- Mardi 14 novembre 2023
- Projet de loi de finances pour 2024 - Mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » (et articles 64 et 65) - Examen du rapport spécial
- Projet de loi de finances pour 2024 - Missions « Gestion des finances publiques », « Transformation et fonction publiques », « Crédits non répartis » et compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État » - Examen du rapport spécial
- Projet de loi de finances pour 2024 - Mission « Action extérieure de l'État » (et article 50 A) - Examen du rapport spécial
- Projet de loi de finances pour 2024 - Mission « Médias, livre et industries culturelles » et compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public » - Examen du rapport spécial
- Mercredi 15 novembre 2023
- Projet de loi de finances pour 2024 - Examen des articles de la première partie - Tome II du rapport général
- Projet de loi de finances de fin de gestion pour 2023 - Examen du rapport
- Projet de loi de finances pour 2024 - Mission « Défense » - Examen du rapport spécial
- Compte rendu de la Conférence interparlementaire prévue à l'article 13 du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) au sein de l'Union économique et monétaire, des 26 et 27 octobre 2023 à Madrid
- Projet de loi de finances de fin de gestion pour 2023 - Désignation des candidats pour faire partie de l'éventuelle commission mixte paritaire
- Proposition de loi organique visant à rétablir la réserve parlementaire en faveur des communes rurales et des associations - Désignation d'un rapporteur
Mardi 14 novembre 2023
- Présidence de M. Claude Raynal, président -
La réunion est ouverte à 16 heures.
Projet de loi de finances pour 2024 - Mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » (et articles 64 et 65) - Examen du rapport spécial
M. Arnaud Bazin, rapporteur spécial de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ». - Les crédits de la mission demandés pour 2024 s'élèvent à 30,7 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et en crédits de paiement (CP).
Ces crédits, qui augmentent de 4,6 % par rapport à la loi de finances pour 2023, continuent de suivre une trajectoire dynamique. En effet, la mission a été fortement mobilisée ces dernières années. Ainsi, 4,4 milliards d'euros de dépenses pérennes ont été alloués en 2019 à la prime d'activité, pour répondre à la crise des « gilets jaunes ». Ensuite, une enveloppe d'environ 2 milliards d'euros a été consacrée au financement d'aides exceptionnelles durant la crise sanitaire. Enfin, la mission a financé l'indemnité inflation en 2021, à hauteur de 3,2 milliards d'euros. Cette année encore, la mission a été sollicitée dans le cadre du projet de loi de finances de fin de gestion, puisque près de 100 millions d'euros seraient dédiés au soutien des associations d'aide alimentaire et des familles monoparentales.
Ce dynamisme jette le doute sur la crédibilité de la trajectoire définie par le projet de loi de programmation des finances publiques, selon laquelle les crédits de la mission ne doivent augmenter que de 5 % en termes réels à l'horizon 2027. Compte tenu des exercices passés, le respect de cette trajectoire dépendra probablement d'aléas conjoncturels.
Je commencerai par l'aide alimentaire qui, financée à hauteur de 142 millions d'euros, ne représente qu'une faible part des crédits de la mission, alors qu'elle constitue une politique vitale pour nombre de nos concitoyens, particulièrement en période inflationniste.
Cette année, la situation des associations d'aide alimentaire est particulièrement inquiétante. En effet, plus de 200 000 nouveaux bénéficiaires ont été accueillis alors que l'inflation alimentaire continue de peser sur les capacités des associations. À titre d'exemple, le budget d'achat de denrées des Restos du Coeur a doublé depuis début 2022. Or, les moyens mis à disposition par les pouvoirs publics ne sont pas suffisants. Pour 2024, la principale augmentation des crédits d'aide alimentaire résulte d'une hausse de 10 millions d'euros des crédits du programme « Mieux manger pour tous ! ». Or, si ce programme permet de mener des actions positives en termes d'amélioration de la qualité des denrées servies, il ne constitue pas un bon instrument de soutien conjoncturel. Des moyens supplémentaires devraient être alloués aux associations.
Ce budget témoigne aussi d'un renouvellement du partenariat, dans le champ des politiques sociales, entre l'État et les collectivités, en particulier les départements. Le pacte des solidarités, qui prend le relais en 2024 de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté de 2018, comporte un volet contractualisé avec les collectivités au moyen des pactes et contrats locaux des solidarités. Pour 2024, 190 millions d'euros sont budgétés à ce titre dans la mission, dont 53 % sont destinés à la contractualisation, au premier chef avec les départements. Certaines des recommandations que nous avions formulées l'an dernier sur le sujet en matière de contrôle budgétaire ont été suivies. Une place plus grande sera donc laissée aux initiatives locales et un financement pluriannuel est prévu pour améliorer la visibilité des départements.
Je suis loin de partager l'ensemble des orientations suivies par le Gouvernement dans sa politique de cohésion sociale et de solidarité. À titre d'exemple, je déplore que le soutien de l'État aux départements pour l'accueil des mineurs non accompagnés (MNA) diminue en 2024, comme tous les ans.
Néanmoins, en responsabilité et afin d'assurer le financement de la prime d'activité et de l'allocation aux adultes handicapés (AAH), je propose d'adopter les crédits de la mission.
M. Éric Bocquet, rapporteur spécial de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ». - L'évolution de la mission comporte des points positifs, comme l'entrée en vigueur de la déconjugalisation de l'AAH début octobre 2023. Je salue à ce titre la belle mobilisation des associations. Nous avions appelé de nos voeux cette mesure et, désormais, les revenus utilisés pour calculer l'AAH ne prendront plus en compte ceux du conjoint. Ainsi, plus de 40 000 bénéficiaires verront leur allocation augmenter d'un montant moyen de 320 euros et 80 000 personnes exclues du bénéfice de l'AAH pourront la percevoir, à hauteur d'un montant moyen de 370 euros. De plus, aucun allocataire ne verra son AAH diminuer, grâce à une mesure de maintien du mode de calcul le plus favorable. Au total, le coût de la mesure serait de 83 millions d'euros en 2023 et de 500 millions d'euros en année pleine.
Les crédits destinés à financer la politique d'égalité entre les femmes et les hommes augmenteront également en 2024. Cette hausse résulte principalement de la création d'une aide universelle d'urgence pour les victimes de violences conjugales, qui fait suite à une initiative sénatoriale de Valérie Létard et s'inspire d'expérimentations locales menées notamment dans le département du Nord. La création de cette aide est très positive et nous l'avions soutenue. En effet, elle permet d'apporter une réponse aux femmes qui ne peuvent quitter leur conjoint violent faute de moyens financiers suffisants.
L'enveloppe de 13 millions d'euros prévue pour 2024 paraît faible et risque de ne pas suffire pour financer une aide de 607 euros par femme éligible. Le Gouvernement semble tabler sur un taux de non-recours important ou sur un faible montant de l'aide.
Toutefois, l'aide pourrait être modulée selon la situation des bénéficiaires. Surtout, elle pourrait prendre la forme d'un prêt remboursable par le conjoint violent, une fois que celui-ci est définitivement condamné. Si cette modalité de financement devait prédominer, cette aide pourrait se révéler utile, même avec des moyens modérés.
Les mesures d'application de la loi n'étant pas encore entrées en vigueur, il nous faut attendre pour porter un jugement définitif.
Si mon analyse et celle d'Arnaud Bazin convergent sur l'essentiel, j'opterai néanmoins pour un rejet des crédits de la mission, qui sont encore loin d'être à la hauteur des enjeux et restent en décalage avec la situation sociale du pays, dans le contexte d'inflation alimentaire persistante.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Je souhaiterais revenir sur le sujet de l'aide alimentaire. J'ai échangé avec des représentants des Restos du Coeur au début du mois d'août et je dois encore m'entretenir avec les membres d'autres associations ce soir. Avez-vous recueilli des éléments expliquant les difficultés rencontrées ? Il ne s'agit pas seulement de l'inflation. En termes d'organisation, je crains que nous ne rencontrions des problèmes similaires à ceux qu'a posés la délivrance des titres sécurisés : nous sommes confrontés à des difficultés en matière de moyens. Il faut bien identifier les causes pour imaginer des solutions qui iront au-delà d'un premier abondement. Quelles pourraient-elles être ?
M. Rémi Féraud. - En dehors de ce qui est prévu pour l'AAH ou l'aide universelle d'urgence, la situation sociale du pays ne semble pas prise en compte. La politique de l'offre ne ruisselle pas dans cette mission et vous partagez tous les deux ce constat, même si vous n'adoptez pas la même position. Envisagez-vous de proposer un amendement d'abondement budgétaire pour l'aide alimentaire, l'augmentation prévue ne permettant pas de faire face aux besoins ?
M. Marc Laménie. - D'abord, je reviendrai sur la capacité des établissements accueillant des personnes en situation de handicap, notamment les établissements et services d'aide par le travail (Ésat). Dans mon département frontalier des Ardennes, on doit travailler en lien avec la Belgique pour faire face au manque de capacités.
Par ailleurs, avez-vous une idée approximative du nombre d'associations d'aide alimentaire travaillant aux niveaux national et local ?
Enfin, dans les territoires, on trouve des délégués aux droits des femmes dans chaque département, des centres d'information sur les droits des femmes et des familles (CIDFF) et quelques salariés se consacrant à ce sujet. Cependant, la tâche est immense et tout le monde n'est pas informé de la présence de ces relais, qui assurent aussi un lien avec la justice, la sécurité intérieure, les travailleurs sociaux, les collectivités territoriales et les associations. Le budget du programme 137 « Égalité entre les femmes et les hommes » s'élève à 76 millions d'euros, ce qui semble peu au regard de la tâche. Par ailleurs, il faut évoquer le volet important qui concerne les violences intrafamiliales, envers les conjointes, mais aussi les enfants. Quelles mesures financières pourraient-être déployées à ce titre ?
Mme Nathalie Goulet. - Il faut fournir un effort sur l'information relative aux diverses prestations et aides, y compris alimentaires, le taux de non-recours étant très important et préoccupant. Quelles sont vos propositions en la matière ? Comment utiliser ce budget pour améliorer l'information et réduire ce taux ?
M. Pascal Savoldelli. - La façon dont la question du financement du revenu de solidarité active (RSA) par les départements est traitée dans le cadre du pacte des solidarités me conduira à ne pas voter ces crédits.
En ce qui concerne les Restos du Coeur, ce que mentionne le rapport est juste : nous rencontrons un problème de subventionnement malgré l'engagement important de la France et de l'Union européenne (UE). Le problème semble irrésoluble : le coût des denrées pèse et, dans certains départements, il devient impossible d'être bénévole compte tenu du coût de l'énergie pour les déplacements des denrées. Sait-on combien de bénévoles sont encore engagés auprès des associations d'aide alimentaire ?
M. Didier Rambaud. - J'aimerais aussi comprendre le problème rencontré par les Restos du Coeur. J'ai visité la banque alimentaire de l'Isère qui fonctionne, même si la demande augmente. Pourquoi les Restos du Coeur font-ils face à ces difficultés de financement quand d'autres organismes de collecte n'y semblent pas confrontés ?
M. Grégory Blanc. - J'aurai deux questions concernant la transformation de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté au travers de la mise en place du pacte des solidarités.
D'abord, la stratégie nationale comprenait la prise en charge des jeunes majeurs, avec une accentuation pour les départements qui le souhaitaient. Il s'agit d'un enjeu important, car il ne faut pas tuer les efforts fournis par les services de protection de l'enfance et éviter les mises à la rue. Comment est-ce intégré ? Un bilan a-t-il été réalisé auprès des départements ayant engagé cette démarche ?
Ensuite, la stratégie nationale comportait une carence puisqu'elle ne concernait que les personnes âgées entre 18 et 65 ans. Serait-ce possible d'envisager des actions en faveur des personnes âgées précaires ?
M. Arnaud Bazin, rapporteur spécial. - Je commencerai par les causes des difficultés rencontrées par les associations d'aide alimentaire.
D'abord, l'inflation s'impose à tous et concerne les aliments, mais aussi l'énergie et les coûts logistiques. Ensuite, le nombre de bénéficiaires augmente fortement. Enfin, on observe une baisse des dons, puisque la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire incite les grandes surfaces à vendre à des prix plus bas les denrées proches de leur date de péremption. Les Restos du Coeur ont médiatisé leurs demandes, mais leurs difficultés sont partagées par les autres associations oeuvrant dans ce domaine. Un abondement sera probablement nécessaire et inévitable. L'Assemblée nationale a déjà voté quelques crédits supplémentaires et il n'est pas exclu que nous vous proposions un amendement avant la séance. Si l'abondement n'est pas prévu en loi de finances initiale, il adviendra en cours d'année, comme en 2023 et comme nous l'avions annoncé en 2022.
Les crédits de la mission augmentent tout de même de 4,6 %, ce qui est notamment dû aux 500 millions d'euros alloués à la déconjugalisation de l'AAH. Cette somme sera-t-elle suffisante ? Il nous faudra suivre ces dépenses pendant l'année. Il s'agit d'une mesure de justice, qui est très dépensière.
En ce qui concerne les Ésat, j'attire votre attention sur les mesures souhaitées par le Gouvernement, qui visent à rapprocher ces établissements du milieu ordinaire, dans le cadre d'une sorte de professionnalisation, ce qui présente des risques par rapport auxquels nous serons attentifs. Je ne suis pas certain que les travailleurs des Ésat pouvant rêver du milieu ordinaire soient très nombreux. S'agissant de la Belgique, un moratoire a été prononcé sur les orientations. Le Président de la République a évoqué 50 000 « solutions » nouvelles pour décongestionner les établissements français et dégager des places, mais rien ne s'est encore concrétisé. La situation est donc de plus en plus tendue. La condamnation des orientations en Belgique pour des motifs idéologiques et non pragmatiques peut s'avérer dangereuse, ce qui pourrait être en train de se vérifier. Pour les habitants du nord de la France ou de Paris, une orientation de leurs enfants en Belgique ne constituait pas forcément une mauvaise solution.
J'en viens à la question portant sur le nombre d'associations présentes sur le territoire et je serai bien en peine de répondre, tant elles sont nombreuses dans toutes les communes. Dans le premier rapport d'information que nous avions consacré à l'aide alimentaire avec Éric Bocquet en 2018, nous avions mentionné que l'apport financier représenté par tous les bénévoles oeuvrant à l'aide alimentaire s'élevait à environ 500 millions d'euros. Il s'agit d'un modèle typique de notre pays, particulièrement efficace, qui repose sur un engagement de nombreux citoyens dans un lien social précieux. Nous sommes très attentifs à la préservation de ce modèle.
Enfin, je ne peux répondre à la question de savoir si l'aide alimentaire donne lieu à un taux de non-recours particulier, puisqu'il s'agit de prestations diffuses, présentes sur tout le territoire. Cependant, la distribution de l'aide s'effectuant au plus près des communes, en lien avec les centres communaux d'action sociale (CCAS), elle est plutôt bien connue de nos compatriotes. Certains, par fierté, pudeur ou dignité, se refusent à solliciter cette aide le plus longtemps possible, mais, sous la pression de la nécessité, ils sont nombreux à franchir le pas. Ainsi, nous comptons 200 000 bénéficiaires supplémentaires et en tout 7 millions de personnes sont concernées.
M. Éric Bocquet, rapporteur spécial. - En ce qui concerne l'aide alimentaire, l'Assemblée nationale a effectivement voté un abondement de 20 millions d'euros, à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances de fin de gestion. Cependant, je rejoins Arnaud Bazin sur l'idée qu'il nous faut soutenir ici un amendement ; cela semble indispensable.
J'en viens à la notion de non-recours, qui concerne de nombreuses prestations et n'est pas spécifique à cette mission. L'aide universelle d'urgence apparaît comme une bonne idée, mais on semble compter sur les non-recours pour calibrer le montant des crédits. Il nous faudra nous montrer vigilants sur la mise en place de cette disposition. De façon plus générale, les taux de non-recours ne diminuent pas, ce que certains pourraient interpréter comme un non-besoin, alors qu'il s'agit d'un problème d'information, de complexité des dossiers et parfois de dignité. Il nous faut avancer sur ce sujet.
L'expression 50 000 « solutions » reprises par le Président de la République ne me convient pas vraiment ; ce sont des places qui manquent. Certes, on peut aussi avoir recours à l'accompagnement en milieu scolaire, mais nous connaissons les difficultés que rencontrent les communes pour recruter les accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH) et le nombre d'heures qu'il faut pour intégrer les élèves en situation de handicap en milieu ordinaire.
Les différents dispositifs couverts par cette mission s'appuient beaucoup sur les bénévoles. Pour n'en citer que quelques-unes, les Restos du Coeur en comptent 73 000, l'Association nationale de développement des épiceries solidaires (Andes) 10 000 et la Croix-Rouge 21 000, ce qui représente plus de 100 000 bénévoles engagés au quotidien pour permettre le fonctionnement de ces associations.
Nous avons du mal à avancer sur le droit des femmes. On ressent dans les associations oeuvrant dans ce domaine un certain sentiment de faiblesse par rapport à l'administration centrale et des difficultés à se faire entendre.
Enfin, en ce qui concerne le RSA, le pacte des solidarités ne saurait remplacer une compensation juste des charges transférées par l'État aux départements depuis des années. L'Assemblée des départements de France (ADF) a demandé que les revalorisations récentes du RSA soient compensées pour le département. À ce jour, elles n'ont pas été entendues. Pour le département du Nord, très sensible à cette situation, ces dépenses représentent des centaines de millions d'euros et déstabilisent les budgets.
M. Arnaud Bazin, rapporteur spécial. - Je voudrais répondre à Didier Rambaud sur la question des Restos du Coeur : ils sont un peu plus touchés que les autres associations parce qu'ils achètent une grande partie de leurs denrées, alors que les autres se reposent davantage sur les aides européennes ou les dons. Cependant, toutes rencontrent des difficultés du même ordre.
En outre, l'augmentation du nombre de bénéficiaires de l'aide alimentaire concerne de plus en plus les classes moyennes et, dans certaines associations, 60 % des demandeurs sont titulaires d'un contrat à durée indéterminée (CDI).
Enfin, l'augmentation du budget pour le droit des femmes est uniquement due à l'aide universelle d'urgence. Le montant de 13 millions d'euros est tout à fait insuffisant pour la France entière et la mise en place de la mesure se traduira probablement par des expérimentations menées dans quelques départements, à moins qu'un abondement ne soit prévu en cours d'année.
La commission décide de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ».
EXAMEN DES ARTICLES RATTACHÉS
M. Éric Bocquet, rapporteur spécial. - L'article 64 vise à permettre aux personnes bénéficiant de l'AAH de ne pas cesser de percevoir cette allocation s'ils décident de continuer à travailler après l'âge de la retraite.
Comme les autres minima sociaux, l'AAH est attribuée sur conditions de ressources et constitue une prestation « subsidiaire ». Ainsi, l'allocation n'est pas versée si la personne concernée bénéficie d'un autre revenu plus élevé. À ce titre, les allocataires prenant leur retraite en perdent le bénéfice au moment où ils perçoivent leur pension, sauf si le montant de cette dernière est plus faible que celui de l'allocation, soit 971 euros par mois. Dans ce dernier cas, ils reçoivent une fraction de l'AAH pour compléter leur pension dans la limite de 971 euros mensuels.
En l'état du droit, le bénéfice de l'AAH est perdu au moment de l'âge d'ouverture des droits à la retraite. Si l'allocataire souhaite continuer à travailler plutôt que de liquider ses droits, il perd le bénéfice de l'AAH, même si ses revenus professionnels sont très faibles. Ainsi, la législation actuelle ne laisse pas aux personnes handicapées le même libre choix dans leur parcours de vie qu'au reste de la population.
Cette situation ne paraît pas acceptable et le présent article prévoit que le bénéfice de l'AAH puisse être maintenu pour les personnes qui continueraient à travailler. Il s'agit donc d'une mesure incontestablement positive. Toutefois, il nous paraîtrait utile de l'étudier de manière plus approfondie afin d'en améliorer la rédaction, le cas échéant. Nous proposons d'adopter cet article sans modification, sachant que nous proposerons peut-être un amendement rédactionnel.
La commission décide de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, l'article 64.
M. Arnaud Bazin, rapporteur spécial. - L'article 65 vise à maintenir le versement de la majoration pour la vie autonome (MVA) et du complément de ressources pour les personnes perdant le bénéfice de l'AAH à la suite de la réforme des retraites.
Depuis 2005, les bénéficiaires de l'AAH peuvent prétendre dans certaines conditions à deux allocations complémentaires, qui ne sont pas cumulables. Il s'agit de la MVA d'une part, dont le montant est de 104 euros mensuels et qui permet de favoriser l'accès à un logement autonome pour les personnes en situation de handicap et, d'autre part, du complément de ressources de 179 euros mensuels, qui vise à compenser l'absence durable de revenus d'activité si une personne est dans l'incapacité de travailler du fait de son handicap. Ce complément de ressources a été supprimé dans la loi de finances pour 2019, mais les titulaires de droit ouverts avant cette date en conservent le bénéfice pendant dix ans ; certaines personnes handicapées bénéficient donc encore du complément de ressources.
L'état du droit est le suivant : l'AAH étant une allocation subsidiaire perçue sur conditions de ressources, lorsque la pension de retraite d'une personne en situation de handicap est inférieure au montant mensuel de l'AAH, soit 971 euros, cette personne perçoit une fraction de l'AAH pour compléter sa retraite, dans la limite de 971 euros par mois. Or un allocataire qui se voit verser ne serait-ce qu'un euro d'AAH conserve le droit aux prestations complémentaires que sont la MVA et le complément de ressources. Si le montant d'AAH passe à zéro, l'allocataire perd le bénéfice de ces prestations.
Dans ses articles 18 et 19, la loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 portant réforme des retraites dispose que les petites retraites sont majorées de 1 200 euros par an, soit 100 euros par mois. Cette revalorisation a eu pour effet de majorer certaines petites pensions au-delà du montant de l'AAH, privant ainsi les personnes concernées de cette allocation, mais aussi de la MVA et du complément de ressources.
L'objet du présent article est de permettre aux personnes handicapées retraitées ayant ainsi perdu le bénéfice de l'AAH de continuer à bénéficier de la MVA ou du complément de ressources. Il s'agit d'une mesure bienvenue, qui évite les effets de seuil pour les personnes en situation de handicap dont la pension de retraite est faible. Nous recommandons à la commission de proposer l'adoption de cet article sans modification.
La commission décide de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, l'article 65.
Projet de loi de finances pour 2024 - Missions « Gestion des finances publiques », « Transformation et fonction publiques », « Crédits non répartis » et compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État » - Examen du rapport spécial
M. Claude Nougein, rapporteur spécial sur les missions « Gestion des finances publiques », « Transformation et fonction publiques » et « Crédits non répartis ». - Je commencerai par présenter les crédits de la mission « Gestion des finances publiques », dotée de 10,8 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et de 10,9 milliards d'euros en crédits de paiement (CP). Elle rassemble les crédits alloués aux deux grandes administrations de réseau du ministère de l'économie et des finances : la direction générale des finances publiques (DGFiP) et la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI). Elle porte également les crédits du secrétariat général du ministère.
Il s'agit d'un budget de « reconduction », pour reprendre une expression entendue en audition, mais une reconduction à un niveau élevé de crédits. L'année 2023 avait interrompu dix années de baisse par une hausse inédite des crédits et le budget pour 2024 s'inscrit dans cette dynamique. Si les autorisations d'engagement diminuent de 1,1 %, les crédits de paiement augmentent de 3,4 %. Cette hausse advient alors que les responsables de programmes avaient indiqué l'an dernier que l'objectif était de retrouver une trajectoire de stabilisation dès 2024 et de baisse des crédits à moyen terme.
Cette nouvelle augmentation des crédits s'explique d'abord par le dynamisme des dépenses de personnel, qui représentent 80 % des crédits de la mission. Par ailleurs, on observe une hausse des dépenses de fonctionnement et d'investissement, liée à la prise en compte de l'évolution des prix de l'énergie ainsi qu'au lancement de projets immobiliers et informatiques de grande ampleur. Enfin, certaines enveloppes sont spécifiquement dédiées à des objectifs que nous soutenons tous ici : la sécurisation des conditions d'exercice des contrôleurs fiscaux, le renforcement du renseignement douanier et l'octroi de moyens supplémentaires à Tracfin, pour traquer les flux financiers illicites.
