- Mardi 13 juin 2023
- Mercredi 14 juin 2023
- Proposition de loi relative à la prévisibilité de l'organisation des services de la navigation aérienne en cas de mouvement social et à l'adéquation entre l'ampleur de la grève et la réduction du trafic - Examen des amendements au texte de la commission
- Mission d'information relative aux zones à faibles émissions mobilités (ZFE-m) - Examen du rapport d'information
- Proposition de nomination de M. Sylvain Waserman, candidat proposé par le Président de la République aux fonctions de président du conseil d'administration de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) - Désignation d'un rapporteur
Mardi 13 juin 2023
- Présidence de M. Jean-François Longeot, président -
La réunion est ouverte à 16 h 30.
Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à lutter contre le dumping social sur le transmanche - Examen du rapport pour avis
M. Jean-François Longeot, président. - Nous sommes réunis aujourd'hui pour examiner la proposition de loi du député Didier Le Gac visant à lutter contre le dumping social sur le transmanche. Son examen a été envoyé au fond à la commission des affaires sociales. Cependant, notre commission s'est saisie pour avis de ce texte essentiel pour la sécurité des navigations, la lutte contre les pollutions marines et la souveraineté maritime de la France.
Cette proposition de loi, adoptée à l'unanimité à l'Assemblée nationale le 28 mars dernier, porte en effet sur des enjeux essentiels. Son entrée en vigueur est particulièrement attendue par tous les acteurs du secteur maritime : armateurs, syndicats et gens de mer.
Elle a été conçue en réponse à l'arrivée sur le transmanche d'un opérateur low cost aux navires battant pavillon chypriote, puis au licenciement de près de 800 marins britanniques et à leur remplacement par du personnel plus faiblement rémunéré par une autre compagnie pour faire face à cette nouvelle concurrence. Les compagnies dont les navires battent pavillon français ou britannique sont confrontées à un choix très clair : soit renoncer à utiliser un pavillon protecteur pour les marins, soit risquer le dépôt de bilan.
Dans ce contexte, le texte vise à instaurer, au travers du mécanisme d'une loi dite de police, une obligation, pour les navires de passagers circulant sur le transmanche, de respecter des normes sociales minimales quel que soit leur pavillon : le salaire minimal français et une équivalence entre le temps à bord et le temps de repos à terre pour les gens de mer. De la sorte, des conditions de concurrence équitables seraient rétablies sur le transmanche.
Je cède à présent la parole à Didier Mandelli, qui va nous présenter les grandes lignes du rapport de notre collègue rapporteure Nadège Havet, empêchée.
- Présidence de M. Rémy Pointereau, vice-président -
M. Didier Mandelli, en remplacement de Mme Nadège Havet, rapporteur pour avis. - La proposition de loi du député Didier le Gac visant à lutter contre le dumping social sur le transmanche est très attendue dans le secteur du transport maritime, par les armateurs et les syndicats du secteur, mais également et surtout par les gens de mer eux-mêmes.
Cette proposition de loi, qui a été adoptée par l'Assemblée nationale, s'inscrit dans un contexte complexe pour le transport maritime transmanche.
Historiquement, trois armateurs se partageaient le marché : Britanny Ferries, DFDS et P&O Ferries. Cependant, un nouvel acteur, Irish Ferries, est entré sur ce marché en 2021. Cette compagnie a un positionnement low cost. Afin de diminuer ses coûts, elle a décidé que ses navires battraient le pavillon chypriote, alors que les autres armateurs privilégient les pavillons français et britannique. Cela lui a permis de diminuer ses coûts de personnel de 60 %. Tout en réalisant une marge équivalente à celle de ses concurrents, Irish Ferries peut vendre ses billets 35 % moins cher.
Cette forte différence de coûts a poussé la compagnie P&O Ferries à licencier 786 marins par courriel et sans préavis pour les remplacer par des marins étrangers, avec une rémunération inférieure et des conditions de travail moins favorables en mars 2022.
On pourrait penser, à première vue, que cette nouvelle forme de concurrence est une bonne nouvelle pour les passagers, qui bénéficieront ainsi de traversées moins chères. Mais à quel prix ? Cette nouvelle concurrence laisse une alternative aux opérateurs historiques : disparaître ou adopter le modèle low cost, ce qui implique d'en finir avec le pavillon français, pas assez compétitif, dans le transmanche.
Plusieurs raisons, bien éloignées de préoccupations protectionnistes ou anticoncurrentielles, justifient pourtant d'intervenir pour empêcher cette situation.
La première raison est un enjeu de sécurité des navigations. Sur le transmanche, les navires réalisent des manoeuvres d'accostage jusqu'à dix fois par jour, passant seulement 45 minutes à quai. Les navires traversent la mer de façon perpendiculaire aux principales routes de circulation dans ce qui est le deuxième détroit le plus fréquenté au monde. Ce rythme extrêmement intense engendre chez tous les gens de mer, et pas seulement chez les officiers, des journées de travail de seize heures, voire plus, et une très forte fatigue à mesure que le temps à bord s'allonge. Même les temps de repos prévus ne permettent pas d'éviter une accumulation de fatigue : dormir avec des conditions maritimes parfois difficiles, au milieu du bruit et des vibrations occasionnés par une manoeuvre d'accostage, n'est en effet guère reposant.
C'est la raison pour laquelle, historiquement, sur le transmanche, les gens de mer alternent entre une ou deux semaines à bord et une ou deux semaines de repos. Les compagnies qui ont choisi le modèle low cost ont à leur bord des gens de mer qui peuvent rester six semaines à bord - le nombre de quatre-vingt-dix jours a même été évoqué - et passent systématiquement au moins les deux tiers de l'année en mer.
Or la parité entre le temps à terre et le temps en mer ainsi que la limitation du temps à bord sont des éléments clés pour la sécurité des navigations. L'épuisement du personnel multiplie le risque d'incidents à bord. Surtout, en cas d'incident, chacun, à bord, jusqu'au simple agent d'accueil des passagers, a un rôle défini à jouer. Comment bien remplir ce rôle lorsque la fatigue s'est accumulée pendant des semaines ? Il ne serait pas raisonnable d'attendre un drame humain ou une pollution grave pour légiférer et garantir la sécurité des navigations.
La seconde raison est un enjeu de souveraineté. Les navires de la marine marchande sous pavillon français sont fréquemment mobilisés lors des interventions militaires françaises à l'étranger. Ainsi, lors de l'intervention de la France au Koweït, deux navires de Brittany Ferries, le Coutance et le Quiberon, avaient convoyé des troupes et du matériel français sur place. Chaque année, des navires Britanny Ferries sont mobilisés lors des exercices de contre-terrorisme maritime Armor.
Il est donc essentiel pour la souveraineté de la France d'éviter la disparition d'un pan entier de sa marine marchande. Alors que la guerre est de retour sur le sol européen et que les tensions géopolitiques croissent partout sur la planète, notamment dans l'Indo-Pacifique, il est crucial pour notre pays de conserver une armée capable de se projeter dans le monde.
Enfin, cette concurrence déloyale est une menace forte contre des intérêts publics fondamentaux relatifs à l'organisation sociale et économique de notre pays. Elle implique en effet la disparition d'un secteur économique entier et du modèle social qui lui correspond.
Il est donc nécessaire de lutter contre la concurrence déloyale sur le transmanche, afin, d'une part, d'éviter la disparition, préjudiciable pour notre souveraineté et notre organisation sociale et économique, d'un pan de notre marine marchande et, d'autre part, d'assurer la sécurité des navigations et de lutter contre les pollutions marines.
Le Royaume-Uni a déjà pris les devants sur ce sujet. Une loi a été adoptée par le Parlement britannique le 28 mars dernier. Elle devrait être applicable début 2024. Elle dispose que le salaire des marins à bord ne peut être inférieur au salaire minimum britannique, sans quoi l'accès aux ports britanniques pourra être refusé aux navires qui n'appliquent pas cette règle.
Le législateur français, pour sa part, doit veiller au respect du droit européen. Toutefois, il est tout à fait possible de prévoir des dérogations aux règles de la libre prestation de service par une loi de police. En droit européen, une telle loi est une disposition impérative qu'un pays juge cruciale pour la sauvegarde de ses intérêts publics et qu'il peut imposer à des contrats, quelle que soit la loi applicable à ces derniers.
C'est un texte de cette nature qui a été transmis par l'Assemblée nationale. Il comprend deux dispositions principales : d'une part, il rend applicables aux lignes du transmanche le Smic et les salaires minimaux hiérarchiques de branche pour la détermination de la rémunération horaire des gens de mer ; d'autre part, il instaure un principe de parité entre temps à bord et temps passé à terre pour les gens de mer. Il est laissé à un décret en Conseil d'État le soin de déterminer une durée maximale d'embarquement. Ce décret s'appuiera sur une étude scientifique en cours sur le lien entre fatigue des marins et sécurité des navigations.
Cette équivalence entre temps en mer et temps à terre, ajoutée par amendement à l'Assemblée nationale, est cruciale pour l'efficacité du dispositif. Le temps plus élevé passé à bord par les gens de mer des compagnies moins-disantes en matière sociale explique une forte part des écarts salariaux et est la source d'un épuisement dangereux.
Un dispositif de sanctions fortes, tant administratives que pénales, vise à permettre une application réelle du texte. Ce sont des sanctions financières. Toutefois, lors de la troisième infraction constatée, une interdiction d'accoster dans un port français peut être prononcée par le juge pour les navires de la compagnie concernée.
Ces sanctions ont été transposées par amendement à l'Assemblée nationale à un autre cas. Dans les liaisons entre deux ports français, notamment entre le continent et la Corse, quel que soit le pavillon du navire, celui-ci doit respecter les principales règles du droit social français. C'est ce que l'on appelle le dispositif de l'État d'accueil. Afin de rendre plus efficace la lutte contre le non-respect de ce dispositif, des sanctions administratives analogues à celles prévues pour le cas du transmanche sont créées. Les sanctions pénales existantes sont également renforcées.
Le texte des députés est un texte d'équilibre. Il ne comprend pas de dispositions manifestement contraires au droit de l'Union européenne. Ce n'est pas un texte protectionniste dont l'objet serait de tuer toute concurrence étrangère. Il vise simplement à faire respecter des conditions de concurrence loyale pour assurer la protection d'intérêts publics fondamentaux de notre pays. Je crois en outre que nous manifestons aussi ici notre volonté de voir ce sujet porté à l'échelon européen.
La proposition de loi répond avec efficacité à une situation d'urgence. Les auditions que notre collègue Nadège Havet a menées, en tant que rapporteure pour avis, avec Mme Procaccia, rapporteur au fond de la commission des affaires sociales, l'ont convaincue de la nécessité de privilégier la solution la plus rapide possible. Même promulguée, l'application de cette proposition de loi serait, en tout état de cause, suspendue à la publication d'un certain nombre de décrets.
Dans ces conditions, bien que certaines sanctions proposées puissent présenter un risque contentieux au regard du principe de proportionnalité et que le texte puisse être amélioré sur plusieurs points, Nadège Havet a décidé de ne pas déposer d'amendements. La procédure accélérée n'ayant pas été déclarée, la durée de la navette parlementaire pourrait en effet ne pas laisser assez de temps au Gouvernement pour prendre les décrets d'application avant janvier 2024. C'est pourquoi notre collègue considère qu'il serait préférable d'adopter le texte des députés sans modification.
M. Gérard Lahellec. - Je note que Nadège Havet est élue du Finistère, tout comme d'ailleurs Didier Le Gac. L'enjeu de cette proposition de loi n'est pas mince. Britanny Ferries emploie 3 000 salariés sous pavillon français : on ne peut que saluer son exemplarité sociale. J'ajoute que cette compagnie travaille en étroite collaboration avec les collectivités bretonnes et normandes. Nous avons donc de nombreuses raisons de soutenir ce texte, fruit d'un consensus sur un objectif social et d'emploi et qui semble compatible avec le droit européen, même si nous devons être vigilants sur ce point. Mon groupe est favorable à une adoption conforme du texte, pour ne pas perdre de temps.
M. Jean-Michel Houllegatte. - Les problèmes évoqués ne concernent pas que le transmanche. Il est vrai qu'ils viennent s'ajouter à d'autres évolutions auxquelles les compagnies ont déjà dû s'adapter : la fin du duty free, l'entrée en vigueur de la directive européenne relative à la teneur en soufre des combustibles marins, la mise en service du tunnel sous la Manche, le terrorisme, le Brexit, le Covid, la crise de l'énergie... Le coup de force d'Irish Ferries constitue une attaque frontale contre notre modèle social européen. Ce texte est donc bienvenu. Nous ne pouvons pas laisser le dumping social et environnemental fausser la concurrence. On ne peut que saluer les avancées de l'Union européenne en la matière : la taxe carbone aux frontières de l'Europe, encore balbutiante, permettra aussi de réduire le dumping environnemental. L'enjeu est de préserver notre modèle social et économique européen. Ce texte constitue un marqueur à cet égard.
Il ne faut pas oublier non plus que la Manche est la mer la plus dangereuse du monde : le très important trafic longitudinal, qui compte de nombreux navires transportant des matières dangereuses, est « cisaillé » par le trafic transmanche - 17 millions de passagers par an -, par les manoeuvres des navires qui extraient des granulats marins ou qui installent des éoliennes, par les mouvements des pêcheurs ou des plaisanciers, etc. Et je ne parle pas de la météo capricieuse ! Il importe donc de faire preuve d'une extrême rigueur en ce qui concerne la sécurité. Nous voterons donc cette proposition de loi.
M. Ronan Dantec. - Le phénomène du dumping social concerne aussi le secteur aérien. Britanny Ferries a d'excellents résultats financiers, preuve qu'une entreprise peut réussir tout en respectant notre droit social, il faut le souligner. Par-delà le transmanche, le transport maritime, qui a été l'un des grands leviers de la mondialisation et de la libéralisation, a une empreinte carbone élevée. Il est temps de soumettre ce secteur à une régulation sociale et environnementale. Cette proposition de loi va dans le bon sens. Mon groupe comptait déposer des amendements, mais il soutiendra une adoption conforme du texte.
M. Didier Mandelli, rapporteur pour avis. - Dans tous les textes que nous avons examinés, qu'il s'agisse de la loi d'orientation des mobilités de 2019 ou de la loi relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables de 2023, nous avons toujours veillé à prévenir le dumping social, en nous fondant sur le droit européen, afin d'éviter notamment que les personnels étrangers ne soient employés dans d'autres conditions que les travailleurs français, notamment sur les temps de repos.
La commission émet un avis favorable à l'adoption de la proposition de loi sans modification.
Projet de loi relatif à l'industrie verte - Examen du rapport pour avis
M. Rémy Pointereau, président. - Nous examinons maintenant le rapport pour avis de notre collègue Fabien Genet sur le projet de loi relatif à l'industrie verte. Notre commission s'est saisie de six articles pour lesquels nous bénéficions d'une délégation au fond - les articles 2 à 4, 7, 13 et 14 - ainsi que pour avis sur les articles 5, 6, 9 et 10. Le délai limite pour les amendements de séance est fixé à lundi midi et nous commencerons l'examen du texte en séance dès mardi prochain.
