- Mardi 26 mars 2024
- Audition des représentants des complémentaires santé - Union nationale des organismes complémentaires d'assurance maladie (Unocam), Fédération nationale de la Mutualité française (FNMF), France Assureurs et Centre technique des institutions de prévoyance (CTIP)
- Audition de M. Fabrice Lenglart, directeur de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees)
- Mercredi 27 mars 2024
Mardi 26 mars 2024
- Présidence de Mme Marie-Claire Carrère-Gée, présidente -
La réunion est ouverte à 16 h 35.
Audition des représentants des complémentaires santé - Union nationale des organismes complémentaires d'assurance maladie (Unocam), Fédération nationale de la Mutualité française (FNMF), France Assureurs et Centre technique des institutions de prévoyance (CTIP)
Mme Marie-Claire Carrère-Gée, présidente. - Nous poursuivons aujourd'hui notre série d'auditions, entamée voilà peu, dans le cadre de notre mission d'information consacrée à la question des complémentaires santé et du pouvoir d'achat, créée à l'initiative du groupe RDPI.
Nous sommes convenus que cette question constituerait un point de départ pour examiner l'architecture globale de notre système et en conséquences de cette organisation sur le coût assumé par les Français, dans leur diversité, qu'il s'agisse par exemple de leur situation professionnelle ou de leur âge.
Je précise à l'attention de l'ensemble des intervenants que l'audition fait l'objet d'un enregistrement vidéo diffusée en direct sur le site du Sénat et accessible en différé.
Nous avons le plaisir d'accueillir M. Marc Leclère, président de l'Union nationale des organismes complémentaires d'assurance maladie (Unocam), accompagné de Mme Delphine Benda, secrétaire générale administratif ; M. Éric Chenut, président de la Fédération nationale de la Mutualité française (FNMF), accompagné de Mme Séverine Salgado, directrice générale ; Mme Florence Lustman, présidente de France Assureurs, accompagnée de Mme Viviana Mitrache, directrice des affaires publiques France et de Mme Marie-Anne Ballotaud, directrice de cabinet de la présidente ; M. Dominique Bertrand, président du Centre technique des institutions de prévoyance (CTIP), accompagné de M. Denis Laplane, vice-président, et de Mme Marie-Laure Dreyfuss, déléguée générale.
Je vais confier à notre rapporteur le soin de faire une rapide introduction, puis je vous laisserai vous exprimer les uns et les autres, avant un échange avec les membres de la mission.
M. Xavier Iacovelli, rapporteur. - Notre volonté initiale était de comprendre les augmentations successives des tarifs des complémentaires santé et mutuelles supportées par les retraités. Puis nous avons choisi d'élargir le cadre à tous les Français, considérant qu'au cours des auditions nous aborderions forcément la question des publics les plus fragiles, soit principalement les retraités, mais aussi les chômeurs, les jeunes et les travailleurs indépendants.
Voici quelques-unes de nos interrogations. Avez-vous des suggestions en matière de répartition des rôles entre assurance maladie obligatoire et assurance maladie complémentaire ? Compte tenu de sa diversité et d'une répartition parfois peu lisible, quelles initiatives pourriez-vous prendre pour améliorer la clarté et la transparence de l'offre de complémentaires santé ? Pouvez-vous nous éclairer sur l'évolution de la situation financière des organismes complémentaires d'assurance maladie (Ocam), sur les facteurs exerçant une pression à la hausse pour les tarifs, et sur les contraintes normatives s'imposant à vous sur le plan prudentiel ? Quelle a été la hausse moyenne de cotisation demandée par les complémentaires santé entre 2023 et 2024, sur les contrats individuels et collectifs ? Quels sont les principaux facteurs déterminant le montant des cotisations ? Que pensez-vous des contrats solidaires et responsables, et des obligations qui y sont liées ? Enfin, point qui nous semble très important, pouvez-vous nous expliquer ce qu'il en est des frais de gestion et de la manière dont leur poids pourrait être réduit ?
Mme Florence Lustman, présidente de France Assureurs. - En préambule, je voudrais rappeler qu'en tant qu'acteurs du système de santé, les organismes complémentaires d'assurance maladie sont très engagés dans l'amélioration de l'accès aux soins des assurés, cherchant en permanence des réponses adaptées à leurs besoins croissants. Nous sommes mobilisés pour tenter de répondre, aux côtés des pouvoirs publics, aux défis qui nous font face : vieillissement de la population et accroissement de la prévalence des maladies chroniques, mais aussi aux questions relatives à la santé mentale et aux risques environnementaux. Nous entendons travailler à la soutenabilité financière du système de santé, sans nous limiter à cet aspect ; nous voulons aussi contribuer à l'amélioration de la pertinence des soins, à leur qualité, à la personnalisation des parcours et à la lutte contre les abus et les fraudes.
Pour entrer dans le concret, je voudrais évoquer l'exemple de l'élaboration des tarifs. L'assurance, en général, a ceci de particulier que son prix est défini avant que l'on ne puisse en connaître véritablement le coût. L'assuré paie des cotisations d'avance, et l'assureur évalue les charges qu'il va devoir engager sur la base des cotisations préalablement encaissées.
Pour l'assurance complémentaire santé, la cotisation est généralement fixée à la fin du mois de juin de chaque année, soit avant l'été, pour le 1er janvier de l'année suivante. Elle devra couvrir toutes les charges et prestations qui seront remboursées pour cet exercice n+1.
À cette date, les informations liées au PLFSS ne sont évidemment pas connues. En revanche, nous allons intégrer des rattrapages pour tenir compte d'effets que nous avons subis en cours d'année, en raison de l'application du mécanisme précédemment décrit - effets liés, soit à des décisions qui n'avaient pas été totalement anticipées, soit à des mesures qui n'étaient absolument pas connues au moment où la cotisation a été fixée.
Mme Marie-Claire Carrère-Gée, présidente. - Pourquoi une fixation au mois de juin, et pas plus tôt ou plus tard ?
Mme Florence Lustman. - Nous sommes tous calés sur ce calendrier car nous devons également tenir compte des délais de gestion, de l'obligation d'information des assurés ou encore d'émission des avis d'échéance.
Mme Marie-Claire Carrère-Gée, présidente. - Le calendrier est-il le même pour tout le monde ?
Mme Florence Lustman. - Je le confirme. Nous souhaiterions être plus associés aux réflexions en amont, ce qui nous permettrait de capter à l'avance les effets qui s'imposeront à nous par la suite.
Au-delà de ce schéma théorique, les années 2023 et 2024 ont été marquées par une forte augmentation des dépenses de santé prises en charge par les organismes complémentaires d'assurance maladie.
Une première augmentation, la plus naturelle, est liée à celle de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam), lequel a progressé sur la période de 3,2 %. Même si nos dépenses ne sont pas rigoureusement homothétiques de celles de la sécurité sociale, l'évolution de l'Ondam nous donne une première estimation.
Nous tenons ensuite compte du différentiel entre l'Ondam réalisé et celui qui a été voté. Or, depuis plusieurs années, nous constatons systématiquement un dérapage, tournant généralement autour de 1,1 point.
En sus, s'agissant des cotisations pour 2024, nous avons dû intégrer dans leur toutes les décisions prises trop tardivement pour que nous puissions en tenir compte dans les tarifs appliqués à l'année 2023. Ces mesures peuvent être de nature conventionnelle, réglementaire ou légale.
D'autres mesures sont imposées, comme le transfert d'une partie des charges liées aux frais dentaires ou les extensions du 100 % santé. D'autres encore sont décidées conjointement dans le cadre d'accords conventionnels signés avec l'Unocam. Certaines font l'objet d'un chiffrage partagé avec nous, d'autres exigent que nous fassions nous-mêmes les estimations.
L'évolution des cotisations des organismes complémentaires d'assurance maladie reflète donc ce cumul d'évolutions des dépenses de santé. Face à cela, nous avons un marché extrêmement compétitif, dans lequel évoluent de nombreux acteurs : chacun d'entre eux prendra donc en compte le jeu de la concurrence pour finaliser ses tarifs.
Nous exerçons, je le rappelle, une activité extrêmement réglementée, avec une autorité de contrôle dédiée, l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR). Nous devons respecter de nombreuses normes de conformité et de solvabilité, en particulier en matière d'équilibre de notre activité. Dit autrement, nous ne pouvons pas systématiquement perdre de l'argent. Or nous sommes dans une situation très tangente, comme la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees) l'a elle-même écrit, et avons été tout juste à l'équilibre technique sur la période 2021-2022. Or partant de cet équilibre à peine atteint, il a fallu appliquer les décisions que je vous ai partiellement énumérées sur la période 2023-2024.
Mme Marie-Claire Carrère-Gée, présidente. - Nous avons bien compris que vous travaillez sous contrainte. Mais j'en reviens au questionnaire qui vous a été adressé en amont. Nous aimerions surtout vous entendre sur ce qui distingue les entreprises que vous représentez, les normes s'appliquant spécifiquement au secteur, l'intervention sur les différents marchés, ou même les raisons pour lesquelles vous demeurez sur un marché actuellement non lucratif...
Mme Florence Lustman. - Je peux tout à fait répondre à vos questions. Mais nous avions choisi de nous répartir les interventions liminaires, ce qui apportera déjà des réponses globales à bon nombre d'interrogations. Nous pourrions ensuite donner des éclairages particuliers sur nos structures respectives. Nous avons également tous prévu de vous répondre par écrit à vos questions.
Mme Marie-Claire Carrère-Gée, présidente. - Procédons ainsi. Nous considérons donc les propos liminaires comme apportant des éléments généraux, vous concernant tous.
M. Marc Leclère, président de l'Union nationale des organismes complémentaires d'assurance maladie (Unocam). - L'Unocam n'est pas une fédération des complémentaires santé. Découlant d'une loi de 2004 ayant réformé la gouvernance de l'assurance maladie, la structure réunit, sous une forme associative, les fédérations ayant des activités en matière de complémentaire santé, y compris le régime particulier d'Alsace-Moselle, et ce pour un objet spécifique : porter la voix unique des complémentaires santé dans le cadre du champ de l'activité conventionnelle, en représentant les Ocam dans leur grande diversité.
Dans ce cadre, sont mis autour de la table les financeurs - l'Union nationale des caisses d'assurance maladie (Uncam) pour le régime obligatoire et l'Unocam pour les complémentaires santé - et les professionnels de santé.
La discussion ne se limite pas aux questions d'argent, même si elle débouche in fine sur l'établissement des conditions de conventionnement des professionnels de santé permettant le remboursement effectif ou la prise en charge des soins des patients en France. Elle a donc des conséquences sur des facteurs de coût du risque intégrés dans le coût des complémentaires, comme, par exemple, la fréquence et l'occurrence de recours aux soins. Cela étant, nous abordons aussi des sujets comme la modération des dépenses, la qualité et la pertinence des soins ou encore la prévention. Enfin, nous intégrons dans notre travail la question de la juste rémunération des professionnels de santé et les objectifs de maîtrise des dépenses.
Cette alchimie est certes complexe, mais c'est aussi la force de ce système conventionnel.
L'Unocam intervient par ailleurs pour donner des avis, notamment dans le cadre de l'examen du PLFSS, et travaille sur des sujets transverses comme la lisibilité des garanties.
Retenez que l'activité conventionnelle se traduit par des avenants et conventions qui emportent des dépenses nouvelles pour l'assurance maladie obligatoire et l'assurance maladie complémentaire, qui ont un impact sur les cotisations.
Il faut croire à l'intérêt de ce dialogue conventionnel et lui donner toutes ses chances, même si ce n'est pas toujours facile. Mais celui-ci gagnerait effectivement à faire l'objet d'une concertation accrue entre financeurs, Ocam et pouvoirs publics pour mieux saisir en amont les éléments de la dépense globale d'équilibre.
D'autres facteurs pèsent sur le coût du risque, comme la couverture des contrats et les logiques de segmentation du risque, mais je n'en parlerai pas car l'Unocam n'est pas investi de ces sujets.
M. Éric Chenut, président de la Fédération nationale de la Mutualité française (FNMF). - La Mutualité française, comme vous le savez, est un organisme à but non lucratif et démocratique. Ce sont nos adhérents qui sont à la tête de notre gouvernance, et ils sont très soucieux, dans les prises de décisions, au niveau des appels de cotisation et d'une gestion la plus juste possible.
Pour nous, au-delà de la répartition de la dépense entre assurance maladie obligatoire, complémentaires santé et ménages via le reste à charge, la question fondamentale est celle de la dynamique de la dépense globale de santé. Depuis la crise de la Covid, l'accélération, qui était de 3,5 % chaque année, est montée à 4,5 %, voire un peu plus, sans que nous ne sachions si cette tendance est structurelle ou conjoncturelle.
Pourquoi poser cet enjeu ? Nous nous inquiétons nécessairement des transferts qui pourraient survenir de l'assurance maladie obligatoire vers les complémentaires santé, mais en réalité de tels transferts ne changent rien au problème de fond. Ce qu'il faut aujourd'hui, c'est travailler collectivement et dans un cadre pluriannuel sur les déterminants des dépenses de santé, la gestion du risque, l'orientation vers les soins et les soins redondants, c'est-à-dire sur les leviers de l'efficience, et ce par des outils de bonne prescription. D'après la Haute Autorité de santé (HAS), nous pourrions économiser 25 milliards d'euros en travaillant de la sorte. L'accompagnement à la prescription me semble primordial.
Je n'oublie pas pour autant la lutte contre les fraudes, que ce soit de quelques professionnels de santé ou de quelques assurés sociaux. Aucune n'est acceptable dans un système de protection solidaire comme le nôtre !
Pour répondre à l'une de vos préoccupations, l'étude que nous faisons a posteriori des décisions des mutuelles en matière d'évolution des cotisations, lesquelles sont plutôt prises chez nous en septembre ou octobre, montre une évolution sur les contrats individuels - retraités, chômeurs, jeunes avant emploi - de 7,3 %, sur les couvertures individuelles, de 7,7 % sur les couvertures facultatives et de 9,9 %sur les couvertures collectives obligatoires.
Ces progressions - j'y insiste - sont simplement destinées à garantir l'équilibre général du système. Nous sommes cependant conscients des difficultés que cela peut engendrer, plus particulièrement pour les retraités, dont certains voient le coût de l'adhésion à leur mutuelle représenter jusqu'à un mois, voire un mois et demi de pension - il s'agit donc d'un poste de dépenses excessivement élevé.
Trois raisons principales expliquent que la hausse des cotisations touche davantage les retraités que les autres catégories d'assurés.
