Jeudi 15 juin 2023
- Présidence de M. Pierre Henriet, député, président -
La réunion est ouverte à 9 h 40.
Les avancées thérapeutiques dans la prise en charge des maladies neurodégénératives - Examen de la note scientifique sur (Florence Lassarade, sénatrice, rapporteure)
M. Pierre Henriet, député, président de l'Office. - Mes chers collègues, je vous souhaite la bienvenue pour cette nouvelle réunion de l'Office. Nous examinons ce matin la note scientifique élaborée par Florence Lassarade sur les avancées thérapeutiques dans la prise en charge des maladies neurodégénératives.
Avant cela, je vous indique que notre collègue Moetai Brotherson n'est plus membre de l'Office. À la suite des élections d'avril dernier en Polynésie, il s'est démis de son mandat de député pour devenir président de la Polynésie française. Je lui adresse mes félicitations républicaines. Madame Mereana Reid-Arbelot, sa suppléante, a été désignée par le groupe GDR pour lui succéder comme membre de l'Office. Elle n'a pas pu se joindre à nous, mais nous l'accueillerons comme il se doit dès son arrivée.
Mme Florence Lassarade, sénatrice, rapporteure. - Les maladies neurodégénératives, en premier lieu celles d'Alzheimer et de Parkinson, sont au coeur des préoccupations de nos concitoyens. La première touche 5 % des plus de 65 ans, la seconde, 1 %. Nombreuses sont les familles à être confrontées à la maladie d'un proche, qui peut entraîner une grande dépendance.
Les maladies neurodégénératives sont mal soignées, excepté les maladies de Parkinson et la sclérose en plaques. Celles-ci sont bien contrôlées par les traitements symptomatiques, mais leur évolution reste inexorable. D'autres ne disposent d'aucun traitement efficace, comme les maladies d'Alzheimer, de Charcot (aussi appelée sclérose latérale amyotrophique) ou de Huntington.
Patients et familles attendent avec impatience l'arrivée de nouveaux traitements, espoir régulièrement ravivé par de nouveaux résultats positifs de la recherche académique ou des firmes pharmaceutiques. L'attention est surtout portée à des traitements qui interrompraient la mort neuronale, permettant de stopper l'évolution des maladies. Si aucun traitement de ce type n'est disponible actuellement, de grandes avancées ont été réalisées, ces dernières décennies, dans la compréhension de ces maladies.
L'exploration de nouvelles pistes et le maintien de l'effort de recherche sur le long terme ont permis récemment de démontrer l'efficacité de deux traitements, plaçant cette note au coeur de l'actualité. Il s'agit de deux anticorps développés par le consortium Eisai-Biogen (lécanemab) et Eli Lilly (donanemab).
L'Office n'avait jamais fait le point sur la prise en charge des maladies neurodégénératives, même s'il avait été fait mention de la stimulation cérébrale profonde dans la note scientifique de Patrick HETZEL sur les défis scientifiques et éthiques des neurotechnologies.. Je présenterai donc différentes stratégies thérapeutiques et les évolutions technologiques associées. Je parlerai ensuite de quelques pistes prometteuses testées en recherche fondamentale ou clinique, avant d'aborder les freins rapportés par les nombreux médecins et chercheurs au cours des auditions.
Les neurotransmetteurs sont des substances qui permettent la communication neuronale. La mort des neurones induit des déséquilibres dans leurs concentrations, qui sont à l'origine, par exemple, des symptômes moteurs de la maladie de Parkinson. L'approche de pharmacologie classique est utilisée pour tenter de restaurer les équilibres perdus, en administrant aux patients des analogues ou des précurseurs de neurotransmetteurs.
Dans la maladie d'Alzheimer, des modulateurs chimiques de la communication neuronale étaient préconisés jusqu'à ce que la Haute autorité de santé estime leur balance bénéfices/risques insuffisamment favorable, conduisant à leur déremboursement en 2018. Cette décision est vivement regrettée par les médecins et les patients, qui estiment que les patients « répondeurs » sont aujourd'hui mieux identifiés et que l'absence de traitement possible conduit à retarder le diagnostic.
