Mercredi 11 octobre 2023
- Présidence de M. Claude Raynal, président -
La réunion est ouverte à 9 h 30.
Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 (nouvelle lecture) - Examen du rapport et du texte de la commission
M. Claude Raynal, président. - Je vous prie d'excuser le changement d'horaire de cette réunion. En effet, nous avons considéré, compte tenu de l'actualité, qu'il était de notre devoir d'assister à l'entretien de l'ambassadeur d'Israël avec le groupe d'amitié France-Israël.
Nous examinons, ce matin, en nouvelle lecture, le projet de loi de programmation des finances publiques (LPFP) pour les années 2023 à 2027. Quasiment un an s'est écoulé depuis l'examen du texte en première lecture. Nous examinons donc de nouveau le texte à la suite de l'échec de la commission mixte paritaire (CMP) en décembre 2022 et de son examen en nouvelle lecture à l'Assemblée nationale, qui a conduit le Gouvernement au recours à l'article 49, alinéa 3 de la Constitution.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Le texte que nous examinons a eu un parcours peu commun : l'Assemblée nationale l'a rejeté en première lecture il y a un an, puis le Sénat l'a adopté en novembre dernier, en prévoyant une trajectoire de rétablissement des finances publiques plus ambitieuse que celle qui était proposée par le Gouvernement. La commission mixte paritaire a échoué à parvenir à un accord le 15 décembre dernier.
Le texte est ensuite entré dans une sorte de sommeil : le Gouvernement, qui expliquait pourtant qu'il était essentiel et urgent, n'a fait aucune proposition pour tenter de trouver un compromis.
C'est seulement à la fin du mois de septembre dernier, soit neuf mois plus tard, que le Gouvernement a demandé à l'Assemblée nationale de se prononcer en nouvelle lecture. Or elle n'a pas véritablement eu le temps de le faire, puisque le Gouvernement a rapidement mis un terme aux débats en engageant sa responsabilité pour faire adopter le texte sans vote, en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution. Il est vrai que le mois de septembre correspondait à une période de session extraordinaire, propice à l'emploi de cette procédure.
Le Gouvernement, court-circuitant ainsi les débats devant l'Assemblée nationale, a imposé un texte qui ne me paraît pas plus satisfaisant qu'en première lecture. Je commencerai par ce qui est le fondement même d'une loi de programmation des finances publiques, à savoir les hypothèses macroéconomiques et la trajectoire affichée de finances publiques.
Les prévisions macroéconomiques sur lesquelles est assise la trajectoire du Gouvernement paraissent toujours trop optimistes. Pour la seule année 2024, je rappelle que la prévision de croissance du Gouvernement est de 1,4 %, contre 0,9 % du côté de la Banque de France et 0,8 % pour le consensus des économistes. Le Gouvernement suppose ainsi que le durcissement de la politique monétaire a produit l'essentiel de ses effets, ce qui n'a rien d'évident au regard de la récente hausse des taux. Pour la période 2025 à 2027, les prévisions reposent sur une combinaison d'hypothèses toutes favorables : investissement élevé des entreprises, contribution positive du commerce extérieur, retour du taux d'épargne à son niveau d'avant-crise et, en conséquence, dynamisme de la consommation des ménages. Si une seule de ces hypothèses ne se matérialisait pas, ce qui est fort probable, la croissance prévue serait moins forte et le déficit plus élevé.
L'actualité internationale récente, notamment au Proche-Orient, et la hausse du prix du baril qui en découle nous indiquent pourtant encore une fois à quel point, en matière de prévisions économiques, la prudence est bonne conseillère. À l'inverse, un optimisme excessif est de nature à fragiliser la trajectoire de finances publiques proposée. Tout laisse à penser que la croissance pourrait être plus faible et le niveau de recettes par conséquent moins élevé. Un scénario plus réaliste requerrait ainsi des mesures d'économies plus substantielles pour atteindre les cibles de déficit envisagées.
Au-delà même du manque de crédibilité du scénario gouvernemental, les objectifs de dépenses, de déficit et d'efforts prévus aux articles 2 à 4 paraissent encore en-deçà de ce qui serait nécessaire pour rétablir nos comptes. Certes, la cible est légèrement plus ambitieuse que l'an dernier, avec un déficit de 2,7 points du PIB prévu pour 2027, contre 2,9 dans le texte initial, mais le seuil des 3 % ne serait pas atteint avant 2027. Nous serions ainsi le plus mauvais élève de l'Europe et nous risquerions une procédure de déficit excessif.