La première tient à l'accord national interprofessionnel (ANI) de 2013, qui a affaibli la logique de solidarité entre actifs et retraités dans le secteur privé.
La deuxième a trait à l'évolution des périmètres de prise en charge des soins de santé par l'assurance maladie obligatoire et les complémentaires. Aujourd'hui, du fait de la mise en place du forfait hospitalier, et d'un certain nombre de frais que les complémentaires santé ont désormais rendus solvables, les retraités doivent assumer plus de risques que par le passé. Nous vous enverrons des éléments écrits sur le taux de prise en charge.
La troisième raison, et non des moindres, concerne la fiscalité. Comme le coût de la complémentaire santé évolue davantage pour les retraités, l'impact de la fiscalité est aussi plus important pour eux. Indépendamment du type de contrat, la fiscalité représente près de deux mois de cotisations. J'ajoute que, contrairement aux actifs, les retraités ne bénéficient évidemment pas de la participation de leur employeur ; contrairement à certains travailleurs non salariés, ils n'ont pas non plus droit à certains avantages fiscaux.
C'est pourquoi la Fédération nationale de la Mutualité française propose, en vue de rétablir une forme d'équité fiscale, de baisser le taux de la taxe de solidarité additionnelle (TSA) sur les contrats non aidés - fiscalement ou par l'employeur - en le portant à 7,04 %.
M. Dominique Bertrand, président du Centre technique des institutions de prévoyance (CTIP). - Le CTIP étant un organisme paritaire, le président que je suis s'exprimera en tant que représentant du collège des salariés, quand Denis Laplagne, son vice-président, s'exprimera en tant que représentant du collège des employeurs.
M. Denis Laplane, vice-président du Centre technique des institutions de prévoyance (CTIP). - Les institutions de prévoyance constituent un modèle original et pour tout dire assez unique. Il s'agit d'organismes d'assureurs privés dont la gouvernance est paritaire, à but non lucratif, et intégralement autofinancée - les institutions de prévoyance ne perçoivent aucune subvention ou participation publique.
Elles gèrent exclusivement des contrats collectifs d'assurance de personnes pour le compte des entreprises et des branches professionnelles. Ces contrats sont négociés par une entreprise ou une branche professionnelle et par des partenaires sociaux. Elles ont pour but d'assurer aux salariés une protection en matière de santé et de prévoyance, en cas d'incapacité, d'invalidité, de décès, de retraite, ou en vue d'une retraite supplémentaire.
Les contrats collectifs ont des caractéristiques intrinsèques : l'affiliation des salariés a un caractère obligatoire ; le taux de cotisation est unique, indépendant de l'âge ou de l'état de santé de l'assuré, ce qui traduit l'absence complète de sélection des risques à l'entrée et l'absence de clauses restrictives. Ce schéma contribue à une véritable mutualisation des risques au sein d'une même entreprise ou d'un même secteur, mutualisation qui permet de mieux maîtriser le coût de la protection sociale à la charge des salariés et des entreprises.
Éric Chenut l'a rappelé, ces contrats sont obligatoires. L'employeur prend en charge une partie des cotisations - au minimum la moitié et, dans la pratique, entre 50 et 60 % du total - de cette couverture santé et prévoyance. Aussi, le taux d'adhésion des salariés et des entreprises est très élevé, de l'ordre de 80 à 85 %. Je rappelle que les institutions de prévoyance couvrent 13 millions de salariés et 2,5 millions d'entreprises.
Les institutions de prévoyance ont pour autre particularité d'être gouvernées par les représentants des employeurs et des salariés, lesquels travaillent ensemble au pilotage de l'organisme. Cela signifie que ce sont les assurés, en tant que clients et bénéficiaires des contrats, qui siègent dans les conseils d'administration, au sein desquels - ce point est crucial -est fixé le montant des cotisations.
Les institutions de prévoyance élaborent des stratégies orientées vers le seul intérêt des entreprises et des salariés. En outre, je le redis, la définition du coût de la cotisation fait partie des discussions menées par les partenaires sociaux.
La gestion des contrats par ces institutions est assez performante : pour 100 euros de cotisations versés à l'institution de prévoyance, les assurés perçoivent en moyenne 89 euros de prestations ; les frais de gestion sont relativement réduits, ce qui s'explique par la structure de l'activité.
M. Dominique Bertrand. - En 2023, le produit des cotisations santé collectées par les institutions de prévoyance a progressé d'environ 6 %, soit une augmentation inférieure à celle des prestations.
Cette statistique correspond à un chiffre d'affaires et non à une augmentation des tarifs.
M. Xavier Iacovelli, rapporteur. - Monsieur Leclère, je souhaiterais vous interroger sur la lisibilité des contrats, et notamment sur ce sujet majeur pour nous que sont les frais de gestion. Que pouvez-vous nous dire de ces frais que les complémentaires santé prennent souvent pour excuse pour expliquer l'augmentation globale des tarifs ?
M. Marc Leclère. - Il est vrai que l'on entend souvent dire que les garanties figurant dans les contrats des complémentaires santé sont illisibles et difficilement compréhensibles. C'est pourquoi, dans le cadre d'un dialogue avec les pouvoirs publics, nous nous sommes engagés dans ce chantier. En 2020, nous nous sommes ainsi collectivement engagés à fournir des efforts très concrets pour présenter, de façon pédagogique, les remboursements proposés. Ces efforts se sont traduits par la mise à disposition de tableaux d'exemples de remboursement, que vous pouvez trouver sur les sites de toutes les complémentaires santé, sans exception.
M. Xavier Iacovelli, rapporteur. - Vos propos me permettent de rebondir sur un tout autre sujet, celui des comparateurs en ligne : ces comparateurs vous font-ils de gagner des contrats ? Ont-ils suffisamment de visibilité ? Sont-ils réellement pertinents pour les futurs adhérents ?
M. Marc Leclère. - Pardonnez-moi, monsieur le rapporteur, mais cette problématique est en dehors du champ de compétence de l'Unocam.
Pour en revenir à la lisibilité des garanties, elle se décline de façon opérationnelle par une harmonisation des tableaux, et notamment de leurs intitulés, la mise à jour de glossaires pour que les assurés ou futurs assurés s'y retrouvent, la création d'un livret pédagogique reprenant tous les cas pratiques sous la forme d'une infographie.
L'ensemble de ces démarches fait l'objet d'un suivi attentif, notamment de la part du Comité consultatif du secteur financier (CCSF). Le bilan de la mise en oeuvre de ces engagements, renouvelés année après année, est encourageant.
M. Éric Chenut. - On reproche aux complémentaires santé, parfois de manière un peu caricaturale, leurs coûts de gestion. On voudrait comparer les coûts de gestion de l'assurance maladie et ceux des complémentaires, alors que les périmètres d' de ces organismes sont différents.
Selon une étude extrêmement intéressante réalisée par un think tank il y a deux ans, à périmètre égal, les coûts de gestion s'élèveraient à 3 % pour l'assurance maladie, et à 4 % seulement pour les complémentaires santé, ce qui prouve que ces dernières ne sont pas si mauvaises que cela en la matière.
Les coûts de gestion intègrent des éléments disparates, permettant de garantir un certain nombre de services aux adhérents.
Les complémentaires assurent tout d'abord une forme de proximité, un accueil spécialisé à travers des agences qui reçoivent les adhérents, les informent de leurs droits en tant qu'assurés sociaux, mais aussi en tant que mutualistes ; elles assurent également un accueil par téléphone, le contact humain étant préféré aux robots conversationnels. Les mutuelles qui gèrent la complémentaire santé solidaire accueillent des adhérents qui ont besoin d'accompagnement. Sachez que les complémentaires ont fait le choix de localiser leurs plateformes téléphoniques en France, afin de défendre l'emploi dans notre pays - ce qui a évidemment un coût.
Une partie des coûts de gestion découle aussi des accords de tiers payants conclus entre les complémentaires de santé et les professionnels de santé, lesquels permettent aux adhérents de ne pas avancer de frais, ce qui évite à certains de renoncer à des soins et contribue à réduire les inégalités.
Les coûts de gestion correspondent donc à un certain nombre de prestations de services attendues par les Français, des standards en quelque sorte. Pour les garantir, les complémentaires santé doivent se doter de systèmes d'information performants et de personnels formés.
Ces coûts de gestion découlent aussi en partie des accords de conventionnement qui sont passés, notamment entre les complémentaires et l'hôpital, de sorte que les cotisations des adhérents n'augmentent pas trop.
Enfin, ils reflètent le rôle des complémentaires santé en matière d'accompagnement social, d'action sociale et de prévention - en somme, toutes ces prestations qui n'ont pas de lien direct avec la sécurité sociale.
Il serait probablement nécessaire de dissocier clairement ce qui relève de la gestion pure - technique, administrative, commerciale, etc. - de ce qui relève davantage de prestations en nature et en services : cette différenciation permettrait de comparer plus efficacement le modèle de gestion des mutuelles et les autres modèles en présence. Elle inciterait davantage à l'innovation, notamment en matière de prévention, et permettrait aux assurés de choisir en connaissance de cause.
S'agissant des comparateurs en ligne - plateformes ou courtiers -, je me permets simplement de vous faire observer, monsieur le rapporteur, que ces sites ne travaillent pas gratuitement. Ils captent de la valeur, soit au détriment de l'assureur, soit au détriment de l'adhérent. Certains intermédiaires ont même émis le souhait de se financer à hauteur de 2 % des prestations de protection sociale complémentaire versées, un montant absolument colossal ! Cette revendication montre bien qu'un modèle reposant sur la seule concurrence tarifaire n'est probablement pas le meilleur pour bien réguler le système, surtout si l'on veut que les décisions soient prises dans l'intérêt du bénéficiaire final et, plus largement, dans l'intérêt général, c'est-à-dire celui de la soutenabilité de la protection sociale.
Mme Florence Lustman. - France Assureurs regroupe trois familles d'assureurs : les assureurs mutualistes, les bancassurances, qui sont des filiales de banques, et les assureurs anonymes.
Ce qui caractérise nos assureurs, c'est qu'ils assurent tous les risques. Notre métier est de conseiller nos assurés - les Français, donc - sur la couverture de leurs risques. Quand on les interroge, ces derniers demandent toujours plus de protection dans un monde qui se caractérise par une très forte augmentation des risques. On pense naturellement aux catastrophes naturelles, mais il convient aussi de se prémunir contre le risque des entreprises, les problèmes de santé mentale, ou encore les risques liés au vieillissement de la population.
Nous couvrons les besoins de personnes qui veulent constituer un complément de retraite, obtenir un apport dans le cadre d'un achat immobilier ou financer les études de leurs enfants. C'est l'assurance vie qui, dans ce cas, répond à leurs besoins. Notre métier est de conseiller et de répondre aux interrogations d'assurés qui veulent pouvoir faire face à des coups durs, de l'invalidité à l'incapacité de travail, en passant par les conséquences de la maladie. Aussi, pour nous, l'assurance en matière de santé fait partie intégrante des réponses que nous apportons à nos assurés.
Contrairement à l'assurance maladie obligatoire, notre réponse est personnalisée. C'est du reste une obligation qui nous est faite, puisque la directive européenne sur la distribution d'assurance consacre ce devoir de conseil. En matière de santé, le conseil est primordial, le risque étant très variable selon les individus, ou encore le secteur dans lequel ils exercent leur profession.
C'est pourquoi, contrairement à la sécurité sociale, nous devons gérer une multiplicité de contrats, qu'il s'agisse de contrats collectifs ou individuels - représentant respectivement 52 % et 48 % de l'ensemble de nos contrats. Notre valeur ajoutée, c'est bien la personnalisation des garanties, leur adaptation aux besoins des personnes ou de l'entreprise.
Le conseil que nous proposons se fonde sur une analyse personnalisée et adaptée des besoins, ce qui implique d'y consacrer du temps et de mobiliser des compétences, autant d'éléments qui, d'une façon ou d'une autre, se retrouvent dans ce que l'on appelle « frais de gestion ». Chaque entreprise, vous vous en doutez, exige une analyse approfondie de ses caractéristiques, ce qui aboutit, la plupart du temps, à la mise en place de démarches de prévention adaptées à chaque type d'activité.
Nous assurons une gestion personnalisée de chaque assuré et de chaque entreprise : c'est la grande différence avec les services offerts par la sécurité sociale !
M. Xavier Iacovelli, rapporteur. - Madame Lustman, à combien s'élèvent en moyenne les frais de gestion pour chacun de vos adhérents ?
Vous avez parlé des banques : selon vous, celles-ci utilisent-elles les informations auxquelles elles ont accès pour cibler les assurés et leur proposer des contrats personnalisés ?
La plupart du temps, les contrats des complémentaires santé ne prévoient pas de prestations à la carte, mais des « packs », des formules comportant un panel de garanties plus ou moins haut de gamme, si bien que les assurés, même s'ils n'en ont pas besoin dans leur totalité, sont contraints de payer un ensemble de prestations au prix fort. Qu'en pensez-vous ?
Au risque de mettre les pieds dans le plat, j'évoquerai un dernier sujet : les professionnels de santé que nous avons auditionnés nous ont dit qu'ils préféreraient n'avoir à faire qu'à un interlocuteur unique, un « payeur unique » qui, pour eux, devrait être l'assurance maladie, parce qu'elle est a priori plus efficace et rapide en termes de paiement que vous. Qu'en pensez-vous ? Estimez-vous que la mise en place d'un interlocuteur unique permettrait de simplifier les choses et de faire baisser les coûts de gestion ?
M. Denis Laplane. - Les institutions de prévoyance ont un domaine d'activité restreint qui leur assure une bonne connaissance des entreprises. En cela, nous disposons d'une bonne appréciation des risques et parvenons donc à une relative maîtrise des coûts.
Pour ce qui est des coûts de gestion, je rappelle que les complémentaires santé ont dû absorber un certain nombre de réformes structurelles extrêmement lourdes et coûteuses tout au long des années 2010 : réglementations diverses, cybersécurité, lutte contre la fraude et le blanchiment, reporting extrafinancier, etc.
Depuis quatre ou cinq ans, l'évolution des frais de gestion s'est infléchie, si je puis dire, grâce à un mouvement de rationalisation - des coûts notamment - que toutes les complémentaires de santé ont engagé, sans pour autant s'interdire d'investir, par exemple pour améliorer les parcours clients ou renforcer l'offre de proximité vis-à-vis de leurs assurés.
Depuis 2018, les frais de gestion des institutions de prévoyance ont stagné en valeur ; leur part a ainsi baissé de 14,8 % à 13 % des cotisations, toutes activités confondues. En matière de santé, la part des frais de gestion des institutions de prévoyance a baissé de 15,9 % à 14,1 %, malgré une dynamique extrêmement forte des prestations de santé.