Dans la maladie de Parkinson, lorsque ces modulateurs chimiques sont moins efficaces et génèrent trop d'effets indésirables, la stratégie thérapeutique de référence est la pose d'un dispositif de stimulation cérébrale profonde. Issue de la recherche française, la technique consiste à stimuler la zone en aval de celle où les neurones meurent, pour restaurer un équilibre excitation/inhibition. Elle est très efficace et permet de diminuer les traitements médicamenteux.
La technique a été grandement améliorée : la pose est effectuée dans de meilleures conditions, et les dispositifs évoluent vers des systèmes rechargeables et plus précis, grâce à des électrodes directionnelles ou des systèmes adaptatifs, ceux-ci étant prometteurs mais encore à l'essai.
Les spécialistes regrettent néanmoins que seul un cinquième des patients éligibles ait accès à cette technique. La raison invoquée est le trop faible nombre de centres la pratiquant régulièrement et dotés d'une expertise suffisante. Cette activité ne serait pas prioritaire pour les hôpitaux soumis à de fortes contraintes économiques.
Pour la plupart des maladies neurodégénératives, les thérapies non médicamenteuses améliorent le quotidien des patients. Simulation cognitive et activité physique font partie des soins recommandés ; l'accès aux kinésithérapeutes et orthophonistes est d'ailleurs prévu dans les dispositifs d'affection longue durée. Cependant, cet accès est rendu difficile par le manque de professionnels.
Pour faciliter le quotidien ou traiter d'autres conséquences de ces maladies, comme le stress et l'anxiété, la technologie peut intervenir en complément : montres ou piluliers connectés, logiciels ou jeux vidéo de stimulation cognitive, robots, etc. De plus, pour certaines maladies liées à des facteurs de risque contrôlables, la stimulation cognitive, l'activité physique, la nutrition ou encore la méditation ont aussi un intérêt préventif.
Des thérapies innovantes ont vu le jour depuis l'essor des biotechnologies. Lorsque la maladie est d'origine génétique - c'est le cas de la maladie de Huntington et d'environ 10 % des cas de la maladie de Charcot - la thérapie peut consister à bloquer l'expression du gène muté. On peut employer à cette fin des oligonucléotides anti-sens, qui sont de petites séquences ARN qui empêchent la traduction des gènes mutés en protéines toxiques. Cette approche vient d'être autorisée outre-Atlantique pour certaines formes de sclérose latérale amyotrophique.
La stratégie thérapeutique issue des biotechnologies faisant le plus parler d'elle est l'immunothérapie passive. Il s'agit d'administrer aux patients des anticorps dirigés contre les plaques amyloïdes, ces agrégats protéiques qui caractérisent la maladie d'Alzheimer. Les anticorps sollicitent le système immunitaire du patient pour éliminer les plaques. Alors que l'on testait sans résultat des anticorps depuis plusieurs décennies, deux d'entre eux ont enfin démontré leur efficacité tant biologique, sur les plaques amyloïdes, que clinique, sur le déclin cognitif. L'amélioration des connaissances a permis de mieux définir la cible de ces anticorps. L'administration précoce des traitements a également contribué à leur efficacité.
Ils suscitent à la fois beaucoup d'engouement et un peu de réserve, car l'effet sur le déclin cognitif reste modeste et des effets indésirables potentiellement graves, qui nécessitent un suivi des patients par IRM au début du traitement, peuvent survenir.
L'un de ces anticorps a été autorisé aux Etats-Unis et est en attente d'autorisation en Europe ; ils prendront certainement une grande place dans la prise de charge de la maladie à court et moyen terme.
Des efforts de recherche sont déployés dans d'autres directions, dont le diagnostic. Pour la maladie d'Alzheimer, le diagnostic reste souvent trop tardif alors que la possibilité d'organiser la vie du patient et de lui proposer des thérapies non médicamenteuses justifie de diagnostiquer tôt. Ceci sera encore plus vrai avec l'arrivée des immunothérapies précédemment mentionnées.
La recherche de biomarqueurs sanguins, aujourd'hui détectés dans le liquide céphalo-rachidien, pourrait contribuer à favoriser le diagnostic en facilitant l'acte de prélèvement.
Des innovations technologiques permettent de proposer de nouvelles approches, par exemple l'ouverture de la barrière hématoencéphalique à l'aide d'ultrasons. Le cerveau est normalement isolé du reste du corps par cette barrière entre le système sanguin et le tissu cérébral. Les traitements pénètrent donc mal les tissus cérébraux. L'application d'ultrasons améliore substantiellement la pénétration du traitement dans la zone ciblée et permettrait de reconsidérer des traitements n'ayant pas fonctionné faute de pénétration dans les tissus.
