- Mardi 9 avril 2024
- Proposition de résolution européenne sur la proposition de règlement en ce qui concerne les normes relatives aux bonnes conditions agricoles et environnementales, les programmes pour le climat, l'environnement et le bien-être animal, la modification des plans stratégiques relevant de la PAC, le réexamen des plans stratégiques relevant de la PAC et les exemptions des contrôles et des sanctions - Désignation d'un rapporteur
- Lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales - Examen de la proposition de résolution européenne et de l'avis politique sur la proposition de règlement COM(2023) 533 final
- jeudi 11 avril 2024
- Agriculture et pêche - Réouverture de la politique agricole commune (PAC) - Examen de la proposition de résolution européenne et de l'avis politique des membres du groupe de suivi de la PAC
- Politique étrangère et de défense - Mesure d'assistance au titre de la facilité européenne pour la paix au profit de l'Arménie - Examen de la proposition de résolution européenne
- Institutions européennes - Réunion interparlementaire en format Weimar à Varsovie les 10 et 11 mars 2024 - Communication
Mardi 9 avril 2024
- Présidence de M. Jean-François Rapin, président -
La réunion est ouverte à 17 h 30.
Proposition de résolution européenne sur la proposition de règlement en ce qui concerne les normes relatives aux bonnes conditions agricoles et environnementales, les programmes pour le climat, l'environnement et le bien-être animal, la modification des plans stratégiques relevant de la PAC, le réexamen des plans stratégiques relevant de la PAC et les exemptions des contrôles et des sanctions - Désignation d'un rapporteur
La commission désigne M. Daniel Gremillet rapporteur sur la proposition de résolution européenne n° 524 (2023-2024) en application de l'article 73 quinquies du Règlement, sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant les règlements (UE) 2021-2115 et (UE) 2021-2116 en ce qui concerne les normes relatives aux bonnes conditions agricoles et environnementales, les programmes pour le climat, l'environnement et le bien-être animal, la modification des plans stratégiques relevant de la PAC, le réexamen des plans stratégiques relevant de la PAC et les exemptions des contrôles et des sanctions, présentée par MM. Jean-François Rapin, Patrick Chauvet, Pierre Cuypers, Laurent Duplomb, Daniel Gremillet, Mme Pascale Gruny, MM. Vincent Louault, Franck Menonville, Olivier Rietmann et Mme Sophie Primas.
Lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales - Examen de la proposition de résolution européenne et de l'avis politique sur la proposition de règlement COM(2023) 533 final
M. Jean-François Rapin, président. - Mes chers collègues, invité par M. le Président du Sénat à assister à son entretien avec son homologue autrichien, je vous informe que je devrai céder la présidence au cours de notre réunion.
L'ordre du jour appelle l'examen de la proposition de résolution européenne et de l'avis politique sur la proposition de règlement relative à la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales.
Il s'agit d'un texte controversé. La commission des affaires européennes de l'Assemblée nationale a adopté à l'unanimité, voilà un mois, une proposition de résolution européenne déposée par M. Fabien Di Filippo et plusieurs de ses collègues visant à abandonner ce texte.
Près de 12 milliards de factures sont éditées chaque année au sein de l'Union européenne ; or 50 % d'entre elles sont réglées tardivement. Ce règlement au-delà du délai légal pèse sur la trésorerie des entreprises.
Toutefois, sous couvert de lutter contre les retards de paiement, le texte proposé par la Commission en septembre dernier réduirait les délais de paiement pour les commerçants, ce qui n'est pas sans soulever d'autres difficultés.
Mme Amel Gacquerre, rapporteure. - En effet, quoique technique, ce texte revêt des enjeux économiques importants ; il pourrait modifier le mode de fonctionnement quotidien de l'ensemble des entreprises en bouleversant les conditions de paiement entre clients et fournisseurs.
Il revêt également des enjeux politiques et institutionnels très forts, car il nous conduit à nous interroger sur le rôle des parlements nationaux s'agissant d'une proposition de norme européenne visant à approfondir le marché intérieur. La Commission européenne préfère clairement recourir aux règlements, mais un tel recours systématique amoindrirait considérablement le rôle des parlements nationaux.
Cette proposition de règlement a été présentée par la Commission européenne le 12 septembre 2023, dans le cadre sa communication intitulée « Train de mesures de soutien aux PME ». Elle s'appuie sur l'article 114 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), en application duquel le Parlement européen et le Conseil « arrêtent les mesures relatives au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres qui ont pour objet l'établissement et le fonctionnement du marché intérieur ».
Par le passé, l'Union européenne a déjà adopté plusieurs textes pour lutter contre les retards de paiement, notamment des directives concernant la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales, en 2000 puis en 2011, ainsi que plusieurs règlements facilitant les recours en justice relatifs aux retards de paiement. La directive de 2011 concernant la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales impose, dans le silence du contrat, un délai de paiement maximal de trente jours après réception de la facture pour les transactions entre opérateurs privés. Elle prévoit toutefois que ce délai peut être porté à soixante jours par voie conventionnelle, voire davantage, « pourvu que cela ne constitue pas un abus manifeste à l'égard du créancier ». Les délais de paiement maximaux lors de la fourniture de produits agricoles et alimentaires non périssables sont fixés à soixante jours par la directive visant à lutter contre les pratiques déloyales dans le secteur agroalimentaire. S'agissant des transactions entre entreprises et pouvoirs publics, la directive de 2011 exige des États membres qu'ils fixent un délai de paiement maximal de trente jours. Les États membres ont toutefois la faculté de prolonger les délais de paiement jusqu'à un maximum de soixante jours civils pour deux catégories d'entités : les pouvoirs publics exerçant des activités économiques à caractère industriel ou commercial et les entités publiques dispensant des soins de santé.
Cette directive a été transposée de manière plus ou moins souple par les États membres, dont les approches diffèrent de manière évidente. La France a elle-même pleinement utilisé les flexibilités offertes par la directive de 2011. Le texte de référence, même s'il a été actualisé, est la loi de modernisation de l'économie de 2008, qui prévoit des délais de paiement adaptés aux réalités économiques des secteurs considérés, en fonction notamment de la saisonnalité des ventes ou de la rotation des stocks. Je ne détaille pas ici les différents délais, mais l'exposé des motifs apporte des précisions sur ce sujet.
La France est plutôt un bon élève en matière de retards de paiement. D'après les données de l'Observatoire des délais de paiement, les retards de paiement atteignaient 11,7 jours en moyenne à la fin de l'année 2022, contre 12,4 jours un an auparavant. La proportion des « grands retards », de plus de trente jours, s'élève à 6 %. La France se situe ainsi en dessous de la moyenne européenne, qui est de treize jours. La Belgique, l'Allemagne et les Pays-Bas demeurent les États les plus vertueux.
S'agissant de la sphère publique, les délais globaux de paiement se situent à quatorze jours, en baisse entre 2021 et 2022, ce qui est un résultat satisfaisant. En revanche, après plusieurs années d'amélioration régulière, les collectivités territoriales et la fonction publique hospitalière ont vu en 2022 leurs délais globaux moyens de paiement s'accroître, pour s'établir à 28,9 jours. Le système de sanctions mis en place par la France en cas de retard apparaît crédible, notamment grâce à l'action de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) du ministère de l'Économie. En 2023, 346 entreprises ont ainsi écopé d'amendes administratives à hauteur de 58 millions d'euros, sur les 766 contrôlées par la DGCCRF.
- Présidence de M. Claude Kern, vice-président -
M. Michaël Weber, rapporteur. - Naturellement, la lutte contre les retards de paiement peut toujours être renforcée. Le Gouvernement évalue à 15 milliards d'euros le montant de trésorerie correspondant aux retards de paiement. Il a récemment annoncé de nouvelles mesures, tant pour le secteur privé que pour le secteur public.
Il a ainsi fait part de son intention de doubler le montant de l'amende administrative et de recourir davantage au « name and shame », mais aussi de mettre en place, conformément à ce qui était prévu par la loi relative à la croissance et la transformation des entreprises (Pacte), une base de données sur les délais des paiements des collectivités publiques. Celle-ci devrait permettre aux entreprises de s'informer avant de répondre à un appel d'offres public. En outre, je signale qu'un rapport dont notre collègue Nadège Havet est cosignataire prévoit, d'une part, de rehausser le taux des intérêts moratoires en cas de retard de paiement des acheteurs publics, pour le porter au moins au niveau de celui qui est en vigueur entre les entreprises, et d'autre part, de faire courir les délais de paiement dès la réception de la facture. Ces deux mesures seraient d'ordre réglementaire.
Enfin, la question des retards de paiement représente un enjeu important pour nos outre-mer, comme la délégation sénatoriale aux outre-mer l'a souligné au cours des dernières années.
Jugeant le cadre européen insuffisant, la Commission européenne propose de réviser la directive de 2011 et de la transformer en un règlement comprenant vingt articles. On reviendra sur ce passage d'une directive à un règlement, car il fait l'objet de débats importants. La Commission européenne, dont nous avons auditionné les services à deux reprises, indique que la proposition de règlement vise à accroître la liquidité et la compétitivité des petites et moyennes entreprises (PME) et des très petites entreprises (TPE), en les protégeant contre des comportements abusifs. Elle viserait également à réduire la charge administrative.
Si les résultats de la directive de 2011 semblent positifs dans le secteur public, la Commission européenne estime que l'absence de délai maximal de paiement entre entreprises conduit à des retards très élevés en raison de l'abus de position de certains acteurs, en l'absence de définition européenne des clauses abusives. Les PME seraient les premières victimes de ces retards de paiement.
Pour cette raison, la Commission européenne propose de limiter strictement à trente jours les délais de paiement, en supprimant toute référence à la notion de pratiques et de clauses manifestement abusives, de même que les exceptions prévues pour les pouvoirs publics. Il n'y aurait donc plus aucune exception à ce schéma des trente jours.
Parmi les autres mesures importantes, la proposition de règlement prévoit des intérêts de retard automatiques en cas de retard de paiement et en harmonise les taux. Elle prévoit également l'établissement d'une indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement, automatiquement due par le débiteur au créancier. Elle vise par ailleurs à favoriser le transfert des paiements en aval de la chaîne d'approvisionnement dans les contrats de travaux publics, en exigeant du contractant principal qu'il prouve que ses sous-traitants directs ont été payés. Cette disposition nous paraît toutefois moins efficace que le droit actuel français, qui prévoit un mécanisme de paiement direct des sous-traitants.
La proposition de règlement prévoit également la mise en place d'autorités nationales de contrôle de l'application du cadre européen de lutte contre les retards de paiement, ce qui vise à le rendre beaucoup plus efficace. Elle encourage en outre le recours volontaire à des mécanismes de règlement extrajudiciaires des litiges, favorise l'utilisation d'outils numériques et promeut des outils de gestion de crédit ainsi que la formation à la culture financière pour les petites et moyennes entreprises.
Le secrétariat général des affaires européennes (SGAE) et la DGCCRF nous ont déclaré partager les critiques formulées à l'encontre de la mise en oeuvre de la directive de 2011, tout en relevant que la France était certainement l'un des États membres les plus ouverts à la réforme proposée par la Commission européenne.
De fait, les négociations ont débuté au Conseil de manière laborieuse, la proposition de la Commission faisant l'objet de nombreuses critiques de la part des États membres, qui n'en étaient pas demandeurs. Au regard des divergences d'approche, l'adoption d'une orientation générale sous la présidence belge du Conseil paraît ainsi peu probable.
De son côté, le Parlement européen examinera la proposition de règlement en séance plénière à l'occasion de la dernière session d'avril, à partir de la position arrêtée par sa commission du marché intérieur et de la protection des consommateurs le 20 mars 2024. Celle-ci propose d'introduire certaines flexibilités dans le texte proposé par la Commission européenne.
En tout état de cause, même si le Parlement européen adoptait sa position fin avril, aucun texte définitif ne pourrait, de fait, être adopté sous l'actuelle législature.
Mme Amel Gacquerre, rapporteure. - Au regard des auditions que nous avons menées et des interpellations que nous avons reçues, nous avons souhaité mettre en évidence quatre points dans la proposition de résolution européenne que nous vous proposons.
Premièrement, nous nous montrons critiques sur la méthodologie retenue par la Commission européenne pour élaborer ce texte.
La Commission européenne se targue d'avoir mené plusieurs activités de consultation des parties prenantes. Pourtant, elle fait face depuis la présentation du texte à de nombreuses critiques, qui émanent à la fois des États membres et des parties prenantes.
Les personnes que nous avons auditionnées lors d'un déplacement à Bruxelles se sont accordées sur un point : la Commission n'aurait pas eu de remontées faisant état de difficultés sectorielles dans le cadre de sa consultation publique. Ainsi, SMEunited, la fédération qui représente les PME à Bruxelles, nous a indiqué que cette situation tenait probablement au fait que les parties prenantes n'avaient pas compris les intentions de la Commission. En outre, de nombreux acteurs au niveau national nous ont fait observer qu'ils n'avaient pas été consultés.
Au minimum, cette incompréhension des parties prenantes à l'égard des intentions de la Commission témoigne d'un défaut de communication et, probablement, d'une faille méthodologique dont la Commission doit tenir compte à l'avenir, afin de permettre la mise en oeuvre correcte de l'accord interinstitutionnel intitulé « Mieux légiférer » du 13 avril 2016.
Le deuxième point a un caractère plus institutionnel, voire politique, et concerne le recours à un règlement plutôt qu'à une directive.
Selon la Commission européenne, « pour faciliter un paiement rapide, il faut des règles strictes et coordonnées. La mise en oeuvre de vingt-sept solutions nationales entraînerait probablement un manque de règles uniformes, une fragmentation du marché unique et des coûts plus élevés pour les entreprises exerçant des activités transfrontières ». Elle souligne ainsi qu'« un règlement présente de nombreux avantages, notamment en s'attaquant à l'aspect transfrontière du retard de paiement. Avec un règlement, les aspects essentiels, tels que le délai maximal pour le paiement et pour les procédures de vérification, le taux d'intérêt pour retard de paiement et le montant de l'indemnité forfaitaire, seront les mêmes dans l'ensemble de l'Union européenne et directement applicables. Dans le même temps, les États membres seront autorisés à adopter des dispositions plus strictes sur certains aspects ».