Le Gouvernement, dans son texte considéré comme adopté par l'Assemblée nationale, n'a tenu aucun compte du vote du Sénat en première lecture qui proposait de ramener le déficit à 3 % du PIB dès 2025. Il n'a pas non plus souhaité, comme nous l'avions voté, aligner l'effort de redressement de l'État sur celui des collectivités territoriales, hors mesures exceptionnelles. Il est en substance revenu à son texte initial, ce que je déplore.
Par ailleurs, le texte qui nous est transmis en nouvelle lecture porte la marque d'une certaine improvisation. Les articles 12 et 17, qui fixent des plafonds de dépenses pour les missions du budget de l'État et pour les administrations de sécurité sociale, ont été affublés d'un alinéa supplémentaire, qui remet en cause, en réalité, les montants indiqués dans les alinéas qui précèdent. En effet, quelque 6 milliards d'euros d'économies seraient obtenus en 2025, 2026 et 2027 sur chacune des deux catégories d'administrations publiques ; or rien n'est dit sur l'origine de ces économies, ni sur leur caractère cumulatif. Le Gouvernement inscrit ces économies théoriques en loi de programmation tout en déposant des textes financiers pour 2024 qui voient la dépense publique progresser encore de 2,2 % hors mesures de crise : il ne tient pas les engagements qu'il se propose lui-même de prendre. Il est en particulier douteux que tant d'économies puissent découler des « revues de dépense », qui n'ont été que peu productives cette année, malgré l'importante communication faite par le Gouvernement à leur sujet.
J'en viens plus précisément au texte qui nous est soumis et aux amendements que je vous présenterai.
27 articles restaient en discussion à l'issue de la première lecture. Dans le texte considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, 7 articles n'ont pas été modifiés et ne sont donc plus en discussion. L'article 23, supprimé par le Sénat - je rappelle qu'il prévoyait l'instauration d'un mécanisme de contrôle et de sanction des collectivités territoriales - n'a pas été réintroduit, ce dont je me félicite. Il nous reste à discuter 19 articles.
Comme en première lecture et afin de me montrer le plus constructif possible, je ne proposerai pas le rejet du texte. Au contraire, je souhaite rappeler que le Sénat prend ses responsabilités et toute sa part dans la construction d'une trajectoire solide de nos finances publiques. Les amendements que je vous propose définissent ce que je crois être la bonne trajectoire, réaliste et ambitieuse, de nos finances publiques pour les années à venir, la même que celle que le Sénat a adoptée sur ce texte l'année dernière.
Ainsi, les amendements aux articles 2, 3 et 4 prévoient une diminution moyenne annuelle en volume de 0,5 % des dépenses des administrations centrales, hors charge de la dette et hors coût des mesures engagées pour faire face aux crises sanitaire, économique et énergétique. Ainsi, l'effort de redressement pour l'État serait réel plutôt qu'essentiellement porté par la disparition progressive des mesures de crise. En outre, cet effort serait équivalent à celui que le texte qui nous est soumis prévoit pour les administrations locales, favorisant ainsi un parallélisme des objectifs. Il permettrait enfin de franchir le seuil d'un déficit inférieur à 3 % du PIB dès 2025.
Outre cette trajectoire, je vous proposerai, tout en conservant, quand il y en a, des ajouts utiles de l'Assemblée, de revenir à des dispositions votées par le Sénat en première lecture et qui ont été supprimées du texte qui nous est transmis en nouvelle lecture.
Ainsi, à l'article 10, le Sénat avait prévu une diminution de 5 % du taux d'emploi de l'État et de ses opérateurs : je vous proposerai, dans la lignée de la disposition élaborée par Mme Paoli-Gagin, de réintroduire cet objectif, car il n'y aura pas de rétablissement des finances publiques sans une meilleure maîtrise des dépenses de personnel, qui représentent un tiers des dépenses du budget général. Je constate d'ailleurs que, tout en prévoyant une stabilité des effectifs dans la LPFP, le Gouvernement a inscrit dans le projet de loi de finances pour 2024 la création de 8 200 emplois publics supplémentaires !
Je vous proposerai également de revenir au texte du Sénat sur l'encadrement des dispositifs d'aide aux entreprises à l'article 15, car le texte de l'Assemblée nationale, comme celui qui nous avait été soumis en première lecture, est ambigu et difficilement applicable en l'état.
De même à l'article 19, le Sénat avait prévu que la mise en réserve de 0,3 % du montant de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) s'appliquerait uniformément à chacun de ses sous-objectifs, afin que l'hôpital cesse de subir les conséquences des dépassements de l'Ondam de ville. Je vous proposerai de rétablir cette mesure.
