- Mercredi 31 mai 2023
- Projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027 et projet de loi organique relatif à l'ouverture, la modernisation et la responsabilité du corps judiciaire - Examen du rapport et des textes de la commission
- Proposition de loi relative à la reconnaissance biométrique dans l'espace public - Examen du rapport et du texte de la commission
- Soutien apporté au maire de Saint-Brevin-les-Pins - Audition de MM. Fabrice Rigoulet-Roze, préfet de la région Pays de la Loire, préfet de la Loire-Atlantique, et Michel Bergue, sous-préfet de Saint-Nazaire
Mercredi 31 mai 2023
- Présidence de M. François-Noël Buffet, président -
La réunion est ouverte à 9 h 50.
Projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027 et projet de loi organique relatif à l'ouverture, la modernisation et la responsabilité du corps judiciaire - Examen du rapport et des textes de la commission
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Moins d'un an et demi après le dernier projet de loi relatif à la justice, nous remettons à nouveau l'ouvrage sur le métier. Il est vrai qu'entre-temps le comité des États généraux de la justice a rendu ses conclusions, sous l'autorité de Jean-Marc Sauvé.
Les deux textes aujourd'hui soumis à notre examen sont présentés par le Gouvernement comme la traduction législative, organique et ordinaire, des conclusions de ces États généraux. Cependant, soyons vigilants : si ces textes s'inscrivent dans la suite des États généraux, c'est davantage d'un point de vue chronologique qu'intellectuel.
Un certain nombre de mesures manquent ainsi à l'appel, comme l'extension de l'aide juridictionnelle pour les personnes morales de droit privé, tandis que d'autres s'éloignent des points de consensus auxquels les États généraux avaient abouti. Je pense en particulier à la réforme retenue par le Gouvernement concernant le témoin assisté, qui reste a minima comparée à l'ambition d'une réforme faisant de la mise sous statut de témoin assisté la règle et limitant la possibilité de mise en examen à la fin de l'instruction. De plus, la vision de l'équipe entourant les magistrats que porte l'article 11 du projet de loi ordinaire exclut les greffiers, ce qui ne semble pas conforme aux États généraux de la justice.
La montagne des États généraux de la justice semble donc avoir accouché d'une souris législative. À l'exception de quelques dispositions bienvenues, les deux projets de loi se bornent pour l'essentiel à un catalogue de mesures techniques et le souffle des États généraux semble en être absent. Nous avons donc tâché de donner plus d'élan à ces deux textes, qui en manquaient cruellement.
Ces réserves de méthode étant formulées, j'en viens à la première raison d'être de cette initiative législative du Gouvernement : la programmation budgétaire de la réforme de la justice, pour la période 2023-2027.
La hausse des crédits proposée, qui est de l'ordre de 6,80 % une fois prise en compte l'inflation, est assurément bienvenue et s'inscrit dans la moyenne des programmations budgétaires qui ont été votées ou sont en cours d'examen pour d'autres ministères régaliens, que ce soit celui de l'intérieur ou celui des armées. Cette programmation budgétaire doit permettre de répondre à la crise que traverse l'institution judiciaire, en particulier en finançant des créations nettes d'emplois, fixées à 1 500 magistrats et à 1 500 greffiers.
Nous avons néanmoins jugé primordial de mieux reconnaître l'engagement et les besoins de recrutement des greffiers et des conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation (CPIP). Ainsi, nous vous proposerons de porter à 1 800 et à 600 le nombre respectif de créations nettes d'emplois pour chacune de ces professions.
En tout état de cause, il nous a semblé que les moyens ne suffiraient en aucun cas à résorber la crise que connaît aujourd'hui l'institution judiciaire s'ils ne s'accompagnaient pas de réformes de fond permettant de simplifier les procédures et de moderniser l'institution. C'est l'objet de certains des articles - trop peu nombreux - des deux projets de lois et des amendements que nous vous proposerons.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - La seconde raison d'être du projet de loi ordinaire est son volet d'orientation des politiques publiques pour la période 2023-2027.
S'agissant du rapport annexé, il se borne à décliner le plan d'action annoncé par le garde des sceaux en janvier 2023. Sans réelle portée normative, il constitue une feuille de route que nous n'avons pas jugé utile de modifier en profondeur ; un tel document n'engage du reste que le Gouvernement.
Je souhaite néanmoins me féliciter de l'amendement déposé par le Gouvernement tendant à traduire certaines recommandations du rapport sur les violences intrafamiliales (VIF), le « plan rouge VIF », que nous avons rendu le 22 mai 2023 avec notre collègue députée Émilie Chandler. Les pôles spécialisés et le comité de pilotage dit « COPIL VIF » permettront enfin d'unifier et de coordonner l'action de lutte contre ces violences au sein des juridictions. Nous ne pouvons que nous en féliciter et je proposerai d'adopter cet amendement, par lequel le Gouvernement s'engage devant nous à mettre en oeuvre ces politiques publiques.
En la matière, l'approbation ne vaut pas quitus et nous devrons être collectivement attentifs, chers collègues, à ce que le plan d'action du Gouvernement demeure fidèle, dans sa mise en oeuvre, aux conclusions des États généraux de la justice.
Le renforcement des moyens budgétaires ainsi décidé devra s'accompagner d'une meilleure gestion des ressources humaines. En la matière, la principale évolution, attendue de longue date, concerne l'équipe autour des magistrats, dont l'article 11 du projet de loi ordinaire esquisse une ébauche. Néanmoins, notre vision du sujet semble différer de celle du Gouvernement, qui fait le choix contestable d'en exclure les greffiers, ce qui pose question quant au lien historiquement construit entre le magistrat et le greffier, mais aussi aux aspirations légitimes des membres de cette profession. Les intentions du Gouvernement s'agissant de l'avenir de la profession gagneraient à être clarifiées.
Au chapitre de la gestion des moyens humains, l'article 14 du projet de loi ordinaire entend faire face aux grandes difficultés de recrutement rencontrées dans l'administration pénitentiaire, en développant la réserve civile et en favorisant les recrutements par l'ouverture de postes de surveillants adjoints contractuels, destinés à former un vivier pour les concours, à l'instar des policiers adjoints pour la police nationale. Cette évolution a recueilli notre accord.
Enfin, deux évolutions prévues respectivement aux articles 15 et 17 du projet de loi ordinaire sont de nature à alléger ou à mieux répartir la charge de travail pesant sur les juridictions. D'abord, le transfert à un magistrat du siège des compétences dites « civiles » exercées par le juge des libertés et de la détention (JLD), en matière de contentieux des étrangers, mais aussi d'hospitalisations sous contrainte, nous a paru bienvenu. Ensuite, le transfert de compétences des greffiers vers les commissaires de justice, s'agissant de la mise en oeuvre et du suivi des saisies des rémunérations, permettrait d'économiser l'équivalent de 140 équivalents temps plein (ETP) à compter de 2025.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Cette réforme de la gestion des ressources humaines du ministère passe naturellement par une réforme en profondeur du corps judiciaire, corollaire des recrutements attendus. Le projet de loi organique prévoit ainsi trois évolutions.
En premier lieu, il ouvre le corps judiciaire. L'article 1er renforce l'ouverture et la lisibilité des voies de recrutement, qui sont réduites de douze à neuf. Il s'agit d'une évolution favorable, mais nous avons souhaité être intransigeantes sur l'exigence du recrutement et de la formation, garantie de la qualité des décisions rendues par nos tribunaux. Nous proposons donc de porter la durée minimale de stage pour les titulaires du concours professionnel à 18 mois et de limiter à la période 2025-2027 le moratoire sur les quotas de recrutement au titre du concours professionnel.
Nous vous proposons également de favoriser davantage l'ouverture du corps judiciaire, en prévoyant que les magistrats constituent moins de la moitié du nouveau jury professionnel, mais aussi en portant d'un vingtième à un quinzième le quota des magistrats détachés au sein du total des emplois du grade concerné.
En deuxième lieu, ce texte modernise la gestion du corps judiciaire dont l'article 3 propose de modifier la structure, en prévoyant une progression en trois grades, l'accès au troisième étant accessible de droit aux magistrats choisissant d'occuper des fonctions de chef de juridiction. Nous proposons de favoriser la mobilité au sein du corps en prévoyant des durées minimale et maximale d'affectation, conformément à la position que nous avions retenue en 2017, lors de l'examen de la proposition de loi pour le redressement de la justice.
En revanche, nous proposons de rejeter certaines dispositions excessives, comme la délégation de magistrats issus du ressort des cours d'appel de Paris et d'Aix-en-Provence vers les juridictions d'outre-mer et de Corse, au profit d'un assouplissement des outils de délégation à la main des chefs de cour. Il semble préférable de renforcer le pouvoir de décision de ces derniers, futures clés de voûte de la déconcentration des services judiciaires.
Par ailleurs, nous proposons d'adopter les dispositions modernisant la carrière des magistrats, moyennant quelques ajustements.
D'abord, si l'évaluation dite « à 360 degrés » parait nécessaire, nous souhaitons aligner son contenu sur d'autres évaluations similaires pour la haute fonction publique et la compléter en précisant les critères de nomination des chefs de cour et de juridiction. Ensuite, le recours plus large aux magistrats exerçant à titre temporaire (MTT) doit être mieux encadré s'agissant de l'affectation de ceux-ci au parquet ; nous proposerons un amendement en ce sens. Enfin, la modernisation du mode de scrutin pour les membres magistrats au Conseil supérieur de la magistrature (CSM) est bienvenue et nous proposerons de la doubler d'une réforme de plus grande ampleur des nominations au CSM, en prévoyant en particulier que les personnalités qualifiées en son sein soient renouvelées par moitié.
En troisième lieu, le présent projet de loi organique tend à renforcer la responsabilité des magistrats judiciaires.
Alors que l'autorité judiciaire pâtit encore auprès de nos concitoyens d'une vive défiance, l'article 8 du projet de loi apporte de premières réponses. Nous vous proposerons de le prolonger en clarifiant la définition de la faute disciplinaire, en renforçant l'échelle des sanctions - en l'alignant notamment de façon partielle sur celle qui s'applique aux magistrats administratifs - et, en contrepartie, en supprimant l'obligation d'audition des magistrats par la commission d'admission des requêtes (CAR).
Nous en venons à présent aux diverses mesures de simplification prévues par le projet de loi, à commencer par l'une des plus attendues : celle de la procédure pénale.
Nous y reviendrons sûrement, mais nous ne pouvons pas nous satisfaire de la méthode proposée par le Gouvernement, qui prévoit l'habilitation à réformer, par voie d'ordonnance et à droit constant, le code de procédure pénale. Nous proposons donc de reporter l'entrée en vigueur de cette ordonnance, dans le but de donner au Parlement le temps nécessaire pour procéder à un examen attentif de ses dispositions et pour enfin procéder aux simplifications que tous les usagers du code appellent de leurs voeux.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - Une autre mesure de simplification attendue réside dans la création du tribunal des affaires économiques (TAE), qui trouve son origine dans certains de nos travaux, notamment ceux de nos collègues Thani Mohamed Soilihi et François Bonhomme.
Considérant le manque de souffle du texte du Gouvernement, nous proposerons de donner une véritable ambition à l'expérimentation du TAE en prévoyant, d'une part, d'étendre ses compétences à l'ensemble des acteurs économiques en matière de procédures amiables et collectives et, d'autre part, de lui confier une partie plus substantielle du contentieux de la vie économique, celui des baux commerciaux, lorsque les deux signataires relèvent du TAE.
S'agissant de l'ersatz d'échevinage proposé par le Gouvernement, il ne convainc personne et nous vous proposons de le supprimer. En revanche, nous suggérons de faire siéger les représentants des exploitants agricoles et des professions réglementées aux côtés des autres juges consulaires, y compris pendant le temps de l'expérimentation.
Par ailleurs, la contribution pour la justice économique prévue à l'article 7 du projet de loi ordinaire semble aller dans le bon sens. Cependant, nous proposerons de préciser les critères du barème que le Gouvernement aura la charge d'élaborer, dans la perspective de maintenir l'accès au juge pour les acteurs économiques les plus en difficulté.
Au chapitre des simplifications bienvenues figure la réforme des saisies des rémunérations proposée par l'article 17 du projet de loi ordinaire, qui prévoit la suppression de l'autorisation préalable du juge et le transfert des missions de mise en oeuvre et de répartition des fonds aux commissaires de justice. Cette réforme, qui représente une véritable simplification pour les greffiers, emporte notre accord. Nous vous proposerons néanmoins d'améliorer les garanties entourant cette procédure, notamment en ce qui concerne le rôle du juge saisi d'une contestation.
Enfin, d'autres mesures d'ajustement, aux portées inégales, vont dans le bon sens. Sans prétendre à l'exhaustivité, j'en mentionnerai trois. D'abord, nous saluons la facilitation du recours au travail d'intérêt général (TIG) prévue à l'article 4, ainsi que l'amélioration de l'indemnisation des victimes par la Commission d'indemnisation des victimes d'infractions (Civi), mais nous proposerons d'en clarifier les conditions. Ensuite, le renforcement de la formation et la responsabilisation de certains professionnels du droit constituent un point positif. Je pense notamment aux juges non professionnels, en particulier aux conseillers prud'hommes, pour lesquels nous suggérons quelques améliorations. Enfin, nous sommes favorables au rehaussement du niveau de diplôme requis pour accéder à la profession d'avocat, qui aligne cette dernière sur d'autres professions du droit. Cette mesure était réclamée par le Conseil national des barreaux. Cependant, nous souhaitons que le Gouvernement modifie un décret afin que les étudiants puissent continuer à intégrer un centre régional de formation en cours de master 2, quand ils ne disposent que d'un master 1.
Nous proposons donc d'adopter ces deux projets de loi, sous réserve de l'adoption des amendements pour lesquels nous vous présenterons un avis favorable.
Si le contenu du texte détone de l'ambition affichée par le Gouvernement, nous estimons que les mesures proposées sont généralement de nature à faciliter le fonctionnement du monde judiciaire et ainsi à améliorer le service rendu au justiciable. Une telle démarche ne peut qu'emporter notre accord.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Je remercie les rapporteurs, qui ont présenté de manière dynamique ces deux projets de loi un peu ingrats à appréhender.
Nous rejoignons une grande partie des critiques qui viennent d'être formulées. Le garde des sceaux présente ces textes comme étant la transcription des recommandations des États généraux de la justice, mais cette traduction est décevante.
