- Mardi 27 juin 2023
- Mercredi 28 juin 2023
- Menaces et agressions subies par les élus locaux - Audition de MM. le général d'armée Christian Rodriguez, directeur général de la gendarmerie nationale, et le général de division Roland Zamora, commandant de la région de gendarmerie des Pays-de-la-Loire
- Application de la loi du 22 juillet 2013 relative à la représentation des Français établis hors de France - Examen du rapport d'information
Mardi 27 juin 2023
- Présidence de Catherine Di Folco, vice-président -
La réunion est ouverte à 9 h 30.
Mission d'information sur l'application de la loi du 22 juillet 2013 relative à la représentation des Français établis hors de France - Audition de M. Olivier Becht, ministre délégué auprès de la ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé du commerce extérieur, de l'attractivité et des Français de l'étranger
Mme Catherine Di Folco, président. - Monsieur le ministre, nous vous accueillons aujourd'hui pour cette audition qui s'inscrit dans les travaux d'évaluation menés par notre commission sur la loi du 23 juillet 2013 relative à la représentation des Français établis hors de France.
Dix ans presque jour pour jour après la promulgation de ce texte, nos rapporteurs Christophe-André Frassa et Jean-Yves Leconte, qui en était déjà le rapporteur à l'époque, vont présenter leurs constats et leurs recommandations. Ils ont mené, dans le cadre d'une mission d'information, plusieurs auditions pour déterminer si les dispositifs mis en place en 2013 s'avèrent effectifs et, surtout, garantissent dans des conditions satisfaisantes la représentation de nos compatriotes établis hors de France.
Votre audition, que nous aurions souhaitée plus précoce, intervient à la fin de ce processus d'évaluation.
C'est l'occasion pour vous de nous présenter, à titre liminaire, un panorama de la mise en oeuvre de cette loi, en marquant selon vous ses succès, mais sans éluder, bien sûr, les difficultés d'application qui peuvent se rencontrer et, le cas échéant, les voies d'amélioration.
Puis, je ne doute pas que nos rapporteurs auront quelques questions à vous poser.
M. Olivier Becht, ministre délégué auprès de la ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé du commerce extérieur, de l'attractivité et des Français de l'étranger. - Je vous prie tout d'abord de m'excuser de n'avoir pu venir plus tôt devant votre commission, ayant été retenu par de nombreux déplacements à l'étranger.. J'ai en effet visité une quarantaine de pays depuis ma nomination au Gouvernement, le 4 juillet dernier, et cette mobilité me permet d'être au plus près de nos compatriotes installés à l'étranger. C'est précisément la représentation de ces derniers que la loi du 22 juillet 2013 visait à améliorer.
Je tiens à remercier la sénatrice Hélène Conway-Mouret, qui a fait adopter cette loi lorsqu'elle était ministre des Français de l'étranger. Nous devons aussi certaines dispositions de cette loi à certains d'entre vous, notamment aux rapporteurs de cette mission d'information, Christophe-André Frassa et Jean-Yves Leconte, qui siégeaient déjà à l'époque et qui ont eu à coeur d'améliorer les dispositions du texte lors des débats parlementaires. Par la suite, des améliorations ont été apportées par voie d'amendements aux lois de 2019 et de 2020.
Je vous disais avoir eu la chance de rencontrer nos compatriotes dans près de quarante pays depuis ma prise de fonctions. Chaque fois, j'ai eu des échanges privilégiés avec les conseillers des Français de l'étranger élus sur place. Au total, j'ai pu rencontrer plus de 150 d'entre eux et ces échanges furent très enrichissants.
J'en tire un premier constat : les Français de l'étranger sont, dans leur grande majorité, des compatriotes heureux et passionnés, fiers de leur parcours, de leur vie et de leurs engagements. Ils témoignent cependant d'attentes fortes vis-à-vis de l'État. Lors des deux dernières sessions de l'Assemblée des Français de l'étranger (AFE), j'ai eu l'occasion de parler d'amour et de preuves d'amour : il faut en effet démontrer à nos compatriotes que, même s'ils sont loin des yeux, ils ne sont pas loin du coeur. Ainsi, après les discours, viennent les preuves, c'est-à-dire l'ensemble des engagements que nous avons pris au cours de ce mandat : la dématérialisation de l'état civil, des procurations et du renouvellement des passeports, mais aussi le pass Culture et le Pass Éducation, le vote par internet, le statut de résidence de repli, la reconnaissance des entrepreneurs français à l'étranger... Tels sont les chantiers sur lesquels je me suis engagé et auxquels j'en ajoute un autre, important : la consultation sur l'avenir de l'enseignement français à l'étranger, qui fera l'objet d'une communication le 3 juillet prochain et qui s'appuie sur un extraordinaire réseau de 567 établissements. Je visite ces établissements au cours de mes déplacements ; ils offrent d'incroyables conditions d'enseignement aux enfants de nos compatriotes et contribuent au rayonnement de la France en accueillant l'élite du pays. Nous souhaitons doubler les effectifs d'ici à 2030.
Le contexte est aussi celui du réarmement du ministère des affaires étrangères. Après trente ans de diète, les crédits sont de nouveau en hausse et croîtront de 20 % d'ici à 2027, pour atteindre 7,9 milliards d'euros, ce qui représente 700 emplois supplémentaires. Nous avons donc pu lancer, dès cette année, le réarmement des consulats, pour renforcer ce service de proximité, qui constitue le premier service public pour les Français de l'étranger.
Venons-en au coeur du sujet, c'est-à-dire à la relation de confiance, cruciale, qui se tisse au quotidien entre les administrations et les élus. Au-delà des dispositions légales, ce sont avant tout les rapports humains existant entre les élus et l'administration consulaire qui permettent de bâtir cette confiance. La loi a fixé un cadre, et, dans l'immense majorité des cas, la complémentarité entre les élus et l'administration prévaut. Au cours de mes différents déplacements, je n'ai pas constaté de tensions entre les conseillers des Français de l'étranger et les consuls, même si l'on m'en a rapporté dans d'autres pays. Globalement, la satisfaction de part et d'autre l'emporte aujourd'hui, dans la mesure où les compétences de chacun sont bien définies. Je me réjouis de cette situation. Les conseillers des Français de l'étranger, qui président désormais les conseils consulaires, sont associés très en amont et l'ordre protocolaire est respecté au cours des cérémonies.
À mon niveau, je m'efforce aussi d'associer les conseillers de Français de l'étranger, notamment ceux qui siègent à l'AFE. Lors de la dernière session, j'ai saisi celle-ci de sujets d'ordre culturel et éducatif, sur le fondement de l'article 12 de la loi de 2013. Je crois que c'était la première fois que cet article était mis en application. J'ai pour cette assemblée le plus grand respect et je lui accorde un rôle prééminent de conseil sur la conduite des politiques concernant les Français établis hors de France. À mes yeux, cette complémentarité entre l'AFE et le ministère fonctionne bien.
J'ai également renforcé la sollicitation des élus sur des groupes de travail et sur des consultations nationales. Je me suis engagé à ce que 100 % des résolutions adoptées par l'AFE reçoivent une réponse. De plus, j'ai oeuvré pour maintenir un dialogue tout au long de l'année, y compris hors session, par l'organisation de réunions avec la présidente et le bureau de l'AFE, ce qui a permis d'assurer un suivi des résolutions et recommandations de l'assemblée. Enfin, j'ai pris l'engagement d'assister non seulement à la séance inaugurale de la session, mais également à sa clôture afin d'écouter les recommandations de l'assemblée et d'y répondre immédiatement. Je suis ainsi en mesure d'exposer mes engagements mais aussi de faire preuve de pédagogie sur les contraintes susceptibles de rendre difficile l'application de certaines propositions.
Je souhaite aussi faire évoluer régime indemnitaire des conseillers à l'AFE. Il me semble important de réévaluer ce régime indemnitaire, inchangé depuis presque dix ans, alors même que les indemnités des élus locaux et nationaux sont indexées sur le point d'indice de la fonction publique qui, lui, av fait l'objet de réévaluations. J'ai aussi souhaité faire évoluer la prise en charge des frais de déplacement.
Au sujet des élections législatives partielles, je me félicite de la résolution des différentes contraintes rencontrées lors des votes par internet. Nous avons été confrontés à des obstacles techniques importants qui relèvent des compétences non de l'administration mais des opérateurs locaux de téléphonie. Pour sécuriser ce vote par internet et, en particulier la transmission des codes aux électeurs, nous avons mis en place un système de substitution qui a donné satisfaction et qui a permis à la quasi-totalité des personnes qui rencontraient des difficultés techniques de voter.
Globalement, la loi du 22 juillet 2013 me semble être un succès. Elle est plébiscitée par les conseillers des Français de l'étranger et par les conseillers à l'AFE. Elle est aussi saluée par les différents consuls que j'ai rencontrés sur le terrain, qui jugent son application actuelle fluide. Bien entendu, quelques améliorations peuvent lui être apportées, mais elle a permis une meilleure représentation des Français de l'étranger, une meilleure considération de leurs élus et une plus grande proximité entre nos compatriotes de l'étranger et leurs représentants, dans leur circonscription ou à l'AFE. Je souhaite, à cet égard, remercier le législateur.
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. - Merci, monsieur le ministre. Votre phrase sur l'amour et les preuves d'amour a fait le tour du monde, littéralement...
Dix ans après son entrée en vigueur, cette loi a fait ses preuves. Elle était attendue parmi tous les groupes politiques, tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat; car nous attendions une modification du collège électoral pour l'élection des sénateurs, ainsi qu'une plus grande proximité pour nos compatriotes dans l'exercice du mandat local de représentation des Français de l'étranger. Sur ces deux points, la loi a atteint ses objectifs.
Notre réunion d'aujourd'hui marque notre troisième bilan de ce texte. Nous en avions fait un premier en 2015, un an après l'entrée en vigueur de la loi, pour tirer des enseignements des élections consulaires et sénatoriales de 2014 et de la mise en place des conseils consulaires. Nous avions fait un deuxième bilan fin 2020 pour mettre en avant de possibles améliorations en vue des élections reportées de 2020 à 2021. Aujourd'hui, nous effectuons la « grande révision des dix ans » de l'application de cette loi.
Globalement, cette loi a tenu ses promesses. Les élus sont plus proches de nos compatriotes et les conseils consulaires sont en lien direct avec le quotidien des communautés qu'ils représentent. Les dispositifs prévus par la loi pour les élections sénatoriales ont également fonctionné puisque les élections de 2014, 2017 et 2021 se sont bien déroulées.
Toutefois, un point ne nous convainc pas : le rôle dévolu à l'AFE. Cette dernière n'a pas réussi à trouver sa place dans ce dispositif. J'estime qu'il y avait, dès le départ, dans la loi de 2013, un problème de conception. Déjà à l'époque, on constatait une volonté, qui était peut-être celle du Gouvernement, de ne pas donner sa place à l'AFE, voire de la lui retirer. Nous, qui étions alors dans l'opposition, avons bataillé pour qu'elle conserve sa place, mais nous n'avons pas réussi à faire en sorte qu'elle conserve toutes ses attributions. Aujourd'hui, l'AFE a un rôle mal défini entre les conseils consulaires locaux et le Parlement. Cette assemblée, qui pourrait s'apparenter à un conseil régional, manque encore de prérogatives. Renforcer ces prérogatives doit être un objectif et ce bilan nous permet de vous faire des propositions dans ce sens.