Il convient enfin de mieux préciser, à l'article 21 - comme le Sénat l'avait fait en première lecture -, les documents et données produits lors des évaluations de l'efficacité de l'action publique et des dépenses publiques. Il est sur ce point regrettable que le premier rapport remis par le Gouvernement, en juillet dernier, soit si sommaire et se contente de quelques propositions très générales et non chiffrées.
Compte tenu de ces amendements et sous réserve de ceux que la commission pourrait être amenée à adopter, je vous proposerai d'adopter le texte ainsi modifié afin de faire porter une nouvelle fois la voix de la commission des finances - et plus largement du Sénat - sur un texte qui mérite d'être discuté et amélioré pour lui-même. En effet, le Gouvernement insiste sur la nécessité d'adopter cette loi de programmation pour bénéficier des versements de la Commission européenne pour le plan de relance, comme si le contenu du texte n'avait guère d'importance, mais que seule comptait son adoption formelle : face à cette invitation qui ressemble à une injonction, je crois, pour ma part, que, à la veille de la cinquantième année consécutive de déficit budgétaire pour l'État français, il faut surtout adopter un texte qui trace une véritable perspective pour le rétablissement des finances publiques et qui préserve les marges de manoeuvre dont nous aurons besoin pour financer la transition écologique, les mutations économiques, la préservation de notre modèle social et pour faire face à toutes les crises que notre pays ne manquera pas de rencontrer à l'avenir.
M. Marc Laménie. - L'article 3 présente des tableaux très techniques qui portent sur l'ensemble des administrations publiques, qu'elles soient centrales, locales ou qu'elles concernent la sécurité sociale. Quelles sont les perspectives d'évolution, dans la période allant de 2023 à 2027, pour ce qui est de la répartition entre les trois catégories d'administrations publiques ?
Parmi les recettes de l'État, il y a d'abord la TVA, puis l'impôt sur le revenu. Comment peut-on envisager l'évolution de ces recettes ?
M. Thomas Dossus. - Pour reprendre l'analyse que nous en faisions déjà en première lecture, ce texte permet de regarder l'avenir avec des lunettes comptables, qui donnent à voir une réalité alternative ignorant le mur d'investissement qui se dresse devant nous et le besoin de recettes supplémentaires pour y faire face.
La météo nous rappelle que la trajectoire à suivre en matière de transition écologique se caractérise par son urgence. Or, les capacités d'investissement n'y sont pas, alors même que l'on a planifié les foyers d'investissement possibles pour mettre en place des mesures d'adaptation au changement climatique. On se heurte ainsi à une contradiction entre le comptable et le réel. Nos amendements viseront à coordonner ces deux visions. En effet, plus on attend pour investir dans la transition écologique, plus cela coûtera cher, de sorte que la dette climatique pèsera de plus en plus lourd.
De plus, nous ne participerons pas au désarmement fiscal des collectivités, qui se poursuit avec la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE).
Nous ne partageons pas l'analyse du rapporteur général sur la nécessité de diminuer le nombre d'emplois des opérateurs de l'État. En effet, il faudra un certain nombre d'agents pour aider les collectivités à investir dans la transition écologique.
Enfin l'étude sur les fractures françaises, publiée hier, montre une France crispée sur son avenir. Je considère que ce texte ne contribue en rien à améliorer la situation, dès lors qu'il ne porte aucun espoir en matière de financement de la transition écologique.
Mme Sylvie Vermeillet. - J'approuve la trajectoire vertueuse présentée par le rapporteur général en matière de dépenses et je souscris à la proposition de ma collègue Vanina Paoli-Gagin concernant la réduction du personnel.
Il est toujours difficile de réduire le nombre de postes au sein des ministères, car on a besoin de toujours plus d'effectifs, que ce soit dans l'éducation nationale, la police, la gendarmerie ou la santé. En revanche, quelque 1 300 agences gèrent des services de l'État, grâce à des effectifs que l'on maîtrise très mal. Peut-être faudrait-il se concentrer sur ces agences ?
M. Didier Rambaud. - Je prends acte de la volonté du rapporteur général de voter ce projet de loi de programmation des finances publiques. Il s'agit là d'un instrument financier faisant office de thermomètre. Créé lors de la réforme constitutionnelle de 2008 sous la présidence de Nicolas Sarkozy, il a été utilisé en 2012 sous la présidence de François Hollande. S'il peut y avoir des divergences sur la manière de faire baisser la température, la nécessité de ce thermomètre fait consensus.