De son côté, la rapporteure du texte au Parlement européen, souligne que « le passage d'une directive à un règlement sur les retards de paiement est essentiel pour préserver le dynamisme économique des PME et, par extension, le marché unique européen ».
Cette analyse n'est pas partagée par une majorité d'États membres, seize d'entre eux ayant indiqué, lors du Conseil compétitivité du 7 mars 2024, qu'ils souhaitaient le maintien d'une directive. S'agissant des autorités françaises, le SGAE et la DGCCRF n'ont pas critiqué le choix de recourir à un règlement.
D'après nos auditions, les milieux économiques n'espéraient pas spécialement le recours à un règlement plutôt qu'à une directive, mais ils s'en satisfont désormais, considérant, d'une part, que l'application uniforme et immédiate au sein du marché unique est effectivement un gage de simplicité pour les entreprises et, d'autre part, que revenir sur ce parti pris pour élaborer une nouvelle directive risquerait de retarder l'amélioration visée de plusieurs années, le temps que la Commission élabore une nouvelle proposition de texte. C'est en tout cas le discours qui nous a été tenu à Bruxelles par SMEunited.
En revanche, à Paris, la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) nous a indiqué qu'elle avait manifesté auprès de la Commission son opposition au recours à un règlement et qu'elle craignait le manque de flexibilité d'un tel instrument juridique, notamment pour prendre en compte certaines spécificités nationales.
La Commission européenne considère que les critiques formulées à l'encontre du choix de recourir à un règlement masquent en réalité des critiques sur l'objet même de la réforme.
De notre point de vue, cette approche présente un biais manifeste et traduit une vision excessivement négative des directives, qui ne permettraient pas un approfondissement suffisant du marché intérieur, du fait de la relative liberté qu'elles laissent aux États membres dans le choix des moyens permettant d'atteindre les buts qu'elles fixent, à l'occasion de leur transposition en droit national. Cela reviendrait en réalité à disqualifier, par nature, les directives par rapport aux règlements, et à amoindrir l'implication des parlements nationaux dans le processus d'élaboration de la norme européenne.
De fait, une directive, qui doit donner lieu à une loi de transposition dans chaque État membre, est plus protectrice des parlements nationaux. Il nous semble qu'elle permettrait aussi d'apporter les flexibilités nécessaires, qu'un règlement ne serait pas à même de garantir.
Au regard des critiques formulées par les États membres et les parties prenantes, mais aussi des failles méthodologiques constatées dans la préparation de ce texte, nous appelons donc la Commission européenne à proposer une directive, plutôt qu'un règlement, à tout le moins concernant les délais de paiement.
M. Michaël Weber, rapporteur. - Les deux autres points que nous mettons en avant concernent le fond des mesures proposées, singulièrement la réduction à trente jours, uniforme et sans aucune exception, des délais de paiement.
La Commission européenne affirme que le règlement proposé simplifiera les choses en fixant des contraintes uniformes pour lutter contre les retards de paiement, applicables aux entreprises de toutes tailles, et qu'elle bénéficiera en priorité aux PME.
Cette vision de la Commission paraît totalement erronée au regard des observations que nous ont transmises de nombreux secteurs économiques. Tous dénoncent la confusion opérée entre délais de paiement et retards de paiement. La Commission ignore totalement la réalité économique des marchés ainsi que les enjeux liés à l'accroissement du besoin de trésorerie des entreprises qui résulterait d'une telle mesure. Nous avons également été alertés sur les risques de délocalisation de la production dans des pays où les délais de paiement sont plus longs, de délocalisation des centrales d'achat et de concurrence déloyale avec les plateformes asiatiques qui ne portent pas les stocks. De son côté, la CPME souligne que « le passage du délai de paiement à trente jours pour toutes les entreprises, tous les secteurs et dans toutes les situations, sans jamais pouvoir y déroger, ignore la réalité économique des entreprises et contrevient au principe de liberté contractuelle ». Elle estime même que les PME seraient les entreprises les plus fragilisées par la proposition de règlement, à rebours de l'objectif de la Commission européenne.
Nous vous proposons donc une analyse très critique du dispositif, en regrettant que l'approche retenue ignore les enjeux liés à la saisonnalité ou à la rotation longue de certains produits, tels ceux qui sont liés à des filières spécifiques au regard d'objectifs de politiques publiques, comme les secteurs du livre ou de la santé, ainsi que les enjeux territoriaux, en particulier pour les outre-mer. Une telle proposition nous paraît également porter une atteinte excessive à la liberté contractuelle.
Nous relevons l'effet potentiel de cette mesure sur la logistique d'approvisionnement et, en particulier, sur la croissance du transport de marchandises qu'elle induirait. Or cela pourrait avoir un impact écologique négatif, insuffisamment évalué à ce stade. Il en va de même s'agissant des conséquences néfastes que pourrait avoir une telle mesure sur l'emploi, sur l'offre de produits mis à la disposition des consommateurs, et sur l'évolution des prix à la consommation. En outre, certaines mesures envisagées, comme la suppression des dérogations prévues en faveur des pouvoirs publics dans certains cas de figure, la détermination du point de départ du délai de paiement ou encore l'effectivité des pénalités de retard applicables de plein droit, nous paraissent devoir faire l'objet d'évaluations complémentaires.
S'agissant du paiement des sous-traitants dans le cadre de marchés publics, nous considérons qu'il conviendrait, au minimum, de prendre en compte la possibilité de paiement direct des sous-traitants, qui existe aujourd'hui en France et qui a fait la preuve de son efficacité.
Pour ces différentes raisons, il nous semble clair que la proposition de réduction uniforme et absolue des délais de paiement est inacceptable en l'état. La Commission européenne elle-même semble s'en être rendu compte, le commissaire Thierry Breton ayant évoqué, lors du Conseil compétitivité du 7 mars 2024, la possibilité de tenir de compte de certaines spécificités sectorielles, comme les rotations longues ou la saisonnalité, ou encore du financement du secteur de la santé. La commission du marché intérieur et de la protection des consommateurs du Parlement européen a également proposé des évolutions allant dans le sens d'une plus grande flexibilité, ce qui apparaît absolument indispensable.
Enfin, nous évoquons la possible création d'une autorité nationale de contrôle.
Afin de renforcer la crédibilité du cadre européen de lutte contre les retards de paiement, la Commission européenne propose la désignation d'autorités nationales compétentes, dotées d'un pouvoir de sanction, à l'instar, en France, de la DGCCRF. Cette idée paraît aller dans le bon sens. Néanmoins, les approches nationales sont très diverses et il nous semble important de clarifier le rôle et les compétences envisagés pour cette autorité nationale par rapport aux compétences des juridictions. En aucun cas, le système qui pourrait être retenu ne doit fragiliser les mécanismes mis en place par la France, qui ont le mérite de bien fonctionner.
Nous considérons que ce volet du texte pourrait demeurer dans une proposition de règlement ou bien être inclus dans une proposition de directive.
Voilà en quelques mots les éléments que nous souhaitions vous présenter. En l'état, la proposition législative de la Commission constituerait une véritable révolution pour le tissu économique et priverait les parlements nationaux de toute marge de manoeuvre, dans un domaine de politique publique pourtant extrêmement sensible pour nos territoires !
M. Claude Kern, président. - Je remercie les deux rapporteurs de leur excellent travail.
Mme Christine Lavarde. - J'aimerais soulever une difficulté, que j'ai pu rencontrer dans ma commune : les pénalités de retard obéissent souvent à un forfait qui ne tient pas compte du montant initial de la facture. Or les chambres régionales des comptes contrôlent les factures non payées des collectivités locales inscrites dans le logiciel dédié, en appliquant une règle simple : la pénalité correspondant à tant de jours, l'amende sera de tant d'euros. Il arrive que les indemnités dépassent le montant de la facture, c'est ridicule ! Il ne nous est pas possible de modifier les dispositions en vigueur car elles relèvent du droit européen. Le nouveau texte est-il de nature à remédier à ce problème ?
La deuxième difficulté est liée à la méconnaissance de la différence entre les délais et les retards de paiement.
Aujourd'hui, toutes les procédures sont dématérialisées, si bien que l'envoi de la facture est automatique. Pour autant, les collectivités territoriales doivent parfois apporter des corrections, car il arrive que les entreprises envoient des factures erronées. Les collectivités territoriales ne peuvent donc pas les payer immédiatement. Or le délai court non pas à partir du moment où les deux parties sont d'accord, mais à partir du premier enregistrement. Les interactions entre les parties n'apparaissent pas dans les logiciels. Aussi les collectivités territoriales versent-elles des pénalités de retard, alors que les entreprises ont été payées par les collectivités territoriales deux jours après que la facture éditée a été rectifiée définitivement.
Ce dysfonctionnement doit être géré avec les éditeurs de logiciel. Il est aberrant que le montant des pénalités soit fixe et décorrélé de la facture initiale. L'esprit de ce texte est d'éviter de mettre en difficulté la trésorerie des petites entreprises, mais trois petits euros mettront-ils en péril quelque petite entreprise ? Le dispositif doit être incitatif ; l'amende pourrait être progressive.
Mme Amel Gacquerre, rapporteure. - La Commission européenne fait une confusion en traitant par une règle sur les délais de paiement le sujet du retard de paiement. Ce n'est pas en imposant un délai précis de paiement qu'on mettra fin aux retards de paiement, et la Commission européenne l'a reconnu à demi-mot lors de notre deuxième audition.
M. Michaël Weber, rapporteur. - Il est proposé dans le texte que le montant des pénalités soit plus sévère ; on ne revient pas sur les modalités pratiques déjà en vigueur. Il est proposé d'instaurer un montant de 50 euros par transaction, auquel il faut ajouter des intérêts, et le principe de non-renonciation, selon lequel l'entreprise bénéficiant de ces intérêts ne peut pas renoncer à leur versement. Le système proposé est donc plus sévère que celui qui est en vigueur.
Néanmoins, un tel système soulève des difficultés, notamment pour les collectivités territoriales. Or, soulignons-le, la France est l'un des pays vertueux en matière de retard de paiement des collectivités territoriales, car le droit de la commande publique permet de payer directement les sous-traitants. Dans d'autres pays, ce droit est plus contraignant.
M. Didier Marie. - Règlement ou directive ? Cette question revient régulièrement, car le règlement ôte aux parlements nationaux la possibilité d'adapter la norme européenne.
Or sur un tel sujet, c'est ennuyeux ! L'exemple des collectivités territoriales en témoigne. La situation de la France n'est pas la même que celle d'autres pays européens. Laissons un peu de marge de manoeuvre aux États !
L'approche systémique, extrêmement rigide, me laisse dubitatif : on ne peut pas mettre tout le monde dans le même moule. Entre une très petite entreprise et une multinationale, il existe tout un panel de situations différentes ; et même parmi les PME, il existe différents cas de figure !
Une entreprise peut se plaindre auprès d'une entité administrative de ne pas être payée dans les délais ; en France, la DGCCRF procède - assez peu - à des contrôles. Selon quelles modalités la Commission européenne envisage-t-elle la possibilité de recours ?
Mme Amel Gacquerre, rapporteure. - Mon cher collègue, je suis d'accord avec vous sur l'insatisfaction qui s'attache au recours à un règlement, qui a été démontré par l'illustration des différences de pratiques entre les pays du Nord et du Sud.
La Commission a proposé de désigner des autorités de contrôle nationales compétentes, mais nous ne savons pas comment cela va être mis en place.
M. Didier Marie. - La DGCCRF effectue 700 contrôles par an, c'est peu !
M. Michaël Weber, rapporteur. - Pour illustrer le besoin d'adaptation à l'échelle des États, je prendrai l'exemple de la spécificité des outre-mer, qui n'a pas été évoquée. Cela plaide en faveur d'une directive, laquelle permettrait l'adaptation du droit européen aux spécificités nationales.
La DGCCRF n'a pas les moyens de contrôler : 700 contrôles, ce n'est effectivement pas grand-chose. Mais les États fédéraux sont plutôt inquiets d'une autorité de contrôle nationale. Les modalités de contrôle, notamment en Allemagne, sont différentes, car elles sont à l'échelle des Länder ; en France, État modèle, il y a une direction nationale, même si ses moyens sont réduits chaque année...
Mme Marta de Cidrac. - Est-ce que les indépendants, à l'instar des cabinets d'architecte, sont concernés par ce texte ? Un retard de paiement peut entraîner la fermeture de leur structure.
Mme Amel Gacquerre, rapporteure. - Oui, ces professions fragiles sont intégrées, comme toutes les entreprises ayant une activité commerciale. La portée de ce texte est forte et dangereuse pour le tissu économique.
M. Michaël Weber, rapporteur. - S'agissant des collectivités territoriales, je rappelle qu'une base de données doit être mise en place par le Gouvernement. Les collectivités territoriales qui auraient des retards de paiement structurels y seraient mentionnées. Une entreprise répondant à un appel d'offres serait ainsi avertie de la situation des différentes collectivités territoriales en matière de retards de paiement.
M. Didier Marie. - Il ne faut pas que les critiques émises suffisent à disqualifier une collectivité territoriale.
M. Michaël Weber, rapporteur. - À la différence de nos collègues de l'Assemblée nationale, nous reconnaissons qu'il y a un sujet concernant les retards de paiement et que des améliorations sont nécessaires. Toutefois, les spécificités françaises, la non-prise en compte de certaines filières, la confusion entre délais et retards de paiement, le manque de flexibilité nous laissent penser qu'il n'est pas justifié d'être arc-bouté sur certaines positions, même si nous pensons qu'une évolution est nécessaire.
Mme Amel Gacquerre, rapporteure. - Je rappelle que cette proposition de règlement n'est pas une demande des États membres, mais cela n'enlève rien à l'importance du sujet qu'elle aborde.
Mme Christine Lavarde. - Je suggère de modifier la rédaction du texte pour prendre en compte la difficulté liée à la rigidité du montant de l'amende, que j'ai soulignée.
Ne pourrait-on pas ajouter, après : « Affirme en conséquence que cette proposition de réduction uniforme sans aucune flexibilité des délais de paiement ne peut pas être acceptée en l'état ; » la proposition suivante : « juge souhaitable que les États membres puissent moduler le montant de l'indemnité pour les frais de recouvrement, lorsque des intérêts de retard sont exigibles, en fonction du montant de la transaction commerciale ; » ?
Mme Amel Gacquerre, rapporteure. - Je n'y vois pas d'inconvénient ; nous préférons une directive à un règlement, ce qui permettra une transposition nationale.
