Ce dernier comporte un grand nombre d'installations et de bâtis avec notamment les remontées mécaniques qui peuvent emmener les personnes jusqu'à la mer de glace. Pour sa part, le paysage du canal du Midi incorpore un espace agricole dans lequel les agriculteurs ont besoin de faire évoluer leurs installations. Nous coopérons dans ce domaine avec le ministère de la culture car, historiquement, ces protections ont été gérées par celui-ci avant d'être transférées au ministère de l'équipement devenu ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires. À l'époque, l'accord interministériel qui est intervenu avait consisté à ne pas transférer vers notre ministère les architectes des bâtiments de France (ABF) qui s'occupaient de ces sites classés mais à leur demander de continuer à travailler dans ce secteur avec les agents que nous avons embauchés pour assurer la protection des sites. Il s'agit des inspecteurs des sites dont le titre n'est pas reconnu par les textes comme celui des ABF. Ils sont chargés de veiller à la préservation de la dimension patrimoniale de ces sites naturels. Habilités à fournir des avis, notamment aux préfets de département, ils sont rapporteurs d'avis en commission départementale des sites et des paysages. Les ABF ont le même rôle pour ces sites car ils ont une formation d'architecte, ce qui n'est pas nécessairement le cas de nos agents ; or la complémentarité dans la gestion d'un site à caractère naturel exige de pouvoir intervenir sur la relation entre le paysage et le bâti de façon fine avec une connaissance d'architecte. Cela permet, dans les commissions départementales des sites, de construire des avis de façon collégiale en évitant de verser dans une dimension trop personnelle et en prévenant le risque qu'une seule personne puisse éventuellement, au bout d'un certain nombre d'années d'exercice dans un département, imposer son style et ses préférences. Dans le système actuel, les avis sont plutôt collégiaux et obéissent à un mécanisme de double instruction : après l'instruction locale, un certain nombre d'autorisations relèvent en effet du niveau ministériel.

Tel est l'historique de notre collaboration avec le ministère de la culture. Notre partenariat me semble assez fluide à tel point que, par exemple, nous avons mis au point un outil de dématérialisation des autorisations d'urbanisme avec la composante urbanisme de notre sous-direction. Comme vous le savez, lorsqu'on intervient sur un site protégé relevant du ministère de la culture, l'ABF doit être consulté et nos outils sont connectés à ceux du ministère de la culture, comme PATRONUM.

M. Vincent Éblé. - S'agit-il du même outil ou d'un dialogue entre vos deux systèmes ?

M. Patrick Brie. - Ce sont deux outils construits pour dialoguer ensemble, de sorte que quand les collectivités instruisent un dossier numérisé, elles le font passer dans notre outil qui leur permet d'organiser les consultations des différents services, en charge de l'eau ou de l'électricité par exemple, mais aussi de consulter les ABF qui reçoivent les données via la plateforme PATRONUM et peuvent répondre en utilisant ce même vecteur. Nous sommes également en train de développer un outil pour la gestion des sites classés qui donnent lieu à des autorisations de travaux d'une nature un peu particulière. Nous allons travailler sur le même logiciel que celui du ministère de la culture car il a démontré son efficacité.

La collaboration est donc, sur ce premier volet, assez fluide entre les deux ministères.

M. Yannick Pache, chef du bureau de la réhabilitation du parc et des évaluations économiques. - De notre côté, nous avons - certes un peu plus tardivement dans l'histoire administrative - initié une collaboration avec le ministère de la culture à la suite notamment des mesures introduites dans la loi Climat et résilience sur les niveaux de performance énergétique minimaux pour la location des logements du parc locatif privé. Je rappelle que ce texte prévoit l'interdiction de la location des logements classés G pour les nouvelles mises en location ou les reconductions tacites à partir de 2025, des logements étiquetés F à partir de 2028 et des logements classés E à partir de 2034. Nous avons dû élaborer les décrets d'application de cette loi adoptée à l'été 2021. Dès 2022, nous avons commencé à dialoguer avec nos collègues de la culture, en particulier à propos de l'opposabilité du diagnostic de performance énergétique (DPE) qui est devenue effective pendant l'été 2021, avec un nouveau moteur de calcul entré en vigueur depuis le 1er juillet 2021. En 2022, nous avons commencé à lister un certain nombre de domaines de collaboration nécessaires entre nos deux ministères et à installer des structures de dialogue ainsi que des groupes de travail avec nos collègues. S'agissant du DPE, on ne peut pas nier que nos échanges ont duré un certain temps mais nous avons beaucoup avancé depuis, surtout pendant l'année 2023, en procédant à des relectures croisées de documents, en particulier d'un guide de recommandations de travaux destiné aux professionnels réalisant les diagnostics immobiliers et les audits énergétiques. Ce guide, soumis à de nombreuses relectures, devait être publié dans le courant du mois d'avril et ne l'est pas encore parce que le Centre d'études et d'expertise sur les risques, la mobilité et l'aménagement (Cerema) est en train de construire son maquettage. Le Cerema dispose de ressources spécifiques en matière de bâti ancien et anime le centre de ressources pour la réhabilitation responsable du bâti ancien (Creba). Nous avons fait appel à ces professionnels pour nous aider dans la rédaction du guide que nous avons également fait relire par nos collègues de la direction générale des patrimoines et de l'architecture, par des représentants de l'ABF ainsi que par l'Association des architectes des monuments historiques, de façon à avoir une vision assez globale. Ce guide, que nous vous transmettrons, comporte une partie dédiée à la prise en compte des bâtis patrimoniaux et des bâtis anciens qui ne sont pas nécessairement les mêmes.