Monsieur le ministre, vous évoquiez l'importance des rapports humains. Les rapports entre les élus locaux et le corps préfectoral sont anciens, codifiés, mais ceux qui lient le corps consulaire et le corps diplomatique aux élus consulaires sont encore de l'ordre de la relation interpersonnelle. Parfois, par manque de culture de la relation de la part d'un diplomate ou d'un consul général, la relation avec les élus se dégrade. On peut améliorer les textes de loi, publier des circulaires, mais c'est surtout un travail d'ordre culturel que nous devons effectuer. Peut-être devons-nous prévoir un module de préparation avant la prise de poste. L'arrivée d'un ambassadeur ou d'un consul général devrait être préparée dans tous les cercles concernés, notamment par la présentation des conseillers des Français de l'étranger, qui sont non pas des adversaires mais, comme les élus locaux, des interlocuteurs privilégiés.
M. Jean-Yves Leconte, rapporteur. - La loi de 2013, qui a renforcé la proximité entre les Français de l'étranger et leurs élus, a marqué un progrès. Avant elle, nous avions moins de cinquante circonscriptions, dont certaines regroupaient une vingtaine de pays. Aujourd'hui, on compte 130 circonscriptions et 443 élus consulaires. Le renforcement de la proximité est indéniable, même si des voix s'élèvent pour regretter cette représentation à deux niveaux. Celle-ci convient à certains élus, satisfaits d'avoir à agir à l'échelle locale, mais d'autres expriment une frustration et estiment que cette organisation ne place pas tous les élus sur un pied d'égalité pour obtenir des réponses et un soutien de l'administration.
L'une des grandes avancées de la loi de 2013 fut de prévoir un président élu par les membres de l'AFE. Pour avoir été membre de ce qui était alors le Conseil supérieur des Français de l'étranger (CSFE), je sais que l'assemblée s'appuie beaucoup sur le ministre des affaires étrangères pour fonctionner. Certes, cette dernière jouit désormais d'une présidence, mais les moyens qui lui sont alloués par le ministère des affaires étrangères sont en nette baisse. Le secrétariat général spécifique de l'assemblée regroupait un certain nombre d'administrateurs, qui accompagnaient les commissions dans leurs travaux ; ce n'est plus le cas aujourd'hui. Le secrétariat général est réduit au minimum, et ses membres ont d'autres fonctions au sein de la direction des Français à l'étranger et de l'administration consulaire (DFAE).
Je souhaite donc vous interroger, monsieur le ministre, sur les moyens d'améliorer cette organisation, qui empêche actuellement l'AFE d'être active tout au long de l'année. Comment faire en sorte que cette assemblée ait un secrétariat général et puisse décider de l'utilisation de son budget en toute autonomie ?
Vous avez également évoqué la question des indemnités, sur laquelle nous partageons votre préoccupation. Considérez-vous qu'une modification législative soit nécessaire ou cette question relève-t-elle des pouvoir réglementaire du ministre des affaires étrangères ? La loi réduit aujourd'hui la capacité d'indemnisation des élus de l'AFE à des remboursements de frais, mais ne prévoit pas d'indemnité liée à leurs responsabilités locales.
Par ailleurs, nous avons constaté certaines tensions lorsque les circonscriptions électorales diffèrent des circonscriptions consulaires, dans les deux cas suivants : lorsqu'elles regroupent plusieurs circonscriptions consulaires, ou bien lorsque des circonscriptions consulaires dépassent les circonscriptions électorales. Des évolutions législatives sont-elles souhaitables pour remédier à ces décalages ?
Au cours des différentes élections, nous avons constaté le besoin d'une commission centrale de propagande. La DFAE jugeait qu'il était compliqué de mettre en place une telle instance et n'a donc pas souhaité le faire. Toutefois, vu la nature des documents produits par certains candidats, une telle commission semble utile. Nous souhaitons donc savoir si vous y êtes favorable.
Sur les questions électorales, dans la mesure où il y a eu trois annulations sur onze circonscriptions lors des élections législatives de l'année dernière, considérez-vous que les dispositions actuelles relatives au vote électronique sont satisfaisantes ? S'agit-il d'annulations liées à des problèmes techniques dont seuls les prestataires sont responsables ou bien y aurait-il des évolutions à mettre en oeuvre sur le plan législatif ?
Concernant les compétences de l'AFE, vous connaissez les tensions et frustrations qui existent par rapport au dispositif de soutien au tissu associatif des Français à l'étranger (STAFE), entre les conseils consulaires, l'AFE et la DFAE. Seriez-vous favorable -à ce que des compétences d'attribution - en cette matière, mais également pour celle des bourses scolaires et de l'action sociale - lui soient confiées, en propre ou en liaison avec les administrations concernées ? Cette loi de proximité a 10 ans : n'est-il pas temps de donner aux élus des compétences sur des sujets sur lesquels ils peuvent être utiles ?
Je conclus avec un point qui ne figure pas dans la loi mais qui correspond à une pratique administrative un peu plus ancienne que la loi elle-même : l'existence d'un secrétaire d'État ou d'un ministre chargé des Français de l'étranger, qui est l'interlocuteur privilégié des élus des Français de l'étranger mais dont nous constatons qu'il n'a pas la tutelle de son administration. Cette administration est sous la tutelle du ministre de l'Europe et des affaires étrangères ; elle est mise à votre disposition pour vos fonctions. Ne regrettez-vous pas l'absence d'une direction des Français de l'étranger directement sous votre tutelle, particulièrement lorsque vous échangez avec des élus sur des questions d'enveloppe scolaire,d'inflation, d'action sociale? Il y a comme un voile entre le ministre décisionnaire et les élus locaux. Comment le vivez-vous ?
M. Olivier Becht, ministre délégué. - Je suis d'accord avec le sénateur Christophe-André Frassa : on peut écrire ce que l'on veut dans la loi, mais c'est le rapport humain qui en permet la bonne application. Sans volonté, le meilleur texte du monde ne produira pas de solution optimale.
Je me suis rendu dans une quarantaine de pays et, au travers de mes échanges avec les consuls et les conseillers des Français de l'étranger, j'ai eu l'impression que les choses se déroulaient en bonne harmonie. Bien sûr, il y a toujours des contre-exemples.
C'est la raison pour laquelle je partage votre sentiment : il faut sensibiliser les consuls au rôle des conseillers des Français de l'étranger. Nous le faisons notamment pendant les journées consulaires qui se déroulent cette semaine à Paris, via des sessions de sensibilisation. C'est à chaque fois l'occasion de rappeler la considération que l'on doit avoir pour les élus de la République - depuis plus de vingt-deux ans, je suis moi-même un élu local - et je fais ce rappel de la même manière au sein de l'AFE.
Doit-on donner à l'AFE, au-delà des compétences de conseil, de résolution ou de recommandation, des compétences de décision qu'elle n'a pas aujourd'hui ? Il faudrait alors regarder à quel niveau se situerait cette instance intermédiaire et sur quelles compétences elle empiéterait. Prenons un exemple qui vous concerne directement : nous recevons parfois de la part des élus de l'AFE des demandes pour obtenir des prérogatives de contrôle, qui, comme le prévoit la Constitution, appartiennent exclusivement aux assemblées parlementaires. Celles-ci contrôlent l'action du Gouvernement, qui est responsable devant le Parlement et dispose de l'administration. Comment s'exerceraient dès lors les compétences de contrôle de l'AFE par rapport à celles des assemblées parlementaires ?
Si nous lui donnions des capacités décisionnaires, comment cela fonctionnerait-il d'un point de vue juridique, notamment par rapport aux compétences du pouvoir exécutif ?
Aujourd'hui, la représentation des Français de l'étranger n'est pas adossée à un établissement public, si bien que nous ne nous situons pas dans le cadre de l'article 72 de la Constitution, qui permet la dévolution de compétences aux collectivités territoriales dans le cadre de la décentralisation. Cela ouvre donc un débat juridique auquel je ne suis pas fermé d'emblée, mais qui nécessite d'étudier ce partage des compétences et son articulation avec notre logique constitutionnelle, en gardant à l'esprit que la dévolution de compétences se fait aujourd'hui par la décentralisation ou la déconcentration, avec des mécanismes de contrôle constitutionnels.
Je souhaite réévaluer les indemnités des conseillers des Français de l'étranger. Leur mandat est bénévole et, à ce titre, compensé par la prise en charge des frais de déplacement, de restauration et d'hébergement. Si j'instaure une indemnité propre pour cette assemblée qui, comme je le disais, n'entre pas dans le cadre de l'article 72 de la Constitution, j'ouvre le débat sur les représentations parlementaires au sein des organisations internationales, à savoir les assemblées parlementaires du Conseil de l'Europe, de l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord (Otan), de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE),pour lesquelles les mandats sont également bénévoles.
Je me suis cependant engagé à actualiser le forfait qui couvre les déplacements des conseillers siégeant à l'AFE et à mettre en place un système d'avances, notamment pour les conseillers qui viennent de l'autre bout du monde. Le prix des billets d'avion, même en classe économique, peut dépasser plusieurs milliers d'euros. Dans la mesure où l'avance se fait sur la trésorerie personnelle des élus, avec des remboursements qui interviennent plusieurs semaines plus tard, cela peut être un obstacle à l'exercice du mandat. J'ai également ouvert le débat sur la prise en compte des frais réels et sur la manière de les prendre en charge.
Monsieur le sénateur Leconte, concernant le problème de l'articulation entre les circonscriptions consulaires et les circonscriptions électorales, je n'ai pas d'opinion tranchée, car ce problème n'est jamais remonté jusqu'à moi depuis ma prise de fonction. Je suis prêt à l'examiner avec vous.
M. Jean-Yves Leconte, rapporteur. - On peut citer le cas du Paraguay. À chaque modification des circonscriptions consulaires, les difficultés remontent jusqu'à la DFAE, parfois même jusqu'au Conseil d'État..
M. Olivier Becht, ministre délégué. - Même si je n'ai pas été saisi de ces sujets, que ce soit par des élus sur le terrain ou par l'administration, je suis prêt à y travailler.
Concernant les élections, vous souhaiteriez mettre en place une commission de propagande nationale.
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. - Effectivement, aujourd'hui déjà, toutes les professions de foi remontent au ministère, à la DFAE, pour être mises en ligne. Cette préconisation, d'ailleurs, n'est pas nouvelle puisque nous l'avions faite à l'issue de la mission d'information menée en 2019-2020, en amont des élections consulaires de 2020 : cette commission de propagande effectuerait un travail comparable à celui que réalisent les commissions placées auprès des préfectures.
M. Olivier Becht, ministre délégué. - Nous avons commis des magistrats dans chaque préfecture pour connaître des élections dans une dizaine de circonscriptions. Dans le cas des Français de l'étranger, cette commission s'occuperait de 130 circonscriptions, ce qui est beaucoup. L'administration s'y oppose car cela aurait pour effet de ralentir les processus.
M. Jean-Yves Leconte, rapporteur. - Cela éviterait des élections partielles.
M. Olivier Becht, ministre délégué. - Je n'en suis pas certain. En effet, il me semble qu'une commission de propagande est chargée de l'examen formel du résultat d'une élection, autrement dit, elle juge la bonne application du code électoral. Elle n'est donc pas chargée du fond de l'élection.
Je précise que si nous avons eu trois annulations d'élections législatives, deux seulement sont dues au vote par Internet. Sur les deux annulations en question, le prestataire n'est pas en cause. Le problème que nous rencontrons est lié à l'envoi de SMS et à la réception d'un code pour accéder au système et voter. Pour tout cela, nous dépendons d'un opérateur téléphonique, plus ou moins performant selon le pays dans lequel ces communications ont lieu. J'ai demandé que l'on puisse passer par d'autres systèmes, comme WhatsApp ou Signal, mais l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (Anssi) n'a pas jugé ces processus suffisamment sécurisés et n'a donc pas donné son accord.
De la même manière, pour les élections partielles, j'ai souhaité modifier le système en proposant d'envoyer ces éléments par mail ou d'utiliser une messagerie sécurisée. Ces deux moyens ont également été rejetés par l'Anssi au titre des enjeux de sécurité et de fiabilité du vote.