Mme Christine Lavarde. - Oui, mais s'agissant d'un texte plus ancien, nous ne pourrons pas le modifier.
Mme Amel Gacquerre, rapporteure. - Elle serait déjà modifiée dans ce règlement.
M. Michaël Weber, rapporteur. - Ma chère collègue, il est plus pertinent d'insérer votre proposition après le paragraphe commençant par la phrase : « Appelle par ailleurs à mener des expertises complémentaires [...] ».
Mme Amel Gacquerre, rapporteure. - L'enjeu est de bien écrire qu'il faut examiner la question du montant des pénalités de retard.
Mme Christine Lavarde. - Oui, car dans le texte actuel, un montant unique s'appliquerait à tout le monde de façon uniforme, quelle que soit la nature du retard de paiement.
Il en est ainsi décidé.
La commission adopte, à l'unanimité, la proposition de résolution européenne ainsi modifiée, disponible en ligne sur le site du Sénat, ainsi que l' avis politique qui en reprend les termes et qui sera adressé à la Commission européenne.
La réunion est close à 18 h 20.
jeudi 11 avril 2024
- Présidence de M. Jean-François Rapin, président -
La réunion est ouverte à 09 h 05
Agriculture et pêche - Réouverture de la politique agricole commune (PAC) - Examen de la proposition de résolution européenne et de l'avis politique des membres du groupe de suivi de la PAC
M. Jean-François Rapin, président. - Chers collègues, notre commission a ce matin un ordre du jour très chargé, en raison de la prochaine suspension des travaux des institutions européennes et de la suspension ce soir de nos propres travaux pendant deux semaines, puis du calendrier défavorable des deux semaines suivantes, comprenant chacune un jour férié le mercredi.
Nous allons commencer par examiner deux propositions de résolution européenne (PPRE).
La première a été déposée hier par des membres du groupe de suivi de la politique agricole commune (PAC), qui est conjoint à notre commission et à la commission des affaires économiques. Ce groupe de suivi, tout récemment reconstitué à mon initiative, a dû travailler en un temps express pour analyser la réforme de la PAC que vient de proposer en mars la Commission européenne, en réponse à la crise agricole. Il est parvenu à élaborer une position sur cette réforme, que nous réclamions depuis si longtemps et qui doit être adoptée sans délai à Bruxelles, avant que les institutions ne suspendent leurs travaux à cause des élections européennes. Il n'est pas possible en effet d'attendre l'automne pour finaliser la réforme de la PAC : les agriculteurs ne le supporteraient pas. Je remercie Daniel Gremillet d'avoir bien voulu rapporter en un temps record sur cette PPRE, qu'il a contribué à rédiger au sein du groupe de suivi de la PAC. Je lui donne tout de suite lui la parole.
M. Daniel Gremillet. - Merci Monsieur le Président, mes chers collègues, la Commission européenne a en effet présenté, le 15 mars dernier, une proposition législative destinée à modifier deux règlements de la PAC issus de la dernière réforme, afin d'assouplir notamment certaines règles de la conditionnalité. En raison des élections européennes, l'examen de cette proposition s'inscrit dans un calendrier très contraint, comme l'a rappelé le Président Rapin à l'instant, puisqu'après avoir été adopté par le Conseil lors d'une réunion le 26 mars dernier, le texte devrait être soumis au vote du Parlement européen le 25 avril.
En dépit de ces délais très courts, le groupe de suivi sur la PAC s'est donné pour objectif de produire avant la suspension des travaux parlementaires une proposition de résolution européenne afin de réagir en temps utile aux ajustements règlementaires proposés par la Commission. Nous nous sommes donc réunis mardi après-midi dans l'optique d'élaborer un texte commun - et nous y sommes parvenus, à l'issue d'échanges constructifs entre tous les membres du groupe.
Avant de vous présenter succinctement le résultat de nos travaux, je souhaiterais rappeler quelques éléments sur la nouvelle PAC 2023-2027. Tout d'abord, sa première année d'application a confirmé toutes nos craintes : les modalités de mise en oeuvre de cette PAC sont extrêmement complexes, ce qui se traduit par une multiplication des formalités administratives à remplir pour nos agriculteurs. Cette complexité tient, d'une part, à la mise en oeuvre d'une conditionnalité environnementale renforcée, et, d'autre part, à la renationalisation de cette politique au titre de la subsidiarité. Or, dès 2017, le Sénat avait identifié cet écueil ! À plusieurs reprises, nous avons, par le biais de résolutions européennes, mis en garde le Gouvernement contre la charge administrative accrue qui découlerait de la réforme de la PAC. Nous n'avons pas été entendus, et nos agriculteurs ont été submergés de nouvelles normes à mettre en place à très brève échéance, sous peine de sanctions, et sans bénéficier de financements supplémentaires.
Ensuite, les effets de cette réforme ont été considérablement amplifiés par le « Pacte vert » et sa déclinaison sur le volet agricole, la stratégie « De la ferme à la fourchette ». Plusieurs études ont en effet montré que la mise en oeuvre de cette stratégie faisait courir le risque d'une diminution de la production agricole européenne dans des proportions allant de 10 % à 20 % à horizon 2030, en raison de la chute attendue des rendements et de la réduction des surfaces cultivées et du volume des récoltes. Si certaines des règles nouvellement instaurées dans le cadre de la PAC semblaient, dès le départ, peu à même de soutenir la production agricole, le Pacte vert promeut ouvertement une trajectoire décroissante. Une fois de plus, nous avons alerté le Gouvernement, en faisant notamment valoir que toute diminution de la production européenne serait inéluctablement compensée à due concurrence par des importations de substitution extra-européennes. Une fois de plus, nous n'avons pas été entendus ; non seulement la Commission s'est obstinée à décliner sa stratégie, en élaborant de nouvelles réglementations à un rythme effréné, mais en plus le Gouvernement français l'a explicitement soutenue dans cette démarche !
Enfin, et c'est mon troisième point, ces politiques européennes - je veux parler de la PAC et du Pacte Vert - ont été conçues avant l'agression russe de l'Ukraine. Or, et nous avons déjà eu l'occasion d'en discuter au sein de cette commission, ce conflit implique de toute évidence un changement de paradigme, ne serait-ce qu'au regard de la menace qu'il représente pour la sécurité alimentaire mondiale. Le Sénat a, une fois de plus, tiré la sonnette d'alarme dans une résolution européenne du 6 mai 2022 : nous avons pointé la nécessité de répondre à la demande alimentaire mondiale et de remettre au premier plan les objectifs de souveraineté alimentaire et d'autonomie stratégique pour l'Union européenne, à l'heure où nos dépendances éclataient au grand jour. À nouveau, nous n'avons pas été entendus, et nos agriculteurs en ont payé le prix, tant et si bien qu'ils ont fini par laisser exploser leur colère et leurs inquiétudes légitimes.
La PPRE que nous avons élaborée revient sur ces différents points, pour rappeler les positions défendues contre vents et marées par le Sénat français au cours des dernières années. Permettez-moi d'insister sur ce point : il a fallu un certain courage à notre assemblée pour tenir cette ligne politique, que peu d'autorités partageaient et soutenaient alors. Nous regrettons donc explicitement, dans la PPRE, que le Gouvernement et la Commission aient fait la sourde oreille, ignorant les avertissements qui leur étaient adressés jusqu'à l'explosion de la crise actuelle. Nous pointons du doigt la responsabilité des autorités européennes dans l'irruption de cette crise, en rappelant que le Pacte vert a été initié de manière très unilatérale, sans que le monde agricole soit réellement associé à la démarche ; la Commission a cru pouvoir se dispenser de débat sur la logique de décroissance inhérente au « Pacte vert », ainsi que sur les conséquences économiques et sociales de sa mise en oeuvre. Le lancement aujourd'hui d'un dialogue stratégique sur l'avenir de l'agriculture européenne a vocation à réparer cette faute originelle, pour enfin permettre de construire une vision concertée des ambitions agricoles de l'Union - mais cette initiative est bien tardive, et nous le soulignons.
S'agissant plus spécifiquement des ajustements proposés par la Commission, nous soutenons bien évidemment la réouverture des règlements relatifs à la PAC : une telle démarche était indispensable pour garantir une simplification des modalités de mise en oeuvre de cette politique. Nous estimons que les dérogations accordées au respect de la conditionnalité ainsi que l'allègement de certaines exigences - je pense notamment à la suppression de l'obligation de mettre une part minimale des terres en jachère - permettront d'assouplir la gestion des exploitations, ce qui constitue évidemment une bonne nouvelle pour nos agriculteurs.
S'il y a donc lieu de soutenir les évolutions prévues par la Commission, nous sommes d'avis que cette proposition législative ne constitue qu'un premier pas, qui doit impérativement être suivi d'autres initiatives du même ordre et ce, pour plusieurs raisons.
Tout d'abord, et cela nous a été confirmé lors de l'audition jeudi dernier de notre Représentation permanente à Bruxelles, certaines des pistes d'amélioration identifiées et défendues par notre pays n'ont pas été reprises par la Commission. Nous demandons donc que les Bonnes conditions agricoles et environnementales (BCAE) 2 et 4 fassent l'objet d'un réaménagement, et nous plaidons en faveur d'un relèvement du seuil des aides de minimis. Ce dernier point nous paraît crucial pour permettre aux États membres de répondre de manière plus efficace aux crises actuelles et à venir car il ne leur sert à rien de promettre des aides si les agriculteurs sont interdits de les percevoir dès lors qu'elles dépassent ce seuil.
Nous relevons également que la proposition de règlement confère davantage de souplesse aux États membres dans l'élaboration des normes environnementales : nous invitons donc le Gouvernement à se saisir de l'ensemble des possibilités octroyées par la Commission européenne et à ne pas faire de zèle dans la transposition des obligations européennes, au risque d'aggraver les distorsions de concurrence intra-européennes dont souffre notre agriculture française !
En tout état de cause, des progrès substantiels doivent encore être faits pour permettre aux agriculteurs de faire face aux aléas climatiques et aux situations de force majeure sans crainte de sanction, et nous le rappelons. Il nous semble également fondamental de reconnaître un « droit à l'erreur » aux agriculteurs et de réduire l'incertitude liée aux contrôles, durement vécue par l'ensemble des agriculteurs. Sur ce point, nous estimons qu'il serait opportun d'étudier la mise en place d'un contrôle unique des exploitations agricoles par l'administration.
Notre PPRE aurait pu se limiter à la réforme de la PAC stricto sensu, mais nous avons choisi d'aborder d'autres points sensibles, dont les autorités nationales et européennes doivent impérativement se saisir dans les semaines à venir.
Nous mentionnons, en premier lieu, la lutte contre les pratiques commerciales déloyales, en mettant en exergue la nécessité de lutter plus efficacement contre les contournements des législations nationales sur l'encadrement des négociations commerciales par la localisation de centrales d'achat sur le territoire d'autres États membres. La Commission s'est engagée à évaluer à brève échéance puis à réviser la directive sur les pratiques commerciales déloyales ; nous saluons cette démarche et suivrons attentivement ces travaux.
Nous abordons ensuite la question de la rémunération de nos agriculteurs, en faisant valoir la nécessité de garantir un revenu décent pour tous les acteurs de la chaîne d'approvisionnement alimentaire, et par conséquent de renforcer le pouvoir de négociation des producteurs agricoles.
Nous évoquons, enfin, la politique commerciale de l'Union européenne, en plaidant pour un abaissement des limites maximales de résidus de produits phytosanitaires tolérés dans les produits importés et en appelant à renforcer les contrôles des importations agricoles en provenance de pays tiers. Nous rappelons également, comme nous l'avons déjà fait dans nos résolutions passées, notre attachement aux principes de réciprocité et d'équité dans les échanges internationaux.
Nous avons souhaité ajouter une mention spécifique concernant les importations ukrainiennes ; il s'agit d'un sujet d'actualité, puisqu'un accord a été trouvé avant-hier au niveau du Conseil s'agissant du règlement sur la libéralisation des échanges avec l'Ukraine. Si le Conseil et le Parlement européen sont convenus d'inclure des mesures de sauvegarde, et de retoucher la période de référence utilisée pour calculer le seuil de déclenchement de ces mesures, plusieurs céréales ukrainiennes ne sont pas incluses dans ce mécanisme. Nous estimons qu'il faut maintenir la pression à ce sujet.
Notre PPRE s'achève enfin par un alinéa prospectif : nous rappelons l'imminence du lancement des travaux préparatoires à l'élaboration de la PAC 2028-2034 et appelons, dans ce contexte, à tirer les enseignements de la crise actuelle, pour concevoir une politique agricole commune simple, lisible et clairement orientée vers le renforcement de la souveraineté agricole et alimentaire de l'Union européenne.
M. Jean-François Rapin, président. - Merci, le temps était en effet contraint en raison du calendrier européen et il nous faut en l'occurrence agir très vite.
M. Didier Marie. - Je crois qu'il faut insister sur un point : nous examinons cette PPRE dans la précipitation du fait d'un texte européen lui-même adopté dans des délais très courts. Nous examinons cette proposition de résolution seulement une semaine après la reconstitution du groupe de suivi PAC. Nous n'avons pu réaliser qu'une seule audition, celle de notre Représentation permanente à Bruxelles, et n'avons pas pu entendre les acteurs du monde agricole ayant contesté la nouvelle orientation de la politique agricole commune. Ce contexte n'est pas satisfaisant.
Je suis par ailleurs intrigué par notre calendrier. La proposition de résolution que nous allons adopter n'aura de portée juridique que dans un délai d'un mois, à savoir le 10 mai. Or, le Conseil « Agriculture et pêche » se tiendra le 29 avril. Nous pouvons faire deux lectures de cette situation Premièrement, nous sommes contraints d'anticiper au regard de la suspension parlementaire, mais nous reviendrons sur la question après le 10 mai, si l'un des groupes de notre assemblée demande l'inscription de cette PPRE à l'ordre du jour en séance publique. Deuxième option, cette PPRE est une communication politique destinée à montrer aux agriculteurs que la majorité sénatoriale a entendu leurs revendications et tente d'y répondre. Je souhaite présenter, au nom de mon groupe, un certain nombre d'amendements pour revenir sur le fond et exprimer nos désaccords avec l'orientation de la PPRE.