Mme Florence Lustman. - Je vous rassure, monsieur le rapporteur, les données des assurés des bancassurances, quelles qu'elles soient, sont strictement protégées. En 2014, nous avons même signé une convention avec la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) sur la protection des données de santé de nos assurés.
M. Xavier Iacovelli, rapporteur. - Laissez-moi reformuler ma question : le fait que les banques disposent - légitimement - d'un certain nombre de données personnelles ne crée-t-il pas une distorsion de concurrence en matière d'assurance ?
Mme Florence Lustman. - Tout intermédiaire cherchant à vendre des services d'assurance à un client a l'obligation de poser un certain nombre de questions relatives à la situation de ce dernier, de façon à pouvoir lui conseiller le meilleur produit possible. Je ne pense pas que l'on puisse parler de concurrence déloyale.
M. Xavier Iacovelli, rapporteur. - J'ai lu quelque part que 77 % des clients de plus de 70 ans couverts par une complémentaire santé étaient adhérents d'une mutuelle. Que vous inspire ce chiffre ?
M. Éric Chenut. - C'est le produit de l'histoire : il y a une vingtaine d'années encore, les mutuelles représentaient près de 60 % du champ des complémentaires santé. Ces clients « historiques » ont vieilli, ils sont restés dans le giron des mutuelles parce que, satisfaits de nos prestations, ils nous demeurent fidèles. Voilà pourquoi, des trois grandes familles de complémentaires santé, les mutuelles sont celles qui comptent la plus forte proportion de retraités.
J'en viens au cas des assurés qui seraient contraints de souscrire un contrat comportant beaucoup plus de garanties qu'ils n'en auraient besoin. Je pense notamment à la situation des personnes souffrant d'une affection de longue durée (ALD), dont les frais de santé liés à leur pathologie sont pris en charge à 100 % par l'assurance maladie obligatoire.
Pour ces assurés, la complémentaire santé joue pleinement son rôle pour tous les autres médicaments et examens prescrits, qui, eux, sont pris en charge aux taux de remboursement habituels. J'ajoute que l'état de santé global de ces adhérents est souvent plus fragile que la moyenne : la complémentaire santé assure donc un certain nombre de services très précieux. Par ailleurs, la prise en charge à 100 % se fait sur les bases de remboursement de la sécurité sociale. En cas de dépassement d'honoraires, celle-ci, contrairement à la complémentaire santé, n'intervient pas pour les personnes en ALD.
Enfin, permettez-moi de revenir sur la question de la hausse continue des cotisations des complémentaires santé. Il est tout à fait légitime que cet enjeu vous préoccupe.
À mon sens, pour mettre fin à cette dynamique, il convient de remettre en cause le périmètre du contrat solidaire et responsable, qui a été progressivement complété de garanties qui me semblent désormais excessives ; si ce contrat présente l'avantage d'offrir une base de mutualisation étendue aujourd'hui, il aggrave la dynamique haussière des dépenses de santé.
Le contrat solidaire et responsable doit redevenir un contrat se concentrant sur les soins essentiels ; ce n'est qu'ensuite que les assurés doivent décider du niveau de protection dont ils ont besoin. Aujourd'hui, un certain nombre d'organismes, pour couvrir des personnes qui ne sont plus en mesure de payer ce type de contrats, notamment des retraités, leur proposent des contrats non responsables, taxés à hauteur de 20 %, et d'entrée de gamme. Que le contrat de personnes modestes soit taxé à hauteur de 20 % me semble éminemment problématique.
M. Bernard Fialaire. - Le terme « solidaire » dans ces contrats dits solidaires et responsables ne me paraît pas très adapté au modèle des complémentaires santé. Le système est aberrant aujourd'hui : conçu initialement pour responsabiliser les assurés, il permet à tout un chacun d'être couvert à moindre coût, ce qui n'est pas la meilleure façon d'aller vers la responsabilisation. Le système crée en outre des dépenses supplémentaires par son organisation même, ce que la problématique des frais de gestion a le mérite de révéler. À mes yeux, il serait intéressant de réfléchir à une sécurité sociale universelle à laquelle s'agrégeraientt, non pas des complémentaires santé, mais des « supplémentaires ».
Mme Corinne Imbert. - Le ministre de l'économie et des finances a annoncé une possible remise en cause de la prise en charge de certaines affections de longue durée. Ce matin, il a même évoqué l'éventualité d'un remboursement des frais de santé en fonction de ses revenus. Qu'est-ce que tout cela vous inspire ?
M. Éric Chenut. - Nous sommes particulièrement inquiets de cette petite musique lancinante d'une remise en cause de l'universalisme de la sécurité sociale. À mes yeux, ce serait délétère. En s'engageant dans cette voie, on risque d'affaiblir l'acceptabilité de la cotisation. Ce calcul comptable à courte vue conduirait à une remise en cause profonde des principes régissant notre protection sociale depuis quatre-vingts ans, ce qui serait absolument dramatique.
Concernant l'évolution du périmètre de prise en charge des affections de longue durée, je ne sais pas quoi vous répondre : les personnels de l'administration centrale, les membres du Gouvernement que j'ai questionnés m'ont tous répondu que toutes les options étaient encore sur la table.
Qu'il s'agisse d'une remise en cause d'une catégorie d'affection de longue durée, comme cela a été le cas voilà une dizaine d'années pour l'hypertension, ou de la mise en place d'une franchise ou d'un ticket modérateur, il y aura bascule des dépenses vers les complémentaires ou vers les ménages, mais en tout état de cause, ce n'est pas ce qui freinera la dynamique des dépenses de santé.
La problématique n'est pas tant celle de la répartition des dépenses que celle de leur montant global. Si l'on ne cherche pas à améliorer l'efficacité des prescriptions, à lutter contre la fraude, à gérer le risque de manière beaucoup plus fine et précise, nous n'y arriverons pas. Il conviendrait aussi d'envisager l'inscription des dépenses de santé dans la pluriannualité.
M. André Reichardt. - Est-il envisageable qu'une réflexion sur la prévention soit engagée de manière collective par toutes les complémentaires santé ?
La concurrence tarifaire entre les complémentaires santé renforce-t-elle le turnover des assurés au sein du secteur ?
Mme Florence Lustman. - La prévention est essentielle. Spécialistes de l'assurance collective, nous agissons comme de véritables partenaires d'entreprises qui doivent se concevoir comme des territoires de santé. Par ailleurs, nous diffusons très régulièrement des messages, accompagnons les salariés dans la préparation de leur retraite, aidons les aidants, qui sont de plus en plus nombreux.
Nous éprouvons en revanche un certain nombre de difficultés pour tendre vers une offre de prévention plus individualisée. En effet, bien cibler les populations, adapter nos messages supposerait que nous ayons accès à un certain nombre de données auxquelles nous ne pouvons actuellement pas recourir.
Pour parvenir à maintenir notre protection sociale à son niveau actuel, il faudra continuer à faire de la prévention une priorité, mais aussi continuer à lutter contre la fraude, deux sujets cruciaux qui sont, hélas ! quelque peu au point mort.
M. Éric Chenut. - En réponse à cette question sur la prévention, je citerai tout simplement l'initiative que nous avons prise, institutions de prévoyance, assureurs et mutuelles, au printemps 2021 en matière de santé mentale : en quelques semaines, nous nous sommes accordés avec les psychologues et psychiatres pour prendre en charge quatre consultations neuropsychologiques, faire de la prévention active, et ce afin d'éviter la cristallisation de difficultés consécutives à la crise sanitaire. Voici l'exemple d'un engagement pris et tenu.
Nous nous sommes également entendus l'année dernière pour agir dans le domaine de la santé bucco-dentaire, une démarche qui devrait produire tous ses effets à partir de 2025.
Cela étant, comme vient de le dire Florence Lustman, si l'on veut aller chercher les personnes les plus éloignées du soin, il est essentiel de pouvoir personnaliser nos messages. Les messages génériques sont utiles, car ils permettent de diffuser une information générale et de cibler les priorités. Plus on agira collectivement, nous, les complémentaires, en lien avec la puissance publique, tant l'État que l'Assurance maladie, plus cela s'avérera efficace. Mais si l'on veut vraiment réduire les inégalités, rien de tel que la personnalisation.
M. Dominique Bertrand. - Devant vous sont représentées trois familles d'assureurs très différentes qui, pourtant, se parlent et sont capables de faire des propositions communes sur les sujets sur lesquels le Gouvernement les interpelle. Pour autant, je garde en mémoire une initiative malheureuse, celle du comité de dialogue avec les organismes complémentaires (Cdoc), qui n'a jamais rien donné.
S'agissant du turnover au sein du monde des complémentaires santé, la situation des institutions de prévoyance est très particulière, puisqu'elles ne gèrent que des contrats collectifs avec les entreprises, négociés entre salariés et employeurs ; il n'existe dans notre secteur presque aucun turnover.
Ce qu'il faut savoir, c'est que nos assurés - et cela vaut pour l'ensemble des assureurs présents autour de cette table - sont globalement satisfaits de la qualité des services que nous leur rendons.
Mme Marie-Do Aeschlimann. - Existe-t-il un marché de la réassurance ? Le cas échéant, est-il susceptible d'interférer dans la fixation des cotisations et des prix ?
Mme Florence Lustman. - Il existe un marché de la réassurance, qui s'applique pour l'essentiel aux risques de prévoyance, c'est-à-dire le décès, l'invalidité et l'incapacité. En matière de santé, les risques sont beaucoup plus limités en termes de montant.
Mme Marie-Claire Carrère-Gée, présidente. - Je remercie chacun d'entre vous d'avoir participé à cette table ronde.
La réunion est close à 18 h 05.
Cette audition a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
- Présidence de Mme Marie-Claire Carrère-Gée, présidente -
La réunion est ouverte à 18 h 10.
Audition de M. Fabrice Lenglart, directeur de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees)
Mme Marie-Claire Carrère-Gée, présidente. - Mes chers collègues, nous poursuivons cet après-midi nos auditions avec Fabrice Lenglart, qui dirige la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees). Il est accompagné de Mme Catherine Pollak, adjointe au sous-directeur de l'observation de la santé et de l'assurance maladie à la Drees, et de M. Geoffrey Lefebvre, chef du bureau de l'analyse des comptes sociaux.
Avant toute chose, je rappelle que notre mission, composée de 23 sénateurs de tous les groupes politiques, a été créée à l'initiative du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, auquel appartient notre rapporteur, Xavier Iacovelli. Notre rapport, assorti de recommandations, devrait être rendu public à l'été 2023.
Je précise que nous avons décidé d'inscrire nos travaux sur les complémentaires santé dans une perspective plus large que la question du pouvoir d'achat qui a inspiré la création de cette mission d'information.
Enfin, cette audition donnera lieu à un compte rendu écrit qui sera annexé à notre rapport, et son enregistrement vidéo sera accessible sur le site du Sénat.
Nous venons d'auditionner en table ronde les représentants des organismes complémentaires et nous recevrons également les représentants des assurés et d'autres acteurs de la société civile. Parallèlement à cet agenda, des auditions sont conduites depuis deux semaines dans un format plus technique, notamment avec les syndicats représentatifs des professionnels de santé.
Monsieur le directeur, je vous remercie très vivement de vous être rendu disponible pour partager avec nous votre expertise. Dans un premier temps, le rapporteur va vous poser quelques questions pour lancer nos débats, puis je vous donnerai la parole pour une quinzaine de minutes et nous aurons ensuite un temps d'échanges
M. Xavier Iacovelli, rapporteur. - Je vais limiter à ce stade mes questions puisque vous nous avez distribué un document qui complètera votre exposé. Comme l'a indiqué la présidente, mes principales interrogations portent d'abord sur le reste à charge avant et après la prise en charge de l'assurance maladie, ensuite sur la répartition des dépenses de santé entre l'assurance maladie obligatoire et les complémentaires santé, et enfin sur les dépenses prises en charge par l'AMC, par type de soins et par biens médicaux.
M. Fabrice Lenglart, directeur de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees). - Je vous remercie beaucoup de nous accueillir. Je suis accompagné de Catherine Pollack, sous-directrice adjointe de la sous-direction de la Drees, qui traite de l'observation de la santé et de l'assurance maladie, et de Geoffrey Lefebvre, en charge du bureau des comptes sociaux, et en particulier des comptes de la santé.
Comme vous le savez, nous publions chaque année une analyse des dépenses de santé : en septembre 2023 sont parus les comptes de l'année 2022 ; nous publierons en septembre 2024 ceux de l'année 2023. Ces comptes présentent en détail toutes les dépenses de santé, à la fois par type de dépenses et par financeurs, en distinguant d'abord les financeurs publics, dont l'assurance maladie obligatoire (AMO), ensuite l'assurance maladie complémentaire (AMC) et enfin, le reste à charge des ménages après AMO et AMC.
Notre deuxième publication annuelle est le rapport que le Gouvernement doit transmettre au Parlement sur la situation financière des organismes complémentaires assurant une couverture santé. Son élaboration s'appuie sur les données qui nous sont transmises par l'autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR).
Nous produisons également un certain nombre d'études spécifiques qui portent très souvent sur la répartition des dépenses de santé dans la population (nous exploitons les informations qui remontent du système national des données de santé ou SNDS). Nous traitons aussi, s'agissant du reste à charge après AMO, les données du SNDS et nous mettons à disposition du public une base spécifique permettant de détailler par type d'individu le reste à charge après AMO du côté des ménages. Enfin, nous disposons d'un modèle de microsimulation baptisé « OMAR Ines » qui permet d'analyser le caractère redistributif de l'AMO et de l'AMC.
Mme Marie-Claire Carrère-Gée, présidente. - Avez-vous en préparation des publications qui concernent notre mission ?
M. Fabrice Lenglart. - Un important travail est en cours pour actualiser le panorama des complémentaire santé publié en 2019.
Ma présentation comportera trois grandes parties avec, d'abord, les chiffres de base relatifs à la place des complémentaires dans le financement des dépenses de santé. Ensuite, j'évoquerai l'hétérogénéité de la situation des ménages, puis les comptes des complémentaires santé.
[Un diaporama est projeté]
Premier ordre de grandeur : ce qu'on appelle la CSBM, c'est-à-dire la consommation de services et de biens médicaux s'est élevée en 2022 à 235 milliards d'euros. Sa décomposition par grandes masses fait apparaitre que la moitié se compose de soins hospitaliers, les soins de ville hors médicaments en représentant le quart ; s'y ajoutent un huitième de dépenses de médicaments et une rubrique résiduelle dite « autres » qui recouvre par exemple les lunettes, les appareils auditifs ou les pansements. Cette CSBM représente à peu près 9 % du PIB et un peu moins de 3 500 euros par habitant en 2022.