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. - Ce que révèlent nos échanges avec un président de bureau de vote électronique ou des prestataires, c'est que, si deux élections législatives ont bien été annulées pour un motif lié à la technologie, en vérité, de telles annulations auraient pu avoir lieu dans l'ensemble des 11 circonscriptions, puisque le système a souffert partout de dysfonctionnements.
Je comprends les réserves de l'Anssi, néanmoins, devons-nous passer constamment par un couloir de sécurisation ultra-serré ou voulons-nous un système qui fonctionne ? Pour parler comme elles, une fois que les équipes de Meta auront vu passer nos codes : so what ?
Cette question est d'autant plus importante que le vote électronique fête ses vingt ans. S'il n'encourage pas à voter plus, il est cependant le moyen privilégié par nos compatriotes à l'étranger qui souhaitent voter.
M. Olivier Becht, ministre délégué. - Les chiffres montrent malgré tout que le vote électronique a permis d'accroître les taux de participation par rapport au vote à l'urne ; je ne parle certes pas d'une augmentation de 50 %, mais toute augmentation est bonne pour la démocratie !
Je partage le constat que, en matière de cybersécurité, aucun système ne peut offrir une garantie à 100 %. La technologie ressemble au combat permanent entre l'épée et le bouclier : on finit toujours par trouver la faille.
Nous avons tiré les leçons de la jurisprudence du Conseil constitutionnel en mettant en place des solutions de sécurité parallèles ; il s'agit de centres d'appel à contacter, en cas de difficultés, pour obtenir dans les temps l'identifiant et le code nécessaires au vote. Je remercie les équipes de la DFAE qui ont mis en place cette solution, saluée par les usagers.
Si, pour les élections partielles, j'avais fait fi des recommandations de l'Anssi et fait appel à un opérateur extérieur comme Meta, dans les délais définis pour les marchés publics, le Conseil Constitutionnel aurait pointé l'introduction d'un biais de sécurité. Il est donc nécessaire d'aborder ces sujets avec le législateur et le juge de l'élection.
M. Jean-Yves Leconte, rapporteur. - Les contraintes législatives peuvent évoluer pour éviter ces annulations.
M. Olivier Becht, ministre délégué. - Face à ces difficultés, la première recommandation que j'ai reçue était de ne pas recourir au vote électronique, ce qui est évidemment inacceptable. Cela serait perçu comme un retour en arrière qui engendrerait des baisses de la participation aux élections. Parmi toutes les solutions possibles, nous avons donc choisi « la moins mauvaise » ; elle peut évoluer, dans le cadre d'un dialogue auquel je suis favorable. En attendant, je m'efforce de concilier les exigences de sécurité et les attentes légitimes de nos concitoyens.
Concernant le STAFE et votre souhait de lui accorder des compétences d'attribution dans le domaine des bourses scolaires, j'y vois deux obstacles. Le premier, et non le moindre, est un sujet juridique de dévolution de compétences, qui nécessiterait de modifier l'article 72 de la Constitution pour faire des Français de l'étranger une collectivité publique.
Deuxièmement, il y aurait un risque de créer des disparités entre les différentes circonscriptions consulaires. Comment répartir l'enveloppe allouant 2 millions d'euros à ce dispositif: faudrait-il procéder à parts égales ? Ou bien au prorata du nombre d'habitants, lui-même différent du prorata du nombre d'associations, au risque d'écarter des projets faute de moyens ou au contraire de soutenir des projets simplement parce que des enveloppes sont disponibles ? De la même manière, si les bourses scolaires sont attribuées en fonction des circonscriptions, le budget doit être décentralisé.
En tant qu'élu local, je comprends ce principe; cependant, du point de vue de l'application constitutionnelle, juridique et pratique, il n'est sans doute pas optimal.
Enfin, concernant la tutelle de la DFAE, je rappelle que le ministre chargé des Français de l'étranger est un ministre délégué. En tant que tel, il est donc sous la tutelle du ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Du point de vue du droit, il ne peut donc pas avoir d'autorité hiérarchique directe en dehors de la tutelle. Du point de vue politique, je souligne que depuis ma prise de fonction le 4 juillet 2022, je n'ai rencontré aucune difficulté avec la ministre de l'Europe et des affaires étrangères, Catherine Colonna, et que toutes les décisions ont été prises en bonne intelligence. Nous avons une très bonne relation. Par conséquent, votre proposition d'installer une tutelle directe du ministre délégué sur la DFAE, différente de celle du ministre de plein exercice, ne me semble pertinente ni sur le plan juridique ni sur le plan politique.
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. - Je reviens sur le parallèle que vous avez fait entre les élus de l'AFE et les élus des assemblées de l'Otan, de l'OSCE, et autres. Dans le premier cas, on est élu par ses pairs ; dans le deuxième, on est nommé par ses pairs. Il y a dix ans, nous proposions une élection conjointe en organisant le même jour l'élection au conseil consulaire et l'élection à l'AFE, avec un système de fléchage comparable à celui que nous avons pour l'élection des conseillers communautaires. C'est possible avec davantage d'organisation en amont de l'élection et au moment du dépouillement.
En outre, il faut plus de moyens : le mandat à l'AFE appelle, d'une part, un défraiement aux frais réels et non plus sous la forme d'un forfait, et, d'autre part, une révision des indemnités versées aux conseillers consulaires. Lorsque vous êtes élu des Français de la circonscription de Téhéran ou de Nairobi, deux circonscriptions qui comportent plusieurs pays, vous n'avez pas les moyens d'aller à la rencontre de vos électeurs. Une revalorisation des indemnités est donc indispensable à l'accomplissement du mandat. Le groupe d'études du Sénat sur le statut, le rôle et la place des Français établis hors de France, qui a fait des propositions sur le statut des conseillers des Français de l'étranger et des conseillers à l'AFE, que notre rapport reprendra en partie.
M. Jean-Yves Leconte, rapporteur. - Il y a également une revendication au sujet des passeports de service, qui éviteraient aux élus de ces circonscriptions de payer parfois des visas pour se déplacer d'un pays à l'autre, visas dont le prix peut être supérieur au montant des indemnités ; c'est le cas en Afrique de l'Est et en Asie centrale.
Pouvez-vous nous apporter des précisions sur les moyens de l'AFE et de son secrétariat général ? Il y a dix ans, avant la loi de 2013, l'AFE avait les moyens d'agir, ce n'est plus le cas aujourd'hui. Nous percevons un délitement de l'engagement du ministère de l'Europe et des affaires étrangères sur le fonctionnement de l'AFE. Quelles sont vos propositions pour restituer à l'AFE un secrétariat général de plein exercice, qui fonctionnerait en continu ?
M. Olivier Becht, ministre délégué. - Concernant les frais réels, il faut modifier la loi de 2013, puisque c'est elle qui prévoit le remboursement au forfait.
Concernant les conseillers des Français de l'étranger, si leurs dépenses de déplacement pour aller à la rencontre de leurs compatriotes dépassent 60 % de leur indemnité, ils peuvent en demander le remboursement. Actuellement, un seul conseiller des Français de l'étranger se sert de cette disposition ; j'invite tous les autres à l'imiter. En effet, la démocratie n'a pas de prix mais elle a un coût, qu'il faut, bien entendu, supporter. Il est légitime que les frais que l'on engage dans le cadre des fonctions d'élu soient remboursés.
En ce qui concerne les élections annulées, la loi pourrait prévoir des peines d'inéligibilité en cas de fausses informations diffusées dans la propagande, afin que leurs auteurs ne puissent plus reproduire les mêmes manoeuvres.
Quant à la situation du secrétariat général de l'AFE, elle est liée aux moyens internes du ministère, qui connaissent une baisse constante depuis plusieurs décennies. Je m'engage à étudier cela avec la ministre dans le cadre du réarmement du ministère. Si la charge de travail induite le justifie, une personne pourrait être affectée au secrétariat général de l'AFE dans le cadre d'une gestion permanente du service.
Mme Catherine Di Folco, présidente. - Des élections sénatoriales auront lieu dans quelques mois. Pouvez-vous nous assurer que tout se pour l'élection des sénateurs représentant les Français établis hors de France ?
M. Olivier Becht, ministre délégué. - Sans pouvoir m'engager sur l'absence totale de difficultés, je vous assure que nous mettrons toute l'énergie et tous les moyens nécessaires pour que ces élections se déroulent sans accroc.
Mme Catherine Di Folco, présidente. - Je vous remercie, monsieur le ministre.
La réunion est close à 10 h 40.
Mercredi 28 juin 2023
- Présidence de M. François-Noël Buffet, président -
La réunion est ouverte à 9 h 30.
Menaces et agressions subies par les élus locaux - Audition de MM. le général d'armée Christian Rodriguez, directeur général de la gendarmerie nationale, et le général de division Roland Zamora, commandant de la région de gendarmerie des Pays-de-la-Loire
M. François-Noël Buffet, président - Nous avons le plaisir de recevoir le général d'armée Christian Rodriguez, directeur général de la gendarmerie nationale, ainsi que le général de division Roland Zamora, commandant de la région de gendarmerie Pays de la Loire, pour évoquer ensemble les menaces et les agressions subies par les élus locaux.
Je précise que cette audition fait l'objet d'une captation et qu'elle est retransmise en direct sur le site Internet du Sénat. Cet enregistrement sera ensuite disponible en vidéo à la demande.
Je rappelle tout d'abord la raison de cette audition : Yannick Morez, maire de Saint-Brevin-les-Pins, a décidé de démissionner de son mandat de maire à la suite, non seulement des menaces, mais encore des actes d'agression dont il a été victime. Il avait alerté les médias à plusieurs reprises. Aussi avons-nous souhaité comprendre ce qui s'était passé.
Bien sûr, le cas spécifique de Yannick Morez nous intéresse particulièrement. C'est pourquoi il a été le premier à s'exprimer devant nous pour nous présenter l'exégèse précise de ce qu'il a vécu. Naturellement, d'autres maires se sont manifestés à la suite de cette audition, le maire de Plougrescant notamment. Ils ont été nombreux à témoigner des menaces, des pressions et même des agressions physiques qu'ils subissent dans le cadre de leur mandat, que ce soit de la part de groupes organisés dits d'extrême droite ou d'extrême gauche, ou d'individus agissant à titre personnel.
Nous avons également auditionné le préfet de région ainsi que le sous-préfet de Saint-Nazaire, dont nous venons d'apprendre, d'ailleurs, qu'il a changé de fonction la semaine dernière.
Nous poursuivons aujourd'hui avec vous, général Rodriguez. Merci d'avoir accepté de venir nous parler de la situation de Saint-Brevin-les-Pins - c'est la raison de la présence à vos côtés du général Zamora - mais, plus largement, de la situation de tous les élus locaux. Comme beaucoup de nos concitoyens, ils sont victimes d'actes de violence, pour n'importe quelle raison et de manière directe. Nous ressentons parfaitement l'augmentation des violences. Beaucoup d'entre nous avons exercé des fonctions locales et si, il y a quelques années, certains moments pouvaient être difficiles, nous restions à l'abri, le plus souvent, d'un passage à l'acte. La nature de la violence et la fréquence du passage à l'acte ont donc fortement évolué, raison pour laquelle nous souhaitons vous entendre.
Une proposition de loi visant à renforcer la protection des élus locaux et à augmenter les peines encourues a été déposée à mon initiative et celle de plusieurs de nos collègues. Elle est importante mais n'est pas suffisante, il y a d'autres éléments à apporter ; à ce titre, votre regard compte beaucoup.
Général Christian Rodriguez, directeur général de la gendarmerie nationale. - Tout d'abord, je vous présenterai, de manière générale, la relation entre les maires et la gendarmerie. Ensuite, le général Zamora reviendra en détail sur la triste affaire qui concerne l'ancien maire de Saint-Brevin-les-Pins.