D'abord, nous regrettons certaines absences. Je pense d'abord à la situation pénitentiaire et à la préconisation de régulation carcérale, qui était pourtant inscrite dans les conclusions des États généraux. Je songe aussi à la question de la lutte contre les VIF, qui ne figurait pas dans le rapport, mais nous tient à coeur.
Par ailleurs, nous regrettons que ces textes fassent l'objet d'une procédure accélérée. Nous avons eu quatre semaines pour travailler sur deux projets de loi très techniques, qui comptent vingt-sept et douze articles. Nous ne travaillons pas dans de bonnes conditions.
En revanche, nous nous réjouissons de l'augmentation budgétaire obtenue par le garde des sceaux et des objectifs affichés pour la répartition entre les différentes professions concernées.
Au-delà, ce texte pose une question de principe quant à la réécriture par voie d'ordonnance du code de procédure pénale. De façon spontanée, nous n'y sommes pas favorables. Pour autant, les explications et précisions données par le directeur des affaires criminelles et des grâces lors de son audition sont assez convaincantes. Le processus devra être très encadré, mais le terme de « droit constant » semble suffisamment protecteur. Votre proposition d'un report qui permettrait de travailler à cette question de manière plus précise semble pertinente.
Malgré vos critiques, vous avez avalisé une série de dispositions, notamment celles qui sont attentatoires aux libertés, sur lesquelles nous proposons des amendements. Je songe ici à l'extension des perquisitions de nuit ou à la possibilité de connexion à distance et de géolocalisation des appareils électroniques. Ces éléments ne sont pas anodins et il faudra faire preuve de vigilance sur le sujet.
Par ailleurs, vous avez évoqué la question des saisies des rémunérations et nous sommes inquiets du renchérissement du coût pour les créanciers de ce transfert de compétences aux commissaires de justice. Les magistrats eux-mêmes nous ont alertés sur ce point.
S'agissant du volet relatif à la justice économique, notamment le TAE, nous proposons des amendements. En ce qui concerne la question de la contribution exceptionnelle, son assise parait floue et pourrait conduire à priver de l'accès au droit.
Quant à la pratique fort déplaisante du rapport annexé, elle permet de tout dire, n'a aucune valeur législative, n'engage personne et permet au Gouvernement de rétorquer que les éléments en question sont intégrés.
J'ai noté que, pendant son audition, le garde des sceaux s'était engagé à transmettre les projets de décret avant l'examen des projets de loi. Les jours sont comptés. Pourtant, il serait vraiment important que ces textes puissent être examinés en amont.
Je ne me suis exprimée que sur le projet de loi ordinaire ; ma collègue Laurence Harribey va évoquer le projet de loi organique.
Mme Laurence Harribey. - Ce texte pourrait être considéré comme étant essentiellement technique, mais il peut entrainer un changement de référentiel, nous l'avons mesuré lors des auditions. Je remercie d'ailleurs les rapporteurs pour la qualité de ces auditions, qui nous ont permis d'analyser le texte en profondeur et qui expliquent aussi que leurs amendements soient relativement intéressants et souvent pertinents ; nous pouvons souscrire à nombre d'entre eux.
Cependant, des points de vigilance demeurent, notamment en ce qui concerne l'article 2, qui porte sur les conditions de nomination au sein du collège d'évaluation des chefs de cours. Cet élément peut sembler technique, mais il cache un problème de conception de la séparation des pouvoirs. Nous avons fait certaines propositions à ce sujet.
Par ailleurs, la question de l'ouverture du corps judiciaire nous parait importante. Vous y êtes favorables et on peut l'être d'une manière générale. Cependant, l'enjeu est important puisqu'il s'agit de recruter 1 500 magistrats d'ici à 2027. Dans cette perspective, se limiter au seul recrutement basé sur un concours ouvert aux étudiants revient à prendre un risque en matière de qualité. L'ouverture aux professionnels peut permettre une diversification, mais aussi garantir un bon niveau de recrutement et de qualification. Nous y sommes donc plutôt favorables, mais il faut veiller à ne pas complètement déséquilibrer la composition du corps des magistrats. Nous avons fait des propositions en matière de quotas et d'équilibre entre les différentes formes de recrutement.
Nous serons également vigilants s'agissant du sort de la commission d'avancement et de la constitution du jury. Sur ce point, nous ne sommes pas en accord avec les propositions que vous avez faites.
Enfin, nous saluons l'introduction du principe d'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, mais regrettons que l'initiative du texte traduise le renoncement à appliquer l'article 56 de la loi Sauvadet de 2012, pour les nominations aux plus hauts postes de la hiérarchie judiciaire. Pourtant, il s'agit d'une profession fortement féminisée ; mais plus on monte dans la hiérarchie, moins les femmes sont présentes.
M. Philippe Bonnecarrère. - Je remercie les rapporteurs pour cette présentation et le travail fourni. J'ai été frappé par votre remarquable esprit de synthèse, compte tenu du volume représenté par ces textes.
Sur le fond, les moyens supplémentaires mis à disposition de la justice dans le cadre des modalités dites d'orientation et de programmation sont à saluer. La question des moyens doit néanmoins être nuancée par celle de la culture du ministère de la justice, qui souffre d'insuffisances dans le domaine informatique, mais qui doit aussi se questionner et accomplir un travail propre en matière de ressources humaines.
Il serait difficile de ne pas soutenir la logique d'ouverture de la magistrature à la société. J'évoquerai le souci de lever les obstacles en matière de responsabilité. Il ne s'agit pas de prendre le chemin d'une marée de mises en cause de la responsabilité des magistrats, mais chacun sait que la situation actuelle est un peu caricaturale. Ainsi, pour plus de 3 000 saisines du CSM, on ne compte que 8 ouvertures de dossiers et aucune sanction disciplinaire. Vous proposez un début de rééquilibrage qui me parait de bon aloi. La désignation de membres extérieurs au CSM rejoint la préoccupation exprimée par le président de la commission des lois quant à la nécessité d'un tuilage dans le fonctionnement du Conseil.
J'en viens à un point technique. Vous avez fait référence au TAE, qui permettra un sacré gain de temps pour les magistrats chargés des tribunaux judiciaires, puisqu'un volume non négligeable de contentieux lui sera transféré. Vous avez souhaité accompagner ce mouvement en donnant au tribunal la compétence en matière de baux commerciaux, à l'exception des baux concernant des propriétaires privés. De nombreuses situations de ce type étant gérées par des sociétés civiles immobilières, je voudrais attirer votre attention sur le fait que si vous transférez le contentieux du bail commercial au TAE, il faut le faire complètement, offrant ainsi au tribunal les moyens de se spécialiser en la matière.
Enfin, en ce qui concerne la réécriture du code de procédure pénale, je voudrais évoquer les sujets des ordonnances et des simplifications. S'agissant des ordonnances, l'immense travail de bénédictin qu'il faudra fournir pour réécrire, supprimer les différents renvois et donner une meilleure lisibilité peut difficilement se faire autrement que par ordonnance. Il serait déraisonnable pour le Parlement de vouloir procéder à cette réécriture. Malgré notre réserve quant aux habilitations à traiter par voie d'ordonnance, il s'agit ici de la seule issue possible.
J'ai été saisi, lors de l'audition du garde des sceaux, par le glissement permanent qui s'opérait entre la réécriture à droit constant par voie d'ordonnance et l'idée de la simplification. La confusion est regrettable. La réécriture à droit constant n'est pas une simplification. Elle vise à une meilleure lisibilité qui peut simplifier les choses, mais, par définition, la simplification du code de procédure pénale ne peut se faire à droit constant puisqu'il s'agirait d'apporter des modifications.
Vous proposez une solution consistant à la fois à lancer le processus visant à une meilleure lisibilité et à mener un travail de simplification en temps masqué, que vous concrétisez par le report de l'examen de l'ordonnance par le Parlement. Ce processus aura des conséquences sur l'organisation du travail de la commission des lois et, si le travail de simplification se surajoute au travail de lisibilité, autant commencer dès que possible. Je salue votre souci d'équilibre et cette proposition.
Mme Cécile Cukierman. - Je voudrais saluer aussi le travail fourni par les rapporteurs sur deux textes qui sont d'envergure, y compris par la diversité des sujets traités.
Au lendemain des États généraux de la justice, nous sommes confrontés à l'urgence de rétablir la confiance entre nos citoyens et l'institution judiciaire dans son ensemble. Un seul texte ne pourra y suffire, mais ces projets de loi auraient pu offrir un meilleur contenu et plus de liant entre les différents articles.
D'une façon générale, la procédure d'urgence est un défaut du texte. Certes, il y a urgence à agir pour la justice, mais parfois, à vouloir aller trop vite, on peut aussi mal faire. Ainsi, l'habilitation par voie d'ordonnance représente un gain de temps, mais, sur de tels sujets, je ne suis pas certaine qu'il faille multiplier ces recours, qui conduisent à une dépossession du travail parlementaire. On ne peut systématiquement accepter le fait qu'au nom de la rapidité, on se dessaisisse de ce qui fait le coeur du travail parlementaire.
Certaines améliorations proposées par les rapporteurs vont dans le bon sens. Je pense en particulier aux enjeux liés à la magistrature et à la sécurisation de certains dispositifs, qui répond à des attentes des magistrats dans leur diversité.
Néanmoins, des points de vigilance demeurent, notamment en ce qui concerne l'article 3 du projet de loi ordinaire, que nous tenterons d'améliorer en séance. L'adaptation aux nouvelles technologies ne peut justifier la fin de la préservation des libertés individuelles et de la vie privée.
S'agissant de l'article 15 du projet de loi ordinaire, qui dessaisit les JLD de certaines de leurs attributions, nous veillerons à ce que le contentieux en matière de droit des étrangers ne soit pas délaissé.
Nous partageons les évolutions relatives au TAE.
Enfin, nous proposerons des amendements sur la question de la surpopulation carcérale, pour laquelle la construction de nouvelles places n'offre pas de solution.
En séance, certains articles nécessiteront une attention particulière.
M. Jean-Yves Roux. - Depuis longtemps, la justice fait face à des crises, à la dégradation de l'institution, à la souffrance du personnel et à l'incompréhension des justiciables. La loi du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l'institution judiciaire y apportait des réponses et il est regrettable que, moins de deux ans après, il faille de nouveau se pencher sur ces questions fondamentales, quand il est justement reproché au législateur de trop souvent réformer la justice. Il faut espérer que cette future loi n'aura pas besoin d'être rapidement suivie d'une autre.
Sur le fond, un grand nombre de mesures proposées ne posent pas de difficultés, comme la facilitation du recours au TIG ou l'élargissement du champ des infractions recevables par la Civi. Les orientations indiquées dans le rapport annexé sont également satisfaisantes dans leur ensemble. Il faut revaloriser le salaire des agents, renforcer les effectifs grâce au recrutement annoncé de fonctionnaires et continuer de financer les chantiers immobiliers et numériques du ministère de la justice.
En revanche, nous réservons encore notre position concernant certaines mesures qui paraissent risquées du point de vue des libertés et au sujet desquelles des professionnels de justice nous ont alertés. Je pense en particulier à deux dispositions prévues par l'article 3. La première prévoit, pendant la garde à vue, l'assouplissement du recours aux moyens de télécommunication pour organiser l'interprétariat ainsi que la téléconsultation médicale. La seconde disposition concerne l'activation à distance des appareils connectés des suspects à des fins de géolocalisation et de captation d'images et de sons. Pour ces dispositions, nous attendrons de connaitre la position de la commission, notamment au regard des amendements déposés par notre groupe et d'autres.
Mme Nathalie Goulet. - Je voudrais à mon tour remercier les rapporteurs, notamment pour leur position sur l'article 6 du projet de loi ordinaire, qui concerne les tribunaux de commerce. J'avais déposé un amendement, mais il me semble, après avoir entendu l'exposé des rapporteurs, qu'il est déjà satisfait.
M. Philippe Bas. - Le projet de loi d'orientation est un texte très important, qui a surtout pour objet d'annoncer la mise en oeuvre de moyens accrus pour le fonctionnement de la justice et qui comporte par ailleurs diverses dispositions d'ordre judiciaire, dont il est difficile de tirer une cohérence d'ensemble.
En ce qui concerne les moyens, il ne faut pas faire la fine bouche. L'État annonce un effort et nous veillerons à ce qu'il soit respecté. Nous traversons une période de forte inflation - même si elle commence à décroître - et, entre 2022 et 2023, presque 10 % de l'augmentation des moyens prévus par la loi d'orientation et de programmation auront été dévorés par l'inflation. Malgré cet élément, l'effort qui se poursuit depuis quelques années reste important et nécessaire. En effet, chaque année, les tribunaux correctionnels comptent environ 1,2 million de nouvelles affaires et plus de 2 millions d'affaires civiles - en englobant les contentieux de la famille - sont déposées devant les juges. Les délais de jugement diffèrent selon les juridictions - les pires étant ceux des conseils de prud'hommes -, mais sont généralement supérieurs à un an en première instance pour les contentieux civils. Il s'agit d'une forme de thrombose du service public de la justice. Quand on pense au problème principal de la justice, on ne doit pas songer d'abord à l'indépendance, qui est heureusement assurée, mais au service public.
La question des moyens concerne aussi les prisons. En 2017, le Président de la République avait annoncé la création de 15 000 places de prison. Il ne les a pas créées lors de son premier mandat et on nous annonce qu'il le fera lors du second. Mais il ne s'agit pas seulement d'une affaire de quantité. Le nombre de places est certes important, mais il faut que ces places soient diversifiées pour tenir compte des différentes étapes de la peine et offrir un éventail de formules ; cette idée n'apparait pas suffisamment dans le texte.
Par ailleurs, l'exposé des motifs comme les propos du garde des sceaux se réfèrent aux États généraux de la justice. Or, comme l'ont dit les rapporteurs, on s'en écarte sur bien des points. On s'écarte aussi du travail que nous avions réalisé en 2017 avec les propositions du rapport d'information intitulé Cinq ans pour sauver la justice ! Ce point me rend perplexe, et l'honnêteté intellectuelle commanderait d'expliquer pourquoi on renonce à un certain nombre de recommandations formulées lors des États généraux.