Une autre innovation repose sur la lumière infrarouge, qui dynamise les neurones et limite leur dégénérescence. Des chercheurs français travaillent à créer une telle stimulation au coeur du cerveau, en s'inspirant de la stimulation cérébrale profonde, pour interrompre l'évolution de la maladie de Parkinson.
Les biotechnologies offrent la possibilité de traiter ces maladies par la thérapie génique, qui consiste à inculquer des gènes à des cellules. Dans la maladie de Parkinson, et avec l'objectif de compenser la perte des neurones produisant la dopamine, les gènes de synthèse de ce neurotransmetteur sont administrés aux neurones situés en aval de la zone affectée. Ce traitement, toujours à l'essai, n'est cependant que symptomatique ; il n'empêche pas l'évolution de la maladie.
L'essor récent des cellules souches pluripotentes induites, issues de la peau, ouvre également de nouveaux horizons. Ces cellules sont reprogrammées par des facteurs chimiques pour revenir à l'état de cellule souche, permettant de s'affranchir des cellules souches d'origine foetale, dont l'emploi est strictement réglementé pour des raisons éthiques. Les cellules induites sont facilement utilisables en thérapie cellulaire, qui consiste à greffer des neurones aux patients pour compenser les effets de la mort neuronale. Des résultats encourageants ont été obtenus pour la sclérose en plaques, les cellules greffées remplaçant les cellules lésées et stimulant la restauration spontanée de la gaine de myéline.
Cette maladie, un peu à la marge des maladies neurodégénératives, voit sa composante inflammatoire bien contrôlée par les traitements immunomodulateurs et immunosuppresseurs, mais l'atteinte progressive des neurones et le handicap en découlant sont inéluctables.
Les cellules souches induites ont également permis le développement d'un nouveau modèle de recherche : le cérébroïde ou mini-cerveau. Celui-ci est composé de cellules humaines, ce qui en fait un modèle de choix pour tester les thérapies géniques et cellulaires. Il demeure néanmoins beaucoup trop éloigné de la complexité du cerveau animal. Celle du cerveau humain, encore supérieure, conduit d'ailleurs les chercheurs en neurosciences à dépendre de modèles animaux tels que les primates, plus que dans d'autres domaines.
Les efforts de recherche ont récemment porté leurs fruits avec les deux traitements à base d'anticorps précédemment évoqués. Cependant, médecins et associations de patients s'interrogent sur la disponibilité effective de ces thérapies, car leurs conditions de mise en oeuvre sont peu compatibles avec les difficultés de notre système de santé. Pour réaliser auprès d'une population cible de un à deux millions de patients une injection intraveineuse bimensuelle et un suivi régulier par IRM, il faut en effet que les soignants et les appareils d'imagerie soient en nombre suffisant. La réflexion engagée par la communauté médicale doit impérativement être élargie et associer les pouvoirs publics.
Si la recherche avance et que les pistes à l'étude entrent progressivement dans des phases cliniques, nombreux sont les acteurs à regretter les difficultés administratives qui plombent l'innovation. L'implication des multiples tutelles ou encore la frilosité des Comités de protection des personnes sont dénoncées. Dans le cas des maladies rares, il est presque impossible pour nos médecins et chercheurs de collaborer à des cohortes internationales car les données des patients français sont couvertes par les dispositions de la loi Informatique et libertés, plus restrictive que le Règlement général sur la protection des données (RGPD). Des initiatives pour faciliter la recherche clinique ont été saluées et un espoir est placé dans l'Agence innovation santé, créée récemment pour identifier les facteurs qui permettront d'améliorer l'accès à l'innovation.
Par ailleurs, comme dans tous les autres secteurs de la biologie-santé, la faible attractivité des métiers et la courte durée des financements de la recherche sont regrettées.
Ainsi, la période actuelle marque l'aboutissement de plusieurs pistes de recherche avec l'attribution d'autorisations de mise sur le marché à des thérapies innovantes comme les immunothérapies passives et les oligonucléotides anti-sens. L'effort de recherche doit impérativement être maintenu car le fardeau des maladies neurodégénératives s'amplifiera avec le vieillissement de la population.