Je suis gendarme depuis trente-sept ans et, chaque jour, je me réjouis de voir qu'il y a encore des maires engagés. Vous évoquez l'augmentation des faits de violence dont ils sont victimes ; c'est, en effet, une réalité. Je reviendrai sur les statistiques de l'année 2022.
Le maire est en première ligne lorsque les choses vont mal ou déplaisent à ses administrés ; à l'inverse, ils l'oublient lorsque les choses vont bien. Du point de vue de la gendarmerie, notre maillage territorial fait de lui un collègue de tous les jours et, effectivement, la relation entre le maire et les gendarmes doit être très forte. Pour ces raisons, l'échange que nous allons avoir aura pour nous la valeur d'un retour d'expérience.
Entre 2021 et 2022, les plaintes pour fait de violence déposées par des élus ont augmenté de 32 %. Dans trois quarts des cas, ces élus sont des maires. Si l'on ajoute les 15 % de plaintes déposées par des adjoints au maire et des conseillers municipaux, on constate une concentration des agressions sur les élus locaux. Je m'efforce d'écrire à chaque maire qui dépose plainte chez nous et je m'aperçois que je le fais de plus en plus souvent.
Je fais le lien avec l'augmentation des faits de violence à l'encontre des policiers et gendarmes. Concernant spécifiquement la gendarmerie, on compte un refus d'obtempérer toutes les trente minutes, une agression toutes les six heures, un gendarme blessé par balle toutes les deux nuits. D'une manière générale, on constate une augmentation des atteintes à tout ce qui représente l'État, les règles, tout ce qui est structuré et donc contraire à la philosophie portée par certains, pour qui « il est interdit d'interdire ».
Nous disposons de 3 100 brigades de gendarmerie, bientôt 3 300. Nous avons donc le maillage de la fonction publique le plus étendu puisque nous couvrons 96 % de nos 35 000 communes. De fait, l'immense majorité des maires est en zone gendarmerie, si l'on peut dire, ou l'inverse. Je précise que la superficie moyenne d'une communauté de brigades est de 300 kilomètres carrés, ce qui correspond à trois fois la superficie de Paris ou à sept fois celle de Lyon. C'est la raison pour laquelle nous ne pouvons pas être auprès de chaque mairie à chaque instant.
Le maire a la qualité d'officier de police judiciaire (OPJ). Notre rôle est donc aussi de l'aider à savoir ce qu'il peut ou ne peut pas faire à ce titre. C'est dans cette perspective qu'a été créée l'application Gend'Élus, qui dispense de nombreux conseils à l'usage des maires et permet de discuter en ligne avec un gendarme vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sur sept. Elle a été conçue avec l'association des maires de France et des présidents d'intercommunalité (AMF), avec laquelle nous travaillons beaucoup pour renforcer la relation entre les élus et les gendarmes. Par exemple, nous avons développé un dispositif permettant aux maires de mesurer la présence des patrouilles sur une durée donnée, grâce à des cartes de chaleur. Cela leur permet de voir nos déplacements au sein de leur circonscription : c'est important dans la mesure où nous devons rendre des comptes au maire sur ce que nous faisons. Ces outils techniques permettent donc de mesurer et de corriger ; de répondre aux attentes des élus, d'accomplir notre rôle d'accompagnement et de conseil. Ils ont recueilli 84 % de satisfaction.
Il existe également des formations à la gestion de crise, conçues à l'origine par des négociateurs du groupe d'intervention de la gendarmerie nationale (GIGN), qui donnent des clefs aux maires pour échanger, détecter le moment où la situation s'aggrave, celui aussi où il devient nécessaire de faire appel à des gendarmes, de façon à ne pas s'exposer physiquement au danger.
À ce jour, environ 30 000 élus ont bénéficié de cette formation, qui a vocation à se développer, l'objectif étant de limiter le risque de conflit.
Une autre initiative a consisté à créer des voies de collaboration particulières entre les élus et les gendarmes. Cela sera évoqué au sujet de l'affaire qui a touché la commune de Saint-Brevin-les-Pins. Il s'agit de l'enregistrement de données sur un fichier pour permettre, à chaque appel reçu, de savoir que c'est un maire qui appelle. Ce fichier permet aussi, lors de patrouilles, de connaître automatiquement soit l'adresse du domicile du maire, soit sa zone d'intérêt. Ces voies de collaboration particulières, c'est aussi la possibilité d'aller recueillir une plainte à la mairie ou n'importe où ailleurs, pour gagner du temps. Elles ont pour but, dans un monde où tout va vite, de permettre aux élus et aux gendarmes de se parler et de se comprendre.
Général Roland Zamora, commandant de la région de gendarmerie des Pays de la Loire. - Je commande la région de gendarmerie des Pays de la Loire et le groupement de la Loire-Atlantique depuis le 1er septembre 2020. Je m'apprête à quitter mon commandement, après trois ans passés dans ces fonctions. Je vous remercie de me donner l'opportunité de m'exprimer devant vous et de décrire l'action de la gendarmerie de la Loire-Atlantique dans la gestion des événements de Saint-Brevin-les-Pins.
Avant toute chose, je tiens à dire que je considère toute atteinte à un élu comme un coup porté à la République et au fondement même de notre société. Les faits de violence dont Yannick Morez a été victime sont, comme je le lui ai écrit le jour même de l'incendie criminel de son domicile, lâches et révoltants. Nous mettons actuellement tout en oeuvre pour identifier les auteurs de cette agression et les déférer devant la justice.
L'engagement de la gendarmerie aux côtés des 198 maires de Loire-Atlantique est une priorité. Au-delà de la déclinaison au sein du département de la stratégie dite « #Présentpourlesélus » et de l'offre de services qui en découle, la relation avec les maires s'appuie sur une cinétique relationnelle établie sur plusieurs niveaux. Elle vise à développer la relation la plus fluide possible entre les gendarmes et les élus de nos territoires. Le commandant de compagnie de Pornic et le commandant de communauté de brigades de Saint-Brevin-les-Pins inscrivent leur action dans le même esprit : celle d'une grande proximité avec leurs maires. Je vous en donnerai deux exemples.
Dans les semaines qui ont suivi sa prise de fonction, le 1er août 2022, le commandant de compagnie de Pornic, dont relève la commune de Saint-Brevin-les-Pins, a organisé une réunion au cours de laquelle il s'est présenté à l'ensemble des maires de son ressort en leur communiquant son numéro de téléphone portable professionnel pour être joignable directement. Ces élus disposent également des numéros de téléphone portable de leurs commandants de brigades respectifs.
De son côté, lors de sa prise de commandement à l'été 2021, l'officier commandant la communauté de brigades de Saint-Brevin-les-Pins a proposé à la mairie une réunion bimensuelle consacrée à la sécurité, proposition acceptée et mise en pratique depuis lors.
Concernant le contexte de Saint-Brevin-les-Pins et l'action de la gendarmerie, dès l'origine du mouvement d'opposition au projet de centre d'accueil pour demandeurs d'asile (Cada) qui devait être construit dans le quartier de la Pierre Attelée à Saint-Brevin-les-Pins, une attention toute particulière a été portée par la gendarmerie, et plus particulièrement par la compagnie de Pornic, à toutes les formes que prenait cette contestation : manifestations pro- ou anti-Cada, distribution de tracts, sécurité du site, protection des parties prenantes.
Trois premières manifestations sont organisées les 15 octobre, 8 novembre et 11 décembre 2022. Sécurisées par des dispositifs mis en place par la compagnie de Pornic, elles donnent lieu à des invectives entre manifestants pro- et anti-Cada, sans troubles graves à l'ordre public. Dès le 15 octobre 2022, face à ce début de mobilisation, le commandant de la compagnie de Pornic ordonne que toutes les patrouilles de gendarmerie opérant dans le secteur de Saint-Brevin-les-Pins effectuent des passages devant le site du chantier du Cada et devant l'école de la Pierre Attelée.
Lors des réunions préparatoires à ces manifestations avec la mairie, il n'est fait état d'aucune demande particulière en matière de sécurité ni de menace quelconque.
Le 13 janvier 2023, dirigés par la mairie, des membres de l'association des parents d'élèves de l'école de la Pierre Attelée se présentent à la gendarmerie. Ils viennent signaler l'envoi de courriers et de mails par l'un de leurs membres, qui utilisait l'en-tête de l'association, laissant ainsi penser qu'il agissait en qualité de représentant. Ils ne souhaitent pas porter plainte. Néanmoins, les gendarmes de Saint-Brevin-les-Pins ne se contentent pas de recueillir cette main courante. Ils rédigent un procès-verbal de renseignement judiciaire pour que ces faits soient portés à la connaissance de la procureure de la République de Saint-Nazaire.
Le 14 janvier, je suis présent lorsque l'on pose la première pierre de la nouvelle caserne de gendarmerie de Saint-Brevin-les-Pins. Lors de sa prise de parole, Yannick Morez n'abordera pas les questions de sécurité. Le maire remercie la gendarmerie de son action.
Le 26 janvier, une plainte est déposée par la directrice de l'école de la Pierre Attelée. Elle fait suite à la publication de sa photographie sur un site Internet, qui a été extraite de l'intranet de son établissement. Cette fois encore, c'est la mairie qui a dirigé la directrice vers la gendarmerie.
Le 27 janvier, une réunion est organisée à la mairie de Saint-Brevin-les-Pins sur les sujets de sécurité. Le lieutenant commandant la communauté de brigades et une représentante de l'école y assistent. L'officier rappelle à cette occasion qu'il est nécessaire de rapporter sans délai tout fait lié au projet de Cada. Ce jour-là, aucune menace sur la sécurité du maire ou de son domicile n'est signalée.
Le même jour, une opération de distribution de tracts est menée par les opposants au Cada. Elle est reconduite les 1er, 4 et 10 février. Elle se déroule sur fond de préparation de la manifestation annoncée, qui doit avoir lieu le 25 février. La gendarmerie procède d'initiative au relevé des identités des personnes présentes ; les autorités administratives et judiciaires en sont informées. Ces opérations de contrôle seront utiles aux enquêteurs dans le cadre d'une plainte qui sera déposée ultérieurement.
Le 3 février, la brigade de Saint-Brevin-les-Pins reçoit une nouvelle plainte, déposée par deux personnes favorables au projet de Cada, à la suite d'une publication sur Internet dans laquelle leur nom est cité et fait l'objet d'injures.
Le 10 février est une date importante : à la demande de l'association Aurore, qui gère le projet de Cada et manifeste des inquiétudes quant à la sécurité de son personnel, une nouvelle réunion est organisée. Le maire de la commune, le sous-préfet d'arrondissement et le commandant de compagnie sont présents. Ce dernier demande alors un point précis des menaces et des injures reçues ; il encourage les participants à déposer plainte. Il rappelle que trois enquêtes sont déjà en cours pour des injures et diffamations et que les éventuelles suites pénales sont entre les mains de la procureure de la République de Saint-Nazaire.
Le 17 février, la gendarmerie est mise en copie d'un courrier du maire daté du 15 février et adressé au procureur de la République de Nantes. Dans cette lettre, il ne dépose pas plainte formellement ; il évoque des faits susceptibles de recevoir une qualification pénale et donc de conduire à l'ouverture d'une procédure judiciaire, qui nécessiterait son audition.
Constatant l'erreur d'aiguillage de ce courrier - la commune de Saint-Brevin-les-Pins relève, non pas du tribunal judiciaire de Nantes, mais de celui de Saint-Nazaire -, le commandant de compagnie informe directement la procureure de la République de Saint-Nazaire, qui entreprend les démarches pour se saisir.