J'en viens à la question des ordonnances, qui ne doit pas devenir un point de fixation. Il faut réformer le code de procédure pénale et ce texte ne propose pas de le faire, sauf à la marge. Il annonce même vouloir confier au Gouvernement par la voie de l'ordonnance une recodification à droit constant. Ce travail est nécessaire, mais la question du droit constant pose problème. les rapporteurs ont réfléchi à ce sujet avec le président et je leur fais confiance pour la solution qui sera mise en oeuvre. En tout cas, il me semblerait plus judicieux de commencer par réformer le code de procédure pénale pour le simplifier, avant de codifier. Si l'on codifie sans avoir réformé, il faudra ensuite recommencer.
M. Guy Benarroche. - Je salue à mon tour le travail accompli sur un dossier qui n'était pas facile à manipuler, même si je ne partage pas toutes les conclusions des rapporteurs.
J'évoquerai trois éléments qui nous empêchent, en l'état actuel, de voter ces projets de loi. D'abord, certaines des mesures renforçant le pouvoir des enquêteurs et du parquet comportent des risques certains pour le respect de la vie privée, des garanties fondamentales et des droits de la défense. Nous avons évoqué l'examen médical réalisé à distance et la présence de l'interprète en visioconférence pendant la garde de vue, les perquisitions de nuit qui ne sont pas suffisamment encadrées pour des crimes de droit commun, le développement de la comparution immédiate, dont on sait que le processus contribue à détériorer la qualité de la justice rendue ou encore l'activation à distance d'appareils connectés à des fins de géolocalisation. Toutes ces mesures, sur lesquelles nous présenterons des amendements, nous empêchent de valider ce projet.
S'agissant du volet pénitentiaire, au-delà du fait que certaines mesures ne vont pas dans le bon sens, nous sommes préoccupés par l'absence de vision alternative à la prison. Je comprends qu'il faille construire des prisons : on ne peut pas laisser les détenus vivre dans des conditions de détention inacceptables. Cependant, aucune politique alternative n'est développée alors que le nombre de personnes écrouées est en constante augmentation. Nous ne trouverons pas de solution aux problèmes de la justice sans nous attaquer à cette question.
Deux derniers volets nous paraissent préoccupants : la modification des missions du JLD et le fait de faire entrer le domaine agricole dans le TAE, dont nous approuvons par ailleurs le principe. Sur ce dernier point, pas un acteur agricole ne comprend pourquoi ce volet agricole entre dans ces tribunaux et même la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA) le dit à mots couverts. La totalité des syndicats agricoles y sont opposés. Nous proposons des amendements sur ce sujet.
D'une manière générale, en dehors de ces mesures problématiques, nous rappellerons au long des débats les principes fondamentaux que nous défendons concernant la justice et notre vision de la politique pénale, de la politique carcérale et de la prise en charge des victimes, ainsi que nos réflexions concernant, par exemple, la prise en charge des mineurs délinquants, la prise en charge psychiatrique des personnes détenues, la politique de lutte contre les VIF ou la création d'un statut de détenu travailleur.
Mme Brigitte Lherbier. - Nous sommes évidemment favorables au renforcement du nombre de personnels judiciaires, que nous exigeons depuis plusieurs années. Cependant, il faut veiller à ne reporter sur greffiers le travail des magistrats. Ces derniers doivent être suffisamment nombreux et ne pas être remplacés par d'autres catégories de personnel, même s'ils doivent être épaulés.
La responsabilisation des magistrats était attendue et cette mesure possède un aspect symbolique, car on ne pouvait imaginer que les choses puissent continuer ainsi.
Votre position sur les tribunaux de commerce me semble intéressante.
S'agissant du code de procédure pénale, il faut le réformer au plus vite.
Je voudrais terminer par une question : pourriez-vous revenir, madame Vérien, sur le niveau de diplôme nécessaire pour devenir avocat ?
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - Il fallait un master 1 et on demanderait désormais un master 2.
Mme Brigitte Lherbier. - Alors j'y suis plutôt favorable ; plus les avocats seront formés et compétents, plus la justice s'améliorera.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Vous l'avez relevé de manière assez consensuelle : ces textes comprennent des manques forts et ne constituent pas une transposition fidèle des conclusions des États généraux de la justice, dont ils ne reprennent que certaines dispositions. Les manques concernent certains sujets tels que la place du parquet, la surpopulation carcérale ou les VIF.
En ce qui concerne la surpopulation carcérale, le recrutement en masse de CPIP pour assurer un meilleur suivi de la détention, de la semi-liberté et de l'accompagnement de l'exécution des peines offre un début de réponse.
De manière plus globale, de nombreuses dispositions sont très techniques et renvoient à des décrets dont nous n'avons pas encore connaissance. Parfois, nous avons inscrit directement dans la loi certaines garanties pour mieux encadrer le pouvoir réglementaire, mais nous ne connaissons pas toujours les tenants et aboutissants de la volonté du ministère.
J'en viens à l'article 2 du projet de loi d'orientation et de programmation, qui porte sur l'habilitation à légiférer par ordonnance pour réécrire à droit constant le code de procédure pénale. D'abord, la simplification du code de procédure pénale est attendue de manière quasiment unanime par l'ensemble des acteurs de la procédure - forces de l'ordre, avocats et magistrats -, qui ont besoin de cette clarification. En effet, depuis 1959, le code de procédure pénale est passé de 800 à 2 400 articles et l'ensemble s'est construit par sédimentation, intégrant de nombreux renvois. Nous avons besoin d'une clarification, mais surtout d'une simplification, qui impose de se poser des questions de fond qui ne sont pas aujourd'hui soulevées : quid du parquet, du juge d'instruction ou de la simplification des enquêtes ? Aujourd'hui, la procédure proposée par le Gouvernement ne consiste qu'en une invitation à clarifier le plan, mais pas à simplifier le code de procédure pénale. Il s'agit un peu d'un leurre puisque les professionnels s'attendent à cette simplification. Le garde des sceaux évoque un « plan », qui doit ramener le code de procédure pénale entre 280 et 300 articles, sans se poser les questions de fond.
Par ailleurs, la méthode pose question. Nous n'aimons pas les habilitations, au Parlement, et au Sénat en particulier, puisque le Parlement renonce à son pouvoir normatif au profit du Gouvernement. Néanmoins, refondre un code de procédure pénale représente un travail énorme. La Chancellerie essaie de le faire depuis des années et les États généraux ont tenté d'y parvenir, mais n'ont pas trouvé de solution en neuf mois, comme nous l'a confié le procureur général Molins. De plus, même si la clarification permettait de diminuer le nombre d'articles, l'examen législatif et parlementaire de l'ensemble d'un projet de loi portant réforme du code de procédure pénale promet d'être compliqué.
Nous avons essayé de proposer une solution à l'article 2 - l'habilitation avec un délai d'entrée en vigueur au plus tôt un an après la ratification de l'ordonnance, pour donner le temps à une ratification -, qui reste malgré tout assez bancale. Certes, cela obligera à une ratification quand seules 21 % des ordonnances sont aujourd'hui ratifiées. De plus, nous pourrons nous emparer d'une proposition de loi de ratification si le Gouvernement ne bouge pas sur le sujet. Mais quid du travail de simplification ? Quid du temps que nous aurons pour fournir cet énorme travail ? Cet amendement améliore le texte initial, mais certaines difficultés de fond subsistent.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - Aujourd'hui, seul un master 1 est demandé afin d'entamer la formation pour devenir avocat, mais aussi pour exercer la profession d'avocat. L'idée est d'aligner le diplôme d'avocat sur les autres diplômes du droit, en passant à l'exigence d'un master 2. Cependant, le décret existant lie les niveaux de qualification nécessaires pour entrer dans la formation et pour exercer la profession. Nous demanderons donc au Gouvernement de modifier son décret afin de conserver l'exigence d'un master 2 pour exercer la profession, mais de faire en sorte que les 8 % d'élèves qui commencent aujourd'hui leurs études avec un master 1 et passent leur master 2 au cours de leur formation puissent continuer à le faire. Aujourd'hui déjà, 94 % des avocats, lorsqu'ils s'apprêtent à exercer, ont un master 2.
J'en viens au TAE. J'ai rencontré le monde agricole pour connaître leur position et il me semble que seule une association qui représente les petits paysans a écrit à tout le monde. On ne peut donc pas parler d'une opposition claire.
Ensuite, si les chambres d'agriculture pouvaient avoir quelques réserves, dont elles ont fait part à la Chancellerie, celles-ci étaient liées au fait que les juges consulaires agricoles n'étaient pas présents lors de l'expérimentation. Nous proposons ici une solution qui leur convient en permettant, y compris pendant l'expérimentation, d'intégrer des juges consulaires issus du monde agricole, de la même façon que nous proposons d'intégrer des juges consulaires issus des professions réglementées du droit.
S'agissant des baux commerciaux, nous n'étendons la compétence du TAE que dans le cadre d'une procédure collective - toutes les procédures collectives leur étant transférées - et lorsque les baux concernent deux ressortissants du TAE. Mais cette limitation ne doit durer que le temps de l'expérimentation, l'idée étant ensuite d'étendre la compétence à l'ensemble des baux, si cette première expérience fonctionne.
J'en viens à l'article 7 et à la contribution économique. Vous m'avez entendue alerter le Gouvernement sur ces sujets. Nous n'avons pas le décret, mais, quand on lit l'étude d'impact, les opérations de plus de 200 000 euros seraient concernées, qui ne représentent que 16 % des opérations traitées par le TAE. Nous proposons de ne pas seulement considérer le chiffre d'affaires, mais aussi le bénéfice et un chiffre d'affaires annuel réparti sur les trois dernières années. Nous avons essayé de préciser le cadre pour que les entreprises qui sont les plus en difficulté ne soient pas touchées.
L'article 17 a pour objet la saisie des rémunérations après obtention d'un titre exécutoire. Il ne s'agit pas de permettre à n'importe quel particulier de contacter un huissier, afin de recouvrer une créance au moyen d'une saisie des rémunérations.
Nous avons facilité le recours au juge de l'exécution au cas où une partie ne se satisfait pas de l'action du commissaire de justice.
Par ailleurs, nous avons rappelé que le commissaire de justice devra procéder à une médiation avant d'opérer la saisie des rémunérations. Selon nous, cette phase amiable préalable est absolument indispensable. De surcroît, il devra d'abord s'assurer si la somme demandée est bien due et si un accord peut être trouvé avant la saisie.
Mme Lana Tetuanui. - J'aimerais rappeler que sans ses outre-mer, la France n'est pas la France. Pour autant, la justice est-elle organisée de la même manière dans nos territoires ultramarins qu'en métropole ? Avons-nous dressé un état des lieux de la justice dans nos territoires ultramarins en 2023 ?
La presse s'est fait l'écho du recrutement de deux greffiers en Polynésie française, voilà trois mois. Catherine Di Folco avait réussi à instaurer, dans le projet de loi de transformation de la fonction publique, la catégorie A pour le corps des fonctionnaires de l'État pour l'administration de la Polynésie française. Ces agents peuvent ainsi passer des concours, se former en métropole et espérer revenir occuper les postes de catégorie A chez eux. Malheureusement pour eux, les recrutements ont seulement eu lieu en métropole.
Dès mon arrivée au Sénat, en 2015, j'ai alerté le Sénat sur l'inamovibilité des magistrats dans nos territoires. Il serait temps, en 2023, d'aborder ces questions, alors même que certains d'entre eux sont en train de prendre racine dans nos territoires... Il faut que la situation change.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Certaines dispositions prévoient l'adaptation du projet de loi outre-mer. Elles ne posent pas de difficultés.
Par ailleurs, le contrat de mobilité permettrait à des magistrats de métropole de se rendre dans les outre-mer et de bénéficier d'une priorité d'affectation à leur retour.
Enfin, nous avons supprimé la possibilité de détachement des magistrats des cours d'appel d'Aix-en-Provence et de Paris vers les juridictions d'outre-mer, afin de favoriser le recrutement de magistrats sur des postes pérennes en outre-mer.
M. François-Noël Buffet, président. - J'aimerais dire un mot sur l'article 2. Nous aurions pu imaginer que réformer le code de procédure pénale reviendrait à en modifier à la fois le fond et la forme. Or le garde des sceaux souhaite ne toucher qu'à la forme de la procédure pénale. Voilà ce qui suscite notre inquiétude et notre incompréhension.
Les acteurs de la justice attendent la réforme profonde du code de procédure pénale aussi bien sur le fond que sur la forme. La réponse apportée à ce jour n'a toutefois pas cette ambition.
Le texte a pour seul objet de simplifier la procédure pénale à droit constant, notamment pour éviter aux magistrats et aux officiers de police judiciaire de se reporter constamment aux centaines d'articles qui eux-mêmes font référence à nombre d'autres articles !
L'alternative est donc la suivante : soit nous décidons de supprimer l'article 2 et de renvoyer à une autre disposition, au risque de nous engager dans une procédure très longue, et cela sans répondre aux attentes immédiates des professionnels ; soit nous le « corsetons » - tel a été le choix des rapporteurs -, afin d'être en mesure, au moment de la ratification, de vérifier que les dispositions ont bien été prises à droit constant.
D'ailleurs, l'ordonnance sera soumise à la Commission supérieure de codification, puis au Conseil d'État avant de nous être présentée.
L'amendement présenté par nos rapporteurs est donc de nous donner un temps suffisant pour vérifier que l'engagement pris par le garde des sceaux a bien été respecté. Cela ne nous empêchera pas d'engager, sous une autre forme, un travail de fond sur la réforme du code de procédure pénale, afin de le clarifier. Nous ne saurions nous en exonérer.
M. Alain Richard. - La codification impose de remédier aux malfaçons juridiques, notamment les inconstitutionnalités. Or il subsisterait dans le code de procédure pénale actuel des dispositions dont la constitutionnalité serait contestable sur le fondement d'une question prioritaire de constitutionnalité.
Le comité scientifique institué par le garde des sceaux et la Commission supérieure de codification ne peuvent pas, de leur propre autorité, modifier les dispositions inconstitutionnelles. Aussi, il convient de procéder à un tel travail de recodification en notant les textes à modifier, lesquels seront insérés sous la forme d'articles modificatifs dans le projet de loi de ratification. Cela justifie l'analyse parlementaire en temps réel de l'élaboration du texte.