Pour établir des comparaisons internationales, il faut partir d'un agrégat plus vaste, les dépenses courantes de santé ; pour le calculer, il faut ajouter à la CSBM les dépenses de santé dites de prévention, tout ce qui concerne les soins de longue durée - et pour faire simple, les dépenses liées à la dépendance - ainsi que les dépenses dites de gouvernance, c'est-à-dire principalement les frais de gestion des assureurs publics et privés. On passe ainsi de 235 milliards à 313 milliards et de 9 % à 12 % du PIB en France. En 2022, notre pays se situait en deuxième position européenne pour ces dépenses de santé rapportées au PIB derrière l'Allemagne. Les États-Unis se situent hors classement car, comme vous le savez, les dépenses de santé y représentent une part du PIB bien plus importante (18,2 %), pour diverses raisons.
Qui finance ces dépenses ? Je reviens à la CSBM, qui est financée à 80 % par la sécurité sociale et à raison d'une proportion quasi nulle par l'État (0,8 %), ce qui correspond à l'Aide médicale d'État (AME). Les 20 % restants, non remboursés par la sécurité sociale, sont pris en charge à raison des deux tiers par les organismes complémentaires santé et d'un tiers, c'est-à-dire de 7 %, par les ménages.
Mme Marie-Claire Carrère-Gée, présidente. - Les représentants d'organismes complémentaires estiment que les frais de gestion, que vous comptabilisez dans l'agrégat élargi des dépenses de santé, sont élevés mais qu'ils incluent en réalité des actions de prévention. Parvenez-vous à isoler et à identifier ces frais de prévention dans le champ des organismes obligatoires ou complémentaires ?
M. Geoffrey Lefebvre, chef de bureau de l'analyse des comptes sociaux. - Certaines dépenses de prévention sont financées en partie par les complémentaires santé, comme les remboursements de vaccins, et elles sont prises en compte dans cet agrégat. Un groupe de travail piloté par la direction de la sécurité sociale a été mis en place pour réfléchir à ce sujet. Cependant, nous n'avons pas pu dégager d'éléments chiffrés permettant de calculer la part qui pourrait relever de la prévention au sein des frais de gestion des organismes complémentaires.
Mme Marie-Claire Carrère-Gée, présidente. - Dans la rubrique relative à la prévention, vous isolez donc uniquement les dépenses qui, par nature, sont bien identifiées à des biens ou services médicaux relevant de ce domaine.
M. Fabrice Lenglart. - Nous respectons cette nomenclature internationale, qui permet des comparaisons avec les autres pays.
Comment évolue la part du financement de la consommation de services et biens médicaux ? Le graphique qui vous est présenté montre la courbe de la part prise par la sécurité sociale - de 76 % en 2010 à 79,6 % en 2022 - dans ce financement. Cette courbe illustre que, sur la période récente, la part prise en charge par la sécurité sociale a encore augmenté. Cela tient à deux raisons. La première est conjoncturelle et se rattache à l'effet covid. La deuxième est due au fait que la complémentaire santé solidaire (C2S), qui relevait auparavant de l'État, a basculé vers la sécurité sociale. S'agissant des autres financeurs, la part prise en charge par les organismes complémentaires, relativement stable pendant les années 2010, baisse au moment du covid, compte tenu de la baisse de l'activité et des moindres besoins de remboursement par les OC. Par la suite, cette courbe s'est redressée mais, au sortir de la période covid, elle se situe un peu en deçà du niveau de remboursement atteint avant la pandémie par les organismes complémentaires.
M. Xavier Iacovelli, rapporteur. - La baisse d'un point enregistrée pendant la période de covid me semble assez limitée.
M. Fabrice Lenglart. - Un point sur 13, soit 7,6 %, ce n'est pas négligeable. Cependant, votre remarque est tout à fait fondée, car une partie des dépenses de prévention - comme les tests - qui ont été plutôt pris en charge par l'État, n'est pas ici mesurée. Le surcroît de remboursements imputables au covid n'est donc pas entièrement reflété par la courbe de la sécurité sociale.
Entrons plus dans le détail de l'origine des financements. Il ressort de manière générale que le financement par les organismes complémentaires (OC) est concentré sur les soins de ville et les dispositifs médicaux. Dans la partie droite du graphique qui vous est présenté, vous retrouvez la part des différents types de dépenses de santé dans la CSBM et, en particulier, on constate que la moitié de cette dépense concerne l'hôpital. Ce graphique permet de comparer la structure de la dépense avec la structure du financement : il montre que la sécurité sociale finance davantage que les autres acteurs les dépenses hospitalières, un peu moins les dépenses de soins de ville et beaucoup moins les dépenses de dentisterie et d'autres biens médicaux. C'est l'inverse pour les organismes complémentaires qui remboursent, en proportion, beaucoup moins les dépenses hospitalières mais davantage les soins de ville, et beaucoup plus les soins dentaires ainsi que d'autres biens médicaux. Je précise que les dépenses de l'État qui figurent ici correspondent à l'AME et aux sommes engagées en faveur des anciens combattants. Elles représentent néanmoins un montant très limité.
Je vous propose maintenant de faire un point sur ce qui est financé par les OC, à savoir une part importante des dépenses d'optique, de soins dentaires et d'audioprothèses. En moyenne, les dépenses prises en charge par les OC représentent 439 euros par habitant. Le reste à charge par an et par habitant s'est établi en 2022 à 250 euros après AMO et AMC ; ce reste à charge demeure élevé, en particulier pour les audioprothèses et l'optique ainsi que, dans une moindre mesure, pour les prothèses dentaires et les médicaments. Les comparaisons internationales au sein des pays développés indiquent que la France présente, après AMO et AMC, le reste à charge d'Europe et du monde le plus faible (8,7 %) dans la dépense courante de santé au sens international (DCSi).
S'agissant des comparaisons internationales relatives aux dépenses de gouvernance, la France figure parmi les pays ayant les frais de gestion totaux les plus élevés en pourcentage de la dépense courante de santé, soit 5 %. Cela s'explique par notre système dual qui nous amène, d'une certaine façon, à payer deux fois des frais de gestion, une fois par les organismes de base et une autre par les organismes complémentaires. Pour mémoire, je rappelle que le rapport du Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie (HCAAM) sur l'évolution des liens entre la sécurité sociale et les OC comportait un scénario dit de « Grande Sécu » qui chiffrait à environ 5,7 milliards les possibilités d'économies en charges de gestion des OC. Ce scénario envisageait la suppression des OC en donnant un champ beaucoup plus large à l'assurance maladie obligatoire. Mes équipes ont beaucoup travaillé sur la thématique, assez sensible, des frais de gestion.
J'en viens à la seconde partie de mon exposé, qui porte sur la dépense de santé en France du point de vue micro-économique. Le facteur prédominant est bien entendu celui du vieillissement. L'AMO atténue fortement l'effet de la hausse des dépenses de santé avec l'âge. Nous exploitons les données du système national des données de santé qui datent de 2017 mais qui qualitativement restent très robustes. La dépense moyenne de santé par âge est extrêmement ascendante : en 2017, elle représentait environ 1 000 euros jusqu'à l'âge de 20 ans ; on atteignait 7 000 à 8 000 euros pour les seniors tandis que la dépense moyenne s'établissait à 2 700 euros.
La courbe du reste à charge après l'intervention de l'assurance maladie obligatoire montre à quel point l'assurance maladie permet d'amoindrir l'écart des dépenses à la charge des individus suivant leur âge. On constate que le reste à charge après assurance maladie demeure à peu près trois fois plus élevé pour les personnes âgées que pour les 36-40 ans.
Pour analyser ce reste à charge dit opposable, on peut aussi classer les individus à une date donnée : on se rend alors compte qu'une petite partie de la population subit des restes à charges après AMO très élevés. En 2017, 1 % des patients étaient ainsi exposés à un reste à charge moyen de 5 400 euros, ce montant étant principalement imputable à des dépassements pour les soins optiques, auditifs ou autres.
Mme Marie-Claire Carrère-Gée, présidente. - Chez les plus de 85 ans, là où les dépenses sont les plus élevées, la complémentaire rembourse au maximum 1 000 euros en moyenne par an. Sait-on à combien se chiffrent les remboursements pour les personnes les plus âgées, au moment où elles ont le plus besoin d'une assurance complémentaire ?
M. Fabrice Lenglart. - La Drees a chiffré le taux d'effort, mais pas en le décomposant par âge.
Mme Marie-Claire Carrère-Gée, présidente. - Nous souhaiterions si possible disposer de ces éléments car il est essentiel pour nous de savoir quel est le montant moyen du reste à charge pour les personnes qui sont a priori les plus vulnérables du point de vue de la santé et les plus enclines à souscrire une protection individuelle à des tarifs plus élevés. Il serait également opportun de savoir à quels types de dépenses de santé correspond ce reste à charge. Il est important de savoir quelles prestations reçoivent les personnes âgées en contrepartie de leurs cotisations aux complémentaires santé.
Mme Catherine Pollak, adjoint au sous-directeur Observation de la Santé et de l'Assurance Maladie à la Drees. - Je communiquerai ces chiffres, tirés du précédent panorama des complémentaires santé de 2019, sur le poids des dépenses de santé pour les ménages retraités, y compris le reste à charge après AMO ainsi que les primes.
Vous souhaitez également connaître le détail du reste à charge après AMC : pour l'instant, nous n'avons pas publié d'éléments sur ce point, mais le prochain panorama, qui sera publié en juin 2024, comportera des indications sur la répartition fine de ce reste à charge.
M. Fabrice Lenglart. - S'agissant de la problématique importante des affections de longue durée (ALD), ce dispositif permet de garantir l'assurabilité des personnes les plus malades. En distinguant les personnes atteintes d'une ALD de celles qui ne le sont pas, on constate que le dispositif ALD permet à ses bénéficiaires de conserver un reste à charge après AMO a priori assurable par les assurances privées, au même titre que les patients hors ALD. C'est un point important à souligner.
Qui est couvert par une complémentaire ? Entre 2014 et 2017, on a enregistré une progression des complémentaires santé d'entreprise de façon beaucoup plus nette pour les salariés du privé que du côté des agents publics, pour lesquels quasiment rien n'a bougé pendant cette période. On constate que les agents publics, les indépendants et les retraités sont largement couverts par des complémentaires individuelles, tandis que les salariés du privé sont largement couverts par des complémentaires d'entreprises.
Mme Marie-Claire Carrère-Gée, présidente. - Il me semble que l'extension des couvertures collectives à la suite de l'ANIA résout un problème qui ne se posait pas vraiment puisque, dans l'ensemble, on est passé de 5 % de la population sans couverture complémentaire en 2005 à 4 % en 2017.
M. Fabrice Lenglart. - Effectivement, on a gagné 1 point sur 5. Mais on peut également dire que le gain représente 20 % des personnes non couvertes.
Mme Catherine Pollak. - L'ANIA a permis d'améliorer la couverture des salariés précaires : c'est cette catégorie qui a le plus bénéficié de cette évolution.
M. Xavier Iacovelli, rapporteur. - Le plus notable est que le pourcentage de salariés du privé bénéficiant de contrats collectifs, certainement moins onéreux que les contrats individuels, s'est accru de 9 points entre 2014 et 2017.
M. Fabrice Lenglart. - J'en viens aux aides socio-fiscales allouées aux complémentaire santé, qui bénéficient surtout aux plus modestes et aux plus aisés.
Mme Marie-Claire Carrère-Gée, présidente. - Du point de vue des prélèvements, je fais observer qu'il faut faire la distinction entre les personnes qui payent l'intégralité de leur complémentaire et, par exemple, les salariés, dont la moitié des cotisations est payée par l'employeur.
M. Fabrice Lenglart. - Notre étude indique qu'on dépensait en 2017 davantage d'argent public pour aider le dixième de la population le plus aisé à financer une complémentaire santé. En effet, au sein de ce décile, on trouve d'abord un certain nombre de professions indépendantes très bien rémunérées qui déduisent de leur revenu imposable leur cotisation à une complémentaire santé. S'y ajoutent les salariés, en particulier du secteur privé, qui bénéficient d'aides socio-fiscales liées à l'acquisition d'une complémentaire d'entreprise : d'une part, la partie salariale de la cotisation est, là encore, déduite du revenu imposable et, d'autre part, la partie financée par l'entreprise n'est pas taxée - on peut l'assimiler à une forme de rémunération du travail. Au total, les aides socio-fiscales pour acquérir une complémentaire en France correspondent à une courbe en U si l'on classe les individus sur une échelle de niveau de vie. Ce sont donc les classes moyennes qui sont le moins aidées.
Mme Marie-Claire Carrère-Gée, présidente. - La courbe en U retrace des dépenses globales qui pèsent sur le déficit public et dont vous indiquez qu'elles bénéficient en particulier aux plus modestes. Que recouvre exactement la catégorie du deuxième décile ?
M. Fabrice Lenglart. - Dans le deuxième décile, vous avez à la fois des personnes qui, à l'époque, pouvaient bénéficier de la CMU-C devenue la C2S gratuite, et des personnes qui bénéficiaient de l'ACS, c'est-à-dire de l'équivalent aujourd'hui de la C2S payante. Notre étude ne signifie pas que toutes les personnes incluses dans ce deuxième décile reçoivent ces aides : il s'agit d'un calcul destiné à savoir à qui s'impute la dépense publique en la divisant, en l'occurrence, par le nombre de personnes faisant partie du deuxième décile.
S'agissant des indépendants, prenons par exemple le cas de ceux qui relèvent du dixième décile, comme les notaires, pharmaciens ou médecins : s'ils cotisent à une complémentaire santé, leurs cotisations sont déduites de leurs revenus et sont donc non imposables.
Mme Marie-Claire Carrère-Gée, présidente. - Ces cotisations sont également non imposables pour les salariés qui cotisent pour une couverture complémentaire d'entreprise. En effet, la partie salariale est déductible et ils ne payent pas la partie employeur qui est néanmoins incorporée dans leur revenu imposable. Cette analyse est intéressante du point de vue du déficit public mais elle ne dit pas grand-chose du niveau de prise en charge par autrui du coût de la couverture santé. L'indépendant n'a par définition pas d'employeur et va donc payer ses cotisations « plein pot » : à la limite, on pourrait dire que l'État fait pour l'indépendant ce que l'employeur fait pour le salarié. Je fais cependant observer que, dans les premiers déciles, il y a très peu de gens imposables et donc, pour ceux-ci, l'aide fiscale est par définition inexistante ; de plus, parmi eux, vous avez peut-être des indépendants qui ne disposent que de revenus extrêmement modestes. Ce point mérite attention car votre graphique peut donner l'impression, au premier regard, que l'État concentre ses efforts sur les très pauvres - ce qui est exact - et sur les indépendants les plus riches. La proportion d'indépendants représente environ 13 % des Français et il faut éviter de conclure hâtivement qu'ils bénéficient tous d'un régime de faveur. On devient imposable à partir du quatrième ou du cinquième décile et de nombreux indépendants font partie des déciles qui se situent en deçà.