M. Fabien Genet, rapporteur pour avis. - Il me revient de vous présenter les grandes lignes du projet de loi relatif à l'industrie verte.
Avant de vous présenter les orientations et les amendements que je vous proposerai d'adopter, permettez-moi, dans un premier temps, de vous faire part de mon impression générale sur le texte qui nous est soumis.
Commençons par les objectifs affichés par le Gouvernement : d'une part, renforcer l'attractivité et la compétitivité de la France pour favoriser sa réindustrialisation et faire de notre pays « le champion de l'industrie verte et des technologies décarbonées » et, d'autre part, réduire le bilan carbone de l'industrie, qui représente aujourd'hui près de 20 % des émissions de gaz à effet de serre en France.
Il me semble que nous ne pouvons tous que souscrire à ces orientations. Le contexte particulièrement concurrentiel, marqué par l'adoption par le Congrès américain en août 2022 de la loi protectionniste Inflation Reduction Act, appelle une réaction des pouvoirs publics pour éviter la fuite des industries européennes et françaises « bas-carbone » outre-Atlantique. En outre, la nouvelle stratégie nationale bas-carbone (SNBC), attendue pour l'année 2023, implique que l'industrie française continue à réduire ses émissions, comme l'a déjà indiqué la Première ministre dans la présentation, le mois dernier, des grandes lignes du plan Climat de notre pays.
Je note toutefois un écart entre l'intention affichée par le Gouvernement et le contenu réel du texte. En effet, ses dispositions ont un périmètre d'application plus large que la notion d'industrie verte : cette notion semble servir de vitrine au projet sans pour autant en constituer le contenu. En outre, aucun dispositif ne répond véritablement à l'objectif de réduction des émissions de l'industrie française. Ainsi, le projet de loi constitue manifestement un signal à l'attention des investisseurs étrangers : aux yeux du Gouvernement, l'existence d'un véhicule législatif consacré à la réindustrialisation et la communication qui lui est associée semblent plus compter que son contenu.
Il en découle une « petite loi », très loin de la « révolution » revendiquée par le Gouvernement. Le Gouvernement a fait le choix d'un texte « impressionniste », qui s'apparente à un catalogue de mesures ciblées sur des sujets très divers. Le périmètre du projet de loi est donc bien plus restreint qu'on ne pourrait le penser à la lecture de son intitulé ou de l'intitulé de ses titres... Mécaniquement, de nombreux amendements seront donc en dehors de ce périmètre restreint et devront être déclarés irrecevables au titre de l'article 45.
Derrière l'ambition affichée, ce texte, aux dispositions principalement techniques, se borne parfois à n'être qu'un projet de loi balai, ajustant à la marge le droit existant ou corrigeant des textes récents, au mépris parfois des positions récemment exprimées par le Parlement : je pense notamment à la suppression de dispositions visant à accélérer le développement des énergies renouvelables introduites dans la loi de mars 2023, sur l'initiative de Didier Mandelli.
Certains articles sont même cosmétiques, consacrant au niveau législatif des dispositions déjà existantes à l'échelon réglementaire ou dans la jurisprudence. Les articles du texte entrant dans le champ d'expertise de notre commission devraient donc avoir peu d'impact et contribueront à la marge à la réindustrialisation du pays.
Afin de redresser ce texte imparfait, je vous proposerai donc 19 amendements poursuivant trois objectifs distincts : garantir l'intégrité environnementale du projet de loi, corriger les dispositifs qui n'atteignent pas leur cible et assurer la sécurité juridique d'un texte souvent imprécis.
Je commence par mon premier volet de propositions, visant à garantir l'intégrité environnementale du projet de loi.
J'estime tout d'abord que l'accélération de l'implantation de projets d'industrie verte ne doit pas se faire au détriment du principe pollueur-payeur : la réhabilitation des friches industrielles doit rester de la responsabilité des industriels. Je vous proposerai dans ces conditions de revenir sur la suppression, prévue à l'article 6, de la garantie financière imposée à certains exploitants de sites industriels lors de l'ouverture du site. Si cette garantie qui couvre les frais industriels et de réhabilitation est supprimée, la responsabilité de la réhabilitation risque de se reporter sur la puissance publique et les collectivités territoriales. Bien qu'imparfait, le dispositif de garantie financière devrait donc être réformé plutôt que supprimé. L'objectif légitime d'amélioration de la compétitivité des entreprises ne peut pas se faire au détriment des collectivités territoriales et du principe légitime pollueur-payeur. Si nous l'adoptons, cet amendement sera soumis à l'examen de la commission des affaires économiques, chargée d'examiner au fond l'article 6. Je pense avoir convaincu le rapporteur Laurent Somon de me suivre dans cette direction.
Un deuxième sujet de nature environnementale est la modernisation de la procédure de consultation du public pour accélérer la procédure d'autorisation environnementale. C'est un objectif auquel je souscris. Pour autant, cette accélération ne doit pas occulter la qualité de la participation du public ni remettre en cause le principe de participation du public, consacré par la Charte de l'environnement, et gage de l'acceptabilité des projets industriels. Je vous proposerai ainsi de revenir sur la désignation du garant de la concertation préalable comme commissaire enquêteur, à l'article 2. Je vous proposerai également, à l'article 3, de réduire les contraintes imposées à un projet d'implantation sur un site qui a déjà fait l'objet d'un débat public global ou d'une concertation globale, tout en préservant le droit à la participation du public. Mon amendement constituera une position d'équilibre tendant à soumettre ce type de projet à une concertation préalable - moins lourde qu'un débat public - là où le Gouvernement souhaitait supprimer toute forme de participation du public.
Troisième sujet de nature environnementale : la compensation des atteintes à la biodiversité. Tenant compte de l'avis du Conseil national de la transition écologique (CNTE), je vous proposerai un amendement à l'article 7 tendant à mieux distinguer les notions de restauration et de renaturation, d'une part, de celle de compensation, d'autre part.
Enfin, ma dernière proposition sur le volet environnemental consiste à accélérer le déploiement des énergies renouvelables. À l'initiative de notre commission et de son rapporteur, Didier Mandelli, la loi relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables de mars 2023 prévoit un délai particulier pour l'examen des demandes d'autorisation environnementale des projets d'énergies renouvelables situés dans des zones d'accélération. L'article 2 supprime ce délai : les phases d'examen et de consultation seront menées en parallèle. Pour rétablir la spécificité des projets d'énergies renouvelables et accélérer leur déploiement en zone d'accélération, je vous proposerai de limiter le délai d'octroi de permis à douze mois pour les projets d'énergies renouvelables situés dans les zones d'accélération, comme cela est prévu dans le projet de révision de la directive sur les énergies renouvelables (RED III), qui est en cours d'adoption.
Mon deuxième axe de propositions visera à corriger certains dispositifs qui n'atteignent pas leur cible.
Il s'agit tout d'abord de la proposition du Gouvernement, à l'article 13, tendant à faire du non-respect de l'obligation d'établir un bilan des émissions de gaz à effet de serre (Beges) un motif d'exclusion facultatif des procédures de passation des marchés publics et des contrats de concession. En effet, 65 % des quelque 5 000 organisations assujetties ne respectent pas leur obligation de réaliser un tel bilan. Il est indispensable de remédier à ce déficit d'application de la loi, dommageable d'un point de vue environnemental et industriel. Pour autant, la solution proposée par le Gouvernement est-elle la bonne ? Je ne le pense pas. Des réserves peuvent clairement être émises quant à l'efficacité de ce levier facultatif, qui est très peu mobilisé par les acheteurs publics, voire qui ne l'est pas du tout. La vocation première du code de la commande publique n'est pas, au demeurant, de faire respecter d'autres dispositions législatives, relevant par exemple du code de l'environnement.
Je vous proposerai donc un amendement supprimant ce dispositif, pour privilégier un relèvement des sanctions administratives applicables en cas de non-respect de l'obligation d'établir un Beges.
Une correction de l'article 13 s'impose également concernant le « verdissement » de la commande publique. Cet article rappelle la possibilité de mobiliser des critères qualitatifs, notamment environnementaux, pour attribuer les marchés publics : je souhaite, par souci de cohérence, procéder à une consécration analogue pour les contrats de concession. J'en profite pour saluer le travail fait par Pascal Martin lors de la loi Climat et résilience d'août 2021 sur ce sujet important.
Je vous proposerai enfin d'améliorer le dispositif relatif à la sortie implicite du statut de déchet, à l'article 4, en corrigeant l'écart manifeste entre l'intention affichée du Gouvernement et la rédaction du projet de loi.
Mon dernier axe de propositions vise à assurer la sécurité juridique d'un texte parfois imprécis.
Un premier amendement à l'article 4 permettra de sécuriser l'intervention de l'État pour sanctionner les transferts transfrontaliers illégaux de déchets : je propose que le principe du contradictoire ne trouve à s'appliquer que lorsque des amendes administratives sont imposées et non pour les décisions urgentes pouvant être prises par l'autorité administrative.
Pour faciliter le développement de l'économie circulaire, l'article 4 prévoit que le statut de déchet ne sera pas appliqué aux résidus de production émanant des plateformes industrielles. Le dispositif du Gouvernement souffre cependant d'un défaut de non-conformité au droit de l'Union européenne : je vous proposerai donc un amendement visant à dissiper cette insécurité juridique.
Enfin, à l'article 13, qui rend possible la mutualisation d'un schéma de promotion des achats publics socialement et écologiquement responsables (Spaser) entre plusieurs acheteurs publics, je vous proposerai un amendement ouvrant cette possibilité aux acheteurs publics volontaires dont le montant total annuel d'achats est inférieur au seuil réglementaire rendant obligatoire la réalisation d'un Spaser, soit 50 millions d'euros hors taxes. De plus petites collectivités pourront ainsi bénéficier des initiatives et démarches de « verdissement » de la commande publique engagées par de plus grandes collectivités territoriales.
Voilà, mes chers collègues, le fruit du travail que j'ai mené, dans des délais particulièrement restreints compte tenu du calendrier qui nous a été imposé par le Gouvernement. Les quelques jours nous séparant du passage en séance publique nous permettront, le cas échéant, d'approfondir notre travail, par exemple pour ce qui concerne la réduction du risque et des délais contentieux, problématique à laquelle la loi sur les énergies renouvelables de mars 2023 a déjà permis d'apporter de premières réponses, à l'initiative de Didier Mandelli.
- Présidence de M. Jean-François Longeot, président -
M. Jacques Fernique. - Le projet de loi sur l'industrie verte est-il vraiment « vert » ? Il traduit moins la volonté d'accélérer la transition écologique de l'industrie qu'une volonté de procéder à la réindustrialisation du pays, par le biais de quelques grands projets ou de quelques gigafactories, sans guère se soucier des territoires et de leurs projets. La plupart des dispositions concernent l'ensemble des projets industriels, voire l'ensemble des projets soumis à autorisation environnementale. Aucun indicateur dans l'étude d'impact ne mesure la baisse des émissions carbone ni les impacts environnementaux.
Au contraire, on constate bon nombre de régressions environnementales et un affaiblissement du processus de consultation démocratique. Ainsi, à l'article 2, l'évaluation environnementale et la participation du public sont sacrifiées au nom de l'accélération des projets industriels. Alors que le projet de loi vise à simplifier les procédures, il complexifie et augmente l'illisibilité pour les projets industriels qui sont soumis à une autorisation environnementale. Par ailleurs, l'efficacité de l'enquête publique se voit considérablement affaiblie. Le rôle du commissaire enquêteur est amoindri, dans la mesure où il sera aussi garant de la concertation préalable : ces deux fonctions relèvent pourtant d'impératifs et d'exigences différentes. Nous présenterons donc un amendement de suppression de l'article 2.
Il serait certainement intéressant de disposer d'une vue d'ensemble sur les projets industriels d'un territoire, mais la mutualisation prévue à l'article 3 risque d'affaiblir le processus démocratique. Contrairement à l'intention affichée, elle pourrait rendre difficile la compréhension précise des projets, dans la mesure où le périmètre géographique retenu est large et pas toujours homogène. Dans cette logique, notre groupe souhaite la suppression de l'article 3.
La suppression des sites naturels de compensation (SNC), dispositif complexe mais récent, au profit de sites naturels de restauration et renaturation (SNRR), nous laisse sceptiques. Elle est fondée sur la perspective d'un gain attendu, mais celui-ci n'est pas écologiquement équivalent à l'environnement détruit. De plus, les SNRR ne semblent pas moins complexes que les SNC. Enfin, la possibilité pour les personnes publiques d'acheter des unités de restauration nous paraît contre-productive.
L'économie circulaire, malgré l'intitulé du chapitre 3, est largement absente du texte. Je regrette que nos amendements relatifs à l'économie circulaire soient jugés irrecevables en application de l'article 45 de la Constitution. Nous aurions aimé débattre de la généralisation de la consigne pour réemploi du verre. Notre amendement visant à créer des projets territoriaux d'industrie circulaire à l'image des projets alimentaires territoriaux a néanmoins survécu aux articles 40 et 45 de la Constitution. Je m'en réjouis !
En ce qui concerne la commande publique, dont il est question à l'article 13, celle-ci doit faire davantage preuve d'exemplarité en matière de responsabilité environnementale. Nous déposerons plusieurs amendements pour muscler le texte en ce sens.
Il est regrettable, enfin, que l'article 1er sur la planification des sites industriels ne traite pas de la logistique, notamment du transport ferroviaire. Voilà une occasion manquée !
Mme Angèle Préville. - Nous voterons les amendements proposés par le rapporteur, sauf celui qui est relatif au Beges. Il conviendrait de commencer par définir ce que l'on entend par « industrie verte ». Si les efforts de relocalisation sont louables, on ne peut toutefois applaudir benoîtement une stratégie de réindustrialisation sans savoir de quelle industrie il est question. Les maux que nous connaissons aujourd'hui sont le fruit de la révolution industrielle du XIXe siècle. Il importe de ne pas reproduire les erreurs du passé, faute de quoi nous accentuerons les problèmes.
Nos amendements visent à accroître l'ambition du texte. En ce qui concerne les articles 2 et 3, nous pensons qu'il est dangereux de limiter le débat public, même au prétexte de le « moderniser ». Les consultations du public sont des étapes essentielles de la prise de décision, tout comme l'instruction des demandes d'autorisation environnementale : elles ne sont pas la cause de l'allongement des délais. L'article 4 vise à assouplir les règles applicables à la sortie du statut de déchet ; nous devons nous interroger sur les contrôles exercés sur les entreprises qui seront responsables de l'application du dispositif.
Il importe que la compensation environnementale et la valorisation des unités de renaturation, prévues à l'article 7, aboutissent non pas à une organisation de la pollution, mais à la réduction et à la disparition de cette dernière.