Pour apaiser les craintes que cette trajectoire pourrait susciter, je précise que les crédits n'ont augmenté que de 1,16 % depuis dix ans. En tenant compte de l'inflation, ils auraient même baissé de 8,3 % et peu de missions peuvent se prévaloir d'un tel résultat. De fait, la mission a souvent été la seule à s'inscrire dans une logique de rationalisation des dépenses. Ainsi, au cours des deux dernières années, les crédits ont augmenté, mais moins rapidement que l'inflation.
Concernant les dépenses de personnel, deux facteurs jouent pour expliquer leur évolution : une quasi-stabilisation du schéma d'emplois et le poids des mesures catégorielles. D'abord, 44 équivalents temps plein (ETP) seraient supprimés en 2024, ce qui est largement inférieur au niveau observé ces dernières années, puisque 680 ETP devraient être supprimés en 2023, plus de 1 500 l'ont été en 2022 et environ 2 000 par an entre 2018 et 2020. Alors que nous avons assisté à une baisse drastique des effectifs, l'effort demandé cette année représente à peine 0,6 % des suppressions de postes au cours de ces cinq dernières années. La trajectoire de baisse est en train de prendre fin.
Ce moindre effort s'explique aussi par des redéploiements de postes. Le Gouvernement a ainsi annoncé que 1 500 postes seraient créés pour le contrôle fiscal d'ici à 2027. En 2024, 250 seront créés par de moindres suppressions de postes et 100 par des redéploiements. Conformément à l'une des recommandations de la mission d'information de la commission des finances relative à la lutte contre la fraude et l'évasion fiscales, le budget prévoit un doublement du nombre d'officiers fiscaux judiciaires, grâce au recrutement de 40 officiers d'ici à 2025. Des transferts d'ETP entre la douane et la DGFiP sont également prévus, pour accompagner le transfert des missions fiscales de la Douane.
Si les dépenses d'intervention sont limitées, elles sont marquées par le renouvellement du protocole relatif à l'accompagnement du réseau des buralistes, signé entre l'État et la Confédération nationale des buralistes pour la période 2023-2027. Ce protocole comprend plusieurs aides à la transformation et à la sécurisation des tabacs. Par ailleurs, un avenant a été signé le 4 août 2023, afin d'intégrer une aide à la reprise d'activité des buralistes touchés par les émeutes intervenues entre le 25 juin et le 5 juillet 2023.
J'en viens aux quatre axes sur lesquels je me suis concentré dans le cadre de mon rapport.
Le premier axe concerne la rationalisation du réseau de la DGFiP, entamée de longue date. Vous le savez, un changement de méthode a eu lieu en 2019 avec le lancement du nouveau réseau de proximité, qui devait être finalisé à la fin de l'année 2023. Toutefois, la signature des chartes avec les collectivités territoriales s'avère plus lente que prévue et le calendrier est décalé. En revanche, la délocalisation de certains services de l'administration fiscale de Paris vers les villes moyennes et les territoires périurbains avance bien. Ainsi, l'ensemble des services concernés auront été relocalisés en 2024 et les derniers transferts de personnels interviendront en 2026.
En parallèle de cette évolution, qui touche surtout les contribuables, les conseillers aux décideurs locaux sont déployés pour les collectivités territoriales. Plus de 1 000 d'entre eux devraient être installés avant la fin de l'année. La progression reste aussi un peu plus lente que prévue puisque, initialement, 1 200 conseillers devaient être en poste à la fin de l'année 2022. Néanmoins, la qualité de leur travail est saluée par les collectivités.
Le deuxième axe porte sur la question de l'informatique. Les dépenses en la matière ont trop longtemps servi de variable d'ajustement et les budgets ne sont sanctuarisés que depuis quelques années. Le montant alloué atteint même un niveau inédit cette année, puisque 590 millions d'euros sont prévus à l'échelle de la mission. Ces dépenses importantes visent à résorber la dette technique des administrations et à développer de nouvelles applications, à même de créer des gains de productivité à moyen terme.
Toutefois, la gestion des chantiers informatiques souffre encore d'un problème majeur et, chaque année, je constate que les coûts et les délais des projets ont été réévalués à la hausse. Au fil du temps, certains doublent ou triplent de volume. Il est grand temps que des indicateurs soient mis en place pour mieux suivre ces projets.
Le troisième axe porte sur la transition écologique. Les administrations se sont lancées dans de multiples « plans » verts. Je reconnais avoir été un peu sceptique face à la multiplication de ces démarches : « Douane verte », « Bercy vert », « Ecofip responsable », etc. Les premiers effets concrets sont limités : deux millions d'euros seront spécifiquement dédiés, dans l'enveloppe immobilière, à la performance des bâtiments. De même, le ministère a obtenu que 26 % de ses projets dits « à gains rapides » soient financés par l'enveloppe « Résilience II », qui fonctionne par appel à projets.
Concernant la fraude fiscale et les flux illicites de toute nature, les montants encaissés au titre du contrôle fiscal ont à peu près retrouvé leur niveau de 2019. Sur la lutte contre les trafics de toute nature, je me suis plus particulièrement intéressé à l'impact de la loi « Douane », que notre commission a examiné au printemps dernier. Plusieurs prérogatives sont d'ores et déjà utilisées par les agents : le droit de visite réformé, la retenue d'argent liquide sur le territoire ou encore la refonte du délit de blanchiment douanier. D'autres dispositions en revanche sont encore loin d'avoir trouvé leur traduction, par exemple la réserve opérationnelle. Alors que nous l'avions approuvé en partie pour pouvoir apporter des renforts temporaires lors des jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024, elle ne sera pas prête pour cette occasion.
Au regard de toutes ces observations, je vous proposerai d'adopter les crédits de la mission « Gestion des finances publiques ».
Je poursuis mon intervention par la mission « Crédits non répartis », dont les deux dotations, la « provision relative aux rémunérations publiques » et la « dotation pour dépenses accidentelles et imprévisibles », sont prévues par la loi organique relative aux lois de finances (LOLF).
La « provision relative aux rémunérations publiques », fait de nouveau l'objet d'une ouverture de crédits, à hauteur de 285,5 millions d'euros cette année. Cette dotation aura cette année principalement vocation à financer les évolutions statutaires liées au volet « Prévoyance » de la réforme de la protection sociale complémentaire (PSC) des agents publics de l'État, ainsi que diverses mesures de titre 2 dont la répartition entre les différentes missions du budget de l'État n'est pas encore connue.
Je constate avec regret le faible niveau d'information transmis au Parlement sur les mesures financées par ce programme. Chaque année, les réponses au questionnaire ne sont que des reprises mot pour mot des informations déjà présentées dans le projet annuel de performances (PAP), qui sont par ailleurs lacunaires puisqu'aucune estimation du coût des différentes mesures financées par ce programme n'est indiquée.
Cela n'est évidemment pas satisfaisant, d'autant que, rappelons-le, cette provision constitue une dérogation au principe de spécialité budgétaire, selon lequel les crédits doivent être répartis avec précision dans les différents programmes du budget de l'État. En tout état de cause, on ne peut qu'encourager le Gouvernement à procéder à la répartition de ces crédits au plus vite.
Par ailleurs, je vous présenterai un amendement visant à minorer les crédits de ce programme de 220 millions d'euros, afin d'étendre le délai de carence dans la fonction publique d'État à trois jours, contre un jour actuellement. Je précise que l'économie permise par l'extension de ce délai de carence est imputée par convention sur le programme 551. Cet amendement, déjà proposé par notre commission lors de l'examen du projet de loi de finances (PLF) pour 2020, n'a donc évidemment pas pour objectif de remettre en cause les mesures financées en 2024 par la provision relative aux rémunérations publiques.
J'en viens maintenant à la dotation pour dépenses accidentelles et imprévisibles, qui fait l'objet cette année d'une ouverture de crédits de 225 millions d'euros en crédits de paiement, contre plus d'1 milliard d'euros en loi de finances initiale (LFI) pour 2023. Depuis 2021, le Gouvernement a pris l'habitude de proposer, en LFI ou en loi de finances rectificative, des ouvertures de crédits sur ce programme dans des proportions particulièrement excessives, en s'appuyant sur des justifications insuffisantes.
Notre commission s'y est systématiquement opposée, et les montants particulièrement faibles exécutés sur les différents exercices concernés nous ont donné raison ! En effet, le taux d'exécution des crédits de cette dotation a oscillé entre 0 % et 2 % entre 2021 et 2023. C'est pourquoi je me félicite que le Gouvernement ait proposé une baisse des crédits de cette dotation. Toutefois, ces derniers demeurent largement supérieurs au montant conventionnel de 124 millions d'euros qui avait été fixé en 2018.
En conséquence, je vous proposerai tout à l'heure un amendement visant à minorer les crédits du programme 552 de 101 millions d'euros, dans un souci de sincérité budgétaire.
Sous réserve des deux amendements, je vous proposerai d'adopter les crédits de la mission « Crédits non répartis » ainsi modifiés.
J'en viens à la troisième mission « Transformation et fonction publiques », à propos de laquelle je vais développer trois éléments.
En premier lieu, je voudrais souligner l'augmentation significative, de près de 50 %, des autorisations d'engagement demandées sur la mission pour 2024, qui contraste avec la stabilisation des crédits de paiement. Plus précisément, alors que les crédits de paiement diminuent de 5,55 %, soit d'environ 65 millions d'euros, les autorisations d'engagement augmentent de 46,33 %, atteignant ainsi le montant inédit de 1,198 milliard d'euros.
Cette augmentation significative intervient alors même que le présent PLF prévoit deux mesures restreignant le périmètre de la mission.
D'une part, les crédits relatifs à la subvention pour charges de service public versée à l'Institut national du service public (INSP), ancienne École nationale d'administration (ENA), sont rattachés au programme 129 « Coordination du travail gouvernemental » de la mission « Direction de l'action du Gouvernement », pour un montant de 40 millions d'euros en AE comme en CP.
D'autre part, les crédits dédiés au financement du dispositif des conseillers numériques de France Services sont transférés vers le programme 343 « Plan France Très haut débit » de la mission « Économie », pour 42 millions d'euros en AE comme en CP.
La forte croissance observée sur la mission s'explique principalement par le quadruplement, à 655 millions d'euros, des AE relatives au programme 348 « Performance et résilience des bâtiments de l'État et de ses opérateurs ». Ce programme porte les crédits de rénovation des cités administratives ainsi que ceux de l'action n° 14 « Résilience », visant la réduction de la dépendance aux énergies fossiles et l'amélioration de la performance environnementale du parc immobilier de l'État et de ses opérateurs.
Dans le cadre du présent projet de loi de finances, le programme 348 bénéficierait ainsi dès 2024 de 300 millions d'euros en CP supplémentaires pour accélérer la rénovation énergétique du parc immobilier.
À la hausse des crédits du programme 348 s'ajoute, avec une portée cependant plus limitée, l'augmentation des crédits du programme 352 « Innovation et transformation numériques ». Ces crédits seraient multipliés par sept, passant de 10,6 millions d'euros à 74,1 millions d'euros, en AE comme en CP, afin notamment d'intégrer une dotation de 50 millions d'euros dédiée à l'accompagnement numérique de la transition écologique.
Cette nouvelle dotation s'inscrit dans le volet numérique du programme national d'accompagnement à la transition écologique « France Nation verte », piloté par le secrétariat général à la planification écologique (SGPE). Une exécution par l'ouverture de guichets transversaux et thématiques est envisagée autour des grands enjeux de la planification écologique.
En deuxième lieu, je souhaiterais aborder les défauts structurels qui continuent d'affecter l'exécution de la mission, en dépit de quelques progrès.
Ainsi, le programme 348 « Performance et résilience des bâtiments de l'État et de ses opérateurs » devrait enfin voir ses actions de rénovation aboutir en 2024-2025, alors que le retard pris s'est accompagné d'une augmentation des coûts sous l'effet de l'inflation.
Rappelons qu'il a fallu attendre fin 2022, soit près de cinq ans après la création du programme, pour que l'ensemble des travaux de rénovation des cités administratives puisse débuter. Alors que la livraison de l'ensemble du programme de rénovation était initialement fixée à 2022, elle devrait donc finalement intervenir d'ici à la fin de l'année 2025. Sur trente-neuf chantiers prévus en 2018, trente-six ont été poursuivis. Si trente-cinq chantiers ont démarré à ce jour, seules cinq cités ont déjà été réceptionnées ; quatre autres devraient l'être d'ici fin 2023-début 2024.
De même, les crédits du programme 349 « Transformation publique » continuent de connaître une sous-consommation récurrente, principalement liée aux défauts de conception du Fonds pour la transformation de l'action publique (FTAP). Ainsi, à la fin du mois d'octobre, les crédits consommés par le programme 349 sur l'année 2023 représentaient seulement 122 millions d'euros, contre 251 millions d'euros prévus en LFI 2023. Cette sous-exécution chronique peut également se voir dans la mise en oeuvre des projets financés par le FTAP, avec une part de projets achevés de seulement 32 % en 2022.
Alors que l'enveloppe allouée au FTAP s'élèverait à 330 millions d'euros sur la période 2023-2025, il convient de tirer dès à présent les enseignements de la mise en oeuvre du fonds, et plus particulièrement de sa sous-exécution. En effet, le bilan prévu en 2025 apparaît très tardif pour un fonds apportant des cofinancements aux administrations depuis 2018.
Aussi, je vous proposerai, par un amendement destiné à assurer la sincérité budgétaire des crédits portés par la mission, de diminuer de 59 millions d'euros les crédits de paiement ouverts sur le programme 349.
En troisième lieu, et enfin, je voudrais revenir sur la modification des crédits de la mission résultant de l'engagement de la responsabilité du Gouvernement en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution.
Cette modification, qui porte sur l'action n° 14 « Résilience », vise à allouer une enveloppe spécifique de 55 millions d'euros en AE pour la rénovation immobilière des casernes de gendarmerie sur le territoire national. En revanche, les besoins en CP seraient pris en compte au cours de la gestion 2024.
J'accueille cette modification de manière favorable, eu égard à l'étendue du parc immobilier de la gendarmerie nationale et à la nécessité d'accélérer l'amélioration des conditions de vie des gendarmes et de leurs familles ; quelques gendarmeries sont encore en très mauvais état.
Je vous proposerai d'adopter les crédits de la mission « Transformation et fonction publiques » ainsi modifiés.
Mme Nathalie Goulet. - Concernant la mission « Gestion des finances publiques », si je me réjouis de l'augmentation des postes au sein du contrôle fiscal, ces nouveaux agents seront-ils formés aux nouveaux risques, par exemple sur les cryptoactifs ?
Quid également de l'agence européenne contre le blanchiment ? La mission comporte-t-elle des éléments sur ce point ?
Enfin, où en est-on sur le logiciel de détection précoce de la fraude à la TVA ? A-t-on rattrapé notre retard numérique en la matière ?
M. Marc Laménie. - Sur la mission « Gestion des finances publiques », on note une relative stabilité des moyens humains prévus en 2024, après des années de suppressions d'ETP. Sur le programme 156, a-t-on une idée de la répartition territoriale des effectifs ?
Enfin, quel est l'impact financier de la loi « Douane » adoptée récemment ? Et qu'en est-il de l'évolution de ses effectifs ?
M. Bernard Delcros. - La délocalisation des services centraux vers les territoires péri-urbains se terminera en 2024. Combien de services, de départements, mais aussi d'emplois sont concernés par ce redéploiement ?
On comptait 883 conseillers aux décideurs locaux à la fin du premier semestre 2023, contre 1013 prévus d'ici la fin de l'année. Cette augmentation est-elle due à la réorganisation des services dans les départements ou s'agit-il d'emplois supplémentaires, visant à pallier les insuffisances en la matière ?
Mme Christine Lavarde. - Je partage l'avis du rapporteur spécial, le plan « Bercy vert » fait l'objet de nombreuses communications. Mais, comme pour les autres ministères, nous ne voyons pas de résultats concrets. Le projet annuel de performances de la mission « Écologie » nous donne l'impression que ce ministère est à la pointe de ce qu'il se fait en matière de transition écologique, alors qu'il est incapable de nous faire part d'actions concrètes.
M. Thierry Cozic. - S'agissant du programme 302 « Facilitation et sécurisation des échanges », l'action n° 5 « Fiscalité douanière, énergétique et environnementale » connaît une hausse de ses crédits de 9 %, et ce malgré une diminution annoncée de 52 équivalents temps plein travaillés (ETPT), du fait des transferts de fiscalité vers la DGFiP. Cette hausse de crédits pose question.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Je note qu'il n'est plus question de faire appel à la réserve opérationnelle. Cette proposition avait pourtant été bien accueillie. C'est bien d'avoir des projets, encore faut-il pouvoir les mettre en oeuvre. Quels sont les enjeux que soulève l'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques pour la Douane ?
M, Claude Nougein, rapporteur spécial. - Madame Goulet, concernant la formation des nouveaux agents, il faut savoir que 250 personnes sont recrutées en 2024, principalement par concours. 100 autres seront recrutées par redéploiement, en interne.
Nous n'avons malheureusement aucune information au sujet de l'agence européenne anti-blanchiment. Elle n'est d'ailleurs pas évoquée dans la documentation budgétaire de la mission « Gestion des finances publiques ».
Afin de limiter la fraude à la TVA, nous avons voté en 2020 la généralisation de la facturation électronique pour les transactions entre entreprises et la transmission des données de transaction. L'administration fiscale pourra les utiliser pour accroître l'efficacité de ses contrôles. Un portail informatique est en cours de développement.
M. Laménie l'a souligné, des milliers d'emplois ont été supprimés au sein de la DGFiP ces dernières années, en raison notamment du développement de l'informatique, du prélèvement à la source, ou encore du regroupement de trésoreries.
Le renseignement douanier bénéficie de 16 millions d'euros pour favoriser l'installation de scanners mobiles, en partie financés par des fonds européens. À la suite du rapport d'information sur la douane que j'ai commis en 2022 avec Albéric de Montgolfier, nous nous sommes en effet aperçus qu'il était plus efficace d'investir dans ce matériel technologique plutôt que d'embaucher de nouveaux douaniers - 17 000 douaniers, c'est suffisant. Ces scanners font leurs preuves tant pour les bagages et les colis que pour les passagers. Ils sont également très efficaces pour scanner les conteneurs, par exemple au port du Havre.
Monsieur Delcros, la délocalisation des services en province a bien avancé : 73 services, 66 communes et 2 582 ETP sont concernés. M. Darmanin, alors ministre du budget, avait en effet prévu un effectif de 1 200 conseillers aux décideurs locaux ; ils sont actuellement au nombre de 1 013. Nous sommes donc en bonne voie. La Cour des comptes, à qui nous avons demandé une enquête sur le fondement de l'article 58, alinéa 2, de la LOLF, doit rendre son rapport sur le rôle de la DGFiP auprès des collectivités territoriales d'ici à la fin de l'année. D'après les échos que j'en ai, les maires et les secrétaires de mairie sont globalement satisfaits des conseillers aux décideurs locaux.
Madame Lavarde, je partage votre remarque sur « Bercy vert ». Tous les ministères veulent être verts, mais les annonces ne sont pas toujours suivies d'effet. La directrice des douanes, que j'ai auditionnée, m'a fait remarquer qu'il ne serait sans doute pas très efficace d'intercepter un go fast avec un véhicule électrique. On voit les limites au verdissement des services à tout prix. Dans l'immédiat, l'investissement le plus pertinent financièrement et le plus favorable sur le plan écologique concerne la rénovation des bâtiments, avec des dépenses moindres en chauffage et en électricité. D'importants progrès doivent être menés dans ce domaine.
Monsieur Cozic, les crédits de l'action dédiée à la fiscalité augmente, il est vrai, en dépit des transferts d'emplois ; c'est lié aux dépenses informatiques pour maintenir certaines applications dans de bonnes conditions opérationnelles. Plus globalement, une large partie de la hausse du budget des douanes est liée au développement des moyens de la Douane, avec par exemple la mise en place de scanners très coûteux mais aussi la location d'hélicoptères aux Antilles, nécessaires à la lutte contre le trafic de drogue.
Monsieur le rapporteur général, c'est vrai, nous avons voté les dispositions visant à créer la réserve opérationnelle de la Douane, mais les textes d'application n'ont toujours pas été publiés et la réserve n'est donc pas prête.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Rien n'est mis en oeuvre ?
M. Claude Nougein, rapporteur spécial. - Peut-être que cela se débloquera après les jeux Olympiques et Paralympiques. On nous annonce des premiers textes dans le courant de l'année 2024. Les jeux seront une période chargée pour les douanes, tant pour le dédouanement des marchandises que pour le contrôle des flux aux frontières.
La commission décide de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission « Gestion des finances publiques ».
M. Claude Raynal, président. - Nous passons aux questions portant sur la mission « Crédits non répartis ».
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Je remercie notre rapporteur pour son effort de sincérisation des crédits de la dotation pour dépenses accidentelles et imprévisibles. Cette démarche devrait plaire au ministre de l'économie, que l'on sait très attaché à la gestion à l'euro près.
Mme Christine Lavarde. - Ma question sera la même que l'année dernière : comment financer les heures supplémentaires des fonctionnaires lors des jeux Olympiques et Paralympiques ? Des mesures ont été annoncées par le Gouvernement, mais les crédits tardent à apparaître, aussi bien pour la fonction publique hospitalière que pour les effectifs de sécurité. Leur financement est-il indirectement prévu par les crédits non répartis ? Il faudra également y inclure le financement des temps de repos.
M. Thierry Cozic. - Votre amendement sur le jour de carence, Monsieur le rapporteur spécial, vise certes à faire des économies, mais il semble relever davantage de l'idéologie que de la bonne gestion budgétaire. Quels éléments justifient de passer d'un délai de carence d'un jour à trois jours ?
M. Claude Nougein, rapporteur spécial. - Madame Lavarde, il n'est pas prévu d'affecter des crédits de la mission « Crédits non répartis » pour les jeux Olympiques et Paralympiques. Le sujet des heures supplémentaires et des congés durant cette période est un enjeu pour de nombreuses administrations. Lors de mes auditions, la directrice des douanes m'a indiqué qu'un plan d'activité avait été prévu, avec l'impossibilité, pour environ 7 000 agents, de prendre des jours de congés à l'été 2024.
Mme Christine Lavarde. - La période d'été s'y prête pourtant. Comment compte-t-elle répartir sur le reste de l'année ces congés non pris ?
M. Claude Nougein, rapporteur spécial. - Il semblerait que ce ne soit pas un sujet pour elle. Le ministre de l'intérieur a également annoncé que les policiers ne prendraient pas de congés pendant les jeux Olympiques et Paralympiques. Il reste à voir comment ils vont ensuite gérer les repos et vacances le reste de l'année.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Policiers et militaires sont interdits de congés.
M. Claude Nougein, rapporteur spécial. - Et sans primes supplémentaires ! Les douaniers sont aussi concernés. Il est vrai que les entreprises privées proposent en général une prime à leurs salariés en cas de report de congés, mais ce n'est pas prévu dans la fonction publique.
Monsieur Cozic, vous qui êtes très attaché à la notion d'égalité, pourquoi y aurait-il des privilèges dans la fonction publique par rapport au secteur privé ? Nous vous proposons de remédier à cette inégalité qui existe entre les deux secteurs concernant le délai de carence.
Par ailleurs, une étude de la Fondation pour la recherche sur les administrations et les politiques publiques (iFRAP) a pointé récemment le fait que la fonction publique, qui représente 20 % des personnes en activité, est responsable de 40 % du coût des arrêts maladie. Toutefois, ce sont les fonctions publiques territoriale et hospitalière qui connaissent les plus fortes progressions d'arrêts maladie. Est-ce justifié ? Seuls les médecins peuvent le dire. Aussi avons-nous pris cette mesure au nom de cette égalité.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - À ce sujet, je m'étonne que M. Cozic n'ait pas mentionné mon intervention musclée à l'époque de la crise sanitaire pour supprimer le délai de carence dans la fonction publique, afin de l'aligner sur les mesures prises pour le secteur privé.