Le vote de ce texte met en jeu notre crédibilité à l'échelle européenne. En effet, si nous ne le votions pas, nous serions le seul pays européen à faire ce choix. En outre, nous serions capables de voter des lois de programmation sur des sujets régaliens comme la défense ou la justice, voire la recherche, mais pas sur les finances publiques...
Les versements européens représentent 18 milliards d'euros. J'invite ceux qui ne souhaitent pas voter cette loi à nous présenter les économies qu'ils feront à due concurrence.
M. Stéphane Sautarel. - Pour reprendre la métaphore de mon collègue, la graduation du thermomètre pose problème. Les hypothèses semblent souvent très optimistes, ce qui laisse à penser que l'on a surtout voulu rendre une copie plutôt que de travailler sur son contenu.
Il me semble tout à fait souhaitable d'aboutir à un texte équilibré, qui reprenne les analyses que nous avions faites l'an dernier.
Dans la trajectoire proposée, les ambitions de réduction de la dette publique semblent limitées, puisque la réduction ne serait que de 3,7 points sur la période. L'objectif est également décalé par rapport à ceux de nos voisins européens. Pourrait-on améliorer ces points ?
M. Christian Bilhac. - Après cinquante ans de déficit budgétaire, nous commençons à avoir de l'expérience. Toutefois, une année supplémentaire de déficit creusera d'autant plus la dette, de sorte que celle-ci risque de devenir le premier poste de dépense de l'État.
Vous suggérez de réduire la masse salariale, qui constitue en effet un gros poste de dépense. Toutefois, comment faire, alors que l'on constate un manque d'effectifs pour assurer les missions régaliennes de l'État ? Comment nier qu'il faudrait davantage de personnel pour éviter que la justice ne dysfonctionne ? Comment nier qu'il faudrait davantage d'enseignants quand on voit le déclin de la France en matière d'éducation ? Il en est de même en matière de santé.
Plutôt que de réduire, il s'agit de rationaliser. Ainsi, à l'hôpital de Montpellier, il y aura bientôt davantage de monde dans les bâtiments administratifs que dans les blocs opératoires ou dans les chambres pour soigner les patients. Je le dis tout net, il faut tailler dans tous ces organismes inutiles qui ne servent qu'à produire du papier !
Les Français ont besoin de fonctionnaires et demandent davantage de services publics. Toutefois, la création des agences régionales de santé (ARS) a-t-elle amélioré l'état de la santé en France ou la situation dans les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) ? Pourquoi ne pas les supprimer, puisqu'elles ne servent à rien ? Il en est de même pour les directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (Dreal) : demandez aux maires à quoi elles servent ! À rien, vous répondront-ils. Qu'on les supprime donc ! Il faut avoir le courage de couper tous ces organismes, qui plombent le budget de l'État.
Mme Christine Lavarde. - Merci au rapporteur général de nous proposer une copie un peu plus ambitieuse que le texte du Gouvernement pour l'avenir de notre pays.
L'article 16 encadre les dépenses de fonctionnement des collectivités locales. Le dispositif de sanction prévu dans la première version du projet de loi a heureusement été supprimé, mais l'article prévoit néanmoins que les collectivités devront indiquer comment elles tiendront leur objectif de dépense. Dans l'exposé des motifs de l'amendement du groupe Renaissance, qui a abouti à la réécriture de l'article 16, il est mentionné qu'ont été retirées de l'enveloppe les dépenses non pilotables des départements, mais pas celles des autres strates de collectivités.
Or, dans les communes, les frais financiers, qui sont des dépenses obligatoires, augmentent de manière exponentielle. Les dépenses de personnel augmentent aussi, notamment à cause de la revalorisation du point d'indice, décidée par l'État. Enfin, en Île-de-France, il existe un certain nombre de taxes que la commune reçoit et redistribue : en contrepartie de l'augmentation des dépenses, il faudra une augmentation des recettes à l'euro près pour des montants qui peuvent être importants. Je présenterai un amendement qui vise à corriger cet effet, notamment en ce qui concerne la taxe de séjour ou le fonds de compensation des charges transférées (FCCT), dans le périmètre de la métropole du Grand-Paris.
Plus largement, je m'interroge sur l'aspect opérationnel de cet article dès lors que des dépenses lourdes et dynamiques s'imposent aux communes.
M. Michel Canévet. - Je nourris comme mes collègues quelques inquiétudes quant à l'évolution de nos finances publiques, d'autant que les taux en pourcentage du PIB que privilégie le texte ne reflètent pas toujours l'inquiétante valse des milliards d'euros.