M. Jean-François Rapin, président. - Je me permets de répondre en tant que président de la Commission sur l'organisation du travail. Concernant la brièveté du délai écoulé entre l'installation du groupe de suivi PAC et le dépôt de la PPRE, je rappelle que le groupe de suivi n'a naturellement pu être constitué qu'après plusieurs échanges avec la commission des affaires économiques afin de désigner les membres des deux commissions et de s'accorder sur sa présidence. Quant au calendrier européen, nous ne le maîtrisons pas, et sommes contraints de nous y adapter. Même en s'efforçant d'anticiper les sujets législatifs, notre commission n'a pas la main sur les délais internes de procédure d'adoption des PPRE, tels que fixés par le Règlement du Sénat, qui laisse un mois à la commission permanente au fond pour se prononcer si elle le souhaite sur la PPRE qui lui est renvoyée après adoption par notre commission. Nous n'avions donc pas de solution évidente. Une solution aurait pu être que la commission des affaires économiques, compétente sur le fond, délibère juste après notre commission pour adopter la PPRE. Ce scénario n'a malheureusement pas pu être retenu, étant donné que nous sommes à quelques jours de la suspension de nos travaux. Nous devrons donc attendre un mois pour que notre PPRE devienne définitivement résolution du Sénat. Il reste loisible aux groupes politiques qui le souhaiteraient de demander son examen en séance, mais nous ferons toujours face à cette même configuration calendaire défavorable.
S'agissant de la visée de cette PPRE, il s'agit en effet d'envoyer un message en direction de nos agriculteurs, et je l'assume pleinement. Nous sortons d'une crise agricole violente, qui n'est pas terminée. Un nombre important de revendications demeure. On ne peut reprocher aux élus de mon groupe de ne pas avoir fait preuve de constance sur ces sujets agricoles au cours des dernières années. Je rends notamment hommage à notre collègue Sophie Primas, alors présidente de la commission des affaires économiques, avec laquelle nous avons travaillé conjointement pour élaborer et faire adopter un nombre conséquent de PPRE pour alerter sur la catastrophe qui s'annonçait. Or, nous n'avons pas été entendus. Vous défendez votre ligne politique, comme nous défendons la nôtre, c'est la règle du débat politique.
M. Pierre Cuypers. - J'aimerais remercier le rapporteur pour son investissement sans faille, qui l'a conduit à retravailler la PPRE en un temps record, pour intégrer les différentes modifications dont nous avons débattu lors de la dernière réunion du groupe de suivi PAC. Concernant l'accord concernant les importations agricoles d'Ukraine, vous avez mentionné les céréales. L'importation massive de sucre est également un sujet majeur, puisque les volumes importés sont passés de 20 000 tonnes annuelles avant le conflit à 700 000 tonnes en 2023. D'après mes contacts en Ukraine, ce pays est heureux d'avoir trouvé un tel marché pour ses exportations et envisage d'exporter 30 % de sucre de betterave supplémentaires. Cela aurait pour conséquence la fermeture de nombreuses usines françaises.
M. Daniel Gremillet. - La PPRE ne mentionne pas le sucre car ce produit est couvert par le mécanisme d'urgence prévu dans l'accord avec l'Ukraine.
M. Jacques Fernique. - Contrairement au texte proposé aujourd'hui, le groupe écologiste ne se réjouit pas de la révision de la PAC. Nous déplorons que dans un contexte de fortes tensions agricoles, la Commission privilégie des réponses de court terme, au détriment de la transition bas carbone et des résultats de trois ans d'inclusion d'un volet environnemental dans la PAC. On parle de simplification administrative mais, en réalité, il s'agit d'un détricotage : on sape les objectifs du Pacte vert. Il ne faut pas perdre de vue que l'agriculture est le deuxième secteur le plus émetteur de carbone en France. Si nous voulons atteindre nos objectifs en termes d'émissions de gaz à effet de serre à l'horizon 2030, nous devons réduire de 22 % ces émissions agricoles par rapport à 2015. Pour atteindre les objectifs à l'horizon 2050, une trajectoire encore plus accentuée serait nécessaire. Le Haut conseil pour le climat a publié une communication explicite et claire à ce sujet en janvier dernier.
Les agriculteurs n'ont pas à payer le prix de cette transition nécessaire. Il est difficile d'entendre dire qu'il faut changer de pratiques ; il est donc nécessaire de mettre en place un accompagnement solide à destination des agriculteurs. Les autorités doivent les soutenir en leur garantissant un revenu digne et une retraite décente, en facilitant l'accès au foncier, en s'efforçant de freiner la baisse des prix de production et en les protégeant de la concurrence mondialisée qui résulte des accords internationaux. Cette résolution n'incite pas à faire tout ceci : elle repousse des mesures nécessaires à demain, si ce n'est à jamais.
L'alinéa 34 est éloquent : il appelle à rester sur la ligne de cette PPRE au-delà de 2028. Oui, les normes doivent être simplifiées, mais les supprimer purement et simplement est une mauvaise solution. La crise agricole a été fortement nourrie par la crise du revenu agricole ; c'est un enjeu auquel il faut s'attaquer, mais supprimer les exigences environnementales n'est pas la solution. Les subventions récompensent les exploitations à l'hectare et font disparaitre les petites exploitations. La loi Egalim est bafouée durant les négociations commerciales, ce qui profite à la grande distribution et l'agro-industrie. Des agriculteurs sont exposés à des marchés internationaux volatiles, ce qui nécessite une vraie lutte contre la concurrence déloyale.
Enfin, les modèles agricoles durables sont ceux qui préservent la biodiversité des sols. Ce sont les modèles les plus résilients face aux chocs climatiques et économiques : ce sont ceux qui doivent être soutenus par les pouvoirs publics. Or ce n'est pas l'esprit de ce texte. Nous voterons donc contre cette PPRE, et en faveur de tous les amendements de mes collègues socialistes, dont je salue les efforts pour orienter dans le bon sens cette PPRE.
En conclusion, il est significatif que, dans les 35 alinéas de cette PPRE, il n'y ait pas la moindre allusion à la transition bas carbone à mener en agriculture, aux défis de réduction des émissions, d'augmentation de stockage et de préparation à un climat plus chaud. Je note la mention des aléas climatiques, seulement abordés sous l'angle de dérogations associées dans la gestion de l'eau pour les agriculteurs. Nous sommes d'accord avec des éléments de la PPRE, notamment sur les limites maximales de résidus tolérés dans les produits importés, sur le contrôle des importations et les clauses miroirs, sur les outils pour renforcer la place des agriculteurs dans la chaîne de valeur. Mais dans l'ensemble, nous ne partageons par l'esprit de cette résolution qui offre des réponses de court terme qui occultent les défis liés aux transitions à mener.
M. Michaël Weber. - Je souhaite abonder dans le sens des interventions de Didier Marie et de Jacques Fernique. Nous partageons le constat de l'origine de la crise agricole ; or c'est bien le problème, nous n'avons pas pris le temps suffisant pour discuter des réalités de l'adaptation à la transition demandée aujourd'hui, de son impact sur le revenu des agriculteurs et de la question des normes, qui est un faux-sujet. Les normes sont là pour garantir l'application de décisions qui ont été prises. Je pense que nous partageons tous ce constat. Il existe un vrai clivage politique cependant dans les réponses à apporter à la crise agricole. Il y a d'un côté ceux qui pensent qu'il faut revenir à des pratiques anciennes, et n'assument pas la nécessité de porter cette transition ; c'est une politique de l'autruche à contre-courant des souhaits de la population, des citoyens et des consommateurs. Les problématiques liées à l'eau, au sol, aux produits phytosanitaires touchent tout le monde. Les tenants de cette ligne considèrent que la transition n'est pas faite de la bonne manière, et font en quelque sorte du greenwashing en répondant à ces enjeux par des mots davantage que par des actes.
De l'autre côté, il y a ceux qui considèrent qu'il faut assumer la transition et y apporter des réponses à partir d'un constat partagé. Comme le disaient Didier Marie et Jacques Fernique, je ne peux pas en l'état soutenir ce texte qui va à totalement à l'encontre de ce que je prône depuis longtemps. Il y a un clivage à assumer, je pense que nous nous accordons là-dessus et c'est sain d'un point de vue politique.
M. Jean-François Rapin, président. - Avant de donner la parole à Daniel Gremillet pour des compléments plus techniques, j'aimerais redire que l'on assume ce clivage. Je ne pense cependant pas que l'on fasse un constat précipité. La ligne est fixée par la Commission européenne depuis 30 ans, nos agriculteurs s'adaptent depuis 30 ans et pour quel résultat ? Ils sont dans la rue et disent qu'ils n'en peuvent plus.
M. Michaël Weber. - On ne peut pas résumer la crise agricole ainsi ! Ceux qui sont dans la rue en Espagne et en Pologne ne demandent pas la même chose.
M. Jean-François Rapin, président. - Tout syndicat confondu, il y a eu une certaine convergence dans les revendications. Dans les divers mouvements européens, les demandes sont bien sûr différentes mais portent toujours sur des mesures prises par la Commission, et sur le rythme de leur mise en oeuvre. Il est évident que les agriculteurs ne peuvent pas tenir ce rythme, a fortiori quand les instances européennes leur assignent en plus l'ambition de contribuer aussi à l'« autonomie stratégique ouverte » .
Mme Pascale Gruny. - Merci Monsieur le Président, et un grand merci à Daniel Gremillet. C'est une réponse rapide mais je tiens à souligner que notre réflexion sur cette résolution ne date pas d'une semaine. Je ne suis pas d'accord quand on dit que nous nions cette nécessaire transition. Il y a 40 ans, je travaillais dans un centre de gestion agricole, alors que mon père était agriculteur. Je me souviens de l'usage de charges de phytosanitaires et d'engrais énormes. Près de 20 ans après, mon frère a repris la ferme et la réalité était bien différente. Les pratiques ont progressivement changé, les agriculteurs ont à l'esprit la nécessité du progrès. Ils souhaitent faire mieux pour la santé, pour les plantes et pour les sols qu'ils souhaitent transmettre dans leur famille. En revanche, et je l'ai toujours dit, cette transition va trop vite et trop fort. Aujourd'hui il n'y a pas de solution à la jaunisse de la betterave par exemple. La réponse de la Commission est une dérogation donnant droit à deux ou trois pulvérisations supplémentaires...
M. Pierre Cuypers. - Qui ne sont d'ailleurs pas forcément efficaces.
Mme Pascale Gruny. - En effet. Elles sont également en suspension, ce qui signifie qu'on peut les respirer alors qu'on aurait pu les appliquer à la graine. C'est dommage, ce n'est pas du bon sens. Je me satisfais de cette PPRE, de ce regard différent, de ces solutions faites pour accompagner les agriculteurs. Il faut en effet pousser la recherche, l'accompagnement, les produits de substitution. Je vous remercie enfin pour l'inclusion des problématiques liées aux importations ukrainiennes dans cette PPRE.
M. Bernard Jomier. - Merci Monsieur le Président. Je comprends que vous souhaitiez faire voter un texte et exprimer votre opinion en dépit du calendrier et de ses aléas. Ce qui m'ennuie davantage, et ce même vous avez rappelé l'ancienneté des positions de votre groupe, c'est que la dernière crise a été l'occasion de relever les questions agricoles à un niveau constitutionnel.
Quand on souhaite constitutionnaliser des principes, on recherche un accord le plus large possible ; la dernière fois qu'on a révisé la constitution, 85% des parlementaires ont voté cette révision. Or, vous êtes ici dans une démarche de clivage que vous assumez par ailleurs. Pour reprendre les propos, de Pascale Gruny, au sujet du rythme de la transition, j'aimerais souligner qu'il s'agit d'une question transversale qui touche la mobilité, le logement, le changement des modes de consommation Toute la société est affectée par la violence des changements climatiques et de l'effondrement de la biodiversité, et l'on demande effectivement à nos concitoyens de changer à une vitesse qui dépasse leur capacité économique, et parfois même humaine. On ne change pas tous les dix ans notre façon de vivre et de consommer. Je ne suis pas un expert des questions agricoles ; il me semble néanmoins que ce texte dénonce explicitement certaines stratégies européennes, comme à l'alinéa 15 : « Considérant que le « Pacte vert » et plus particulièrement les stratégies « De la ferme à la fourchette » et « Biodiversité à l'horizon 2030 », faisant courir le risque d'une diminution de la production agricole européenne dans des proportions de 10 à 20 % à horizon 2030, ont amplifié les effets de la réforme de la PAC, au point d'entraîner une seconde réforme de fait de cette politique ». Ce texte ne s'inquiète pas que ces stratégies aillent « trop vite, trop fort », il s'y oppose clairement.
M. Pierre Cuypers. - Merci Monsieur le Président. J'ai une certaine expérience dans le domaine agricole, du fait de mon âge et de mon activité. Depuis que la PAC existe, jamais une PAC n'est allée à son terme. Il y a toujours eu des révisions à mi-parcours entraînant une perte de visibilité néfaste pour l'agriculture. À chaque fois, on passe d'une politique à une autre, avec des contraintes et des difficultés supplémentaires à prendre en compte. Par la PAC, je pense qu'il faut donner aux agriculteurs de la visibilité sur leur futur, sur les solutions disponibles au niveau européen et applicables par tous. Ce texte est important. Il est certain qu'aujourd'hui, il faut traiter les sujets agricoles sur le temps long, et ne pas revoir la PAC d'ici deux ans. Les agriculteurs n'en peuvent plus.
M. Jean-François Rapin, président. - Le temps long est aujourd'hui compliqué à appréhender. La PAC a été élaborée sans bien sûr anticiper la guerre en Ukraine, idem pour la politique de pêche commune qui a été entravée par le Brexit et la Covid. Les politiques de long terme ont bien dû s'adapter aux crises et urgences.
M. Daniel Gremillet. - Merci M. le Président, merci chers collègues pour vos réactions. Tout d'abord, l'urgence est claire. Qui aurait pu imaginer à la fin de l'année 2023 que les évènements survenus au premier trimestre 2024 se déroulent sur le territoire français et européen ? Il y a eu une rupture. Je remercie le Président Rapin d'être à l'initiative et de nous permettre à nous, membres de la commission des affaires européennes, d'être au rendez-vous. Historiquement, étant élu depuis 2014, j'atteste que la commission a toujours été très impliquée sur les sujets agricoles. Nous nous sommes prononcés sur les révisions successives de la PAC depuis 2017 avec mes collègues, en suivant une ligne de fond réaffirmée et travaillée en concertation avec le monde agricole, pour répondre à Didier Marie. Dans le contexte d'urgence où nous sommes, il était impossible de mener des auditions dans les conditions habituelles, mais nous les avons menées au fil du temps préalablement. Par ailleurs, le texte était finalisé dès mardi soir, hormis quelques modifications marginales apportées hier soir. J'ai ainsi proposé d'ajouter des éléments sur l'adaptation des exploitations agricoles aux nouvelles conditions climatiques, à l'alinéa 30. Cet ajout était nécessaire.