Dans ce domaine, du côté du ministère de la transition écologique, notre vision est que le DPE est un outil d'analyse de la performance énergétique du bâti et que le véritable levier d'action se situe dans les recommandations de travaux qu'il faut adapter aux spécificités du bâti : c'est cette logique qui inspire notre travail sur le guide que je viens de mentionner. Cette action va être poursuivie par l'élaboration d'un autre guide consacré aux bonnes pratiques sur la rénovation du bâti ancien, pour lequel nous venons d'obtenir la validation des crédits permettant au Cerema d'y travailler, et nos collègues du ministère de la culture seront associés à sa réalisation. Ce second guide a vocation à accompagner la réflexion des maîtres d'ouvrages mais aussi - c'est notre idée - des ABF pour que les meilleures pratiques puissent être utilisées afin de satisfaire l'objectif d'amélioration de la performance énergétique des logements tout en respectant la qualité du patrimoine existant. Je rappelle que selon les calculs du Service des données et études statistiques (SDES) 38 % des logements sont situés dans les périmètres de protection patrimoniale : l'enjeu est donc très important et nous sommes conscients qu'il faudra certes améliorer la performance énergétique de ces logements, mais de façon responsable et concertée.

Je mentionne également la construction partagée d'une banque de questions pour les examens initiaux portant sur les compétences des diagnostiqueurs immobiliers et des auditeurs énergétiques. En effet, nous avons pu nous interroger, au moment du lancement du nouveau DPE opposable, sur la qualification de ces acteurs. Nous avons donc lancé une démarche de fiabilisation de leurs compétences qui a donné lieu à plusieurs textes réglementaires - un arrêté de juillet 2023 et un décret de décembre 2023 - pour renforcer celles-ci et prévoir la mise en place d'un examen. Nos collègues ont contribué à sa définition pour vérifier les capacités des professionnels qui seront amenés à analyser les performances du bâti ancien et à proposer des solutions de rénovation.

Nous travaillons également à l'adaptation des aides à la rénovation énergétique dans un contexte budgétaire incertain mais qui nous a tout de même permis d'obtenir des crédits intéressants en 2024 pour MaPrimeRénov'. Nous sommes en discussion pour faire évoluer les choses et obtenir des barèmes d'aide qui tiennent compte, à partir de 2025, du bâti ancien en réfléchissant à la coordination entre les dispositifs existants, y compris, par exemple, en incluant le bâti patrimonial relevant de la loi Malraux. Il faut évidemment accomplir des gestes de rénovation adaptés et je souligne que ceux-ci ont d'ores et déjà été définis, comme en témoigne l'expérimentation menée par Effinergie avec le label « Effinergie et patrimoine ». De plus, nous avons mis en place, sur ces sujets, des groupes de travail dédié avec nos collègues de la culture.

J'ajoute que notre travail sur la cartographie du patrimoine bâti - dont j'ai présenté le premier document qui a été publié - va se poursuivre. Nous voulons tenir compte, dans nos travaux prospectifs, non seulement de la trajectoire bas carbone mais aussi des capacités différenciées des bâtiments et des rénovations dont ils pourront faire l'objet - ce qui n'était pas, il faut bien le reconnaitre, suffisamment pris en compte auparavant. S'y ajoute un soutien aux actions de capitalisation des connaissances sur le bâti ancien avec des allocations renforcées au Creba qui viennent également d'être validées pour 2024. Je mentionne enfin l'adaptation du parcours des aides à la rénovation avec l'Agence nationale de l'habitat (Anah). Celle-ci a déjà diffusé l'année dernière auprès des Espaces Conseil France Rénov' une brochure pour que les 3 000 conseillers France Rénov' présents sur les territoires puissent disposer d'éléments de langage destinés aux ménages propriétaires de bâti ancien et leur proposer des solutions adéquates.

Mme Sabine Drexler. - Vous avez évoqué une cartographie du Patrimoine bâti : pouvez-vous préciser de quoi il s'agit ?