En ce qui concerne la commande publique, les mesures proposées n'ont qu'une portée incitative. Ce texte constitue aussi une occasion manquée pour l'économie circulaire. Comme on pouvait le lire dans un article du journal Le Monde d'hier, le réchauffement climatique « confronte notre espèce, et la nature, à leurs dernières extrémités ; [...] nous approche du bord de nos modes de vie, de nos ressources ; [...] nous pousse tout au bout des contradictions de nos économies centrées sur la consommation ».
M. Jean-Michel Houllegatte. - Je note une contradiction. Récemment, lors du sommet Choose France, qui a donné lieu à un grand show médiatique, on nous a expliqué que la France était le pays le plus attractif d'Europe avec 6 910 implantations d'entreprises entre 2017 et 2021. Les procédures en vigueur ne semblent donc pas avoir constitué un obstacle... Or, si l'on en croit l'exposé des motifs de ce texte, la France manquerait d'attractivité et il faudrait mettre en oeuvre, pour remédier à cette situation, quatre leviers opérationnels, les « 4 F » : faciliter, favoriser, financer et former. Si je ne suis pas opposé à un renforcement de l'attractivité de la France, il ne faut pas dire que celle-ci n'est pas attractive. Selon l'Insee, la France a perdu des emplois industriels : c'est vrai, mais les entreprises se sont recentrées sur leur coeur de métier, ont externalisé certaines fonctions, et des emplois - dans le gardiennage, la logistique, le nettoyage, etc. - qui étaient classés comme industriels sont devenus des emplois tertiaires.
Ce projet de loi a un petit air de déjà-vu : les termes du débat n'ont guère changé depuis la loi relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables. Il est toujours question de mise en compatibilité des documents d'urbanisme, de modification des procédures de consultation publique, de raisons impératives d'intérêt public majeur, notamment pour déroger à la législation sur les espèces protégées, etc. L'exception tend à devenir la règle ! Nous devons être prudents. Il importe que les procédures visant à préserver l'environnement continuent d'être respectées. De même, il faut éviter que les élus locaux ne soient dépossédés au profit des préfets : ces derniers ne sont pas des gouverneurs dont la mission serait de se substituer à l'action des élus locaux.
M. Hervé Gillé. - Je regrette que notre commission n'ait pas pu débattre de l'article 9 au titre de sa compétence relative à l'aménagement du territoire, car cet article porte un coup à la décentralisation. L'objectif n'est pas de renforcer la contractualisation avec les régions et les collectivités territoriales. C'est regrettable.
M. Didier Mandelli. - Nous avons choisi de ne pas créer de commission spéciale sur ce texte pour laisser à chaque commission le soin de l'examiner en fonction de son domaine d'expertise spécifique. Par conséquent, nous avons dû tracer des lignes de partage entre les commissions. Je tiens à féliciter notre rapporteur qui a su aborder ce texte sous l'angle du développement durable en menant une réflexion de fond. Il était difficile de trouver le bon équilibre.
Ce texte n'est pas une nouvelle loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire (Agec) ni une nouvelle loi sur les énergies renouvelables. C'est pourquoi un grand nombre d'amendements ont été déclarés irrecevables en application de l'article 45. Ce projet de loi est peu charpenté. Je salue le travail des rapporteurs de toutes les commissions qui ont su cerner le périmètre du texte. On a besoin de stabilité et de visibilité. Il ne faut pas renouveler les débats que l'on a connus lors de l'examen des derniers textes.
M. Fabien Genet, rapporteur pour avis. - Je partage votre constat sur l'écart entre les ambitions affichées dans le titre et le contenu du texte : c'est comme lire un menu alléchant au restaurant, avant de manger un plat de cuisine moléculaire !
En ce qui concerne la concomitance entre la phase d'instruction par les services et la consultation publique, je rappelle que plusieurs personnes parmi celles que nous avons entendues en audition souhaitaient que la consultation du public intervienne plus en amont, sans attendre la fin de la procédure d'instruction, afin que le public n'ait pas l'impression que tout était déjà bouclé et qu'il n'avait d'autre choix que de prendre ou de laisser un package déjà constitué. L'ouverture du délai de consultation plus tôt est donc une bonne chose.
Je rejoins les propos de Mme Préville sur la définition de l'industrie verte.
En France, une grande partie des délais tient au déroulement des procédures contentieuses. Or cet aspect n'est pas abordé dans le texte. Des amendements visent à restreindre les procédures abusives, mais il est bien difficile de définir le caractère abusif d'une procédure. Une autre voie consisterait à réduire les délais de jugement à dix mois, comme cela a été fait en matière d'urbanisme, mais une telle évolution relève du domaine réglementaire.
Le préfet, en effet, ne doit pas être un gouverneur. Nous sommes tous d'accord sur ce point. Les élus doivent conserver toutes leurs compétences.
Enfin, je partage la déception de ceux qui regrettent que notre commission ne soit pas compétente en matière d'urbanisme, mais la question de la répartition des compétences entre les différentes commissions du Sénat a été tranchée il y a longtemps.
M. Laurent Somon, rapporteur de la commission des affaires économiques. - Le rapporteur pour avis et moi avons régulièrement échangé et nous nous sommes partagé les articles afin que chacun puisse exercer ses compétences. On peut s'interroger, comme Mme Préville, sur la définition de l'industrie verte portée par ce texte. On n'y retrouve pas forcément ses petits... Ce texte défend la réindustrialisation, mais assez peu la décarbonation, élément pourtant important pour la future industrie française.
Nous avons rencontré les mêmes difficultés que vous et nous partageons les mêmes impressions : cette loi est elliptique et technique. Elle est elliptique, car elle n'englobe pas la totalité des industries vertes et durables, et elle est technique, car elle modifie beaucoup de textes réglementaires, en principe pour accélérer les procédures, notamment celles qui concernent la délivrance des permis de construire.
Ce texte renvoie essentiellement à des règlements futurs, et au projet de loi de finances à venir : rien n'est défini quant aux moyens mis à disposition des industriels et des collectivités, notamment pour ce qui concerne le foncier nécessaire pour accompagner la reprise des friches. Les collectivités pourraient finir par devoir assumer toute la responsabilité de la remise à niveau.
Je rejoins M. Houllegatte : nous n'avons pas attendu cette loi pour avoir des résultats. Les chiffres de Choose France ont été évoqués et des gigafactories ont été très rapidement construites dans les Hauts-de-France sans cette loi. Les élus locaux ne portent donc pas nécessairement la responsabilité d'une lenteur qui empêcherait la réalisation des projets industriels.
Nous avons discuté des garanties financières, afin d'assurer et de protéger les industriels reconquérant des friches, sans pour autant que ces risques d'installation pèsent sur leur trésorerie.
À l'article 9, qui sera entièrement remanié, les élus sont mis de côté. C'est d'autant plus étonnant que, dans les schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (Sraddet), on demande aux régions d'être des stratèges en matière de développement économique. Ne pas les consulter pour la modification du Sraddet ou des documents d'urbanisme consécutifs paraît totalement aberrant. Nous ferons des propositions pour redonner aux collectivités locales toute leur place dans la responsabilisation des aménagements économiques sur leurs territoires.
M. Fabien Genet, rapporteur pour avis. - Il me reste à vous soumettre un périmètre pour l'établissement du texte au regard de l'article 45 de la Constitution et de l'article 44 bis du règlement du Sénat pour ce qui concerne les cavaliers législatifs. Dans le champ des articles délégués au fond à notre commission, je vous propose de proposer à la commission des affaires économiques de retenir dans le périmètre du texte les dispositions relatives à la phase de consultation et d'examen de la procédure d'autorisation environnementale, à l'organisation du débat public ou de la concertation préalable pour des projets d'aménagement et d'équipement, à l'application et à la sortie du statut de déchet, aux sanctions applicables aux transferts transfrontaliers illégaux de déchets, à la compensation des atteintes à la biodiversité et à la prise en compte des considérations environnementales dans les achats publics.
Sans que cette énumération soit exhaustive, je propose que ne soient pas susceptibles de présenter un lien, même indirect, avec le texte déposé, les dispositions relatives à la collecte des déchets, aux éco-contributions dues au titre des filières de responsabilité élargie du producteur (REP) ou à la gouvernance de ces filières, au réemploi des pièces des véhicules hors d'usage, aux contenants ou aux emballages réemployables, aux installations ferroviaires terminales embranchées, à l'affichage environnemental sur les produits, à l'interdiction des scooters des neiges, à la mise en oeuvre de zones franches rurales, à l'octroi de la prime de conversion à l'achat d'une voiture électrique, à l'adaptation des ports maritimes aux énergies marines renouvelables ou aux zones franches portuaires et à l'organisation des mobilités par les entreprises.
Il en est ainsi décidé.
EXAMEN DES ARTICLES POUR AVIS
M. Fabien Genet, rapporteur pour avis. - Mon amendement DEVDUR.9 concerne les garanties financières dont le rapporteur de la commission des affaires économiques a parlé. Nous proposons la suppression des dispositions restreignant le champ de l'obligation de constitution de garanties financières.
L'amendement DEVDUR.9 est adopté.
EXAMEN DES ARTICLES DÉLÉGUÉS
Article 2 (délégué)
La commission émet un avis défavorable aux amendements identiques COM-224, COM-239 et COM-295.
La commission propose à la commission des affaires économiques de ne pas adopter l'amendement COM-238 rectifié bis.
La commission propose à la commission des affaires économiques de ne pas adopter les amendements identiques COM-112, COM-115 et COM-248, non plus que l'amendement COM-60.
La commission propose à la commission des affaires économiques de ne pas adopter l'amendement COM-103.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement COM-184.
M. Fabien Genet, rapporteur pour avis. - Mon amendement COM-270 a pour objet de supprimer la désignation du garant comme commissaire enquêteur, pour assurer l'indépendance du garant dans le débat public.
L'amendement COM-270 est adopté.
M. Jean-François Longeot, président. - Si l'amendement COM-351 rectifié bis était adopté, l'amendement COM-20 rectifié deviendrait sans objet.
La commission émet un avis favorable à l'amendement COM-351 rectifié bis. Elle propose à la commission des affaires économiques de ne pas adopter l'amendement COM-20 rectifié.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement COM-183.
La commission propose à la commission des affaires économiques de ne pas adopter les amendements identiques COM-57, COM-64, COM-113, COM-66, COM-172, COM-174, COM-179, COM-249.
La commission émet un avis favorable à l'amendement COM-185.
La commission propose à la commission des affaires économiques de ne pas adopter l'amendement COM-186.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement COM-187.
L'amendement de coordination COM-271 est adopté.
M. Fabien Genet, rapporteur pour avis. - Les amendements identiques COM-3 rectifié quater, COM-29 rectifié, COM-11 rectifié bis, COM-52 rectifié et COM-98 ont trait au délai de recours contentieux, qui relève du domaine réglementaire. Un débat en séance nous permettra d'interpeller le Gouvernement à ce sujet. En attendant, avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable aux amendements identiques COM-3 rectifié quater, COM-29 rectifié, COM-11 rectifié bis, COM-52 rectifié et COM-98.
La commission propose à la commission des affaires économiques de ne pas adopter les amendements identiques COM-2 rectifié quater, COM-43 rectifié, COM-117 rectifié, COM-257 rectifié, COM-28 rectifié, COM-10 rectifié bis, COM-50 rectifié et COM-99.
La commission propose à la commission des affaires économiques de ne pas adopter les amendements identiques COM-188 et COM-240.
La commission propose à la commission des affaires économiques d'adopter l'article 2 ainsi modifié.
Après l'article 2 (délégué)
La commission propose à la commission des affaires économiques d'adopter les amendements identiques COM-44 et COM-251 portant article additionnel.
M. Jean-François Longeot, président. - Les amendements suivants, le COM-269 rectifié du rapporteur, le COM-250 rectifié de Mme Delattre et le COM-65 rectifié bis de M. Kern, sont identiques.
L'amendement COM-269 rectifié est adopté et devient article additionnel.
La commission propose à la commission des affaires économiques d'adopter cet article additionnel.
La commission propose à la commission des affaires économiques d'adopter les amendements identiques COM-250 rectifié et COM-65 rectifié bis portant article additionnel.
Article 3 (délégué)
La commission émet un avis défavorable aux amendements identiques COM-227 et COM-241.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement COM-70.
L'amendement COM-273 est adopté. En conséquence, l'amendement COM-189 devient sans objet.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement COM-190.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement COM-191.
L'amendement COM-272 est adopté.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement COM-192.
La commission propose à la commission des affaires économiques d'adopter l'article 3 ainsi modifié.
Après l'article 3 (délégué)
La commission propose à la commission des affaires économiques de ne pas adopter les amendements identiques COM-12 rectifié, COM-54, COM-100 et COM-134.
M. Fabien Genet, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-243 rectifié concerne l'élaboration de projets territoriaux d'industrie circulaire. Il a survécu au contrôle du respect de l'article 40 de la Constitution. Avis favorable.
La commission propose à la commission des affaires économiques d'adopter l'amendement COM-243 rectifié portant article additionnel.
Article 4 (délégué)
La commission propose à la commission des affaires économiques de déclarer les amendements identiques COM-114 et COM-199 irrecevables en application de l'article 45 de la Constitution.
La commission propose à la commission des affaires économiques de déclarer l'amendement COM-138 irrecevable en application de l'article 45 de la Constitution.
M. Jean-François Longeot, président. - Trois amendements suivants, le COM-276 du rapporteur, le COM-19 rectifié bis de M. Pellevat, et le COM-310 rectifié de Mme de Cidrac, sont identiques.
L'amendement COM-276 est adopté. La commission émet un avis favorable aux amendements identiques COM-19 rectifié bis et COM-310 rectifié. En conséquence, l'amendement COM-296 devient sans objet.
M. Jean-François Longeot, président. - Trois amendements suivants, le COM-274 du rapporteur, le COM-18 rectifié bis de M. Pellevat, et le COM-311 rectifié de Mme de Cidrac, sont identiques. S'ils étaient adoptés, les amendements COM-274, COM-18 et COM-311 feraient tomber les amendements COM-73, COM-74 et COM-356.
L'amendement COM-274 est adopté. En conséquence, les amendements COM-73, COM-74 et COM-356 deviennent sans objet. La commission émet un avis favorable aux amendements identiques COM-18 rectifié bis et COM-311 rectifié.
La commission émet un avis défavorable aux amendements COM-160 et COM-147.
La commission propose à la commission des affaires économiques de déclarer l'amendement COM-15 rectifié irrecevable en application de l'article 45 de la Constitution.
L'amendement COM-275 est adopté.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement COM-193. Elle émet un avis favorable à l'amendement COM-194.
La commission émet un avis favorable à l'amendement COM-196. Elle émet un avis défavorable à l'amendement COM-195.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement COM-197.
La commission propose à la commission des affaires économiques d'adopter l'article 4 ainsi modifié.
Après l'article 4 (délégué)
La commission émet un avis défavorable aux amendements identiques COM-101 rectifié et COM-129 rectifié.