Il est important que les femmes et hommes travaillant dans l'agriculture perçoivent des revenus permettant de vivre, afin d'envoyer un message positif aux jeunes désireux de s'installer. Ces revenus doivent également garantir un équilibre financier de l'exploitation agricole pour permettre la modernisation de sa production et la prise en compte du changement climatique. Je trouve justement notre texte offensif sur ce point. Pour répondre à Mickaël Weber, nous ne prônons pas un retour aux pratiques anciennes, puisqu'on considère que l'agriculteur doit être en capacité de se projeter et disposer des moyens nécessaires pour faire évoluer et adapter son exploitation. Nos travaux et cette PPRE ne courent pas après les slogans entendus dans les diverses manifestations mais sont la traduction des travaux parlementaires qui prônent une simplification, davantage qu'une remise en cause. S'il fallait voter, nous serions tous d'accord : il est nécessaire de nourrir les Français et les Européens. Or, pour répondre à Bernard Jomier, il faut ouvrir les yeux : nous n'avons jamais été aussi fragiles dans notre capacité à nourrir l'ensemble des Français et Européens. Nous conduisons au niveau de la commission des affaires économiques un suivi de la loi Egalim et un bilan des négociations de la période 2023-2024. S'il y a de bonnes choses dans la loi Egalim, c'est néanmoins un choc de constater qu'une partie des produits ne sont plus français ou européens, mais importés de pays tiers car les conditions de production y sont plus accessibles. Notre ambition, notre rôle est de disposer d'une agriculture française et européenne capable de nourrir l'ensemble des citoyens. Il y a là un défi de compétitivité et d'efficacité.
M. François Bonneau. - Comme Daniel Gremillet vient de le dire, nous partageons l'objectif de production pour nourrir la population dans les meilleures conditions possibles. J'ai suivi une présentation dans mon département de la nouvelle PAC, et tout ceci est kafkaïen. Il en va de l'agriculture comme du médicament. Une fenêtre thérapeutique va vous guérir, mais un surdosage produit un effet toxique. Voilà pourquoi nous allons soutenir cette résolution, qui n'est pas parfaite mais va dans le bon sens.
M. Jean-François Rapin, président. - Je comprends qu'il y a des amendements. Je propose que nous en écoutions la présentation avant de passer au vote.
M. Didier Marie. - J'aimerais ajouter un propos d'ordre général avant d'en arriver aux amendements. Nous partageons le constat que bon nombre d'agriculteurs éprouvent des difficultés, et nous avons rencontré celles et ceux qui manifestaient dans nos départements respectifs. Nous constatons aussi le surplus de charge administrative subie par les agriculteurs, comme indiqué dans la PPRE. Cependant, la réouverture de la PAC telle qu'elle a été réalisée en urgence se traduit par une remise en cause de son verdissement et des orientations du Pacte vert porté par la Commission, le Conseil européen et le Parlement européen pendant toutes ces années. Il ne s'agit pas d'une réaction à une crise ponctuelle mais d'une réorientation de fond de la stratégie de l'Union européenne en matière agricole.
C'est d'autant plus étonnant que, comme mentionné dans la proposition de résolution, la plupart des dispositions permettant le verdissement de la PAC ne sont pas en vigueur. Il y a donc une dimension idéologique dans les propositions qui sont faites. Nous pensons que le conflit en Ukraine a effectivement perturbé les marchés mondiaux et, par voie de conséquence, l'agriculture européenne, mais elle ne peut à elle seule justifier une réorientation de la PAC. Cette guerre est davantage révélatrice des difficultés préexistantes depuis des années. Nous considérons que la PAC actuelle n'est plus adaptée aux enjeux impératifs de transition écologique et de souveraineté alimentaire. Nous partageons le constat fait par le rapporteur s'agissant des difficultés à garantir notre souveraineté alimentaire.
Nous estimons également que l'agriculture constitue un bien commun, et non un secteur économique comme les autres, et doit bénéficier à ce titre d'une politique spécifique. Nous divergeons car nous considérons qu'outre notre sécurité alimentaire, l'agriculture doit aussi contribuer à la qualité de notre environnement, de notre patrimoine territorial, gastronomique, historique. Cette position se traduit par un certain nombre d'orientations, déclinées sous forme d'amendements : la nécessité de réguler les marchés, la nécessité de la transition agroécologique, la nécessité de mettre en place une rémunération équitable pour les agriculteurs. Ce dernier point constitue leur sujet de focalisation aujourd'hui ; pour que les agriculteurs s gagnent correctement leur vie, il faut instituer un revenu minimum conforme à la directive européenne sur le salaire minimum. Il faut également valoriser les services environnementaux rendus par les agriculteurs. Ceci implique une modification en profondeur des règles de la PAC comme la dégressivité et le plafonnement des aides ainsi que l'octroi d'une surprime aux premiers hectares pour faciliter la vie des petites exploitations. Nous demandons le renforcement du paiement vert et un système contracyclique pour aider les filières en difficulté, ainsi qu'un calcul des aides en fonction de l'actif agricole, prenant en compte le nombre d'emplois dans chaque exploitation. Je vais décliner les propositions d'amendement qui répondent à ces grandes orientations que nous défendons à l'échelle européenne et nationale.
M. Didier Marie. - Nous proposons de remplacer les considérants 13, 14 et 15 de la PPRE, que je ne lirai pas, par les deux considérants suivants : « Considérant que la PAC actuellement en vigueur connaît de grandes difficultés et n'est plus adaptée aux enjeux de transition écologique et de souveraineté alimentaire » et « Considérant la nécessité de reconnecter l'agriculture et l'alimentation dans une nouvelle PAAC (Politique agricole et alimentaire commune), notamment en favorisant les liens entre les territoires de production et les lieux de consommation, et en répondant aux enjeux de l'inflation alimentaire et du revenu agricole par une juste régulation des prix et des marchés ». J'en ai exposé les motifs précédemment. À l'alinéa 16 : « Considérant, enfin, que les agriculteurs européens manifestent depuis plusieurs semaines leur colère et leur inquiétude concernant l'avenir de leur activité et leur capacité à en tirer un revenu suffisant », nous proposons de supprimer la fin de la phrase après « suffisant » et nous proposons d'ajouter un nouveau considérant ainsi rédigé : « Considérant que la plupart des réglementations du « Pacte vert » ne sont pas encore entrées en vigueur ».Après le considérant 17, nous proposons d'introduire les trois considérants suivants. Le premier serait ainsi rédigé : « Souligne que l'agriculture ne peut être considérée comme un secteur économique comme un autre mais comme un bien commun qui contribue à notre souveraineté alimentaire, à la qualité de notre alimentation et notre environnement, à notre patrimoine territorial, culturel et gastronomique ». Je ne pense pas que le rapporteur puisse être en désaccord avec cette affirmation. Le deuxième serait le suivant : « Défend une Politique agricole commune qui permette une plus grande régulation des marchés et assure une véritable transition agroécologique et qui reconnaisse le travail rendu par nos agriculteurs en leur assurant une rémunération équitable ». Et le troisième enfin : « Considère par conséquent que la réouverture de la PAC telle qu'engagée ne peut concerner les seules mesures liées à son verdissement, et que le virage agroécologique doit être fortement accompagné ».
À l'alinéa 18 débutant par « Souligne que, dès le 6 mai, 2022 dans sa résolution européenne... », après le mot « Sénat » au début de la deuxième ligne, nous proposons de remplacer : « craignant que l'application stricte des stratégies adoptées pour décliner le « Pacte vert » conjuguée avec l'entrée en vigueur de la nouvelle PAC en 2023 n'amplifie » par :» interpellait sur la déstabilisation des marchés agricoles induite par l'invasion russe de l'Ukraine et ». Nous restons dans la même logique.
Nous proposons de supprimer l'alinéa 19, que nous remplaçons par un considérant ainsi rédigé : « regrette que les débats parlementaires n'aient pu s'appuyer sur une étude d'impact exhaustive sur les aspects économiques et sociaux du « Pacte vert » ainsi que sur les moyens d'articuler ses objectifs avec la préservation de l'indépendance alimentaire de l'Union européenne ». C'est là que vous parlez de la stratégie « De la Ferme à la fourchette ».
M. Didier Marie. - À l'alinéa 21 : « se réjouit que la Commission ait enfin reconnu la nécessité... »
M. Pierre Cuypers. - J'aimerais intervenir sur le 21. J'ai toujours beaucoup de mal à me réjouir de quelque chose qui est normal...
M. Didier Marie. - C'est écrit ainsi dans la PPRE pourtant.
M. Pierre Cuypers. - Je dirais davantage « prend acte ».
M. Didier Marie. - Dans cet alinéa, nous proposons de supprimer la fin de la phrase : « et alléger les contraintes pesant sur la production agricole ». Cela sous-entend que la seule solution serait de déréguler, ce qui n'est pas notre objectif, ce d'autant que beaucoup ont voté cette PAC au niveau européen.
Ensuite, nous proposons radicalement de supprimer l'alinéa 22 : « se félicite de l'allègement... », le 23 :» demande que les exigences relatives... » et le 24 : « souligne que si les nouvelles dérogations... ».
M. Jean-François Rapin, président. - Les alinéas sur BCAE 2 et 4 ?
M. Didier Marie. - Et BCAE 9.
M. Jean-François Rapin, président. - Ce sont pourtant des demandes françaises.
M. Didier Marie. - Pas nos demandes en tout cas. Nous remplacerions ces alinéas par les 3 suivants : « Regrette les décisions prises de revenir sur les mesures de conditionnalité environnementale, en particulier en ce qui concerne la suppression de l'obligation de consacrer une part minimale des terres arables à des éléments non productifs (BCAE 8), notamment par mises en jachère » ; « Demande que les exigences relatives à la protection des zones humides (BCAE 2) et les obligations de mise en place de bandes tampons enherbées le long des cours d'eau (BCAE 4) soient maintenues afin d'assurer la préservation de ces espaces de biodiversité » et « Rappelle que les différentes mesures environnementales de la PAC, notamment le paiement vert, permettent la transition agroécologique des exploitations pour les adapter face aux aléas climatiques et aux situations de force majeure. A ce titre, les mesures relatives aux prairies permanentes permettent l'entretien des sols et de la biodiversité par une présence animale, renforçant la qualité des sols face aux risques d'inondation et d'érosion, et in fine permettent la déspécialisation des exploitations agricoles ».
Nous n'amendons pas les alinéas suivants, jusqu'au 27 : « s'inquiète des risques de distorsions de concurrence intra-européenne... », où l'on propose d'ajouter, après les mots « se saisir », la formule « de manière réfléchie » afin de pondérer les propos. Et à la fin de la phrase, nous ajoutons les mots suivants : « notamment pour conserver l'aspect commun de la PAC ». La stratégie de réorientation de la PAC participe en effet d'une dynamique de renationalisation de celle-ci, sous certains aspects, ce qui présente l'inconvénient de mettre en concurrence les États membres...
M. Jean-François Rapin, président. - C'est donc en réponse aux potentielles distorsions de concurrence intra-européenne.
M. Didier Marie. - Exactement.
Mme Pascale Gruny. - C'est conforme avec ce qu'on a adopté auparavant !
M. Didier Marie. - Tout à fait. Nous supprimerions ensuite l'alinéa 28 : « appelle de ses voeux un retour aux fondements de la PAC... », sans le remplacer.
M. Jean-François Rapin, président. - Pourquoi ?
M. Didier Marie. - Car nous considérons que ces fondements sont à l'origine de la crise agricole depuis 30 ans et souhaitons donc réorienter la PAC ; nous remettons en cause ses fondements, pas la PAC en tant que telle.
Nous laisserions intact l'alinéa 29 mais proposons pour l'alinéa 30 : « juge indispensable de garantir un revenu décent... » une nouvelle rédaction qui serait la suivante : « juge indispensable de garantir un revenu équitable... »
M. Jean-François Rapin, président. - Équitable plutôt que décent ou correct ?
M. Didier Marie. - Oui, nous ne savons pas ce que signifie « correct » et le terme « équitable » a déjà été repris par ailleurs. Je poursuis : « juge indispensable de garantir un revenu équitable, et au minimum conforme à la directive sur les salaires minimums, pour chaque agriculteur. » Aujourd'hui il y a de nombreux agriculteurs qui ne gagnent pas le SMIC.
Je continue : « Fait valoir en conséquence la nécessité de renforcer le pouvoir de négociation des producteurs agricoles afin de garantir un « juste prix » qui soit raisonnable et équitable, et de valoriser les services rendus par les agriculteurs via la massification des paiements pour services environnementaux (PSE), et soutient la création annoncée d'ici avril d'un « observatoire des couts de production, des marges et des pratiques commerciales » au niveau européen, à défaut, d'un organe de contrôle ». Nous parlons de massification parce qu'aujourd'hui ces dispositifs sont encore marginaux.
M. Jean-François Rapin, président. - De tels PSE ont néanmoins déjà été instaurés, notamment pour les zones de protection de captage...
M. Didier Marie. - Nous pensons qu'on peut aller beaucoup plus loin et que c'est aussi un des éléments qui peut garantir un revenu...
M. Jean-François Rapin, président. - Pour avoir étudié la question de près, c'est très compliqué à mettre en place.
M. Didier Marie. - Je peux vous donner des exemples : ainsi, un agriculteur qui investit pour installer des panneaux photovoltaïques sur la toiture de ses équipements pour être autosuffisant en électricité ou pour le gain qu'il peut en attendre à moyen terme, pourrait bénéficier d'une prime particulière en provenance de l'Union européenne. Tout ce qui serait mis en place en faveur de l'environnement devrait se traduire par une compensation financière. C'est ça la réorientation des financements de la PAC.