Mme Marie-Pierre Monier, présidente. - En complément, je souhaiterais que vous fassiez la distinction entre le patrimoine inscrit ou classé et d'autres constructions qui, à l'instar d'un certain nombre de bâtisses, participent à notre patrimoine sans pour autant être repérées du point de vue juridique. J'habite, par exemple, un petit village en Provence où on trouve de nombreuses maisons en pierre qui sont dans ce cas, et si un diagnostiqueur ne tient pas compte des spécificités de ce bâti, cela va soulever des difficultés.

M. Yannick Pache. - J'ai parlé du bâti ancien et du bâti patrimonial mais il faut également citer le bâti dans les secteurs protégés. Ces trois niveaux de particularités doivent être pris en compte et notre guide de recommandations leur consacre toute une partie pour que les diagnostiqueurs immobiliers ainsi que les auditeurs énergétiques soient attentifs aux mesures de protection existantes ainsi qu'aux travaux qu'ils pourraient préconiser. La problématique que vous signalez s'apparente à une demande que nous avons eu à traiter dans le cadre de l'exercice du pouvoir réglementaire. Ainsi, quand nous avons présenté au Conseil d'État le décret d'août 2023 qui définit les contraintes architecturales patrimoniales pouvant faire obstacle à la réalisation de travaux de rénovation énergétique - et qui interdisent donc au juge de prononcer des sanctions ou des mesures particulières en cas de non-respect des critères énergétiques - le Conseil d'État nous a indiqué qu'il appartenait au pouvoir réglementaire de faciliter l'accès à l'information. Nous nous conformons tout à fait à cette invitation et, de plus, avec nos collègues de la culture, nous souhaitons travailler sur la constitution de binômes entre DREAL (Direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement) et DRAC (Directions régionales des affaires culturelles) pour encourager les collectivités - même si c'est déjà largement le cas - à délimiter plus précisément les périmètres des abords dans lesquels des mesures particulières doivent s'appliquer. Il s'agit de permettre aux professionnels de savoir quelles mesures sont préconisées dans ce cadre et de disposer d'un repérage dans les documents d'urbanisme. Notre dialogue avec le Conseil d'État a permis de souligner l'importance de la protection patrimoniale des façades ou des toitures classées et visibles de l'extérieur ; il convient, en revanche, d'autoriser le propriétaire à réaliser des travaux d'isolation sur le bâti donnant sur la cour qui n'est pas visible afin de permettre d'économiser de précieux kWh en consommation énergétique. Le guide que nous vous transmettrons précise ces différents points.

M. Patrick Brie. - S'agissant de la cartographie, j'évoquerai le Géoportail de l'Urbanisme : cet outil, mis en place par la DHUP (Direction de l'Habitat, de l'Urbanisme et des Paysages) dans les années 2013-2014, est, depuis 2022, installé dans le cadre réglementaire du code de l'urbanisme. En effet, pour que le document d'urbanisme d'une commune puisse être rendu exécutoire, on a remplacé les formalités de publication et de transmission au contrôle de légalité par le versement des documents dans le Géoportail de l'Urbanisme. Il n'est donc plus besoin, comme autrefois, qu'un vaguemestre transmette en urgence les documents à la préfecture ; aujourd'hui les données numériques sont automatiquement transmises à la préfecture via ce Géoportail. Ce dernier contient également toutes les servitudes en vigueur ; par conséquent, tous les périmètres de sites protégés sont identifiables par les particuliers qui souhaitent réfléchir à la rénovation de leurs bâtiments et s'informer du niveau de protection auquel ils sont soumis. De la même façon, les PLU (Plan local d'urbanisme) étant versés dans cette base de données, les particuliers peuvent vérifier si leur bien fait partie de la liste des bâtiments remarquables identifiés comme tels par la commune dans leur PLU en raison de leur intérêt patrimonial - même s'ils ne sont pas protégés par le ministère de la culture. Cette cartographie est accessible à tous.

Mme Sabine Drexler. - Je ne connaissais pas toutes les caractéristiques de cette cartographie. Je signale, par exemple, qu'en Alsace, nous sommes en train réfléchir à l'élaboration d'un inventaire de tout le bâti, y compris celui qui n'est pas protégé. Si une communauté de communes ou une commune s'engage à réaliser cet inventaire, la collectivité européenne d'Alsace majorera les subventions accordées en cas de rénovation du patrimoine. Nous nous efforçons donc de convaincre les acteurs locaux de faire ce travail car nous sommes très inquiets, au regard de de la loi climat et résilience, du sort qui pourrait être réservé à ce bâti non protégé parce qu'aujourd'hui tout semble possible pour les biens non soumis à l'avis de l'ABF.