Ainsi, dès 2025, le premier poste de dépense de l'État concernera ses engagements financiers, qui vont croître de manière importante. Comment maîtriser l'évolution de ce poste pour éviter qu'il ne désagrège encore davantage nos finances publiques ?
Dans les collectivités locales, on nourrit une certaine insatisfaction quant au fonctionnement du fonds de compensation de la TVA. Certaines d'entre elles peuvent en bénéficier l'année même de l'investissement, mais un grand nombre d'entre elles doivent attendre une année, voire deux, pour l'obtenir, ce qui est incompréhensible à l'heure de la numérisation.
Il serait donc logique de présenter un amendement visant à rétablir un régime de TVA identique pour toutes les collectivités, qui soit au plus proche de la réalité. Il trouverait parfaitement sa place dans le cadre de cette loi de programmation des finances publiques, dans la mesure où l'effort consacré l'année où l'on anticipe le versement de la TVA pourra être compensé par des versements moindres les années suivantes.
M. Pascal Savoldelli. - Le ministre Bruno Le Maire a mentionné un décaissement des aides européennes, en deux versements de 10,3 milliards d'euros et 7,5 milliards d'euros, que nous devrions recevoir à la fin de 2023 et à la fin de 2024. A-t-on des informations fiables sur ces versements ?
En outre, la perception des versements européens est-elle réellement conditionnée à l'adoption de la loi de programmation, comme le dit le Gouvernement ?
M. Éric Bocquet. - Le rapporteur général évoque une réduction de 5 % du taux de l'emploi de l'État : dans quels secteurs interviendra-t-elle ? Quel montant d'économies cela représenterait-il sur les cinq années de la loi de programmation des finances publiques ? S'agit-il de mettre l'État « au pain sec », pour reprendre la formule employée par Bruno Retailleau, il y a quelque temps ?
Le rapporteur général a rappelé qu'il s'agissait du quarante-neuvième budget en déficit de l'histoire de ce pays. La dette continuera donc d'augmenter et le Gouvernement prévoit d'emprunter l'an prochain 285 milliards d'euros, montant inédit jusqu'alors. Comment expliquer cette situation paradoxale ?
M. Rémi Féraud. - Je constate que le Gouvernement fait des efforts pour satisfaire la majorité sénatoriale sans en être récompensé.
Nous sommes tous inquiets face à la situation des finances publiques, mais mieux vaudrait éviter les faux semblants et les facilités. L'État ne peut pas faire peser tous les efforts, en matière de réduction des dépenses, sur les collectivités locales, sans tenir compte des dépenses obligatoires qu'elles engagent elles-mêmes. On peut afficher un taux de réduction des dépenses de 0,5 %, mais il n'engage que ceux qui y croient.
En outre, vous prévoyez une réduction de 5 % du taux d'emploi de l'État, mais il faudrait expliciter davantage - c'est sans doute ce que vous répondra le Gouvernement, à raison.
On ne peut pas se contenter d'aborder cette loi de programmation en ne considérant que les dépenses de l'État et pas les recettes.
Mme Vanina Paoli-Gagin. - Je salue la volonté du rapporteur général d'adopter une démarche constructive pour faire adopter ce projet de loi, en faisant valoir les propositions sénatoriales.
L'adoption de ce texte est un engagement européen qui conditionne la partie du plan de relance consacrée aux aides. Nous sommes impécunieux et nous tendons la sébile sur les marchés financiers. Cela sera pris en compte par nos prêteurs.
Quant à la réduction de 5 % du taux d'emploi de l'État, je considère qu'il est possible de diminuer les effectifs sans que ce soit dans les secteurs en souffrance : nous sommes moins bien notés que nos voisins dans les classements en matière d'éducation, et pourtant nous avons le taux record de dépense dans ce secteur au sein de l'Union européenne : où est l'erreur ? Il faudrait faire une revue précise des organismes où l'on peut se passer de fonctionnaires et se fixer un cadre pour la maîtrise des finances publiques. Il est important que les collectivités gardent leur libre administration.
M. Arnaud Bazin. - Il me semblait avoir compris qu'il y avait en effet une conditionnalité de l'octroi des aides au vote de ce texte. Toutefois, son rejet pourrait être une bonne affaire pour notre pays. On annonce, en effet, un montant d'aides au plan de relance qui s'élèverait à 18 milliards d'euros, mais l'Union européenne n'ayant pas progressé d'un iota sur la définition des ressources propres qui permettraient de rembourser ses emprunts, elle risque de se retourner vers les États pour le faire. La France devrait alors rembourser 40 milliards d'euros pour en avoir reçu 18 milliards.
M. Jean-François Rapin. - L'Union européenne n'a en effet pas progressé sur les ressources propres et n'est pas en voie de la faire.