M. Fabrice Lenglart. - Effectivement, les indépendants aux revenus modestes que vous mentionnez ne bénéficient pas d'aides socio-fiscales pour les aider à acquérir une complémentaire santé, contrairement aux indépendants qui gagnent très bien leur vie.
Mme Catherine Pollak. - En complément, je précise que l'avantage dont bénéficient les salariés sous forme de prise en charge d'une partie de leur cotisation par l'employeur est variable et s'accroît avec le niveau de vie, car les salariés les mieux rémunérés sont également mieux couverts et mieux pris en charge par leurs employeurs.
M. Fabrice Lenglart. - Un autre graphique qui me paraît intéressant montre la forte redistribution opérée par l'assurance maladie : celle-ci bénéficie surtout aux personnes recevant des soins hospitaliers. Dans ce domaine, on dépense donc en fonction de ses besoins et on paye en fonction de ses moyens. On constate que les dépenses de santé des personnes du premier décile sont sensiblement plus faibles que celles des personnes du deuxième décile : cela s'explique par la surreprésentation des jeunes dans la catégorie des revenus très modestes et aussi, sans doute, par une différence de recours aux soins entre le premier décile et le deuxième décile. Globalement, le message principal est celui du niveau élevé de redistribution opérée par l'assurance maladie : les dépenses de santé sont en moyenne à peu près les mêmes quel que soit le niveau de vie, tandis que les financements dépendent du niveau de vie.
Je voudrais maintenant évoquer le poids des dépenses de santé des ménages, plus élevé pour les ménages modestes et âgés. On calcule le « taux d'effort AMC » en divisant les primes d'acquisition des complémentaires santé et le reste à charge par le revenu : cet indicateur a tendance à décroître quand le niveau de vie augmente. En revanche, le taux d'effort des ménages calculé en additionnant l'AMO et l'AMC suit une courbe beaucoup plus plate en fonction du niveau de vie.
J'en viens au 100 % Santé, qui est une des réformes mises en place récemment. Tout d'abord, la Drees a pris une « photographie » des contrats d'assurance complémentaires qui existaient juste avant le 100 % Santé et a comparé les garanties des deux systèmes. Le constat principal est qu'avant la mise en place du 100 % Santé, la plupart des contrats complémentaires proposaient, en optique, des niveaux de garantie au moins aussi élevés, voire plus élevés que ce que garantit le 100 % Santé ; à l'inverse, dans le dentaire et dans l'audiologie, beaucoup de contrats complémentaires apportaient des garanties de remboursement inférieures à ce qu'a apporté le 100 % Santé. Au total, avant le 100 % Santé, 80 % des assurés disposaient de garanties inférieures.
Pour préciser les effets de la réforme du 100 % Santé, le deuxième graphique qui vous est présenté mesure la part prise en charge par les organismes complémentaires, en distinguant les principaux postes de consommation. On constate que les dépenses d'optique sont essentiellement prises en charge par les complémentaires et que cette part globale de remboursement n'a pas beaucoup progressé suite à la mise en place du 100 % Santé. En revanche, la progression de la prise en charge des dépenses a été spectaculaire sur les audioprothèses et, dans une moindre mesure, sur les soins dentaires.
J'aborde à présent les comptes des complémentaires santé. Comme vous le savez, le marché de la complémentaire santé a connu une forte tendance à la concentration. De 2001 à 2022, le nombre d'organismes assujettis à la taxe de solidarité additionnelle (TSA) a beaucoup diminué (de 1 702 à 397), pour l'essentiel en raison d'un phénomène de concentration des mutuelles, au nombre de 1 528 en 2001 et de 272 en 2022. On peut également illustrer ce mouvement très spectaculaire de regroupement en observant qu'en 2022, les 10 plus grands organismes de complémentaire santé recevaient 41 % des cotisations contre 30 % en 2011.
Néanmoins, j'attire votre attention sur le fait que malgré le mouvement vigoureux de concentration, via les mutuelles, qu'a connu la France, notre pays se distingue toujours, en comparaison des autres pays européens, par un nombre très élevé d'organismes proposant une assurance santé. Notre marché de l'assurance santé est donc beaucoup plus disséminé que chez nos voisins.
M. Xavier Iacovelli, rapporteur. - La multiplication du nombre d'acteurs en France explique-t-elle le niveau comparativement très élevé des frais de gestion que nous connaissons dans notre pays ?
M. Fabrice Lenglart. - Cela peut constituer un facteur explicatif.
Mme Marie-Claire Carrère-Gée, présidente. - Ce n'est pas une certitude, car à supposer que seuls quatre acteurs en viennent à se partager le marché, la concurrence entre eux serait extrêmement vive.
M. Fabrice Lenglart. - Au cours des 20 années de concentration du marché de l'assurance santé, l'évolution des parts de marché des trois grands types d'assureurs santé - mutuelles, assureurs privés et institutions de prévoyance - fait apparaître des gains de parts de marché par les assureurs privés (20 % en 2021 et 36 % en 2022) aux dépens des mutuelles (59 % en 2001 et 47 % en 2022).
Mme Marie-Claire Carrère-Gée, présidente. - Les assureurs privés correspondent aux entreprises soumises au code des assurances ?
M. Fabrice Lenglart. - Exactement. Par ailleurs, la très grande majorité (96 %) des contrats de complémentaire santé sont responsables et solidaires.
J'en viens à la taxe de solidarité additionnelle payée par les ménages ayant un contrat de complémentaire santé. Cette TSA finance la C2S, ainsi qu'une partie de l'assurance maladie obligatoire. Sur la période récente, le produit de la TSA a été relativement stable, mais il a connu un petit ressaut lors de la crise du covid avec une taxe additionnelle prélevée en 2020 et 2021 sur les assureurs privés, au motif que ces derniers ont acquitté moins de remboursements compte tenu de la chute d'une partie de l'activité médicale.
J'en viens aux composantes du compte technique des organismes complémentaires, avec des cotisations qui financent principalement des sinistres ainsi que des charges de gestion, qui sont ici décomposées en trois types d'éléments : les « frais d'acquisition », comme la publicité, qui servent à essayer de conquérir de nouveaux clients, les frais de gestion de sinistres et les frais d'administration.
Les prestations servies par les complémentaires santé ont augmenté plus vite, en 2022, que les cotisations versées par les assurés. Ces prestations avaient chuté au moment de la crise covid, en lien direct avec la déprogrammation des soins et le ralentissement de la médecine de ville. Même en rajoutant au montant de ces prestations celui de la contribution covid, la courbe reste baissière pendant cette période, avant de connaître un ressaut assez brusque en 2021, suivi d'une baisse modérée en 2022.
Les frais de gestion représentent 20 % des cotisations : ce niveau est stable depuis 2015. Le montant de ces charges de gestion est un peu plus élevé en individuel (21 %) qu'en collectif (18 %) et également un peu supérieur du côté des assureurs privés ainsi que des mutuelles (respectivement 22 % et 20 %) que pour les institutions de prévoyance (14 %). Le résultat technique agrégé est quasiment nul mais, dans le détail, le résultat technique des contrats individuels est positif tandis que celui des contrats collectifs est négatif.
Mme Marie-Claire Carrère-Gée, présidente. - S'agissant des composantes du compte technique des organismes complémentaires, comment évoluent les variations de provisions qui figurent à un niveau assez significatif ?
M. Fabrice Lenglart. - Dans le tableau que vous mentionnez, nous avons essayé de représenter graphiquement - en donnant des ordres de grandeur - jusqu'à quel point les cotisations dépassent les sinistres. Il s'agit simplement d'éclairer la logique du compte technique.
M. Xavier Iacovelli, rapporteur. - Dispose-t-on du ratio entre les cotisations et les sinistres payés aux assurés ?
M. Fabrice Lenglart. - Pour l'ensemble des organismes, les cotisations collectées s'élèvent à 40,5 milliards d'euros et les prestations servies à 32,8 milliards d'euros.
M. Xavier Iacovelli, rapporteur. - Il y a donc 8 milliards d'euros de delta qui servent notamment à payer les frais de gestion, de publicité, d'acquisition ou autres et, en faisant le lien avec les chiffres mentionnés par le rapport du HCAAM, on économiserait 5,7 milliards dans un scénario d'unification.
M. Fabrice Lenglart. - C'était ce que disait ce rapport quand il a été publié.
Mme Catherine Pollak. - C'était effectivement 5,7 milliards d'euros sur les 7,4 milliards d'euros que représentaient, à l'époque, les frais de gestion, car l'hypothèse de la « Grande Sécu » ne supprimait pas complètement le marché de la complémentaire santé.
M. Xavier Iacovelli, rapporteur. - Sur cette base, on estimerait peut-être aujourd'hui le montant des économies réalisables à plus de 6 milliards d'euros ?
M. Geoffrey Lefebvre. - C'est une estimation.
Mme Marie-Claire Carrère-Gée, présidente. - J'observe que les variations de provisions ne sont pas visibles dans le tableau des résultats techniques en santé 2022.
M. Geoffrey Lefebvre. - Elles sont incluses dans la rubrique « autres charges » car, en comptabilité de santé, on parle plutôt de variations de prime non acquises. En réalité, le diagramme auquel vous faites allusion n'a qu'une valeur illustrative et vise à rappeler les différentes composantes des charges incombant aux organismes.
M. Fabrice Lenglart. - J'en arrive à la fin de ma présentation pour vous rappeler qu'aujourd'hui - d'après les données de juin 2023 - on estime que 7,4 millions de personnes bénéficient de la complémentaire santé solidaire, dont 5,9 millions pour la C2S gratuite et 1,5 million pour la C2S payante. Par tranches d'âge, on constate que la C2S bénéficie proportionnellement davantage aux jeunes (42 % des bénéficiaires de la C2S sont des enfants ou des jeunes de moins de 20 ans), tout simplement parce que leur taux de pauvreté est plus élevé que celui du reste de la population. Néanmoins, une part non négligeable de la population âgée bénéficie de la C2S payante (35 % de ceux qui l'ont obtenue sont âgés de plus de 60 ans).
Enfin, la Drees effectue des estimations de non-recours à la C2S : le taux global de non-recours se situe à un niveau important de 56 % (en 2021). Nous estimons qu'environ une personne sur trois qui pourrait recourir à la C2S gratuite n'y recourt pas, puisque le taux de recours est de 69 %. De plus, seulement deux bénéficiaires potentiels sur trois vont chercher la C2S avec participation.
Mme Marie-Claire Carrère-Gée, présidente. - Savez-vous qui sont ces personnes ?
M. Fabrice Lenglart. - Je précise que les taux de non-recours sont plus beaucoup élevés pour les C2S avec participation que pour la C2S gratuite.
Mme Marie-Claire Carrère-Gée, présidente. - Qui ne recourt pas à la C2S gratuite ?
M. Fabrice Lenglart. - Je pense que ce sont des gens qui ne connaissent pas ce dispositif ; c'est toute la problématique du non-recours aux aides sociales. Je rappelle qu'il y a à peu près un tiers de non-recours au RSA par ses bénéficiaires potentiels.
Mme Marie-Claire Carrère-Gée, présidente. - Il me semble que les professionnels de santé au contact des personnes ne faisant pas valoir leur droit à la C2S pourraient veiller à les informer...
M. Xavier Iacovelli, rapporteur. -Ils devraient !
M. Fabrice Lenglart. - Je trouve assez frappant que les ordres de grandeur du non-recours au RSA et à la C2S gratuite soient comparables, puisque que l'éligibilité en termes de ressources est à peu près analogue. Cela signifie bien qu'une partie de la population qui aujourd'hui, ne sollicite pas le RSA ne va pas chercher non plus la C2S.
M. Xavier Iacovelli, rapporteur. - À votre avis, la solidarité à la source peut-elle permettre de lutter contre le phénomène de non-recours en facilitant l'identification des bénéficiaires potentiels de la C2S gratuite ?
M. Fabrice Lenglart. - La solidarité à la source peut avoir plusieurs acceptions différentes dans le débat public, mais en tout cas ma réponse est oui. D'une façon ou d'une autre, la solidarité à la source telle qu'elle se prépare aujourd'hui, qui vise à pré-remplir les demandes de RSA et de prime d'activité à partir des ressources connues des demandeurs à horizon 2025, devrait aider à lutter contre le non-recours à la C2S. Cette formule, si elle n'est pas une solution miracle, va néanmoins dans le bon sens puisqu'aujourd'hui, un bénéficiaire du RSA est automatiquement éligible à la C2S.
L'autre question, qui renvoie à une autre réforme éventuelle, est de savoir si on souhaite, au-delà de ce pré-remplissage, aller vers une forme d'harmonisation des bases-ressources des principales prestations de solidarité. Dans l'hypothèse où l'on souhaiterait aller dans cette direction, on pourrait imaginer qu'avec une base-ressources harmonisée utilisable pour servir les différentes prestations de solidarité - en particulier la C2S avec participation, pour laquelle le non-recours est massif - les personnes éligibles au RSA pourraient être plus facilement identifiées comme pouvant également bénéficier de la C2S avec participation. Je pense qu'il y a donc matière à progrès dans ce domaine.
Mme Corinne Imbert. - Comment évaluez-vous concrètement les taux de recours et de non-recours ?
M. Fabrice Lenglart. - Nous utilisons notre modèle de microsimulation à partir de nos données d'enquête sur un échantillon d'individus représentatifs de la population française pour lesquels on dispose à la fois des caractéristiques de ces personnes et d'une estimation de leur niveau de revenus. On peut ainsi simuler le barème et donc l'éligibilité à la prestation en fonction des revenus. Ensuite on compare cette simulation aux données qu'on observe pour évaluer la partie de la population qui, a priori, devrait pouvoir accéder à la prestation mais n'y accède pas.
Mme Corinne Imbert. - Cela ne veut pas dire que ces personnes n'ont pas de couverture complémentaire ?