M. Patrick Brie. - Tel n'est pas tout à fait le cas : si la collectivité reconnaît la valeur architecturale d'un bâtiment dans son document d'urbanisme et souhaite organiser sa préservation, elle peut utiliser les dispositions du code de l'urbanisme qui se situent, de mémoire, dans deux des trois articles R.111-19, R.111-23 et/ou R.111-27. Ces dispositions permettent de réaliser un inventaire du patrimoine communal ayant vocation à bénéficier d'une protection non pas nationale mais locale et d'instaurer d'éventuelles règles particulières pour les déclarations de travaux pour le bâti concerné.

Mme Sabine Drexler. - Je rappelle que la commission de la culture du Sénat demande une révision du DPE et l'éventuelle création d'un DPE patrimonial. Il s'agit, dans cette hypothèse, de définir le type de bâti auquel s'appliquerait un regard différent ainsi que des travaux et un DPE spécifique. L'intérêt de l'inventaire que j'ai évoqué est de permettre à un maire de se référer à un document précis identifiant le bâti ayant une valeur patrimoniale particulière quand il doit statuer sur une déclaration de travaux.

M. Patrick Brie. - Les deux outils du code de l'urbanisme que j'ai mentionnés ont pour vocation d'offrir une protection complémentaire à celle que prévoit le code du patrimoine. Celui-ci protège des biens ayant une valeur reconnue par la nation tandis que les deux premiers concernent des objets dont l'intérêt patrimonial est reconnu par les autorités locales en charge de l'urbanisme, avec un niveau de protection bien entendu un peu moindre qu'au niveau national.

M. Pierre-Jean Verzelen, rapporteur. - Ma principale interrogation porte bien entendu sur le travail que vous conduisez avec les ABF ainsi que sur la réalité du partenariat avec ces acteurs, notamment en ce qui concerne les énergies renouvelables et le photovoltaïque. Ce thème nous remonte assez régulièrement avec des communes qui, conformément aux incitations à investir dans ce domaine, lancent des projets d'autoconsommation et d'installation de panneaux photovoltaïques sur des toits plats, par exemple sur des salles des fêtes ; il en va de même pour les particuliers et on constate qu'un certain nombre de ces initiatives se heurtent, parfois pour de très bonnes raisons, au refus de l'ABF...

Vous avez mentionné la réalisation d'un guide pratique et je souhaite savoir s'il s'accompagne de la communication aux ABF d'une sorte de référentiel sur les matériaux nouveaux utilisés pour installer des énergies renouvelables. Le mot « instruction » est sans doute un peu fort mais avez-vous, à tout le moins, des échanges réguliers avec les ABF sur ces nouveaux matériaux disponibles afin de permettre une certaine uniformité nationale des décisions qui sont prises.

M. Patrick Brie. - Comme je l'ai indiqué, nos inspecteurs des sites réalisent avec les ABF un travail assez collégial d'élaboration d'un avis relatif à un projet qui, sur un territoire, mixe nature et culture avec un double regard vraiment très intéressant. L'ABF apporte sa compétence sur les matériaux de construction : ce domaine relève de sa formation et il est, par nature, plus à l'aise que notre collègue inspecteur des sites mais il faut également tenir compte des trajectoires personnelles et de l'expérience de chacun. Bien entendu, les matériaux disponibles pour installer les énergies renouvelables soulèvent des difficultés, à la fois pour les ABF le long des abords des monuments historiques qui relèvent de leur compétence propre, et pour nos personnels sur les sites que j'ai qualifiés tout à l'heure de naturels. Je marque sur ce dernier point une petite hésitation car, historiquement, on a également classé des zones urbaines : par exemple, une grande partie de Paris est catégorisée comme site inscrit, ce qui nous amène à y travailler avec les ABF. Par conséquent, dans le travail collectif que nous menons en matière de nouvelles énergies renouvelables, nos services, tout comme - je pense - les ABF, ont une mission préventive et de conseil. Cela les amène à dialoguer beaucoup avec les porteurs de projets et, dans un certain nombre de cas, à faire évoluer préventivement les projets en faisant comprendre à leurs auteurs le sens de la protection.

J'ai, par exemple, des voisins qui ont eu des difficultés pour mettre en place des panneaux solaires. Après le refus qui leur a été opposé par la mairie, suite à l'avis de l'ABF, je leur ai conseillé d'aller voir celui-ci. Ils ont alors retravaillé avec succès leur projet et sont aujourd'hui extrêmement contents de pouvoir produire de l'énergie sur leur toiture avec une installation remarquablement bien inscrite dans un site protégé.

Du côté de notre administration centrale, l'enjeu, au moment de la discussion de la loi relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables a été de se demander comment réussir à capitaliser le savoir-faire de terrain d'un certain nombre d'architectes et d'inspecteurs des sites. D'où l'idée qui nous est venue, pendant le débat parlementaire, de produire à la fois une instruction et un guide pour réussir à propager les bonnes pratiques en envoyant, du même coup, un signal à l'égard des projets inadaptés et disgracieux qui pourraient subir une procédure d'instruction décevante pour les porteurs de projet. Je précise que pour garantir l'efficacité du fonctionnement des outils de protection à titre préventif, il est utile et parfois inéluctable qu'un certain nombre de refus soient opposés pour dissuader les mauvais projets.