M. François-Noël Buffet, président. - C'est en effet pour cette raison que nous souhaitons nous donner un délai suffisant avant l'entrée en vigueur des dispositions ainsi modifiées. Certes, cela n'est pas pleinement satisfaisant, mais c'est une façon d'avancer.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Quid de l'obligation de ratification ?
Nous cherchons tous à atteindre le même objectif, mais comment pourrions-nous mettre en oeuvre la solution avancée par Alain Richard, tout en faisant en sorte que la procédure soit ensuite contraignante ? Il ne faudrait pas que notre travail reste vain.
M. François-Noël Buffet, président. - Le garde des sceaux a instauré un comité scientifique et souhaiterait créer un comité parlementaire, dont on conçoit l'intérêt, mais aussi les limites. L'enjeu réside donc dans le délai d'intervention proposé.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Une ordonnance n'est pas une nécessité pour travailler sur le sujet. La solution n'est donc pas véritablement satisfaisante. Il est vrai que le gouvernement n'est pas tenu de faire voter la ratification. Mais en reportant d'un an l'entrée en vigueur de l'ordonnance, cela permettra au Parlement de déposer une proposition de loi ; telle est la garantie !
M. François-Noël Buffet, président. - Je vous propose de considérer que le périmètre du projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027 pour l'application de l'article 45 de la Constitution comprend les dispositions relatives à la programmation des moyens matériels, humains et financiers et aux orientations de politiques publiques retenues du ministère de la justice de 2023 à 2027 ; à l'enquête, à l'instruction, au jugement et à l'exécution des peines tels qu'organisés par la procédure pénale ; au champ d'indemnisation de victimes d'une infraction pénale ; à l'organisation, au fonctionnement, à la composition et aux compétences des tribunaux des activités économiques ; aux compétences des juridictions commerciales et des tribunaux judiciaires ; à la création expérimentale d'une contribution pour la justice économique en cas de saisine d'un tribunal des activités économiques ; à la discipline et à la formation des juges consulaires des tribunaux de commerce ; aux conditions de candidature et à la discipline des conseillers prud'hommes ; à la formation des assesseurs des pôles sociaux des tribunaux judiciaires ; au statut des juristes assistants, assistants spécialisés et attachés de justice ; aux conseils de juridiction ; aux juridictions disciplinaires des officiers ministériels et des avocats ; aux moyens matériels et humains de l'administration pénitentiaire ; aux fonctions civiles du juge des libertés et de la détention ; à la mise en place d'une plateforme dématérialisée pour l'envoi et la réception d'actes de procédure par les administrateurs judiciaires et les mandataires judiciaires ; à la procédure des saisies des rémunérations ; au principe de légalisation des actes administratifs et aux modalités de sa mise en oeuvre ; au niveau de diplôme requis pour accéder à la profession d'avocat ; aux tarifs réglementés des greffiers des tribunaux de commerce ; à la prolongation de l'habilitation accordée par l'article 198 de la loi du 21 février 2022 pour réformer par ordonnance le droit de la publicité foncière ; à l'obligation de mobilité des élèves en sortie de l'Institut national du service public qui rejoignent le corps des magistrats des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel et le corps des magistrats des chambres régionales des comptes ; aux statuts des magistrats de la Cour des comptes et des chambres régionales des comptes ; à la ratification de l'ordonnance du 23 mars 2022 au régime de responsabilité financière des gestionnaires publics ; à l'application aux magistrats administratifs et financiers d'un accord collectif en matière de couverture complémentaire « santé » ; aux juridictions compétentes pour juger le contentieux de la tarification sanitaire et sociale.
M. Jean-Pierre Sueur. - La question des prisons et de la régulation pénitentiaire fait-elle partie de cette liste ?
M. François-Noël Buffet, président. - Oui, cela fait partie des « moyens matériels, humains et financiers de la justice. »
M. Jean-Pierre Sueur. - La question de la compétence universelle est-elle également comprise dans cette liste ?
M. François-Noël Buffet, président. - Oui, également.
Le périmètre est adopté.
PROJET DE LOI
EXAMEN DES ARTICLES
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - L'amendement COM-102 vise à augmenter le nombre de greffiers, sachant que le ratio s'élève actuellement à 1,2 greffier pour 1 magistrat.
De surcroît, nous demandons la création de 600 postes supplémentaires de conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation, conformément aux préconisations du rapport d'information de Marie Mercier et Laurence Harribey.
L'amendement COM-102 est adopté.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Au travers de l'amendement COM-26, nous souhaitons compléter votre amendement pour aborder le sujet de l'adaptation des compétences et de la revalorisation des professions judiciaires. Il n'entre pas en contradiction avec votre amendement précédent.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - C'est vrai, mais il conviendrait d'insérer votre amendement dans le cadre du rapport annexé.
En l'état actuel, nous émettons un avis défavorable.
L'amendement COM-26 n'est pas adopté.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - L'amendement COM-27 a pour objet de demander un rapport à propos d'un sujet que nous abordons régulièrement lors de l'examen du projet de loi de finances. Avis défavorable.
L'amendement COM-27 n'est pas adopté.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - Nous émettons également un avis défavorable sur l'amendement COM-28 visant à actualiser la programmation budgétaire.
L'amendement COM-28 n'est pas adopté.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - L'amendement COM-99 a pour objet d'attribuer prioritairement le contingent préfectoral de logements sociaux aux surveillants pénitentiaires.
Nous préférons laisser aux préfets le soin d'arbitrer une telle répartition. Ce sont les mieux placés pour savoir à qui il convient de les attribuer. De plus, nous préférons ne pas ouvrir une brèche : qu'en serait-il des infirmières, des aides-soignants, des magistrats ou encore des policiers ? Avis défavorable.
L'amendement COM-99 n'est pas adopté.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - L'amendement COM-100 a pour objet de décompter les places de prison des quotas instaurés dans la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains. Nous avons déjà eu ce débat. Avis défavorable.
L'amendement COM-100 n'est pas adopté.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - Avis défavorable sur l'amendement COM-101.
L'amendement COM-101 n'est pas adopté.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - L'amendement COM-155 du Gouvernement a pour objet la création de pôles « Violences intrafamiliales » au sein des parquets et des sièges, et du comité de pilotage « Violences intrafamiliales ». Il est plus complet que l'amendement COM-92 de nos collègues socialistes, car il prévoit également les comités de pilotage. Avis favorable à l'amendement COM-155 et demande de retrait de l'amendement COM-92.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Je regrette que le texte lui-même n'intègre pas les préconisations du rapport parlementaire « Plan rouge vif » de Mmes Chandler et Vérien. Les faire figurer dans le rapport annexé est déjà quelque chose, mais cela reste du bavardage !
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - Nombre de nos préconisations sont réglementaires. Celles qui ne l'étaient pas sont en dehors du périmètre de l'article 45 de ce projet de loi.
De plus, toutes nos propositions n'avaient pas pour unique objet la magistrature. Les services de police et de gendarmerie ainsi que les services sociaux sont concernés. Mais la partie relative à la magistrature est bel et bien intégrée aux dispositions de ce projet de loi.
L'amendement COM-155 est adopté.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - L'amendement COM-2 rectifié a pour objet de lutter contre l'illectronisme dans le plan numérique de la justice. Aujourd'hui, nous avons déjà besoin qu'elle se numérise davantage... Avis défavorable.
L'amendement COM-2 rectifié n'est pas adopté.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - Nous avons expliqué précédemment pourquoi nous demandons le retrait de l'amendement COM-92.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Notre amendement est plus ambitieux, car nous parlons de « chambres spécialisées ». Nous maintenons notre amendement.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - À la différence des pôles, les chambres imposent la tenue d'audiences spécifiques. C'est ce que nous avons appelé de nos voeux dans nos préconisations. Or la Chancellerie nous a expliqué que toutes les juridictions n'étaient pas prêtes à réaliser de telles audiences spécialisées. Nous espérons que ces pôles deviendront rapidement des chambres.
M. Jean-Pierre Sueur. - Voilà un paradoxe !
L'amendement déposé par Mme de La Gontrie est plus proche des préconisations de Mme la rapporteure, qui le concède volontiers, tout en émettant un avis défavorable sur cet amendement, renonçant ainsi à ses propres propositions... Peut-être faudrait-il que la commission privilégie l'amendement de Mme de La Gontrie ?
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - L'amendement n'est pas totalement fidèle à mes propositions puisqu'il empêcherait la création des comités de pilotage.
M. François-Noël Buffet, président. - Nous pourrons en débattre en séance.
L'amendement COM-92 n'est pas adopté.
L'article 1er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - Avis défavorable sur l'amendement COM-98.
L'amendement COM-98 n'est pas adopté.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - Avis défavorable sur l'amendement COM-29.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Cet amendement vise à réaliser un point d'avancement annuel sur la programmation immobilière pénitentiaire et judiciaire, car chaque année on nous dit que le dossier avance, sans plus de détails.
Je vous rappelle tout de même que le 1er mai dernier le nombre de détenus en France a atteint un nouveau record !
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - Nous avons ce débat chaque année au moment de l'examen du projet de loi de finances. Nous n'exonérons donc pas le Gouvernement de ses responsabilités ; nous lui demandons bien de répondre à nos questions.
L'amendement COM-29 n'est pas adopté.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - Avis défavorable sur les amendements COM-30, COM-31 et COM-93.
L'amendement COM-30 n'est pas adopté, non plus que les amendements COM-31 et COM-93.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - L'amendement COM-103 vise à maintenir l'habilitation, mais à différer l'entrée en vigueur de l'ordonnance d'un an après sa publication.
L'amendement COM-103 est adopté.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - L'amendement COM-32 tend à préciser que la codification à droit constant n'entraîne pas de modifications de fond des dispositions du code de procédure pénale. Une telle disposition ne clarifie pas la formulation du Gouvernement. Avis défavorable.
L'amendement COM-32 n'est pas adopté.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - L'amendement COM-33 vise à instaurer un comité de suivi parlementaire, « chargé de suivre et préparer le débat parlementaire nécessaire à la ratification de l'ordonnance de réécriture de la partie législative du code de procédure pénale. »
Les commissions permanentes du Sénat et de l'Assemblée nationale décident elles-mêmes de l'organisation de leurs travaux, en dehors d'une disposition législative. Avis défavorable.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Il est écrit dans l'amendement que le travail du comité se fera « sans préjudice des compétences des commissions permanentes ».
Il est incohérent de réclamer, d'un côté, que les parlementaires soient davantage associés à cette démarche ambitieuse et incertaine tout en refusant, d'un autre, qu'une telle disposition soit adoptée.
M. François-Noël Buffet, président. - Nous demanderons au ministre de préciser ses engagements d'ici à la séance, notamment sur la forme de ce comité parlementaire.
M. Jean-Pierre Sueur. - Il serait bon d'adopter cet amendement, car cette question relève des compétences du Parlement.
Nous sommes directement concernés par la mise en place d'une instance qui, sans préjudice des fonctions des autres structures, a pour objet de suivre, année après année, la bonne exécution du plan. Je ne vois pas en quoi cela serait préjudiciable.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - L'article 2 précise « au sein de chaque commission ». Or chaque commission organise comme elle l'entend ses travaux.
M. François-Noël Buffet, président. - Le ministre a proposé devant notre commission de créer un comité de suivi parlementaire, sans entrer dans le détail. Nous lui demanderons des précisions d'ici à la séance. Si l'amendement est de nouveau déposé, nous en tiendrons compte, en fonction des propos du ministre.
M. André Reichardt. - Est-ce que l'objet de comité parlementaire sera également d'examiner les possibilités de simplifier le code de procédure pénale ?
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - C'est le comité scientifique qui travaille sur la clarification d'une part, la simplification en vue de la ratification d'autre part.
M. André Reichardt. - De qui est-il composé ?
M. François-Noël Buffet, président. - Il est composé de magistrats, de professeurs spécialisés, etc.
M. André Reichardt. - Est-il placé sous l'égide de la Chancellerie ?
M. François-Noël Buffet, président. - Oui, absolument.
M. André Reichardt. - Le comité parlementaire fera-t-il également un travail de simplification ?
M. François-Noël Buffet, président. - Pour être clair : le comité scientifique travaillera sur le fond ; le comité parlementaire se réunira pour suivre les travaux du comité scientifique et, si besoin, y apporter des modifications.
M. André Reichardt. - Le comité scientifique travaille à droit constant ou fait-il également des propositions ?
M. François-Noël Buffet, président. - Le ministre a demandé au comité scientifique de travailler à droit constant, d'où la nécessité d'un suivi parlementaire, pour savoir si cet engagement est respecté.
M. Jean-Pierre Sueur. - Il faut clarifier cette vaste zone d'ambiguïtés. Chacun sait bien que ce code de procédure pénale est devenu très lourd et qu'il faut sans doute le réformer, mais l'on dit que cela se fait à droit constant. Tout le monde sait ce qu'il en est...
M. François-Noël Buffet, président. - Il faudra sans doute recourir à une autre procédure pour modifier le fond du code de procédure pénale.
L'amendement COM-33 n'est pas adopté.
L'article 2 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - M. Requier reprend, au travers de l'amendement COM-1 rectifié, une proposition qu'il avait faite pour remédier à un oubli de la loi de 2021 pour la confiance dans l'institution judiciaire. Avis favorable.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Il me semble que l'on est toujours en détention lorsque l'on comparaît devant la cour d'assises...
Mme Agnès Canayer, rapporteur. -Il n'y a pas d'égalité de statut lorsque l'on comparaît devant une cour d'assises et devant une cour criminelle.
M. François-Noël Buffet, président. - Nous avons déjà voté la proposition de loi de Jean-Claude Requier, mais il reste à harmoniser la procédure mise en place pour les cours d'assises devant les cours criminelles départementales.
L'amendement COM-1 rectifié est adopté et devient article additionnel.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - L'amendement COM-69 vise à supprimer la possibilité d'autoriser les perquisitions de nuit. Nous sommes y défavorables, car nous estimons que cette mesure correspond à un besoin réel.
L'amendement COM-69 n'est pas adopté.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - L'amendement COM-63 tend à préciser qu'une perquisition de nuit ne peut être autorisée que si le risque d'atteinte aux personnes est « imminent ». Avis favorable.
L'amendement COM-63 est adopté.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Nous demandons le retrait de l'amendement COM-34. À défaut, notre avis sera défavorable.