Médecins, chercheurs et associations déplorent d'ailleurs un manque d'intérêt pour ce secteur, dont ils estiment qu'il n'est pas considéré à la hauteur des conséquences de ces maladies pour la société. Il importe d'allouer à la recherche des financements conséquents pour lui permettre de revenir à la pointe et de faciliter l'innovation en l'allégeant des contraintes administratives. Pour ce faire, la feuille de route Maladies neurodégénératives doit être reprise avec plus de dynamisme et d'intérêt par les autorités.
Je vous propose plusieurs recommandations :
- lutter contre le sous-diagnostic et l'errance médicale associés notamment aux maladies de Parkinson et d'Alzheimer, dans la mesure où des prises en charge thérapeutiques existent déjà et où de futurs traitements devraient permettre une meilleure prise en charge ;
- sécuriser l'accès à l'implantation de dispositifs médicaux pour les patients parkinsoniens en réunissant les équipes expérimentées et à la pointe de la technologie dans des centres dédiés ;
- encadrer le développement des tests sanguins visant à rechercher des biomarqueurs liés aux maladies neurodégénératives, en restreignant, dans un premier temps, leur prescription aux centres mémoire ;
- faire du rendez-vous de prévention à 65 ans, adopté dans le budget de la Sécurité sociale pour 2023, un moment clef de la prévention des maladies neurodégénératives ;
- préparer l'arrivée probable des nouvelles immunothérapies amyloïdes pour que chaque patient éligible puisse y accéder.
Lorsque j'ai passé l'internat, je me destinais à la neurologie. J'ai passé six mois dans un service dédié réalisant des diagnostics pointus. Néanmoins, aucun traitement n'existait à l'époque. Je me suis donc rapidement tournée vers une autre spécialité permettant de soulager les patients.
M. Pierre Henriet, député, président de l'Office. - Merci pour la présentation de cette note permettant de comprendre les avancées thérapeutiques et de formuler des recommandations. Ce sujet nous concerne tous, par nos mandats parlementaires comme par nos liens familiaux.
M. Philippe Bolo, député. - Ma question sort peut-être un peu du périmètre de la note présentée. Je remercie d'ailleurs notre collègue pour ce précieux travail. Même s'il est écrit « Avancées thérapeutiques » dans le titre de la note, qu'en est-il de la connaissance des causes des perturbations ? Au-delà de la partie curative, que savons-nous de la partie préventive ? Comment éviter la multiplication de ces maladies ?
Mme Florence Lassarade, sénatrice, rapporteure. - Tout dépend de la maladie considérée. On peut prévenir à hauteur de 30 % l'arrivée de ces maladies par une hygiène de vie exemplaire. Certaines techniques de méditation mentionnées durant les auditions peuvent également avoir des effets positifs sur la prévention de la maladie d'Alzheimer.
M. Philippe Bolo, député. - Le vieillissement est-il le seul en cause dans l'apparition de la maladie, ou des facteurs extérieurs s'ajoutent-ils ? Je pense par exemple à la notion de santé environnementale.
Mme Florence Lassarade, sénatrice, rapporteure. - Quand j'ai commencé mes études, la maladie d'Alzheimer était considérée comme une démence précoce. Puis, cette qualification a été étendue à toutes les démences séniles. Cette dernière notion n'existe plus : plusieurs types de démence sont aujourd'hui diagnostiqués, notamment la démence vasculaire. Par ailleurs, la cause des dépôts d'amyloïdes n'est pas encore identifiée, sachant que la quantité des dépôts n'indique pas le niveau de démence du patient. Quelques pistes sont envisagées : certains métaux toxiques comme l'aluminium pourraient ainsi être à l'origine de la maladie d'Alzheimer.
J'ai produit un rapport sur la médecine environnementale. L'environnement joue certainement un rôle dans le développement de ces maladies. Néanmoins, dans le cas de la maladie de Parkinson, ce rôle n'est pas connu. La connaissance des causes de la sclérose en plaques, par exemple, n'a pas évolué depuis que j'ai passé mon internat en 1981. Même si cette maladie se situe en marge des maladies neurodégénératives, puisqu'il s'agit d'une maladie inflammatoire, la dégénérescence des gaines de myéline la fait tout de même entrer dans cette catégorie. Le traitement de la sclérose en plaques a beaucoup avancé, notamment sur les poussées inflammatoires. Néanmoins, nous ne savons pas comment enrayer son évolution : la dégénérescence perdure.