En outre, au-delà du plan de relance, premier engagement de l'Union européenne, se pose la question de la maîtrise des dépenses standardisées, en lien direct avec l'actualité. Or, nous n'avons que très peu de visibilité sur la révision du cadre financier pluriannuel.
La recette est incertaine et la dépense reste non contrôlée par rapport à l'actualité.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Le sujet de la révision du cadre financier pluriannuel fait partie des questions que je poserai en séance ce soir à la secrétaire d'État chargée de l'Europe. Sur les ressources propres, rien n'est garanti.
Par ailleurs, le sujet de la conditionnalité des aides reste flou car les diverses déclarations à ce sujet ne sont pas cohérentes entre elles.
En tout état de cause, si l'on ne s'accorde pas sur l'idée de la nécessité du rétablissement de l'équilibre de nos finances publiques, nous avons du souci à nous faire... Les chiffres font de notre pays le cancre de l'Europe ; dans ces conditions, il sera difficile d'obtenir quelque soutien que ce soit. J'ajoute que, en tant que membre fondateur, la France a une responsabilité particulière. Nous nous sommes rendu compte, lors de notre séjour en Allemagne, à quel point le couple franco-allemand n'était plus aussi soudé que jadis ; c'est préoccupant.
Monsieur Laménie, selon les derniers chiffres dont nous disposons, le texte du Gouvernement prévoit, en moyenne annuelle et en volume sur la période 2024-2027, hors charge de la dette et hors dépenses exceptionnelles, que les dépenses des administrations centrales augmenteraient de 1,9 %, celles des collectivités territoriales diminueraient de 0,6 %, et celles des administrations de sécurité sociale augmenteraient de 0,9 %. Il s'agit donc de serrer la vis aux collectivités, qui sont pourtant les administrations publiques qui contribuent le moins au déficit public et qui continuent d'assurer la cohésion nationale. À cet égard, le Gouvernement doit changer de méthode et de discours. On a senti partout une crispation à ce sujet lors de la campagne sénatoriale et le Congrès des maires sera sans doute l'occasion de faire entendre cette voix.
Monsieur Dossus, la force de nos travaux réside dans le fait d'inscrire nos propositions de recettes et de dépenses dans un cadre comptable et budgétaire, mais également financier ; le principe de réalité s'impose à nous ! La France est dans le déni à cet égard, nous souffrons d'une addiction à la dépense publique et nous demandons toujours à l'État ou à d'autres de faire les efforts que nous ne voulons pas faire nous-mêmes. Le Sénat a toujours été constant sur la question des dépenses en faveur de l'environnement. Le modèle économique mondial évolue ; il faut faire preuve de volonté, voire d'audace, mais il faut aussi tenir compte de la réalité et de l'acceptation sociale des mesures envisagées. Inutile de vous rappeler à quoi a conduit la volonté du Gouvernement d'augmenter la taxe carbone : nous avons perdu sur toute la ligne, puisque cela n'a jamais été mis en oeuvre... Ainsi, à être trop brutal, on perd deux fois. Donc, faisons preuve de réalisme.
Quant à la baisse de 5 % des effectifs de l'État, il s'agit, je le répète, d'un objectif. Par ailleurs, monsieur Féraud, si le Gouvernement nous reproche de ne pas préciser quelles sont les administrations visées par cette mesure, on pourra lui rétorquer que sa diminution de 6 milliards d'euros n'est pas plus claire ; le flou à cet égard est non pas artistique, mais coupable. Je n'accepterai donc pas de leçon de réalisme en la matière. En revanche, nous indiquons bien que cela concerne tant les administrations d'État que les opérateurs. Il y a des besoins, certes, mais certaines diminutions d'effectifs dans les administrations furent liées à des transferts au sein de tel ou tel opérateur, sur lequel on n'a pas la main, s'agissant d'autorités administratives indépendantes. Il faut donc mettre fin à cette tendance et même supprimer certaines agences, afin de réduire les effectifs et de retrouver un lien entre la décision politique et sa traduction à l'échelon opérationnel.
Je prends acte des observations de M. Rambaud.
Monsieur Sautarel, vous posez la question de la réduction de la dette publique. Le Gouvernement propose un niveau d'endettement de 108 milliards d'euros en fin de période ; nous proposons 105,7 milliards. Le fait d'ouvrir en grand le robinet de la dépense publique, à cause du « quoi qu'il en coûte », coûte cher et pendant longtemps. Donc, pour en revenir, il faut du temps. Certains d'entre nous reprocheront de plaider pour une forme de rigueur, mais, si on ne le fait pas, la réalité nous imposera des efforts encore plus importants.