Nous ne pouvons que partager l'objet de l'amendement, mais sa rédaction soulève des difficultés. Par ailleurs, l'amendement est satisfait, car ce n'est qu'en cas de « risque immédiat de disparition des preuves et indices du crime qui vient d'être commis » que de telles perquisitions pourront être autorisées.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - En dehors de toute position de principe sur les perquisitions de nuit, il importe de les encadrer le plus possible, ce que la rédaction actuelle ne permet pas !
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Votre amendement COM-34 est dans tous les cas satisfait, car la rédaction de l'article 3 indique que l'on ne peut recourir aux perquisitions de nuit qu'en cas de « risque immédiat de disparition des preuves et indices du crime qui vient d'être commis ». À cela, il faut ajouter la précision de l'amendement de M. Benarroche que nous venons d'adopter.
L'amendement COM-34 n'est pas adopté.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - L'amendement COM-104 vise à rendre possible la téléconsultation pour les seules personnes ayant déjà subi un examen médical physique lors de la garde à vue.
L'amendement COM-104 est adopté.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Les amendements identiques COM-35 et COM-70 ont pour objet de supprimer la téléconsultation. Avis défavorable.
Les amendements identiques COM-35 et COM-70 ne sont pas adoptés.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - L'amendement COM-5 rectifié est satisfait. Retrait ou avis défavorable.
L'amendement COM-5 rectifié n'est pas adopté.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - L'amendement COM-68 vise à instaurer un délai de dix jours pour contester la mise en examen ou la mise sous statut de témoin assisté. Le délai de six jours nous semble cohérent avec l'objectif de fluidifier la procédure. Avis défavorable.
L'amendement COM-68 n'est pas adopté.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Avis défavorable sur les amendements COM-80, COM-18 rectifié et COM-19 rectifié.
L'amendement COM-80 n'est pas adopté, non plus que les amendements COM-18 rectifié et COM-19 rectifié.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - L'amendement COM-81 a pour objet d'abaisser à cinq jours la période de détention provisoire avant la mise en place du bracelet électronique. Un tel délai ne nous semble pas suffisant pour procéder à l'enquête préalable et aux vérifications nécessaires. Avis défavorable.
L'amendement COM-81 n'est pas adopté.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Avis défavorable sur l'amendement COM-64.
L'amendement COM-64 n'est pas adopté.
L'amendement de précision COM-105 est adopté.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Avis défavorable sur l'amendement COM-82.
L'amendement COM-82 n'est pas adopté.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Les amendements identiques COM-36 et COM-74 visent à supprimer la possibilité de recourir à la visioconférence pour l'audience devant statuer sur la mise en place de la détention provisoire en cas d'impossibilité d'assignation à résidence sous surveillance électronique (Arse). Avis défavorable.
Les amendements identiques COM-36 et COM-74 ne sont pas adoptés.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - L'amendement COM-73 a pour objet l'information des témoins assistés d'une demande d'expertise. Cette mesure alourdit la procédure. Avis défavorable.
L'amendement COM-73 n'est pas adopté.
L'amendement de coordination COM-106 est adopté.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - L'amendement COM-58 vise à interdire la géolocalisation à distance dans certains lieux. Une telle disposition est difficilement applicable, car il faudrait savoir qu'un appareil mobile se trouve en un lieu interdit pour ne pas le géolocaliser. Avis défavorable.
L'amendement COM-58 n'est pas adopté.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Les amendements COM-37 et COM-77 ont pour objet de supprimer l'unification des délais de jugement en matière de détention provisoire. Or c'est l'une des rares mesures de simplification du code de procédure pénale. Avis défavorable.
L'amendement COM-37 n'est pas adopté, non plus que l'amendement COM-77.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Avis défavorable sur l'amendement COM-65.
L'amendement COM-65 n'est pas adopté.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - L'amendement COM-38 vise à supprimer la compétence du juge des libertés et de la détention pour les mesures de modification ou de mainlevée du contrôle judiciaire ou de l'Arse. Avis défavorable.
L'amendement COM-38 n'est pas adopté.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Les amendements identiques COM-39 et COM-67 ont pour objet de supprimer la prolongation du délai de jugement du prévenu placé en détention provisoire. Avis défavorable.
Les amendements identiques COM-39 et COM-67 ne sont pas adoptés.
L'amendement de coordination COM-107 est adopté.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - L'amendement COM-94 vise à interdire l'activation d'appareils se trouvant dans les lieux protégés par la loi, notamment pour faire droit aux demandes des journalistes. La technique utilisée n'implique pas la géolocalisation en temps réel de l'appareil. Nous préférons l'interdiction de la retranscription, sous le contrôle du juge. Avis défavorable.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Plusieurs catégories, dont les parlementaires, pour des raisons que je qualifierai d'opportunistes, ne sont pas concernés par les dispositions de cet article relatives à la géolocalisation et aux écoutes, alors que les journalistes le sont, même si les entreprises de presse en ont été exclues !
Bonne chance à ceux qui voteront une disposition permettant la géolocalisation et les écoutes à distance de journalistes !
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Les parlementaires et les avocats bénéficient d'une interdiction générale, liée pour les uns à leur immunité parlementaire, pour les autres au secret de la défense. À cela, il faut ajouter les problèmes de faisabilité technique du dispositif.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Et vous allez me faire croire que les problèmes de faisabilité technique ne concerneraient que les journalistes et non les parlementaires et les avocats...
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Les journalistes sont protégés s'ils sont dans une entreprise de presse. Ils bénéficient également de la protection de leurs sources. Mais il n'y a pas de protection générale du journaliste, contrairement aux parlementaires et aux avocats.
L'amendement COM-94 n'est pas adopté.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Avis défavorables sur les amendements identiques COM-20 rectifié et COM-84.
Les amendements identiques COM-20 rectifié et COM-84 ne sont pas adoptés.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Avis défavorable sur les amendements COM-6 rectifié et COM-72.
L'amendement COM-6 rectifié n'est pas adopté, non plus que l'amendement COM-72.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - L'amendement COM-71 a pour objet de supprimer la faculté de placement en Arse en cas de détention provisoire irrégulière. Avis défavorable.
M. Guy Benarroche. - Cela reviendrait à remplacer un écrou irrégulier par un nouvel écrou, sans tirer les conséquences de l'irrégularité.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Il n'y a une irrégularité que si les délais de jugement ont été dépassés. De plus, placer sous Arse permet également de protéger les victimes.
M. Guy Benarroche. - S'il est irrégulier de placer en détention, comment est-il possible que mettre sous un autre écrou, en l'occurrence l'Arse, ne soit pas irrégulier ? On ne peut pas remplacer une irrégularité juridique par une autre.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - L'incarcération n'est pas une mesure de même nature que le bracelet électronique. Cela permet d'éviter que la personne soit remise en liberté conditionnelle d'une part, de protéger les victimes d'autre part.
L'amendement COM-71 n'est pas adopté.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Avis défavorable sur les amendements COM-83, COM-55 et COM-56.
L'amendement COM-83 n'est pas adopté, non plus que les amendements COM-55 et COM-56.
L'article 3 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - L'amendement COM-108 tend à permettre aux statisticiens publics d'accéder aux données relatives aux affaires en cours. C'est une demande récurrente.
L'amendement COM-108 est adopté et devient article additionnel.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - L'amendement COM-53 a pour objet de donner aux tribunaux français la compétence universelle pour juger des crimes de génocide, des crimes contre l'humanité et des crimes de guerre, commis à l'étranger.
Nous comprenons l'objet de l'amendement, qui a déjà fait l'objet d'une proposition de loi adoptée par le Sénat en 2013. Le 12 mai dernier, la jurisprudence de la Cour de cassation a confirmé cette compétence.
Plusieurs verrous empêchent aujourd'hui la reconnaissance de la compétence universelle. La complexité juridique et les implications politiques sont telles que trouver une issue à ce débat à l'occasion de l'examen de ce projet de loi nous semble peu opportun.
M. Jean-Pierre Sueur. - Il reste deux verrous : la résidence habituelle du suspect et la double incrimination. Pour lever ce dernier, il faudrait présupposer que le droit pénal doit être le même en France que dans d'autres pays qui ne partagent pas nos valeurs.
Dans un communiqué, MM. Dupond-Moretti et Le Drian se sont dit prêts à inscrire cette modification dans la loi - on m'a souvent rétorqué que ce n'était jamais le bon moment -, dès lors que les juridictions changeraient d'avis à ce sujet.
La Cour de cassation a pris une décision ferme pour revenir sur la double incrimination. Nous sommes en retard au regard d'autres pays européens à ce sujet. Nous devons saisir cette occasion.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Nous entendons vos arguments sur l'évolution des verrous à la suite de la jurisprudence récente de la Cour de cassation. Néanmoins, nous ne pouvons pas introduire cette compétence telle qu'elle, car les enjeux juridiques dépassent largement ceux du texte que nous examinons aujourd'hui.
Je propose que nous demandions au garde des sceaux sa position en séance.
M. Jean-Pierre Sueur. - Notre proposition de loi n'a jamais été débattue à l'Assemblée nationale. Il y a beaucoup de réticences à ce sujet, en dépit du combat mené par Robert Badinter et par Mireille Delmas-Marty. La décision de Cour de cassation emporte les positions du ministre des affaires étrangères et du garde des sceaux.
Le verrou de la résidence habituelle garantit la bonne conduite des relations diplomatiques... Il ne faudrait pas que les gens puissent être arrêtés dès qu'ils ont mis un pied en France.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Je ne connais pas aussi bien le sujet, mais je m'étonne de la réponse de la rapporteure.
M. François-Noël Buffet, président. - Sur les points particuliers soulevés par M. Sueur, le Sénat a déjà voté. Il ne s'agit pas de dire « non » par principe, mais de s'assurer qu'il y a convergence entre ce qu'on a voté et ce qui est proposé. Les rapporteurs vont examiner cette question avec M. Sueur d'ici à la séance. Ne nous précipitons pas et soyons vigilants.
L'amendement COM-53 n'est pas adopté, non plus que l'amendement COM-54.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - L'avis est défavorable sur l'amendement COM-57 pour les mêmes raisons.
L'amendement COM-57 n'est pas adopté.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Les amendements COM-40 et COM-78 visent à supprimer l'obligation pour la juridiction de jugement de fixer une peine maximale de prison en cas de non-respect d'un TIG. Avis défavorable.
L'amendement COM-40 n'est pas adopté, non plus que l'amendement COM-78.
L'article 4 est adopté sans modification.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Les amendements identiques COM-111 et COM-157 ont pour objet d'élargir l'indemnisation des victimes par la Civi. Avis favorable.
Les amendements identiques COM-111 et COM-157 sont adoptés.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Les amendements identiques COM-109 et COM-156 sont relatifs au délai de forclusion des mineurs.
Les amendements identiques COM-109 et COM-156 sont adoptés.
L'article 5 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Après l'article 5
Les amendements COM-60, COM-62 et COM-61 sont déclarés irrecevables en application de l'article 45 de la Constitution.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - L'amendement COM-41 vise à supprimer l'article. Avis défavorable.
L'amendement COM-41 n'est pas adopté.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - L'amendement COM-114 tend à inclure des représentants des chambres d'agriculture et des professions réglementées en qualité de juges. Nous y ajoutons le greffier.
L'amendement COM-114 est adopté.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - L'avis est favorable sur les amendements identiques COM-115, COM-11 et COM-25, et, en conséquence, avis défavorable à l'amendement COM-96.
Les amendements identiques COM-115, COM-11 et COM-25 sont adoptés. L'amendement COM-96 n'est pas adopté.
L'amendement rédactionnel COM-116 est adopté.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - L'amendement COM-118 tend à transférer les procédures amiables et collectives des professions réglementées au tribunal des affaires économiques.
L'amendement COM-118 est adopté.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - L'amendement COM-16 a pour objet d'exclure les agriculteurs. Avis défavorable, tout comme pour les amendements COM-89 et COM-95.
M. Guy Benarroche. - Au cours de nos auditions, les agriculteurs et leurs représentants, chambres comme syndicats, ont assuré que la façon dont leurs litiges sont traités leur convient. Ils craignent la moins bonne prise en compte de leurs spécificités par des tribunaux où ils ne représenteront qu'une petite partie des affaires. Pourquoi vouloir ajouter les activités agricoles dans le périmètre de ces nouveaux tribunaux ?
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - Les tribunaux de commerce traitent 50 000 procédures collectives par an et les tribunaux judiciaires n'en traitent que 6 000. On ne peut pas dire qu'ils aient une véritable expertise car ces procédures sont réparties sur l'ensemble du territoire ; d'où l'idée de toutes les transférer aux tribunaux des affaires économiques.
Par ailleurs, comme l'a indiqué le garde des sceaux, les futurs tribunaux des affaires économiques auront une capacité à accompagner les petites entreprises et exploitations supérieure à ce que les tribunaux judiciaires peuvent offrir. Actuellement, des associations, à l'instar de Solidarité Paysans assurent un accompagnement de certains agriculteurs faisant l'objet d'une procédure amiable ou collective Cet accompagnement est également effectué par les chambres d'agriculture, c'est pourquoi nous préconisons que ceux qui siégeront au TAE dans l'expérimentation en proviennent.
La crainte souvent évoquée est qu'un agriculteur pourrait s'emparer des terres de son voisin du fait de sa qualité de juge de ses pairs, mais soupçonner un juge agriculteur d'être malhonnête est dur à entendre... Il existe des règles de déport et de récusation qui s'appliqueront de la même manière que pour les entreprises et commerces.
Les chambres d'agriculture accompagnent les agriculteurs en difficulté. J'ai demandé à une association combien, au bout de cinq ans, étaient sauvés après son intervention par rapport à ceux qui passent par le tribunal des affaires économiques : elle a indiqué que ce n'était pas le sujet, contrairement à ce que je pense.
M. François-Noël Buffet, président. - Au-delà de l'inquiétude que l'on peut comprendre de la part des agriculteurs face au changement de juridiction, l'enjeu est la gestion des procédures collectives et des mécanismes de prévention des difficultés des entreprises. Face à ces problèmes, les tribunaux de commerce sont parfaitement compétents : les procédures sont mises en place immédiatement, avec ou sans mandataire ad hoc, avec un accompagnement.
L'amendement COM-16 n'est pas adopté, non plus que les amendements COM-89 et COM-95.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - L'amendement COM-119 a pour objet le transfert des contentieux des baux commerciaux.