La commission propose à la commission des affaires économiques de déclarer irrecevables en application de l'article 45 de la Constitution les amendements COM-171, COM-359, COM-178, et COM-109 rectifié, les amendements identiques COM-207 et COM-256, l'amendement COM-229 et les amendements identiques COM-91 et COM-312, les amendements identiques COM-230 et COM-170, les amendements COM-242, COM-222, et COM-226, l'amendement COM-255, les amendements COM-313 et COM-223, l'amendement COM-316, l'amendement COM-343 et l'amendement COM-345.
La commission émet un avis défavorable aux amendements identiques COM-348 et COM-360 rectifié.
Division additionnelle avant l'article 5 (délégué)
La commission émet un avis défavorable aux amendements COM-154 rectifié, COM-22 rectifié et COM-302 rectifié.
Article 7 (délégué)
L'amendement COM-277 est adopté. La commission émet un avis défavorable aux amendements COM-354, COM-245, COM-246 et COM-244.
La commission propose à la commission des affaires économiques d'adopter l'article 7 ainsi modifié.
Après l'article 7 (délégué)
La commission émet un avis défavorable à l'amendement COM-34.
Après l'article 10 (délégué)
La commission propose à la commission des affaires économiques de déclarer l'amendement COM-1 irrecevable en application de l'article 45 de la Constitution.
Article 13 (délégué)
L'amendement COM-278 est adopté. La commission émet un avis favorable à l'amendement identique COM-308.
L'amendement COM-283 est adopté. La commission émet un avis favorable à l'amendement identique COM-309.
La commission émet un avis défavorable aux amendements identiques COM-175, COM-105 et COM-297.
M. Fabien Genet, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-284 vise à supprimer le motif d'exclusion facultatif des procédures de la commande publique pour non-respect de l'obligation d'établir un bilan des émissions de gaz à effet de serre (Beges), et d'augmenter le niveau de sanctions pour non-respect de l'obligation d'établir un Beges.
Une entreprise n'ayant pas publié son Beges alors qu'elle en était obligée pourra être exclue d'un marché public, selon le bon vouloir de l'organisateur de celui-ci. Mais les entreprises françaises ne dépassant pas le seuil de 500 salariés et les entreprises étrangères ne sont pas soumises à cette obligation. En outre, l'idée que le non-respect de l'obligation d'établir un bilan soit un motif facultatif d'exclusion des procédures de passation des marchés publics limite la portée du dispositif. Enfin, il nous semble plus logique, lorsqu'une entreprise ne respecte pas ses obligations légales, d'augmenter les pénalités et de les appliquer plutôt que d'utiliser le code des marchés publics.
L'amendement COM-284 est adopté. En conséquence, l'amendement COM-214 devient sans objet.
L'amendement COM-280 est adopté. En conséquence, l'amendement COM-338 devient sans objet.
La commission émet un avis défavorable aux amendements identiques COM-14, COM-26 et COM-38.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement COM-35.
La commission émet un avis défavorable aux amendements identiques COM-208, COM-81, COM-215 et COM-225.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement COM-247.
M. Fabien Genet, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-281 vise à établir la possibilité de recourir à des critères qualitatifs pour l'attribution d'un contrat de concession.
L'amendement COM-281 est adopté.
L'amendement rédactionnel COM-282 est adopté.
L'amendement rédactionnel COM-279 est adopté.
La commission propose à la commission des affaires économiques d'adopter l'article 13 ainsi modifié.
M. Fabien Genet, rapporteur pour avis. - Les amendements COM-106, COM-361, COM-110 rectifié, COM-176 et COM-146 portent sur l'obligation d'acquisition et d'utilisation de véhicules « rétrofités » par les acheteurs publics. Nous avons réfléchi sur ce sujet : pour l'instant, l'avis est défavorable sur l'ensemble de ces amendements, mais si quelqu'un présentait un amendement sur ce sujet en séance était présenté, il serait intéressant d'avoir l'avis du Gouvernement. C'est une piste pour atteindre nos objectifs, mais le marché est-il assez mûr pour inscrire dès à présent des obligations dans le code des marchés publics ?
La commission émet un avis défavorable aux amendements COM-106, COM-361, de même qu'aux amendements identiques COM-110 rectifié et COM-176 et à l'amendement COM-146.
La commission émet un avis défavorable aux amendements COM-237 rectifié et COM-82.
La commission émet un avis défavorable aux amendements COM-363 et COM-368.
La commission propose à la commission des affaires économiques de déclarer l'amendement COM-349 irrecevable en application de l'article 45 de la Constitution, de même que les amendements identiques COM-8 et COM-288.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement COM-236.
La commission émet un avis défavorable aux amendements identiques COM-92, COM-228 rectifié et COM-314.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement COM-209 rectifié, de même qu'aux amendements identiques COM-128 rectifié et COM-299.
La commission propose à la commission des affaires économiques de déclarer l'amendement COM-303 irrecevable en application de l'article 45 de la Constitution.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement COM-24.
La commission propose à la commission des affaires économiques de déclarer les amendements identiques COM-265 et COM-305 de même que l'amendement COM-267 rectifié irrecevables en application de l'article 45 de la Constitution.
Article 14 (délégué)
L'amendement rédactionnel COM-285 est adopté.
L'amendement de coordination COM-286 est adopté.
La commission propose à la commission des affaires économiques d'adopter l'article 14 ainsi modifié.
Après l'article 14 (délégué)
La commission émet un avis défavorable à l'amendement COM-357.
La commission propose à la commission des affaires économiques de ne pas adopter les amendements COM-30 et COM-51 rectifié.
La commission propose à la commission des affaires économiques de ne pas adopter l'amendement COM-51.
La commission propose à la commission des affaires économiques de déclarer l'amendement COM-140 irrecevable en application de l'article 45 de la Constitution.
La commission propose à la commission des affaires économiques de déclarer l'amendement COM-141 irrecevable en application de l'article 45 de la Constitution.
La commission propose à la commission des affaires économiques de déclarer l'amendement COM-145 irrecevable en application de l'article 45 de la Constitution.
La commission propose à la commission des affaires économiques de déclarer l'amendement COM-157 irrecevable en application de l'article 45 de la Constitution.
La commission propose à la commission des affaires économiques de déclarer l'amendement COM-48 rectifié irrecevable en application de l'article 45 de la Constitution.
La commission propose à la commission des affaires économiques de déclarer l'amendement COM-33 rectifié irrecevable en application de l'article 45 de la Constitution.
M. Jean-François Longeot, président. - Nous en avons terminé avec l'examen des articles délégués. Je remercie le rapporteur de son travail, et de la coordination avec les autres commissions.
La commission émet un avis favorable à l'adoption des articles délégués, sous réserve de l'adoption de ses amendements.
L'avis de la commission sur les amendements examinés est retracé dans le tableau suivant :
La réunion est close à 18 h 10.
Mercredi 14 juin 2023
- Présidence de M. Jean-François Longeot, président -
La réunion est ouverte à 10 heures.
Proposition de loi relative à la prévisibilité de l'organisation des services de la navigation aérienne en cas de mouvement social et à l'adéquation entre l'ampleur de la grève et la réduction du trafic - Examen des amendements au texte de la commission
M. Jean-François Longeot, président. - Nous examinons aujourd'hui les amendements extérieurs à la proposition de loi relative à la prévisibilité de l'organisation des services de la navigation aérienne en cas de mouvement social et à l'adéquation entre l'ampleur de la grève et la réduction du trafic, déposée par M. Vincent Capo-Canellas.
EXAMEN DES AMENDEMENTS AU TEXTE DE LA COMMISSION
Mme Évelyne Perrot, rapporteure. - L'amendement n° 1 poursuit le but pertinent d'éviter que des préavis de grève de la fonction publique valables en permanence ne fassent planer une épée de Damoclès sur la prévisibilité du service. Cependant, sa très large portée - il porte en effet sur tout préavis au sein de la fonction publique - risque de provoquer des discussions certes nécessaires, mais qui excèdent largement la stricte visée de cette proposition de loi. Cette disposition serait également de nature à fragiliser l'équilibre recherché par ce texte. Je demande donc le retrait, ou à défaut mon avis sera défavorable.
M. Philippe Tabarot. - Nous aurons l'occasion d'aborder le sujet pour d'autres modes de transport, notamment pour le ferroviaire, et je ne veux pas porter préjudice à cette excellente proposition de loi.
La commission demande le retrait de l'amendement n° 1 et, à défaut, y sera défavorable.
Mme Évelyne Perrot, rapporteure. - L'amendement n° 2 poursuit l'objectif louable d'assurer la proportionnalité et la constitutionnalité du dispositif en l'alignant sur d'autres dispositions existantes, notamment pour le personnel du secteur aérien soumis à la loi Diard. Cependant, il pose une difficulté opérationnelle : le nouveau délai permettrait au personnel gréviste de renoncer à la grève non pas 24 heures avant chaque journée de grève, comme le prévoit la loi Diard, mais la veille de la journée de grève à 18 heures. Cette solution laisserait trop peu de temps à l'autorité administrative pour réaliser des réductions de vols et, le cas échéant, organiser le service minimum, ce qui irait à rebours des objectifs de la proposition de loi.
Les contrôleurs aériens ne bénéficieraient pas non plus de l'organisation mieux anticipée du service minimum que recherche le texte. De surcroît, l'amendement ne prévoit pas de mesure de coordination entre ce nouveau délai et celui laissé à l'administration pour déclencher le service minimum, qui resterait fixé l'avant-veille à 18 heures. Le délai retenu dans le texte est bien proportionné au but recherché. Retrait, ou à défaut avis défavorable.
La commission demande le retrait de l'amendement n° 2 et, à défaut, y sera défavorable.
Mission d'information relative aux zones à faibles émissions mobilités (ZFE-m) - Examen du rapport d'information
M. Jean-François Longeot, président. - Nous en venons à présent à notre second point de l'ordre du jour, à savoir l'examen du rapport de la mission d'information « flash » sur les zones à faibles émissions mobilité (ZFE-m). Avant toute chose, je tiens à remercier le rapporteur, Philippe Tabarot, d'avoir conduit ce travail sur un sujet particulièrement épineux dans des délais très brefs.
Pour rappel, les ZFE-m ont été créées par la loi d'orientation des mobilités (LOM), texte que notre commission avait examiné début 2019, en réponse aux problématiques de dépassements récurrents des normes de qualité de l'air dans certaines agglomérations. Leur régime s'est vu considérablement renforcé par la loi « Climat et résilience », texte que nous avons examiné à l'été 2021 et dont Philippe Tabarot était rapporteur sur le volet « Se déplacer ».
Ce rapport de la mission « flash » ZFE-m dont Philippe Tabarot va dans quelques instants nous présenter les grands axes constitue en cela un rapport d'application de la loi « Climat et résilience ». Il s'agit d'un jalon précieux qui, près de deux ans après l'adoption de la loi, nous permet de faire un point d'étape sur l'application de la loi et sur les éventuelles évolutions à envisager.
M. Philippe Tabarot, rapporteur. - Je suis heureux de vous présenter les principales conclusions et recommandations du travail que j'ai eu l'honneur de conduire en tant que rapporteur de la mission d'information « flash » relative aux zones à faibles émissions mobilité (ZFE-m). Je vous remercie de la confiance que vous m'avez accordée pour mener cette mission.
Comme vous le savez, cette mission a été créée en mars dernier, en réponse à un constat partagé : partout où elles sont mises en oeuvre, les ZFE-m font l'objet de vives inquiétudes et cristallisent un certain nombre de tensions. Afin de faire le point sur la situation et surtout de proposer des pistes pour améliorer l'acceptabilité du dispositif, j'ai souhaité, ces trois derniers mois, rencontrer les principaux acteurs des ZFE-m : collectivités territoriales, usagers - aussi bien particuliers que professionnels - ONG, acteurs économiques, administrations publiques, etc.
J'ai entendu 45 organisations et réalisé deux déplacements - le premier à Strasbourg, en présence de notre collègue Jacques Fernique et le second à Marseille - qui m'ont permis, au total, d'échanger avec 120 personnes concernées par cette question. J'ai également mis un point d'honneur à entendre les présidents ou vice-présidents des 11 agglomérations ayant mis en place une ZFE-m en application de la LOM, afin de recueillir leur retour d'expérience.
En outre, et afin de recueillir le ressenti de nos concitoyens sur le déploiement des ZFE-m, j'ai pris l'initiative d'organiser une consultation en ligne sur le site du Sénat. Mise en ligne pendant à peine un mois, cette consultation a battu tous les records de participation, puisqu'elle a recueilli plus de 51 000 réponses, en très grande majorité de la part de particuliers concernés, de près ou de loin, par l'entrée en vigueur d'une ZFE-m. Si cette consultation n'a aucunement valeur de sondage, les principaux résultats m'ont permis de mieux comprendre les préoccupations de nos concitoyens et de mettre en lumière certaines corrélations intéressantes, sur lesquelles j'aurai l'occasion de revenir.
Enfin, et alors que les modèles étrangers sont, en matière de ZFE-m, souvent présentés en exemple, j'ai souhaité recourir à une étude comparée afin d'explorer les modalités de mise en oeuvre retenues par certains de nos pays voisins. Je remercie d'ailleurs la division de la législation comparée pour son travail remarquable.
Avant toutes choses, je vous propose d'évoquer le contexte dans lequel les ZFE-m ont été instituées. Comme vous le savez, cet outil a été pensé pour lutter contre la pollution de l'air dans notre pays et les problèmes sanitaires qui en résultent : il est admis que la pollution atmosphérique déclenche ou aggrave de nombreuses pathologies notamment respiratoires, cardiovasculaires et neurologiques conduisant à réduire l'espérance de vie.
Les polluants les plus dangereux font l'objet d'une surveillance au niveau national, notamment les particules fines (PM10 et PM2,5) auxquelles on attribue 40 000 décès par an en France parmi les personnes âgées de plus de 30 ans et les oxydes d'azote (NOx), qu'on estime responsables de 7 000 morts par an.
Si ces vingt dernières années la qualité de l'air s'est nettement améliorée dans notre pays, de nombreuses agglomérations demeurent confrontées à des dépassements récurrents des seuils réglementaires. Cette situation a donné lieu à l'engagement de procédures contentieuses à l'encontre de la France par le Conseil d'État et, au niveau européen, par la Cour de justice de l'Union européenne. Depuis 2020, l'État français a été condamné à verser 30 millions d'euros d'astreinte du fait de l'insuffisance des actions engagées pour lutter contre la pollution de l'air.
Dans ce contexte, la première recommandation de mon rapport consistera à améliorer l'information des citoyens sur les enjeux sanitaires de premier plan soulevés par la pollution atmosphérique. Il me semble que sensibiliser les citoyens à ces questions ne peut que contribuer à améliorer l'acceptabilité des politiques mises en oeuvre pour améliorer la qualité de l'air, à commencer par les ZFE-m.
Pour autant, on est en droit de se questionner sur la capacité des ZFE-m à répondre à ces problématiques de santé publique de manière efficace. Trois points me semblent intéressants à mettre en avant.