M. Fabrice Lenglart. - C'est exact, et d'ailleurs nous avons publié des analyses de cette thématique, car notre modèle de microsimulation nous permet d'avoir une idée de la part des personnes éligibles, mais dont on peut penser qu'elles recourent par ailleurs à une assurance complémentaire, par exemple d'entreprise ; tel est également le cas si elles appartiennent à un ménage dont le conjoint bénéficie d'une assurance complémentaire d'entreprise.
M. Xavier Iacovelli, rapporteur. - Pourra-t-on disposer de ces données ?
M. Fabrice Lenglart. - Nous pourrons vous les fournir, mais je précise qu'elles ne changent pas le sens du message que je vous ai résumé.
Mme Corinne Imbert. - Certes, mais quand on lit vos données brutes, on a l'impression que toute une partie de la population n'a pas d'assurance complémentaire. Or cela ne correspond pas exactement à la réalité : peut-être que des personnes pourraient en bénéficier, mais souhaitent éviter de la payer. Il est possible aussi que leur couverture par le contrat complémentaire de leur conjoint ne génère pas de surcoût. Je m'interroge donc sur le message qu'on peut tirer de ces chiffres, qui tendent à faire apparaître qu'une assez grande partie de la population est en déshérence et, de manière sous-jacente, n'accède pas aux soins faute de complémentaires.
Mme Marie-Claire Carrère-Gée, présidente. - Cela montrerait que le dispositif rate un peu sa cible, mais cela ne veut pas dire que les personnes n'ont pas de complémentaire par ailleurs.
M. Xavier Iacovelli, rapporteur. - Ce sujet correspond au but de notre mission d'information, qui est de mesurer l'impact des complémentaires santé sur le pouvoir d'achat des Français. Si on se rend compte qu'un certain nombre d'entre eux pourraient avoir accès à la C2S gratuite ou avec participation mais que - faute d'en être informés - ils ont pris une complémentaire nécessairement plus chère, cette méconnaissance de leurs droits a un impact négatif sur leur pouvoir d'achat.
M. Fabrice Lenglart. - Par définition, les personnes éligibles à la C2S satisfont à des conditions de ressources qui correspondent à un niveau de vie modeste. Sont surreprésentés dans cette catégorie les inactifs, les retraités et les chômeurs, dont on peut typiquement penser qu'ils ont moins facilement accès, en tant qu'ayant droit, à une complémentaire d'entreprise, par exemple. Ce dernier cas peut se présenter, mais la plupart des personnes ayant des ressources très modestes n'ont pas accès à une telle alternative à la C2S.
Mme Marie-Claire Carrère-Gée, présidente. - Je vous remercie très sincèrement pour vos réponses très précises.
Cette audition a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
La réunion est close à 19 h 20.
Mercredi 27 mars 2024
- Présidence de Mme Marie-Claire Carrère-Gée, présidente -
La réunion est ouverte à 17 h 20.
Audition commune d'associations de consommateurs et d'usagers : UFC-Que Choisir et France Assos Santé
Mme Marie-Claire Carrère-Gée, présidente. - Nous poursuivons les auditions engagées dans le cadre de notre mission d'information, consacrée aux complémentaires santé et au pouvoir d'achat. Traiter cette question suppose de s'intéresser aux périmètres respectifs de l'assurance maladie obligatoire (AMO) et de l'assurance maladie complémentaire (AMC).
Nous auditionnons aujourd'hui les représentants d'associations du système de santé et d'associations de consommateurs : UFC-Que Choisir et France Assos Santé.
Je précise que cette mission d'information a été constituée à l'initiative du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants auquel appartient notre rapporteur, Xavier Iacovelli. Elle est composée de 23 sénateurs représentant l'ensemble des groupes politiques du Sénat.
Mesdames, Monsieur, un questionnaire vous a été adressé en amont de cette réunion, organisée autour de deux séquences thématiques : le périmètre optimal de l'assurance santé obligatoire, d'une part, et la situation des assurés, les questions de transparence, de concurrence et d'accompagnement des consommateurs, d'autre part.
Je précise que cette audition fera l'objet d'un compte rendu écrit, et que son enregistrement vidéo, diffusée en direct, sera accessible en différé sur le site du Sénat.
Je laisse la parole à Xavier Iacovelli.
M. Xavier Iacovelli, rapporteur. - Je vous remercie. À l'origine, notre réflexion se concentrait sur les complémentaires santé et le pouvoir d'achat des retraités. La mission s'est finalement élargie à l'ensemble des Français - même si nos travaux nous amèneront à nous interroger plus particulièrement sur le cas des retraités.
En complément des propos de madame la Présidente sur le périmètre optimal de l'AMO et des complémentaires, j'ai plusieurs questions relatives à la situation des assurés et à l'ampleur de l'augmentation des cotisations des complémentaires depuis 2022. Selon vos études, dans quelle mesure ces hausses ont-elles des incidences sur le pouvoir d'achat des Français ? Identifiez-vous un risque de désaffiliation pour motif financier ? Avez-vous mesuré ce phénomène ces dernières années ? Estimez-vous qu'il pourrait s'amplifier ? Quelle est votre réaction face aux arguments des complémentaires justifiant ces hausses par les transferts de charges de l'AMO et l'accroissement structurel des dépenses de santé ?
Les offres de complémentaires santé vous paraissent-elles suffisamment claires ? Nous peinons à comparer des contrats qui proposent pourtant les mêmes garanties. Comment rendre les offres plus transparentes ?
Que pensez-vous de l'aide apportée par les
comparateurs de complémentaires santé en ligne ? Ces outils
vous semblent-ils neutres ? Quelles sont les différences entre ces
comparateurs et l'outil proposé par l'UFC-Que Choisir ? Pourquoi ce
dernier est-il anonyme
- seul le code postal du demandeur est
demandé ? Selon vous, existe-t-il un risque que ces comparateurs
permettent de constituer des fichiers de données personnelles ?
Comment évaluez-vous la qualité du service rendu par les complémentaires, s'agissant notamment des délais de remboursement et de l'accompagnement ?
Nous évoquions lors de notre audition d'hier les banques exerçant une activité d'assurance dans le domaine de la santé, qui accèdent à diverses données que d'autres organismes de complémentaire santé n'ont pas forcément à disposition. Je souhaiterais vous entendre sur ce sujet.
M. Daniel Bideau, vice-président de l'UFC-Que Choisir et animateur du réseau santé de l'association. - Notre questionnement porte sur la complexité du système des complémentaires santé. Selon nous, il serait possible de vivre dans un monde plus simple, au sein duquel un débat démocratique définirait un périmètre de soins nécessaires qui seraient pris en charge par la solidarité nationale contributive - c'est-à-dire la sécurité sociale, telle que nous la connaissons.
Il existe un ticket modérateur, une franchise visant à responsabiliser les patients sur l'essentiel des actes et des produits de santé - qui sont pourtant prescrits aux patients par des médecins - et une taxe sur les assurances maladies complémentaires, la TSA, qui finance la complémentaire Santé Solidaire (C2S) - l'assurance complémentaire des plus démunis. Le système est illisible pour les patients lambda et, particulièrement, pour les plus défavorisés, ceux qui ont des difficultés d'accès à l'information, qui ne maîtrisent pas la sphère numérique. Ce système prête le flanc aux manipulations.
Les prix des complémentaires santé flambent, affichant en 2024 une hausse record à deux chiffres, que nous estimons à 10 %.
M. Xavier Iacovelli, rapporteur. - J'ai en tête une étude de l'UFC-Que Choisir évoquant une hausse moyenne de 8 %, et jusqu'à 25 % pour les retraités.
Mme Maria Roubtsova, chargée de mission à l'UFC-Que Choisir. - L'estimation de 8 % provient de la Mutualité française, qui raisonne à âge constant. Or, tout le monde vieillit. Nous nous appuyons sur les relevés d'échéanciers envoyés par nos abonnés et nos adhérents. En tenant compte du vieillissement des assurés, nous arrivons à une hausse de 10 %.
M. Daniel Bideau. - Un public particulier est visé par ces augmentations : les personnes âgées retraitées dont les revenus dépassent légèrement le seuil d'éligibilité à la CSS. Cette situation est réellement problématique.
Contexte d'austérité ou non, la santé n'est pas négociable. Le sujet mérite mieux qu'une politique de discrets coups de rabot successifs sur l'assurance maladie, alors même que le vieillissement de la population est connu et prévisible. À travers les prélèvements obligatoires, les cotisations à l'assurance maladie complémentaire et le reste à charge, la dépense de santé pèse sur l'assuré social, le contribuable, le citoyen.
Comment répartir équitablement cette dépense ? Nous payons la politique des autorités sur le financement de la sécurité sociale. Les baisses de cotisations décidées par le Président de la République en 2017 posent de réels problèmes en matière d'équilibre des comptes sociaux. Des sources de financement doivent être trouvées quelque part.
Mme Marie-Claire Carrère-Gée, présidente. - Pardon de vous interrompre. J'entends ici un discours politique - certes au sens noble du terme. Or nous avons sollicité votre présence eu égard à votre expérience d'association de consommateurs. Pourriez-vous détailler vos constats à partir des relations que vous avez avec les Français - et notamment ceux que vous désignez, à raison, comme fragiles ?
Peu de pays prennent en charge les dépenses de santé à 100 %. Nous pourrions rêver qu'il en soit ainsi, mais nous sommes dans un contexte de ressources limitées. J'entends également votre remarque sur la baisse des cotisations : les problématiques que vous évoquez existaient avant.
Quels sont les problèmes causés par l'actuelle répartition des rôles pour les assurés ? Je ne conteste pas votre position, mais nous attendons des éléments concrets.
M. Daniel Bideau. - Les assurés peinent à distinguer l'AMO et l'AMC.
Les frais de gestion des complémentaires santé s'établissent autour de 20 % des cotisations collectées, contre 4 % pour la sécurité sociale. Alors que nous entendons parfois que le service public coûte cher, cette comparaison est utile.
Entre 2011 et 2022, le nombre d'organismes complémentaires a reculé de 38 %, passant de 1 074 à 664 acteurs. Cette concentration du secteur ne s'est accompagnée ni de rationalisations ni d'économies d'échelles au bénéfice des assurés. Le taux de redistribution des complémentaires nous semble être un indicateur très utile, mais difficile à trouver dans certains contrats.
M. Xavier Iacovelli, rapporteur. - Pouvez-vous nous fournir des éléments sur ce taux de redistribution ? Cette mission et cette audition visent à trouver des solutions. Quelles sont vos propositions ?
Mme Maria Roubtsova. - Nous proposons de rendre les frais de gestion accessibles, sur les sites Internet des organismes complémentaires, par exemple. Aujourd'hui, seuls les « meilleurs élèves » - nous en recensons deux - affichent ces informations en accès libre. Pour les autres, la donnée est noyée dans un devis ou dans un échéancier de 60 pages, rédigé en petits caractères, ou n'est pas actualisée depuis des années. Des mesures contraignantes seraient opportunes pour rendre davantage d'informations accessibles directement.
Je pense également à la standardisation des exemples de remboursement et des tableaux de garanties. La loi Hamon de 2014 prévoyait qu'un arrêté standardise ces éléments. Or, aucun texte n'a été publié depuis. Le dispositif repose sur un accord basé sur le volontariat des organismes, ce qui est insuffisant. Les tableaux ne sont pas tous identiques. Il convient d'améliorer la lisibilité et l'accessibilité de ces informations.
Dans le cadre de notre étude de janvier dernier, nous avons fait réaliser une trentaine de devis : ces démarches prennent un temps considérable ! Des informations personnelles sont demandées. Il est parfois nécessaire d'appeler l'organisme pour tenter de leur soutirer les informations. Ces éléments devraient être accessibles sans avoir à renseigner des données personnelles. Un organisme exigeait même les coordonnées bancaires avant de fournir un devis et de communiquer le taux de redistribution...
Mme Marie-Claire Carrère-Gée, présidente. - Avez-vous essayé de conduire cet exercice de standardisation ? Quel serait le socle permettant à chacun de trouver, en fonction de ses besoins, le contrat le plus adapté, le moins onéreux ou le plus performant ?
Mme Maria Roubtsova. - Nous n'avons pas d'exemple « clé en main ». Il est toutefois certain qu'un assuré lambda ne connaît pas la base de remboursement de la sécurité sociale - ni le concept ni le montant. Il faudrait donc éviter de mettre en avant cette information peu évocatrice.
M. Daniel Bideau. - Un panier de soins primaires devrait être une base de comparaison entre les contrats.
L'UFC-Que Choisir était associée aux travaux de l'Unocam. Les mutualistes ont pris un engagement qu'ils n'ont pas tenu. Nous sommes toujours en attente d'un tableau comparatif.
Lorsque les comparateurs sont financés par des assureurs privés ou mutualistes, ils présentent un biais, car il peut y avoir un intérêt à orienter vers un contrat plutôt qu'un autre.
Mme Marie-Claire Carrère-Gée, présidente. - Quelle serait votre préconisation en matière de financement ?
M. Daniel Bideau. - Nous aimerions qu'il n'y ait pas besoin de comparateurs. La meilleure solution serait de disposer de grilles tarifaires claires, précises, reposant sur les mêmes bases pour toutes les assurances - en tout cas pour un panier de soins primaire.
L'UFC-Que Choisir est indépendant. Nos comparaisons sont objectives. Notre proposition répond aux besoins exprimés.
Mme Marie-Claire Carrère-Gée, présidente. - Comment votre comparateur fonctionne-t-il ?
Mme Maria Roubtsova. - Nous sommes financés par nos abonnés et adhérents. Notre comparateur est en accès payant, mais il est disponible gratuitement une semaine dans l'année. Nous n'avons donc pas besoin de données personnelles pour nous financer. Sur la base du volontariat, les organismes nous fournissent leurs tarifs. Nous demandons aux internautes de renseigner leur profil - âge, région de résidence, etc. - afin d'identifier les différents contrats accessibles, leurs garanties et leurs tarifs.
Mme Marie-Claire Carrère-Gée, présidente. - Si je comprends bien, l'assuré paie sa demande. En revanche, il n'a pas l'assurance de bénéficier de l'exhaustivité des couvertures.
M. Daniel Bideau. - Une grande majorité d'assureurs nous fournit leurs offres. Pour autant, nous ne pouvons pas prétendre être pleinement exhaustifs.
Des intérêts croisés peuvent exister entre les propositions. Même si je pense qu'actuellement, les banques comme les assureurs séparent bien leur activité principale de leur activité de complémentaire santé, nous pouvons nous poser des questions compte tenu des problèmes numériques qu'ils peuvent rencontrer.