Nous avons également considéré que la capitalisation des savoir-faire au niveau national est sans doute intéressante, comme point d'orgue, mais qu'elle est surtout opérationnelle quand elle s'organise au niveau des services départementaux. À cet égard, depuis très longtemps, et avant même la loi d'accélération des énergies renouvelables, les DDT (Direction Départementale des Territoires), sous l'égide des préfets, ont eu la mission d'organiser dans la plupart des départements une sorte de guichet unique permettant de fédérer l'ensemble des services, y compris l'ABF, pour la mise au point d'une forme de doctrine permettant de décliner le croisement des politiques. Tel a été le cas pour l'éolien ; c'est également vrai pour le photovoltaïque et cette méthode va prendre encore plus d'ampleur avec la récente publication du décret sur l'agrivoltaïsme qui va s'appliquer non pas au bâti mais aux espaces agricoles et ruraux. Ainsi, les services ont réfléchi ensemble et de façon collégiale à la façon dont les énergies renouvelables pouvaient s'installer dans les territoires. Ces guichets uniques ont surtout été l'interlocuteur des collectivités locales - qui avaient des messages à faire passer -, des énergéticiens et des porteurs de projets significatifs. Cela a permis d'apporter des mises au point et d'apporter des solutions à une partie des difficultés. Je crois cependant qu'il en subsiste dans un certain nombre de territoires, notamment sur les abords des monuments historiques.

S'agissant des sites dont nous avons la charge, nous effectuons une analyse au cas par cas qui se fonde en même temps sur ces doctrines locales et cette méthode concerne environ 1 000 autorisations ministérielles sur l'ensemble du territoire français. Nous avons autorisé un certain nombre de projets prévoyant l'installation de panneaux photovoltaïque sur des toitures et même au sol dans quelques cas. Il nous arrive aussi de refuser certains projets et je mentionne ici l'exemple de hangars de conchyliculture où nous avons traité, à deux ou trois mois d'écart, deux projets différents. Nous avons accepté le premier parce que le hangar proposé par le conchyliculteur avait un volume assez proche de celui des autres bâtiments de son exploitation. De plus le traitement de la façade de ce hangar, son orientation et son insertion dans l'ensemble de l'exploitation étaient bien adaptés. Trois mois après, un autre conchyliculteur, situé sur la même île, a présenté un projet prévoyant un hangar d'une volumétrie exceptionnelle dans lequel il prétendait faire passer ses camions. La taille de ce hangar dépassait largement celle des autres bâtiments et sa forme architecturale, qui optimisait la production d'énergie, était en dissonance avec l'ensemble du bâti : nous avons donc refusé ce second projet. Notre logique du travail au cas par cas est très importante dans le domaine patrimonial, même si elle obéit à un certain nombre de règles de base que j'ai implicitement évoquées à travers la notion de volumétrie. Il est vraisemblable que le second projet de hangar que j'ai cité ait pu être entièrement financé par l'énergéticien, compte tenu de la faiblesse de sa structure architecturale et de son insertion peu harmonieuse. Je pense que ces deux exemples sont assez représentatifs des raisons pour lesquelles, en général, nous refusons un projet et nous devons d'ailleurs justifier notre refus par un considérant spécifique. Je souligne également le rôle préventif et correctif que peuvent jouer ces refus puisque, dans un certain nombre de cas, on voit les projets évoluer et être acceptés.

Cette mécanique de protection de notre patrimoine n'handicape donc pas, à mon avis, la trajectoire énergétique de la France à laquelle nous sommes très attentifs. D'ailleurs, parce que les règles d'urbanisme sont importantes, la DHUP vient de passer beaucoup de temps à travailler sur le décret relatif au développement de l'agrivoltaïsme. Nous travaillons également sur les décrets de l'article 40 de la loi relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables du 10 mars 2023 qui vont permettre d'équiper en panneaux photovoltaïques le stock de parkings de plus de 1 500 m² existant au 1er juillet 2023, de façon à ne pas anthropiser trop de surfaces naturelles ou agricoles. Sur la même thématique, vous avez pu constater, à la fin de l'année dernière, la publication du décret d'application de l'article 101 de la loi Cimat et résilience qui prévoyait l'équipement des parkings et des toitures des bâtiments neufs. Ces obligations devront être assorties d'un certain nombre de dérogations pour concilier les enjeux énergétiques et les enjeux de protection patrimoniale.

M. Pierre-Jean Verzelen, rapporteur. - Travaillez-vous avec les conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement (CAUE) ?