Premièrement, si les ZFE-m permettent d'agir sur les émissions d'oxydes d'azote (NOx), dont le transport routier est la source principale dans notre pays (à 54 %), cet outil apparaît moins efficace pour réduire l'exposition aux particules fines, qui sont plus majoritairement générées par le secteur résidentiel, notamment le chauffage au bois, ainsi que, dans une plus faible mesure, par l'agriculture et l'industrie.
Deuxièmement, la part du transport routier dans la pollution atmosphérique peut sensiblement varier selon les territoires : elle est plus forte à Paris que dans des territoires dans lesquels le secteur industriel occupe une place importante, comme les Bouches-du-Rhône par exemple. Cela plaide pour une approche globale, mais aussi territorialisée pour lutter efficacement pour la pollution de l'air.
Troisièmement, les ZFE-m, à travers le système de classification Crit'air des véhicules, ne permettent de prendre en compte que les émissions polluantes liées au système d'échappement du véhicule, alors qu'une part importante des émissions de particules est liée au système de freinage et à l'abrasion des pneus.
Au total, il est trop tôt pour évaluer les résultats des ZFE-m mises en place en France à ce stade. Certaines agglomérations, comme la métropole de Lyon, font néanmoins part de premiers résultats encourageants s'agissant des émissions d'oxydes d'azote. Ailleurs en Europe, les résultats apparaissent contrastés : les ZFE-m de Stuttgart et de Bruxelles présentent des résultats positifs en termes de réduction des émissions, mais ils seraient apparemment plus mitigés dans la ZFE-m de Milan.
J'en viens à présent au vif du sujet : le déploiement des ZFE-m en France. Comme vous le savez, les ZFE-m sont les héritières de dispositifs plus anciens créés par la loi à partir des années 2010, les ZAPA puis les ZCR. En l'état actuel du droit, plusieurs régimes de ZFE-m coexistent et sont le fruit d'un empilement de « couches » successives. Le cadre général des ZFE-m a été posé par la loi d'orientation des mobilités (LOM) qui prévoit, en effet, plusieurs dispositifs : aux côtés des ZFE-m qui peuvent être créées à titre facultatif, a été rendue obligatoire la création de ZFE-m dans les zones connaissant des dépassements des normes de qualité de l'air. 11 ZFE-m ont ainsi été créées en application de la LOM. Dans ces zones, et jusqu'à récemment, les agglomérations concernées étaient libres de définir par arrêté les modalités de mise en oeuvre de la ZFE-m dans leur territoire, à la fois s'agissant de son application temporelle, des catégories de véhicules concernés ou encore des dérogations mises en place.
La loi « Climat et résilience », que nous avons adoptée il y a deux ans, et dont j'étais le rapporteur sur le volet « Se déplacer », a ajouté deux étages supplémentaires à cet « empilement » de régimes.
D'une part, elle prévoit que dans les ZFE-m rendues obligatoires en application de la LOM et dans lesquelles des dépassements de normes de qualité de l'air sont encore enregistrés, un schéma précis de restrictions de circulation s'applique, qui consiste à interdire l'accès à ces zones aux véhicules légers suivants : les véhicules classés Crit'air 5 en 2023, les véhicules classés Crit'air 4 en 2024 et les véhicules classés Crit'air 3 en 2025. Il s'agit d'un calendrier qui me semble, dans les conditions actuelles, précipité. J'aurai l'occasion de revenir sur ce point.
D'autre part, la loi « Climat et résilience » rend obligatoire la création, avant le 31 décembre 2024, d'une ZFE-m dans les agglomérations de plus de 150 000 habitants.
Où en est-on aujourd'hui ? Comme évoqué précédemment, 11 ZFE-m ont d'ores et déjà été créées en application de la LOM. Pour 4 à 5 d'entre elles, d'après le ministère de la transition écologique, le schéma de restrictions de circulation que je viens de mentionner devrait s'appliquer.
À ce jour, on constate un déploiement en ordre dispersé des ZFE-m. Chacune des agglomérations concernées a fixé son propre calendrier d'entrée en vigueur des restrictions de circulation, pour tenir compte des situations et enjeux propres à chaque territoire. Certaines agglomérations ont fait le choix de mettre en oeuvre des restrictions de circulation avant les échéances prévues dans la loi, beaucoup ont également intégré des mesures s'appliquant aux véhicules lourds ou encore aux deux et trois roues motorisées. Certaines agglomérations ont mis en oeuvre une ZFE-m valable 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24, quand d'autres la restreignent aux jours de semaine, de 8 heures à 20 heures par exemple.
En bref, les ZFE-m se déploient, mais ne se ressemblent pas. Pour certains usagers, et notamment pour les professionnels du transport de marchandises, cette hétérogénéité des règles retenues rend complexes les déplacements d'une ZFE-m à l'autre.
Cette situation ne devrait pas s'améliorer, compte tenu de l'obligation de création d'une ZFE-m dans les agglomérations de plus de 150 000 habitants d'ici 2025. Au total, plus de quarante agglomérations devraient être concernées, ce qui pourrait, à terme, nuire davantage à la lisibilité du dispositif, voire devenir insupportable pour certains particuliers ou professionnels. Je pense à certaines régions, comme les Hauts-de-France ou encore Auvergne-Rhône-Alpes, qui devraient compter 6 ZFE-m d'ici 2025. Comment expliquer à un artisan travaillant à la fois à Lyon, Grenoble, Saint-Étienne et Annecy que son véhicule peut rentrer dans telle agglomération sur certains horaires, mais pas dans une autre ?
Aussi, afin d'anticiper le déploiement à plus grande échelle du dispositif et pour permettre une mise en oeuvre concertée des ZFE-m en cours avec celles à venir, je vous soumettrai une proposition de recommandation visant à organiser des conférences régionales pour permettre une meilleure articulation des dispositifs entre eux.
Cela étant dit, les ZFE-m étant un outil de santé publique, politique qui, il faut le rappeler, relève de la responsabilité de l'État, leur déploiement par les collectivités territoriales devrait, en toute logique, pouvoir s'appuyer sur un réel accompagnement de l'État. Beaucoup d'agglomérations nous ont indiqué que cet accompagnement n'était pas au rendez-vous, ni en matière d'information, ni en termes de soutien financier, ni s'agissant du contrôle, de telle sorte que plusieurs d'entre elles ont le sentiment d'être en première ligne pour mettre en oeuvre ce dispositif.
Si je résume : beaucoup d'acteurs regrettent que l'État n'ait pas mis en oeuvre une campagne nationale d'information du public. S'agissant du soutien financier, les moyens déployés dans le cadre du Fonds vert sont nettement sous-dimensionnés. Enfin, si j'en viens au contrôle, le déploiement de la lecture automatisée des plaques d'immatriculation par l'État accuse désormais quatre années de retard.
Au-delà de ce défaut d'accompagnement de l'État, que l'on ne peut que regretter, la mise en oeuvre des ZFE-m pose plusieurs difficultés majeures.
En premier lieu, les restrictions de circulation en vigueur et surtout celles à venir en application du schéma prévu par la loi « Climat et résilience » sont susceptibles de concerner, à court terme - et plus exactement d'ici un an et demi - environ un tiers du parc automobile national. Dans l'absolu, ces mesures nécessiteraient le remplacement de 13 millions de véhicules en moins de deux ans même si, j'y reviendrai, une part de ces véhicules pourrait évidemment ne pas être renouvelée grâce au report modal que les membres de notre commission appellent de leurs souhaits.
Or, et cela me conduit à mon second point, le renouvellement d'un tel volume de véhicules dans des délais aussi contraints suppose une très forte accélération du rythme d'évolution du parc observé ces dix dernières années, qui semble matériellement peu réaliste. En outre, si une offre de véhicules légers peu polluants est d'ores et déjà disponible, la situation est bien plus contrastée pour les véhicules les plus lourds.
Outre la question de la disponibilité, celle du coût des véhicules est également centrale. À ce jour, et malgré les aides existantes, le reste à charge pour les ménages comme pour les professionnels reste souvent trop élevé pour réellement permettre un verdissement du parc dans de tels délais.
Dans ce contexte, le dispositif ZFE-m tel qu'il existe aujourd'hui présente un risque de creusement des fractures sociales et territoriales. Les craintes que nous avions formulées il y a deux ans, à l'occasion de l'examen du projet de loi « Climat et résilience » se matérialisent aujourd'hui. En l'état, la mise en oeuvre des ZFE-m dans des délais aussi serrés, et sans accompagnement suffisant, est de nature à faire porter la contrainte prioritairement sur les ménages les plus modestes. Ainsi, dans le 3e arrondissement de Marseille, qui est l'arrondissement le plus pauvre de France, 52 % des véhicules sont classés Crit'air 5, 4 ou 3.
En outre, les ZFE-m contraindront sans doute davantage la mobilité des usagers éloignés de centres-villes qui ne disposent pas d'alternative satisfaisante et qui, de fait, sont plus dépendants de leur véhicule. Alors que la hausse des prix de l'immobilier a bien souvent conduit ces ménages à résider hors des agglomérations, dans des zones où les transports collectifs sont souvent moins denses, leur interdire l'accès lorsqu'ils souhaitent s'y rendre pour travailler ou pour leurs loisirs pourrait ainsi s'apparenter à une « triple peine ».
La consultation en ligne que j'évoquais tout à l'heure a d'ailleurs mis en lumière la corrélation entre le niveau d'acceptabilité d'une ZFE-m et le lieu d'habitation du répondant, d'une part, et le fait de disposer de solutions alternatives satisfaisantes, d'autre part.
Aussi, et compte tenu des nombreuses difficultés rencontrées dans la mise en oeuvre des ZFE-m, il est nécessaire de prendre des décisions courageuses pour accompagner les changements de comportement en matière de mobilité, d'une part, et pour rendre les calendriers de mise en oeuvre plus réalistes, d'autre part.
Pour répondre à ces difficultés, je vous soumets trois axes de propositions. Le premier axe consiste à accélérer le verdissement du parc de véhicules routiers et je vous proposerai trois mesures.
Premièrement, renforcer les aides à l'acquisition de véhicules propres neufs. D'une part, je proposerai de renforcer et de mieux cibler le bonus écologique et la prime à la conversion, au bénéfice des ménages modestes et résidant à distance des agglomérations. D'autre part, je souhaite que soit généralisé le prêt à taux zéro pour l'acquisition de véhicules propres légers institué par la loi « Climat et résilience », pour en faire un dispositif pérenne touchant les ménages et entreprises situés dans ou à proximité des 43 ZFE-m imposées par la loi. Dans le même ordre d'idée, je propose de créer un prêt à taux zéro spécifique pour les poids lourds propres, comme je l'avais proposé lors de l'examen de la loi « Climat et résilience », auquel seront aussi éligibles les autocars.
Deuxièmement, compte tenu des capacités limitées du renouvellement du parc de véhicules existant, il me semble indispensable d'encourager le développement d'un marché de l'occasion pour les véhicules propres et le recours au rétrofit. À ce titre, je vous proposerai notamment de permettre aux particuliers et aux professionnels d'utiliser le bonus écologique pour acquérir un véhicule d'occasion classé Crit'air 1, en complément des véhicules électriques et hydrogène. Afin d'encourager le recours au rétrofit pour les véhicules lourds, pour lesquels l'offre de véhicules propres neufs est aujourd'hui très limitée, je proposerai de rendre ces véhicules éligibles à la prime au rétrofit et de permettre aux entreprises de bénéficier du suramortissement vert lorsqu'elles acquièrent un véhicule rétrofité dont le poids total autorisé en charge est supérieur à 2,6 tonnes.
Troisièmement, nombre d'acteurs entendus critiquent la complexité et le manque de lisibilité du système d'aides à l'acquisition actuel, qui repose sur une multiplicité de dispositifs au niveau national et local. Bien souvent, cette situation alimente un phénomène de non-recours aux aides que France urbaine estime de l'ordre de 50 %. Pour y remédier, je propose d'instituer, au niveau de chaque région, un guichet unique rassemblant l'ensemble des aides proposées par l'État et les collectivités territoriales du territoire concerné.
Le deuxième axe concerne le soutien aux alternatives à l'usage de la voiture. Si le déploiement des ZFE-m conduit de fait à encourager le renouvellement du parc, cet outil doit être pensé dans le cadre d'une politique plus globale de mobilités des personnes et des marchandises. Le remplacement de l'ensemble des véhicules les plus polluants par des véhicules « propres » n'est pas en soi à rechercher et ne réglera pas, par exemple, la problématique de la congestion.
L'existence d'une offre de solutions alternatives satisfaisantes et régulières devrait, en toute logique, constituer un préalable à la mise en place d'une ZFE-m. C'est pourquoi il apparaît prioritaire de davantage faire coïncider les échéances d'entrée en vigueur des restrictions de circulation des véhicules en ZFE-m avec les perspectives d'accroissement de l'offre de transports collectifs et de mobilités douces.
Dans cette perspective, je vous proposerai une recommandation visant à créer un choc d'offre alternative de transports à l'autosolisme : développement des services express métropolitains, de pôle d'échanges multimodaux, de services de car express, abaissement du taux de TVA à 5,5 % sur les transports collectifs.
Je me permets d'ajouter qu'en matière de transports collectifs, une attention particulière doit être accordée aux territoires périurbains et ruraux, dans lesquels les alternatives aux véhicules individuels sont bien souvent insuffisantes. Or, d'après France urbaine, 50 % des mobilités dans une ZFE-m viennent de l'extérieur de cette zone.
Il s'agira également de « booster » la demande, afin de rendre plus attractifs les modes les moins polluants. Cela pourrait notamment passer par la création d'une aide, qui s'inspirerait d'un dispositif mis en oeuvre à Bruxelles, et qui permet, en échange de la mise au rebut d'un véhicule polluant, de bénéficier d'un budget mobilité à dépenser parmi un panier de services de mobilité : transports en commun, vélos, voitures électriques, taxis, etc.
J'en arrive au troisième et dernier axe : assouplir le calendrier de restriction de circulation pour lequel je vous soumettrai deux mesures.
Premièrement, je proposerai de rationaliser les calendriers d'entrée en vigueur des interdictions de circulation qui apparaissent sincèrement irréalistes du fait d'échéances trop rapprochées.
Les difficultés rencontrées dans les 11 ZFE-m instituées par la LOM prouvent que les craintes exprimées par le Sénat lors de l'examen de la loi « Climat et résilience » se sont concrétisées. Plusieurs agglomérations ont d'ailleurs déjà annoncé des reports de calendrier, quelle que soit leur couleur politique, faute d'un accompagnement suffisant pour les usagers. Les exemples étrangers démontrent que la progressivité du calendrier est la clé de la réussite des ZFE-m et un gage d'acceptabilité essentiel. À titre d'exemple, la ZFE-m de Bruxelles, instituée en 2018, prévoit un calendrier d'entrée en vigueur des interdictions de circulation qui s'étale sur 18 ans, jusqu'en 2036.
S'agissant des agglomérations de plus de 150 000 habitants qui devront mettre en place une ZFE-m d'ici à 2025, le constat est le même : plusieurs agglomérations ont indiqué que le calendrier était « impossible à tenir » et qu'il ne tenait pas compte des délais nécessaires au déploiement d'une offre suffisante en modes alternatifs à la voiture individuelle.