À l'alinéa 32 : « soulignant la nécessité ... », nous proposons d'ajouter la phrase suivante : « Afin de réaliser correctement ces modifications, il convient de mettre en oeuvre un moratoire sur l'ensemble des traités de libre-échange en cours de ratification ou de négociation ». Ce qui me semble logique dès lors que l'on vote contre le CETA et que l'on s'oppose au Mercosur....
M. Jean-François Rapin, président. - Ce n'est pas le cas de tout le monde.
M. Didier Marie. - Cette proposition est cohérente avec ce que le récent vote du Sénat. Enfin au dernier alinéa, le 33 : « appelle enfin à l'heure où se profilent... », nous remplaçons la fin de la phrase après « politique agricole commune » par la rédaction suivante : « orientée vers un renforcement de la souveraineté agricole et alimentaire de l'Union européenne qui respecte l'environnement et la qualité de l'alimentation. Pour cela, le système des aides de la PAC doit être modifié en profondeur, avec une dégressivité et un plafonnement des aides, une surprime aux premiers hectares, un renforcement du paiement vert, un système contracyclique pour aider les filières en difficulté et un calcul des aides basé sur l'actif agricole ». Nous ajoutons ensuite deux alinéas ainsi rédigés : « Appelle à un renforcement des aides du second pilier de la PAC, telles que les indemnités compensatoires de handicaps naturels (ICHN) et les zones intermédiaires, dans l'objectif notamment de mieux prendre en compte les spécificités de territoires en grande difficulté et de mettre un terme aux cartographies arbitraires » et le suivant : « Appelle à une revalorisation du budget du POSEI (programme d'options spécifiques à l'éloignement et à l'insularité) pour répondre aux besoins des producteurs ultramarins, développer et améliorer la compétitivité économique et technique de l'ensemble des filières agricoles ultramarines et une augmentation des aides sectorielles afin de relever les défis de la souveraineté alimentaire des Régions Ultrapériphériques (RUP), en développant les filières de diversification animale et végétale ».
M. Jean-François Rapin, président. - Merci cher collègue. On ne pourra pas dire que nous n'aurons pas pris le temps de la discussion sur ce sujet.
M. Didier Marie. - Nous nous sommes invités dans la discussion !
M. Jean-François Rapin, président. - C'est normal, chacun défend ses positions. Il me semble néanmoins que vos dernières propositions tendent à réécrire la PAC, ce qui n'est pas la vocation de la PPRE. Nous allons suspendre notre réunion quelques minutes afin d'étudier les amendements que vous avez présentés.
La commission suspend ses travaux cinq minutes puis les reprend.
M. Daniel Gremillet. - Après toutes ces suggestions, chers collègues, ma première remarque consiste à faire une distinction entre le verdissement et le « Pacte vert ». Le premier a commencé il y a dix ans et a été renforcé en 2023, le second n'a pas encore été mis en place. Nous avons du recul sur le verdissement donc. Sur les différentes propositions d'amendement, je considère les amendements sur les alinéas 18 et 19 satisfaits ; votre rédaction est différente mais il me semble que nous disons exactement la même chose. Sur l'alinéa 21, je comprends l'amendement de Pierre Cuypers et propose, plutôt que de « prendre acte », de retenir le mot : « constate », en lieu et place de « se réjouit ». À l'alinéa 27, je suis favorable à l'insertion des mots : « notamment pour conserver l'aspect commun de la PAC » ; en effet, la PAC est une des rares politiques communes européennes.
M. Jacques Fernique. -Et la précision « de manière réfléchie » ?
M. Daniel Gremillet. - Non, je n'y suis pas favorable. À l'alinéa 30, même si on mentionne plus tard le caractère équitable dans l'alinéa 31, l'amendement substituant le terme de revenu « équitable » à « décent » ne me pose aucune difficulté. Voilà les propositions d'amendement que nous pouvons reprendre. J'insiste sur la nouvelle rédaction de l'alinéa 31, notamment en lien avec le débat lancé sur le revenu des agriculteurs. Nous avons eu un débat au sein du groupe de suivi PAC, et nous réfléchissions à inclure les deux versants, c'est-à-dire les revenus des femmes et hommes travaillant dans les exploitations agricoles, quelle que soit leur forme, individuelle ou sociétaire, et la capacité à dégager un résultat d'exploitation permettant d'investir dans l'exploitation agricole, pour favoriser son adaptation au changement climatique. Je le précise car cette rédaction n'était pas la même hier soir et j'en suis le seul responsable, ayant personnellement proposé sa modification.
M. Didier Marie. - Vous n'incluez donc pas la valorisation des services pour services environnementaux rendus ?
M. Daniel Gremillet. - C'est un sujet soulevé à juste titre, comme le sujet des zones intermédiaires. Mais notre PPRE n'a pas cette visée. C'est davantage un sujet à traiter pour la future PAC. Je ne peux que souhaiter que l'on puisse continuer à travailler sur ces thématiques dans le groupe de suivi PAC.
M. Jean-François Rapin, président. - La définition du service environnemental est importante, la déclinaison des endroits où des avancées sont possibles l'est également. Ce sujet mérite qu'on y travaille de manière approfondie et exhaustive. Merci Daniel Gremillet, merci Didier Marie pour vos contributions.
M. Daniel Gremillet. - Les services environnementaux, les zones intermédiaires et l'ultramarin sont des sujets sur lesquels nous devons débattre et travailler au préalable.
M. Jacques Fernique. - Il reste problématique que le texte ne fasse pas de la transition climatique un objectif.
M. Jean-François Rapin, président. - Des alinéas précédents incluent pourtant la prise en compte du climat. Je vous propose de passer au vote sur la PPRE telle qu'amendée et proposée par le rapporteur ainsi que sur l'avis politique qui en reprend les termes.
La commission adopte la proposition de résolution européenne et l' avis politique disponibles en ligne sur le site du Sénat.
Politique étrangère et de défense - Mesure d'assistance au titre de la facilité européenne pour la paix au profit de l'Arménie - Examen de la proposition de résolution européenne
M. Jean-François Rapin, président. - La seconde proposition de résolution européenne soumise ce matin à l'examen de notre commission (n° 507) obéit elle aussi à un calendrier très contraint. J'en ai moi-même pris l'initiative avec le Président Bruno Retailleau, dans un contexte de tensions croissantes depuis l'invasion russe en Ukraine : l'Arménie est menacée par l'Azerbaïdjan mais aussi par la Russie, à mesure que l'Arménie se rapproche de l'Union européenne. En retour, l'Union se doit de soutenir l'Arménie au même titre que la Moldavie et la Géorgie, elles aussi inquiètes devant l'agressivité que la Russie manifeste en Ukraine.
L'intégrité territoriale de ces pays doit absolument être respectée : j'ai tenu à le faire rappeler par mes homologues des commissions des affaires européennes, réunis à la Conférence des organes spécialisés dans les affaires de l'Union (la COSAC) le 26 mars dernier. Le projet de contribution prévoyait que la COSAC exprime « son soutien inébranlable à l'indépendance, à la souveraineté et à l'intégrité territoriale de l'Ukraine, de la Moldavie et de la Géorgie à l'intérieur de leurs frontières internationalement reconnues ». J'ai déposé un amendement à ce projet pour intégrer l'Arménie à cette liste car c'est la paix dans toute cette région caucasienne que nous devons soutenir : l'amendement a été repris dans la version finale de la contribution de la COSAC. J'en suis honoré et je m'en félicite.
L'engagement européen auprès de ces pays menacés doit passer par des mots mais aussi par des actes, y compris en mobilisant la Facilité européenne pour la paix, cet instrument extrabudgétaire qui a pour objectif d'accroître la capacité de l'Union à prévenir les conflits et qui est déjà activé au profit de l'Ukraine depuis sa création en 2021. Le mobiliser aussi pour l'Arménie : voilà l'objet de la proposition de résolution européenne n° 507, que j'ai déposée avec Bruno Retailleau il y a une semaine, et que je remercie Valérie Boyer d'avoir bien voulu rapporter dans des délais très serrés, commandés par la suspension imminente de nos travaux et par le calendrier européen qui, nous venons de l'apprendre, devrait amener les 27 à se prononcer avant la fin du mois sur ce sujet. Je lui laisse la parole.
Mme Valérie Boyer. - Merci beaucoup Monsieur le Président. Mes chers collègues, tout d'abord mes premiers seront pour le président Rapin et le président Retailleau. Je les remercie de leur confiance pour m'avoir demandé de présenter cette proposition de résolution européenne qui vise à permettre le financement, par la facilité européenne pour la paix, d'une mesure d'assistance au profit de l'Arménie. Vous connaissez la situation dans cette zone, qui est chaque jour dramatique. Cette proposition de résolution européenne réitère et renforce la position que le Sénat avait adoptée le 17 janvier dernier.
Je rappelle en effet qu'à la suite des opérations militaires engagées par l'Azerbaïdjan au Haut-Karabagh, en Artsakh, du 27 septembre au 10 novembre 2020, connues sous le nom de « guerre des 44 jours », puis ensuite des 19 et 20 septembre 2023 qui ont très grièvement meurtri l'Arménie, le Sénat a adopté à trois reprises des résolutions, en application de l'article 34-1 de la Constitution.
Dans sa résolution du 17 janvier 2024, la dernière en date, le Sénat réaffirmait l'inviolabilité de l'intégrité territoriale de l'Arménie et demandait le retrait immédiat et inconditionnel, sur leurs positions initiales, des forces azerbaïdjanaises et de leurs alliés du territoire souverain de l'Arménie. La République d'Arménie, État souverain reconnu par la communauté internationale, est de fait attaquée quotidiennement. Le Sénat soulignait également que l'Arménie avait le droit de défendre son intégrité territoriale et de disposer des moyens d'assurer sa sécurité, y compris par la voie militaire. Comme l'a rappelé le président Rapin, ce point a également été souligné par la COSAC.
Nous avions également dénoncé, et je veux le souligner, l'exode forcé, à l'automne 2023, de la quasi-totalité des Arméniens qui vivaient au Haut-Karabagh. Récemment, des Azerbaidjanais ont filmé des moqueries et tortures infligées à une personne arménienne restée en Artsakh. Selon les informations qui m'ont été communiquées, il resterait moins de 10 personnes d'origine arménienne dans la région, des vieillards et des personnes en situation de handicap maltraitées par les forces par les forces azéries présentes sur le territoire. On peut dire que le nettoyage ethnique a été une grande réussite !
Ceci est en effet assimilable à une opération de nettoyage ethnique, comme nous l'avions affirmé et comme l'Assemblée nationale vient également de le faire dans une résolution adoptée début mars. C'est un point de la résolution que je vous proposerai de renforcer. La qualification de « nettoyage ethnique » incombera in fine aux juridictions, mais c'est un sujet sur lequel le Sénat et l'Assemblée nationale ont déjà pris position avec la force de la constatation.
La résolution adoptée le 17 janvier dernier soutenait enfin « toute initiative visant à défendre au niveau de l'Union européenne le recours à la Facilité européenne pour la paix (FEP) en faveur de l'Arménie ». C'est évidemment le point central de la proposition de résolution européenne qui nous réunit ce matin.
Pour préparer cette intervention, j'ai procédé à trois auditions. J'ai ainsi entendu des représentants de la direction de l'Union européenne et de la direction de l'Europe continentale du ministère de l'Europe et des affaires étrangères, puis le conseiller diplomatique et le conseiller technique en charge des affaires parlementaires au cabinet du ministre des armées et, enfin, l'ambassadrice d'Arménie en France.
L'Arménie continue à faire face à des menaces importantes de la part de l'Azerbaïdjan, qui emploie une rhétorique agressive et qui essaie de lui imputer une volonté d'escalade des tensions. Le ministère de l'Europe et des affaires étrangères a fait part de sa préoccupation en la matière il y a seulement quelques jours. L'Azerbaïdjan pratique la diplomatie de la menace depuis des années et des incidents mineurs sont exploités, faisant régulièrement des morts.
N'oublions pas que le président Aliev parle de l'Arménie comme de « l'Azerbaïdjan occidental ». Cela va au-delà du nettoyage ethnique puisque de tels mots nient l'existence-même d'un État reconnu par la communauté internationale. Faisons attention aux mots des dictateurs. Les autorités de Bakou accusent l'Arménie de masser des troupes à la frontière, même si elle n'est pas en mesure de le faire. Le 31 mars dernier, la mission civile de l'Union européenne a effectué des patrouilles pour le vérifier et a déclaré n'avoir observé aucun mouvement militaire inhabituel de la part de la partie arménienne.
La menace est palpable et l'Azerbaïdjan n'a pas renoncé à établir un passage traversant le sud de l'Arménie, pour assurer une continuité jusqu'à l'enclave azerbaïdjanaise du Nakhitchevan et pouvoir ensuite rejoindre la Turquie. Celle-ci dispose en effet d'une frontière d'à peine 10 kilomètres avec le Nakhitchevan, fruit d'un échange de territoires avec l'Iran. L'Iran, qui comporte une très importante communauté azérie, se méfie pourtant des projets d'expansion territoriale de l'Azerbaïdjan et apparaît aujourd'hui comme un « allié » de l'Arménie sur cette question. Je dirais peut-être que c'est le seul État de la région qui n'agresse par l'Arménie, considérant que l'Iran comme d'autres États ne sont pas venus au soutien de l'Arménie lorsqu'elle fut attaquée.
Au-delà de la menace azérie, l'Arménie doit aussi faire face à une menace croissante de déstabilisation de la part de la Russie, à laquelle elle a longtemps été liée. L'Arménie demeure ainsi membre de l'Organisation du traité de sécurité collective (OTSC) qui rassemble la Russie, la Biélorussie, le Kazakhstan, le Kirghizistan et le Tadjikistan.
Ce lien datant de la Russie soviétique explique d'ailleurs, pour une part, les relations complexes que peut entretenir la Géorgie avec l'Arménie, mais aussi le regard méfiant qu'ont longtemps porté un certain nombre d'États membres de l'Union européenne vis-à-vis de l'Arménie, et notamment ceux qui ont pu se dégager du joug de l'empire soviétique à la chute du Mur. Cette perception est en train de changer, sous le coup de déclarations de plus en plus menaçantes de la part de la Russie, au fur et à mesure que l'Arménie se rapproche de l'Union européenne. Cela explique pourquoi une mission d'assistance au titre de la facilité européenne pour la paix devient possible.