M. Patrick Brie. - Notre sous-direction comporte un bureau en charge de la politique nationale des paysages et les CAUE sont, pour nous, de très importants interlocuteurs. Nous avons engagé l'année dernière un programme de formation des élus à la dimension du paysage qui permet de comprendre la façon d'analyser celui-ci et de croiser les politiques d'aménagement pour construire un paysage. Nous avons testé ce programme de formation dans trois départements avec la Fédération nationale des CAUE. L'AMF a également soutenu la convention financière que nous avons mise en place et, cette année, nous devrions déployer cette formation dans 40 départements, avec l'aide de chacun des CAUE départementaux qui assureront ces formations dans lesquelles le thème des énergies renouvelables est assez prégnant.

M. Yannick Pache. - Nous partageons pleinement ces propos. De notre côté, s'agissant de la rénovation du bâti ancien, nous avons demandé au Cerema de mettre en place, en complément des actions locales de partage, une animation nationale pour répondre au besoin de faire connaître les bons exemples de rénovation. L'intervention de la Sénatrice Sabine Drexler m'amène à souligner que la question essentielle pour nous est celle de l'habitabilité des bâtiments. En réponse à la demande de mise en place d'un DPE spécifique pour le bâti ancien, nous avons tendance à rappeler que l'outil thermique calcule la performance énergétique d'un bâtiment ; or il n'est, par définition, pas possible de changer les résultats d'un calcul effectué, conformément à la volonté du législateur, de façon impartiale, indépendante et dans un cadre bien précis. C'est donc vraiment du côté des travaux de rénovation qu'il faut agir. Nous continuons ainsi à affirmer que ce n'est pas le thermomètre qu'il faut casser parce qu'on ne souhaite pas qu'il affiche une mauvaise température ; on doit plutôt rechercher les solutions adaptées pour garantir un confort suffisant dans ces bâtiments. Je rappelle en effet que nous nous situons dans un contexte où l'un des scénarios du Plan national d'adaptation au changement climatique prévoit une augmentation de 4 degrés dans les années à venir à laquelle il va falloir se préparer. On ne peut donc pas traiter 38 % des bâtiments en instituant un DPE patrimonial qui attribuerait très largement la note A ; il faut, au contraire, dire la vérité en attribuant une note exacte mais, en revanche, apporter les bonnes solutions et veiller à les partager. En effet, dans les quelques groupes de travail que l'on a organisé, on a pu constater qu'un certain nombre d'ABF se sont, mieux que d'autres, emparés de ce sujet. La diffusion des bonnes pratiques est d'autant plus importante que les directives européennes vont aller au-delà des exigences de la loi relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables. En particulier, la directive sur la performance énergétique des bâtiments, validée en trilogue par le Conseil et le Parlement européen, va prévoir que, d'ici 2029, tous les bâtiments tertiaires existants devront être équipés de panneaux photovoltaïques. Il va donc falloir encadrer cette avancée de façon harmonieuse et accompagner ce qui ne correspond pas à une lubie mais à la nécessité objective d'assurer notre indépendance énergétique. J'ajoute qu'il faudra traiter la question du confort thermique et de la rénovation énergétique des bâtiments tertiaires, puisque le projet de directive que je viens de mentionner va contraindre d'ici 2030 les 16 % des bâtiments tertiaires les moins performants à diminuer leur consommation. Leur rénovation doit également être bien conduite, ce qui passe par la diffusion des bonnes pratiques. Elles sont nécessaires pour que les bâtiments restent habitables car si la température extérieure grimpe à 40 ou 50 degrés, on manquera d'énergie pour faire fonctionner la climatisation et nous savons tous qu'on a besoin d'eau pour rafraîchir les centrales nucléaires. Il va donc falloir effectivement s'orienter vers la sobriété et il y a un vrai besoin de réfléchir à l'adaptation du bâti.

Mme Sabine Drexler. - Je rejoins vos propos sur la nécessité absolue de diffuser les bonnes pratiques. Par exemple, en Alsace, les personnes ont tendance à favoriser l'utilisation du polystyrène, tout simplement faute d'information sur les matériaux alternatifs disponibles. Il y a donc là un véritable enjeu et je me félicite du travail indispensable que vous menez dans ce domaine. Par ailleurs, s'agissant du DPE, les associations patrimoniales indiquent que cet outil ne prend pas assez bien en compte certains matériaux spécifiques utilisés pour le bâti ancien. Faute de reconnaissance de ces matériaux, on applique des paramètres par défaut, ce qui conduit à classer très facilement le bâti ancien en étiquette F ou G en négligeant également leur inertie thermique. Telles sont les raisons qui motivent la demande de mise au point d'un DPE qui prendrait davantage en compte ces caractéristiques spécifiques.