Le commandant de compagnie demande à son commandant de communauté de brigades de reprendre contact avec la mairie pour savoir si celle-ci souhaite déposer plainte. En effet, certaines informations contenues dans cette lettre n'avaient jamais été communiquées à la gendarmerie, y compris lors de la réunion du 10 février. Le maire y faisait référence à des intimidations et à des menaces, à savoir un tract déposé dans sa boîte aux lettres, accompagné de la photo d'un jeune mineur enlevé puis retrouvé assassiné quelques années auparavant.
Néanmoins, le maire ne revient pas vers la gendarmerie.
Le 25 février, une quatrième manifestation est organisée par le collectif anti-Cada. Elle donne lieu à des troubles à l'ordre public. D'un côté se trouve un groupe de 380 personnes anti-Cada, parmi lesquelles environ 80 ont un profil d'ultradroite ; de l'autre côté, un groupe de 200 personnes, dont la majorité a un profil d'ultragauche, s'en prennent violemment aux forces de l'ordre. Le dispositif de maintien de l'ordre est dirigé par le général commandant en second la région de gendarmerie, qui dispose de trois unités de force mobile. Le maire et son adjoint à la sécurité sont présents. Ils ne s'ouvrent pas au général d'un sentiment d'insécurité.
Ainsi, jusqu'au 22 mars, jour où l'incendie criminel est constaté au domicile du maire, aucune plainte n'est déposée en gendarmerie, que ce soit par le maire lui-même ou par l'un de ses adjoints.
Durant toute cette période, les échanges avec l'équipe municipale sont certes nombreux, mais - il faut le reconnaître - ils ont lieu majoritairement avec l'adjoint à la sécurité de la commune. En outre, des directives sont données en matière de renforcement des patrouilles de surveillance, au-delà du site du Cada, de la mairie, du domicile du maire, pour être étendues au domicile du député. En effet, je vous rappelle que nous étions alors en pleine période de contestation du projet de réforme des retraites.
Le 22 mars, jour de manifestations violentes dans le département de la Loire-Atlantique, la gendarmerie est informée à 5 h 15 de l'incendie criminel qui s'est déclaré au domicile de Yannick Morez. L'officier adjoint commandant la compagnie se rend immédiatement sur place. Il y est rejoint par le commandant de compagnie qui prendra ensuite la direction du pont de Saint-Nazaire en raison des exactions violentes commises sur l'ouvrage.
En matière judiciaire, Yannick Morez dépose plainte à la brigade de Saint-Brevin-les-Pins pour l'incendie criminel. Au regard de la gravité des faits, la direction d'enquête est confiée à la section de recherche de Nantes. Une information judiciaire est aujourd'hui ouverte au pôle criminel du tribunal judiciaire de Nantes.
En matière de sécurité publique, plus précisément de surveillance, la compagnie de gendarmerie de Pornic organise une surveillance renforcée du domicile du maire et de cinq de ses adjoints, avec un minimum de quatre passages devant leur domicile par période de vingt-quatre heures. Dans le même temps, avec leur accord, ces élus sont inscrits à la base de données pour la sécurisation des interventions et de protection (SIP) qui permet de classer comme prioritaire l'intervention auprès d'un élu.
Il est également proposé au maire un audit de sécurité de son domicile par la cellule de prévention technique de la malveillance (PTM) du groupement de brigades.
Le 26 mars, la gendarmerie reçoit le « soit-transmis » du parquet de Saint-Nazaire relatif au courrier du 15 février émanant du maire de Saint-Brevin-les-Pins. Une procédure est ouverte pour menaces et actes d'intimidation.
Le même jour, la communauté de brigades de Saint-Brevin-les-Pins reçoit un autre soit-transmis de la part du parquet concernant une plainte déposée après la distribution de tracts aux mois de janvier et de février par des personnes dont l'identité avait été relevée d'initiative par les gendarmes.
Le 28 mars, une réunion relative à la sécurité du maire et de ses adjoints est organisée sur l'initiative de la gendarmerie. Elle fait suite à la parution, le 25 mars, d'un article de presse dans lequel Yannick Morez expliquait n'avoir pas été entendu. En présence du maire et de plusieurs élus, le commandant de compagnie détaille les actions déjà engagées par la gendarmerie et les procédures en cours relatives aux injures et aux menaces envers les personnes liées au projet de Cada. Au cours de ces échanges, le maire accepte de remettre aux gendarmes présents les originaux des lettres reçues le 15 février en vue d'un dépôt de plainte. Celui-ci ne sera effectué que le 17 mai en raison de l'emploi du temps chargé du maire, et ce malgré plusieurs relances de la gendarmerie. Pour autant, les actes d'enquête sont déjà lancés, en lien avec la procureure de Saint-Nazaire.
Trois jours plus tôt, le commandant de compagnie avait rappelé par courrier électronique à la mairie la procédure à suivre en cas de menaces et d'injures. Cet échange faisait suite à la découverte par la mairie de nouveaux messages circulant sur les réseaux dont les auteurs se réjouissaient de l'incendie des voitures du maire. Il est notamment mentionné dans ce courrier électronique : « N'hésitez surtout pas à nous demander ce que vous jugez nécessaire pour optimiser la protection de la commune et de ses élus. L'essentiel pour nous est vraiment d'avancer dans une enquête difficile et nous avons besoin du maximum d'informations possible. Bon courage dans cette situation, déplorable pour notre vie démocratique. »
Le 29 avril, une cinquième manifestation est organisée par le collectif anti-Cada, qui réunit 120 opposants, rejoints par 120 membres de l'ultradroite. Elle donne lieu à une contre-manifestation, à nouveau non déclarée, qui regroupe 250 membres des ultragauches nantaise et rennaise. Ils s'en prennent violemment aux deux unités de force mobile mises à ma disposition ; 88 grenades lacrymogènes doivent être utilisées pour le maintien de l'ordre.
Je commande donc le dispositif de la gendarmerie ce jour-là. Le sous-préfet d'arrondissement, la procureure de la République de Saint-Nazaire, ainsi que l'adjoint à la sécurité de la commune de Saint-Brevin-les-Pins, sont à mes côtés tout l'après-midi. L'adjoint à la sécurité, qui est également conseiller départemental, me remercie pour l'action des forces de l'ordre en fin de service.
Le 9 mai, le maire de Saint-Brevin-les-Pins adresse au préfet sa lettre de démission. Dans les médias, il déclare avoir été victime d'une agression verbale par un opposant au Cada deux jours auparavant. Ni le parquet ni la gendarmerie n'en avaient été informés.
Entre le 15 et le 18 mai, Yannick Morez dépose trois plaintes à la gendarmerie pour menaces et actes d'intimidation envers un élu. L'une d'elles vise les faits mentionnés dans sa lettre du 15 février adressée au procureur de la République. La seconde porte sur les faits du 7 mai. La troisième est déposée pour outrage à personne dépositaire de l'autorité publique après la réception, le 17 mai, d'une lettre d'injures en provenance du sud de la France. Au total, Yannick Morez a déposé quatre plaintes, dont celle qui était relative à l'incendie criminel de son domicile.
Voilà, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le point de vue de la gendarmerie de Loire-Atlantique concernant les événements de Saint-Brevin-les-Pins et les éléments chronologiques que, de la manière la plus détaillée possible, je souhaitais vous communiquer.
Naturellement, je ne discute en rien le ressenti du maire à propos du manque de soutien qu'il évoque, de la part de la gendarmerie, notamment. Ce ressenti, au même titre que les faits dont il a été victime, m'a amené à m'interroger sur les signaux que nous n'avons pas perçus et sur les enseignements à tirer, dans le but d'améliorer notre action.
Justement, si je dresse le bilan de ces actions, j'ai le sentiment que nos gendarmes n'ont pas ménagé leurs efforts. Je suis convaincu qu'ils ont affiché en permanence une volonté d'être présents aux côtés des élus de Saint-Brevin-les-Pins, à la fois dans leur quotidien - au travers des liens très réguliers qu'ils ont entretenus avec la mairie, l'adjoint à la sécurité, l'adjointe aux écoles, l'adjoint à l'environnement - et dans les moments plus difficiles, où ils se sont montrés réactifs. Sur tous les événements relatifs au projet de Cada, ils ont été très investis : présence et contrôles lors des opérations de tractage, dispositif de prévention lors d'un conseil municipal sensible, sécurisation de la commune à l'occasion des manifestations.
J'ai le sentiment que mes gendarmes ont pris des mesures pour renforcer leur posture opérationnelle à Saint-Brevin-les-Pins, puis l'ont adaptée en fonction de leur perception de la menace, elle-même liée aux informations fournies par la mairie. Il convient également de rappeler que la pression de la délinquance, à laquelle s'est ajoutée la mobilisation des effectifs de maintien de l'ordre, nous laissait, croyez-moi, peu de marge de manoeuvre.
À compter du 22 mars, le dispositif de surveillance a été accentué autour du domicile du maire et de celui de plusieurs de ses adjoints. En matière de police judiciaire et d'investigation, les victimes ont systématiquement été invitées à déposer plainte, parfois à plusieurs reprises.
Certaines plaintes ont été recueillies et diligentées sur soit-transmis de la procureure de la République de Saint-Nazaire, d'autres après que des victimes ont été dirigées vers nous par la mairie de Saint-Brevin-les-Pins, d'autres enfin après que la gendarmerie a pris connaissance de certains faits par voie de presse, sans que la procureure ou nous-mêmes en ayons été préalablement informés.
J'insiste sur le fait que toutes les plaintes ont été recueillies. Lorsqu'une personne se présente à la gendarmerie pour dénoncer des faits répréhensibles sans pour autant vouloir déposer plainte, nous dressons un procès-verbal de renseignement judiciaire, autrement dit nous ne nous limitons pas à une simple main courante, qui resterait au sein de l'unité. Lorsque le gendarme s'interroge sur la qualification des faits, nous nous tournons vers la procureure de la République, car c'est sous son autorité que nous conduisons nos investigations. La procureure de la République de Saint-Nazaire a déjà donné des suites pénales à certaines procédures. Les autres, pour la plupart, sont en attente de décision de la part du parquet. Les plaintes les plus récentes font encore l'objet d'investigations.
À la suite de l'incendie criminel, le maximum de moyens disponibles a été mobilisé pour réaliser les constatations techniques. La section de recherches de Nantes a été engagée et un groupe d'enquête a été créé. Des interpellations ont eu lieu la semaine dernière.
Manifestement, notre engagement n'a pas été suffisant, ce qui m'amène à cette question : qu'aurions-nous pu faire de mieux ?
Il m'apparaît clairement que nous n'avons pas pris la mesure du désarroi du maire, notamment lors de la réunion du 10 février organisée en présence du sous-préfet d'arrondissement et du commandant de compagnie. Au cours de cette réunion, la question sur ce qui constitue une infraction pénale et ce qui relève de la liberté d'expression a été posée. C'est là, me semble-t-il, que se trouve l'origine d'une véritable incompréhension entre le maire et l'autorité publique. Alors que le maire a conclu de cet échange qu'on le dissuadait de déposer plainte - au motif, justement, que les faits reprochés relevaient en fait de la liberté d'expression -, le commandant de compagnie, de son côté, dressait la liste des infractions visées par le code pénal. Injures, diffamations, outrages, intimidations, agressions physiques : elles doivent être caractérisées, précisait-il, au sens du code de procédure pénale.
Il me paraît évident que ce message n'est pas bien passé parce qu'il était technique alors que la victime, démunie et isolée, attendait une réponse immédiate pour être rassurée. Je le regrette et ce regret fait écho au sentiment d'échec collectif exprimé devant vous par le préfet de la région Pays de Loire, il y a quelques semaines. Ce regret est d'autant plus fort que mes gendarmes, je le redis, n'ont pas ménagé leurs efforts.
Aujourd'hui, le contact avec la nouvelle maire de Saint-Brevin-les-Pins me semble parfaitement établi. Les échanges, sur son initiative ou sur celle de la gendarmerie, face à face ou par téléphone, sont fréquents. J'en suis satisfait.