L'amendement COM-119 est adopté.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - L'avis est favorable sur l'amendement COM-90.
L'amendement COM-90 est adopté.
L'article 6 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - Les amendements identiques COM-42 et COM-79 tendent à la suppression de la contribution pour la justice économique. Avis défavorable.
M. Guy Benarroche. - En audition, le garde des sceaux avait assuré qu'il donnerait des précisions : les a-t-on reçues ?
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - Non.
M. François-Noël Buffet, président. -Nous demanderons qu'elles nous soient apportées impérativement avant la séance.
Les amendements identiques COM-42 et COM-79 ne sont pas adoptés.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - Nous demandons le retrait de l'amendement COM-21 rectifié au profit de l'amendement COM-120. À défaut, l'avis sera défavorable.
L'amendement COM-120 est adopté. L'amendement COM-21 rectifié n'est pas adopté.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - L'avis est favorable sur l'amendement COM-91.
L'amendement COM-91 est adopté.
L'article 7 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 8
L'article 8 est adopté sans modification.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - L'amendement COM-121 vise à instaurer une obligation de déclaration d'intérêts pour les conseillers prud'hommes.
L'amendement COM-121 est adopté et devient article additionnel.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - L'amendement COM-122 tend à instaurer une limitation du cumul des mandats de conseiller prud'hommes. Nous leur appliquons les mêmes règles que celles qui sont applicables aux juges consulaires des tribunaux de commerce.
L'amendement COM-122 est adopté et devient article additionnel.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - L'amendement COM-123 a pour objet la sanction du refus de siéger et le renforcement de l'obligation de formation des juges consulaires.
L'amendement COM-123 est adopté.
L'article 9 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - L'amendement COM-124 a des dispositions similaires pour le pôle social.
L'amendement COM-124 est adopté.
L'article 10 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - L'amendement COM-126 vise à rétablir l'intitulé de l'article 11 en supprimant la notion d'« équipe autour des magistrats » au profit de la suivante : « Des attachés de justice et assistants spécialisés. »
L'amendement COM-126 est adopté.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - L'avis est défavorable sur l'amendement COM-43.
L'amendement COM-43 n'est pas adopté, non plus que les amendements COM-44 et COM-45.
L'article 11 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - L'amendement COM-127 a pour objet la participation de tous les parlementaires élus du ressort de la juridiction au conseil de juridiction.
L'amendement COM-127 est adopté.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Suivant une proposition de notre collègue Philippe Bonnecarrère dans son rapport intitulé Judiciarisation de la vie publique : le dialogue plutôt que le duel, l'amendement COM-128 tend à la création de conseils de juridiction auprès de la Cour de cassation, du Conseil d'État, des cours administratives d'appel et des tribunaux administratifs.
L'amendement COM-128 est adopté.
L'article 12 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 13
L'amendement rédactionnel COM-130 est adopté.
L'article 13 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - L'amendement COM-4 rectifié vise à déterminer par décret en Conseil d'État les conditions de formation des surveillants pénitentiaires adjoints. Avis favorable.
L'amendement COM-4 rectifié est adopté.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - L'avis est défavorable sur l'amendement COM-46.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Cette proposition de système de caméra est intéressante, mais le sujet du secret médical se pose tout de même.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Votre formulation est trop large : il faut distinguer ce qui relève du trajet et la consultation à proprement parler.
L'amendement COM-46 n'est pas adopté.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Avis favorable aux amendements identiques COM-47 et COM-22 rectifié bis. L'avis est également favorable sur l'amendement COM-85 rectifié.
Les amendements identiques COM-47 et COM-22 rectifié bis sont adoptés, de même que l'amendement COM-85 rectifié.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - L'avis est défavorable sur l'amendement COM-48. L'information est déjà prévue dans l'alinéa 14, qui dispose que l'enregistrement « fait l'objet d'une information des personnes filmées, sauf si les circonstances l'interdisent ».
L'amendement COM-48 n'est pas adopté.
L'amendement de précision rédactionnelle COM-131 est adopté.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - L'avis est défavorable sur l'amendement COM-17 rectifié : l'accès par la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) paraît suffisant. Avis également défavorable sur l'amendement COM-86 pour les mêmes raisons.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - La suggestion avait été faite par la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté. Selon les établissements pénitentiaires, les personnes concernées ou leurs avocats ont les plus grandes difficultés à avoir accès aux images. La Cnil intervient pour des procédures disciplinaires mises en oeuvre très rapidement : mais ses délais ne sont pas adaptés.
M. Jean-Pierre Sueur. - Si une personne est filmée, elle doit pouvoir avoir accès à ces images.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Elle y a accès par l'intermédiaire de la Cnil. Le risque est que votre amendement entraîne un alourdissement des procédures.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - C'est ce qu'on appelle le droit de la défense. On opposera à une personne des images qu'elle n'aura jamais vues.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - La Cnil garantit par ses procédures la protection des données personnelles : ne sont transmises que les images qui concernent la personne.
M. Jean-Pierre Sueur. - Notre texte ne vise pas autre chose.
M. François-Noël Buffet, président. - Nous reparlerons d'ici à la séance de la manière d'accélérer l'obtention des images dans le cadre d'une procédure disciplinaire et dans le respect des procédures habituelles.
L'amendement COM-17 rectifié n'est pas adopté, non plus que l'amendement COM-86.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - L'avis est défavorable sur l'amendement COM-59.
L'amendement COM-59 n'est pas adopté.
L'article 14 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - Les amendements identiques COM-49 et COM-87 visent à supprimer l'article. Avis défavorable.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Le transfert des fonctions du JLD revient à gérer la pénurie. Comme les Shadoks, on creuse un trou pour en remplir un autre : on retire des compétences aux JLD parce qu'ils ont trop de travail pour les confier à d'autres magistrats qui n'ont pas davantage le temps de s'en occuper et qui n'ont pas l'expérience.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - Le Conseil d'État rappelle que tous les magistrats du siège sont garants de la liberté individuelle. Le statut spécifique du JLD tient à son pouvoir de déjuger un collègue. La question n'est pas la même pour les droits des étrangers ou des personnes hospitalisées en psychiatrie. De plus, rien n'empêche le juge des libertés et de la détention de continuer à assumer ses missions ; l'enjeu est de pouvoir le remplacer au sein de la même juridiction sans faire appel à une juridiction autre, ce qui permet un meilleur fonctionnement.
M. Philippe Bonnecarrère. - Les JLD font l'objet d'un régime statutaire entre le premier et le deuxième grade. Or vous renvoyez les fonctions à des juges de droit commun. C'est à prendre en considération, me semble-t-il.
Les amendements identiques COM-49 et COM-87 ne sont pas adoptés.
L'article 15 est adopté sans modification.
Article 16
L'article 16 est adopté sans modification.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - Les amendements identiques COM-50 et COM-88 ont pour objet la suppression de la réforme des saisies des rémunérations. Avis défavorable.
Les amendements identiques COM-50 et COM-88 ne sont pas adoptés.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - L'amendement COM-132 vise à inscrire le rôle de conciliation des commissaires de justice.
L'amendement COM-132 est adopté.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - L'amendement COM-133 tend à faciliter la contestation et à renforcer les pouvoirs du juge de l'exécution.
L'amendement COM-133 est adopté.
L'amendement de clarification COM-135 est adopté.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - L'amendement COM-136 a pour objet de supprimer la possibilité d'appliquer une amende civile en cas de déclaration inexacte de l'employeur.
L'amendement COM-136 est adopté, de même que l'amendement COM-137.
L'article 17 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Après l'article 17
Les amendements COM-7 rectifié bis et COM-8 rectifié sont déclarés irrecevables en application de l'article 45 de la Constitution.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - L'amendement COM-138 a pour objet de créer une voie de recours contre les refus de légalisation d'un acte d'état civil.
L'amendement COM-138 est adopté.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - L'avis est défavorable sur l'amendement COM-51.
L'amendement COM-51 n'est pas adopté.
L'article 18 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - L'avis est défavorable sur l'amendement COM-52. Nous demandons plutôt à distinguer le niveau de diplôme requis pour accéder à la profession et celui pour entrer au centre de formation.
L'amendement COM-52 n'est pas adopté.
L'article 19 est adopté sans modification.
Article 20
L'article 20 est adopté sans modification.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - L'amendement COM-139 vise à supprimer la prolongation de l'habilitation à simplifier par ordonnance le droit de la publicité foncière.
L'amendement COM-139 est adopté. En conséquence, l'amendement COM-24 devient sans objet.
L'article 21 est supprimé.
Après l'article 21
Les amendements COM-12, COM-13, COM-14 et COM-15 sont déclarés irrecevables en application de l'article 45 de la Constitution.
Article 22
L'amendement de coordination COM-140 est adopté.
L'article 22 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - L'amendement COM-142 tend à supprimer les mesures relatives au calcul du nombre de nominations de conseillers maîtres au tour extérieur et au raccourcissement de la durée des fonctions de président et vice-président de chambre régionale des comptes.
L'amendement COM-142 est adopté.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - L'amendement COM-143 a pour objet l'assouplissement de l'obligation de résidence des magistrats des chambres régionales des comptes.
L'amendement COM-143 est adopté.
L'article 23 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 24
L'article 24 est adopté sans modification.
Article 25
L'amendement de coordination COM-145 est adopté.
L'article 25 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - L'amendement COM-146 vise à inscrire dans la loi le transfert du contentieux de la tarification sanitaire et sociale.
L'amendement COM-146 est adopté.
L'article 26 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Après l'article 26
L'amendement de coordination COM-148 est adopté et devient article additionnel.
Article 27
L'amendement de coordination COM-149 est adopté.
L'amendement rédactionnel COM-150 est adopté.
L'article 27 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - L'avis est défavorable sur l'amendement COM-23. Il tend à adapter le droit des sûretés réelles immobilières en Alsace-Moselle. Cela est déjà prévu par l'ordonnance donnant habilitation pour simplifier le droit de la publicité foncière.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - Tant que l'ordonnance d'habilitation est en cours, on ne peut toucher aux dépositions que le gouvernement est habilité à modifier.
L'amendement COM-23 n'est pas adopté.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - L'amendement COM-152 vise au rétablissement d'un droit d'option en faveur des juristes assistants en cours de contrat.
L'amendement COM-152 est adopté.
L'article 28 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - L'amendement COM-153 a pour objet de clarifier les modalités de transfert des procédures de saisies des rémunérations déjà autorisées.
L'amendement COM-153 est adopté.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - L'amendement COM-154 vise à différer l'entrée en vigueur de l'article 26.
L'amendement COM-154 est adopté.
L'article 29 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Le projet de loi est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
M. François-Noël Buffet, président. - Concernant le périmètre du texte au titre de l'article 45 de la Constitution, je vous propose de considérer qu'il comprend les dispositions relatives à l'accès au corps judiciaire, y compris à titre temporaire et à temps partiel ; à l'évaluation des magistrats de l'ordre judiciaire ; à la structure du corps judiciaire, aux conditions d'avancement et d'évolution dans la carrière des magistrats de l'ordre judiciaire ainsi qu'aux conditions d'exercice de leurs fonctions ; aux conditions d'affectation, y compris temporaire, des magistrats de l'ordre judiciaire ; à la commission d'avancement et au dialogue social au sein du corps judiciaire ; aux conditions d'engagement de la responsabilité des magistrats et à leur protection ; aux modalités de désignation des membres du Conseil supérieur de la magistrature ; aux obligations déontologiques applicables aux magistrats ; aux modalités de gestion dématérialisée des dossiers administratifs des magistrats.
Il en est ainsi décidé.
EXAMEN DES ARTICLES
Article 1er
L'amendement de coordination COM-38 est adopté.
L'amendement rédactionnel COM-39 est adopté.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - L'amendement COM-40 tend au renforcement de la qualité du recrutement et à l'ouverture du corps judiciaire. Nous introduisons un délai de dix-huit mois pour la formation des personnes recrutées au titre du concours professionnel.
De plus, l'amendement prévoit que le recrutement des auditeurs de justice demeure « de même niveau » pour le troisième concours, sur le modèle de ce qui est actuellement prévu pour le deuxième concours. En outre, les magistrats devront constituer moins de la moitié du jury professionnel nommé par le pouvoir réglementaire. Enfin, le quota de la part de détachés est augmenté : il est fixé à un quinzième du total des emplois des nouveaux deuxième et premier grades, au lieu d'un vingtième.
L'avis est défavorable pour les amendements COM-36 et COM-8, car ils sont satisfaits.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Ces deux amendements ne sont pas satisfaits. Au cours de nos auditions, les avocats ont pointé le fait que vouloir intégrer des professionnels en leur imposant un stage probatoire d'un an empêcherait les avocats de candidater, au risque de voir leur cabinet péricliter, s'ils ne sont pas titularisés. Nous proposons donc un stage probatoire court de trois mois.
Mme Laurence Harribey. - Lors de notre récent déplacement à l'École nationale de la magistrature, un représentant de la promotion nous a indiqué que la disposition va à contre-courant de l'esprit d'ouverture prôné par la réforme. Il faut augmenter le temps de formation, mais raccourcir le stage probatoire.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Nous avons conscience de ces difficultés. Néanmoins, il faut trouver un juste équilibre : trois mois est un délai un peu court pour le stage probatoire, ne donnant pas le recul nécessaire pour se prononcer sur l'aptitude du magistrat en formation.
Mme Laurence Harribey. - Pour les cadres supérieurs, la période d'essai est de trois mois.
L'amendement COM-40 est adopté. En conséquence, les amendements COM-36 et COM-8 deviennent sans objet.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - L'amendement COM-6 tend à instituer un quota pour le concours étudiant. L'avis est défavorable.
L'amendement COM-6 n'est pas adopté.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - L'amendement COM-5 a pour objet l'accès des docteurs au corps judiciaire. La voie d'intégration directe n'existant plus, il faut sans doute trouver une solution pour qu'ils puissent intégrer, en raison de leur thèse, les voies de concours via le troisième concours ou le concours professionnel. En l'état de la proposition, nous émettons un avis défavorable.
L'amendement COM-5 n'est pas adopté.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Avis favorable sur l'amendement COM-7.
L'amendement COM-7 est adopté.
Les amendements rédactionnels COM-41 et COM-42 sont adoptés.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Avis défavorable sur l'amendement COM-29.