M. Thierry Cozic. - Je vous avais appuyé à l'époque, Monsieur le rapporteur général.
Mme Marie-Claire Carrère-Gée. - Je suis favorable à cet amendement. Il semble légitime compte tenu de l'évolution de l'absentéisme et de l'état des finances publiques d'aligner le délai de carence. Toutefois, je rappelle que ce n'est pas comparable avec le secteur privé, car les employeurs paient un complément au salarié.
L'amendement FINC.1 est adopté.
M. Claude Nougein, rapporteur spécial. - L'amendement FINC.2 prévoit une baisse des crédits du programme 552 « Dépenses accidentelles et imprévisibles », c'est une mesure de sincérisation, ces crédits n'ont jamais été utilisés.
L'amendement FINC.2 est adopté
La commission décide de proposer au Sénat d'adopter les crédits de la mission « Crédits non répartis », sous réserve de l'adoption de ses amendements.
M. Claude Raynal, président. - Nous en venons aux questions sur la mission « Transformation et fonction publiques ».
Mme Christine Lavarde. - Le rapporteur peut-il préciser les actions concrètes financées par le programme 349 ? Celui-ci a été créé à l'issue des travaux du comité Action publique 2022. Le ministre Darmanin se faisait l'écho de ce programme, mais que contient-il ?
M. Thierry Cozic. - Peut-on avoir des précisions sur le programme 348, qui concerne notamment les cités administratives ? Il était prévu qu'il y en ait dix-huit en 2023 puis dix-neuf en 2024. Neuf sites ont été rénovés en 2023 et vingt-sept sont prévus sur la période 2024-2025. Les crédits demandés en 2024 vous paraissent-ils crédibles au regard des retards ?
Au sujet de la densification, le Gouvernement entend diminuer les espaces de travail des fonctionnaires. Quels éléments justifient cette mesure ?
Enfin, ne serait-il pas opportun d'envisager un indicateur de performance sur le programme 368 ? Il s'agit d'un programme très centralisé.
M. Michel Canévet. - Les opérations du programme 348 visant à moderniser les cités administratives ont-elles été engagées, en particulier en Bretagne ? Est-ce que d'autres opérations de ce type pourraient bénéficier d'un déblocage de crédits spécifiques ?
M. Claude Nougein, rapporteur spécial. - Madame Lavarde, vous soulignez que le programme 349 ne présente pas beaucoup d'actions concrètes. Seuls 32 % des projets de ce programme ont en effet été achevés, ce qui démontre qu'il ne fonctionne pas bien. Il y a néanmoins quelques exemples de projets que nous pouvons citer, comme la refonte du système d'information du contrôle fiscal et la numérisation de la procédure pénale.
Monsieur Cozic, je m'étais posé la même question pour les crédits demandés sur le programme 348, car les budgets ne sont pas sincères. Faut-il déposer un amendement pour réduire les crédits afin qu'ils correspondent à la réalité ? J'ai préféré en rester là, même si je crains que les crédits ne soient pas tous utilisés. Dans nos territoires, des cités administratives sont en mauvais état. Sur le plan environnemental, il faudrait agir pour faire des économies importantes de chauffage, d'électricité. Dans une petite ville de 14 000 habitants de mon département, une tour immense abrite un site administratif, mais pratiquement la moitié des étages sont vides.
L'arrivée du télétravail a changé la donne. Au ministère des finances, deux à trois jours de travail à distance sont autorisés. Entre les arrêts maladie et le télétravail, tous les bureaux ne sont plus utiles. Bercy veut réduire le nombre de mètres carrés de bureaux. Le modèle du « flex office », sans bureau attribué individuellement, séduit beaucoup le ministère des finances. Est-ce passager ? Pour ma part, je ne suis pas sûr que ce soit une bonne solution. Le télétravail lui-même est peut-être une mode. Vous soulevez là en effet un point important.
Monsieur Canévet, un certain nombre de cités avaient été programmées, mais trois projets ont été stoppés, à Melun, Brest et Tours. La modernisation des autres cités se poursuit à petite vitesse ; d'où les sous-consommations observées chaque année.
M. Claude Raynal, président. - Vous proposez un amendement de sincérisation budgétaire.
M. Claude Nougein, rapporteur spécial. - Oui, l'amendement FINC.3 vise à assurer la sincérité du budget, en diminuant les crédits du programme 349 de 59 millions d'euros.
L'amendement FINC.3 est adopté.
La commission décide de proposer au Sénat d'adopter les crédits de la mission « Transformation et fonction publiques », sous réserve de l'adoption de son amendement.
M. Claude Raynal, président. - Nous en venons au compte d'affectation spéciale (CAS) « Gestion du patrimoine immobilier de l'État ».
M. Claude Nougein, rapporteur spécial. - Placé sous la responsabilité de la direction de l'immobilier de l'État (DIE), ce CAS vise à financer les opérations de valorisation et la modernisation du parc immobilier de l'État en recourant, prioritairement, à la cession d'actifs. Les crédits du CAS sont concentrés sur le programme 723 « Opérations immobilières et entretien des bâtiments de l'État », qui porte les dépenses d'entretien à la charge du propriétaire, ainsi que les opérations immobilières structurantes réalisées sur le parc immobilier de l'État. En revanche, le programme 721 « Contribution des cessions immobilières au désendettement de l'État » n'est plus abondé depuis 2018.
Les crédits du CAS s'élèveront en 2024 à 340 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, soit une diminution de 29,17 % par rapport à 2023. Avec des recettes également attendues à hauteur de 340 millions d'euros, marquée par une diminution de 40 % des produits de cession - 210 millions d'euros en 2024, contre 350 millions d'euros en 2023 -, le solde du compte serait à l'équilibre.
Au 31 décembre 2022, l'État et ses établissements publics occupaient un patrimoine immobilier de 94 millions de mètres carrés de surface bâtie. La valeur comptable de ces actifs est estimée à 73,3 milliards d'euros. Au regard de ce patrimoine très étendu, ce CAS représente un outil marginal, équivalent à seulement 13 % des dépenses immobilières d'investissement de l'État en moyenne annuelle sur la période 2012-2022.
En effet, le CAS demeure un instrument contourné et concurrencé. Alors que les entités ou ministères occupants ne sont censés pouvoir exercer leurs droits de tirage sur le CAS qu'en contrepartie de la mutualisation de produits de cession, certains ministères ou projets disposent de dérogations. D'autres bénéficient d'avances sur cession, dont le montant net s'élevait à 326 millions d'euros en juin 2023. Par ailleurs, la faiblesse des recettes du CAS conduit à sa marginalisation au profit d'autres vecteurs budgétaires. Ainsi que je l'ai rappelé dans ma présentation des crédits de la mission « Transformation et fonction publiques », le programme 348 « Performance et résilience des bâtiments de l'État et de ses opérateurs » devrait bénéficier en 2024 de 550 millions d'euros d'autorisations d'engagement et de 300 millions d'euros de crédits de paiement supplémentaires pour accélérer la rénovation énergétique du parc immobilier.
Je vous propose d'adopter les crédits de cette mission.
M. Olivier Paccaud. - Il n'y a plus beaucoup de cessions. Dans mon département, des sous-préfectures sont effectivement devenues désertiques. À l'inverse, des entreprises cherchent des locaux. Une réflexion est-elle menée sur des locations pour les acteurs économiques ?
M. Michel Canévet. - Comment évolue le patrimoine global de l'État ? Il est évalué à 94 millions de mètres carrés. Augmente-t-il ou diminue-t-il ? Le télétravail permet-il d'optimiser le patrimoine de l'État ? Et qu'en est-il des opérateurs de l'État ? On sait que ceux-ci ont un patrimoine important. La direction de l'immobilier de l'État veille-t-elle à faire respecter les règles en cette matière, comme la règle de 12 mètres carrés pour un bureau ?
M. Claude Nougein, rapporteur spécial. - Monsieur Paccaud, il existe parfois des baux à long terme, des baux emphytéotiques, pour une durée comprise entre 18 et 99 ans, mais ces locations sont peu nombreuses. On constate même une diminution tendancielle du nombre des baux emphytéotiques conclus par l'État, de 761 fin 2020 à 746 fin 2022. Plutôt que de mettre en location les biens dont il est propriétaire, l'État préfère donc céder ses bâtiments, on l'a vu pour les casernes. Nombre d'entre elles ont été transformées, parfois en bâtiments publics, mais également au profit du secteur privé. Le problème principal de ces cessions d'actifs concerne Paris, car la Mairie de Paris préempte les immeubles pour des sommes très modestes, notamment pour en faire des logements sociaux.
Monsieur Canévet, l'État et ses établissements publics occupent 94 millions de mètres carrés de surface bâtie, un nombre globalement stable sur les trois dernières années, dont 23 millions de mètres carrés de bureaux. Cela reste beaucoup trop. Les entreprises ont d'ailleurs diminué leur superficie de bureaux avec l'informatisation, le télétravail. Ces 94 millions de mètres carrés sont évalués à 73 milliards d'euros, mais cette estimation est-elle correcte ? Les prix de l'immobilier ne sont évidemment pas les mêmes à Paris et en province. Il y a une réflexion à mener sur la valorisation du parc.
La commission décide de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits du compte d'affectation spéciale «Gestion du patrimoine immobilier de l'État ».
Projet de loi de finances pour 2024 - Mission « Action extérieure de l'État » (et article 50 A) - Examen du rapport spécial
M. Claude Raynal, président. - Nous examinons maintenant les crédits de la mission « Action extérieure de l'État »
Mme Nathalie Goulet, rapporteur spécial.de la mission « Action extérieure de l'État » - Le budget de la mission a été très largement orienté par les conclusions des États généraux de la diplomatie, qui se sont tenus d'octobre 2022 à mars 2023, en réponse au mouvement social de juin 2022 suscité par la réforme du corps diplomatique. Cette réforme, engagée sans associer parfaitement le Parlement, a créé un malaise parmi les agents du ministère. En effet, son volet statutaire s'est traduit par la mise en extinction du corps des conseillers des affaires étrangères ; son volet formation impose la centralisation de l'organisation des concours de recrutement. De plus, sur le plan budgétaire, l'évaluation des conséquences de cette réforme sur les crédits de la mission est très difficile à déterminer. Un recours contre ce décret a été rejeté le 31 octobre dernier. La conclusion de ces États généraux a été l'occasion pour le Gouvernement d'annoncer une augmentation de 700 équivalents temps plein (ETP) et de 20 % du budget d'ici à 2027.
Cette ambition est reflétée dans le budget pour 2024 par une progression des crédits de 3,5 milliards d'euros, en autorisations d'engagement (AE) comme en crédits de paiement (CP). Par rapport à l'exercice précédent, les crédits progressent de près de 290 millions d'euros, soit une augmentation de 6 % sur la mission qui s'accompagne de l'ouverture de 165 ETP sur l'ensemble des programmes.
Cette augmentation généralisée soulève toutefois trois points de vigilance.
Premièrement, nous devons être attentifs à éviter un effet de « saupoudrage ». Les choix de répartition des crédits doivent s'inscrire en cohérence avec nos priorités stratégiques et géographiques qui sont difficiles à cerner ces temps-ci. À cet égard, il est nécessaire de mieux mesurer l'effet de levier des dépenses de l'action extérieure.
Deuxièmement, la programmation de certaines dépenses devra être détaillée, car la ventilation de certains crédits et des emplois m'est apparue imprécise au cours des auditions. Certaines lignes budgétaires sont renseignées de manière sibylline, à l'image de celle qui est dédiée aux dépenses d'intervention des ambassades. L'allocation de 165 nouveaux ETP n'est pas encore terminée.
Troisièmement, nous devons veiller à la bonne exécution de certaines dépenses, par exemple s'agissant de l'immobilier, où l'on a observé une sous-consommation lors des précédents exercices.
J'évoquerai maintenant de manière plus détaillée les crédits du programme 105, qui regroupe les contributions internationales et les dépenses liées à l'administration centrale et au réseau diplomatique à l'étranger.
En premier lieu, s'agissant des contributions internationales et européennes, elles dépendent d'engagements de la France pour financer des organisations multilatérales. Au total, ces contributions internationales, hors contributions européennes, s'élèveront à 729 millions d'euros en 2024, soit une hausse de 3 % par rapport à 2023. Une partie est versée en devises, ce qui l'expose à un risque de change. Compte tenu des incertitudes sur l'évolution des changes à moyen terme, le ministère des affaires étrangères a activé le mécanisme de couverture de change. Une partie de la hausse des contributions pour 2024 s'explique par le doublement du financement de la Facilité européenne pour la paix (FEP). Cette dernière a été largement sollicitée pour financer l'aide apportée à l'Ukraine dans sa résistance à l'agression russe.
En second lieu, concernant les crédits de l'administration centrale et du réseau diplomatique, la hausse entend traduire le « réarmement » de notre diplomatie.
Le ministère portera un effort particulier sur certaines dépenses présentées comme stratégiques, notamment celles qui sont improprement qualifiées de dépenses de « communication », qui regroupent les activités de veille et de riposte à la désinformation, ce qu'on pourrait désigner par l'expression de « communication d'influence ».
Le contexte international dégradé explique le renforcement des dépenses de sécurité en France comme à l'étranger. Les crédits de la sécurité à l'étranger devraient atteindre 67 millions d'euros en crédits de paiement. Le centre de crise et de soutien du Quai d'Orsay, mobilisé par les évacuations de nos ressortissants voit d'ailleurs sa dotation renforcée. Il s'agit en particulier de protéger nos ambassades par des mesures de sécurité dites « passives », qui, au regard des récents événements au Sahel, paraissent nécessaires et bienvenues.
Sans préjuger de la présentation des crédits que s'apprête à vous adresser Rémi Féraud, et en tenant compte des réserves évoquées, je vous invite à adopter les crédits de la mission « Action extérieure de l'État ».
M. Rémi Féraud, rapporteur spécial.de la mission « Action extérieure de l'État » - Pour commencer, j'évoquerai le programme 151, qui regroupe les moyens dédiés aux Français de l'étranger et au réseau consulaire.
Tout d'abord, en 2024, l'administration consulaire doit poursuivre sa démarche de modernisation, notamment en finalisant la rénovation de ses outils numériques. La dématérialisation de l'état civil des Français nés à l'étranger ou ayant eu un événement d'état civil à l'étranger, engagée en 2019, en est un bon exemple, avec la mise en oeuvre de la dernière étape - l'ouverture en ligne du registre électronique -, prévue en 2024.
Le déploiement de la plateforme France consulaire sera poursuivi cette année. Ce centre d'appel vise à soulager les services consulaires des demandes téléphoniques. Il est pour l'instant limité à l'Europe, mais devrait être étendu en Afrique dans le courant de l'année 2024 et au reste du monde en 2025.
L'année 2024 est une année d'élections. Les services consulaires seront particulièrement sollicités à cette occasion. Aussi, le programme reçoit un abondement exceptionnel de 1,1 million d'euros en plus d'un transfert de 4,4 millions d'euros du ministère de l'intérieur.
Enfin, les bourses scolaires constituent les principales dépenses d'intervention du programme 151. Nos collègues représentant les Français de l'étranger y sont toujours très attentifs. Ces bourses, directement versées aux établissements, permettent de soutenir les familles les plus modestes pour accéder à l'enseignement français à l'étranger. En 2023, l'ensemble des crédits avait été consommé, permettant de liquider la soulte de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE), aujourd'hui éteinte. Pour 2024, l'enveloppe des bourses sera donc en forte augmentation avec un montant de 118 millions d'euros. Nous devrons non seulement être attentifs à la consommation de cette enveloppe pour éviter la reconstitution d'une soulte, mais aussi vérifier qu'elle sera suffisante pour faire face à une forte inflation mondiale.
Concernant le programme 185, le budget pour 2024 entend renforcer les moyens de la diplomatie d'influence et notamment culturelle. Les crédits du programme progressent de 5,7 %, en autorisations d'engagement comme en crédits de paiement, soit une augmentation de 62,2 millions d'euros.
Premièrement, cette hausse des moyens vise à renforcer l'attractivité de la France et son influence dans les domaines culturel, scientifique et universitaire. Un tel engagement est essentiel aujourd'hui au rayonnement de notre pays et vient en complément de nos dépenses militaires et diplomatiques.
Ainsi, l'enveloppe des bourses du Gouvernement français en faveur des étudiants étrangers est abondée de 6 millions d'euros additionnels, pour atteindre 65 millions d'euros. L'objectif porté par le ministère et son opérateur, Campus France, est d'attirer davantage d'étudiants d'Afrique et de la région indopacifique, avec un engagement personnel du Président de la République pour accueillir davantage d'étudiants indiens en priorité.
De plus, le projet de loi de finances augmente les crédits d'intervention pilotés par les services de coopération et d'action culturelle (SCAC). Toutefois, leur emploi est peu détaillé, ce qui nous conduit à nous interroger sur la doctrine de consommation de ces crédits. Je rejoins ici la remarque de ma collègue Nathalie Goulet, la logique de gestion au plus près du terrain ne peut se faire au prix de la redevabilité des comptes.
Deuxièmement, il s'agit également de soutenir le développement de l'enseignement français à l'étranger. D'une part, l'objectif de doublement du nombre d'élèves inscrits dans le réseau des établissements français à l'étranger d'ici à 2030 paraît trop ambitieux au regard de la trajectoire actuelle, certes fortement ralentie par la pandémie de covid-19 et les crises internationales. Réaliser cet objectif supposerait d'accroître les effectifs de 5 % par an alors qu'ils n'ont progressé que de 0,5 % cette année. Mais plusieurs initiatives intéressantes prévues par ce projet de loi de finances pourraient accélérer ce processus. D'autre part, il faut être vigilant quant à l'évolution de la subvention pour charges de service public versée à l'AEFE. Bien qu'elle s'élève cette année à 454,9 millions d'euros, l'inflation reste encore forte dans de nombreux pays et pourrait peser sur les frais de scolarité des établissements. Il est indispensable que l'enseignement demeure pour les Français de l'étranger un véritable service public et qu'à cette fin la contribution financière des familles reste stable.
J'estime que la hausse des moyens accordée à la diplomatie française est nécessaire. En effet, les États généraux de la diplomatie ont permis de mettre en lumière la volonté des agents du ministère de prévenir la dégradation de notre outil diplomatique. Ces dernières années, les mesures d'économies ont affaibli les capacités du Quai d'Orsay jusqu'à créer un « mouvement social », si l'on peut dire, inédit. Toutefois, une telle augmentation des crédits est à l'opposé de la politique budgétaire très stricte menée récemment et l'on peut s'interroger sur la cohérence de l'action publique dans le temps. Cette prise de conscience sur la nécessité d'inscrire les affaires étrangères dans une priorité budgétaire pour le bloc régalien est bien tardive puisqu'elle ne figurait pas dans la première loi de programmation des finances publiques.
Or, dans un contexte géopolitique aussi dégradé, nous devons être en mesure de déployer une véritable diplomatie d'influence et d'apporter à nos concitoyens à l'étranger un service public de qualité.
Pour ces différentes raisons, je vous invite, mes chers collègues, à approuver les crédits de la mission « Action extérieure de l'État ».
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Je m'interroge sur la progression des crédits de près de 10 %. J'ai le sentiment que l'on ouvre les vannes, sans connaître les actions visées. C'est le contraire de ce qui est annoncé quand on dit que les dépenses sont à l'euro près. Aussi, je proposerai peut-être un amendement.
Compte tenu de l'évolution des relations entre la France et certains pays d'Afrique au cours des derniers mois, il convient en effet de renforcer les partenariats et de mettre les moyens là où s'exprime une véritable volonté de coopération. Mais je m'interroge sur cette mission qui me semble quelque peu surdimensionnée.
M. Claude Kern, rapporteur pour avis de la commission de la culture sur la mission « Action extérieure de l'État ». - Je n'ai pas encore émis d'avis sur les crédits que je rapporte, car ils ne concernent que le programme 185 et une petite partie du programme 151, mais, au regard des auditions que j'ai menées, je partage la position des rapporteurs. Je pense que j'exprimerai un avis favorable sur les crédits de cette mission, avec quelques réserves.
M. Bernard Delcros. - Les crédits affectés au protocole semblent avoir plus que doublé. Pouvez-vous le confirmer et nous donner la raison de cette augmentation ?
M. Thierry Cozic. - Pour faire un parallèle, même si ce n'est pas tout à fait le même sujet, nous avions produit un rapport d'information il y a deux ans avec Frédérique Espagnac, sur la diplomatie économique, qui concernait essentiellement les services économiques régionaux (SER) de la direction du Trésor à l'étranger. Des applications afin de sécuriser les échanges devaient être développées à l'époque, avec Business France pour les SER. Une des recommandations portait sur la nécessaire sécurisation des échanges entre le ministère et les services économiques. Ce point est-il identifié et pris en compte dans la mission que vous menez ?
M. Claude Raynal, président. - En principe, les télégrammes diplomatiques sont sécurisés.
M. Michel Canévet. - Nous constatons en effet une augmentation forte des crédits, dans l'immédiat de 10 %, mais qui resterait extrêmement significative dans les années à venir. Il était nécessaire que le ministère fasse des économies au cours des dernières années. Aussi, dans le contexte de maîtrise des dépenses publiques, nous ne pouvons qu'être inquiets de cette forte hausse. C'est pourquoi j'aimerais savoir si les efforts de rationalisation concernant le parc immobilier ont été réalisés.
Par ailleurs, cette augmentation du budget est-elle induite par des dépenses de sécurité liées à certains conflits ? Enfin, l'augmentation du nombre de locuteurs de français a été évoquée dans la feuille de route de la diplomatie, pour passer de 350 millions dans le monde à 500 millions dans vingt ans. Quels moyens sont mis en oeuvre pour atteindre cet objectif ambitieux ? Par exemple, l'ouverture de nouveaux établissements d'enseignement est-elle prévue ?
Mme Nathalie Goulet, rapporteur spécial. - Les auditions ont soulevé plusieurs questions. Et nous nous sommes interrogés de savoir si nous déposions un amendement visant à supprimer une partie des crédits. Compte tenu de la situation internationale, nos interlocuteurs nous ont invités à faire preuve de souplesse, car ce nouveau souffle est nécessaire dans la phase d'adaptation que nous traversons.
En ce qui concerne la rationalisation des crédits, la question s'est posée tant pour les ETP que pour les investissements ou la croissance exponentielle des frais de protocole - ils sont passés de 7,5 millions d'euros à 18,1 millions, montant qui inclut les jeux Olympiques (JO). La question du contrôle des dépenses pour les JO, fragmentées entre plusieurs ministères, nous a également interpellés. On se trouve dans une phase de transition délicate, avec un difficile équilibre à trouver entre un accroissement volumineux des dépenses et la nécessité de les contrôler. La prudence est donc de mise sur ce point.
Monsieur Delcros, les crédits alloués au protocole devraient comprendre les frais liés aux jeux Olympiques qui ne sont pas individualisés comme tels. Il y aura là un enjeu de traçabilité de ces dépenses.
Monsieur le rapporteur général, le contrôle et la surveillance des contributions aux organisations internationales devrait également se traduire par une présence française accrue aux postes intermédiaires pour y conserver notre influence.
M. Rémi Féraud, rapporteur spécial. - Au sujet des dépenses de sécurité des emprises, elles sont en augmentation, mais se poursuivent d'année en année. Elles sont très importantes comme on a pu le voir au Niger récemment, puisqu'elles ont permis, malgré 6 millions d'euros de dégâts, qu'il n'y ait pas de victimes humaines, y compris en retardant les intrusions. C'est à cela que servent nos dépenses de sécurité « passives ».
Sur la cybersécurité, une augmentation de 7 millions d'euros est prévue pour les infrastructures, ils sont essentiellement dédiés à la hausse des dépenses de sécurité avec le projet de rénovation de l'application Diplomatie.
Concernant l'enseignement français à l'étranger, aucun nouvel établissement public n'est prévu, mais de nouveaux établissements sont homologués régulièrement, même si ce processus est moins rapide que ce qui avait été envisagé par le Président de la République. En revanche, 16 instituts régionaux de formation (IRF), considérés comme des établissements publics, sont mis en place. En outre, un programme spécifique, le « Pass Éducation langue française » sera déployé avec un budget de 1 million d'euros pour permettre aux jeunes Français à l'étranger qui ne parlent pas cette langue de pouvoir l'apprendre hors du temps scolaire.