Madame Lavarde, votre remarque rejoint les travaux de l'Assemblée des départements de France (ADF) et l'amendement déposé par Arnaud Bazin. Je vous propose que l'on y retravaille afin d'affiner le dispositif envisagé. La revalorisation du point d'indice s'impose à tout le monde et nous ne demandons pas de retraitement spécifique, mais il est vrai que cela a un impact important pour les collectivités. Il faut donc distinguer entre ce que les collectivités peuvent assumer et ce qui doit être pris en compte par un éventuel dispositif de compensation.
Monsieur Canévet, la meilleure manière de réduire le risque que les taux font peser sur le remboursement de la dette, c'est de maîtriser mieux notre déficit. C'est aussi pour cela qu'il faut être responsable, car une dette financière et une dette climatique, cela fait beaucoup... Sans doute, on ne pourra pas tout faire d'un coup, mais il faut s'y atteler.
Par ailleurs, je comprends votre remarque sur le FCTVA, mais le fait de devoir assumer un double paiement peut poser un problème budgétaire pour l'Etat.
Monsieur Savoldelli, les versements européens représentent bien 18 milliards d'euros.
Monsieur Bocquet, j'ai répondu sur les effectifs, cela concerne bien la fonction publique et les opérateurs.
Vous nous alertez par ailleurs sur le montant important de dette et sur l'emprunt nécessaire pour y faire face. Je vous rappelle que nous étions dans une configuration analogue en 2021 et que le ministre de l'économie et des finances m'avait alors expliqué qu'il était risible de parler de mur de la dette et qu'il était au contraire intelligent d'emprunter à des taux négatifs. Aujourd'hui, la situation a changé : les montants sont plus élevés et les conditions de financement se sont grandement détériorées.
Monsieur Féraud, nous ne donnons pas dans les faux-semblants. Simplement, nous pouvons avoir des désaccords sur la manière de faire ; pour notre part, nous pensons qu'il faut d'abord réduire certaines dépenses, ce qui paraît frappé au coin du bon sens. Vouloir diminuer les effectifs de 5 % me paraît moins contraire à l'intérêt général, car la cible est large, que de proposer, comme l'avait fait un gouvernement que vous souteniez, un rabot général sans distinction.
Monsieur Bocquet, la réduction des effectifs de 5 % d'ici à 2027 représenterait environ 100 000 équivalents temps plein (ETP) et une économie à terme de 3 milliards d'euros par an.
M. Claude Raynal, président. - Mes chers collègues, je vais vous envoyer prochainement ce dont nous disposons sur les liens entre l'adoption du projet de loi et le plan de relance et de résilience. Je vous transmettrai un courrier adressé par le ministre au rapporteur général du budget de l'Assemblée nationale. Je retiens notamment de cette missive un paragraphe - j'insiste sur le choix des modes et des temps retenus : « Ainsi, la non-adoption du projet de loi de programmation des finances publiques non seulement pourrait bloquer les versements de l'Union européenne attendus, mais risquerait également de bloquer la suite de l'exécution du plan français et les versements associés. ».
Nous lui avons donc demandé de lever les doutes et d'être plus affirmatif. Nous attendons sa réponse. Nous avons également les éléments de la Commission européenne et les « jalons » prévus pour le versement des aides.
EXAMEN DES ARTICLES
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - J'émets un avis défavorable sur l'amendement COM-1, qui prévoit un engagement de l'État à hauteur de 14 milliards d'euros en faveur de la rénovation énergétique d'ici à 2030. L'amendement, qui dans son application concrète serait coûteux, manque de précision et n'est pas assez contraignant pour le Gouvernement.
L'amendement COM-1 n'est pas adopté.
L'article 1er est adopté sans modification.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Mes amendements COM-15, COM-16 et COM-17 tirent les conséquences de la trajectoire que nous proposons d'adopter et qui diffère de celle qui a été définie par l'Assemblée nationale.
L'amendement COM-15 est adopté.
L'article 2 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 3
L'amendement COM-16 est adopté.
L'article 3 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 4
L'amendement COM-17 est adopté.
L'article 4 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 6
L'article 6 est adopté sans modification.
Article 7
L'article 7 est adopté sans modification.
Article 8
L'amendement de coordination COM-18 est adopté.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Mon amendement COM-19 fixe au 1er avril la date de la transmission du rapport annuel sur les taxes affectées non plafonnées, afin qu'il puisse servir aux commissions concernées.
L'amendement COM-19 est adopté.