M. Alain Marc. - Les relations que nous avons sur le terrain avec la gendarmerie sont souvent très bonnes. Nous avons, nous-mêmes, les numéros de téléphone portable des commandants de compagnie, des commandants de groupement, ce qui est une bonne chose.
Concernant les menaces aux élus, en Aveyron, un maire a dû porter plainte six fois ; sa dernière plainte a finalement été prise en considération, aidée par l'actualité et les événements de Saint-Brevin-les-Pins. Par conséquent, ne faudrait-il pas repenser la formation au sein de l'École nationale de la magistrature pour que l'autorité judiciaire soit sensibilisée au rôle des élus sur le territoire ? Une meilleure relation entre les procureurs et les élus est nécessaire.
Mme Marie Mercier. - Général Rodriguez, je vous ai interrogé, il y a trois ans déjà, sur l'augmentation des violences, qu'elles soient intrafamiliales ou dirigées vers les élus, les pompiers, etc. Je vous demandais votre sentiment. Vous m'aviez répondu : « Ce qui a changé, c'est le rapport à la règle. » Est-ce toujours le cas aujourd'hui ? Le cas échéant, que préconisez-vous pour mettre fin à cette escalade dangereuse de la violence dans notre société ?
M. Dany Wattebled. - La peur du gendarme et du maire a disparu. Un collègue maire a investi 400 000 euros dans la création d'une police municipale. Au cours d'un rodéo, l'auteur est arrêté, l'engin confisqué par la mairie. Comparution immédiate, rappel à la loi : le procureur demande au maire de restituer l'engin à son propriétaire. Le maire a démissionné parce que son autorité était bafouée, alors même que la loi l'autorise à détruire le véhicule en question. De manière générale, il y a un décalage dans la relation entre le procureur et l'élu. Ne faudrait-il donc pas créer un flagrant délit d'agression sur un maire ? Cette rapidité, au moins, pourrait servir d'exemple.
M. Hussein Bourgi. - Ne nous méprenons pas : la gendarmerie nationale a beaucoup d'alliés et beaucoup de défenseurs. Nous ne sommes pas ici pour incriminer la gendarmerie mais pour comprendre ce qui a mal fonctionné. Chacun d'entre nous pourrait citer des dizaines d'exemples pour illustrer l'excellente relation qui existe sur le terrain entre les élus nationaux, les élus locaux et la gendarmerie. Pour ma part, je pourrais vous parler longuement des relations que j'entretiens avec le général Sylvain Laniel dans l'Hérault. Si nous sommes réunis aujourd'hui, c'est pour comprendre ce qui s'est passé à Saint-Brevin-les-Pins car nous avons tous mesuré la détresse de son maire démissionnaire. Nous avons ressenti, pour lui et avec lui, un sentiment d'injustice. C'est ce qui nous a amenés, les uns et les autres, à nous intéresser à cette affaire.
Ainsi, j'ai découvert votre mobilisation, en termes d'effectifs notamment, puisque 60 gendarmes étaient présents, par exemple, le 15 décembre pour sécuriser la manifestation contre le Cada. En remontant plus loin dans le temps, je me suis aussi aperçu que les premiers réfugiés étaient arrivés à Saint-Brevin-les-Pins en 2016, lorsque le Gouvernement a décidé du démantèlement de la jungle de Calais. J'ai découvert qu'à leur arrivée des tirs à balles réelles avaient été tirés sur les murs d'un centre d'accueil par un individu dont l'identité n'a jamais été établie. Cette affaire, de façon surprenante, n'a jamais été évoquée jusqu'à présent.
J'ai découvert, enfin, les plaintes déposées le 3 février par Philippe Croze et son premier vice-président. Âgé de 73 ans, ce haut fonctionnaire à la retraite est le président de l'association des Brevinois attentifs et solidaires. Entre 2016 et 2017, il a été sollicité pour accompagner dans leurs démarches les 70 réfugiés arrivés à Saint-Brevin-les-Pins. Rapidement, son nom, son adresse, son numéro de téléphone ont été publiés sur les réseaux sociaux, comme ceux du maire et d'un certain nombre d'élus. Son vice-président et lui ont déposé plainte le 3 février. Le 10 février, le sous-préfet, qui n'était pas au courant du dépôt de ces deux plaintes une semaine auparavant, en a découvert l'existence à l'occasion de la réunion organisée à la demande de l'association Aurore. C'est aussi à cette occasion que le maire de Saint-Brevin-les-Pins a décrit une situation inquiétante. On lui a répondu, dit-il, que c'était regrettable mais que c'était l'expression de la démocratie. Je ne peux pas l'entendre : la démocratie s'exprime sur la voie publique via des manifestations, non en agressant des élus. Avant-hier encore à Saint-Brevin-les-Pins, des intrusions ont eu lieu alors que le conseil municipal était réuni.
Général Zamora, quelles suites le parquet de Saint-Nazaire a-t-il donné aux procédures qu'il a initiées ? Combien de procédures sont toujours en cours aujourd'hui ?
Mme Brigitte Lherbier. - Nous partageons votre constat sur la montée des violences dans notre pays. J'ai été adjointe à la sécurité à la mairie de Tourcoing, une grande ville de 100 000 habitants. Nous avions des cellules de veille. Nous connaissions l'évolution des situations de violences et avions les moyens de réagir.
Dans le cas de Saint-Brevin-les-Pins, la décision de construire un Cada a été prise à l'échelon national, pour reprendre les mots de Yannick Morez, qui de fait n'était pas pleinement impliqué. Au bout du compte, c'est pourtant sur lui que la violence s'est reportée.
Mme Cécile Cukierman. - C'est à mon tour de vous remercier de votre présentation exhaustive. En effet, il ne s'agit nullement de mettre en cause votre fonctionnement. Au-delà de la recherche de coupables, je crois même qu'il s'agit de comprendre comment nous en sommes arrivés là, collectivement.
Tout d'abord, le risque zéro n'existe pas, il convient plutôt de contenir le risque le plus possible, car nous n'avons pas les moyens d'en empêcher la réalisation. Est-ce qu'il n'y aurait pas aujourd'hui un manque d'attention, de la part tant des élus que des gendarmes, à l'égard d'une difficulté nouvelle qui touche notre société ? Ce qui était autrefois une menace - désagréable, inacceptable - peut désormais se transformer en passage à l'acte, qui est en outre de plus en plus violent.
D'autre part, je connais des élus qui ont été concernés par des faits moins graves et qui, malgré tout, ont pu dire « je n'ai pas le temps ; je passerai la semaine prochaine à la gendarmerie. » Est-ce que vous n'avez pas, de ce point de vue, un rôle d'accompagnement de ces élus, notamment pour leur rappeler que le temps joue en leur faveur dans la capacité à agir après une plainte ?
Enfin, des efforts très importants ont été faits dans la formation des gendarmes dans le domaine des violences faites aux femmes et les violences intrafamiliales, pour prendre la mesure du réel, mieux entendre, mieux recevoir la plainte de la victime. Le cas extrême de Saint-Brevin-les-Pins pointe peut-être la nécessité de mieux former pour mieux déceler des menaces potentiellement très dangereuses pour les élus.
M. Mathieu Darnaud. - Je m'associe à mes collègues pour saluer votre travail et la proximité que vous entretenez avec les élus dans nos territoires.
À l'issue des auditions que nous avons menées, il ressort qu'au-delà des événements que vous avez rappelés à juste titre il existe chez nos maires, chez nos élus, un sentiment de détresse et d'isolement auquel il peut être difficile de répondre. Dans ce contexte, pour faire écho à ce que soulignait ma collègue Brigitte Lherbier, on a le sentiment qu'il serait bon de réinterroger le triumvirat entre le préfet, le procureur et la gendarmerie, notamment en matière de concordance des temps.
Deuxièmement, des signaux qui ont été qualifiés de faibles nous semblent, au contraire, forts. Je pense, par exemple, aux tracts particulièrement odieux retrouvés dans des boîtes aux lettres, dont nous a parlé le maire de Saint-Brevin-les-Pins et qui n'ont pas reçu l'attention qu'ils méritaient certainement. J'aimerais connaître votre sentiment sur ce point.
Général Christian Rodriguez. - Tout d'abord, concernant la question des liens, je souligne que Saint-Brevin-les-Pins est au sud de la Loire tandis que Saint-Nazaire, où se trouve la procureure de la République, est au nord de la Loire. Dans le département de Loire-Atlantique, le nord et le sud correspondent à deux cultures différentes. Dans ce contexte, nous, gendarmes, pouvons jouer un véritable rôle de trait d'union. La question est sans doute de savoir comment mieux le faire, d'autant plus que dans le triumvirat que vous évoquez, nous n'avons pas de pouvoir de décision. Je ne dis pas cela pour me défausser car je sais que, par ailleurs, nous n'avons sans doute pas suffisamment joué ce rôle de trait d'union.
Concernant les six plaintes déposées par un élu, ce sujet renvoie au travail d'accompagnement nécessaire qui doit être fait par les gendarmes. Un gendarme pourrait tout à fait enregistrer la plainte, la transmettre au procureur et tenir le discours suivant : « ne relève plus de ma responsabilité, c'est entre les mains du procureur ». Formellement, en effet, on ne pourrait alors rien lui reprocher. Mais, comme je vous le disais, le gendarme a non pas un rôle de facteur mais un rôle d'accompagnement. Par exemple, il est de son devoir d'expliquer pourquoi une plainte n'entraînera pas de poursuites, pourquoi une infraction ne peut pas être caractérisée et, dans le cas qui nous occupe, de ne pas parler de « signaux faibles » mais de rendre la situation lisible au regard du code pénal. Vous avez raison : procureurs, préfets, gendarmes, élus, nous ne sommes jamais trop proches les uns des autres.
Madame la sénatrice Mercier, en effet, ma réponse à la question sur le rapport de la société à la règle n'a pas changé. J'ajouterai même qu'à la faveur des crises successives que nous avons connues - la crise sanitaire notamment - les personnes fragiles sont devenues plus fragiles encore et que, dans la France des ronds-points, le sentiment de déclassement par rapport aux grandes villes est plus fort. Ce sentiment de ne pas être traité équitablement peut justifier, du point de vue de certains, le fait de s'opposer à la règle, aux valeurs de la République, qui pourtant devraient nous concerner tous et dès le plus jeune âge. À cet égard aussi, le rôle d'accompagnement du gendarme peut être important.
Monsieur Wattebled, pour répondre à votre question sur les délais de la justice, dans ce qui relève de la gendarmerie, bien sûr, nous devons nous assurer que les procédures sont lancées rapidement, autrement dit que la plainte est recueillie, nous déplacer auprès du maire si besoin pour l'inciter à déposer plainte, lui rappeler qu'une plainte déposée dans un délai court nous permet de mettre en oeuvre une enquête de flagrance.
À propos des tirs qui ont eu lieu en 2016 et qui prenaient pour cible un centre d'accueil pour les réfugiés, c'était il y a sept ans. C'est souvent après avoir vu le film que l'on comprend comment les choses auraient pu être différentes. De la même manière, nous aurions sans doute pu davantage prendre en compte les tracts dont nous avons parlé. Cela étant dit, il faut également que l'émetteur, aussi bien que le récepteur, fonctionne. En somme, il faut qu'ils se parlent souvent. Or ce que je retiens dans le cas de Saint-Brevin-les-Pins, c'est que les gendarmes ont eu des contacts principalement avec l'adjoint à la sécurité de la mairie. Une bonne connexion est nécessaire entre les élus et les commandants de brigades.
Je pense, par ailleurs, que nous nous sommes mal compris. Comme le général Zamora le rappelait, au cours de la réunion du 10 février, les gendarmes et l'équipe municipale ne parlaient pas la même langue. Nous devons également travailler sur ce point.