L'Union européenne est engagée en faveur d'une paix juste et durable au Caucase et elle essaie de jouer un rôle de médiateur entre les parties. Mais au-delà, on note un rapprochement structurel avec l'Arménie, en particulier à travers l'accord de partenariat global et renforcé, entré en vigueur dès mars 2021. C'est dans ce cadre que l'Union européenne vient d'annoncer, le 5 avril, une enveloppe de 270 millions d'euros sur la période 2024-2027, dans le cadre d'un programme intitulé « Résilience et croissance de l'Arménie 2024-2027 ».
Un dialogue politique et de sécurité est également en place, la deuxième réunion de ce type ayant eu lieu en novembre 2023. L'Union européenne a également institué, en janvier 2023, une mission civile en Arménie, dans le cadre de la politique de sécurité et de défense commune (PSDC). Celle-ci vise à contribuer à la stabilité dans les zones frontalières en Arménie, et ainsi à favoriser les efforts de normalisation entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan, soutenus par l'Union européenne.
Enfin, devant le Parlement européen, en octobre dernier, le Premier ministre Pachinian a déclaré que « l'Arménie est prête à se rapprocher de l'UE aussi loin que l'UE le juge possible », ce qui constitue un pas très important de la part de l'Arménie.
En s'inscrivant dans le prolongement de ces propos, des responsables politiques arméniens de premier rang, notamment le Président de l'Assemblée nationale et le ministre des affaires étrangères, évoquent désormais ouvertement la possibilité que leur pays formule une demande d'adhésion à l'Union européenne. Celle-ci apparaît peu probable en l'état, compte tenu des relations que l'Arménie entretient encore avec les organisations dépendant de la Russie, notamment l'OTSC et l'Union économique eurasiatique. Mais c'est le signal d'un tournant stratégique pour ce pays.
La France, dans un cadre bilatéral, a apporté un soutien important à l'Arménie. Elle a renforcé sa relation dans le domaine de la défense et s'est fortement investie pour faire comprendre à ses partenaires de l'Union européenne le changement de dynamique à l'oeuvre dans le Caucase. La France soutient les forces armées arméniennes, non pas contre l'Azerbaïdjan ou la Russie, mais bien pour permettre à l'Arménie d'améliorer ses capacités défensives et, ainsi, d'assurer son intégrité territoriale. L'Arménie a notamment passé commande de dispositifs de défense antiaérienne auprès d'industriels français.
Pourtant, au regard des menaces auxquelles l'Arménie est confrontée et de l'état des forces armées arméniennes, le seul soutien de la France ne suffira pas, d'où l'intérêt d'une mesure d'assistance dans le cadre de la facilité européenne pour la paix qui marquerait un nouvel engagement de l'Union européenne à l'égard de l'Arménie.
Je rappelle que la facilité européenne pour la paix (FEP) a été établie en 2021 et qu'elle vise à permettre le financement, par les États membres de l'Union européenne, d'actions de l'Union européenne au titre de la politique étrangère et de sécurité commune destinées à préserver la paix, prévenir les conflits et renforcer la sécurité internationale. C'est en particulier l'outil utilisé pour apporter un soutien militaire à l'Ukraine, mais dans une autre dimension, le soutien militaire à l'Ukraine n'étant pas de même proportion que celui destiné à l'Arménie.
Dès le mois d'octobre 2023, Catherine Colonna avait écrit à Josep Borrell afin de lui demander d'intégrer l'Arménie dans le champ des bénéficiaires de cette FEP. Lors de sa réunion du 13 novembre 2023, le Conseil des affaires étrangères est convenu d'étudier la possibilité d'apporter un soutien non létal à l'Arménie au titre de la facilité européenne pour la paix et de renforcer la mission de l'Union européenne dans le pays, afin que le nombre d'observateurs et de patrouilles puisse augmenter, y compris dans des zones sensibles. Je me permets de les remercier et de souligner leur travail utile et important dans cette zone.
Les personnes auditionnées nous ont indiqué que l'Arménie a adressé une demande formelle de soutien dans le cadre de la facilité européenne pour la paix. Au départ, certains États membres sont apparus sur la réserve, en avançant notamment une possible crispation de l'Azerbaïdjan en retour. L'idée de mettre en place une mesure parallèle en faveur de l'Azerbaïdjan afin de contribuer à des opérations de déminage a même été évoquée. Elle semble aujourd'hui écartée dans la mesure où l'Azerbaïdjan, très critique sur les positions de l'Union européenne, n'en est pas demandeur. En outre, l'Union européenne soutient déjà des opérations de déminage.
Un accord de principe s'est dessiné lors d'une réunion récente du Comité politique et de sécurité (COPS). Les négociations devraient donc s'accélérer très fortement. Selon les informations que j'ai recueillies en début de semaine, des négociations auraient lieu cette semaine dans le cadre des groupes de travail du Conseil, en vue d'une adoption en COREPER la semaine prochaine, puis d'une adoption par le Conseil le 22 avril. La mesure pourrait ainsi être mise en oeuvre dès le lendemain.
Les délais sont donc extrêmement courts mais c'était une fenêtre qu'il ne fallait pas rater. La mesure étant en cours de négociation, compte tenu de sa nature et du caractère confidentiel des documents s'y rapportant, elle ne peut être détaillée dans le rapport. Elle devrait néanmoins être d'ampleur budgétaire limitée et bornée dans le temps, comme toute mesure de ce type. Des garanties devraient également être apportées sur le caractère strictement non létal de la mesure.
Il n'existe à ce stade aucun consensus permettant d'envisager le moindre soutien létal aux forces armées arméniennes dans le cadre de la facilité européenne pour la paix.
L'ambition, quoique limitée sur le plan budgétaire, est forte sur le plan symbolique. Elle s'inscrit en outre dans une démarche cohérente de soutien de l'Union européenne vis-à-vis de la Moldavie, qui a bénéficié de plusieurs mesures d'assistance, ainsi que de la Géorgie, pour laquelle des négociations sont également en cours.
Par le biais de cette proposition de résolution européenne, c'est donc un signal important que nous souhaitons voir l'Union européenne accorder à l'Arménie. S'agissant plus précisément du texte qui nous a été proposé par les présidents Rapin et Retailleau, je vous propose trois amendements :
- le premier, afin d'introduire un nouvel alinéa 12 pour faire référence à une résolution adoptée par l'Assemblée nationale le 4 mars 2024. Le but est de bien montrer que le Parlement français est à l'unisson dans cette démarche et que la position défendue est celle de la France dans son ensemble, par-delà les clivages politiques ;
- le deuxième, à l'alinéa 16, afin d'évoquer un « passage traversant le sud de l'Arménie », plutôt que d'évoquer le couloir du Zanguezour ;
- le troisième, à l'alinéa 24, pour souligner que l'exode des personnes qui vivaient au Haut-Karabagh était un exode forcé, assimilable à une opération de nettoyage ethnique. Il ne reste que des tombes, qui sont aujourd'hui profanées et, selon des données qui m'ont été communiquées, moins de 10 personnes d'origine arménienne en Artsakh.
M. Didier Marie. - Il me paraît judicieux d'employer le terme « assimilable ».
Mme Valérie Boyer. - Oui, c'est un terme non contestable en effet ! Cette position est cohérente avec la position adoptée par le Sénat le 17 janvier et correspond à la réalité que je vous décrivais.
Notre position pourra être utile à nos collègues qui participeront la semaine prochaine à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, laquelle a suspendu en janvier dernier les droits de la délégation de l'Azerbaïdjan, ainsi qu'à nos collègues qui se rendront en Arménie pendant la deuxième semaine de suspension, avec le groupe d'amitié. Elle sera également très utile aux parlementaires qui siègeront à l'assemblée parlementaire de l'OSCE fin juin à Bucarest, où nous déciderons vraisemblablement de faire part de cette position. Nous tenterons de soutenir cette proposition et de convaincre nos collègues de la partager dans leurs parlements respectifs. Je remercie une nouvelle fois les présidents Rapin et Retailleau pour leur engagement et leur confiance.
M. Jean-François Rapin, président. - Merci, Madame la rapporteure. C'est important de défendre cette position à un moment clef. Je crois que le Gouvernement français est demandeur d'un soutien des deux chambres afin de porter la voix de la France à l'unisson sur ce sujet.
M. Didier Marie. - Je remercie la rapporteure pour le travail effectué et les propositions qui sont faites. Une actualité chassant l'autre, on a malheureusement tendance à oublier ce qui s'est passé il y a peu de temps. La situation en Arménie reste particulièrement tendue et l'Azerbaïdjan demeure menaçant. Je siège à l'APCE et nous avons pu constater, à de nombreuses reprises, la position azerbaidjanaise, agressive et révisionniste, ce qui a amené cette délégation à être suspendue de l'assemblée parlementaire pendant un an. L'utilisation de la FEP, même dans des proportions relativement modestes, est un symbole que nous soutenons. J'ai une question sur la nature de l'aide apportée par cette facilité, concernant la guerre cyber et les attaques dont l'Arménie peut faire l'objet de la part de l'Azerbaïdjan en termes de désinformation. Des moyens sont-ils envisagés, le cas échéant, pour lutter contre celle-ci ?
M. Jacques Fernique. - J'exprime l'accord de mon groupe avec ce texte. La mesure d'assistance dans le cadre FEP déployée pour l'Arménie semble tout à fait opportune.
Mme Marta de Cidrac. - J'approuve entièrement tout ce qui a été dit.
M. Didier Marie. - La FEP est utilisée dans certains pays pour lutter contre les cyberattaques et la désinformation. Je ne citerai pas les pays déjà évoqués précédemment, mais ce sont des attaques provenant de la Russie et visant à remettre en cause le rapprochement en cours avec l'Union européenne. Ces attaques de désinformation ont lieu pour les mêmes raisons dans les Balkans, d'où ma question sur les moyens disponibles en Arménie pour faire face à ces menaces.
Mme Valérie Boyer. - C'est une première étape en effet. L'important est déjà de de faire en sorte que l'Arménie bénéficie de la FEP, ce qui reviendrait à une reconnaissance de son statut d'agressé. L'une des difficultés auxquelles fait face l'Arménie, c'est la capacité de conviction dont dispose l'Azerbaïdjan envers quelques États membres, proches de Bakou pour diverses raisons, et pas seulement pour le gaz. Il y a également une réelle méconnaissance de la situation de l'Arménie. Concernant le point que vous soulevez, l'Arménie a développé des capacités remarquables dans le domaine cyber et avait souhaité, avant même la guerre des 44 jours, faire de son territoire une île cyber au milieu de l'océan de dictatures qui l'entoure. Après la guerre en Ukraine, de nombreuses personnes travaillant dans le domaine ont quitté la Russie et se sont installées à Erevan, qui demeurait une échappatoire pour les opposants du régime. Ce n'est qu'une observation personnelle. Il existait également de nombreux accords avec les entreprises françaises sur ces questions cyber.
Mme Marta de Cidrac. - Merci pour ces observations, Madame la rapporteure. J'ai une question concernant la Géorgie, État voisin aujourd'hui candidat à l'adhésion à l'Union européenne. Comment le pays se positionne-t-il et vit-il la situation particulièrement complexe traversée par l'Arménie ?
Mme Valérie Boyer. - Je ne connais pas personnellement la Géorgie mais j'ai toujours été marquée par les tensions et la complexité des liens entre les deux pays. Je pense que c'est lié à leur histoire, notamment à la façon dont les évènements se sont déroulés après la chute de l'Union soviétique. La Géorgie s'est démarquée de façon différente de l'Arménie, qui était à l'époque pleinement imbriquée dans le bloc soviétique et qui n'a pas pu manifester de soutien à la volonté d'ouverture démocratique géorgienne. Par ailleurs, les liens entre la Géorgie et la Turquie sont excellents. La Turquie n'exprime pas d'intention génocidaire vis-à-vis de la Géorgie. Pourtant, l'Arménie et la Géorgie ont beaucoup de points communs et expriment, comme nombre d'anciens pays satellites de l'URSS, une envie d'émancipation et de processus démocratique.
M. Jean-François Rapin, président. - Merci beaucoup, je vous propose de passer au vote de cette proposition de résolution européenne.
La commission adopte, à l'unanimité, les amendements proposés par la rapporteure puis la proposition de résolution européenne, disponible en ligne sur le site du Sénat.
Institutions européennes - Réunion interparlementaire en format Weimar à Varsovie les 10 et 11 mars 2024 - Communication
M. Jean-François Rapin, président. - Nous en venons à présent au compte rendu que Marta de Cidrac se propose de nous faire de la réunion en format Weimar des commissions des affaires européennes des parlements allemand, polonais et français qui s'est tenue à Varsovie il y a un mois. Claude Kern l'accompagnait également mais ne peut être là ce matin malheureusement. J'aurais dû aussi m'y rendre mais une visite du Premier Ministre dans mon département le même jour m'en a finalement empêché. Je sais que nos deux collègues ont parfaitement représenté notre commission à cette réunion importante car elle participe du retour en force de ce format de discussion entre nos trois pays, comme on peut l'observer à la fois au niveau de l'exécutif et au niveau parlementaire.
Mme Marta de Cidrac. - Merci beaucoup Président. Mes chers collègues, j'ai eu l'honneur, avec notre collègue Claude Kern, malheureusement empêché d'être avec nous ce matin, de représenter notre commission à la réunion en format Weimar qui s'est tenue à Varsovie le 11 mars dernier. Le « triangle de Weimar » trouve son origine dans une réunion entre les ministres des affaires étrangères de France, d'Allemagne et de Pologne en 1991 à Weimar, dans le but partagé de soutenir l'adhésion de la Pologne à l'OTAN et à l'Union européenne, ce qui advint successivement en 1999 et 2004.