L'amendement COM-29 n'est pas adopté.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Avis favorable sur l'amendement COM-9.
L'amendement COM-9 est adopté.
L'amendement rédactionnel COM-37 est adopté.
L'article 1er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - L'amendement COM-43 vise à renforcer l'évaluation à 360 degrés des chefs de cour et des chefs de juridiction. Avis favorable.
Avis défavorable en revanche sur l'amendement COM-27.
L'amendement COM-43 est adopté. En conséquence, l'amendement COM-27 devient sans objet.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Nous demandons le retrait de l'amendement COM-28, à défaut l'avis sera défavorable. Notre précédent amendement vise déjà à ce que l'ensemble des nominations au collège d'évaluation se fasse sur proposition du CSM.
L'amendement COM-28 n'est pas adopté.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Avis défavorable sur l'amendement COM-3.
L'amendement COM-3 n'est pas adopté.
L'article 2 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Avis défavorable sur l'amendement COM-2.
L'amendement COM-2 n'est pas adopté.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - L'amendement COM-44 a pour objet de prévoir des durées minimales et maximales d'affectation des magistrats pour répondre au risque d'effet d'aubaine s'agissant de l'accès au troisième grade.
L'amendement COM-44 est adopté.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Avis défavorable sur l'amendement COM-4.
L'amendement COM-4 n'est pas adopté.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - L'amendement COM-31 tend à supprimer le contingentement du nombre de postes offerts pour le troisième grade. Avis défavorable.
L'amendement COM-31 n'est pas adopté.
L'amendement rédactionnel COM-45 est adopté.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - L'avis est défavorable sur l'amendement COM-26 qui vise à supprimer le relèvement de la limite d'âge, de maintien en activité des magistrats judiciaires jusqu'à l'âge de 70 ans
L'amendement COM-26 n'est pas adopté.
L'article 3 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Après l'article 3
L'amendement COM-1 est déclaré irrecevable en application de l'article 45 de la Constitution.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - L'amendement COM-25 a pour objet le remplacement du critère de « difficultés particulières de recrutement » par celui de « difficultés de recrutement durables ». L'intérêt est ténu. L'avis est défavorable.
L'amendement COM-25 n'est pas adopté.
L'amendement de clarification rédactionnelle COM-46 est adopté.
L'article 4 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - L'amendement COM-47 vise à modifier les dispositifs de délégation de magistrats pour assurer davantage de souplesse, afin d'éviter que cela ne se fasse au profit de certaines juridictions uniquement, sans embauches pérennes. C'est une position constante de la commission.
Avis défavorable sur l'amendement COM-32.
L'amendement COM-47 est adopté. En conséquence, l'amendement COM-32 devient sans objet.
L'amendement rédactionnel COM-48 est adopté.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - L'amendement COM-49 a pour objet le déclassement de dispositions ordinaires.
L'amendement COM-49 est adopté.
L'article 5 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 6
L'amendement rédactionnel COM-50 est adopté.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - L'amendement COM-34 vise à obliger la commission d'avancement à établir chaque année un rapport rendu public. Elle le fait déjà, aussi, il n'est pas nécessaire de le préciser dans la loi, d'autant que cela ne relève pas du domaine législatif. Je demande le retrait, à défaut l'avis sera défavorable.
L'amendement COM-34 n'est pas adopté.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - Avis défavorable sur l'amendement COM-22.
L'amendement COM-22 n'est pas adopté.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - Avis défavorable sur l'amendement COM-23.
L'amendement COM-23 n'est pas adopté.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - Avis défavorable sur l'amendement COM-24.
L'amendement COM-24 n'est pas adopté.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - Avis est favorable sur l'amendement COM-33.
L'amendement COM-33 est adopté.
L'amendement de coordination COM-51 est adopté.
L'article 6 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - L'amendement COM-52 a pour objet de limiter la possibilité pour les magistrats à titre temporaire d'exercer certaines attributions liées aux fonctions de substitut. Ils ne pourraient ainsi prendre de mesures de privation de liberté.
L'amendement COM-52 est adopté.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - Avis favorable sur l'amendement COM-35.
L'amendement COM-35 est adopté.
L'amendement de coordination COM-53 est adopté.
L'article 7 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - L'amendement COM-54 rectifié vise à renforcer la responsabilité des magistrats. Avis défavorable sur les amendements COM-11, COM-13 et COM-12.
L'amendement COM-54 rectifié est adopté. En conséquence, les amendements COM-11, COM-13 et COM-12 deviennent sans objet.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - L'amendement COM-15 a pour objet la suppression de l'extension de la recevabilité des plaintes de justiciables à l'abus de fonctions. L'avis est défavorable.
L'amendement COM-15 n'est pas adopté.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - L'avis est défavorable sur l'amendement COM-18.
L'amendement COM-18 n'est pas adopté, de même pour les amendements COM-19, COM-16, COM-17 et COM-14.
L'amendement rédactionnel COM-55 est adopté.
L'article 8 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - L'amendement COM-56 vise à modifier les conditions de nomination des membres du Conseil supérieur de la magistrature. Les personnalités qualifiées seraient renouvelées par moitié.
L'amendement COM-56 est adopté.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - L'amendement COM-20 rectifié a pour objet les désignations complémentaires en cas de vacance, introduisant un scrutin de liste. La liste ne peut toutefois pas être à quatre membres : elle doit être à nombre impair, d'où la rectification proposée par l'amendement. Avis favorable.
L'amendement COM-20 rectifié est adopté.
L'article 9 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 10
L'amendement rédactionnel COM-57 est adopté.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - Avis défavorable sur l'amendement COM-21.
L'amendement COM-21 n'est pas adopté.
L'article 10 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 11
L'amendement rédactionnel COM-60 est adopté.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - L'amendement COM-10 tend à préciser le contenu du rapport. Avis défavorable.
L'amendement COM-10 n'est pas adopté.
L'article 11 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - L'amendement COM-30 vise à réduire la durée du moratoire sur les quotas du concours professionnel de quatre à deux ans, au lieu de quatre à trois ans comme nous le proposons par l'amendement COM-61.
Avis défavorable sur l'amendement COM-30.
L'amendement COM-61 est adopté. En conséquence, l'amendement COM-30 devient sans objet.
Mme Agnès Canayer, rapporteur. - L'amendement COM-62 a pour objet des dispositions transitoires.
L'amendement COM-62 est adopté.
L'amendement rédactionnel COM-63 est adopté.
L'article 12 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Le projet de loi organique est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans les tableaux suivants :
PROJET DE LOI
PROJET DE LOI ORGANIQUE
La réunion, suspendue à 12 h 25, est reprise à 13 h 30.
Proposition de loi relative à la reconnaissance biométrique dans l'espace public - Examen du rapport et du texte de la commission
M. François-Noël Buffet, président. - Nous examinons la proposition de loi relative à la reconnaissance biométrique dans l'espace public, déposée par Marc-Philippe Daubresse, Arnaud de Belenet et plusieurs de leurs collègues.
M. Philippe Bas, rapporteur. - La reconnaissance faciale sans consentement dans l'espace public est un sujet difficile. Nul besoin de s'attarder sur les dangers réels de cette technologie en matière d'atteinte à la vie privée, sur les risques de développement d'une société de surveillance à la chinoise ou encore sur les erreurs possibles d'identification. Pourtant, cette technologie présente des avantages dont il serait dommage de se priver définitivement. Elle permet notamment de prévenir des attentats ou encore de retrouver des criminels.
Un régime d'interdiction absolue serait vain : les usages privés se développent sur les téléphones portables, les frontières sont ouvertes et nous subirions une perte de chances pour atteindre les objectifs précités. À l'inverse, une liberté totale serait synonyme de contrôle social, voire d'un système de crédit social, comme on le voit en Chine, mais aussi d'abus de pouvoir par une utilisation non réglementée du dispositif.
Cette proposition de loi fait suite au très intéressant rapport d'information de Marc-Philippe Daubresse, Arnaud de Belenet et Jérôme Durain, que nous avons adopté à l'unanimité en mai 2022. Il visait à éviter tout développement anarchique de la technologie en posant un principe général d'interdiction, tout en l'expérimentant pour des finalités précises et en l'encadrant par des procédures inscrites dans la loi.
Nous disposons sur cette thématique d'un rapport de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) de 2019, d'un projet de règlement européen en cours d'examen par le Parlement européen, d'un rapport remis au Premier ministre en septembre 2021 par le député Jean-Michel Mis et, plus récemment, d'un rapport d'information des députés Philippe Gosselin et Philippe Latombe.
Il y a donc une effervescence autour de ce sujet, que nous avons abordé lors de l'examen du texte relatif aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024. Nous avions alors adopté une seule disposition faisant appel à l'intelligence artificielle : celle qui permet de détecter par vidéosurveillance un mouvement de foule, l'abandon d'un objet ou d'un colis ou encore l'irruption de personnes masquées dans une manifestation, sans traitement de données biométriques. À l'époque, nous n'avons pas souhaité instaurer un dispositif de reconnaissance faciale. Après des échanges entre le président du Sénat et la CNIL, mais aussi en séance publique avec le Gouvernement, il a été jugé préférable de traiter la question globalement, et non à l'occasion de la discussion d'un autre texte. Tel est l'objet de cette proposition de loi.
En tant que rapporteur, je salue l'accompagnement que m'ont offert les auteurs de la proposition de loi dans ma découverte de l'étendue des implications de ce dossier. Je leur ai par ailleurs soumis tous mes amendements, pour m'assurer que nous travaillions dans le même sens.
J'ai souhaité répartir différemment les dispositions du texte, afin de créer un bloc précisant l'ensemble des garanties que nous voulons apporter et l'ensemble des interdits que nous voulons poser. Ainsi, nous refusons que la reconnaissance faciale soit utilisée à des fins de notation des individus, par exemple ceux qui traversent toujours dans les clous et qui, comme on le voit en Chine, pourraient réserver des chambres d'hôtel sans dépôt de garantie. Non à la catégorisation de nos concitoyens, à la création de groupes et de sous-ensembles !
Nous voulons interdire l'identification à distance sans consentement. L'utilisation de la reconnaissance faciale doit passer exclusivement par des dispositions législatives et non réglementaires. Nous demandons que chaque logiciel d'intelligence artificielle permettant de procéder à une reconnaissance faciale soit calibré très précisément par décret et que ce décret soit précédé d'un avis de la CNIL ou de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR) et passe devant le Conseil d'État. Par ailleurs, nous exigeons que l'exploitation des données issues de la reconnaissance faciale donne lieu à une intervention humaine et qu'il n'y ait pas d'automatisme. L'interpellation d'un individu pour acte de terrorisme, par exemple, est, par nature, potentiellement musclée. Il ne faudrait pas qu'elle ne soit due qu'au résultat d'un logiciel...
Après ce socle minimal de garanties, le régime de contrôle et d'autorisation ou encore le rôle du Parlement, nous définissons les usages possibles de cette technologie. Comme nous n'en avons pas encore l'expérience, nous jugeons qu'une expérimentation est nécessaire. Sauf intervention nouvelle du législateur, l'expérimentation cessera au bout de trois ans, suivant une clause « d'autodestruction » que nous connaissons bien. Nous demandons naturellement que le Parlement soit précisément informé des résultats de cette expérimentation.
J'ai ensuite proposé de distinguer, d'une part, les usages en matière de renseignement pour l'action des services spéciaux et, d'autre part, les usages dans le cadre des enquêtes judiciaires. Deux types de démarche sont à noter : l'utilisation des images a posteriori et leur utilisation en temps réel, la seconde posant davantage d'interrogations.
En matière de renseignement, une disposition prévoyait, dans le texte initial, que les auxiliaires de l'organisation de grands événements puissent faire l'objet, lorsqu'ils vont dans des endroits précis, d'un accès au site contrôlé sur la base de leurs données biométriques. Je propose de confier cette responsabilité non pas à l'organisateur de l'événement, mais à l'État. Par ailleurs, les riverains ne seraient pas soumis à cette modalité d'accès sans leur accord.
Je propose par ailleurs de clarifier que l'utilisation a posteriori par les services de renseignement du premier cercle de logiciels de reconnaissance biométrique sur des images de voie publique issues de la vidéoprotection, en vue de repérer la présence de personnes dangereuses, sera circonscrite à la prévention d'attentats terroristes.
Enfin, pour le cas où les services de sécurité souhaiteraient appliquer en temps réel, sur des caméras dédiées, un logiciel de reconnaissance faciale, je souhaite que le régime de la décision et de la garantie relève du Premier ministre. Pour que la garantie soit maximale, je propose d'appliquer le régime robuste et reconnu des techniques de renseignement, tout en réservant cet usage à la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI).
La reconnaissance faciale doit bénéficier d'un régime semblable à celui qui s'applique lorsque l'on pose une balise sous une voiture ou un micro dans un appartement, ou que l'on saisit en temps réel des données figurant dans un ordinateur. Pour rappel, ce régime prévoit l'avis de la CNCTR ; le Premier ministre prend la décision, et si l'avis n'est pas conforme, le Conseil d'État se prononce en formation non publique. Pour la mise en oeuvre en temps réel de ces logiciels, je propose donc d'adopter ce régime de protection maximal.
Nous avons également posé le principe de subsidiarité : la technique de reconnaissance faciale ne saurait être utilisée qu'après épuisement de toutes les chances d'identifier quelqu'un par d'autres moyens ou technologies.
Pour les enquêtes judiciaires, j'ai raisonné par analogie et vous propose de réserver l'utilisation de la reconnaissance faciale à la lutte contre le terrorisme, aux crimes les plus graves, pour rechercher un enfant enlevé ou encore un criminel en fuite. Il faut qu'une autorisation expresse de l'autorité judiciaire soit requise, que le principe de subsidiarité soit appliqué, que les officiers de police judiciaire soient spécialement formés et habilités à utiliser cette technologie et que, pour l'utilisation en temps réel, le juge des libertés et de la détention se prononce en cas de renouvellement au-delà de quarante-huit heures.
En application du vade-mecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, le périmètre indicatif de la proposition de loi pourrait comprendre les modalités d'utilisation des dispositifs de reconnaissance biométrique à des fins d'authentification, d'identification dans un cadre judiciaire et d'identification dans un cadre administratif.
M. Marc-Philippe Daubresse. - En vous remerciant de nous avoir confié cette mission l'an dernier, je dois vous dire, après trente et un ans de mandat parlementaire, que ce dispositif législatif est le plus compliqué auquel j'ai eu à faire face.