Certes, le budget est en forte augmentation, mais nous l'avons nous-mêmes souvent réclamé. Exclure les affaires étrangères du bloc régalien est une erreur. Pour caricaturer, à quoi serviraient nos chars et nos avions si nous n'avons pas de diplomates ? Il paraît important de réarmer notre diplomatie, même si je regrette que ce changement intervienne à la suite d'une crise du Quai d'Orsay. De même, chaque étudiant étranger accueilli en France sera ensuite un ambassadeur de notre pays, c'est fondamental pour l'influence française dans le monde. Nous aurons avec Nathalie Goulet la responsabilité de vérifier qu'il n'y a pas de saupoudrage, de sous-utilisation ou de mauvaise utilisation des crédits. C'est toujours le risque en cas de forte augmentation du budget, ce qui n'avait pas été anticipé puisque le discours du Président de la République date de mars 2023.
M. Claude Raynal, président. - Au vu de l'observation du rapporteur général, je vous propose de réserver le vote sur les crédits.
La commission décide de réserver son vote sur les crédits de la mission « Action extérieure de l'État ».
EXAMEN DE L'ARTICLE RATTACHÉ
Article 50 A
La commission décide de réserver son vote sur l'article 50 A.
Projet de loi de finances pour 2024 - Mission « Médias, livre et industries culturelles » et compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public » - Examen du rapport spécial
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur spécial de la mission « Médias, livre et industries culturelles » et du compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public ». - La mission « Médias, livre et industries culturelles » traduit la mission de régulation de l'État : si celui-ci n'a pas vocation à se substituer aux industries culturelles, son intervention est précieuse dans la plupart des différents domaines couverts par la mission. Ainsi, 742 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 736 millions en crédits de paiement (CP) sont prévus à ce titre en 2024. Ces chiffres traduisent une progression par rapport à la loi de finances pour 2023 de respectivement 5,6 % et 4,4 %.
Quatre grands axes peuvent être distingués dans la mission.
Premièrement, la moitié des crédits de la mission est fléchée vers le soutien au secteur de la presse écrite. Le montant total des aides à la presse diminue de 0,3 % par rapport à 2023 et devrait atteindre 196,5 millions en CP en 2024. Cette baisse intervient alors que les États généraux de l'information ont été lancés en septembre dernier.
Les difficultés structurelles du secteur de la presse écrite, dans un contexte de concurrence avec d'autres modes d'information, font l'objet de multiples analyses - je ne vais donc pas m'y appesantir. Le chiffre d'affaires global du secteur a reculé de 6 % entre 2019 et 2022, et cette tendance est amenée à durer. En particulier, la diminution des recettes publicitaires (-2,8 % depuis 2019) pose question sur la capacité du secteur à mobiliser des ressources propres.
Si la réforme des aides à la presse est un véritable « serpent de mer », il sera intéressant d'observer si des propositions concrètes ressortent de ces États généraux, notamment s'agissant du modèle économique de la presse et du soutien public apporté aux titres d'information.
Deuxièmement, la mission porte une partie des crédits dédiés à la politique du livre. Pour autant, ces crédits sont loin de résumer l'action du ministère de la culture en faveur du livre, éclatée entre plusieurs programmes. La majeure partie des moyens accordés par la mission « Médias, livre et industries culturelles » est destinée à deux grandes bibliothèques nationales et au Centre national du livre (CNL). Les crédits sont d'ailleurs en forte hausse par rapport à 2023 (10,4 % en AE et 7,5 % en CP), essentiellement pour couvrir le coût de l'inflation pour ces opérateurs et pour poursuivre les différents chantiers, il est vrai, titanesques pour leurs bâtiments.
Troisièmement, la mission porte les emplois du Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC). Le CNC ne bénéficie toutefois d'aucun crédit budgétaire. Son budget annuel - 829 millions d'euros en 2023 - est abondé par quatre taxes affectées. L'action du CNC est appuyée, au niveau fiscal, par cinq crédits d'impôt dont la dynamique est sans précédent. La dépense fiscale en faveur du cinéma devrait s'élever à 527 millions d'euros en 2024, en hausse de 11 % par rapport à 2023. Si vous le permettez, je ne m'étendrai pas davantage sur ce point dans la mesure où notre collègue Roger Karoutchi y a consacré un rapport budgétaire qu'il a présenté à cette commission il y a quelques mois seulement.
Quatrièmement enfin, et il s'agit d'un sujet qui, quoique modeste d'un point de vue budgétaire, me tient à coeur, la mission « Médias, livre et industries culturelles » finance également le Centre national de la musique (CNM). Rapporteur de la proposition de loi créant le CNM en 2019, j'avais déjà pointé l'inadéquation entre l'ampleur de l'ambition - à savoir faire du CNM l'équivalent du CNC dans le secteur de la musique - et les moyens confiés à l'établissement public.
Le budget du CNM pour 2024 devrait être d'environ 60 millions d'euros, permettant d'accorder entre 25 millions et 30 millions d'euros d'aides sélectives. Cela représente un montant largement en deçà des besoins de la filière musicale, que le CNM estime pour sa part à environ 60 millions d'euros.
Le Président de la République a mis en demeure en juin dernier les acteurs du secteur de trouver une nouvelle solution de financement, sous peine de la mise en place d'une taxe spécifique. Permettez-moi au passage de trouver cet oukase un tantinet baroque, compte tenu de la faible appétence du chef de l'État et de Bercy pour les taxes à faible rendement. Cette décision du Président de la République n'a fait que renforcer le climat délétère régnant entre les professionnels du monde de la musique, et les discussions se sont enlisées, chacun campant sur ses positions.
Force est donc de constater, à l'heure où je vous parle, que le Gouvernement n'a pas, d'une part, tenu les engagements prononcés lors de la création du CNM, et que, d'autre part, celui-ci n'a pas été en capacité de se positionner en amont du projet de loi de finances (PLF) pour 2024.
Cela étant, je vous propose d'adopter les crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles » sans modification, mais également sans entrain.
S'agissant du compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public », mon avis est plus contrasté.
Ce compte retrace l'intégralité des crédits destinés aux six organismes de l'audiovisuel public. Comme vous le savez, ceux-ci passent désormais par l'affectation d'une fraction de TVA, dont le montant s'élève à 4,025 milliards d'euros. Cela correspond à une hausse de 209,4 millions d'euros par rapport à 2023, soit +5,49 %. Cette augmentation s'ajoute à celle de 114 millions d'euros déjà constatée entre 2022 et 2023. Cette progression n'a pas été intégralement répartie entre les différentes sociétés. Ainsi, la moitié de la hausse des crédits accordée entre 2022 et 2024 devrait bénéficier à France Télévisions.
Par ailleurs, si le Gouvernement applique la trajectoire figurant dans le projet de loi de programmation des finances publiques, les montants accordés aux six sociétés d'audiovisuel public devraient augmenter de près d'un demi-milliard d'euros entre 2022 et 2027, soit une hausse de 13 %. Cette croissance s'élèverait à 142 millions d'euros entre les seules années 2024 et 2027.
D'après le Gouvernement, l'évolution des crédits dédiés en 2024 est motivée par trois éléments : en premier lieu, par la neutralisation des effets fiscaux induits par la suppression de la contribution à l'audiovisuel public ; en deuxième lieu, par la mise en place de recettes conditionnées à l'atteinte des objectifs fixés par la prochaine génération de contrats d'objectifs et de moyens (COM) conclus par les entreprises d'audiovisuel public ; et troisièmement, par la prise en compte des effets de la hausse des prix sur l'activité des entreprises.
La nouveauté pour ce PLF pour 2024 est la possibilité pour les entreprises de l'audiovisuel public de bénéficier d'avances finançant des « actions de transformation » identifiées dans les COM.
L'enveloppe additionnelle dédiée à ces projets de transformation s'élèverait à 200 millions d'euros sur trois ans, dont 69 millions d'euros au titre de 2024. Si l'introduction d'une dose incitative - pour ne pas dire de performance - dans l'attribution des financements à l'audiovisuel public semble aller dans le bon sens, nous ne connaissons pas pour l'instant le contenu des COM. Nous devons donc pour ainsi dire nous prononcer à l'aveugle.
En outre, les contrats ne se substituent pas à une réelle stratégie pour l'audiovisuel public, compte tenu du manque d'ambition qui les caractérise.
Par ailleurs, lors de la suppression de la contribution à l'audiovisuel public (CAP), le Sénat avait averti le Gouvernement que l'affectation de TVA serait contraire à la loi organique relative aux lois de finances (Lolf) dès janvier 2025. Autrement dit, il ne reste qu'un an pour trouver une solution alternative. Rien n'est pourtant avancé à l'heure actuelle. L'écrasant silence du Gouvernement sur ce point, si près de l'échéance, ne peut que nous surprendre. Le risque est grand de voir pérennisée sans débat une solution initialement pensée comme transitoire.
Plus largement, le Gouvernement ne semble pas prêt à s'emparer des multiples propositions du Sénat s'agissant de la réforme de l'audiovisuel public. Nous avions pourtant remis un rapport de contrôle sur le sujet, ainsi qu'une proposition de loi.
J'ai donc déposé un amendement de crédits visant à ramener les montants accordés à l'audiovisuel public à ceux qui sont prévus dans la loi de finances initiale pour 2023. Je vous propose d'adopter les crédits du compte de concours financiers modifiés par cet amendement.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Je soutiens la proposition du rapporteur concernant le financement de l'audiovisuel public. J'estime qu'il est temps de placer le Gouvernement devant ses responsabilités : il n'est pas envisageable, comme l'exécutif l'a fait, de décider de la suppression de la CAP sans fixer un cadre de travail et de réflexion pour trouver d'autres solutions de financement.
Une sorte de pis-aller pourrait consister à ne prendre aucune décision jusqu'au 1er janvier 2025. Or, lorsque l'on décide de conduire une réforme de cette ampleur, il importe de s'assurer de sa mise en oeuvre en formulant des propositions et en réunissant les acteurs concernés. Pour être tout à fait transparent avec vous, j'ai reçu ce matin la présidente de France Télévisions qui a confirmé l'absence d'un tel cadre de réflexion.
Maintenir en 2024 le financement public à son niveau de 2023 me semble être la solution la plus raisonnable dans un premier temps, avant d'enjoindre au Gouvernement de poser les jalons non seulement d'une réflexion, mais surtout d'un projet. Même sur des sujets d'apparence plus modeste, cette démarche nécessite en effet davantage de temps que ce que croit l'exécutif. Que chacun prenne ses responsabilités.
Mme Isabelle Briquet. - Merci pour ce rapport clair et synthétique. Pour ce qui concerne la presse et les médias, vous avez évoqué les États généraux de ce secteur, ouverts depuis le mois dernier, d'où ressortiront des propositions de réforme. Dans ce contexte, je déplore le mauvais signal envoyé avec la stagnation, voire la légère baisse des crédits du programme portant les aides à la presse.
S'agissant du financement du CNM, encore assuré pour l'essentiel en 2024 par des reports de crédits, pourquoi le Gouvernement n'a-t-il pas avancé sur le projet de taxe sur le streaming alors qu'il pourrait s'agir d'un moyen pour apporter un financement pérenne à cet organisme.
M. Marc Laménie. - La suppression de la redevance, dont le produit était d'environ 3 milliards d'euros, soulève une interrogation sur le financement de l'audiovisuel public, désormais assuré par le biais de la TVA.
J'observe, par ailleurs, que les missions « Médias, livre et industries culturelles » et « Culture » sont complémentaires, mais que cette complémentarité n'est pas sans entraîner des difficultés de lisibilité dans la mesure où certaines actions sont étroitement imbriquées, dont celles dédiées au livre et à la lecture.
Trois opérateurs agissent ainsi dans le domaine du livre : la Bibliothèque nationale de France (BNF), la Bibliothèque publique d'information (BPI) et le CNL. D'autres opérateurs interviennent-ils ? Les effectifs des trois organismes précités sont-ils en augmentation ? Ceux-ci sont d'ailleurs concentrés en région parisienne alors que les collectivités territoriales mènent des actions en matière de lecture publique et y consacrent des moyens tant financiers qu'humains.
M. Rémi Féraud. - J'en reviens au CNC et au rapport de Roger Karoutchi consacré au financement du cinéma, qui avait à la fois mis en lumière la protection dont bénéficie le cinéma français et l'existence d'un trésor de guerre extrêmement important. Or votre rapport budgétaire évoque de nouveau des dépenses fiscales en hausse de 55 millions d'euros : d'où provient cette augmentation ? N'y aurait-il pas là matière à formuler des solutions pour stabiliser ce financement ?
Sans être en faveur d'une réduction des crédits, il semble que ces derniers n'aient pas besoin d'être revus à la hausse chaque année, le CNC paraissant en mesure de mener ses actions sans aucune difficulté.
M. Thomas Dossus. - Ce budget est parfois construit de manière brouillonne et nous attendons comme vous une remise à plat des aides à la presse, peut-être à l'issue des États généraux de l'information.
S'agissant de l'audiovisuel public, nous avions indiqué dès la suppression de la CAP que la solution retenue n'était pas tenable, et nous constatons comme vous qu'aucune solution pérenne n'émerge. En revanche, je ne souscris pas à votre option consistant à sabrer les crédits alloués au service public de l'audiovisuel : si l'on entend faire bouger le Gouvernement, la rétorsion ne me semble pas être la bonne méthode.
Par ailleurs, je partage l'interrogation portant sur la taxe sur le streaming, qui était l'une des recommandations formulées par Julien Bargeton dans son rapport consacré à la stratégie de financement de la filière musicale. J'ai l'impression que cette idée a été jusqu'à présent agitée afin d'inciter les grandes plateformes à accepter une contribution volontaire, en laissant planer la menace d'une taxe en cas de refus de leur part. Il faudrait au contraire agir dès maintenant, car le CNM est à même de venir en aide aux acteurs les plus fragiles du secteur. Il importe de trouver un financement pérenne pour cette institution.
Mme Nathalie Goulet. - La refonte du fonctionnement des aides à la presse est à l'ordre du jour dans le contexte de crise sans précédent que traverse la presse écrite. Celle-ci se manifeste à la fois par la financiarisation et par des problèmes de liberté des rédactions.
Concernant le CNC, ont pu à la fois être soulignées la grande importance de la participation des collectivités territoriales et la récurrence de subventions versées à certains cinéastes tout à fait remarquables mais dont les performances sont loin de mériter les subventions qu'ils perçoivent. Quels sont les critères appliqués pour distinguer les cinéastes méritants d'autres qui le sont moins ?
Mme Marie-Claire Carrère-Gée. - Je m'associe à la volonté du rapporteur d'exercer une pression sur le Gouvernement afin d'obtenir des clarifications dans le domaine de la musique, sans partager totalement son optimisme sur le rôle que peut jouer le CNM.
Je crains en effet de voir cet établissement public, s'il venait à dégager des ressources ici ou là, se substituer à certaines directions du ministère de la culture, un ministère faible dont le rôle consiste pour l'essentiel à distribuer des subventions. Les modèles de la musique et du cinéma sont bien distincts et je suis très perplexe quant à l'avenir du CNM, dont il convient de clarifier les missions. Il me semble que n'importe laquelle des directions du ministère de la culture pourrait s'acquitter de celles-ci.
M. Olivier Paccaud. - J'ai une question très simple concernant votre amendement visant à ramener les crédits de l'audiovisuel public à leur niveau de 2023 : pourquoi réserver un traitement aussi différent à Arte par rapport aux autres opérateurs ?
M. Michel Canévet. - J'avais également fait part de ma perplexité quant à la suppression de la redevance et nous restons à ce jour sans perspectives, comme l'a rappelé le rapporteur général, alors qu'une solution doit être trouvée avant la fin de l'année 2024. Il importe pourtant d'avancer dans ce dossier compte tenu des effets délétères constatés sur la TVA, dont la part affectée aux ressources de l'État diminue de façon dramatique.
Le rapporteur spécial a-t-il une idée pour suppléer à ce recours à la TVA pour financer l'audiovisuel public ? Ne faudrait-il pas engager une revue de dépenses afin de déterminer les moyens qui lui sont alloués ?
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur spécial. - Je tiens à rappeler, s'agissant de la baisse des crédits dédiés à la presse, qu'une hausse était intervenue en 2023 et que les indicateurs de ce secteur suivent une tendance baissière lourde qu'il est difficile de contrer. Mieux vaut-il, sans doute, stabiliser la situation dans un premier temps en attendant d'éventuelles réformes issues des États généraux de l'information.
Monsieur Laménie, vous avez raison sur la lisibilité : retracer l'ensemble des crédits dédiés à la culture s'avère particulièrement complexe tant le chassé-croisé est permanent dans ce domaine.
Pour ce qui est du nombre d'emplois que comptent les multiples opérateurs du secteur, l'effort consenti par Radio France et France Télévisions pour diminuer leur masse salariale est à relever. Pour autant, chassez le naturel, et il revient au galop : le PLF pour 2024 prévoit la création de 10 ETP pour le CNM, alors que l'on ignore la manière dont il sera financé. Cela en dit long.
Par ailleurs, la dynamique des ressources du CNC est liée au rebond du secteur du cinéma après la crise du covid, sans oublier le rôle joué par l'intégration des plateformes.
Monsieur Dossus, nous souhaitons tous assurer le financement pérenne du CNM, mais je tiens à souligner que nous sommes en position d'arbitre, j'y reviendrai.
Madame Goulet, je rappelle en préalable que le CNC et le CNM sont très différents, notamment au regard de leur statut : le CNC est un établissement public administratif exerçant des missions d'administration centrale, alors que le CNM est un établissement public à caractère industriel et commercial. Les auditions que nous avons menées ont confirmé la force du lobby du cinéma en France, considéré comme un art majeur alors que la musique est vue comme un art mineur. Pendant les dix à vingt premières années de son existence, le CNC a cependant été marqué par des conflits d'ego et des rivalités économiques, avant que le métier ne se mette véritablement en ordre de marche pour avancer, soudé, vers le même objectif.
Ce n'est pas le cas du monde de la musique, qui n'a pu être rassemblé que le 1er janvier 2020 alors qu'un tel rapprochement était demandé depuis 2012. Cette dynamique de rassemblement est pourtant indispensable, car le monde de la musique ne pourra pas se développer sans une maison commune telle que le CNM : encore faut-il parvenir à la porter sur les fonts baptismaux.
Au risque de me répéter, la tare de cette construction tient au fait que son financement n'a pas été prévu, d'où l'impasse à laquelle nous sommes confrontés. N'oublions pas, néanmoins, que le CNM - et donc le contribuable - a permis de sauver le monde de la musique pendant la crise du covid. Nous en sommes désormais sortis et en revenons à ce problème originel de l'absence de budget.
Constatant ce blocage, le Président de la République a semblé menaçant en 2023 à l'occasion de la fête de la musique, laissant entendre qu'une taxe sur le streaming serait mise en oeuvre si le monde de la musique ne parvenait pas à s'accorder. Après le recours à l'article 49.3 de la Constitution à l'Assemblée nationale, nous nous retrouvons dans une position d'arbitre qui nous a conduits à organiser, en lien avec le rapporteur général, une table ronde avec les acteurs du secteur.
Monsieur Paccaud, je rappelle que mon amendement a vocation à revenir à la situation de 2023 et non à réserver un traitement différencié à Arte : les crédits dédiés à Arte devant diminuer en 2024, les ramener au niveau de 2023 suppose donc de les rehausser. Il n'en reste pas moins que, parmi les résultats des six structures de l'audiovisuel public, Arte fait figure de modèle à suivre, sachant que la chaîne franco-allemande se situe à cheval sur deux calendriers et des financements différents, dans le cadre des contrats d'objectifs fixés par les deux pays. Particulièrement en avance sur le numérique - peut-être grâce à sa taille réduite -, Arte est plutôt à citer en exemple.
Pour vous répondre au sujet du moyen de suppléer à la baisse de la TVA, monsieur Canévet, la TVA ne peut pas servir de ramasse-tout. La décision du Président de la République de supprimer la CAP a été à la fois électoraliste et habile, puisque peu de Français ont manifesté l'envie de maintenir cette taxe, mais il a choisi de procéder ainsi sans en avertir sa ministre, laissant aux dirigeants du secteur le soin d'en assumer les conséquences. L'entretien avec Delphine Ernotte, ce matin, a été l'occasion d'évoquer le fait que l'on demande à ces responsables de se projeter dans l'avenir sans disposer de visibilité budgétaire : l'exercice est tout simplement impossible.
C'est d'ailleurs exactement ce qui nous est demandé par un vote à l'aveugle des crédits, sans connaître le contenu des COM. Certes, nous disposons d'orientations stratégiques, mais qui relèvent davantage de la littérature que d'éléments sonnants et trébuchants.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Pour en revenir à la taxe sur le streaming, nous avons organisé une table ronde rassemblant tous les acteurs. Nous n'accepterons pas de rester cantonnés au rôle d'arbitre et formulerons des propositions : de temps à autre, il faut sortir de la mêlée pour avancer. Les propositions feront vivre le débat et chacun devra prendre ses responsabilités.
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur spécial. - Je conclus en apportant un complément à M. Laménie : la stratégie « Lecture et territoires » est financée par la mission « Médias, livre et industries culturelles » pour un montant modeste, qui s'élève malgré tout à 5 millions d'euros par an.
La commission décide de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles ».
M. Claude Raynal, président - Nous passons au vote sur les crédits du compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public ».
L'amendement FINC.1 est adopté.
La commission décide de proposer au Sénat d'adopter les crédits du compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public », sous réserve de l'adoption de son amendement.
La réunion est close à 19 heures.
Mercredi 15 novembre 2023
- Présidence de M. Claude Raynal, président -
La réunion est ouverte à 9 heures.
Projet de loi de finances pour 2024 - Examen des articles de la première partie - Tome II du rapport général
M. Claude Raynal, président. - Nous examinons les amendements du rapporteur général sur les articles de première partie du projet de loi de finances (PLF) pour 2024.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Après vous avoir présenté la semaine dernière mon analyse des grands équilibres du PLF pour 2024, nous voici réunis pour procéder à l'examen de sa première partie.
Je vous rappelle le contexte : le déficit budgétaire de l'État est attendu à plus de 144 milliards d'euros et représente 45 % de ses dépenses sont financées par l'emprunt. C'est pourquoi il nous faut collectivement, sur la partie recettes comme sur la partie dépenses, conserver en tête la nécessité d'améliorer la situation budgétaire.
Je salue à cet égard les rapporteurs spéciaux qui ont proposé et fait adopter par la commission des amendements visant à diminuer les dépenses - sur l'aide médicale d'État, l'audiovisuel public, les jours de carence ou encore l'aide au développement - ou à conférer davantage de sincérité à des enveloppes de crédits trop largement ouvertes. Je pense que des efforts doivent encore être accomplis, par exemple sur l'emploi public ou sur l'apprentissage.
Le Gouvernement passe beaucoup de temps à dire qu'il faut faire des économies, mais force est de constater qu'il n'en fait aucune. Je crois donc que nous devons être au rendez-vous de la responsabilité. C'est avec ce même esprit de responsabilité que j'ai abordé l'examen des articles fiscaux du PLF pour 2024.
L'an passé, je vous indiquais, lors de la même réunion, que la partie recettes du PLF était « particulièrement fournie ». Elle comptait alors 111 articles. Celle que je vous présente aujourd'hui en comporte 150. Seuls 35 articles étaient dans le texte initial : leur nombre a donc plus que quadruplé. Or, la discussion du PLF pour 2024 à l'Assemblée nationale n'explique pas ce quadruplement puisque pas un seul amendement n'a été discuté en séance. C'est le Gouvernement qui en est à l'origine, ajoutant pas moins de 115 articles dans le texte sur lequel il a engagé sa responsabilité en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution.
Associée au recours à cette procédure, cette inflation législative a des conséquences très néfastes pour nous : 115 articles n'ont jamais été examinés par le Conseil d'État, n'ont fait l'objet d'aucune étude d'impact, ne sont accompagnés d'aucune évaluation préalable et n'ont même pas été discutés en séance publique à l'Assemblée nationale...
Ces articles résultent de la reprise telle quelle d'amendements de nos collègues députés, amendements parfois totalement inopérants et repris pour une simple question d'affichage, parfois en doublon quand deux amendements avaient le même objet, mais avec une rédaction différente, ce qui aboutit à deux dispositifs concurrents dans le texte qui nous a été transmis.