Enfin, les professionnels ont besoin de davantage de visibilité concernant les restrictions qui seront appliquées, en particulier pour les poids lourds et engins spéciaux qui ne disposent pas toujours, à ce stade, d'alternatives peu polluantes disponibles sur le marché.
En conséquence, je vous propose de rendre le calendrier actuel plus réaliste à travers trois leviers. Il s'agit d'abord de repousser à 2030 au plus tard l'entrée en vigueur des restrictions de circulation concernant les véhicules classés Crit'air 3 dans les ZFE-m « LOM » dans lesquelles le schéma de restrictions s'applique. Il s'agit ensuite de fixer au 1er janvier 2030, plutôt que 2025, la date butoir pour la création d'une ZFE-m dans les agglomérations de plus de 150 000 habitants, en leur laissant la possibilité de recourir à des solutions alternatives plus efficaces - à travers la mise en place de zones à 30 km/h ou encore par la suppression de feux tricolores - ou d'avancer le calendrier si elles le souhaitent. Il s'agit enfin, dans l'ensemble des ZFE-m rendues obligatoires, d'autoriser la circulation des véhicules lourds classés Crit'air 2 jusqu'en 2030 dans l'ensemble des ZFE-m rendues obligatoires, comme c'est notamment le cas aux Pays-Bas et en Allemagne.
Deuxièmement, et c'est l'objet de la dernière proposition, compte tenu des contraintes qui pèsent sur le renouvellement du parc de véhicules, je vous proposerai une mesure d'accompagnement pragmatique permettant d'individualiser le système de vignettes Crit'air en fonction du degré d'entretien des véhicules.
L'entretien peut en effet avoir une incidence non négligeable sur la quantité de polluants émis par un véhicule et sur sa performance environnementale. Certains de nos voisins, comme l'Allemagne, la Belgique et les Pays-Bas, sont d'ailleurs en train d'intégrer au contrôle technique un comptage des particules fines émises par les véhicules. La France avait adopté un dispositif similaire visant à renforcer le contrôle des émissions polluantes dans le cadre du contrôle technique dans la loi de transition énergétique en 2015, mais celui-ci est demeuré lettre morte, faute de publication du décret d'application par le Gouvernement.
Je propose donc d'enfin appliquer ce dispositif et d'instituer une dérogation d'accès aux ZFE-m pour les véhicules les mieux entretenus et respectant des seuils d'émissions de polluants atmosphériques qui pourraient être vérifiés lors du contrôle technique habituel. Ce dispositif aurait pour mérite de récompenser les comportements vertueux.
Je forme le voeu que de telles évolutions permettent de réconcilier amélioration de la qualité de l'air et acceptabilité des ZFE-m.
M. Jacques Fernique. - Je remercie Philippe Tabarot pour son travail, pour la qualité des apports de la mission d'information et sur son état d'esprit d'ouverture, permettant de partager collectivement un certain nombre d'auditions et de déplacements, dont celui à l'Eurométropole de Strasbourg.
Au cours de ces auditions, nous avons d'ailleurs pu constater que certains élus écologistes pouvaient faire référence, s'agissant des ZFE-m, à une forme d' « écologie punitive ». Ce n'est pas pour autant représentatif des élus écologistes en responsabilité, et je pense notamment à Bruno Bernard, président de la métropole de Lyon. Nombreux sont ceux qui soutiennent le dispositif des ZFE-m rendu obligatoire par la loi. Ils s'efforcent de le mettre en oeuvre avec beaucoup d'exigence pour que les conditions de sa réussite soient améliorées, et elles doivent l'être. C'est d'ailleurs ce que met en avant une partie des propositions du rapport d'information.
La liste des recommandations s'intitule : « Sortir de l'impasse ». À mon sens, l'image de l'impasse ne convient pas tout à fait. Je parlerai plutôt d'une route de montagne difficile pour s'extraire de la purée de pois et pouvoir respirer à l'air libre.
Pourquoi s'engager dans la voie des ZFE-m ? La pollution de l'air tue prématurément entre 42 000 et 97 000 personnes chaque année dans notre pays, selon les études. La France a été condamnée depuis des années pour ses mauvais résultats en la matière. Les conséquences économiques de cette pollution sont importantes : elles ont été estimées par le Sénat il y a quelques années à 98 milliards d'euros. Enfin, cette pollution touche les personnes fragiles : les jeunes enfants, les plus précaires et les plus pauvres.
Certes, il y a un vrai souci d'acceptabilité sociale des ZFE-m du fait de leur impact sur les milieux populaires. Cependant, prolonger la situation actuelle reviendrait d'une certaine façon à se résoudre à une situation sanitaire inacceptable, qui touche surtout les plus précaires.
Dans l'ascension difficile de cette route de montagne, se pose la question de l'altitude et du timing.
Pour l'altitude, certains souhaiteraient aller au-delà de la loi en ajoutant les véhicules classés Crit'air 2 à échéance 2028. Lyon a apporté quelques ajustements sur ce point, mais vise tout de même cette échéance. Il en va de même pour l'Eurométropole de Strasbourg, qui a conditionné cet objectif à deux évaluations intermédiaires en 2024 et 2026 pour estimer si cela est nécessaire au regard de la qualité de l'air effective, du déploiement des aides, des évolutions de report modal et de la disponibilité des véhicules.
Je crois que cette question de l'accélération de la « dédieselisation » dans un contexte de fin de ventes des moteurs thermiques neufs en 2035 est posée à raison. Elle se posera dans tous les cas si nous voulons obtenir des effets majeurs qui montreront que ces contraintes produisent des résultats utiles. À défaut, il sera difficile de faire accepter les ZFE-m.
En clair, avec le plan ZFE-m prévu par la loi actuelle - c'est-à-dire les véhicules classés Crit'air 5, 4, 3 - les émissions de dioxyde d'azote pourraient diminuer de 15 %. Si nous ajoutons à l'horizon 2028 et 2030 les véhicules classés Crit'air 2, ce chiffre sera porté à 70 % - d'où l'intérêt de l'échéance européenne de fin de vente des véhicules thermiques neufs en 2035.
C'est sur la question du timing que je suis en désaccord avec le rapporteur, ainsi qu'avec la position de la majorité sénatoriale, et ce depuis la loi « Climat et résilience ». J'ai bien peur que la proposition n° 8 n'occulte les propositions n° 1, 4, 5 et 7, qui sont positives. En effet, la proposition n° 8 conforte les tenants d'un immobilisme. Pour mon agglomération de Strasbourg, nous pourrions ainsi, dans l'esprit de cette recommandation, nous arrêter là où nous en sommes. Nous avons interdits les véhicules classés Crit'air 5 depuis 2022, avec sanctions depuis 2023, ceux classés Crit'air 4 depuis le 1er janvier de cette année, au moins en interdiction pédagogique, avec des sanctions à partir de l'année prochaine. Nous pourrions ainsi nous mettre en stand-by pour sept ans en attendant de passer aux véhicules classés Crit'air 3 en 2030. Je crois qu'au regard des impacts sanitaires et sociaux de la pollution de l'air, cette situation serait désastreuse.
Allons-nous réellement trop vite concernant les ZFE-m ? Avant tout, il faut dire que la France est en retard ; c'est son inaction passée qui l'a faite condamner et qui contraste fortement avec d'autres pays, comme l'Italie et les Pays-Bas. Nous aurions pu avoir 20 ans pour mener cette transition. Or, nous sommes contraints aujourd'hui d'aller plus vite et cela explique pourquoi les accompagnements à déployer doivent être à la hauteur.
Ainsi, très concrètement, la proposition n° 3 plaide pour assouplir le régime des sanctions. Or, avant de l'assouplir, il faudrait déjà le créer. La mise à disposition de radars dédiés par l'État devrait intervenir fin 2024, avec plus de quatre ans de retard, et encore, ce n'est toujours pas certain. Dans tous les cas, il faudra les déployer et s'assurer que le produit des amendes revienne aux collectivités mettant en place des ZFE-m.
Concernant la proposition n° 4, qui prévoit des aides pour faciliter l'acquisition de véhicules neufs et peu polluants, j'y suis favorable. Cependant, il faudrait supprimer, pour ceux pour lesquels cela est vraiment nécessaire, l'avance que doivent faire les bénéficiaires.
Passons maintenant à la proposition n° 6 relative à l'instauration d'un guichet unique régional ; je pense que la mise en oeuvre de cette proposition sera difficile si elle dépend de l'exécutif politique d'une région totalement défavorable au dispositif. Je crois avoir compris néanmoins que ce dispositif est envisagé sous l'égide du représentant de l'État dans la région.
S'agissant de la proposition n° 9 relative au contrôle technique, il nous paraît contre-productif de confier aux professionnels du contrôle technique la possibilité d'attribuer un passe-droit sur la base d'un certificat d'« Éco-entretien » qui risque d'être assez « fumeux »... Si le contrôle technique doit avoir un rôle à jouer, l'application systématique, à cette occasion, de la vignette Crit'air pourrait être le bon outil.
Vous l'aurez compris, toute la qualité du travail et des contributions de Philippe Tabarot ne m'empêche pas d'être en désaccord avec l'essentiel du message délivré par ses propositions de nature à alimenter, je le crains, ceux qui voudraient plutôt neutraliser une politique volontariste.
M. Gilbert-Luc Devinaz. - Je souhaite d'abord remercier Philippe Tabarot pour son travail.
Selon moi, entre le souhait et la réalité, il faut trouver des solutions pragmatiques.
J'aimerais rappeler ces 40 000 décès par an au niveau national, causés par la pollution de l'air. Je vis actuellement dans la métropole de Lyon, dans laquelle plus de 15 000 personnes sont soumises quotidiennement au dioxyde d'azote d'une façon excessive. Nous savons pertinemment qu'un certain nombre d'enfants auront des difficultés de santé dans le temps. Et c'est pour cette raison qu'ont été mises en place les ZFE-m.
Pour ce qui est de la métropole de Lyon, le calendrier de mise en oeuvre des ZFE-m était au départ très optimiste. Une partie des membres de la majorité, dont je suis, avait commencé à émettre des réserves concernant le respect d'un tel calendrier, position qui n'était pas partagée par l'ensemble des élus. Il existe en effet, au sein des communes de la métropole de Lyon, des différences de situations sociologiques entre les populations, qui expliquent les clivages entre les élus. Dans la commune de Villeurbanne par exemple, toute une partie de la population est soumise à la pollution et est également dans une situation économique ne lui permettant pas de suivre le mouvement. C'est le cas aussi notamment de la ville de Vénissieux.
Concernant la consultation en ligne réalisée par le Sénat, qui n'est pas un sondage, si je me fonde sur mon terrain, je retrouve les arguments qui expliquent le manque d'acceptabilité des ZFE-m. Je fais référence aux difficultés financières à acquérir un nouveau véhicule, ce qui explique pourquoi certains voulaient étaler le calendrier sur la durée. Une partie de la population travaille au sein de la métropole de Lyon, mais habite en dehors de celle-ci (dans les territoires du Nouveau Rhône et du Nord-Isère par exemple). Or, tous les élus affirment qu'il n'y a pas de transports en commun pour réaliser de tels trajets. Les habitants sont donc là aussi confrontés à des difficultés pour changer de véhicule, ce qui interpelle bien évidemment sur le calendrier. Il est vrai que si nous avions déjà les moyens de faire respecter les voies dédiées au covoiturage, ce serait une avancée.
Cela dit, prévoir d'infliger des amendes et des infractions à des populations qui sont déjà confrontées à des difficultés financières pour changer de véhicule ne permettra pas de les aider à aller vers ce changement ni de favoriser l'acceptabilité des ZFE-m.
La proposition n° 8 me pose problème : est-ce du pragmatisme que de repousser l'entrée en vigueur des restrictions au plus tard à 2030 ? À force de retarder la mise en oeuvre, cela pourrait être équivalent à renoncer. Or, il me semble qu'il ne faut pas renoncer. Je m'interroge donc sur cette proposition d'évolution du calendrier.
La proposition n° 1 vise à organiser des campagnes d'information nationale et locales pour sensibiliser les citoyens aux risques sanitaires liés à la pollution atmosphérique et aux principales sources d'émissions. J'avais interpellé le ministre à ce sujet. Effectivement, nous avons renvoyé la communication de la mise en place des ZFE-m aux collectivités territoriales, ce qui est un non-sens. Par exemple, lorsque la métropole de Lyon fait de la communication, elle ne le fait que pour ses 59 communes, et pas au-delà. C'est bien une communication nationale qu'il faut réaliser et qui permettrait de mieux faire comprendre l'objectif d'améliorer la santé de l'ensemble de nos concitoyens. Je partage donc cette proposition forte, qu'il va falloir concrétiser.
J'ajoute également que les métropoles risquent de ne pas avancer de la même façon concernant la mise en oeuvre des ZFE-m. Cela ne posera pas de difficultés qu'aux professionnels. Au sein de la métropole de Lyon, certains habitants vont travailler à Marseille. Ainsi, si les règles à Marseille sont différentes de celles qui existent à Lyon, des problèmes risquent de se poser.
Concernant la proposition n° 9 relative à la vignette « Éco-entretien », serait-il possible de préciser si elle prend en compte, en plus de la vignette Crit'air, le poids de la voiture par exemple ?
J'aimerais souligner les initiatives suisses. Les personnes qui habitent en dehors de Zurich bénéficient d'un accès libre aux transports en commun pour s'y rendre, à partir du moment où elles font du covoiturage et se garent sur des parkings. On propose également aux familles éloignées du centre de Zurich de pouvoir bénéficier d'un taxi deux fois par mois pour s'y rendre.
Il en va de même pour Strasbourg qui prévoit des alternatives pour permettre à certaines familles de s'y rendre, lorsqu'elles n'ont pas encore pu changer de voiture.
Enfin, il y a également des innovations technologiques, notamment en Bourgogne-Franche-Comté. Une entreprise a mis au point un produit pour nettoyer les moteurs. Cela ne réglera pas tous les problèmes, certes, mais l'entretien du moteur avec ce produit permet de réduire considérablement la pollution pour les véhicules de ville.
Mme Marta de Cidrac. - Tout d'abord, je souhaite véritablement saluer et remercier Philippe Tabarot pour tout le travail qu'il a effectué. Je me souviens, à l'occasion de la loi « Climat et résilience », de tous les débats que nous avons pu avoir autour de ce sujet-là.
Comme l'a très bien rappelé le rapporteur, 40 000 personnes décèdent de la pollution de l'air chaque année. Il faut que nous soyons tous très attentifs sur ce sujet.
Mais pour arriver à dépolluer cet air que nous respirons tous, il faut que l'acceptabilité des ZFE-m soit au rendez-vous.
Le rapporteur a évoqué un certain nombre d'exemples en termes de temps et de calendrier de mise en oeuvre de ce type de dispositif, notamment Bruxelles. C'est sur des temps longs que nous pouvons envisager une véritable sensibilisation, y compris vis-à-vis des usagers. Les propositions no 1 et 2 vont tout à fait dans ce sens-là.