Mme Michelle Meunier, sénatrice. - D'autres travaux consacrés à ces maladies concernent l'aspect « aides aux aidants » ou la prévention des maladies impliquant une perte d'autonomie. Les recommandations de la note me conviennent, en premier lieu le repérage du diagnostic et la prévention à 65 ans. Toutes les initiatives de sensibilisation vont dans le bon sens. Des campagnes de communication sont d'ailleurs en cours. J'aimerais néanmoins en savoir plus sur les impacts de l'immunothérapie passive.
Par ailleurs, que recouvre le terme « errance médicale » ? L'outil Mon Espace Santé permet en effet à tout professionnel de connaître l'état de santé de son patient.
Mme Florence Lassarade, sénatrice, rapporteure. - Concernant l'errance médicale, le meilleur endroit pour diagnostiquer la maladie d'Alzheimer est un centre mémoire. Or, ces centres de référence ne sont pas forcément connus des médecins généralistes. De plus, de nombreuses personnes n'ont plus de médecin traitant. Le malade d'Alzheimer s'ignore. Le diagnostic peut venir de sa famille, s'il en a une, ou le cas échéant d'une institution, un EPHAD par exemple. La détection n'est pas très difficile : le médecin donne, en début de consultation, cinq mots à retenir, puis demande au patient de les répéter quelques minutes plus tard. Néanmoins, les médecins généralistes font face à une pression importante : ils ont peu de temps lors des consultations pour effectuer ce diagnostic.
Les immunothérapies sont d'abord arrivées aux États-Unis mais sont encore peu utilisées en France à cause de leurs effets secondaires. Elles doivent être réalisées au début de la maladie : le diagnostic doit donc être précoce. Les effets secondaires comprennent des microhémorragies et des oedèmes qui inquiètent les pharmacologues. Cependant, ceux-ci ne sont détectables qu'à l'IRM.
Le traitement coûte environ 2 000 euros par mois. Il consiste en deux perfusions mensuelles. Des équipes d'infirmières doivent pouvoir l'administrer. Néanmoins, le coût de la maladie pour la société relativise celui du traitement. Certains traitements régulateurs ont été délibérément mis à l'arrêt, alors que les scientifiques que j'ai rencontrés, à Bordeaux notamment, estimaient qu'ils pouvaient faire reculer l'arrivée de la maladie de deux ans. Pour être précis, ce traitement a été déremboursé : par conséquent, il n'est plus prescrit.
Les traitements immunologiques suscitent néanmoins beaucoup d'espoirs. Leur autorisation aux États-Unis permettra de faire un premier bilan d'évaluation. L'Europe les évalue actuellement, mais la France reste frileuse à ce sujet. Même si la maladie d'Alzheimer évolue lentement, il ne faut pas se priver de ces traitements dont le coût peut être relativisé.
M. Philippe Berta, député. - Merci pour ce travail. Je partage votre expectative concernant l'usage de l'immunothérapie pour la maladie d'Alzheimer. Je doute que les groupes pharmaceutiques injectent les milliards d'euros nécessaires à la mise au point d'une voie vaccinale par l'immunothérapie. En effet, les directeurs scientifiques ont légèrement survendu leur approche thérapeutique. Néanmoins, j'avais cru comprendre que l'on avait découvert que la sclérose en plaques était d'origine virale. Des anticorps seraient à l'origine de la maladie, comme pour les ulcères gastriques qui peuvent être soignés par traitement antibiotique. Qu'en est-il ?
Mme Florence Lassarade, sénatrice, rapporteure. - En 1981, nous disions que la sclérose en plaques était causée par le virus de la rougeole. L'hypothèse d'une origine virale de cette maladie revient de manière récurrente, sans être formellement attestée. De multiples facteurs peuvent être considérés. La vaccination peut être un moment de bascule en révélant une maladie sous-jacente. De plus, certaines maladies virales ne possèdent pas de vaccin. Faut-il traiter chaque adolescent développant une mononucléose ? Nous ne nous sommes pas penchés de nouveau sur les diagnostics, même si nous avons été régulièrement en contact avec des spécialistes de la sclérose en plaques depuis l'épisode du Covid. Par ailleurs, aucune thérapie n'existe pour traiter l'évolution de la sclérose en plaques elle-même.