L'article 8 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Monsieur Dossus, je vous propose de retirer votre amendement COM-2 pour le redéposer en séance publique. Cet amendement s'inscrit dans le droit fil d'un amendement de notre ancien collègue Daniel Breuiller, que le Sénat avait adopté, mais, entre-temps, l'Assemblée nationale a modifié le texte et nous ne savons pas quelle est la position du Gouvernement à ce sujet. Si vous le redéposez en séance, nous pourrons interroger le ministre sur ses objectifs et la chronologie qu'il envisage. A priori cela permettrait de soutenir l'amendement.
L'amendement COM-2 est retiré.
L'article 8 bis est adopté sans modification.
Article 9
L'article 9 est adopté sans modification.
Article 10
L'amendement COM-3 n'est pas adopté.
Les amendements identiques COM-10 rectifié et COM-20 sont adoptés.
L'article 10 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Je suis défavorable à l'amendement COM-4. Le financement de la transition écologique ne doit pas porter sur la seule mission « Écologie, développement et mobilité durables ».
L'amendement COM-4 n'est pas adopté.
L'article 12 est adopté sans modification.
Article 13
L'amendement COM-9 n'est pas adopté.
L'article 13 est adopté sans modification.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Je suis défavorable aux amendements COM-6, COM-5 et COM-7. Il s'agit du dispositif visant à réduire l'impact environnemental du budget de l'État. Si nous remettons tout en cause, nous ferons plus de dégâts que de progrès...
L'amendement COM-6 n'est pas adopté, non plus que les amendements COM-5 et COM-7.
L'article 14 est adopté sans modification.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Mon amendement COM-21 vise à clarifier la portée de l'article 15, en le limitant aux dispositifs d'aide aux entreprises instaurés par l'État. Il s'agit de faire respecter le principe de libre administration des collectivités territoriales.
L'amendement COM-21 est adopté.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Les amendements identiques COM-11 rectifié bis et COM-22 tendent à revenir au point d'équilibre adopté en première lecture au Sénat concernant en particulier la durée des aides aux entreprises. Certains plaidaient pour une durée de huit ans et nous nous étions prononcés pour cinq ans. Il s'agit donc de rétablir cette durée.
Les amendements identiques COM-11 rectifié bis et COM-22 sont adoptés.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Madame Paoli-Gagin, je vous propose de retirer l'amendement COM-12 rectifié bis et de le redéposer afin d'en débattre en séance et d'entendre le ministre sur ce point. Sur le fond, j'émettrais plutôt un avis favorable.
L'amendement COM-12 rectifié bis est retiré.
L'article 15 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Je suis défavorable à l'amendement COM-8, contraire à la position de la commission des finances et du Sénat en première lecture, qui prenait acte de l'objectif d'évolution des dépenses locales sous réserve d'un effort similaire de la part de l'État.
L'amendement COM-8 n'est pas adopté.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - J'ai évoqué précédemment les amendements COM-13 rectifié COM-14 rectifié. Leurs auteurs portent, par ce biais, la voix de l'ADF. Je leur propose néanmoins un retrait afin de débattre de cette question en séance, avec le ministre. En effet, il conviendrait d'apporter des précisions sur les dépenses considérées, entre ce qui doit relever d'un accord avec l'État et ce qui doit être protégé. Par ailleurs, les départements ne sont pas les seules collectivités concernées.
Les amendements COM-13 rectifié et COM-14 rectifié sont retirés.
L'article 16 est adopté sans modification.
Article 17
L'article 17 est adopté sans modification.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Je propose, au travers de mon amendement COM-23, de revenir à la rédaction initiale du texte, que nous avions du reste élaborée avec la commission des affaires sociales.
L'amendement COM-23 est adopté.
L'article 19 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 20
L'article 20 est adopté sans modification.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Mon amendement COM-24 vise notamment à rendre le rapport annuel sur l'efficacité de l'action publique et des dépenses publiques accessible au grand public dans un format exploitable en open data.
L'amendement COM-24 est adopté.
L'article 21 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
M. Claude Raynal, président. - Nous en avons terminé avec l'examen de ce texte. Les autres articles ont été adoptés conformes, je le rappelle.
Le projet de loi est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :
TABLEAU DES SORTS
Proposition de loi visant à associer les épargnants à la transmission des exploitations agricoles françaises - Désignation d'un rapporteur
La commission désigne M. Christian Klinger rapporteur sur la proposition de loi n° 920 (2022-2023) visant à associer les épargnants à la transmission des exploitations agricoles françaises présentée par Mme Vanina Paoli-Gagin.
La réunion est close à 10 h 30.