Mme Marie-Claire Carrère-Gée, présidente. - La méthodologie de recueil des tarifs est présentée sur votre site, mais vous n'indiquez pas le nombre d'assureurs ayant fourni leurs données. Nous comprenons en tout cas que l'assuré paie pour utiliser l'outil.
M. Daniel Bideau. - Lorsque le comparateur repose sur des intérêts privés, c'est l'assureur qui paie.
Mme Féreuze Aziza, chargée de mission Assurance maladie à France Assos Santé. - Les personnes âgées constituent effectivement une population que nous ciblons compte tenu du poids des cotisations.
Comme l'UFC-Que Choisir, nous sommes très attachés à la solidarité nationale, qui nous apparaît comme le système le plus juste. Je pense que nous partageons le constat selon lequel un recours au privé génère nécessairement des inégalités.
Nous vous avons communiqué une note comprenant des exemples et des verbatims recueillis sur notre ligne Santé Info Droits. Vous y retrouverez des éléments sur la complexité du système et les difficultés de compréhension des usagers.
Nous identifions un sujet sur le plafond de la complémentaire santé solidaire (C2S). La limite de gratuité est inférieure au seuil de pauvreté, ce qui pose une vraie question. Les personnes en affection de longue durée (ALD) ont des besoins de santé importants qui ne sont pas réellement pris en charge à 100 %. Des malades indiquent que les hausses de cotisations les conduisent à renoncer à une complémentaire santé et à se faire soigner uniquement pour leur ALD. Cela suppose de renoncer à des soins et de supporter un reste à charge sur ceux liés à l'ALD.
Les dépassements honoraires s'accroissent. Nous aurons bientôt des territoires entiers sans offre en secteur 1. Outre les franchises et les participations forfaitaires, nous observons des restes à charge invisibles, c'est-à-dire que les comptes sociaux ne voient pas. Les frais de parking à l'hôpital, les frais de transport non remboursés ou encore l'achat de petit matériel font partie de ces dépenses non remboursées et non identifiées. Selon l'étude que nous avons conduite en 2019 auprès de 350 personnes malades ou en situation de handicap, ces frais s'élèvent à 1 000 euros par an en moyenne.
Mme Marie-Claire Carrère-Gée, présidente. - Cet aspect nous intéresse fortement. Il est important pour nous d'avoir autant d'exemples que possible.
Mme Féreuze Aziza. - Jusqu'en 2011, tous les frais de transport liés à l'ALD étaient pris en charge. Ces remboursements sont désormais soumis à conditions. Lorsque la personne dispose d'une voiture et est capable de conduire pour se faire soigner à proximité de son domicile, les frais de transport ne sont plus pris en charge. Or, certaines pathologies nécessitent des soins itératifs. Une personne atteinte de mucoviscidose a des séances de kiné respiratoire quotidiennes - voire deux fois par jour. J'ai en tête un patient dont le kinésithérapeute le plus proche se trouvait à quinze kilomètres de son domicile et ne faisait pas de visite à domicile. Ces 30 kilomètres quotidiens représentaient un coût de 300 euros, à sa charge, alors qu'il percevait 900 euros d'AAH. Il a finalement demandé le recours à un taxi conventionné, qui lui a été accordé. Le coût pour la sécurité sociale est supérieur à ce qu'il aurait été si les frais de transport individuel avaient été remboursés. De telles incohérences existent.
Il y a aussi un sujet sur la prise en charge à l'acte ou la tarification à l'activité, parfois inadaptée.
Selon une enquête de la Drees sur l'accès des bénéficiaires de minima sociaux aux complémentaires santé, à la fin de 2018 13 % des bénéficiaires de l'AAH n'étaient pas couverts par une complémentaire santé. Ce taux est amené à s'accroître. Or, par nature, ces personnes ont besoin de soins. Nous sommes inquiets pour ces populations.
Ce sont souvent des personnes exclues des contrats collectifs - au chômage et/ou un peu précarisées - qui se trouvent au-dessus du seuil de la C2S. Il peut également s'agir de personnes âgées qui, par définition, ne travaillent plus. L'âge est un déterminant évident qui, selon nous, pose un sujet en termes d'égalité.
Des engagements avaient été pris, notamment dans le cadre de la réforme du « 100 % Santé », sur la lisibilité des contrats. Ces travaux ne sont pas allés suffisamment loin. Par exemple, alors que les contrats doivent obligatoirement mentionner cinq catégories, les complémentaires peuvent les présenter dans n'importe quel ordre et y ajouter des garanties complémentaires. Au final, on ne s'y retrouve pas. Il convient d'identifier et d'isoler les cinq catégories obligatoires afin de pouvoir réellement comparer les couvertures, sans y ajouter des garanties facultatives. Nous avons émis des propositions en ce sens.
D'autre part, des personnes se retrouvent avec deux mutuelles, sans avoir la possibilité de résilier dans l'immédiat. Certaines sont complètement perdues. Les personnes les plus fragilisées - notamment les plus âgées - sollicitent de l'aide face à ces situations de grande complexité.
S'agissant du panier de soins, quelle doit être la place de la prévention ? Nous estimons qu'elle doit s'adresser en premier lieu aux personnes les plus éloignées du système de santé, qui bénéficient donc d'un moindre accès à la complémentaire santé. Nous sommes très attachés à inclure la prévention au panier de soins public. En revanche, les complémentaires ont un rôle à jouer dans la prévention des risques au travail.
Mme Marianick Lambert, membre du bureau de France Assos Santé. - Nous nous sommes battus pour faire intégrer un quatrième point dans le 100 % Santé, en plus de l'audioprothèse, du dentaire et de l'optique : la lisibilité et la comparabilité des contrats de complémentaire santé. Nous l'avons obtenu. Ces travaux ont été confiés au Comité consultatif du secteur financier (CCSF). Les discussions ont été longues et âpres. En revanche, nous ne sommes pas parvenus à rendre obligatoire le respect d'un certain ordre de présentation.
Ces victoires restent toutefois symboliques à nos yeux. Elles n'apportent qu'une illusion de lisibilité. Au sein des contrats, les termes utilisés dans les exemples pratiques et dans les garanties ne sont pas les mêmes. Nous regrettons la mauvaise volonté des complémentaires santé, quel que soit leur statut. Pourtant, le CCSF s'emploie sur ce sujet.
Le comité de suivi du 100 % Santé se réunit trop épisodiquement - aucune réunion n'a eu lieu depuis un an. Il a évoqué les trois secteurs, mais pas la lisibilité des contrats. Une fois la réforme lancée, les travaux se sont interrompus. Tout n'a pas été mis en oeuvre. Par exemple, les discussions sur l'adaptation du panier de soins de chaque secteur au regard de l'expérience prennent du retard.
Mme Marie-Claire Carrère-Gée, présidente. - Disposez-vous d'exemples de termes différents entre les garanties et les exemples ?
Mme Féreuze Aziza. - Oui, nous vous en communiquerons par la suite.
Le document que nous vous avons transmis évoque également un sujet sur la portabilité des contrats, qui s'applique en cas de perte d'emploi et d'inscription au chômage. Or, une personne en arrêt de travail licenciée pour inaptitude bénéficie d'un droit théorique au chômage, mais ne le perçoit pas - puisqu'elle est en arrêt. Les complémentaires santé utilisent ce prétexte pour ne pas appliquer la portabilité des contrats. Cette problématique est soulevée depuis longtemps. Une réponse avait été apportée au niveau ministériel pour préciser que ce n'était pas le fait de percevoir le chômage, mais d'y avoir droit, qui permettait la portabilité. Pourtant, la situation reste bloquée. Nous disposons de plusieurs exemples de personnes en rupture de couverture du fait de ces aberrations sur les portabilités et les continuités des contrats.
Mme Marianick Lambert. - Nous n'avons pas de solutions à tous les problèmes. Toutefois, des évolutions sont possibles s'agissant de la gestion des ALD, de la mauvaise volonté des organismes complémentaires en matière de lisibilité des contrats, des frais de gestion des complémentaires santé ou encore de la fraude sur l'optique. Cette dernière ne recule pas. Les complémentaires devraient effectuer des contrôles plutôt que de répercuter l'augmentation des dépenses sur les cotisations de leurs adhérents. Des efforts sont possibles en la matière.
Avec le plafonnement des contrats responsables, le consommateur subit des restrictions. En parallèle, le nombre de médecins de secteur 2 et les dépassements d'honoraires se sont très fortement accrus en 20 ans. Le consommateur et l'usager sont systématiquement pénalisés. Malgré les réflexions des uns et des autres, il reste difficile de trouver des solutions concrètes à tous les sujets. En revanche, sur certains points de détail, la solution est tout à fait accessible.
Mme Féreuze Aziza. - Le tiers payant est également un vrai sujet.
M. Bernard Fialaire. - Vous évoquiez la baisse des cotisations sociales au début du précédent quinquennat. Celles-ci ont été compensés par une augmentation de la CSG. Nous pouvons tout à fait plaider pour un système plus beveridgien que bismarckien, ce qui ne me semblerait pas injuste...
Vous observez qu'il est parfois impossible de trouver un professionnel de santé de secteur 1. Or, les médecins en secteur 2 sont tenus d'assurer une partie de leurs consultations au tarif du secteur 1.
Mme Féreuze Aziza. - Oui, en cas de signature de l'option pratique tarifaire maîtrisée (Optam), ce qui n'est pas toujours le cas.
M. Bernard Fialaire. - Avez-vous étudié les différences de complémentaires collectives selon la taille de l'entreprise ? Qu'en est-il par exemple, dans les petites entreprises ?
Parfois, une mutuelle rembourse un appareil à hauteur de 100 euros, mais sa plateforme négocie un tarif inférieur avec le fournisseur. Où cette différence va-t-elle ? Avez-vous identifié ce sujet ?
Mme Maria Roubtsova. - Non, la hausse de CSG n'a pas compensé les baisses des autres cotisations. Vous contestez nos propos sur les baisses des cotisations sociales, mais ceux-ci sont détaillés dans notre rapport économique, social et financier.
Mme Marie-Claire Carrère-Gée, présidente. - Personne n'a dit que cette baisse était inexacte. J'ai observé que nous nous orientions vers un propos politique et très général. Au-delà des grandes généralités - que tout le monde partage - ce sont vos expériences et les exemples concrets que vous pouvez nous présenter qui nous intéressent.
Mme Maria Roubtsova. - Le bilan des mesures en matière de prélèvements obligatoires se trouve dans le rapport économique, social et financier. Nous constatons une baisse de ces prélèvements depuis 2017.
La CSG n'est pas progressive. Malgré des velléités de progressivité sous François Hollande, je crois que c'est le Conseil constitutionnel qui s'y est opposé en 2015. Compenser des baisses de cotisation par la CSG pose donc un problème.
Mme Marianick Lambert. - Votre dernière question doit être posée aux complémentaires. Nous n'avons aucun moyen de savoir où va l'écart entre le prix négocié et le prix remboursé. Il s'agit d'un nouvel exemple de l'absence de volonté des complémentaires santé de contrôler les pratiques. Selon nous, elles ne fournissent pas suffisamment d'efforts pour réduire leurs frais puisqu'in fine, elles ont toujours la possibilité d'augmenter leurs tarifs.
M. Daniel Bideau. - L'enjeu est de rationaliser le fonctionnement des complémentaires santé. Cette rationalisation passe par la présentation de grilles tarifaires comparables, par la réduction des coûts et par une présentation des taux de redistribution et des frais de gestion qui les rende vraiment comparables.
Les complémentaires santé des entreprises restent difficilement comparables. Une société telle que Michelin à Clermont-Ferrand, qui compte beaucoup de salariés et une clientèle potentiellement intéressante, peut bénéficier de tarifs plus avantageux. Dans une PME, la négociation est beaucoup plus compliquée. Les contrats ne sont pas comparables.
Par ailleurs, quand les salariés deviennent retraités, ils subissent une forte augmentation de leurs cotisations. Nous sommes confrontés à une fragilisation des personnes qui très souvent, au moment de la retraite, baissent leurs garanties, voire se désassurent.
Mme Marie-Claire Carrère-Gée, présidente. - Disposez-vous de beaucoup de témoignages en ce sens ?
M. Xavier Iacovelli, rapporteur. - Des actifs sont-ils également concernés ?
Mme Marianick Lambert. - Des personnes en ALD se trouvent aussi dans cette situation. Nous voyons essentiellement les problèmes liés aux contrats individuels, puisque les contrats collectifs sont négociés par les entreprises. Il existe plusieurs raisons à ces inégalités. Tout d'abord, plus l'entreprise compte de salariés, plus les risques sont mutualisés, et plus vous avez le pouvoir de négocier les tarifs. Un salarié de TPE, en revanche, est proche d'un contrat individuel.
M. Xavier Iacovelli, rapporteur. - Qu'en est-il des mutuelles dites communales, destinées à permettre l'accès à une couverture complémentaire accessible ?
Mme Marianick Lambert. - Le raisonnement est similaire pour les communes. Si la commune est en capacité de négocier avec l'assureur, elle peut améliorer les tarifs et les garanties.
M. Daniel Bideau. - Souvent, les contrats proposés aux communes portent sur deux années. À l'issue de cette période, elles subissent une augmentation. Ces complémentaires sont généralement des sous-traitants d'assurances ou de mutuelles. Cette solution n'est intéressante que temporairement.
Mme Marie-Claire Carrère-Gée, présidente. - Selon vous, il s'agit d'une méthode pour « accrocher » les clients avec des tarifs préférentiels. Nous étudierons cette question. Le site du Sénat a ouvert une consultation à destination des élus locaux pour recueillir leur retour d'expérience en la matière.
Mme Féreuze Aziza. - Au-delà du nombre de personnes, la catégorie d'assurés est importante. Les risques sont moindres avec des actifs qu'avec des personnes âgées.
M. Xavier Iacovelli, rapporteur. - Que préconisez-vous pour diminuer l'écart entre contrats collectifs - pris en charge à 50 % par l'employeur - et contrats individuels - entièrement à la charge de l'assuré, notamment pour les retraités ?
Mme Féreuze Aziza. - Nous réfléchissons à plusieurs formules. Une solution simple consiste à prendre en charge une partie des cotisations des retraités, selon un plafond de revenus. Les personnes juste au-dessus du plafond de la C2S pourraient bénéficier d'un crédit d'impôt, sur la base d'un contrat responsable de niveau 1. La solution ultime serait une prise en charge à 100 % par la sécurité sociale. Cela permettrait de réaliser d'autres types d'économies - nous vous avons adressé une contribution écrite sur le sujet.