Au-delà du calendrier, je souhaiterais souligner un deuxième point, à savoir l'aspect éminemment social qui doit être pris en compte. Aujourd'hui, en France, le véhicule, essentiellement thermique, est un outil pour la plupart de nos concitoyens, notamment dans les zones rurales. Rappelons-nous la crise des gilets jaunes. Cet aspect social renvoie aussi à la question des sanctions, sur laquelle nous devons nous interroger.
Le troisième point que je souhaite évoquer est celui de l'environnement.
Je crois que l'équilibre vers lequel tendent les propositions de Philippe Tabarot, répondent en partie aux trois aspects que je viens de souligner.
Je vais toutefois me permettre d'aller encore plus loin, car si le rapporteur évoque l'échéance de 2030, j'évoquerai celle de 2035 afin de faire le lien avec la fin du moteur thermique, qui a été décidé à cette date au sein de l'Union européenne. Cela signifie donc des voitures plus lourdes et une transformation du parc automobile. En d'autres termes, de nouvelles problématiques vont apparaître, telles que la pollution issue du freinage des pneumatiques.
Le rapporteur propose un décalage jusqu'en 2030, j'irai même plus loin, en évoquant 2035, pour articuler cela avec la fin du moteur thermique. Je me permets de signaler que nous légiférons aujourd'hui pour interdire de la circulation des véhicules, alors que les mesures de substitution ne sont pas encore mises en place. Aujourd'hui, ce qui peut nous arriver de pire, ce sont deux choses. La première, c'est que nous essayions de mettre en oeuvre un texte de loi inapplicable. Nous sommes législateurs donc je vous laisse imaginer la crédibilité de nos actions et de nos missions. La deuxième, c'est que les Français ne souhaitent plus que nous leur parlions d'environnement. Or, dans cette commission nous y sommes tous très sensibles.
M. Hervé Gillé. - J'aimerais tout d'abord exprimer mes regrets de ne pas avoir pu participer aux travaux de Philippe Tabarot en raison de mon investissement dans la mission d'information sur la gestion durable de l'eau en qualité de rapporteur.
Tout d'abord, le déploiement des ZFE-m ne peut s'inscrire qu'à partir du moment où une approche globale, suffisamment structurée, avec l'ensemble des autorités en compétence est définie. Au-delà d'une concertation que nous espérons tous, il va falloir aller plus vite et plus fort et imposer la mise en place de véritables schémas de mobilité, à l'échelle des régions, mais également des schémas de mobilité départementaux, qui seraient plus que souhaitables aujourd'hui. Cela permettrait d'arriver à conjuguer l'ensemble des efforts des autorités de transport et des communautés de communes. Il s'agit bien de créer toutes les conditions de rabattement et d'intermodalité, de telle manière que les mobilités puissent s'exécuter dans les meilleures conditions. C'est à mon sens pratiquement une condition d'entrée si l'on veut avancer dans le bon sens sur les mobilités, et notamment sur l'arrivée dans les métropoles. L'arrivée dans les métropoles doit en effet se faire de manière qualificative, à défaut, nous serons confrontés à de nombreuses difficultés.
Ma deuxième réflexion concerne l'interopérabilité financière et l'intermodalité du titre de transport. Nous voulons déployer des ZFE-m, sans toutefois créer les conditions pour faciliter l'interopérabilité et l'intermodalité des titres de transport, alors qu'il devrait s'agir d'une condition sine qua non. Selon moi, il faut vraiment que cette orientation et cette priorité soient clairement indiquées au sein des propositions.
Concernant maintenant les travaux de la mission d'information, je voudrais, en complément de l'intervention de Gilbert-Luc Devinaz, intervenir sur un sujet essentiel aujourd'hui : le leasing social. Il me semble que le rapporteur ne va pas assez loin sur cet aspect. Pour un coût inférieur à 100 euros, les usagers pourraient ainsi bénéficier d'un véhicule propre. Cette proposition-là n'est pas clairement évoquée dans les recommandations du rapporteur. Pourtant, c'est une orientation complémentaire qui permettrait d'embarquer d'autres collectivités dans une mutualisation des moyens au regard de ces populations en difficulté.
La proposition n° 7 suggère de définir de nouveaux dispositifs incitatifs au report modal, tels que la TVA à 5,5 % sur les transports collectifs et l'accès à des solutions alternatives de mobilité en cas de mise au rebut d'un véhicule polluant. J'y adhère totalement. Cependant, nous pourrions aller au-delà des transports collectifs et étendre cette proposition aux vélos notamment.
Mme Angèle Préville. - Je salue le travail du rapporteur, Philippe Tabarot, et le fait d'avoir placé la sensibilisation du public en première proposition.
Je souligne également le fait que les ZFE-m répondent à un problème de santé publique, notamment pour les populations qui vivent aux abords des rocades et des périphériques. J'avais d'ailleurs réalisé un travail relatif au covid-19 et à la pollution de l'air auprès de ces populations les plus précaires. Elles sont les premières concernées par la pollution, car elles habitent près des voies qui sont très empruntées.
J'aimerais également faire une remarque sur la hiérarchie des propositions. La proposition n° 7 qui vise à créer un choc d'offre de transports alternatifs à l'autosolisme, à laquelle je souscris totalement, devrait être placée plus haut. Il nous faut lutter contre l'autosolisme et ainsi détailler davantage les alternatives que sont la marche et le vélo, qui ne polluent absolument pas. Il faudrait également insister davantage sur le manque criant d'infrastructures, de parkings pour les vélos et de voies cyclables.
Par ailleurs, je suis aussi dubitative sur la proposition n° 8 qui préconise d'assouplir le calendrier de restrictions de circulation s'appliquant aux ZFE-m obligatoires pour le rendre plus réaliste. Je souscris à ce qui a été dit par mes collègues sur les voitures thermiques, le poids, la puissance et les vignettes Crit'air.
Enfin, je salue le fait que le rapporteur ait mentionné la problématique de la pollution liée à l'abrasion des pneus. J'avais pu travailler sur ce sujet dans le cadre de mon rapport sur la pollution plastique : un pneu perd deux kilos au cours de sa durée d'utilisation. Or, cette pollution n'est pas du tout prise en compte à ce jour.
M. Philippe Tabarot, rapporteur. - Je suis heureux d'entendre le satisfecit de Jacques Fernique sur sept des neuf recommandations et j'entends les réserves émises sur les propositions nos 8 et 9.
La proposition n° 8 répond à un principe de réalité. À titre d'illustration, dans quelques années, plusieurs territoires seront en dépassement des normes de qualité de l'air, notamment Paris, Lyon et Marseille et devront donc appliquer le schéma de restriction de circulation des véhicules classés Crit'air 3 d'ici 2025. Or, il est difficile de croire que les personnes qui ont une vignette Crit'air 3, 52 % des habitants du 3e arrondissement de Marseille, le quartier le plus pauvre de France, seront en capacité de changer de véhicule dans moins d'un an et demi. En revanche, les territoires qui ne sont pas touchés par les dépassements et dans lesquels l'acceptabilité de la population est au rendez-vous pourront évidemment continuer à avancer à leur rythme.
Il ne s'agit donc pas d'une obligation pour les agglomérations qui souhaitent accélérer la mise en place de leur ZFE-m. En revanche, pour celles qui ont des obligations fixées par la loi en matière de restrictions de circulation, je ne suis pas certain qu'elles seront en capacité de tenir le calendrier prévu. D'ailleurs, on constate que la plupart des agglomérations qui ont souhaité anticiper ces échéances sont revenues en arrière.
La proposition n° 9 permet aux personnes qui entretiennent correctement leur véhicule d'obtenir une dérogation afin d'accéder à certaines ZFE-m. Cette proposition peut constituer une solution de repli à la proposition n° 8 si, le cas échéant, elle n'était pas retenue, afin d'atténuer les difficultés pour la population. Il me semble juste pour les personnes qui font des efforts sur l'entretien de leur véhicule qu'elles bénéficient de cette dérogation, dans la mesure où elles ne polluent pas plus que certaines voitures classées Crit'air 1 mal entretenues.
Pour répondre également à Gilbert-Luc Devinaz, ma proposition n° 8 s'inscrit dans un principe de réalité, qui est encore plus fort à Lyon. En effet, il existe un conflit très aigu entre la métropole de Lyon et l'État, qui sont en désaccord et se rejettent la responsabilité sur plusieurs points, dont celui du contrôle du respect des restrictions.
Pour ce qui concerne la coordination, l'échelon régional m'a en effet semblé être le plus pertinent. Nous sommes tous ici des décentralisateurs, en tant qu'élus de l'assemblée des territoires, et nous souhaitons que les territoires puissent chacun s'organiser. Cependant, avec la mise en place de quarante-trois ZFE-m dans les prochaines années, il sera nécessaire de disposer d'un référentiel commun afin de garantir un minimum de cohérence. L'idée n'est pas d'enlever du pouvoir aux territoires. Ce sont bien les présidents des métropoles et non les préfets de région qui sont les mieux placés pour définir le rythme de mise en oeuvre des ZFE-m.
Pour répondre à Marta de Cidrac, je pense qu'il est capital de délivrer un message de pragmatisme et de permettre aux territoires qui souhaitent aller plus vite dans la mise en oeuvre des ZFE-m de le faire. Cependant, les territoires qui se trouveront en difficulté au 1er janvier 2025 doivent, à mon sens, pouvoir disposer d'un temps supplémentaire pour organiser cette mise en oeuvre.
J'en viens au point soulevé par Hervé Gillé. Je suis également convaincu du caractère essentiel des schémas de mobilité. Tout passe par l'interopérabilité, les pôles d'échanges multimodaux et les transports en commun. C'est d'ailleurs pour cette raison que je propose un « choc d'offre » de transports alternatifs à la voiture. Je propose aussi d'instituer la TVA à 5,5 % sur les transports collectifs. L'objectif de ces mesures est de donner de l'oxygène aux autorités organisatrices des mobilités pour qu'elles puissent amplifier l'offre de transport en commun, notamment dans les zones qui en sont les moins bien dotées.
Je n'ai pas parlé du leasing social, tout simplement parce que je considère que le Gouvernement - d'après ses annonces - est en train de le mettre en place. Mais il est vrai que nous avons des difficultés à obtenir des informations précises sur sa mise en oeuvre effective. Je me permettrai donc d'interroger le ministre sur ce sujet tout à l'heure, lors des questions au Gouvernement.
S'agissant du point soulevé par Angèle Préville, l'information du public est en effet cruciale. La santé publique est de la responsabilité de l'État. Lorsque l'État souhaite informer, il sait le faire. Je pense notamment aux campagnes de sensibilisation à la télévision. Si l'État réalise un spot publicitaire qui interpelle sur l'état de santé d'un enfant, habitant au bord d'une rocade, qui étouffe à sa fenêtre à cause d'une crise d'asthme, la population sera sensibilisée. Il faut rappeler les chiffres : le transport routier est le troisième ou le quatrième émetteur de particules fines au niveau national, selon les particules prises en compte. En revanche, il est le principal émetteur de dioxyde d'azote, à hauteur de 54 %, qui représente 7 000 décès par an. On constate une amélioration de la qualité de l'air depuis 20 ans, même s'il reste du chemin à faire.
J'aimerais ajouter que le rapport d'information que je vous présente est empreint de justice sociale. Nous proposons de recentrer les aides sur les ménages les plus modestes, pratiquement à moyens constants. Ce rapport propose aussi de renforcer la lisibilité du système d'aides à l'acquisition : 50 % des personnes qui auraient droit à une aide ne la demandent pas, tant elles sont perdues dans notre système administratif. Le prêt à taux zéro est également une mesure sociale, pour laquelle nous nous sommes battus au moment de l'examen de la loi « Climat et résilience ». Enfin, la TVA à 5,5 % et l'individualisation du système de vignettes Crit'air pour les personnes entretenant correctement leur véhicule sont aussi deux mesures qui bénéficieront directement aux ménages modestes. Les ZFE-m manquent aujourd'hui d'acceptabilité sociale, non pas parce que les usagers ne veulent pas suivre le mouvement, mais parce qu'ils ne le peuvent pas. Il faut répondre à ces difficultés.
M. Ronan Dantec. - Nous sommes en train de rater une occasion : 2030 est une date trop lointaine pour permettre d'impulser une stratégie de changement du parc automobile. Autrement dit, nous allons conserver le modèle actuel pendant encore plusieurs années. C'est la noblesse de l'action politique que de parvenir à trouver un compromis entre des injonctions contradictoires. Mais repousser le calendrier à 2030 implique que plusieurs milliers de personnes supplémentaires mourront du fait de la pollution de l'air liée au transport routier dans les villes.
En donnant ainsi plus de pouvoir aux maires et aux présidents d'intercommunalités pour décaler jusqu'en 2030 la mise en place des ZFE-m, le risque existe d'une apparition systématique de contentieux pénal pour mise en danger de la vie d'autrui en cas, par exemple, d'épidémie de bronchiolites. Certes, si l'on ne modifie pas le calendrier et que l'on privilégie la rapidité, cela pourrait amener une contestation sociale liée aux difficultés à changer de véhicule., mais il ne faut pas négliger ce risque de contentieux pénal en cas de choix inverse.
J'entends que 2025 est une date trop précoce. Un décalage d'un an ou un an et demi pourrait être envisagé afin de trouver un compromis.
Par ailleurs, il me semble que l'on rate une occasion économique. Aujourd'hui, la France - et notamment Renault - est bien positionnée sur les véhicules électriques. Les ZFE-m bénéficient à Renault, qui peut ainsi garder son avance, d'autant plus que l'industrie automobile allemande renâcle sur la sortie du véhicule thermique en 2035. Il y a donc un enjeu industriel dans la mise en oeuvre des ZFE-m : soutenir l'avance de l'industrie française.
En revanche, 2030 serait un signal négatif par rapport à cet effort déployé par l'industrie française. Ce n'est pas une recommandation source de cohérence d'ensemble.
Enfin, l'État annonce des dispositifs d'aide pour les ménages les plus modestes, que l'on attend encore. Je rejoins le rapporteur : c'est sur ce point que doit porter l'effort. La difficulté des ménages les plus modestes à changer de véhicule sert de paravent à ceux qui repoussent le changement de leur véhicule, alors qu'ils en auraient les moyens. Le souci porté aux ménages modestes est d'ailleurs moins prononcé sur d'autres sujets comme le prix du stationnement en centre-ville qui aboutit à les en exclure de facto.
M. Rémy Pointereau. - Il faut être attentif à ne pas réveiller une nouvelle crise des gilets jaunes. À la veille de l'interdiction des moteurs thermiques en 2035, alors que les exigences d'isolation des logements ont été renforcées et que nous demandons aux propriétaires de changer leurs chaudières à gaz et à fioul, de nouvelles règles pourraient empêcher certains de nos concitoyens de circuler. Cela pose un problème d'acceptabilité sociale.