Mme Marie-Pierre Monier, présidente. - Les propos de Sabine Drexler illustrent parfaitement ma remarque précédente. Vous nous avez indiqué qu'on ne peut pas « casser le thermomètre » mais celui-ci effectue des mesures sans tenir compte de tous les paramètres de construction du bâti ancien. Comme je l'ai indiqué au cours d'une précédente audition consacrée à ce sujet, j'habite une vieille maison dont les murs sont très épais. Je n'ai pas de climatisation, ce qui étonne certains, mais il me suffit de fermer mes volets, mes rideaux ainsi que mes portes et la chaleur ne rentre pas. Si un DPE est réalisé sur cette maison, je ne sais pas à quel résultat il conduira et nous souhaitons que le calcul dont vous avez parlé tienne compte de ces spécificités.

Vous avez également évoqué les formations qui sont mises en place : en quoi consistent-elles ?

M. Yannick Pache. - Les matériaux utilisés dans le bâti ancien ont des propriétés inertielles dont le DPE tient compte : sa méthode de calcul retrace cet effet qui se matérialise surtout au printemps et à l'automne avec la conservation de la chaleur acquise durant la journée qui est ensuite restituée au logement. En revanche, effectivement, il faudrait mieux prendre en compte la conductivité thermique des matériaux. La pierre a cependant une conductivité thermique importante et si une forte chaleur se répète pendant plusieurs journées, l'effet inertiel ne joue plus : le DPE en tient compte, ce qui dégrade la notation du bâti considéré.

Nous avons demandé à nos collègues de la culture - qui sont sans doute en train d'y travailler - de nous lister les matériaux qu'il faudrait prendre en compte de façon plus précise dans le cadre du DPE en préfixant des valeurs par défaut différentes. Cela étant dit, il est d'ores et déjà demandé aux diagnostiqueurs immobiliers de justifier toutes les valeurs qu'ils entrent. Il est vrai que le bâti ancien soulève parfois des incertitudes, par exemple en présence de parois très épaisses, et c'est ici que nous voulons lutter pour que les diagnostiqueurs recherchent les vrais chiffres plutôt que de s'en tenir aux plus mauvais par défaut et sans justification. Je signale que deux fiches - « bien préparer mon DPE » et « comprendre mon DPE » - sont diffusées sur le site du ministère de la transition écologique. La première invite les particuliers à produire tous les documents justificatifs de la composition de la paroi. Je reconnais qu'il est difficile de se procurer la facture des pierres posées il y a 400 ans mais nous sommes en tous cas ouverts à l'idée d'aller au-delà de la bibliothèque des matériaux qui date de 1977. Nous sommes tout à fait preneurs de propositions pour améliorer encore cet outil de qualité ainsi que les valeurs par défaut attribuées à certains matériaux spécifiques mais j'avoue que nous nous baserons essentiellement sur les analyses de nos collègues de la culture pour statuer dans ce domaine.

M. Patrick Brie. - En complément, je ferai le lien entre la qualité des matériaux utilisables pour l'isolation et le rôle des CAUE. Depuis quelques années, sans qu'on ait pu encore vraiment mettre ce travail sur le chantier, nous avons constaté avec nos collègues de la culture que les statuts-types des CAUE issus de la loi du 3 janvier 1977 sur l'architecture ont été écrits à une époque où la demande sociale et technique était un peu différente. Ces statuts attribuent aux CAUE un rôle de conseil de l'ensemble des particuliers et nous estimons qu'il pourrait être intéressant de réactualiser les missions dévolues à ces organismes par les textes réglementaires pour leur donner un rôle plus explicite en réponse à la nouvelle demande d'accompagnement de la rénovation et de la trajectoire énergétique de la France. Par la même occasion, peut-être pourrions-nous également régler les petites difficultés qui subsistent entre la Fédération nationale des CAUE et l'Assemblée des départements de France (ADF). En effet, le financement de base des CAUE provient de la taxe d'aménagement. Or ces dernières années, la répartition de cette taxe a pu soulever quelques tensions entre certains CAUE et certains départements. En tous cas, refonder les statuts des CAUE pour leur donner un rôle plus explicite dans l'accompagnement de la transition énergétique pourrait être un enjeu intéressant dans les années à venir.

M. Vincent Éblé. - De façon générale, les dispositifs de servitude ont tendance à générer des situations de conflit entre les administrations chargées de faire appliquer les normes et les propriétaires qui pensent parfois avoir toute latitude pour gérer leur bien comme ils l'entendent. Dans ce contexte, le débat sur les ABF revient de façon récurrente, presque comme un « marronnier », car il y a, par nature, des tensions. La question est de savoir comment on arrive à réguler ces dernières au mieux des intérêts des uns et des autres. La problématique de la gestion des recours est à ce titre importante et, pendant longtemps, surtout en matière culturelle, beaucoup se sont plaints que l'avis de l'ABF ne soit susceptible d'aucun recours. C'est désormais possible mais les recours peuvent difficilement être de nature administrative car l'ABF dispose d'une compétence technique qu'il détient en raison de sa formation et de sa culture particulière - même s'il lui arrive de la gérer de façon, j'en conviens, parfois abrupte. Sa hiérarchie, et en particulier le préfet, ne dispose pas de compétences analogues et on ne peut guère demander au préfet de remettre en cause ce qu'a édicté un ABF. Il s'agit là d'un problème complexe.