Outre le nombre considérable d'articles de cette première partie, c'est la très mauvaise qualité du texte qui nous est transmis qui ressort de son examen. Je vous proposerai ainsi de nombreux amendements de suppressions d'articles, soit en doublon, soit parfaitement inopérants.
Un autre élément marquant du texte sur lequel le Gouvernement a engagé sa responsabilité est que 62 de ses articles, soit plus de 40 % du texte, étendent des niches fiscales. Prorogation, hausse de l'avantage fiscal, extension des bénéficiaires, création de nouvelles niches, l'inventivité du Gouvernement - et des parlementaires - est sans borne.
La France est l'un des pays au monde où la fiscalité est la plus élevée, mais nous sommes également les champions des niches fiscales, dont le coût global a été chiffré à plus de 200 milliards d'euros par certains organismes... Il en résulte une illisibilité totale de la loi, une incompréhension absolue pour le contribuable. Et tout cela alimente l'idée que les personnes ayant les moyens de s'y retrouver dans le code général des impôts arrivent au final à échapper à l'impôt, en tout ou partie, au détriment des autres.
Dans ce contexte, et dans celui d'un déficit qui frôle ou dépasse pour la cinquième année consécutive les 150 milliards d'euros, on ne peut que s'étonner que le Gouvernement propose 62 extensions de niches fiscales. Par ailleurs, il n'applique pas du tout - une nouvelle fois - les engagements qu'il a pris dans la loi de programmation des finances publiques (LPFP) : certaines niches sont prorogées au-delà de 2026 alors que la LPFP prévoit une durée maximale de trois ans et, dans la quasi-totalité des cas, aucune évaluation de la dépense fiscale n'a été effectuée. Je précise que la grande majorité des rapports demandés par le Parlement n'ont jamais été remis.
Je vous proposerai donc de nombreux amendements visant à supprimer, borner ou évaluer les dépenses fiscales, dans l'espoir - que je n'espère pas vain - d'être enfin entendu par le Gouvernement.
Parmi ces 150 articles, on ne voit aucune mesure « phare » dans cette première partie. Toutefois, quelques-uns d'entre eux retiennent particulièrement mon attention.
L'article 4, tout d'abord, met en oeuvre l'accord de l'OCDE pour une imposition minimale des multinationales. C'est une belle avancée, qu'il faut saluer, vers l'objectif de lutte contre la fraude et l'évasion fiscales. Mais ce combat sera de longue haleine, et il faudra que la commission des finances suive sa mise en oeuvre.
Par ailleurs, l'article 8 prévoit l'étalement de la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) sur quatre ans, jusqu'en 2027. Nous avons largement eu ce débat l'année dernière. J'ai rencontré depuis de nombreux chefs d'entreprise qui m'ont indiqué qu'ils auraient certes préféré que le Gouvernement tienne ses engagements et que la CVAE disparaisse en 2024. Néanmoins, pour eux, le sujet fait partie du passé. Ils craignent surtout que l'incapacité du Gouvernement à réaliser des économies, alors que se profile le mur de la charge de la dette, ne conduise à d'autres renoncements et à des hausses d'impôts. L'heure n'est plus, me semble-t-il, aux cadeaux fiscaux non financés.
Un troisième article a retenu mon attention, à savoir l'article 11, qui renouvelle la mesure de réduction maximale d'accise sur l'électricité pour tous les contribuables, quel que soit leur niveau de ressources, sans aucun ciblage, dont le coût avoisinerait 10 milliards d'euros en 2024, soit l'équivalent du budget annuel de la gendarmerie nationale. Pour moi, cet article est caractéristique de ce gouvernement : creuser les déficits à court terme, en faisant croire que ce n'est pas le contribuable qui paiera à la fin. Je vous proposerai sur ce sujet, en coordination avec Christine Lavarde, rapporteur spécial sur la mission « Écologie, développement et mobilité durables », en seconde partie du PLF pour 2024, un amendement qui cible cette aide et en réduit le coût, tout en la renforçant pour les revenus les plus faibles et les classes moyennes.
Au total, je vous propose aujourd'hui 90 amendements, parmi lesquels, tout d'abord, une mesure de soutien au secteur du logement, en exonérant de droits de mutation les donations destinées à accéder à la propriété ou à la rénovation énergétique, dans la limite de 100 000 euros.
S'y ajoute un ensemble de mesures en faveur des collectivités territoriales, dont je rappelle qu'elles ne sont aucunement responsables des déficits publics, ou si peu : d'abord par un abondement de la dotation globale de fonctionnement (DGF) au titre du financement de la péréquation verticale ; par l'absence, ensuite, de minoration des variables d'ajustement ; enfin, par la proposition de création d'un fonds de soutien pour les départements, qui en ont bien besoin, en raison notamment de la chute des droits de mutation.
Je vous proposerai également une source de financement pérenne pour les autorités organisatrices de la mobilité (AOM) de province, avec la mobilisation des quotas carbone, mesure qui était proposée dans le rapport d'information de nos collègues Hervé Maurey et Stéphane Sautarel consacré aux modes de financement des AOM.
Enfin, je propose une mesure de sauvetage du Centre national de la musique (CNM) élaborée avec Jean-Raymond Hugonet, au travers de la création d'une taxe faisant contribuer les plateformes de streaming telles que Spotify au financement du CNM, auquel aujourd'hui seul le spectacle vivant contribue.
Enfin, je souhaite réserver à la semaine prochaine le vote de l'article 7, qui concerne notamment la création des zones France ruralités revitalisation (FRR), en lieu et place des zones de revitalisation rurale (ZRR). Il s'agit en effet d'un sujet important pour notre assemblée et sur lequel le Gouvernement ne m'a pas fourni à temps toutes les réponses que j'ai demandées. Alors que les implications du dispositif proposé sont multiples et concernent tout le territoire, il n'a pas fait l'objet de la concertation qu'il aurait méritée. Je préfère donc attendre la semaine prochaine pour me forger un avis.
EXAMEN DES ARTICLES
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - L'amendement FINC.1 vise à préserver la possibilité, pour un mineur, d'être titulaire d'un plan d'épargne retraite (PER) individuel ouvert à son nom par ses représentants légaux.
Alors que le Gouvernement considère que la création du plan d'épargne avenir climat (Peac), réservé aux personnes de moins de 21 ans, doit entraîner la fermeture du PER pour les mineurs, la commission ne partage pas cet avis. L'amendement FINC.2 vise à demander au Comité consultatif du secteur financier (CCSF) une évaluation des produits d'épargne disponible pour les mineurs.
L'amendement FINC.1 est adopté, de même que l'amendement FINC.2.
L'amendement de correction rédactionnelle FINC.3 est adopté.
Article 3 octies
L'amendement rédactionnel FINC.4 est adopté.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - L'amendement FINC.5 vise à garantir la solidité juridique de cet article, qui permet aux ascendants d'une personne en situation de handicap de souscrire des contrats de « rente de survie » au bénéfice de leur descendant, y compris lorsqu'il est majeur.
Actuellement, la réduction d'impôt sur le revenu sur les primes versées sur ces contrats est plafonnée à 1 525 euros, montant majoré de 300 euros par enfant à charge. L'article prévoit que la majoration applicable soit non plus de 300 euros par enfant à charge, mais de 300 euros par personne à charge. L'amendement FINC.5 vise à préciser cette disposition et à la mettre en cohérence avec le code général des impôts.
L'amendement FINC.5 est adopté.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Conformément à la recommandation du rapport intitulé « Itinéraire d'un art gâté : le financement public du cinéma » de notre collègue Roger Karoutchi, l'amendement FINC.6 prévoit de supprimer le taux dérogatoire à 48 %, tout en maintenant le taux intermédiaire de 36 %, déjà particulièrement favorable, pour les sociétés de financement de l'industrie cinématographique et de l'audiovisuel (Sofica), ainsi que d'abaisser le montant du plafond de la réduction à 15 000 euros, qui conserve cependant un caractère incitatif.
L'amendement FINC.6 est adopté.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - L'amendement FINC.7 vise à clarifier la rédaction de cet article en précisant que le dispositif continue bien de s'appliquer à l'année 2023.
L'amendement FINC.7 est adopté.
Article 3 octodecies
Les amendements de coordination FINC.8 et FINC.9 sont adoptés.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - L'article 3 unvicies vise à exonérer de droits de mutation par décès la transmission des biens ayant fait l'objet d'une spoliation dans le contexte des persécutions antisémites perpétrées entre le 30 janvier 1933 et le 8 mai 1945.
Dans sa rédaction actuelle, l'article n'exonère la transmission que quand la personne spoliée est décédée et que la restitution se fait au profit de ses ayants droit. En revanche, si une personne ayant subi une spoliation et se voyant restituer le bien spolié venait à décéder ultérieurement à cette restitution, ses ayants droit devraient s'acquitter des droits de mutation par décès associés à ce bien.
L'amendement FINC.10 vise donc à supprimer ces droits de mutation.
L'amendement FINC.10 est adopté.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - L'amendement FINC.11 vise à exonérer de droits de mutation à titre gratuit (DMTG) les dons de sommes d'argent consentis dans le cadre familial, à la condition que ces sommes soient affectées par le donataire à l'acquisition ou à la construction de sa résidence principale ou à des travaux de rénovation énergétique effectués dans son habitation principale. L'objectif consiste à mobiliser l'épargne dormante sur la période 2024-2025.
M. Vincent Capo-Canellas. - Le mécanisme envisagé ne semble pas prendre en compte les familles recomposées, qui sont pourtant nombreuses aujourd'hui.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Le dispositif concerne à la fois la ligne directe - enfants et petits-enfants - et, en l'absence de descendants directs, la ligne indirecte - neveux et nièces. La filiation sert aussi de repère dans les familles recomposées.
L'amendement FINC.11 est adopté.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - L'amendement FINC.12 a pour objet de prévoir une évaluation du dispositif de la réduction d'impôt bonifié pour la conservation et la restauration du patrimoine religieux.
L'amendement FINC.12 est adopté.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Par l'amendement FINC.13, je propose la suppression de cet article qui prévoit d'exonérer les fédérations sportives internationales reconnues par le Comité international olympique (CIO) de l'impôt sur les sociétés, de la cotisation foncière des entreprises et de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises. Il prévoit de surcroît d'exonérer d'impôt sur le revenu leurs salariés pour une durée de cinq ans. Cet ensemble de mesures est tout simplement inconvenant.
M. Didier Rambaud. - Il existe pourtant un enjeu d'attractivité pour les fédérations sportives internationales !
L'amendement FINC.13 est adopté.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - L'amendement FINC.14 vise à intégrer les électrolyseurs dans le dispositif de crédit d'impôt en faveur des investissements dans l'industrie verte (C3IV).
L'amendement FINC.14 est adopté.
L'amendement de précision FINC.15 est adopté.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Cet article prévoit de proroger de trois ans la réduction d'impôt accordée aux entreprises qui mettent à disposition de leurs salariés une flotte de vélos. L'amendement FINC.16 vise à limiter cette prorogation au 31 décembre 2016.
L'amendement FINC.16 est adopté.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - L'amendement FINC.17 vise à fixer la date de prorogation de l'exonération d'impôt au 15 juillet 2025, afin de limiter cette prolongation à un an, en l'absence d'évaluation.
L'amendement FINC.17 est adopté.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - L'amendement FINC.18 tend à rendre opérationnel le dispositif de suramortissement que l'article 5 sexies prévoit d'appliquer aux opérations de transformation d'un véhicule lourd pour le faire passer d'une motorisation thermique à une motorisation électrique, un procédé qualifié de « rétrofit » électrique.
L'amendement FINC.18 est adopté.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Par l'amendement FINC.19, je propose la suppression de cet article, quasi identique à l'article 5 sexies et qui fait donc doublon.
L'amendement FINC.19 est adopté.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - L'amendement FINC.20 vise à conserver le dispositif de suramortissement bénéficiant au verdissement de la flotte des navires dans sa version actuellement en vigueur, en modifiant uniquement le taux qui lui est applicable, qui serait réduit de 125 % à 120 %, afin de se conformer à la récente révision du droit européen.
L'amendement FINC.20 est adopté.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - L'amendement FINC.21 prévoit de circonscrire à trois ans la durée de réinstauration du mécanisme de suramortissement visant à soutenir l'achat d'engin à motorisation alternative au gazole non routier (GNR).
L'amendement FINC.21 est adopté.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - L'amendement FINC.22 vise à supprimer cet article, car l'élargissement proposé du dispositif des jeunes entreprises innovantes (JEI) se traduirait par une nouvelle dégradation de la situation des comptes publics. Il ne paraît pas opportun d'engager de nouvelles dépenses fiscales en l'absence d'évaluation.
L'amendement FINC.22 est adopté.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - L'amendement FINC.23 a pour objet de supprimer cet article, qui prévoit la création des catégories des jeunes entreprises d'innovation et de croissance (JEIC) et des jeunes entreprises d'innovation de rupture (JEIR). Pour ce qui concerne les JEIC, l'article prévoit d'abaisser le seuil minimum des dépenses de recherche des JEIC à seulement 5 % de leurs charges fiscalement déductibles, ce qui n'est pas cohérent avec la finalité du dispositif des JEI. S'agissant des JEIR, l'article est purement inopérant.
L'amendement FINC.23 est adopté.
Mme Nathalie Goulet. - Sur l'article 5 duodecies, la réforme du régime d'imposition des locations de meublés de tourisme englobe-t-elle les locations Airbnb ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Oui.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - L'amendement FINC.24 a un double objet : en premier lieu, il ne préserve de l'article que la disposition portant le taux de la réduction d'impôt sur le revenu de 18 % à 30 % ; en second lieu, il vise à la soumettre aux règles de droit commun du dispositif Madelin, le reste étant supprimé.
M. Grégory Blanc. - Disposerons-nous d'une étude d'impact à ce sujet ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Hélas non. Nous tâcherons de demander des éléments en séance.
L'amendement FINC.24 est adopté.
Après l'article 5 quindecies
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - L'amendement FINC.25 vise à proroger de deux ans, jusqu'au 31 décembre 2025, la bonification temporaire du taux de la réduction d'impôt sur le revenu pour la souscription au capital des petites et moyennes entreprises (PME), dit dispositif Madelin, des entreprises solidaires d'utilité sociale et des foncières solidaires.
Le taux de droit commun de 18 % serait ainsi maintenu à 25 % pendant deux années supplémentaires, ce qui permettrait d'envoyer un signal encourageant aux PME après une série de crises.
L'amendement FINC.25 est adopté.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - L'amendement FINC.26 a pour objet la suppression de cet article inopérant.
L'amendement FINC.26 est adopté.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - L'amendement FINC.27 vise à recentrer l'avantage fiscal sur les cessions de locaux à usage professionnel, à l'exclusion des terrains à bâtir. En effet, l'avantage fiscal donné à la construction de logements sur des terrains à bâtir paraît en totale contradiction avec l'objectif de « zéro artificialisation nette » (ZAN).
L'amendement FINC.28 a pour objet de prévoir une évaluation du dispositif de taux réduit d'impôt sur les sociétés applicable aux plus-values de cessions visant la transformation des biens en locaux à usage d'habitation, afin de s'assurer de son efficacité et d'éclairer le débat parlementaire dans l'hypothèse d'une évolution, d'une suppression ou d'une prorogation.
L'amendement FINC.27 est adopté, de même que l'amendement FINC.28.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - L'amendement FINC.29 prévoit la création d'une taxe acquittée par les plateformes de diffusion de musique et affectée au CNM.
L'amendement FINC.29 est adopté.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - L'amendement FINC.30 vise à limiter la prorogation du bénéfice du crédit d'impôt pour dépenses de production d'oeuvres phonographiques (CIPP) à la fin de l'année 2026.
L'amendement FINC.30 est adopté.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Dans le prolongement du rapport de Roger Karoutchi susmentionné, il semble plus pertinent d'exploiter l'année précédant le renouvellement du CIPP pour préparer sa nécessaire évolution, plutôt que de le reconduire dès cette année à modalités inchangées. L'amendement FINC.31 a donc pour objet de supprimer cet article.
L'amendement FINC.31 est adopté.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - L'amendement FINC.32 a pour objet de limiter la prorogation du bénéfice du crédit d'impôt pour dépenses de production de spectacles vivants musicaux ou de variétés (CISV) à l'année 2026.
L'amendement FINC.32 est adopté.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Par l'amendement FINC.33, je propose la suppression de cet article, qui fait doublon avec l'article 5 tervicies.
L'amendement FINC.33 est adopté.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - L'amendement FINC.34 vise à supprimer cet article, qui prévoit d'élargir le bénéfice du CISV aux spectacles dont une des dates de la tournée se situe dans une salle supérieure à la jauge autorisée, dans la limite de 2 900 places, alors que le dispositif bénéficie jusqu'à présent aux représentations d'une jauge inférieure à 2 100 personnes, sans justification. L'extension ne semble pas nécessaire.
L'amendement FINC.34 est adopté.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Par l'amendement FINC.35, je propose la suppression de cet article, l'extension du crédit d'impôt aux spectacles de cirque ne paraissant pas opportun.
L'amendement FINC.35 est adopté.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - L'amendement FINC.36 vise à supprimer cet article, car il est prématuré de proroger de trois ans le crédit d'impôt pour dépenses d'édition d'oeuvres musicales qui n'a pas encore produit ses effets.
L'amendement FINC.36 est adopté.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - L'amendement FINC.37 vise à supprimer cet article, qui enjambe une partie des conclusions de la commission mixte paritaire relative au projet de loi portant transposition de l'accord national interprofessionnel relatif au partage de la valeur au sein de l'entreprise.
L'amendement FINC.37 est adopté.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - L'amendement FINC.38 tend aussi à supprimer cet article, qui fait doublon avec l'article 5 quintricies.
L'amendement FINC.38 est adopté.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - L'amendement FINC.40 rend facultative, sur délibération des collectivités territoriales, l'exonération de fiscalité locale sur la rénovation lourde de logements sociaux anciens, étant donné qu'il n'est pas prévu qu'elle soit compensée par l'État.
L'amendement FINC.41 a pour objet de limiter à 2026 la prorogation du prêt à taux zéro (PTZ) et de l'écoprêt à taux zéro (éco-PTZ).
L'amendement rédactionnel FINC.39 est adopté.
L'amendement FINC.40 est adopté, de même que l'amendement FINC.41.
L'amendement de correction FINC.42 est adopté.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - L'amendement FINC.43 vise à supprimer les dispositions restreignant le champ du bénéfice de l'aide fiscale aux investissements productifs en outre-mer, en l'absence d'évaluation préalable et d'étude d'impact qui permettrait de connaître les entreprises concernées ou l'impact sur l'emploi. Il semble plus raisonnable de reporter les suppressions du bénéfice de l'aide fiscale prévue dans le présent article et de mettre en place une consultation préalable des acteurs locaux.
L'amendement FINC.43 est adopté.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - L'amendement FINC.44 vise à exonérer Mayotte de la redevance pour pollution de l'eau d'origine domestique, qui est la principale taxe sur la consommation d'eau potable. Compte tenu de la crise de l'eau particulièrement grave à laquelle ce département fait face aujourd'hui, une exonération jusqu'à la fin de l'année 2027 est justifiée.
M. Claude Raynal, président. - Ne prive-t-on pas Mayotte d'une ressource fiscale permettant justement de réaliser des travaux d'amélioration du réseau ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Dans ce contexte de crise, il est malaisé de demander le paiement d'une taxe sur l'eau potable : l'État accompagnera le département, qui connaît des tensions liées à ce déficit d'eau potable.
L'amendement FINC.44 est adopté.
Article 10
L'amendement rédactionnel FINC.45 est adopté.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - L'amendement FINC.46 vise à limiter à 2026 les nouvelles dépenses fiscales prévues par cet article.
L'amendement FINC.46 est adopté.
Article 10 quater
L'amendement rédactionnel FINC.47 est adopté.
Article 10 quinquies
L'amendement de mise en cohérence FINC.48 est adopté.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - L'amendement FINC.49 vise à assurer la conformité de l'article avec le droit européen, selon lequel l'« e-sport » n'est pas considéré comme une activité sportive sur le plan du droit fiscal. En revanche, les billetteries des compétitions de jeux vidéo peuvent bénéficier d'un taux de TVA de 5,5 % au titre du taux réduit sur les spectacles. De plus, l'amendement borne à la fin de l'année 2026 les nouvelles dépenses fiscales créées par l'article.
Il s'agit d'un bel encouragement à l'« e-sport », alors que le Gouvernement avait l'année dernière refusé des amendements qui allaient dans ce sens, malgré des propositions émanant de la majorité sénatoriale.
L'amendement FINC.49 est adopté.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - L'amendement FINC.50 a pour objet de borner les nouvelles dépenses fiscales créées par le présent article jusqu'à la fin de l'année 2026.
L'amendement FINC.50 est adopté.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - L'amendement FINC.51 prévoit des ajustements de l'entrée en vigueur de la facturation électronique, en permettant qu'elle soit plus rapide pour les grandes entreprises.
Mme Nathalie Goulet. - Nous avons voté hier des crédits supplémentaires en faveur de la mise en place de la facturation électronique : peut-être faut-il les supprimer si le Gouvernement n'est pas capable de la mettre en oeuvre rapidement.
L'amendement FINC.51 est adopté.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - L'article 11 proroge un dispositif d'aide aux consommateurs d'électricité non ciblé, qui coûte 10 milliards d'euros. Comme je l'ai indiqué dans mon propos introductif, je vous propose sur ce sujet, en lien avec Christine Lavarde, un amendement qui cible cette aide afin d'en réduire le coût, tout en la renforçant pour les ménages modestes et les classes moyennes.
La sobriété et la raison méritent toutes deux d'être mobilisées sur ce sujet : rappelons-nous ainsi que l'alerte donnée l'hiver dernier sur de possibles difficultés d'approvisionnement en gaz avait entraîné une diminution de 8 % de la consommation domestique. L'amendement FINC.52 vise donc à cibler cette aide.
Mme Isabelle Briquet. - Nous partageons cet objectif d'aller vers un dispositif mieux ciblé, mais nous attendons d'en connaître les modalités.
M. Claude Raynal, président. - Je suis un peu perplexe sur votre mesure : si les contribuables sont exclus de tous les bénéfices des mesures mises en oeuvre à partir de l'impôt qu'ils acquittent, nous pourrions aboutir à une situation déséquilibrée. Autant le recours au « signal prix » me paraît légitime pour ce qui concerne le carburant, je suis en revanche plus réservé s'agissant de l'électricité, d'autant que son prix est fixé par l'État.
Mme Christine Lavarde. - Le dispositif du bouclier tarifaire repose sur deux jambes : d'une part, sur la diminution des accises sur l'électricité ; d'autre part, sur la décision du Gouvernement de fixer les tarifs réglementés de vente de l'électricité (TRVE) en deçà du niveau de prix calculé par la Commission de régulation de l'énergie (CRE) au regard de l'évolution des prix de marché.
L'idée consisterait à conserver, pour l'ensemble des consommateurs, la partie du bouclier qui permet aux fournisseurs de proposer un prix de vente inférieur à celui qui serait déterminé par la CRE en appliquant les règles de calcul classique : ce mécanisme a permis de contenir une hausse des tarifs qui aurait pu être bien plus forte.
Concernant la partie relative à l'accise, n'oublions pas, si l'on se réfère à nos discussions postérieures au mouvement des « gilets jaunes », qu'elle doit intégrer un signal prix sur le contenu carbone des différentes sources d'énergie.
Nous modifierions ainsi cette seule composante, qui porte l'exigence de sobriété, sans pénaliser les ménages qui ne pourraient en aucun cas assumer une augmentation trop importante du prix de l'énergie. Le signal prix incitant à la sobriété ne concernerait ainsi que les derniers déciles, tout en leur laissant le bénéfice du plafonnement du prix de l'électricité.
M. Claude Raynal, président. - Nous donnons l'impression d'être à front renversé avec cette mesure, il faudra examiner le détail de cet amendement.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - L'article 11, par ailleurs, méconnaît gravement les compétences du Parlement puisque certaines de ses dispositions prévoient la suppression de tout encadrement du pouvoir exécutif. Le tarif normal de l'accise sur le gaz naturel pourrait ainsi être très fortement majoré par simple arrêté du ministre chargé du budget. L'amendement FINC.53 vise à supprimer ces alinéas.