Nous estimons que le plafond pour bénéficier de la C2S est trop bas. Le fait qu'elle soit payante pour des personnes se trouvant en deçà du seuil de pauvreté interroge sur le sens même du mot « solidaire ». Il conviendrait de rendre la C2S gratuite jusqu'au seuil de pauvreté puis de la rendre payante jusqu'à un niveau de revenu situé 35 % au-dessus de ce seuil, par exemple. Le taux de non recours à C2S est de seulement 44 %, ce qui pose question.
Nous pourrions également envisager de créer un contrat responsable optionnel, qui serait géré par l'assurance maladie obligatoire, dont les tarifs seraient fonction des revenus, non de l'âge.
M. Xavier Iacovelli, rapporteur. - La solidarité à la source vous apparaît-elle comme un moyen de lutter contre le non-recours ?
Mme Féreuze Aziza. - Nous demandions un examen automatique du droit à la C2S au moins pour tous les bénéficiaires des minimas sociaux. Le droit automatique pour les bénéficiaires du RSA et la présomption de droit pour les bénéficiaires de l'allocation de solidarité aux personnes âgées et pour certains bénéficiaires de l'AAH sont des avancées positives, mais cela reste insuffisant.
Mme Marianick Lambert. - L'examen automatique est le meilleur moyen de lutter contre la méconnaissance des droits - bien plus que des campagnes de communication.
M. Daniel Bideau. - Compte tenu de la fragilité de ces publics et des difficultés d'accès à l'information, l'introduction d'un examen systématique de l'éligibilité apparaît comme la meilleure solution.
Mme Féreuze Aziza. - Les bases ressources retenues varient selon les prestations sociales. Une simplification est impérative, sans toutefois tirer les prestations vers le bas.
M. Xavier Iacovelli, rapporteur. - La solidarité à la source est mise en place dans cette optique.
M. André Reichardt. - La prise en charge par l'Assurance Maladie se réduit progressivement. Avez-vous une réflexion structurelle pour gagner en lisibilité, en stabilité et en cohérence d'ensemble du dispositif ? L'idée du « tout sécurité sociale » me semble relever du domaine du rêve...
Disposez-vous de données sur le turnover des assujettis entre les différentes catégories de complémentaires santé ? La concurrence est forte entre ces acteurs. Passer d'une complémentaire à l'autre est-il fréquent pour les particuliers ?
Vous évoquiez la fraude sociale. Jusqu'à récemment, les gouvernements en niaient l'existence. L'avez-vous documentée ?
Enfin, je ne connais pas, dans mon territoire, de commune proposant une complémentaire santé à ses habitants. Est-ce fréquent ? Où ces communes sont-elles situées ? L'idée peut être intéressante, mais il convient d'étudier ces expériences.
Mme Marianick Lambert. - Je n'ai pas évoqué la fraude sociale de façon générale, mais une fraude constatée dans le secteur de l'optique. L'UFC-Que Choisir avait conduit une étude sur le sujet avant le 100 % Santé. Un médecin prescrit des lunettes de vue et l'opticien facture, en plus, une paire de lunettes de soleil. La mutuelle rembourse une paire à verres complexes et les lunettes de soleil.
Mme Féreuze Aziza. - Le patient n'y est pour rien.
Mme Marianick Lambert. - En effet. L'opticien lui demande le taux de remboursement de sa mutuelle. Des professionnels alignent leurs honoraires sur les tarifs de remboursement des complémentaires. L'assuré n'est pas complice et cela ne lui coûte rien. La logique est similaire avec les dépassements d'honoraires du secteur 2, qui sont alignés sur le plafond de remboursement de la complémentaire. Celle-ci pourrait effectuer des contrôles, ce qui lui permettrait de réaliser des économies.
Nous souhaiterions que l'AMO cesse de se désengager.
Mme Féreuze Aziza. - Je ne crois pas qu'il soit de l'ordre du rêve d'assurer une prise en charge complète par l'AMO. Vous connaissez la phrase : « On leur a dit que c'était impossible, alors ils l'ont fait ». Ce sont des choix politiques.
On semble découvrir que les personnes malades, en ALD, ont plus de dépenses de santé que les personnes bien portantes. Cela relève pourtant de l'évidence même !
Selon nous, la sécurité sociale se désengage parce qu'elle ne peut plus assumer financièrement les charges qui devraient lui incomber. Il convient donc de s'attaquer à ce qui engendre des dépenses de santé en s'attaquant, non pas aux malades, mais aux maladies ! Nous entendons souvent que les maladies chroniques sont plus nombreuses compte tenu du vieillissement de la population, mais beaucoup de ces pathologies et de leurs complications sont évitables. Pour cela, il faut investir dans la prévention, qui ne coûte pas nécessairement très cher.
Nous portons depuis longtemps une proposition pour un prix minimal de l'alcool - comme cela a été imposé dans certains pays. Nous savons qu'une vraie politique préventive peut avoir un impact en termes d'économies et de santé. Nous sommes abasourdis par les annonces faites ces derniers jours par Bruno Le Maire, qui semble être devenu ministre de la santé ! Il est curieux d'avoir une vision extrêmement comptable du sujet. La logique de financement annuel rend difficile toute vision de long terme.
S'agissant des prix des médicaments, nous sommes bien sûr favorables à l'innovation. Toutefois, les investissements publics ne sont pas toujours répercutés sur les prix. Certains tarifs sont hallucinants ! Tout est extrêmement opaque. Nous demandons davantage de transparence.
Nous sommes d'accord pour qu'un travail soit mené sur la pertinence des soins, mais il convient alors d'agir auprès des prescripteurs. Certains actes sont inutiles ou redondants. L'outil « Mon Espace Santé » devrait être utilisé pour améliorer la coordination. Des actions sont possibles dans les prises en charge des parcours de soins, notamment.
Nous évoquions les dépassements d'honoraires. Non, il n'est pas obligatoire pour les médecins qui n'ont pas signé l'Optam d'assurer une activité en secteur 1 - et une majorité des professionnels de santé ne l'ont pas signé. L'UFC-Que Choisir a conduit des enquêtes précises et présenté des cartographies sur l'accès à des médecins en secteur 1. Je vous garantis qu'il existe des déserts médicaux sur ce plan.
M. Daniel Bideau. - Vous nous interrogiez sur le turnover. L'UFC-Que Choisir a obtenu la possibilité pour les assurés de changer de complémentaire santé au bout d'un an. À moins d'effectuer des comparaisons et de constater qu'ils ne sont pas mieux traités en tant qu'ancien client, les assurés tendent à rester chez leur assureur, par habitude.
Mme Marie-Claire Carrère-Gée, présidente. - Recevez-vous beaucoup de demandes d'assurés à ce sujet ?
Mme Maria Roubtsova. - Au regard du taux d'équipement et du nombre de contrats, les litiges restent relativement limités. Quelques personnes sont démarchées par téléphone, souscrivent une deuxième complémentaire santé et peinent ensuite à s'en désaffilier.
Le CCSF a constaté une hausse du nombre de résiliations que nous pouvons probablement attribuer à la réforme des conditions de résiliation. L'ampleur du mouvement demeure toutefois modeste, car le manque d'accessibilité et de lisibilité de l'information limite les possibilités de faire valoir le droit de résilier à tout moment. L'assuré est bien en peine de savoir s'il est plutôt bien loti ou non.
M. Daniel Bideau. - Nous en revenons au sujet de la comparabilité des offres.
Mme Marianick Lambert. - Les rapports du CCSF évoquent ce sujet. Le comité a notamment émis des préconisations sur le démarchage téléphonique. Nous disposons de beaucoup de témoignages de personnes âgées ayant souscris une seconde mutuelle suite à un démarchage téléphonique.
Mme Corinne Imbert. - Je vous remercie pour vos contributions, qui font naître plusieurs questions. Je partage certaines de vos remarques, d'autres m'interpellent. Je pense que nous devons nous attaquer aux maladies chroniques et accroître la prévention. Or les PLFSS successifs ne vont pas dans cette direction.
La généralisation du tiers payant en pharmacie il y a 40 ans a facilité l'accès aux médicaments et entraîné une hausse des consommations des patients/consommateurs, qui se disent qu'ils seront remboursés par leur complémentaire. Avez-vous analysé ce changement d'attitude à l'égard de la consommation de médicaments ?
Je partage votre reproche quant au manque de lisibilité des couvertures complémentaires. Il est peut-être préférable de payer le ticket modérateur en pharmacie ou en consultation plutôt que le coût d'un contrat tout compris. Plutôt que de payer pour avoir l'esprit tranquille, il serait possible d'opter pour des garanties moins importantes qui préservent le pouvoir d'achat, en conservant une couverture pour l'hospitalisation et la chirurgie uniquement. Avez-vous cette approche ?
Je vous rejoins sur le fait que Bercy prend parfois le pas sur l'avenue Duquesne. Le ministre de la santé a fait des annonces hier avant de rétropédaler. Il semble vouloir remettre en question la prise en charge intégrale de certaines ALD.
M. Daniel Bideau. - Dans notre comparateur, nous demandons à l'utilisateur quels risques il souhaite assurer au regard de son âge et de ses pathologies. Pour permettre aux assurés d'opter pour la couverture qui leur convient, les contrats doivent être lisibles et comparables. Nous essayons d'éduquer les usagers à lire les contrats et à choisir en fonction de leurs besoins - et non pas à chercher à couvrir tous les risques.
Nous avions mené un combat pour que la sécurité sociale récupère les complémentaires santé des étudiants.
Vous évoquiez la consommation en santé. Qui prescrit cette consommation ? Certains médecins prescrivent trop ou mal. La surconsommation de médicaments en France est considérable comparativement à nos voisins européens. Les examens nécessaires ne doivent pas être remis en cause, mais nous constatons toutefois des excès en radiologie, par exemple. Des praticiens qui ont bien compris comment fonctionne la santé peuvent parfois en tirer des bénéfices.
Mme Marianick Lambert. - Notre travail est d'apprendre à la personne à adapter son contrat en fonction de ses besoins. Une famille avec quatre enfants peut avoir des besoins en orthodontie et en optique qui ne seront pas les mêmes qu'une personne seule de 25 ans. Pour autant, à ma connaissance, aucune complémentaire santé n'exclut le remboursement des médicaments.
Mme Corinne Imbert. - Des contrats spécifiques se concentrent sur l'hospitalisation, par exemple.
Mme Féreuze Aziza. - France Assos Santé n'accompagne pas directement les adhérents, mais les associations. Toutefois, pour connaître le fonctionnement des associations de patients, je vous confirme que nous aidons les personnes à définir leurs besoins. Une personne en ALD doit être attentive à la garantie hospitalisation. L'information n'est pas toujours facile à trouver. Il est parfois plus simple d'opter pour un contrat classique.
Les dépenses de médicaments sont tirées par le coût de l'innovation et le développement des maladies chroniques. La surconsommation médicamenteuse est démontrée. La problématique repose toutefois sur la pertinence des prescriptions. Je crois que 6 % seulement des médecins suivent les préconisations en la matière. L'éducation doit donc être faite des deux côtés. Il arrive également que les médecins prescrivent des médicaments non remboursés.
M. Daniel Bideau. - Le renouvellement automatique pose parfois question. Pour revenir aux mutuelles « municipales », plusieurs communes autour de Clermont-Ferrand ont souscrit à des complémentaires santé pour leurs habitants.
Mme Marie-Claire Carrère-Gée, présidente. - La question provenait d'un sénateur d'Alsace.
M. Daniel Bideau. - Nous pourrions nous inspirer du modèle de l'Alsace-Lorraine !
Mme Marianick Lambert. - C'est en Alsace-Lorraine qu'il y a le plus de dépassements d'honoraires...
Mme Féreuze Aziza. - C'est le risque, avec un système très solvabilisé, sans limitation de tarifs.
M. Daniel Bideau. - J'insisterai sur l'éducation, le travail avec les enfants sur le sucre, la nutrition et le nutri-score. Nous avions demandé des mesures sur la publicité à destination des enfants : nous y revenons régulièrement. Nous ne pouvons pas nous contenter d'une mention en petits caractères pour des publics d'enfants qui parfois ne savent pas encore lire !
Mme Marianick Lambert. - J'appartiens à l'association Familles rurales, qui a mené ces combats contre la publicité à destination des enfants. Avant d'être de la prévention, il s'agit d'éducation à la santé.
Mme Marie-Claire Carrère-Gée, présidente. - Avez-vous d'autres points à évoquer ?
Mme Maria Roubtsova. - En juillet 2022, la DGCCRF a constaté 72 % de fraudes en optique et en audioprothèse. Des sources concordantes estiment qu'une nouvelle enquête a été conduite fin 2023, mais à ma connaissance, les résultats n'ont pas été publiés. Si vous aviez l'occasion d'obtenir des informations sur ce point, cela nous intéresserait beaucoup.
Un opticien qui ne respectait pas ses engagements a été condamné à la fin de l'année dernière, ce qui semble peu au regard du nombre de fraudes constatées. Nous nous interrogeons sur le nombre limité de sanctions et sur l'absence de mesures contraignantes, alors que les effets de la fraude au 100 % Santé en optique sont délétères. Un rapport de la Cour des comptes et un rapport de l'Unocam montrent que l'objectif de la réforme - 500 millions d'euros d'économies - n'est pas du tout atteint. Le reste à charge a même augmenté en optique. Nous n'observons pas de baisse du renoncement à s'équiper pour des raisons financières. Le 100 % Santé en optique est un échec sur tous les plans. Avec les contrats responsables, tout le monde cotise pour les lunettes...
Mme Marie-Claire Carrère-Gée, présidente. - Nous évoquerons ce sujet avec la DGCCRF.
Mme Marianick Lambert. - Je me permets une anecdote : en 2009, mon association avait adressé une lettre au président du CCSF pour que le problème des contrats des complémentaires santé soit étudié - nous anticipions une financiarisation totale. Il serait intéressant de savoir combien il existait de mutuelles en 2009 et combien il en existe aujourd'hui. En l'absence de cadrage en amont, le nombre d'opérateurs s'est multiplié avant d'aboutir à des regroupements.
Mme Marie-Claire Carrère-Gée, présidente. - Ces regroupements sont essentiellement dus à la réforme de 2013. La Drees soulignait que, malgré l'accélération de la concentration depuis 2014, la France reste l'un des pays comptant le plus d'organismes complémentaires.
Mme Maria Roubtsova. - Je n'ai jamais vu un secteur caractérisé par un tel mouvement de concentration et réalisant aussi peu d'économies d'échelle. Les frais de gestion se sont maintenus à leur niveau, alors que le nombre d'organismes a diminué de 38 % en dix ans...
Mme Marie-Claire Carrère-Gée, présidente. - Je vous remercie.
Cette audition a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
La réunion est close à 18 h 55.