Concernant la formation, je dirais que l'on ne forme jamais trop. En matière de violences intrafamiliales, un important travail de formation a été fait pour mieux accueillir les victimes. Dans cet esprit, l'idée est bien que les maires aient une relation privilégiée avec les gendarmes. C'est le sens que nous donnons à leur inscription dans nos bases de données ou au traitement particulier dans le cas d'un dépôt de plainte.
Général Roland Zamora. - Un conseil municipal s'est bien tenu à Saint-Brevin-les-Pins il y a deux jours ; 11 opposants au projet de Cada étaient présents et, hormis quelques vifs échanges à la fin de la réunion, il n'y a pas eu de difficultés. Par ailleurs, nous avons raccompagné la nouvelle maire, Dorothée Pacaud, à son domicile pour qu'elle se sente rassurée.
Concernant les suites pénales données à certaines plaintes, je ne suis pas en mesure de m'exprimer au nom de l'autorité judiciaire. En revanche, je sais que le procureur de la République de Nantes et la procureure de la République de Saint-Nazaire suivent personnellement les procédures qui sont liées à des agressions envers des élus. À ce jour, une des procédures a été classée sans suite ; la majorité d'entre elles est en attente de décision ; les plus récentes sont en cours d'investigation.
Concernant la formation, 170 maires et adjoints de Loire-Atlantique ont été formés grâce à un module appelé Gestion pacifique des incivilités aux élus. Il est dispensé par des négociateurs de la gendarmerie, eux-mêmes formés par le GIGN. Cette initiative a d'ailleurs été élargie en Loire-Atlantique aux agents d'accueil des collectivités territoriales et de la fonction hospitalière.
Une autre initiative pour mieux comprendre comment fonctionnent nos services s'appelle « Ticket embarquement ». Elle permet, d'une part, d'inviter les élus à visiter le centre opérationnel d'une gendarmerie, d'autre part à monter à bord d'un de nos véhicules pour participer à une patrouille.
En ce qui concerne Saint-Brevin-les-Pins et les signaux faibles qui ont été évoqués, ils étaient contenus dans la lettre du 15 février, écrite cinq jours après la réunion du 10 février. Yannick Morez y exprime son ressenti, son sentiment d'isolement. C'est dans ces deux pages qu'il parle des lettres déposées dans sa boîte aux lettres et notamment de celle, particulièrement infâme, qui contenait une photo d'un enfant enlevé quelques années plus tôt.
La connexion émetteur-récepteur n'a pas fonctionné à Saint-Brevin-les-Pins, ou plutôt elle a fonctionné à sens unique, du commandant de compagnie vers le maire. Cette situation détonne dans le paysage. Je pense, en effet, à un autre maire relevant de la compagnie de Pornic, également agressé dans le cadre de ses fonctions, qui a toujours échangé régulièrement avec le commandant de compagnie. Ce type d'échanges n'existait pas à Saint-Brevin-les-Pins alors que les relations avec le reste de l'équipe municipale étaient par ailleurs fluides.
M. Hussein Bourgi. - Je reviens simplement sur les faits de 2016, qui n'étaient pas un cambriolage mais des tirs à balles réelles sur le Cada. Vous n'étiez certes pas en fonction à cette époque, mais un tel événement dans une commune comme Saint-Brevin-les-Pins doit marquer les esprits.
À propos du manque d'échanges entre les gendarmes et le maire, ce n'est peut-être pas la seule explication, mais je rappelle que l'activité de maire est chronophage ; elle amène donc les élus à se reposer beaucoup sur leurs adjoints.
Merci pour ce que vous faites à Saint-Brevin-les-Pins depuis ces événements graves. N'oubliez, s'il vous plaît, ni l'adjointe au maire en charge des affaires scolaires, qui subit des pressions très importantes, ni les deux plaintes déposées le 3 février par Philippe Croze et son vice-président, également soumis à des pressions.
M. François-Noël Buffet. - Je vous remercie, messieurs, de votre présence ce matin.
Cette audition a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
La séance est close à 10 h 55.
La réunion, suspendue à 10 h 55, est reprise à 11 h 00.
La réunion, suspendue à 10 h 55, est reprise à 11 h 00.
Application de la loi du 22 juillet 2013 relative à la représentation des Français établis hors de France - Examen du rapport d'information
M. François-Noël Buffet, président. - Nous abordons l'examen du rapport d'information sur l'application de la loi du 22 juillet 2013 relative à la représentation des Français établis hors de France.
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. - C'est la troisième fois en dix ans que nous nous livrons à cet exercice d'évaluation de la loi du 22 juillet 2013.
Tout d'abord, le rapport présenté en 2015 visait à faire un premier bilan de l'application de la loi du 22 juillet 2013 après son entrée en vigueur, c'est-à-dire après la première élection des instances des Français établis hors de France mises en place par cette loi et les élections sénatoriales qui ont suivi. Je rappelle que l'objectif de la loi du 22 juillet 2013 était de rénover en profondeur l'organisation des institutions non parlementaires des Français établis hors de France.
Ensuite, nous avons mené une deuxième mission d'information avec notre ancienne collègue ancienne Jacky Deromedi, dont le rapport a été présenté en 2020, dans la perspective des élections qui avaient été reportées à 2021. Ce rapport proposait de modifier certaines règles relatives aux élections des représentants des Français établis hors de France.
Enfin, la commission des lois a considéré cette année qu'il serait utile d'établir un bilan des dix années d'application de la loi s'agissant des instances représentatives- conseils consulaires et Assemblée des Français de l'étranger (AFE) -, de leur fonctionnement ainsi que des mécanismes électoraux qui permettent aux Français de l'étranger d'élire leurs représentants directs - conseillers des Français de l'étranger, délégués consulaires, conseillers à l'assemblée des Français de l'étranger En effet, cette « collectivité », qui n'en est pas vraiment une mais qui en possède tous les aspects, requiert des institutions en capacité de fonctionner correctement et des élus disposant des moyens nécessaires pour l'exercice de leur mandat.
Dans ce contexte, nous avons procédé à un cycle d'auditions, qui s'est achevé hier par celle d'Olivier Becht, ministre délégué auprès de la ministre de l'Europe et des Affaires étrangères, chargé du commerce extérieur, de l'attractivité et des Français de l'étranger. Nous sommes à présent en mesure de vous présenter nos recommandations.
M. Jean-Yves Leconte, rapporteur. - Les institutions représentatives des Français de l'étranger existent depuis le début de la IVème République. Elles ont été instaurées au suffrage universel dans le cadre d'un Conseil supérieur des Français de l'étranger en 1982. Depuis cette date, elles ont proposé des améliorations visant à étendre leurs compétences, faciliter le travail des élus des Français de l'étranger et accroître leur capacité à influer sur les politiques publiques qui peuvent concerner les Français de l'étranger. Je citerai à cet égard le travail remarquable de trois anciens sénateurs : Charles de Cuttoli, Christian Cointat et Robert del Picchia.
Lorsque nous siégions à l'Assemblée des Français de l'étranger, nous avions travaillé sur l'idée d'une « collectivité d'outre-frontières » dotée de compétences dans un certain nombre de domaines dont les bourses scolaires et l'action sociale.
À la suite de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, les Français de l'étranger ont bénéficié d'une représentation à l'Assemblée nationale et au Sénat. Auparavant, ces derniers étaient uniquement représentés au Sénat, et ce depuis le début de la IVème République. En 2012, 11 députés représentant les Français établis hors de France ont été élus pour la première fois à l'Assemblée nationale.
L'année suivante, le Gouvernement a engagé une réforme de la représentation, afin de la rendre plus proche des Français de l'étranger. L'élection, jusqu'alors, de 150 représentants dans moins de 50 circonscriptions est devenue une élection de 443 conseillers des Français de l'étranger dans 130 circonscriptions. Compte tenu de l'impossibilité de réunir les 443 conseillers à Paris, il a été imaginé un système de représentation à deux niveaux :
- d'une part, les 443 conseillers des Français de l'étranger qui représentent les Français d'une circonscription consulaire auprès de chaque ambassade et de chaque consulat - même si, dans les pays où les Français sont peu présents, les circonscriptions électorales peuvent être plus vastes;
- d'autre part, les 90 élus de l'Assemblée des Français de l'étranger, qui couvrent des zones géographiques plus étendues et dont le nombre est proportionnel à la population représentée.
Cette réforme a renforcé la proximité et donc la connaissance, par les Français de l'étranger, des élus de leur territoire et inversement. Par exemple, lorsque j'étais élu et habitant à Varsovie avant cette réforme, je représentais aussi les Français du Kazakhstan et d'Albanie. Ma proximité avec eux était alors toute relative. Depuis la mise en place des 130 circonscriptions, la proximité prend un tout autre sens.
Dans le même temps, il a été décidé que le Président de l'Assemblée des Français de l'étranger, qui était jusqu'alors le ministre des affaires étrangères, serait élu par l'ensemble des membres de ladite assemblée. Cela a constitué un changement majeur dans son organisation. Cette réforme a d'ailleurs été complétée par la loi « Engagement et Proximité » du 27 décembre 2019, qui a conduit à confier la présidence du conseil consulaire, jusqu'alors exercée par l'ambassadeur ou le consul général, à un conseiller des Français de l'étranger.
Cette proximité existe aujourd'hui dans la plupart des circonscriptions, exception faite de celles qui regroupent un petit nombre de Français présents dans différents pays. Je pense en particulier à la circonscription d'Afrique de l'Est ou celle d'Asie centrale.
Vient ensuite la question des missions octroyées aux représentants des Français de l'étranger. En effet, la plus grande proximité, la meilleure connaissance des administrés et l'exercice des présidences par les élus est également source de nouveaux besoins, et, quand ceux-ci ne sont pas satisfaits, de frustration. Je pense notamment au manque de capacité à agir, aux indemnités insuffisantes, au besoin de formation et à l'absence de compétences décisionnelles dans les matières où les élus sont les plus à même de répondre aux problèmes des Français de l'étranger.
En ce qui concerne la formation, les indemnités et les compétences, notre rapport présente plusieurs propositions. Je souhaite souligner qu'il ouvre également une piste de réflexion sur la bonne articulation entre les circonscriptions consulaires, qui sont définies par le ministère des affaires étrangères en accord avec les pays d'accueil, et les circonscriptions électorales, qui ne peuvent être exclusivement définies par décision ministérielle, conformément aux prescriptions législatives en la matière. Des difficultés peuvent en effet apparaître en cas de modification, sur décision du ministère des affaires étrangères, des circonscriptions consulaires.
Par les propositions que nous formulons, nous voulons aussi nous assurer que le Gouvernement s'appuie le plus possible sur l'Assemblée des Français de l'étranger, dès lors qu'il doit prendre des décisions ou définir des orientations qui concernent nos compatriotes à l'étranger.
Nous devons aussi constater que le fait d'avoir ôté au ministre des affaires étrangères la présidence de l'Assemblée des Français de l'étranger l'a éloigné de celle-ci. Cela a deux conséquences.
Premièrement, le ministre ne veille pas autant qu'auparavant aux moyens dont dispose l'Assemblée des Français de l'étranger. Avant la réforme, celle-ci disposait d'un secrétariat général de plein exercice, consacré au fonctionnement de celle-ci et qui lui permettait de rédiger ses rapports et résolutions, d'assurer le suivi de ses travaux et de préparer les sessions tout au long de l'année. Aujourd'hui, ce n'est plus tout à fait le cas.
Pour remédier à cette difficulté, nous proposons de relocaliser les crédits alloués au secrétariat général de l'Assemblée des Français de l'étranger dans une autre mission budgétaire, rattachée au Premier ministre. Il s'agiraitde la mission « Direction de l'action du Gouvernement », et en son sein, du programme « Coordination du travail gouvernemental ». En effet, les enjeux qui ont trait aux Français de l'étranger ne concernent pas seulement le ministère des affaires étrangères ; ils présentent un caractère profondément interministériel, à l'image des sujets dont nous avons eu connaissance durant la crise sanitaire.