Un volet parlementaire de ce triangle de Weimar s'est parallèlement déployé à divers niveaux : entre chambres basses, entre chambres hautes, mais aussi entre commissions et entre groupes d'amitié, et ceci, à la fois aux plans politique et administratif. La réunion du 11 mars dernier à Varsovie rassemblait des parlementaires des commissions des affaires européennes des deux chambres du Parlement français, des deux chambres du Parlement polonais et du Bundestag allemand ; elle intervenait trois ans après la précédente, qui avait eu lieu en visioconférence en raison de la pandémie. Le contexte de la guerre d'agression russe en Ukraine, la prise de distance américaine à l'égard de l'Europe et les élections polonaises d'octobre dernier, qui ont conduit à la désignation en décembre de Donald Tusk à la tête du Conseil des Ministres : tout ceci a changé la donne et rétabli un contexte favorable à la revitalisation de ce dialogue à trois. Il a d'abord repris au niveau de l'exécutif : les ministres des affaires étrangères de Pologne, d'Allemagne et de France s'étaient en effet réunis un mois plus tôt, le 12 février, à La Celle-Saint-Cloud et, quatre jours après notre rencontre parlementaire à Varsovie, c'était les trois chefs de l'exécutif eux-mêmes, le Premier Ministre Tusk, le chancelier Scholz et le Président Macron, qui se réunissaient à Berlin. Au plan parlementaire, le 11 mars, se sont donc réunies à Varsovie les commissions des affaires européennes des deux chambres françaises et polonaises et du Bundestag, sans le Bundesrat qui n'a aucune compétence en matière diplomatique ; le même jour, mais à Berlin, se réunissaient les commissions des affaires étrangères, mais des seules chambres basses : Diète polonaise, Bundestag et Assemblée nationale.
À Varsovie, la délégation française, outre Claude Kern et moi, comprenait quatre députés de la commission homologue de l'Assemblée nationale : son président Pieyre-Alexandre Anglade, Frédéric Petit qui en est vice-président, Joëlle Melin et Vincent Seitlinger. Nous y avons été accueillis par les présidents des commissions des affaires européennes de la Diète polonaise, Michal Obosko, et du Sénat polonais, Bogdan Klich, chacun entouré de quatre parlementaires, et nous y avons aussi rencontré huit députés de la commission des affaires européennes du Bundestag, menés par leur Président, le Docteur Anton Hofreiter. Toutes les sensibilités politiques étaient représentées pour les trois pays en présence, mise à part l'extrême droite polonaise.
Chacun des trois membres du triangle de Weimar a ses raisons pour vouloir relancer la coopération avec ses partenaires dans ce format qui permet de sortir des relations bilatérales parfois difficiles, pour des raisons tant historiques que conjoncturelles, et d'affronter ensemble la situation inédite que représente la guerre en Ukraine, aux portes de l'Union européenne. Nous avons bien senti la prudence de nos collègues allemands, tant sur les perspectives d'adoption du paquet d'aide à l'Ukraine par le Congrès américain que sur la probabilité et l'impact possible d'un retour au pouvoir de Donald Trump ; nous avons aussi entendu le souci de nos collègues polonais de préserver le lien transatlantique, tout en travaillant au renforcement des capacités de défense européenne et en saluant l'engagement du Président Macron à cet égard lors de la Conférence de Paris du 26 février. Les parlementaires polonais s'apprêtaient d'ailleurs à se rendre à Washington pour tenter de convaincre leurs collègues américains de l'importance décisive que revêtait la poursuite de leur soutien à l'Ukraine, ce que le Président Zelensky a encore confirmé dimanche dernier en indiquant que l'Ukraine perdrait la guerre si les 60 milliards d'aide américaine restaient bloqués au Congrès.
Nous avons tenu à Varsovie deux sessions, l'une sur les perspectives d'élargissement et les conséquences pour les politiques européennes, l'autre sur la révision des traités.
Lors de la première séquence, Claude Kern et moi avons confirmé le soutien apporté par la France, par le Sénat et par notre commission aÌ l'Ukraine depuis le début de la guerre, et appelé nos homologues à rester unis et unanimes à ce sujet, en faisant valoir la responsabilité géopolitique des trois membres du triangle de Weimar dans le contexte actuel. Nous référant aux propos du secrétaire général adjoint du Service européen d'action extérieure, Charles Fries, que nous avions auditionné dix jours plus tôt, nous avons souligné que le coût de ce soutien était bien moins élevé que ne le serait le coût d'une défaite de l'Ukraine. Nous avons aussi rappelé que ce soutien, s'il s'inscrit dans la durée, n'était pas inconditionnel et que le Conseil européen avait lui-même exhorté l'Ukraine, malgré la guerre, à continuer ses efforts pour conforter l'État de droit, réformer l'administration et lutter contre la corruption. Nous avons invité nos collègues, Allemands et Polonais, à partager avec nous ce travail de suivi dans la durée, et insisté sur l'importance que les parlements nationaux aient leur mot à dire dans ce débat essentiel, en vue de l'ouverture prochaine de négociations d'adhésion.
Nous avons aussi indiqué notre souci d'accompagner parallèlement les pays des Balkans, et avons exprimé notre soutien au plan d'investissement récemment adopté par le Conseil européen, à hauteur de six milliards d'euros, dont deux milliards de subventions et quatre milliards de prêts avantageux : il revient aux dirigeants, aux parlements, aux forces vives et aux peuples des pays concernés de saisir cette opportunité historique de prendre le train en marche de la nouvelle Europe géopolitique que nous cherchons à construire.
Mais nous n'avons pas éludé les implications d'un possible élargissement de l'Union, à savoir son coût financier, mais aussi son impact sur les politiques européennes, à commencer par la PAC et la cohésion, sur la taille et la structure de son budget et sur son fonctionnement institutionnel.
Le Président Klich, pour le Sénat polonais, a conclu la séquence en résumant ses points saillants : le soutien à l'Ukraine fait quasiment l'unanimité et ne doit pas faire oublier celui à la Moldavie, à la Géorgie, et aux pays des Balkans ; l'Union européenne est une communauté de valeurs, et ses membres offrent un modèle en acceptant de travailler ensemble avec leurs différences, langues et désaccords ; la procédure d'adhésion ne doit pas durer trop longtemps, le cas de la Turquie fournissant à cet égard un contre-exemple instructif ; la méthode d'élargissement doit être progressive et privilégier un alignement des pays candidats sur les politiques fondamentales de l'UE puis leur adaptation aux politiques sectorielles ; l'interopérabilité doit être promue s'agissant du volet militaire du concept d'autonomie stratégique, qui a naturellement une dimension économique plus large ; il importe de mieux communiquer auprès de nos citoyens pour préparer l'élargissement et nous pouvons pour cela nous appuyer sur le triangle de Weimar qui porte l'histoire du conflit, qui parle au monde par la réconciliation qu'il incarne, et qui est un dispositif de stabilité pour l'OTAN et pour l'UE.
Lors de la seconde séquence consacrée à la révision des traités, Claude Kern et moi avons rappelé les conclusions du rapport de notre commission montrant la possibilité de progresser à traités constants, puisque ceux-ci offrent des souplesses et permettent des géométries variables, et nous avons insisté sur le fait que la volonté politique pouvait permettre d'avancer.
La plus grande partie de nos collègues allemands et polonais ont aussi fait part de leur grande prudence à l'égard d'une possible révision des traités, même si l'élargissement risque de compliquer le fonctionnement de l'Union : le principe même d'une révision des traités est donc loin de faire l'unanimité et ses partisans, qu'ils se situent dans la majorité présidentielle, chez les Verts allemands ou aux extrêmes de l'échiquier politique, sont très divisés sur son contenu potentiel. Notre collègue le député Petit, membre du Modem, a tenu à souligner que renoncer au veto ne signifiait pas revenir à la majorité simple, si l'on considère la majorité qualifiée comme un petit droit de veto, dès lors que 4 États et 35% de la population européenne peuvent bloquer une décision. En sa qualité de parlementaire, il a également marqué sa défiance envers les coopérations gouvernementales qu'il juge dangereuses. Le Président Anglade a soutenu pour sa part qu'une révision des traités devrait assurer un meilleur contrôle démocratique et qu'il ne fallait pas craindre la différenciation, les avant-gardes (comme l'euro ou l'espace Schengen) ayant toujours été fécondes.
Le Président Kobosko, pour la Diète polonaise, a conclu la réunion en soulignant la nécessité d'entretenir le dialogue dans ce format Weimar, que certains ont même appelé à institutionnaliser sous la forme d'une assemblée germano-franco-polonaise. Une prochaine rencontre entre nos cinq commissions homologues est déjà envisagée en septembre à Berlin.
Permettez-moi un dernier mot pour évoquer la rencontre que notre délégation française a eue par ailleurs avec notre ambassadeur à Varsovie, Etienne de Poncins, qui était auparavant en poste à Kiev. Il a confirmé le réchauffement en cours de la relation bilatérale franco-polonaise, notamment en matière de défense et d'énergie ; un traité, qui pourrait s'appeler « traité de Nancy », est d'ailleurs en préparation, après ceux d'Aix-la-Chapelle conclu en 2019 avec l'Allemagne, du Quirinal avec l'Italie en 2021, et de Barcelone avec l'Espagne en 2023. L'Ambassadeur nous a éclairés sur la complexité du paysage politique intérieur en Pologne, la coalition menée par Donald Tusk recouvrant 14 partis, même si son coeur est constitué des 3 partis conservateurs : Plateforme civique, dont Donald Tusk est issu, le PIS du Président Duda qui occupe encore la première place au plan national, et enfin la 3ème voie, chrétien-démocrate. Ce camp pro-européen a obtenu le déblocage des fonds européens -une enveloppe de 50 à 100 milliards d'euros- mais se trouve confronté à des manifestations d'agriculteurs protestant contre les mesures environnementales de l'Union européenne et contre les importations de produits alimentaires en provenance principalement d'Ukraine. Malgré ces tensions, le retour de la Pologne vers l'Europe se confirme dans les urnes puisque les élections régionales du week-end dernier ont encore conforté la coalition au pouvoir.
Cela nous permet de miser durablement sur l'approfondissement de notre dialogue avec la Pologne et l'Allemagne dans ce format Weimar riche de promesses. Je vous remercie pour votre attention.
M. Jean-François Rapin, président. - Merci Marta. Effectivement la capacité que l'on a aujourd'hui à réunir le triangle de Weimar est bien meilleure. Je me souviens de réunions faites d'échanges compliqués entre représentants des parlements allemands et polonais. La pandémie avait interrompu ces échanges, mais c'est une excellente nouvelle que nous puissions désormais les reprendre en de bonnes conditions. J'ajouterai une seule nuance. Lors de mon déplacement conjoint avec le Président Larcher à Berlin, nous avions rencontré nos homologues du Bundesrat, et c'est vrai qu'il est très compliqué d'avoir des relations avec cette chambre « homologue » mais au fonctionnement très différent de la nôtre. Il avait réussi à obtenir de la part de la Présidente du Bundesrat d'instituer des échanges réguliers, sans succès jusque-là. Le fait que la présidence tourne annuellement complexifie nos échanges interparlementaires.
M. Didier Marie. - Nous pouvons nous réjouir que le changement d'orientation politique en Pologne permette la reprise de discussions constructives. Il ne faut pas oublier que le PIS continue à détenir un pouvoir de nuisance significatif. Tout d'abord car - cela a été rappelé par Marta de Cidrac- le Président de la République est issu de ce parti et élu jusqu'en 2025 à ses fonctions, et aussi parce qu'il détient un pouvoir de véto important notamment sur les mesures européennes. Manifestement les Polonais ont envie de sortir de cette période politique et ont confirmé dans les urnes cette dynamique. La Pologne qui a parfois pu être négligée est une des plus grandes puissantes européennes dans de nombreux domaines. Vu les efforts consentis dans le domaine de la défense aujourd'hui par ce pays, il est significatif de renforcer nos liens avec lui. Je me réjouis donc que le triangle de Weimar connaisse une nouvelle jeunesse.
M. Jean-François Rapin, président. - Ceci dit, la situation politique n'est pas aussi claire que ça. D'après un échange bilatéral lors de la COSAC avec mon homologue polonais, Bogdan Klich - qui est devenu président de la commission des affaires européennes, suite à la séparation en deux commissions des affaires européennes et étrangères -, il semble que la situation reste tendue, avec notamment des formes de coalition qui se font par territoire.
Mme Valérie Boyer. - Je tenais à dire, en tant que présidente du groupe interparlementaire d'amitié France-Pologne, que nos nouveaux homologues viennent d'être nommés, et qu'à la reprise, probablement début juin, nous aurons une réunion conjointe avec eux. Je vous invite donc à adhérer au groupe. Nous nous rendrons en Pologne cette année et pourrons échanger avec eux sur ce sujet.
M. Jean-François Rapin, président. - La Pologne assumera également la présidence du Conseil de l'UE au premier semestre 2025.
Mme Valérie Boyer. - Oui tout à fait. Il y aura peut-être d'autres changements, considérant que le président du groupe d'amitié Aleksander Pociej, parfaitement francophone, n'a pas été réélu.
M. Didier Marie. - Il me semble que c'était un scrutin par liste, et qu'il a changé de circonscription pour finalement ne pas être réélu.
Mme Valérie Boyer. - C'est dommage car il aurait pu prendre la présidence du Conseil de l'Europe. A mes yeux, c'est une erreur stratégique incroyable pour le pays. Nous aurons donc bientôt une réunion avec les Polonais.
M. Jean-François Rapin, président. - Nous n'avons pas de mauvaises relations avec eux et je serai heureux de venir les saluer comme la dernière fois. Je veillerai à être membre du groupe d'amitié. Les Polonais font également un effort important en matière spatiale, comme d'autres pays d'Europe de l'Est par ailleurs. J'étais en Hongrie récemment : ces États s'engagent dans la politique spatiale, certes à des niveaux moindres que d'autres grands pays. Les Polonais sont particulièrement investis, et j'ai le souvenir d'une délégation reçue il y a trois ans au Sénat nous expliquant l'intention polonaise de travailler en ce domaine.
Mme Valérie Boyer. - Beaucoup sont par ailleurs francophiles, et c'est dommage que cela ne se traduise pas dans les marchés, en raison de leur tropisme américain.
M. Jean-François Rapin, président. - C'est également là que la démocratie parlementaire peut jouer. Le Sénateur du Pas-de-Calais qui compte une frange importante de Polonais dans son département souscrit à ces propos. Il y en a aussi à Marseille et je crois que l'on observe une forte migration polonaise vers les Alpes-Maritimes. Dans ma circonscription, ils travaillaient dans le bassin minier et parfois, leurs résidences secondaires deviennent aujourd'hui des résidences principales sur le littoral du Pas-de-Calais.
Je vous propose de reporter à la rentrée notre dernier point de l'ordre du jour sur le bilan des positions européennes prises par le Sénat au cours de la dernière année parlementaire, puisqu'il serait dommage de parler dans la précipitation de ce sujet important que nous devons avoir traité avant son évocation à l'occasion du débat sur l'application des lois, prévu fin mai en séance plénière.
La réunion est close à 11 h 20