M. Patrick Brie. - Je rejoins vos propos tout en soulignant que je préfère, comme vous, parler de tensions plutôt que de conflits. La plupart du temps, il y a effectivement une tension entre deux enjeux, sauf dans les cas où le propriétaire nous présente un projet bien pensé par rapport aux exigences de protection. Il voit alors son autorisation traverser toute la paroi administrative extrêmement rapidement et il l'obtient très vite. Ce sont les projets « borderline » qui soulèvent des difficultés et des débats tandis que les projets qui franchissent allègrement la ligne blanche se heurtent, malgré d'éventuelles actions de lobbying, à un refus certain. Pour résoudre les cas difficiles, je précise que nous essayons d'animer la collégialité dont j'ai parlé entre les inspecteurs des sites et les ABF. Par exemple, au mois de juin 2023, nous avons réuni dans un local prêté par le Museum national d'Histoire naturelle tous les inspecteurs des sites ainsi que les ABF pour discuter du croisement de nos politiques avec les autres, et en particulier avec la politique énergétique et nous avons consacré une journée entière à travailler sur la façon de traiter les projets « borderline ». Ce travail d'animation correspond un peu à l'esprit du rapport d'avril 2015 de Jean-Pierre Duport (Accélérer les projets de construction - Simplifier les procédures environnementales - Moderniser la participation du public) qui, s'agissant de la problématique des autorisations d'urbanisme, indique que la collégialité est une des pistes de solutions pour diminuer les tensions et légitimer les refus qui méritent de l'être.

Je prendrai un autre exemple, en rappelant au préalable que l'avis conforme de l'ABF pour l'installation d'antennes relais a été largement supprimé par la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique. Les antennes relais continuent à poser des problèmes importants qu'il nous appartient de gérer dans les sites classés - pour lesquels l'avis conforme de l'ABF a été maintenu - car ces équipements sont légitimes pour permettre un déploiement sécurisé des réseaux de communication. Je cite le cas, dans le département de l'Hérault, d'un préfet qui soutenait très vigoureusement l'installation d'une antenne relais dans des conditions qui nous paraissaient inacceptables du point de vue du site classé. Nous avons été conduits à opposer un refus, malgré nos échanges avec le préfet qui a finalement accepté que l'on retravaille avec l'opérateur de télécommunications. Ce dernier a bien voulu - ce qui se produit rarement - embaucher un paysagiste concepteur, à savoir une personne diplômée ayant suivi cinq ans d'études dans une des cinq écoles du paysage habilitées à délivrer ce titre. Nous l'avons fait dialoguer avec notre équipe d'inspecteurs des sites, l'ABF ainsi qu'un Paysagiste-Conseil de l'État ayant pour mission d'être proactif à l'égard des projets qui lui sont présentés. Ensemble, ces personnes ont travaillé et injecté une ingénierie complémentaire dans ce projet. La solution technique qu'ils ont trouvée a été de masquer l'antenne relais en l'installant dans une fausse cheminée sur un bâtiment historique, en imitant le style de la cheminée existante. Cette solution, bien préférable à la pose d'une antenne relais sur une falaise qui aurait porté atteinte au paysage, a été autorisée alors qu'elle n'avait pas été imaginée initialement par l'opérateur. Les tensions ont ainsi disparu.

Dès lors que les opérateurs ne sont plus confrontés à l'avis conforme de l'ABF, nous constatons que des antennes relais s'installent dans de mauvaises conditions sur l'ensemble du territoire français, même si nous parvenons à éviter de telles opérations dans les sites classés. Ce sont des dossiers récurrents qui suscitent de très fortes tensions.

Mme Marie-Pierre Monier, présidente. - Vous semblez trouver dommage d'avoir supprimé l'avis conforme de l'ABF.

M. Patrick Brie. - Tel n'est pas le mot que j'emploierai car le Parlement a voté cette disposition. Je constate simplement l'effet induit : il nous est extrêmement difficile d'imposer à un opérateur téléphonique de s'adjuger, à côté de ses techniciens parfaitement compétents en matière de radiotéléphonie, les compétences complémentaires d'un paysagiste concepteur qui lui permettrait, dès le départ, de concilier les deux objectifs.

Mme Marie-Pierre Monier, présidente. - Je vous remercie de votre disponibilité et de la précision de vos interventions.

La réunion est close à 20 h 30.

.