Ensuite, la proximité offrant aux élus une meilleure connaissance des administrés et nécessitant de disposer de moyens d'action, nous souhaitons donner à l'Assemblée des Français de l'étranger des pouvoirs délibératifs en matière de bourses scolaires, d'aides à l'action associative et à l'action sociale. Pour ce faire, il apparaît nécessaire d'inscrire ces missions dans la loi. Cela doit donner à l'Assemblée des Français de l'étranger la capacité de délibérer sur le cadre général de ces aides et, en liaison avec l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger ou la direction des Français à l'étranger et de l'administration consulaire, sur leur instruction et leur délivrance.
Nous reprenons en outre des propositions qui avaient été faites il y a dix ans par le Sénat en matière de représentation, afin de disposer d'une représentation à deux niveaux inspirée de l'élection des conseillers communautaires. Cela impliquerait l'existence d'un scrutin direct et de candidatures fléchées pour le mandat de conseiller à l'Assemblée des Français de l'étranger. Les élections des conseillers des Français de l'étranger et des conseillers à l'Assemblée des Français de l'étranger se tiendraient le même jour.
Enfin, nous proposons de remédier à certains manquements de la loi du 22 juillet 2013 identifiés au cours des dix dernières années, notamment en matière d'inéligibilité ou encore s'agissant du vote par internet, en tenant compte des décisions du Conseil d'État et du Conseil constitutionnel intervenues à ces sujets =. Voici l'esprit des propositions que nous soumettons ce matin à la commission.
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. - Au terme de nos travaux, notre rapport fait état de 18 propositions. Elles convergent vers la nécessité, dix ans après l'entrée en vigueur de la loi du 22 juillet 2013 relative à la représentation des Français établis hors de France, de redonner des moyens et des prérogatives aux élus et aux institutions qui représentent nos concitoyens.
La loi de 2013 a malheureusement laissé l'AFE au milieu du gué. Le Gouvernement de l'époque souhaitait supprimer cette assemblée. La bataille a fait rage au Sénat car nous voulions conserver cet échelon essentiel, placé auprès du Gouvernement, qui est intermédiaire entre les conseils consulaires qui sont au plus proche de nos compatriotes et la représentation parlementaire que nous incarnons. Prêts à tout pour la sauvegarder, nous avons accepté d'amoindrir ses prérogatives.
Depuis dix ans, nous réclamons qu'elle puisse remplir une réelle fonction auprès du Gouvernement. Mais l'AFE s'est retrouvée prisonnière d'un dialogue exclusif avec le membre du Gouvernement dédié à la relation avec les Français de l'étranger. Depuis 2013, alors même que le législateur a souhaité qu'un débat ait lieu, au sein de l'AFE, sur le budget de l'État dévolu aux Français de l'étranger, le ministre du budget et des comptes publics ne s'est jamais présenté devant elle, pas plus que le ministre chargé de l'action sociale. Nous souhaitons instaurer un véritable dialogue entre l'AFE et les ministres compétents dans les domaines qu'elle examine. C'est la contrepartie logique et nécessaire de la fin de la tutelle du ministre des affaires étrangères qui présidait, auparavant, cette assemblée.
Par ailleurs, nous devons donner aux élus représentant les Français de l'étranger les moyens d'exercer leur mandat. Affirmer que les élus doivent remplir cette fonction de manière bénévole est un principe certes louable, mais qui les empêche d'exercer leur mission correctement. Le Sénat a créé un groupe d'études sur le statut et la place des Français établis hors de France, présidé par Ronan Le Gleut. Ce groupe d'études a entendu, entre autres, l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité afin de se nourrir des réflexions menées sur le statut des élus locaux pour penser la création d'un statut des élus des Français de l'étranger. Nous reprenons certaines des propositions du groupe d'études à ce sujet.
Certaines de nos propositions, qui relèvent du domaine réglementaire, sont des préconisations adressées au Gouvernement. Les propositions relevant du domaine législatif pourront déboucher sur une proposition de loi que nous déposerons dans un second temps
Nos propositions se répartissent en deux grands thèmes : conforter les conditions d'exercice des mandats électifs et améliorer le fonctionnement des instances représentatives, d'une part, et sécuriser le déroulement des élections françaises à l'étranger, d'autre part.
La première de nos propositions consiste à renforcer les moyens matériels et administratifs mis à la disposition des élus. En parallèle, nous proposons d'améliorer le fonctionnement du conseil consulaire et de valoriser le rôle des conseillers des Français de l'étranger de plusieurs manières :
- en garantissant un maillage territorial des conseils consulaires cohérent avec l'objectif d'une démocratie de proximité ;
- en fluidifiant les relations entre l'administration et les conseillers des Français de l'étranger et en facilitant le fonctionnement des conseils consulaires ;
- en valorisant le rôle des conseils consulaires et en confortant la place des élus en leur sein.
Par ailleurs, le renforcement de l'Assemblée des Français de l'étranger passe, à notre sens, par la garantie d'un portage politique des questions relatives aux Français de l'étranger et un dialogue régulier entre le Gouvernement et l'AFE, ainsi que par un portage budgétaire de ses crédits cohérent avec la dimension interministérielle des questions intéressant les Français établis hors de France. Nous proposons ainsi de sortir les crédits relatifs à l'AFE du programme budgétaire 151 « Français à l'étranger et affaires consulaires », rattaché au ministère de l'Europe et des Affaires étrangères, et de les affecter à la mission « Direction de l'action du Gouvernement », rattachée au Premier ministre. Au-delà, nous devons faire de l'AFE une véritable assemblée délibérative en la dotant, conjointement avec l'administration, de pouvoirs décisionnaires en matière de bourses scolaires, d'aides sociales et de soutien au tissu associatif des Français à l'étranger.
Afin d'instaurer un statut de l'élu, nous souhaitons donner plus de droits et de visibilité aux conseillers des Français de l'étranger et, sans remettre en cause le caractère bénévole de l'exercice de leur mandat, améliorer le régime indemnitaire des élus.
Le reste de nos propositions porte sur la sécurisation du déroulement des élections françaises à l'étranger. À cet égard, il nous apparaît essentiel de donner plus de visibilité aux élections et de renforcer l'information des électeurs le faible de taux de participation à ces élections est en particulier un crève-coeur pour nous, parlementaires représentant les Français de l'étranger. À cette fin, nous proposons d'instaurer le scrutin direct pour l'élection des conseillers à l'Assemblée des Français de l'étranger. Aujourd'hui, les conseillers à l'AFE sont élus 30 jours après les conseillers des Français de l'étranger. Il s'agit d'une élection indirecte : ce sont les conseillers des Français de l'étranger qui élisent, en leur sein, les 90 membres de l'AFE. Nous souhaitons instaurer, sur le modèle des élections communautaires, un vote avec un seul bulletin, comportant deux listes distinctes, afin que l'électeur sache qui représentera sa circonscription au sein de l'AFE.
La sécurisation du déroulement des élections passe également par le renforcement de la fiabilité des listes électorales consulaires, d'une part, et par la garantie de l'effectivité de la propagande électorale, d'autre part. Certains pays sont confrontés à des problèmes de sécurité majeurs qui empêchent la diffusion des listes électorales. C'est le cas, par exemple, au Mali, au Burkina Faso et en République centrafricaine, ce qui complique considérablement l'organisation de la campagne électorale. Nous proposons de renforcer l'information des électeurs dans ce contexte difficile.
Afin de faciliter et de sécuriser les opérations de vote, nous avons également réfléchi aux solutions à mettre en oeuvre pour garantir la sécurité juridique de l'élection et l'accessibilité du vote à l'urne. Il s'agit d'un enjeu majeur : lors de la dernière élection présidentielle, plus de 800 bureaux de vote ont été ouverts dans l'ensemble des circonscriptions des Français de l'étranger, soit autant que dans certains départements ! La marge de progression pour rapprocher l'urne de l'électeur demeure donc importante.
M. Jean-Yves Leconte, rapporteur. - Certains bureaux de vote sont en effet situés à des milliers de kilomètres les uns des autres !
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. - Quand on entend l'électeur métropolitain se plaindre d'être à un kilomètre de son bureau de vote, cela nous laisse rêveur. Pour les Français de l'étranger, habiter à 200 kilomètres de son bureau de vote est une chance.
Nous proposons en outre d'ajuster les délais en vigueur pour le vote par anticipation. Cette procédure s'applique à l'élection des conseillers à l'Assemblée des Français de l'étranger et aux élections sénatoriales : le jour du vote, l'électeur peut voter à l'urne au ministère des affaires étrangères en s'acquittant lui-même de ses frais de transport, alors même que, pour l'élection sénatoriale, le vote est obligatoire. Pour remédier à cette situation, le vote par anticipation, le samedi précédent le dimanche de l'élection, est autorisé depuis 2013. L'administration est responsable d'acheminer le matériel de vote par courrier, mais il arrive très souvent que ce délai de 8 jours ne soit pas suffisant compte tenu des contraintes logistiques. Nous proposons donc d'allonger ce délai.
M. Jean-Yves Leconte, rapporteur. - Ce ne sont d'ailleurs pas les électeurs les plus éloignés de Paris qui rencontrent le plus de problèmes à recevoir leur matériel de vote !
M. Christophe-André Frassa, rapporteur. - Tout à fait. En 2014, ce sont les bulletins de vote de Francfort qui ne sont pas arrivés à temps en raison des problèmes d'acheminement de la Deutsche Post.
La simplification des opérations de vote passe également par la facilitation du recours au vote par procuration et la suppression du vote par correspondance papier pour l'élection des députés élus par les Français établis hors de France, cette modalité de vote n'étant presque plus utilisée depuis la mise en oeuvre du vote par Internet en parallèle du vote à l'urne.
Enfin, nous préconisons de systématiser et de sécuriser le recours au vote par correspondance électronique. Lors des dernières élections législatives, les problèmes rencontrés dans la réception des codes en vue du vote par internet ont entraîné deux annulations d'élections en Amérique latine et en Afrique de l'Ouest. Si l'acheminement du premier code d'identification par mail n'a pas soulevé de difficultés majeures, la transmission du deuxième code par SMS, qui dépend de l'efficacité des opérateurs téléphoniques locaux, n'a pas fonctionné dans certains pays. L'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI) est certes réticente à l'utilisation des messageries instantanées comme Whatsapp et Signal, mais force est de constater que ces systèmes sont plus efficaces que la transmission par SMS. Le législateur, éclairé par l'ANSSI, devra trouver un équilibre entre efficacité et sécurité du dispositif.
Voici donc la liste des 18 propositions que nous vous soumettons..
M. Jean-Yves Leconte, rapporteur. - Nous vous proposons d'intituler ce rapport d'information : « Dix ans après la loi du 22 juillet 2013 : donner des moyens et des prérogatives aux élus et aux instances des Français établis hors de France ».
Chers collègues, je vous remercie d'avoir suivi cette présentation qui vous fait sans doute le même effet qu'à nous lorsque vous nous parlez d'intercommunalité... Mais nous nous retrouvons sur plusieurs sujets comme la question du non-cumul des mandats : tout comme vous, nous sommes attentifs à l'action locale. Avant 2013, les parlementaires étaient membres de droit de l'AFE ; ils ne le sont désormais plus . Nous ne proposons néanmoins pas de revenir sur ce point, dans la mesure où nous avons progressivement trouvé le moyen de travailler en bonne intelligence avec les acteurs de terrain.
Les recommandations sont adoptées.
La mission d'information adopte le rapport d'information et en autorise la publication.
La réunion est close à 11 h 35.