L'amendement FINC.52 est adopté, de même que l'amendement FINC.53.
Article 13
L'amendement de simplification FINC.54 est adopté.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - L'article modifie les conditions de financement du Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (FGAO). L'amendement FINC.55 vise à trouver un juste équilibre de responsabilisation en ne faisant pas peser une contribution trop lourde sur les assurés, tout en ramenant la borne supérieure de la contribution des assureurs de 2 % à 1 %.
L'amendement FINC.55 est adopté.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - L'amendement FINC.56 prévoit d'affecter deux fractions du rendement prévisionnel de la nouvelle taxe sur l'exploitation des infrastructures de transport de longue distance - dont l'essentiel proviendra des sociétés concessionnaires d'autoroutes - d'une part aux départements et d'autre part aux communes et aux groupements de communes qui exercent la compétence de voirie.
Il existe un lien entre la voirie autoroutière et la voirie routière, communale ou départementale, qui se trouve parfois dans un état de dégradation avancé. La majeure partie du rendement prévisionnel de la nouvelle taxe restera affectée à l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afit France).
M. Claude Raynal, président. - Le produit de cette taxe a en effet plutôt vocation à être orienté vers le rail, même s'il est légitime de venir en aide aux collectivités territoriales.
M. Vincent Capo-Canellas. - Je pensais qu'il n'était pas possible de flécher les dépenses de l'Afit France. Cette évolution risque d'encourager une certaine créativité si l'on peut proposer de financer par ce biais l'intermodalité, par exemple.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Il s'agit de prélever des ressources avant l'affectation à l'Afit France, et non de flécher ses dépenses.
M. Claude Raynal, président. - Le département pourra disposer de ces sommes librement puisqu'il n'est pas possible d'aller plus loin dans la définition de l'objet.
L'amendement FINC.56 est adopté.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - L'amendement FINC.57 vise à supprimer cet article, qui opère une réforme des redevances de l'eau mal ordonnée et menée sans concertation suffisante.
L'amendement FINC.57 est adopté.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Par l'amendement FINC.58, je propose de supprimer cet article, qui prévoit l'instauration, à compter du 1er janvier 2025, d'une taxe incitative relative à la réduction de l'intensité d'émission de gaz à effet de serre (GES) dans les transports.
Ce sujet d'ampleur mérite qu'on lui consacre davantage de temps : souvenons-nous du devenir de certaines réformes territoriales conçues à la hâte ou encore des répercussions de la taxe carbone.
L'amendement FINC.58 est adopté.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - L'amendement FINC.59 vise à supprimer cet article relatif aux modalités de fixation par l'exécutif des tarifs qui s'appliquent aux aéroports au titre du tarif de sûreté et de sécurité de la taxe sur le transport aérien de passagers, contournant ainsi le Parlement.
M. Vincent Capo-Canellas. - Je n'ai pas bien compris l'argument motivant cette suppression.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Cet article prévoit de confier une latitude quasi totale au Gouvernement pour fixer par arrêté les tarifs. Nous souhaitons maintenir le cadre actuel.
L'amendement FINC.59 est adopté.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - L'amendement FINC.60 vise à supprimer cet article qui prévoit d'élargir aux bâtiments culturels non-inscrits ou classés au titre des monuments historiques la possibilité de mettre en place des espaces d'affichage publicitaire sur les bâches d'échafaudage lors des travaux de restauration, sur des fondements juridiques aujourd'hui inexistants. Un « bâtiment culturel non inscrit ou classé » n'existe pas dans le droit actuel : même si l'on peut comprendre la démarche qui sous-tend cet article, il faudra apporter des précisions juridiques.
M. Claude Raynal, président. - En effet, ça demande des précisions. On pourrait notamment s'interroger sur le fait de savoir si une église qui accueille un concert est un établissement à caractère culturel.
L'amendement FINC.60 est adopté.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - L'amendement FINC.61 vise à assurer la mise en conformité de l'article avec le droit européen. L'amendement FINC.62 prévoit de réduire de deux à un an le délai d'habilitation laissé au Gouvernement par l'article 18 du PLF.
L'amendement FINC.61 est adopté, de même que l'amendement FINC.62.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Les amendements FINC.63, FINC.64, FINC.65 et FINC.66 ont trait à l'enquête sous pseudonyme, nouvelle prérogative octroyée aux agents de l'administration fiscale.
L'amendement FINC.63 vise à ce que cette enquête sous pseudonyme soit d'abord expérimentée, pendant une durée de trois ans, avant d'être pérennisée. L'amendement FINC.64 prévoit ensuite d'encadrer davantage cette prérogative en restreignant l'exercice de l'enquête sous pseudonyme aux seuls agents affectés dans un service à compétence nationale.
L'amendement FINC.65 vise à ce qu'un décret en Conseil d'État, et non un décret simple, vienne encadrer les modalités de fonctionnement de cette nouvelle prérogative. Enfin, l'amendement FINC.66 renforce le rôle de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) dans le cadre de la prorogation de l'expérimentation visant à permettre aux agents de l'administration fiscale et de la douane de collecter et d'analyser les contenus publiquement accessibles sur les plateformes en ligne.
Mme Nathalie Goulet. - Je suis en désaccord avec ce dernier amendement : il existe déjà de nombreuses dérogations en matière de fiscalité et je pense qu'il faut laisser les contrôleurs faire leur travail.
M. Claude Raynal, président. - L'idée originelle consistait à élargir les possibilités ouvertes dans le cadre de l'enquête sous pseudonyme, et ces amendements viennent en quelque sorte restreindre cette prérogative.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Bercy a expliqué que les réseaux sociaux contiennent de nombreuses informations, mais la protection des droits et des libertés nécessite d'encadrer les pouvoirs des agents. Ne donnons pas à l'administration des pouvoirs sans borne au nom de la lutte contre la fraude fiscale.
Les amendements FINC.63, FINC.64, FINC.65 et FINC.66 sont adoptés.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - L'amendement FINC.67 vise à préciser qu'une personne ne pourra être poursuivie sur le fondement du nouveau délit de mise à disposition d'instruments de facilitation de la fraude fiscale que si elle a sciemment mis à disposition ces moyens au profit de tiers.
L'amendement FINC.67 est adopté.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - L'amendement FINC.68 s'inscrit dans le prolongement du drame qui s'était produit dans le Pas-de-Calais, lorsqu'un contrôle réalisé au domicile du contribuable avait entraîné le décès d'un agent. L'article permet à l'administration d'imposer au contribuable que les contrôles aient lieu dans ses locaux, ce qui semble excessif. L'amendement vise à ce que l'administration fiscale produise une décision motivée, susceptible de recours par les contribuables, pour justifier un tel contrôle.
Il s'agit là encore de parvenir à un équilibre intégrant la protection des droits et libertés.
L'amendement FINC.68 est adopté.
Article 23 octies
L'amendement de précision rédactionnelle FINC.69 est adopté.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - L'amendement FINC.70 a pour objet d'augmenter les prélèvements sur recettes de l'État aux collectivités territoriales de 70 millions d'euros au titre de la hausse de la DGF pour abonder la dotation d'intercommunalités et la dotation de péréquation des départements. Il s'agit là de mettre en oeuvre le principe selon lequel le renforcement de la péréquation verticale doit être assumé par l'État et non par les autres collectivités territoriales.
L'amendement FINC.71 a pour effet d'augmenter les prélèvements sur recettes de l'État aux collectivités territoriales de 67 millions d'euros, au titre de la suppression des minorations de la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle (DCRTP) et des fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle (FDPTP).
M. Marc Laménie. - Pouvez-vous me confirmer que les dotations aux FDPTP sont maintenues avec cet amendement ?
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Tout à fait.
L'amendement FINC.70 est adopté, de même que l'amendement FINC.71.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Cet amendement vise à instituer une dotation exceptionnelle de soutien de 100 millions d'euros au profit des départements confrontés à une forte dégradation de leur situation financière. Les droits de mutation à titre onéreux (DMTO), qui constituent l'une de leurs principales ressources, connaissent en effet une forte diminution dans un contexte de crise du marché de l'immobilier et de remontée des taux d'intérêt.
Environ 20 % des départements sont concernés. Il s'agit le plus souvent de ceux qui ne disposent que de faibles ressources initiales et qui ont fort à faire dans les champs d'action de la solidarité et de la politique sociale, d'où une forme d'asphyxie financière confirmée par les représentants des départements que j'ai récemment reçus.
Le fonds de sauvegarde mis en place par les départements eux-mêmes, afin d'assurer une solidarité entre les mieux dotés et les plus en difficulté, n'a pas suffi à inverser la tendance. Cette situation en dit long, selon moi, sur la politique verticale de l'État et l'avenir de la décentralisation : il s'agit en effet du bloc de collectivités qui est allé le plus loin dans cette direction, d'où une interrogation renouvelée sur l'autonomie financière, voire financière et fiscale.
M. Vincent Capo-Canellas. - Cette problématique concerne également de nombreuses communes. Certes, la part des DTMO dans leurs ressources est moindre, mais les chutes n'en sont pas moins vertigineuses.
M. Éric Bocquet. - Le montant de 100 millions d'euros correspond-il à une estimation de l'Assemblée des départements de France (ADF) ? C'est exactement la somme qui fait défaut au budget du seul département du Nord en raison de la baisse des DMTO.
M. Grégory Blanc. - Les départements, en difficulté, sont confrontés à un effet de ciseaux. Je suis assez réservé par rapport à cette proposition : d'une part, nous avons eu un débat hier dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) sur la révision des allocations individuelles de solidarité (AIS), sujet sur lequel nous devrions concentrer notre énergie ; d'autre part, une dotation exceptionnelle ne suffira probablement pas à faire face à une situation qui risque de s'inscrire malheureusement dans la durée.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - L'ADF a en effet estimé ce besoin à 100 millions d'euros, sans que cette somme suffise à compenser totalement la baisse des recettes : il s'agit d'une aide exceptionnelle et d'urgence. Au-delà de celle-ci, nous devrons nous pencher sur l'avenir de la décentralisation compte tenu de l'impasse à laquelle nous sommes confrontés.
En effet, plus les recettes en propre des collectivités diminuent, plus leur dépendance aux dotations de l'État s'accroît, ce qui limite la capacité à ajuster les dépenses au sein d'un même territoire, alors que ce besoin se fait de plus en plus sentir. En raison de l'émiettement des responsabilités politiques et des compétences, les territoires font appel au département, à la région, aux intercommunalités ou encore à différents syndicats. Pour l'instant, aucun consensus n'émerge entre l'ADF et le Gouvernement quant aux besoins des départements.
Cette situation appelle pourtant une réflexion de fond sur la décentralisation : nous y avons déjà contribué par un rapport sénatorial contenant 15 propositions pour rendre aux élus locaux leur « pouvoir d'agir », mais il faut désormais relancer ce chantier en commençant par une révision de la DGF, de manière à ouvrir le débat sur les ressources, puis celui sur la fiscalité, si tous partagent cette volonté. Lors des réunions entre élus, tous plaident pour la création d'un impôt résidentiel, mais, au niveau des communes, j'ai pu entendre le refus de voir revenir la taxe d'habitation : les élus eux-mêmes n'avaient pas demandé sa suppression, mais alertent sur la très forte hostilité qu'elle pourrait susciter si elle revenait.
M. Pascal Savoldelli. - Je préfère m'abstenir sur cet amendement, dont la rédaction devrait être améliorée d'ici à son examen en séance. Je note tout de même un problème d'assiette. Les départements ayant pour seul levier fiscal les DMTO, il faudra nécessairement leur attribuer des dotations. Les départements rencontrent là un problème structurel et non pas conjoncturel.
Concernant les AIS, donnons déjà aux départements ce qu'on leur doit au titre des trois allocations de solidarité avant de faire preuve d'autoritarisme. Le contrat républicain n'est pas au rendez-vous.
M. Bruno Belin. - Je rejoins mon collègue Pascal Savoldelli concernant la nécessité d'avoir un débat sur la gestion des départements. C'est l'une des rares institutions dans laquelle les citoyens se reconnaissent et à laquelle nous sommes tous très attachés.
Il ne s'agit pas d'un montant modeste, monsieur le rapporteur général. Hier, le ministre des comptes publics a évoqué, lors du débat en séance sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale, 150 millions d'euros. Alors que nous lui avons fait remarquer que cela représentait 1,5 million par département, il nous a rétorqué que certains départements bénéficieraient de dotations supérieures à d'autres. Or, dans un département comme le Nord, le revenu de solidarité active (RSA) représente une dépense de 2 millions d'euros par jour ! Que la Première ministre n'insulte pas les 4 000 conseillers départementaux ! Depuis que nous avons supprimé toute recette fiscale sur le foncier bâti - une erreur dramatique -, les départements n'ont plus de rentrées fiscales dynamiques pour assumer le vieillissement des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), les aides aux collectivités ou encore le fonctionnement des collèges. Pour le calcul de la DGF, c'est toujours la base de 1986 qui prévaut ! Et les DMTO ont baissé de 30 % en 2023.
M. Stéphane Sautarel. - Nous sommes tous d'accord pour dire qu'il faut engager un débat de fond sur le financement des collectivités, et des départements en particulier. L'amendement du rapporteur général s'inscrit en complément du fonds de sauvegarde des départements et du Fonds national de péréquation des DMTO. Ce complément n'est sans doute pas à la hauteur des besoins, mais il importe de le remettre dans le dispositif global pour répondre aux difficultés financières des départements.
M. Claude Raynal, président. - Le Fonds national de péréquation, par nature, va s'éteindre dès lors que les DMTO baissent de 30 % dans la mesure où la participation des départements les plus riches sera de facto moindre.
M. Stéphane Sautarel. - Ce fonds sera encore dynamique en 2024, mais qu'en sera-t-il au-delà ?
L'amendement FINC.72 est adopté
Article 25 bis
L'amendement de précision FINC.73 est adopté.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Cet amendement prévoit d'inscrire dans la première partie du projet de loi l'article 60, actuellement en seconde partie, qui détaille précisément les modalités de fonctionnement de la dotation destinée aux communes nouvelles.
L'amendement FINC.74 est adopté.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Il s'agit ici de supprimer cet article qui fait doublon.
L'amendement FINC.75 est adopté.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Cet amendement de précision vise à garantir que les amendes majorées issues des radars soient comprises dans les ressources des zones à faibles émissions mobilité (ZFE-m).
L'amendement FINC.76 est adopté.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Les amendements FINC.77, FINC.78 et FINC.79 visent à actualiser les tableaux d'évaluation des prélèvements sur recettes par coordination avec les amendements que nous venons d'adopter.
Les amendements FINC.77, FINC.78 et FINC.79 sont adoptés.
Article additionnel avant l'article 27 bis
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - La mission d'information rapportée par MM. Maurey et Sautarel a pointé les besoins croissants de financements des AOM. Aussi, cet amendement prévoit de leur affecter de nouveaux crédits à hauteur de 250 millions d'euros, pour les aider notamment à financer des mobilités propres.
L'une des recommandations de cette mission vise à flécher le produit financier des quotas carbone en direction des AOM de province, une mesure qui témoigne de la volonté de l'État et des territoires de travailler ensemble sur ce sujet. Certains territoires à dominante rurale ne peuvent prélever aucune recette et se trouvent démunis. Cette enveloppe leur permettrait de commencer à avoir les moyens d'agir. La question des déplacements reste un sujet dans certains de nos territoires. Cette mesure permet en outre de ne pas recourir à une mesure fiscale, le versement mobilité pesant fortement sur la compétitivité des entreprises.
M. Hervé Maurey. - Je précise que cet amendement permettrait aux AOM qui ne lèvent pas le versement mobilité de bénéficier d'une ressource supplémentaire pour mettre en place des actions concrètes en faveur du développement des mobilités. Je rappelle que le Sénat n'avait pas voté la loi d'orientation des mobilités en raison du transfert de cette compétence à des intercommunalités, sans leur donner les moyens de l'exercer.
L'amendement FINC.80 est adopté.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Cet article est caractéristique du mauvais usage fait par l'État de l'outil fiscal qu'est la taxe spéciale sur les conventions d'assurances (TSCA). La prolongation de l'exonération de cette taxe sur les contrats assurant les véhicules électriques se fait au détriment des collectivités territoriales, qui utilisent son produit pour financer les véhicules des services départementaux d'incendie et de secours (Sdis). Je propose par conséquent sa suppression.
L'amendement FINC.81 est adopté.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - De même, je propose la suppression de cet article, qui représente une atteinte aux libertés des collectivités locales en créant une perte de recettes automatique non compensée par l'État.
L'amendement FINC.82 est adopté.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Il en est de même pour cet article.
L'amendement FINC.83 est adopté.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Nous supprimons ici l'article concernant le loto de la biodiversité.
L'amendement FINC.84 est adopté.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Les amendements FINC.85 et FINC.86 tirent les conséquences des amendements que nous venons d'adopter.
Les amendements FINC.85 et FINC.86 sont adoptés.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - L'amendement FINC.87 revient sur l'épure que le Gouvernement a imposée aux chambres de commerce et d'industrie (CCI), en ramenant le prélèvement à 25 millions d'euros, au lieu de 40 millions d'euros. À l'occasion de l'examen de la loi relative à la croissance et la transformation des entreprises (Pacte), le ministre avait dit tout l'intérêt de baisser fortement les ressources des CCI, avant de vanter deux ans plus tard les mérites de leurs actions pendant la crise sanitaire. Il semble à nouveau vouloir réduire leurs ressources.
L'amendement FINC.87 est adopté.
L'amendement de clarification rédactionnelle FINC.88 est adopté.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - L'amendement FINC.89, de conséquence avec l'amendement que nous avons adopté sur le compte d'affectation spéciale « Avances à l'audiovisuel public », vise à maintenir les ressources de l'audiovisuel public au niveau de 2023 et revient donc sur la hausse proposée de 209 millions d'euros.
L'amendement FINC.89 est adopté.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Dans la lignée des observations de notre collègue Sylvie Vermeillet concernant le CAS « Pensions », l'amendement FINC.90 vise à supprimer le transfert à la sécurité sociale de 194 millions d'euros.
L'amendement FINC.90 est adopté.
La commission propose au Sénat d'adopter l'ensemble des autres articles de la première partie du projet de loi de finances pour 2024 sans modification, à l'exception de l'article 7 sur lequel le vote est réservé.
M. Claude Raynal, président. - Je rappelle que le vote sur l'article 7 a été réservé, la commission se prononcera donc la semaine prochaine sur l'ensemble de la première partie du projet de loi de finances pour 2024.
Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :
TABLEAU DES SORTS
Projet de loi de finances de fin de gestion pour 2023 - Examen du rapport
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Nous en venons désormais à l'examen du projet de loi de finances de fin de gestion pour 2023. Introduit par la loi organique du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques, c'est le premier texte de ce nouveau genre qui nous est soumis. Il consacre en droit la pratique de ces dernières années et ne comporte donc aucune disposition d'ordre fiscal, ce qui clarifie le débat parlementaire.
L'objectif de ce texte est essentiellement de procéder à des ajustements, des ouvertures et des annulations de crédits sur le budget de l'État.
Permettez-moi au préalable de dire quelques mots du scénario macroéconomique retenu par le Gouvernement, que je qualifierai cette fois de « crédible » ainsi que de la situation générale des finances publiques en 2023 qui, elle, est encore dégradée par rapport à 2022.
Comme lors du dépôt du projet de loi de finances (PLF) pour 2024, le Gouvernement anticipe une croissance du PIB de 1 % en 2023. Cette estimation est identique à celle qui était prévue dans le PLF pour 2023. Située dans la borne haute de la prévision du consensus des économistes et en ligne avec les principales prévisions « institutionnelles », elle me semble crédible, d'autant que, selon les dernières données de l'Insee, la croissance du PIB aux premier et deuxième trimestres serait un peu plus élevée que prévu, avec +0,1 % puis +0,6 %, contre 0 et +0,5 % selon les estimations précédentes.
Toutefois, je vous le rappelais la semaine dernière, cette croissance, plus élevée que nous ne le pensions l'an dernier, résulte essentiellement de la forte croissance de l'activité au deuxième trimestre qui s'apparente, selon la Banque de France, à une « surprise ».
Au total, en 2023, la croissance aura surtout été portée par le solde extérieur et l'investissement des entreprises, mais freinée par une consommation des ménages en retrait, du fait de l'inflation et du coût des énergies.
En ce qui concerne l'état des finances publiques, le Gouvernement prévoit un déficit de 4,9 % du PIB, identique à celui qui était prévu au moment du dépôt du PLF pour 2024. Le déficit, en 2023, serait donc plus élevé qu'en 2022 - il s'élevait à 4,8 % du PIB.
L'État porterait l'essentiel du déficit puisque les administrations sociales seraient en excédent et les administrations locales très proches de l'équilibre.
Cette identité entre la prévision de solde effectif pour 2023 présentée dans le cadre du projet de loi de finances pour 2024 et celle du projet de loi de finances de fin de gestion pour 2023 masque des évolutions de prévision sur les dépenses et les recettes, qui se compensent.
Les prélèvements obligatoires seraient en léger retrait par rapport à ce que le Gouvernement prévoyait fin septembre, notamment du fait de moindres recettes d'impôt sur le revenu et de droits de mutation à titre onéreux (DMTO).
En parallèle, des dépenses moindres sont attendues en raison d'annulations de crédits sur lesquelles je vais revenir, et qui correspondent largement à des sous-consommations naturelles d'enveloppes de crise qui n'ont pas été dépensées. Il n'y a encore une fois ici aucune économie à proprement parler.
Si le scénario macroéconomique change peu, le budget de l'État, lui, est affecté par des modifications significatives, en dépenses comme en recettes. Celles-ci se traduisent par un déficit budgétaire encore aggravé par rapport à ce que prévoyait la LFI, à hauteur de près de 7 milliards d'euros.
Le déficit était de 171,4 milliards d'euros dans le texte initial du projet de loi de finances de fin de gestion. Il est dégradé de près de 400 millions d'euros après l'examen du texte en première lecture à l'Assemblée nationale.
Au titre des recettes tout d'abord, quelles en sont les raisons ?
L'impôt sur les sociétés produit 6 milliards d'euros de plus que prévu, mais, à l'inverse, les recettes liées à la contribution sur la rente inframarginale de la production d'électricité ont été beaucoup moins importantes que prévu.
En revanche, les ouvertures de crédits sont très importantes puisqu'elles s'élèvent à 9 milliards d'euros hors remboursements et dégrèvements, avec des annulations également d'un niveau élevé - j'y reviendrai ultérieurement.
Le déficit budgétaire revient donc, en 2023, au niveau extrême atteint en 2020 et 2021 pendant la crise sanitaire ; il est supérieur à 170 milliards d'euros. Le Gouvernement persiste donc à pratiquer le « quoi qu'il en coûte ».
On le constate en particulier dans le niveau très élevé des ouvertures nettes de crédits sur le budget général, hors remboursements et dégrèvements. Si ces ouvertures massives pouvaient se comprendre en 2020, lorsque la crise sanitaire de la covid bouleversait toutes les prévisions, on peut s'interroger sur la récurrence de variations aussi importantes des crédits en fin d'année.
Ce déficit en 2023 est d'ailleurs soumis à des facteurs d'incertitudes : si le versement européen de près de 11 milliards d'euros attendu au titre du financement du plan de relance n'arrivait pas avant la fin de l'année, c'est autant de recettes qui manqueraient sur cet exercice.
Force est de constater que la qualité de la prévision s'altère : l'écart entre le déficit budgétaire prévu par la loi de finances rectificative de fin d'année et celui qui est réellement exécuté a été très élevé ces dernières années. Certes, c'est dans le bon sens à chaque fois, ce qui signifie en réalité que des crédits très importants ont été ouverts puis finalement non consommés, et que certaines recettes ont été sous-estimées, même en fin d'année.
S'agissant des crédits, on constate la pratique devenue habituelle du Gouvernement à ouvrir des réserves de financement pour des montants astronomiques de plusieurs milliards d'euros, qui ne sont ensuite pas consommées, quitte à les annuler ou les reporter plus tard, au détriment de la transparence et de l'information du Parlement.