Comme le disait François Mitterrand, « il faut laisser du temps au temps ». Je suis agacé par une forme de culpabilisation permanente sur le prétendu retard de la France sur de nombreux sujets comme la qualité de l'eau et de l'air. N'oublions pas que l'Allemagne a encore des centrales à charbon. Par rapport aux autres pays, je dirais plutôt que nous sommes toujours en avance, car nous faisons en permanence de la sur-transposition.
Dans le cadre actuel, la mise en place des ZFE-m impliquerait de mettre fin à la circulation de 13 millions de véhicules en moins de deux ans alors qu'il y a une pénurie de véhicules neufs et que le marché de l'occasion explose. Il faut être réaliste et cesser de se mentir et de faire des effets d'annonce intenables.
En revanche, il est essentiel de mieux communiquer et de mener une campagne nationale de sensibilisation sur les problèmes liés à la qualité de l'air, notamment dans les vallées de montagne.
Le rapport d'information que nous présente Philippe Tabarot est le fruit d'un travail de consensus et de sagesse, dont j'approuve totalement les propositions.
M. Gérard Lahellec. - L'exercice qu'a mené Philippe Tabarot n'est pas simple. C'est un travail de synthèse, de mise en perspective, et de gestion des contradictions. Je suis pleinement d'accord avec l'attention portée aux enjeux sociaux dans le rapport. Je suis hostile à faire payer les plus pauvres, et quand les riches peuvent donner un peu, ce n'est que justice.
Je l'affirme tant pour des raisons pratiques de concrétisation et de faisabilité que pour des raisons politiques. Si demain, on envisage de créer encore des difficultés pour les plus pauvres, il y a un risque de réapparition d'un phénomène « gilets jaunes » avec une ampleur dix fois plus élevée. Nul ne peut dire où cela pourrait s'arrêter.
Il m'arrive souvent de dire qu'il ne faut pas confondre territoire et terrier. Le terrier c'est le repli sur soi ; le territoire c'est une approche commune. Or, nous sommes confrontés à un enjeu universel : il ne faut laisser personne sur le bord de la route, tout en tenant compte du réel et de la concrétisation du projet. De ce point de vue, les incitations sont plus efficaces que les sanctions. Je viens d'un territoire, la Bretagne, qui est une péninsule. Pour la parcourir, les routes sont la seule solution pour la desserte fine du territoire, même si l'on peut envisager quelques alternatives. Il faut tenir compte des mobilités dont ont besoin nos territoires ruraux, qui sont très complexes à mettre en oeuvre. C'est par exemple le cas de la mise en oeuvre des politiques de transport à la demande.
Le rapport d'information qui vous est présenté gagnerait, sans doute, à être plus clair sur le fait que le décalage de la mise en place des ZFE-m en 2030 n'est pas un renoncement. Mais il faut que nous ayons collectivement le souci d'une chose : rendre la loi applicable.
M. Jean-Michel Houllegatte. - La DATAR disait que le territoire ne doit pas être un terrier, mais un terreau sur lequel les initiatives doivent fleurir. Il y a aujourd'hui un consensus sur le fait que la pollution et la contamination de l'air sont un problème de santé publique.
L'Union européenne s'intéresse à cette question, particulièrement à travers la future norme « Euro 7 », sur laquelle la commission des affaires européennes dont je suis membre a récemment travaillé. Cette nouvelle norme permettra de prendre notamment en compte les particules abrasives liées aux pneus et au freinage. En revanche, nous avons été bien plus réservés concernant l'abaissement proposé par l'Union européenne pour les plafonds d'émission d'oxydes d'azote et de dioxyde de carbone. Il est en effet inutile de mettre en place une nouvelle norme plus restrictive qui coûterait 2 000 € à 2 500 € à l'achat des véhicules neufs, alors que la fin de leur commercialisation est prévue pour 2035. Toutefois, nous avons accueilli favorablement la prise en compte des particules fines abrasives. Cette mise en conformité induirait un surcoût à l'achat de l'ordre de 50 € à 200 €, selon les constructeurs.
Les ZFE-m sont une nécessité au regard des impacts sanitaires, néanmoins un double constat peut être dressé.
Premièrement, c'est une véritable cacophonie. Dans des conurbations comme celle de Dunkerque-Béthune-Lille-Valencienne-Douais-Lens, il y a un risque de différences de traitement si bien que les automobilistes peuvent ne plus s'y retrouver. C'est la même chose pour les conurbations comme celle d'Annemasse, Chambéry et Grenoble. Le « laissez faire, laissez passer » a été un des arguments des libéraux du XVIIIe siècle. Ne créons pas de nouvelles barrières. S'il y a des restrictions à faire, il faut donc qu'elles soient harmonisées.
Deuxièmement, comme cela a été abondamment rappelé, il y a des effets de bords : les risques de fracture sociale et de fracture territoriale, qui sont inséparables.
Il est vrai que la date de 2030 peut être discutée. Il faudrait conditionner le report de calendrier à l'élaboration d'une stratégie, car entre 2023 et 2030, il y a les élections municipales de 2026. Je ne veux pas déresponsabiliser les équipes en place, mais celles-ci pourraient penser que l'échéance de 2030 ne les concerne plus, puisque leur mandat prendra fin en 2026. Si l'on fait une proposition de report, il faut que cela soit conditionné à un plan d'action. Sinon en 2029, on pourra solliciter un nouveau report en arguant alors qu'en 2035, la fin de la mise sur le marché de véhicules thermiques neufs résoudra les problèmes.
En octobre 2022, une mission flash sur les mesures d'accompagnement de la création de zones à faibles émissions mobilité a été menée par deux députés, Gérard Leseul et Bruno Millienne. Une mesure m'avait semblé assez intéressante à propos des primo-accédants. Dans la continuité des débats actuels sur l'abaissement de l'âge minimal pour passer le permis de conduire à 17 ans, nous pourrions accompagner les jeunes alternants en ZRR pour qu'ils puissent avoir un permis bonifié, car ils rencontrent des freins très forts à leur mobilité.
M. Rémy Pointereau. - Il me semble que cela soulèverait un problème de constitutionnalité.
M. Jean-Michel Houllegatte. - Je souhaite enfin évoquer les véhicules utilitaires légers, dont on parle moins. Ils sont fortement utilisés sur le plan logistique, afin de décarboner le dernier kilomètre. En revanche, pour les artisans, l'écart de coût entre un véhicule utilitaire léger électrique et son équivalent diesel demeure un obstacle à l'acquisition.
M. Philippe Tabarot, rapporteur. - Concernant ce dernier point, il y a 6 millions de véhicules utilitaires légers en France. Je veux que le bonus écologique concernant les véhicules d'occasion leur bénéficie davantage et favoriser le retrofit, bien plus simple pour ces véhicules que pour d'autres segments de flotte, ainsi que le suramortissement pour ce qui concerne le transport de marchandises. Nous avons entendu les députés rapporteurs Leseul et Millienne, dont je salue l'excellent travail. Cependant, l'objet du rapport que je vous présente n'était pas de reprendre leurs propositions, très pertinentes au demeurant, mais d'en identifier de nouvelles. Il y a des aspects sur lesquels j'estime qu'ils ne sont pas allés suffisamment loin.
Plus largement, pourquoi avoir fait le choix de 2030 comme date butoir pour la mise en place des ZFE-m issues de la loi « Climat et résilience » ? Si les agglomérations concernées souhaitent les mettre en oeuvre avant cette date et qu'elles ont les moyens et les pouvoirs de police de le faire, rien ne les empêche de le faire. Elles peuvent également mettre en place des zones de circulation limitée 30 km/h et des aménagements urbains afin qu'il y ait moins de véhicules dans leurs centres-villes. Cette nouvelle date butoir n'est pas un frein à la mise en place de ces ZFE-m. Elle est pensée pour celles qui sont plus en difficulté afin de leur donner un peu plus de temps et ne pas faire les mêmes erreurs, notamment concernant l'information et les aides pour le public, qui ont été faites pour les ZFE-m précédentes, celles issues de la loi d'orientation des mobilités (LOM).
J'espère que dans 5 ans, les ambitieux projets du Gouvernement sur les réseaux express métropolitains dans les territoires, que ce soient les cars express ou les transports en commun en site propre (TCSP), seront beaucoup plus aboutis. Je m'attends aussi, à ce que l'interopérabilité fonctionne beaucoup mieux et que l'on ait des parkings relais à l'extérieur de chaque agglomération.
Je suis membre du conseil d'administration de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFIT France). À chaque réunion, des financements considérables sont votés sur ces projets. Il est plus cohérent d'articuler la mise en oeuvre de ces restrictions avec la montée en puissance des transports en commun, dont l'offre est encore limitée aujourd'hui. Voilà les raisons du choix de 2030 comme date butoir : synchroniser le schéma de restrictions de circulation avec le temps nécessaire au développement de l'offre de transports en commun.
S'agissant des observations formulées par Gérard Lahellec, je m'inscris tout à fait dans cet esprit d'inciter plutôt que de punir. En outre, ce choix de 2030 est tout le contraire d'un renoncement. Il y a d'autres partis politiques, non représentés ici, qui veulent mettre fin aux ZFE-m de l'extrême gauche à l'extrême droite de l'échiquier politique. Ce n'est pas notre cas. Je préconise d'adapter les ZFE-m à la situation que vivent nos concitoyens et les élus sur les territoires.
Concernant les remarques de Ronan Dantec, le calendrier des industriels de l'automobile est orienté vers la date de 2035 et la fin de la mise sur le marché des véhicules thermiques. Le report de calendrier sur la mise en oeuvre des ZFE-m ne va rien changer à leurs plans stratégiques.
J'aurais aimé vous entendre à propos du cas de certaines municipalités et métropoles qui reviennent en arrière, par exemple à Rouen, en expliquant qu'une mise en oeuvre trop rapide n'est pas possible. À Lyon, de même, sans aide supplémentaire de l'État, un retour en arrière est envisagé, notamment sur la fin du diesel en 2028. J'ai rencontré la présidente de l'Eurométropole de Strasbourg. Je doute fortement que ce calendrier soit maintenu, en particulier, là encore, sur la fin du diesel en 2028. In fine, je pense que ces agglomérations viendront d'elles-mêmes au calendrier que je vous propose aujourd'hui.
On peut, sinon, se mentir collectivement et affirmer qu'il n'y aura plus de pollution de l'air au 1er janvier 2025 avec l'application des ZFE-m. Or, les ZFE-m sans contrôle ne peuvent pas monter en puissance. Or, ces contrôles sont difficiles à mettre en place, car dans tous les territoires, l'État et les élus s'opposent sur ce sujet et se rejettent la responsabilité. Les métropoles considèrent que l'État doit prendre en charge cet enjeu de santé publique et la lecture automatisée des plaques et l'État déclare que les métropoles ne veulent pas procéder à ces contrôles à cause des échéances électorales en 2026. Ce n'est pas notre rôle de trancher ce débat. Quoi qu'il en soit, la situation ne sera pas réglée au 1er janvier 2025. Loin d'être incantatoire, le rapport d'information que je vous soumets se veut le plus pragmatique et le plus lucide possible. Il répond aux situations que j'ai constatées.
Enfin, s'agissant des risques contentieux auxquels s'exposeraient les élus locaux : il y a en effet des procédures contentieuses, souvent initiées par des associations de défense de l'environnement comme les Amis de la Terre. Les astreintes que l'État a dû payer ont ensuite été versées aux associations environnementales pour mener des actions de sensibilisation. Je considère que l'action politique ne peut être simplement guidée par le risque pénal, ce serait là une triste situation. Ce sujet est d'importance, il avait d'ailleurs été abordé à propos de la vaccination dans le cadre de la crise sanitaire à l'encontre du Premier ministre d'alors. Cependant, je ne peux me résoudre à ce que toute notre action politique soit dictée par la préoccupation pénale, sans quoi les magistrats pourraient prendre les décisions à la place des élus.
M. Rémy Pointereau. - Quelle est la situation à l'heure actuelle dans les autres pays d'Europe ayant mis en place des ZFE-m ? La France est-elle réellement en retard par rapport à ses voisins, comme on l'entend parfois ?
M. Philippe Tabarot, rapporteur. - Nous ne sommes pas en retard, mais nous avons commencé plus tard que les autres si bien que la temporalité de mise en oeuvre du schéma de restrictions de circulation est beaucoup plus courte en France que chez nos voisins. Les autres pays ont commencé entre trois et quatre ans avant nous. La fin du diesel est évoquée pour 2028, notamment à Lyon et Strasbourg. Je pense toutefois que cela n'aura finalement pas lieu, alors que l'Allemagne et les Pays-Bas ne le feront pas avant 2030. Nous avons mis en place ces mesures de manière anticipée par rapport à nos voisins européens, mais, in fine, nous ne pourrons pas respecter ce calendrier. Tous les pays, toutefois, sont tenus par la fin des moteurs thermiques en 2035. C'est ce qui fixera le calendrier pour tout le monde. Nous ne sommes pas mieux placés que les autres pays européens, mais pas non plus beaucoup plus mal placés. Toutefois, vous avez raison sur ce point, le fait d'avoir commencé un peu plus tard amène un calendrier un peu plus resserré.
M. Gilbert-Luc Devinaz. - « Donner du temps au temps », c'est nécessaire, mais pas pour la population exposée à la pollution.
Par ailleurs, il m'aurait semblé plus logique de déplacer la proposition n° 8 après la proposition n° 9. Nous écouterons avec attention la réponse du ministre cet après-midi sur les enjeux sociaux, lors des questions au Gouvernement. Sur la proposition n° 8, j'aurais préféré que l'on choisisse la date de 2028 avec des dérogations possibles jusqu'en 2030. Il faut se placer entre l'idéal et le pragmatisme. Mon groupe aurait pu privilégier une abstention positive, mais je pense que l'on votera favorablement, avec regrets.
La commission adopte le rapport d'information ainsi que ses recommandations et en autorise la publication.
M. Jean-François Longeot, président. - Sur ce sujet, nous avons à concilier des impératifs complètement opposés. Je salue le remarquable travail de Philippe Tabarot, qui a été fait dans un délai relativement court. C'est un sujet qui lui tient à coeur - comme à tous les membres de notre commission - sur un sujet complexe.
M. Philippe Tabarot, rapporteur. - Merci, Monsieur le Président, pour votre confiance. Je tiens également à remercier Didier Mandelli, pour son soutien, ainsi que tous les commissaires.
La réunion est close à 12 heures.
Proposition de nomination de M. Sylvain Waserman, candidat proposé par le Président de la République aux fonctions de président du conseil d'administration de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) - Désignation d'un rapporteur
M. Jean-François Longeot, président. - Nous devons procéder, en application de l'article 19 bis du Règlement du Sénat, à la désignation d'un rapporteur sur la proposition de nomination par le Président de la République de M. Sylvain Waserman aux fonctions de président du conseil d'administration de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), en vertu de la loi organique n° 2010-837 et de la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 relatives à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution.
La commission désigne Mme Marta de Cidrac rapporteure sur la proposition de nomination, par le Présidnt de la République, de M. Sylvain Waserman aux fonctions de président du conseil d'administration de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe).
La réunion est close à 12 h 00.