M. Pierre Henriet, député, président de l'Office. - La note souhaite axer le diagnostic sur une prévention à 65 ans. Dans le cadre du plan de prévention, trois âges sont ciblés, notamment celui de 45 ans. Le tableau présenté en annexe de la note montre que certaines maladies neurodégénératives surviennent avant 65 ans. Une détection plus précoce est-elle envisageable ?
Mme Florence Lassarade, sénatrice, rapporteure. - Un diagnostic dès 45 ans me semble en effet trop précoce pour la maladie d'Alzheimer. Lorsqu'une personne commence à perdre la mémoire à cet âge, elle sera très vite détectée du fait de ses activités professionnelles. Il existe d'autres priorités. De même, la maladie de Parkinson présente très vite des symptômes.
M. Gérard Longuet, sénateur, premier vice-président de l'Office. - Je souhaiterais revenir sur la première recommandation. Si elle paraît de bon sens, j'aimerais qu'elle soit concrétisée. Par ailleurs, la notion d'errance médicale ne m'est pas familière. Que recouvre-t-elle et à quoi est-elle due ?
Mme Florence Lassarade, sénatrice, rapporteure. - L'errance médicale est d'abord due à l'absence de médecin traitant. Ensuite, les médecins traitants ne sont pas forcément familiers des centres mémoires, alors qu'il en existe une trentaine en France, ou des consultations mémoire ayant lieu notamment dans les maisons de retraite. Ce réseau doit être mieux connu.
De plus, les hôpitaux sont dans une situation très difficile. La prise en charge de la maladie de Parkinson par méthode chirurgicale est compromise par la diminution du nombre de médecins capables de réaliser cette opération. Voilà pourquoi je recommande de mettre en place des centres hyperspécialisés.
Je souhaiterais revenir sur le diagnostic de la maladie Alzheimer. Pour l'obtenir, il faut réaliser une ponction lombaire. Or, ce geste peut entraîner des conséquences négatives graves et n'est pas facile à réaliser. De bons espoirs existent quant à la mise en place d'un test sanguin. Le jour où le dépistage sanguin sera effectif, la demande sera très importante et un véritable marché se mettra en place, comme pour les tests de caryotypes. Les scientifiques restent donc prudents vis-à-vis de cette possibilité, afin d'éviter les excès potentiels. Néanmoins, on peut espérer l'arrivée de diagnostics moins agressifs que ceux actuellement utilisés.
Enfin, les méthodes radiologiques connaissent des progrès fulgurants. Les diagnostics par IRM sont de plus en plus précis. Dans la recherche, des IRM extrêmement puissantes réalisées sur des animaux permettent de localiser l'activité neuronale.
M. Pierre Henriet, député, président de l'Office. - Je vous remercie d'avoir mis en lumière ces avancées sur la prise en charge des maladies neurodégénératives. Peut-être serait-il intéressant de diffuser cette note scientifique auprès des autorités administratives, notamment au ministère de la Santé. Uun échange pourrait être envisagé avec le ministre lui-même afin d'alerter et d'envisager des décisions politiques sur ce sujet.
Mme Florence Lassarade, sénatrice, rapporteure. - Je propose avant tout de communiquer la note aux commissions des affaires sociales, avant d'alerter le ministre, qui a déjà bien des problèmes à régler. Le manque de médecins ou l'état de la recherche constituent selon moi des sujets d'alerte prioritaires.
Par ailleurs, des freins existent à la recherche. Certains cas exceptionnels d'origine génétique ne peuvent pas être ajoutés aux cohortes internationales. La population française est attachée à la confidentialité des données de santé, et à juste titre. Néanmoins, parfois, cet attachement constitue un frein pour la recherche médicale.
M. Pierre Henriet, député, président de l'Office. - Nous comptons sur vous pour diffuser cette note aux commissions des affaires sociales et auprès des acteurs concernés. Je vous remercie.
L'Office adopte la note scientifique sur les avancées thérapeutiques dans la prise en charge des maladies neurodégénératives et en autorise la publication.
La séance est levée à 10 heures 45.