Le Gouvernement ne cesse de communiquer sur un budget finement construit et exécuté « à l'euro près », alors que tout l'inverse se produit : les gestionnaires publics sont déresponsabilisés par l'ouverture systématique d'enveloppes de crédits importantes, parfois consommées ou, si elles ne le sont pas, qui font croire que l'argent coule à flots.
Il faut y voir également la difficulté grandissante qu'a le Gouvernement à prévoir les recettes, notamment en raison du caractère de plus en plus volatile de celles-ci, comme je l'ai détaillé la semaine dernière.
L'évolution des recettes correspond, dans les grandes lignes, à ce que j'ai déjà dit au sujet de l'exercice en cours. L'impact principal est le surcroît d'impôt sur les sociétés (IS), attribué à l'augmentation du bénéfice fiscal. Les recettes fiscales sont également impactées par une moins-value proche de 10 milliards d'euros sur la contribution portant sur la rente inframarginale de la production d'électricité.
L'augmentation du produit prévisionnel de TVA, pour sa part, résulte pour l'essentiel de la décision prise de réduire de 2 milliards d'euros les ressources de l'Unédic, traduite dans l'article 2 du présent projet de loi.
Les prévisions de recettes non fiscales sont, elles, en diminution de 4,4 milliards d'euros par rapport à la LFI : on attend 2,5 milliards d'euros de dividendes en moins, et la révision du plan national de relance et de résilience (PNRR) au printemps dernier a entraîné une réduction du versement prévu cette année.
J'en viens à ce qui fait le coeur de ce projet de loi de fin d'année, c'est-à-dire les ajustements de crédits.
Conformément à sa mission définie par la réforme de la loi organique relative aux lois de finances (Lolf) du 28 décembre 2021, ce projet de loi de fin de gestion est pauvre en mesures de fond, puisqu'il ne peut pas comprendre de mesure fiscale pour les années à venir, il est, en revanche, riche en crédits.
Pas moins de 103 programmes du budget général, soit les deux tiers d'entre eux, font l'objet d'ouvertures ou d'annulations de crédits. Même en regroupant par mission, vous verrez que mon rapport contient pas moins de 26 sections pour décrire l'ensemble des ouvertures de crédit. J'ai essayé de compléter les descriptions, souvent insuffisantes, voire laconiques, données dans le projet tel qu'il nous est parvenu par les explications que j'ai pu obtenir du Gouvernement.
La principale ouverture de crédits porte sur la charge de la dette, qui est réévaluée de 3,8 milliards d'euros. La raison est double : l'inflation serait de 4,9 %, contre une prévision de 4,3 %. Les taux d'intérêt à trois mois s'établiraient, quant à eux, en fin d'année à 3,9 %, alors que la LFI prévoyait 2,1 %, ce qui est lourd de conséquences pour la charge de la dette.
L'autre ouverture de crédits majeure porte sur les programmes de la mission « Défense », à hauteur de 2,1 milliards d'euros. Alors que la loi de programmation militaire n'a pas encore commencé à être exécutée, des crédits nouveaux sont déjà ouverts par anticipation afin de financer des dépenses liées à la guerre en Ukraine ou à l'inflation. La situation en Ukraine impacte également le programme 303 « Immigration et asile », où près de 340 millions de crédits sont ouverts pour l'accueil des personnes déplacées.
L'État, comme les départements, subit les conséquences de la revalorisation du revenu de solidarité active (RSA). Ainsi, 331 millions d'euros sont ouverts sur le programme 304 « Inclusion sociale et protection des personnes », pour financer des dépenses plus importantes que prévu concernant le RSA recentralisé, mais aussi la prime d'activité.
Il faut noter également que, sur le programme 122 « Concours spécifiques et administration », 64,3 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 38,2 millions d'euros en crédits de paiement (CP) sont ouverts pour aider les collectivités à reconstruire les bâtiments publics dégradés à la suite des violences urbaines qui ont eu lieu à la fin du mois de juin dernier. Le fonds de reconstruction sera également financé par des redéploiements de crédits, pour atteindre 100 millions d'euros en AE et 50 millions d'euros en CP.
Je pourrais vous faire part de nombreuses autres ouvertures de crédits : en particulier sur le budget de l'agriculture, où les crises exceptionnelles reviennent en fait régulièrement, ou sur celui de l'hébergement d'urgence, pour lesquels le Gouvernement ne parvient toujours pas à prévoir un budget adapté chaque année.
Je dirai quelques mots sur les annulations de crédit.
Sur la mission « Économie », 4 milliards d'euros ont été annulés par décret le 18 septembre en raison de la sous-consommation des guichets d'aide aux entreprises face à la hausse de l'inflation ; 400 millions d'euros supplémentaires sont annulés par le projet de loi de finances de fin de gestion.
En revanche, le programme 367, qui a reçu plus de 12 milliards d'euros en 2022 pour financer notamment la nationalisation d'EDF, conserve encore 2 milliards d'euros qui, au lieu d'être annulés, vont être reportés à 2024 - preuve nouvelle de la surévaluation des provisions.
Le dispositif MaPrimeRénov' fait l'objet d'annulations à hauteur de 800 millions d'euros au titre de 2023. Pour 2024, il a d'ores et déjà subi, lors de l'examen du projet de loi de finances par l'Assemblée nationale, une annulation des AE à hauteur de 400 millions d'euros. Les résultats ne sont pas là : l'objectif de rénovations dans le parc de logements privés ne sera atteint qu'à 75 % en 2023, alors que les échéances approchent s'agissant de l'interdiction de la location des passoires énergétiques, mais aussi de l'urgence de la transition écologique.
Enfin, ce texte nous donne raison au sujet de la dotation pour dépenses accidentelles et imprévisibles (DDAI), que le Sénat avait tenté de réduire avec les rapporteurs spéciaux Albéric de Montgolfier et Claude Nougein : elle n'a pas du tout été consommée et fait l'objet d'une annulation de 100 millions d'euros, après une première annulation en septembre de 700 millions d'euros.
Je terminerai en évoquant l'évolution des plafonds d'emploi des ministères, augmentés de 195 équivalents temps plein travaillés (ETPT), principalement au sein des ministères de l'intérieur et des outre-mer. Le nombre est certes mineur par rapport aux emplois de l'État, mais il est emblématique de l'incapacité de ce dernier à stabiliser l'emploi, à défaut de tenter de le réduire.
Le présent projet de loi de finances de fin de gestion annule par ailleurs des crédits sur 73 programmes du budget général, mais aucune de ces annulations ne porte sur des crédits de personnel.
S'agissant des articles, l'article 1er modifie les plafonds d'affectation de trois taxes, principalement pour attribuer 275 millions d'euros supplémentaires à France Compétences.
L'article 2 ajuste la fraction de TVA affectée à la sécurité sociale afin de prélever en réalité 2 milliards d'euros, dès 2023, sur la trésorerie de l'Unédic.
L'article 3 réduit de 20 millions d'euros le montant de TVA affecté à l'audiovisuel public - il s'agit d'un ajustement technique.
L'article 10 institue trois dispositifs de primes exceptionnelles de la dotation pour les titres sécurisés (DTS) en faveur des communes, dont l'enveloppe passerait en 2023 de 72 à 100 millions d'euros. C'est une dépense nécessaire pour accompagner les communes qui font face, depuis la fin de la crise sanitaire, à un afflux massif de demandes. Cela permet de raccourcir les délais de délivrance, pour lesquels on note déjà une amélioration.
Les autres articles tirent les conséquences des évolutions de recettes et de crédits que je vous ai présentées.
Vous l'aurez compris, si ce texte est assez emblématique de la difficulté du Gouvernement à construire et tenir un budget, il consiste en réalité pour l'essentiel à tirer les conséquences de l'exécution budgétaire de l'année. Je vous proposerai par conséquent de l'adopter. Vous noterez par ailleurs que c'est le premier texte financier de l'année adopté sans que le Gouvernement recoure à l'article 49, alinéa 3, de la Constitution. En effet, nos collègues députés l'ont voté, certes au prix d'un déficit encore aggravé de près de 400 millions d'euros par rapport à la copie gouvernementale.
Dans le même esprit que le précédent projet de loi de finances rectificative de fin d'année, je vous proposerai, pour ma part, cinq amendements visant, comme nous sommes en fin de gestion, à financer des dépenses d'urgence susceptibles d'être décaissées rapidement.
Trois amendements sont proches de ceux de l'an passé.
Le premier vise à financer la réfection des ponts, notamment des petites communes, à hauteur de 25 millions d'euros. Beaucoup de départements rencontrent des difficultés pour mobiliser rapidement ces fonds, c'est pourquoi ils doivent être renforcés. Accompagnons le mouvement.
Le deuxième concerne la rénovation du réseau d'eau où d'importantes fuites persistent. Pour la première fois l'an dernier, le Gouvernement avait accepté un abondement ; notre amendement de 100 millions d'euros s'inscrit dans l'esprit du plan Eau.
Le troisième amendement concerne la rénovation des routes des collectivités territoriales. Sur ce dernier point, je rappelle que le Parlement avait voté l'an passé 50 millions d'euros pour la voirie communale. Or, lors de l'examen du projet de loi de règlement, que nous n'avons pas voté, nous avons découvert que le Gouvernement avait affecté ces fonds au réseau routier national. C'est pourquoi je propose cette année une enveloppe de 100 millions de crédits, incluant ce rattrapage.
Par ailleurs, je propose un amendement destiné aux publics fragiles, en majorant les crédits destinés à l'aide alimentaire. Pour ajuster au mieux ces crédits, j'ai rencontré l'été dernier des responsables des Restos du Coeur et me suis entretenu hier avec la Fédération française des banques alimentaires, les besoins sont estimés à 30 millions d'euros pour tenir les objectifs. Au lieu de prévoir une enveloppe distincte en faveur des jeunes - ils sont de plus en plus nombreux à solliciter une aide alimentaire -, j'ai préféré m'en tenir à une enveloppe globale destinée à l'ensemble des programmes des banques alimentaires, pour éviter un éparpillement des crédits auprès des associations concernées.
Enfin, je propose 20 millions d'euros d'aide d'urgence à l'international pour soutenir l'Arménie face à l'afflux des réfugiés chassés du Haut-Karabagh.
Je vous informe que j'ai été contacté pour porter une mesure en faveur de la réouverture de la ligne de train d'équilibre du territoire (TET) entre Metz, Nancy et la ville de Lyon. La desserte a été supprimée en 2018, on nous promet dans le meilleur des cas une réouverture en 2029. Le Gouvernement souhaiterait passer un accord avant la fin de l'année, pour éviter la procédure d'appels d'offres. Nous en reparlerons lundi prochain.
M. Vincent Delahaye. - Comme vous l'avez noté, la fin du « quoi qu'il est coûte » n'est toujours pas à l'ordre du jour. Il faudra sans doute attendre des jours meilleurs pour améliorer nos comptes publics.
Vous n'avez pas parlé des remboursements et dégrèvements. À quoi correspond l'ouverture de crédits à hauteur de quelque 12 milliards d'euros au titre des remboursements et dégrèvements ? Corrige-t-on des surestimations de recettes ? Il semble que l'impact soit neutre, mais j'aimerais comprendre ce qu'il en est, car le montant n'est pas négligeable.
Par ailleurs, des crédits nouveaux à hauteur de 2 milliards d'euros sont attribués à la mission « Défense ». Est-ce lié à l'Ukraine ? À des opérations extérieures ? Quels éléments imprévisibles survenus au cours de l'année justifient-ils une telle augmentation ?
M. Michel Canévet. - Le niveau de déficit, établi à plus de 20 milliards d'euros supplémentaires par rapport à l'année dernière, est extrêmement préoccupant. Il démontre que nos finances publiques continuent de se dégrader de façon significative, avec un fort impact sur la dette à venir.
Comme mon collègue Vincent Delahaye, je m'interroge sur le montant élevé des crédits de la mission « Remboursements et dégrèvements ». Comment en sommes-nous arrivés à cette situation ?
Je m'interroge aussi sur la mission « Économie ». Alors que 4 milliards d'euros de crédits ont été annulés, pourquoi se trouve-t-on avec un solde négatif de 441 millions d'euros ? Quels programmes ont bénéficié d'une augmentation ?
Enfin, j'aimerais savoir comment le rapporteur général gage les augmentations de crédits qu'il vient de nous proposer. Par exemple, pourquoi ne pas attribuer à l'aide destinée à l'Ukraine une partie des crédits de la mission « Aide publique au développement » ? On pourrait dégager 20 millions d'euros pour intervenir rapidement en faveur de l'Arménie.
Mme Marie-Claire Carrère-Gée. - J'aimerais connaître la raison de l'annulation de crédits à hauteur de 900 millions d'euros de la mission « Travail et emploi ».
M. Thierry Cozic. - Merci au rapporteur général pour la clarté de sa présentation. Ce texte, technique, a le mérite d'avoir été adopté par l'Assemblée nationale sans l'usage de l'article 49.3 de la Constitution. C'est dire le manque d'enjeu qu'il représente !
Nous constatons une nouvelle fois le non-recours à certaines prestations et aides prévues : plus de 10 milliards d'euros d'AE et de CP ne sont pas décaissés faute de demandes.
Je formulerai trois remarques.
Je rejoins l'observation de mes collègues, il est singulier de voir que la part des remboursements et dégrèvements est supérieure à l'augmentation des recettes fiscales.
Vous n'avez pas parlé des collectivités territoriales. Quelle est votre position sur la demande de remboursement des acomptes formulée aux 3 425 communes concernées au titre du filet de sécurité, pour un montant de 69,8 millions d'euros ? L'État, en incitant fortement les collectivités à s'engager dans ce dispositif, est responsable de cette situation. C'est pourquoi mon groupe déposera un amendement visant à annuler ces remboursements. Il serait intéressant que nous décidions collectivement de voter cet amendement afin de faire pression sur le Gouvernement.
Par ailleurs, je me réjouis de la rallonge supplémentaire, obtenue par mes collègues socialistes de l'Assemblée nationale, pour la prime de Noël destinée aux familles monoparentales qui vivent sous le seuil de pauvreté. Cette aide concernera 500 000 familles et représentera 70 millions d'euros en 2023.
Enfin, je note avec une pointe d'humour que vous êtes plus offensif, monsieur le rapporteur général, que la Nupes en matière d'aides sociales, puisque vous proposez des crédits en faveur de l'aide alimentaire à hauteur de 30 millions d'euros, quand elle n'en proposait que 20 millions d'euros à l'Assemblée nationale.
M. Thomas Dossus. - Concernant la rente inframarginale de la production d'électricité, on nous avait annoncé 12 milliards d'euros, alors qu'elle s'élèverait plutôt aux alentours de 2,5 milliards. Cela prouve tout l'intérêt du projet de loi de finances de fin de gestion, qui nous permet de rétablir ainsi la réalité.
Concernant le dispositif MaPrimeRénov', l'excédent de 800 millions d'euros révèle que ce dispositif est mal calibré, tant pour ce qui concerne les plafonds que le reste à charge pour les classes moyennes. Les crédits sont largement sous-consommés, alors que les besoins sont pourtant réels. Attachons-nous à mieux le calibrer pour 2024.
Enfin, je partage votre volonté de cibler l'aide alimentaire vers les banques alimentaires uniquement. Il leur reviendra ensuite de redistribuer cette enveloppe financière aux organisations d'aide alimentaire spécifiques à la jeunesse, qui passent souvent elles-mêmes par ces banques.
M. Éric Bocquet. - J'aimerais revenir sur l'amendement pertinent que vous proposez sur la rénovation des ponts.
Un rapport d'information du Sénat, publié en juin 2019 par la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, avait recensé en France 25 000 ponts en très mauvais état et susceptibles de mettre en péril la sécurité des usagers. Il avait estimé le coût des rénovations à 1,3 milliard d'ici à 2030 et proposait pour ce faire de porter les moyens affectés par l'État à 120 millions d'euros et à créer un fonds d'aide aux collectivités territoriales - elles gèrent 90 % des ponts du territoire - doté de 130 millions d'euros par an. Ces propositions ont-elles été mises en oeuvre ? Les 25 millions d'euros que vous préconisez viendraient-ils en complément ?
M. Jean-Raymond Hugonet. - Concernant les ouvertures nettes de crédits, quels éléments expliquent que la mission « Justice » soit en recul de 71 millions d'euros ?
M. Vincent Capo-Canellas. - Sur la croissance du PIB de 1 %, je note que, pour une fois, les prévisions sont justes.
Vous semblez déplorer une aggravation du déficit public. Il atteint dans ce projet de loi 4,9 % du PIB alors que la prévision en loi de finances pour 2023 était de 5 %. Il n'est donc pas aggravé en termes de pourcentage, mais en valeur absolue.
Enfin, je me réjouis pour nos collègues députés que le Gouvernement ait, cette fois, favorisé la fluidité des débats et n'ait pas engagé l'article 49.3 de la Constitution. Nous approuvons les amendements du rapporteur général et espérons converger en commission mixte paritaire.
M. Didier Rambaud. - Monsieur le rapporteur général, vous avez été offensif quant à la bonne tenue des finances publiques. Mais je note que vous proposez cinq nouvelles ouvertures de crédits. Lorsque le rapporteur général propose de nouveaux crédits, c'est une bonne aggravation du déficit, mais quand il s'agit des députés ou du Gouvernement cela relève de la mauvaise gestion...
Enfin je ne partage pas la proposition de Thierry Cozic d'annuler le remboursement des acomptes au titre du filet de sécurité. Certes, certaines communes demandent le non-remboursement de cet acompte. Mais si remboursement il doit y avoir, c'est que leur situation financière le justifie - la règle était connue. D'ailleurs, ce ne serait pas juste à l'égard des communes qui n'ont pas demandé cette aide.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Faire droit à l'annulation de ces acomptes, proposée par M. Cozic, reviendrait à consacrer une inégalité de traitement. Ce n'est ni le sujet ni l'objet de ce texte. Soyons rigoureux et intellectuellement honnêtes.
Le ministre Gabriel Attal avait précisé le volume d'aide mobilisable et incité les communes à ne pas abuser des avances et à faire montre de précaution. Je ne suis pas favorable à un traitement différencié et inégalitaire. En revanche, les services des directions départementales des finances publiques sont là pour asseoir la crédibilité des services de l'État et ont un devoir de conseil auprès des communes. On ne peut pas reprocher à l'excès aux élus de leur faire confiance. Je vais donc demander au ministre des informations plus précises sur ce sujet, car il y a peut-être eu des dysfonctionnements.
Concernant le solde des remboursements et dégrèvements, il s'inscrit dans la logique de volatilité des rentrées fiscales, avec des écarts importants entre les prévisions et les réalisations observées. Quand les recettes fiscales sont volatiles et difficilement prévisibles, il en est de même des remboursements et dégrèvements d'impôts qui s'y attachent.
Sur la mission « Défense », nous observons des surcoûts importants par rapport aux prévisions, notamment pour les opérations extérieures (Opex). De nombreux déploiements de forces ont été effectués en Roumanie et en Estonie. Le rapporteur spécial vous répondra ultérieurement à ce sujet, puisque nous allons examiner dans quelques instants la mission « Défense ».
L'enveloppe destinée à la rénovation des ponts correspond en effet à des crédits supplémentaires. Ils sont à la main du Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema). Même sur des ponts de taille modeste, tout un travail de génie civil et de maîtrise d'oeuvre est nécessaire, ce à quoi il faut rajouter l'étude faune-flore, dite « quatre saisons ». Lorsque les communes sont bien informées sur le dispositif, elles se mobilisent. Le conseil départemental peut ainsi disposer d'un diagnostic sur l'état de gravité des ponts. Mais beaucoup de petites communes ont besoin d'être accompagnées dans la mise en oeuvre de ces travaux.
Sur la mission « Justice », l'annulation de 178 millions d'euros en AE résulte d'un retard sur certains projets informatiques. Ces dépenses sont simplement reportées.
Mme Carrère-Gée, la mission « Travail et emploi » perd 750 millions d'euros de crédits en raison d'une modification des règles de facturation de l'Agence de services et de paiement (ASP). Il s'agit également ici d'un report de dépenses pour 2024. Toutefois, cette baisse s'explique aussi par des sous-exécutions sur le contrat d'engagement jeune (CEJ) notamment, qui n'a pas trouvé son public.
Sur la mission « Économie », à l'annulation de 4 milliards d'euros intervenue en septembre dernier par décret s'ajoute une nouvelle annulation de 400 millions d'euros.
Concernant mes amendements, nous avons effectivement gagé les différentes dépenses. Nous proposerons des économies dans le PLF pour 2024. Sur les crédits ouverts en faveur de l'Arménie, nous avons minoré de 20 millions d'euros l'annulation de crédits à hauteur de 50 millions sur la provision pour crises majeures de l'action n° 2 du programme 209.
Sur l'aggravation du déficit, je comparais l'année 2023 par rapport à 2022, où le déficit était de 4,8 % du PIB. Il a donc augmenté entre les deux exercices.
Au sujet de l'écart entre la rente inframarginale attendue et effective, je vous rappelle que, en décembre 2022, les prix sur l'énergie étaient encore très élevés. Ensuite, les prix se sont assez vite effondrés, c'est pourquoi la rente est moins importante que prévu. Toutefois, si le marché était resté aussi élevé pendant au moins un semestre, le montant estimé à l'époque par la ministre aurait sans doute été correct.
Enfin, le dispositif MaPrimeRénov' est effectivement mal calibré. On s'aperçoit par ailleurs que les personnes aisées ont tendance à mobiliser davantage leur épargne pour procéder aux rénovations,
M. Claude Raynal, président. - L'amendement FINC.1 concerne 25 millions d'euros de crédits pour la rénovation des ponts de collectivités territoriales.
L'amendement FINC.1 est adopté.
M. Claude Raynal, président. - L'amendement FINC.2 prévoit 100 millions d'euros de crédits pour l'entretien des réseaux routiers des collectivités territoriales.
L'amendement FINC.2 est adopté.
M. Claude Raynal, président. - L'amendement FINC.3 prévoit 100 millions d'euros pour la rénovation du réseau d'eau.
L'amendement FINC.3 est adopté.
M. Claude Raynal, président. - L'amendement FINC.4 concerne une aide de 20 millions d'euros de crédits pour une aide d'urgence en faveur de l'Arménie.
L'amendement FINC.4 est adopté.
M. Claude Raynal, président. - Enfin, l'amendement FINC.5 prévoit une aide de 30 millions de crédits en faveur de l'aide alimentaire.
L'amendement FINC.5 est adopté.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Je vous remercie de ce vote unanimement favorable, qui va me permettre de défendre nos positions auprès du Gouvernement.
Projet de loi de finances pour 2024 - Mission « Défense » - Examen du rapport spécial
M, Claude Raynal, président. - Nous en venons au rapport de notre collègue Dominique de Legge, rapporteur spécial pour la mission « Défense ».
M. Dominique de Legge, rapporteur spécial. - Le budget que nous examinons ce matin marque l'entrée dans la nouvelle loi de programmation militaire (LPM) adoptée l'été dernier.
Le bouleversement géostratégique induit par la guerre en Ukraine nous avait en effet amenés à décider d'interrompre la programmation en cours au profit d'une nouvelle LPM couvrant la période 2024-2030. Pour mémoire, celle-ci prévoit une enveloppe de 400 milliards d'euros de crédits budgétaires, soit environ 100 milliards d'euros de plus que la précédente. Si l'on ne pouvait que saluer l'ampleur de l'effort budgétaire, le Sénat avait adressé deux reproches majeurs à l'encontre de cette LPM. Le premier tenait à ce qu'elle reportait l'essentiel de l'effort après 2027, le second à ce qu'elle affichait 13 milliards de ressources additionnelles, dont une part importante était insuffisamment documentée. Sur le premier point, nous avons obtenu partiellement satisfaction, avec une révision de la courbe d'évolution des crédits ; sur le second, le principe d'une compensation en lois de finances a été établi dans l'éventualité où les ressources extrabudgétaires constatées en exécution seraient inférieure à la prévision.
Avant de vous livrer mes principales observations sur le budget qui nous est proposé pour 2024, je souhaite, dans le prolongement de nos débats de ce matin, dire un mot sur le schéma de fin de gestion 2023, qui détermine les « conditions d'entrée » dans la nouvelle LPM.
Une enveloppe exceptionnelle de 1,5 milliard d'euros avait été annoncée par le ministre Lecornu au printemps dernier. Celle-ci poursuit deux finalités : réduire le report de charges et anticiper certaines commandes prévues par la LPM.
Il était important, en effet, d'aborder la nouvelle programmation avec un report de charges maîtrisé, afin de garantir sa soutenabilité. Celui-ci s'élèverait malgré tout à 4,7 milliards d'euros fin 2023, venant d'emblée grever l'exécution 2024. De façon plus classique, le schéma de fin de gestion doit ainsi permettre de compenser les surcoûts opérationnels auxquels les armées ont fait face au titre des opérations extérieures et missions intérieures, ainsi que de la hausse du prix des carburants. S'y ajoutent, comme en 2022, des surcoûts liés au soutien à l'Ukraine et aux déploiements de nos armées sur le flanc est de l'Otan.
En analysant les choses dans le détail, on s'aperçoit cependant qu'une part importante des enveloppes annoncées n'est pas financée en réalité par des crédits frais.
Le ministère des armées étant peu enclin à faire état des manoeuvres budgétaires qui caractérisent immanquablement ses schémas de fin de gestion, la communication de leur détail nous a demandé beaucoup de persévérance et d'insistance.
In fine, les besoins que j'ai cités représentent un total de 2,9 milliards d'euros, financés à hauteur de 2,2 milliards d'euros de crédits frais proposés dans le cadre du projet de loi de finances de fin de gestion (PLFFG) et à hauteur d'à peu près 700 millions d'euros sur l'enveloppe actuelle.
Ces décalages, qui s'ajoutent donc à un report de charges maintenu à un niveau important, font ainsi entrer le ministère « à crédit » dans la nouvelle LPM. L'objectif était de maintenir le report de charges sous le seuil de 12 % des crédits hors masse salariale. Ici, malgré les ouvertures nettes prévues par le PLFFG, nous atteindrons 15 %.
Pour 2024, les ouvertures de crédits demandées s'élèvent à 68 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et à 57 milliards d'euros en crédits de paiement (CP). Sur le périmètre de la LPM, c'est-à-dire hors contribution au compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions », les crédits demandés s'élèvent à 47,2 milliards d'euros. Cela fait de la mission « Défense » le troisième poste du budget de l'État après l'enseignement scolaire mais aussi, il faut le rappeler, après la charge de la dette.
Ces crédits connaîtraient une progression de 3,3 milliards d'euros par rapport à la loi de finances initiale (LFI) pour 2023. Il s'agit d'une hausse conséquente - la deuxième plus importante de ce projet de loi de finances (PLF) - dont on ne peut que se féliciter. Cette progression, strictement conforme à la LPM et au projet de loi de programmation des finances publiques, est supérieure de 300 millions d'euros à celle qui est inscrite dans le cadre de la précédente programmation. C'est également 300 millions d'euros de plus que ce que ne prévoyait le texte initial du projet de LPM.
L'ensemble des responsables du ministère que j'ai auditionnés, incluant les trois états-majors, m'ont confirmé que le budget proposé traduit fidèlement la programmation.
Pour autant, quelques points d'alerte méritent d'être soulignés.
Le plus saillant d'entre eux porte sur les ressources humaines, qui constituent une véritable ombre au tableau de la programmation.
Le ministère des armées subit de plein fouet les conséquences des tensions persistantes observées sur le marché du travail, qui affectent au demeurant la majorité des employeurs publics et privés. La nouvelle LPM a ainsi révisé nettement à la baisse la cible d'augmentation des effectifs prévue pour 2024 dans le cadre de la précédente programmation, en passant de 1 500 à 700 équivalents temps plein (ETP). Deux mois à peine après l'adoption de la LPM 2024-2030, le PLF abaisse encore cette cible, désormais fixée à 400 ETP.
L'atteinte de l'objectif, même révisé à la baisse, n'a rien d'acquis, alors que les schémas d'emplois sont négatifs depuis 2021 et que celui de 2023 devrait s'établir à environ - 2 000 ETP. L'armée de Terre rencontre des difficultés considérables à recruter ses militaires du rang, ce qui est inhabituel, mais surtout inquiétant. Tout porte donc à croire que la construction de la LPM a reposé sur un excès d'optimisme quant aux capacités de recrutement du ministère pour les années à venir.
Or une forte sous-réalisation des cibles en matière d'effectifs serait de nature à fragiliser considérablement la crédibilité de l'atteinte des objectifs de la programmation. Une bonne partie des créations d'emplois prévues, qui étaient en effet directement liées à certaines priorités militaires structurantes, correspondent à des compétences rares et très recherchées, notamment dans le domaine du cyber.
Un deuxième point d'inquiétude concerne les équipements.
Je ne reviens pas sur le regrettable décalage de 2030 à 2035 de certaines cibles capacitaires, entériné par la nouvelle LPM. Ces décalages concernent des programmes structurants, tels que le programme Rafale ou celui relatif aux frégates de défense et d'intervention. Je me suis déjà exprimé, à l'occasion de l'examen du projet de LPM par notre commission, sur le mauvais signal que ces décalages envoient à nos alliés comme à nos compétiteurs.
Les efforts budgétaires sont certes importants. À titre d'exemple, près de 3,4 milliards d'euros d'AE concernent le seul programme Scorpion, relatif à la modernisation des capacités de combat de l'armée de terre.
Toutefois, malgré la hausse des crédits de la mission, nos armées continuent de subir les effets de remises en cause capacitaires décidées sur certains segments majeurs. Je pense notamment à la décision, prise en 2021, de prélever pour l'export 24 Rafales sur la dotation de l'armée de l'Air et de l'Espace, alors composée de 102 appareils. Le recomplètement du parc ne devrait être achevé qu'en 2027.
Il faut également souligner l'impact d'importantes cessions opérées au profit des forces armées ukrainiennes, qui affectent en particulier notre parc de canons Caesar. Tout doit être mis en oeuvre pour que les recomplètements afférents, financés par la solidarité interministérielle comme le prévoit la LPM, soient réalisés le plus rapidement possible.
Les problématiques rencontrées au titre de la préparation opérationnelle font directement écho à ces remises en cause capacitaires. À titre d'exemple, les cessions que j'ai évoquées, pèsent directement sur notre potentiel militaire, comme en témoigne la faible disponibilité pour l'entraînement des obus de 155 mm tirés par les canons Caesar et des avions de combat, dont il résulte une préparation insuffisante des pilotes en termes de nombre d'heures de vol.
Ce type d'indicateurs, relatifs à la disponibilité des matériels et à l'activité opérationnelle, sont essentiels pour apprécier notre potentiel militaire et, partant, la performance de la dépense publique consacrée à nos armées. C'est la raison pour laquelle j'ai accordé une place importante à leur analyse dans mes rapports spéciaux des années précédentes.
À compter de cette année, ces indicateurs ont été classifiés « diffusion restreinte - spécial France » et ont à ce titre été purement et simplement supprimés du projet annuel de performances. Si j'ai été en mesure de les consulter, il ne m'est pas pour autant loisible de les commenter publiquement. Le ministère m'a indiqué que, en les publiant, il aurait fait preuve par le passé d'une forme de « naïveté », en poussant la transparence plus loin que ne le font nos compétiteurs. Même si nous le comprenons, je m'interroge cependant sur le choix d'interrompre la diffusion de l'intégralité de ces indicateurs, pour l'ensemble des équipements et l'ensemble des activités opérationnelles. Je me demande notamment si un meilleur équilibre entre les exigences de sécurité nationale et celles de transparence à l'égard des parlementaires et des citoyens n'aurait pas pu être recherché, car il est le gage d'un débat budgétaire de qualité, ne s'impose pas.
Pour l'avenir, il pourrait être opportun que le Gouvernement publie a minima, en loi d'approbation des comptes, le taux d'atteinte des cibles, même sans référence à leur niveau en valeur, afin que le débat puisse s'engager au moins sur les résultats du ministère en matière de préparation opérationnelle.
J'ai également souhaité mentionner dans mon rapport la situation très fortement dégradée du patrimoine immobilier géré par le ministère des armées, qui fait désormais face à un mur de dette grise. L'enveloppe importante de 16 milliards d'euros prévue par la LPM en matière d'infrastructures témoigne d'une prise de conscience de la situation. Un tel niveau de dépenses aurait cependant pu être évité en anticipant davantage les besoins et en procédant en temps utile aux remises en état nécessaires. Il conviendra, pour l'avenir, d'en tirer les leçons.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Le renforcement du budget des armées par la LPM répond à la dégradation du contexte stratégique. Les incertitudes propres à la situation internationale expliquent par ailleurs la nécessité d'ouvrir des crédits supplémentaires en fin de gestion.
Cependant, une préoccupation demeure quant aux effectifs. Il est de plus en plus fait état de difficultés rencontrées par les armées pour remplir leurs tableaux d'effectifs, avec une pénurie de candidats ou avec des personnes qui, une fois recrutées, ne restent pas au-delà des premières années de leur engagement. On m'a encore récemment donné l'exemple d'un groupe de quelque 15 recrues où, moins de deux ans après avoir signé leur engagement, six d'entre elles avaient déjà quitté l'armée. Cette situation pose notamment la question des moyens consacrés à la formation. Il faut essayer de mieux cerner, dans le recrutement des armées, les aspirations des jeunes prêts à s'engager. Avez-vous eu des éléments d'information sur ce sujet ?
M. Jean-François Rapin. - Je constate avec vous les ouvertures de crédits justifiées par l'aide apportée à l'Ukraine, qui a suscité un certain nombre de commentaires dans le débat public. Le matériel donné à ce pays était évidemment du matériel d'occasion, mais le chiffrage de l'aide avait été effectué sur la base d'un matériel neuf. Cela a pu gonfler l'évaluation du montant de l'aide et la presse s'en est fait l'écho. Si, par exemple, la valeur d'un véhicule de combat léger AMX-10 RC neuf avoisine 4 millions d'euros, le matériel que nous avons remis aux Ukrainiens datait d'une dizaine d'années, et avait vocation à être remplacés.
M. Marc Laménie. - Je m'interroge sur les moyens humains des armées, sur la crise des vocations en leur sein et sur le problème de la fidélisation de leurs effectifs. Certes, des dispositifs de nature interministérielle existent en vue de promouvoir le recrutement. On peut citer la Journée défense et citoyenneté (JDC), qui est obligatoire, le service national universel (SNU), le service militaire volontaire (SMV) dont on s'aperçoit qu'il suscite peu de vocations, enfin le lien avec l'éducation nationale par les classes de défense et de sécurité globales (CDSG). Mais comment parvenir à recruter davantage et à susciter plus de vocations ?
Par ailleurs, nos militaires participent activement aux missions de sécurité intérieure dans le cadre de l'opération Sentinelle. Avons-nous une idée du coût de cette opération ?
Enfin, nombre d'anciennes casernes demeurent désaffectées ou ont été rachetées à l'euro symbolique par des collectivités territoriales en vue de leur reconversion. Qu'en est-il plus précisément de ce patrimoine militaire ?
M. Olivier Paccaud. - Le manque d'attractivité de la « grande muette » apparaît particulièrement inquiétant. S'y ajoutent les démissions qui touchent différents métiers de l'armée, notamment ceux des médecins militaires.
Les difficultés de recrutement concernent-elles d'abord les métiers qui requièrent le plus de compétences ? Concernent-elles moins les militaires sans qualification ? Les difficultés tiennent-elles plus spécifiquement à la problématique de la rémunération ?
Mme Marie-Claire Carrère-Gée. - J'imagine que ces problématiques de recrutement diffèrent selon les armes et les niveaux de recrutement. Il faut attirer certaines personnes vers le monde militaire, y fidéliser d'autres personnes. Le développement de nouvelles politiques comme en matière de nucléaire civil, avec l'accroissement de notre capacité de production électrique d'origine nucléaire, provoque une concurrence sévère des entreprises privées, en tout cas en milieu de carrière professionnelle. Dans les domaines du nucléaire et du cyber, réfléchit-on à des solutions innovantes de recrutement latéral, à des partenariats avec des entreprises privées, ce qui permettrait des allers-retours entre secteurs public et privé aux différentes étapes d'une carrière ? Les mesures de fidélisation actuelles, telles que le déroulement de carrière, demeurent extrêmement classiques et je crains qu'elles ne suffisent pas.
M. Michel Canévet. - Les travaux du rapporteur spécial montrent que depuis trois ans, alors qu'on prévoit des augmentations d'effectifs, on aboutit finalement en exécution à leur réduction assez significative. Cette situation ne risque-t-elle pas d'entamer l'opérationnalité de nos forces armées ? Des armes connaissent-elles d'ailleurs davantage de problèmes de recrutement que d'autres ? Récemment, dans une foire-exposition bretonne, j'ai vu que des militaires étaient présents pour promouvoir les métiers proposés au sein de l'armée.
Sous l'angle des moyens matériels de nos armées et de leur opérationnalité, la situation s'est-elle améliorée avec les moyens supplémentaires qui ont été alloués à leur maintenance ? Je pense en particulier aux avions et aux hélicoptères de la Marine nationale.
M. Rémi Féraud. - Est-il possible d'objectiver le soutien militaire que la France apporte à l'Ukraine ? D'un côté, on entend que la France compte au rang des pays occidentaux qui soutiennent le moins l'Ukraine ; de l'autre - par exemple dans un rapport de l'Assemblée nationale -, des analyses communiquent des sommes significatives. Tout ne repose certes pas sur le budget de la défense - et des difficultés existent également quant à l'approvisionnement en matériel -, mais le ministre Lecornu a récemment annoncé 200 millions d'euros d'aide supplémentaire à l'Ukraine.
M. Dominique de Legge, rapporteur spécial. - Nombre de vos questions portent sur les enjeux de ressources humaines. Des secteurs sont-ils plus en tension que d'autres ? C'est bien évidemment le cas de ceux qui ont trait au cyber, au nucléaire. S'ils n'ont pas les mêmes finalités, le nucléaire civil et le nucléaire militaire recourent aux mêmes cursus de formation et le premier a tendance à tarir la ressource disponible.
En outre, les militaires nous apprennent que la crise du covid-19 les a quelque peu coupés de la jeunesse pendant dix-huit mois. A également été mentionnée la question de l'accès à internet qui n'est nullement anecdotique. Dans les casernements, les jeunes gens sont friands de moyens modernes de communication. Le plan Famille mis en place par le ministère tente d'apporter une réponse. Une difficulté demeure cependant : des militaires engagés dans certaines opérations, ou lors de simples exercices, ne peuvent accéder à internet ni communiquer, non pas tant pour des motifs techniques que pour des raisons de sécurité. C'est par exemple le cas des sous-mariniers.
Au demeurant, les rémunérations ne sont pas forcément à hauteur des attentes.
La difficulté consiste à avoir un solde positif. À partir des années 2000 et jusqu'à 2015, nous étions entrés dans une logique de réduction des effectifs. La remontée en puissance s'effectue à présent d'autant plus difficilement que nous peinons à fidéliser nos personnels. Nos militaires ne vont plus systématiquement jusqu'au terme du contrat qu'ils ont passé avec les armées. La prime de lien au service (PLS) s'efforce, avec un modeste succès, de les y inciter. Une disposition de la LPM prévoit que, si les effectifs ne sont pas atteints, la ligne budgétaire prévue au titre des dépenses de personnels soit maintenue afin de permettre au ministère de financer des mesures salariales.
Je n'en partage pas moins vos réflexions qui font souvent écho à vos contacts sur le terrain : c'est ici un point de vigilance, pour ne pas dire de faiblesse.
Nous disposons de chiffres précis sur le coût pour les armées du soutien l'Ukraine. Il est évalué à 368 millions d'euros au titre de l'année 2023. Ce montant se répartit dans le budget du ministère des armées entre le programme 146 « Équipement des forces », à hauteur de 176 millions d'euros, et le programme 178 « Préparation et emploi des forces », pour 192 millions d'euros. S'ajoute le fonds de soutien à l'Ukraine, qui permet aux Ukrainiens d'acquérir du matériel, si possible français. Il est doté initialement de 200 millions d'euros et appelé à être renforcé de 200 millions d'euros. Ces montants n'incluent cependant pas les surcoûts engendrés par le déploiement de nos armées sur le flanc Est de l'Otan.
L'opération Sentinelle mobilisait 3 000 militaires, avant que ce total ne soit récemment porté à 7 000 personnes. Ce renforcement lié au contexte sécuritaire actuel n'aura que peu d'incidences sur l'exécution 2023, mais elle risque de peser plus sur celle de 2024.
En lien avec l'observation de Marc Laménie, j'attire votre attention sur le fait que l'article 23 undecies du projet de loi de finances pour 2024 assouplit les conditions dans lesquelles le ministère des Armées peut céder son patrimoine à titre gratuit aux collectivités territoriales. Toutefois, ce patrimoine s'avère souvent en mauvais état.
La mise en place de contrats dits « verticalisés » a amélioré le maintien en condition opérationnelle (MCO) du matériel. Cependant, en ayant moins de Rafale, on dispose aussi de moins de possibilités pour s'entraîner. On emploie alors plutôt les matériels et les effectifs formés disponibles en opération qu'à l'entraînement et à la préparation. Nous avons pour ces raisons une vraie difficulté à maintenir une disponibilité des matériels satisfaisante. S'agissant en particulier du parc de Rafale, nous devrions être revenus à niveau à partir de 2027.
La commission décide de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission « Défense ».
La réunion est close à 12 h 20.
Compte rendu de la Conférence interparlementaire prévue à l'article 13 du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) au sein de l'Union économique et monétaire, des 26 et 27 octobre 2023 à Madrid
M. Claude Raynal, président. - Les 26 et 27 octobre derniers se tenait la conférence interparlementaire semestrielle, appelée « conférence de l'article 13 » du traité sur la stabilité, la coordination et gouvernance au sein de l'Union économique et monétaire (TSCG). Traditionnellement organisée en octobre par la présidence du Conseil de l'Union européenne, cette conférence a cette année eu lieu à Madrid, au sein du Sénat espagnol. La commission des finances y a participé sous la forme d'une délégation composée du rapporteur général Jean-François Husson, de notre collègue Michel Canévet et de moi-même.
Pour rappel, ces conférences semestrielles visent à permettre aux parlements nationaux d'exercer un contrôle sur l'application des règles de gouvernance budgétaire et financière de l'Union européenne. Elles réunissent des délégations de parlementaires issus des parlements nationaux et du Parlement européen ainsi que des représentants des institutions européennes et des experts extérieurs.
Le programme de la session d'octobre était construit autour de deux journées de travail. Les conférences du jeudi portaient sur la réforme des règles budgétaires européennes et les conférences du vendredi sur l'Europe sociale et l'autonomie stratégique ouverte.
Sur la forme, comme c'est le propre de ce type d'évènements, les échanges peuvent se trouver limités, notamment par des interventions en « silos ».
Sur le fond, ces réunions sont l'occasion pour nous de « prendre la température » des débats européens et de mieux appréhender les préoccupations de nos partenaires européens.
Les deux premières séances ont porté sur la réforme de la gouvernance économique de l'Union européenne, actuellement en cours de discussion.
Les échanges ont été nourris lors de ces deux sessions. Ainsi, lors de son intervention, la présidente de la commission des affaires économiques et monétaires du Parlement européen a appelé à une pérennisation du mécanisme de relance Next Generation EU sous la forme d'une capacité budgétaire européenne permanente. Cette proposition a reçu le soutien de plusieurs eurodéputés et de parlementaires espagnols, portugais et italiens. Toutefois, une députée allemande du Bundestag a rappelé l'importance du niveau de dette des pays de l'Union européenne et de l'exigence de redevabilité que les responsables européens ont vis-à-vis des citoyens. Elle a également souligné que les règles constitutionnelles allemandes proscrivaient tout engagement financier de cette nature sans accord du Parlement. Comme je l'avais indiqué à l'occasion de l'examen par notre commission de l'évaluation du prélèvement sur recettes au profit de l'UE, il est toujours intéressant de constater que les parlementaires des deux principaux partis allemands, la CDU comme le SPD, tiennent un discours similaire sur les questions européennes à l'étranger, et ne se montrent pas très favorables à une dette européenne.
Des parlementaires des États membres situés aux frontières de l'Union - États baltes, Finlande, Grèce et Roumanie - se sont prononcés au cours des deux sessions pour que les dépenses militaires ne soient pas comptabilisées pour le calcul de la norme de dépenses.
Le rapporteur général et moi-même sommes intervenus au cours de ces deux séances afin de présenter nos positions respectives sur cette réforme.
Quoiqu'il en soit, l'ensemble des intervenants s'est accordé sur l'importance pour les parlements nationaux d'exercer un contrôle sur les trajectoires nationales de dépenses et les programmes de réformes présentés par leurs gouvernements respectifs.
La troisième séance a été l'occasion d'aborder la gouvernance économique sous l'angle de l'Europe sociale. En introduction de cette séance, le secrétaire général pour le défi démographique du gouvernement espagnol, M. Boya Alós, a souligné la difficulté à assurer une gouvernance des transitions simultanées. Le secrétaire général a notamment insisté sur la conciliation entre le maintien d'une politique de protection sociale et de soutien au capital humain dans le cadre d'une transition écologique juste. Cette intervention a été suivie par une prise de parole de M. Vandenbroucke, député belge, qui a évoqué le programme de travail de la présidence belge du Conseil de l'Union européenne. Des membres des délégations espagnole et portugaise ont ensuite souligné le rôle des droits sociaux et de l'éducation dans les transitions démocratiques conduites par ces deux pays.
Notre collègue Michel Canévet est intervenu pour rappeler l'importance d'une portabilité des droits sociaux dans un contexte de mobilité européenne.
La quatrième et dernière séance a permis de débattre de la notion d'autonomie stratégique européenne. L'introduction du secrétaire d'État espagnol à l'économie, M. Garcia Andrés, a rappelé les tensions pesant sur le système multilatéral, notamment les poussées protectionnistes de certains États. Des parlementaires de plusieurs États membres et du Parlement européen ont exprimé le souhait de voir émerger une véritable industrie de défense à l'échelle de l'Europe. Les contraintes d'approvisionnement énergétique de certains États membres, Malte, le Portugal et Chypre, ont également été abordées.
Michel Canévet est intervenu une deuxième fois pour souligner la nécessité d'une économie circulaire accrue et de la défense d'une souveraineté alimentaire européenne.
Si les thèmes de la deuxième journée étaient importants, les questions liées à la gouvernance économique et à la nécessité de trouver un accord entre les pays ont particulièrement capté l'attention. Nous sommes malheureusement sortis de cette conférence sans avoir de certitudes quant à la sortie éventuelle des règles en vigueur concernant, par exemple, le plafond de déficit public à 3 % du PIB.
M. Jean-François Rapin. - Je note également l'incompatibilité qui prévaut souvent dans ces réunions entre les visions respectives des différents États membres de l'Union européenne sur la question de la dette et, par suite, sur le pacte de stabilité. Les Allemands me semblent notamment souhaiter revenir le plus vite possible à la version précédente du pacte.
Je me propose d'avancer sur ces questions avec la commission des affaires européennes. Sans doute conviendrons-nous d'un ou plusieurs rendez-vous entre cette commission et celle des finances, afin d'élaborer des propositions françaises dignes du Sénat.
Projet de loi de finances de fin de gestion pour 2023 - Désignation des candidats pour faire partie de l'éventuelle commission mixte paritaire
La commission soumet au Sénat la nomination de M. Claude Raynal, M. Jean-François Husson, Mme Christine Lavarde, M. Stéphane Sautarel, M. Vincent Delahaye, M. Thierry Cozic et M. Didier Rambaud comme membres titulaires, et de Mme Marie-Claire Carrère-Gée, Mme Marie-Carole Ciuntu, M. Vincent Capo-Canellas, Mme Isabelle Briquet, M. Pascal Savoldelli, M. Emmanuel Capus et M. Thomas Dossus comme membres suppléants de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de finances de fin de gestion pour 2023.
Proposition de loi organique visant à rétablir la réserve parlementaire en faveur des communes rurales et des associations - Désignation d'un rapporteur
La commission désigne M. Vincent Capo-Canellas rapporteur sur la proposition de loi organique n° 33 (2023-2024) présentée par M. Hervé Maurey et plusieurs de ses collègues.
La réunion est close à 12 h 20.