Avec mes deux corapporteurs, nous avons ajouté à notre rapport d'information le sous-titre « Trente propositions pour écarter le risque d'une société de surveillance ». C'est donc à juste titre que, lorsque j'ai présenté un amendement à l'occasion de la loi relative aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, mes collègues ont suggéré qu'une proposition de loi serait préférable pour aller au fond de ce sujet. J'ai donc retiré mon amendement et nous avons associé Jérôme Durain à notre travail d'élaboration de la proposition de loi.
Dans notre rapport très fouillé, nous étions arrivés à la conclusion que, compte tenu du changement d'échelle des technologies biométriques, un encadrement législatif était nécessaire. Nous ne disposions alors, comme cadre juridique, que du règlement général sur la protection des données (RGPD) et d'un projet de directive européenne. Nous risquions d'être soumis, à l'insu de notre plein gré et sans avoir notre mot à dire, à des législations supranationales, comme nous le sommes sur d'autres sujets d'ailleurs.
C'est donc dans cet état d'esprit que nous avons abordé la rédaction de cette proposition de loi, en posant quatre interdictions et trois principes généraux. Nous avons commencé par édicter les lignes rouges, considérant qu'on ne pouvait raisonner, pour les exceptions, qu'usage par usage. De fait, la version initiale de la proposition de loi pouvait donner l'impression que l'on donnait une place égale au principe des lignes rouges et à leurs exceptions.
Les amendements du rapporteur, auxquels nous avons été associés, bouleversent l'architecture formelle du texte, mais ne modifient pas la logique dans laquelle nous avons souhaité nous inscrire. Les choses sont remises à leur place : les lignes rouges et les interdits sont posés en premier, selon une démarche dont nous devrons nous inspirer dans le prochain examen du texte sur l'intelligence artificielle.
La reconnaissance biométrique sert à l'identification et à l'authentification. Elle peut s'appliquer en temps différé et en temps réel. Tout cela nécessite une présence humaine. Quant à l'utilisation en temps réel, exception parmi les exceptions, elle ne peut se concevoir que si elle est assortie de garanties extrêmement renforcées.
Les propositions du rapporteur respectent complètement la logique de notre rapport. Elles améliorent nettement notre texte en posant beaucoup plus clairement les interdits et en prévoyant des exceptions, usage par usage, avec des garanties renforcées.
La souveraineté française en matière numérique est en danger. Deux des leaders du marché mondial, Thales et Idemia, sont en effet français. Or faute de législation claire en France, toute une série de technologies est en train de partir à l'étranger. À terme, nous risquons une perte de souveraineté numérique, comme nous en avons connu dans d'autres domaines.
En conclusion, nous soutiendrons les amendements du rapporteur, y compris les dispositions relatives à l'expérimentation. Ils s'inscrivent totalement dans la philosophie de notre proposition.
M. Arnaud de Belenet. - Permettez-moi d'exprimer ma gratitude à l'égard des membres de la commission qui nous ont confié cette mission, ainsi qu'à l'égard du rapporteur. En repositionnant de manière très explicite un interdit majeur, ce dernier nous permet de faire un grand pas législatif : nous ne voulons pas d'une société de surveillance. Le rapporteur a par ailleurs rehaussé les garanties relatives à l'expérimentation.
J'adresse également ma gratitude à Marc-Philippe Daubresse et Jérôme Durain pour notre travail en commun. Cette mission restera pour moi l'un des grands souvenirs de ce mandat et me donne le sentiment d'avoir été utile. Cranter cet interdit et l'écrire dans la loi de manière durable n'est pas seulement nécessaire, cela constitue un marqueur civilisationnel. C'est le signe d'un choix politique de société comme nous en faisons rarement. Habituellement, nous excellons dans la technique juridique ; là, nous faisons un choix politique très clair. J'espère que ce texte pourra prospérer à l'Assemblée nationale.
Sur le fond, tout a été dit. En matière d'expertise, nos entreprises doivent être au rendez-vous. Il faut aussi que l'État maîtrise ces technologies pour pouvoir exercer son contrôle légitime et protéger nos libertés publiques.
M. Jérôme Durain. - Je voudrais saluer le compagnonnage amical qui m'a uni à mes deux corapporteurs Marc-Philippe Daubresse et Arnaud de Belenet dans l'élaboration du rapport d'information, ainsi que le travail du rapporteur Philippe Bas sur cette proposition de loi, qui améliore encore le texte. Pour autant, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain ne votera pas en faveur de la proposition de loi, non pas que je m'oppose à la nécessité de dresser l'inventaire des garanties et de les renforcer, mais pour des raisons de calendrier et d'agenda politique.
Nous sommes en effet dans une forme d'entre-deux, entre un rapport qui a été remis en amont des jeux Olympiques et au sortir d'un débat sur la préparation de cet événement au cours duquel les uns et les autres, y compris des ministres, ont renoncé à la reconnaissance faciale, jugeant qu'elle n'était pas nécessaire. Des réactions dans l'opinion nous font sentir également à quel point le débat opposant liberté et sécurité est permanent. À Dijon, un système de vidéosurveillance a permis d'envoyer au domicile de chaque « délinquant » une amende pour avoir osé taper sur une casserole, tandis qu'à Matignon, une personne chargée de mettre en oeuvre les techniques de renseignement validait inopinément 300 techniques de renseignement...
Nos libertés sont toujours fragiles. J'ai trop de respect pour le travail, l'honnêteté intellectuelle et la rigueur de mes collègues pour dire que nous allons verser dans le capitalisme de surveillance ou dans le contrôle social à la chinoise. Malgré tout, alors que des oppositions se sont exprimées, alors que nous aurons très prochainement un débat sur la réglementation européenne sur l'intelligence artificielle, alors que les crispations dans la société sont importantes sur ces sujets, le vecteur de la proposition de loi ne nous paraît pas être le meilleur.
J'avoue avoir été touché par l'intervention du secrétaire général de la CNIL lors de son audition devant notre commission. Ce dernier, se montrant peu favorable au développement de la reconnaissance faciale, a utilisé des termes assez forts, pointant la différence entre le moment où les systèmes n'existent pas et le moment où ils existent, ou en rappelant que choisir d'expérimenter, c'est choisir de créer. En résumé, prenons garde à l'effet cliquet.
Nous devrons aller au bout de nos réflexions sur la reconnaissance faciale, sans exagérer sur l'indignité de la technique - tout le monde devrait sinon renoncer à utiliser son téléphone - ni sur son éloge immodéré, certains services de renseignement reconnaissant eux-mêmes que ce n'est pas de la reconnaissance faciale dont ils ont besoin.
N'oublions pas non plus que le sujet dépasse le domaine strictement régalien. À la fin des fins, la reconnaissance faciale est aussi faite pour vendre du chocolat dans les aéroports ! Tenons compte aussi de la dimension commerciale. Il faut une large appropriation citoyenne de ce sujet éminemment complexe.
Mme Agnès Canayer. - Je me félicite de cette proposition de loi, que je soutiendrai et qui me paraît d'autant plus équilibrée après les apports du rapporteur. Le sujet était déjà sous-jacent lors de l'examen de la loi sur le renseignement et le terrorisme ou, plus récemment, de la loi sur les jeux Olympiques et Paralympiques. Il avait alors été considéré que ce n'était ni le bon moment ni le bon texte et qu'il fallait se recentrer sur la vidéoprotection intelligente en vue de l'organisation de grands événements à venir.
Je me félicite de ce débat. La menace existe et les techniques évoluent. Il faut trouver le juste équilibre entre les moyens à donner à la sécurisation et la garantie des libertés individuelles.
EXAMEN DES ARTICLES
Division additionnelle avant l'article 1er
M. Philippe Bas, rapporteur. - L'amendement COM-3 introduit un nouveau chapitre relatif aux garanties permettant de faire obstacle à une société de surveillance.
L'amendement COM-3 est adopté.
M. Philippe Bas, rapporteur. - Cet article fondamental pose l'interdit du traitement des données biométriques aux fins d'identifier une personne à distance dans l'espace public.
L'amendement COM-4 prévoit qu'il ne peut être dérogé à cet interdit que pour des motifs d'une exceptionnelle gravité, dans des conditions expérimentales, pour des finalités limitativement énumérées et selon un régime d'autorisation préalable, dont l'exécution est assortie d'un contrôle par des autorités indépendantes du service habilité à l'exploitation de la technologie. Le recours à ces dérogations doit aussi obéir aux principes de nécessité et de proportionnalité.
L'amendement COM-4 est adopté.
L'article 1er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
M. Philippe Bas, rapporteur. - L'amendement COM-5 tend à fixer le régime de l'expérimentation : au terme d'une durée de trois ans, les dispositions deviennent caduques. L'Assemblée nationale et le Sénat sont régulièrement informés. La CNCTR publie chaque année les éléments relatifs à l'utilisation de la technologie de reconnaissance faciale par les services de renseignement. Enfin, comme c'est l'usage, le Gouvernement nous saisit d'un bilan, six mois avant la fin de l'expérimentation.
L'amendement COM-5 est adopté et devient article additionnel.
M. Philippe Bas, rapporteur. - L'amendement COM-6 vise à encadrer les logiciels qui seront mis en oeuvre pour le traitement des images par reconnaissance biométrique. Le traitement doit indiquer le degré de probabilité de l'identification d'une personne. Il ne peut fonder par lui-même aucune décision individuelle - une intervention humaine est requise - et ne peut faire l'objet de rapprochements ou d'interconnexions avec d'autres traitements de données à caractère personnel. Cela va mieux en le disant.
Les logiciels de traitement devront être développés par l'État ou sous son contrôle, dans les conditions définies dans la loi du 19 mai 2023 relative aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 et portant diverses autres dispositions. Ils sont autorisés par des décrets en Conseil d'État, pris après avis de la CNIL ou de la CNCTR et accompagnés d'une analyse d'impact, dont le contenu est clairement défini. Enfin, les images sont détruites à l'expiration d'un certain délai.
L'amendement COM-6 est adopté et devient article additionnel.
M. Philippe Bas, rapporteur. - L'amendement COM-7 vise à améliorer le degré de connaissance réciproque sur ces technologies entre l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM), l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (ARCEP) et la CNIL. Il est proposé qu'un membre de la CNIL siège au sein de chacune de ces deux autorités et qu'un membre de chacune de ces deux autorités siège au sein de la CNIL.
L'amendement COM-7 est adopté et devient article additionnel.
Division additionnelle avant l'article 2
M. Philippe Bas, rapporteur. - L'amendement COM-8 vise à introduire un nouveau chapitre relatif à l'expérimentation de dispositifs d'authentification biométrique sans consentement pour l'accès à certains grands évènements.
L'amendement COM-8 est adopté.
M. Philippe Bas, rapporteur. - L'amendement COM-9 tend à encadrer les systèmes d'authentification biométrique sans consentement mis en place à l'article 2 lors de certains grands événements. Cette disposition permet de contrôler l'accès des auxiliaires de l'organisation au moyen de la reconnaissance biométrique. Les personnes concernées seraient informées, au moment de leur recrutement, de cette modalité.
L'amendement COM-9 est adopté.
L'article 2 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Division additionnelle avant l'article 3
M. Philippe Bas, rapporteur. - L'amendement COM-10 vise à introduire un nouveau chapitre relatif à l'utilisation de traitements de données biométriques a posteriori dans le cadre d'enquêtes judiciaires ou en matière de renseignement.
L'amendement COM-10 est adopté.
M. Philippe Bas, rapporteur. - L'amendement COM-11 limite l'usage de logiciels de reconnaissance biométriques a posteriori dans un cadre judiciaire aux seules enquêtes portant sur des infractions particulièrement graves. Il prévoit également que l'usage de ces logiciels devra être explicitement et préalablement autorisé par le magistrat en charge de l'enquête.
L'amendement COM-11 est adopté.
L'article 3 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
M. Philippe Bas, rapporteur. - L'amendement COM-12 tend à autoriser les services de la police nationale et de la gendarmerie nationale à avoir recours a posteriori à un module de reconnaissance biométrique afin d'identifier des personnes mises en cause, faisant l'objet d'une enquête ou d'une instruction pour recherche des causes de la mort ou disparues, au sein de fichiers d'antécédents judiciaires.
L'amendement COM-12 est adopté et devient article additionnel.
M. Philippe Bas, rapporteur. - L'amendement COM-13 prévoit que, lorsque l'exploitation des données issues de la mise en oeuvre d'une technique de renseignement peut faire appel à la technologie de reconnaissance biométrique, la demande d'autorisation mentionne expressément cette possibilité. Il s'agit d'éviter la double autorisation.
L'amendement réserve en conséquence la nouvelle technique de renseignement créée, permettant d'utiliser a posteriori des logiciels de reconnaissance biométrique sur les images issues de la vidéoprotection, à la lutte contre le terrorisme.
L'amendement COM-13 est adopté.
L'article 4 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Division additionnelle avant l'article 5
M. Philippe Bas, rapporteur. - L'amendement COM-14 vise à introduire un chapitre IV relatif à l'expérimentation de traitements de données biométriques en temps réel pour lutter contre le terrorisme et la grande criminalité.
L'amendement COM-14 est adopté.
M. Philippe Bas, rapporteur. - L'amendement COM-15 tend à ouvrir, au titre des techniques de renseignement, une autorisation spéciale pour la reconnaissance biométrique en temps réel dans l'espace public par la DGSI à la seule fin de prévention du terrorisme.
Pour la première fois, le système actuel robuste et efficace d'autorisations délivrées par le Premier ministre sur avis de la CNCTR serait élargi non plus seulement au recueil d'informations, mais à leur analyse.
L'amendement COM-15 est adopté. En conséquence, les amendements COM-1 et COM-2 deviennent sans objet.
L'article 5 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
M. Philippe Bas, rapporteur. - L'amendement COM-16 porte sur l'utilisation subsidiaire de la biométrie en temps réel pour des enquêtes judiciaires. Il prévoit de limiter ce dispositif aux seules investigations relatives à des actes de terrorisme, à des atteintes aux intérêts fondamentaux de la nation, à la grande criminalité ou à des disparitions d'enfants.
Le juge des libertés et de la détention devra être saisi après quarante-huit heures pour tout renouvellement de l'utilisation de cette technologie. Seuls des officiers de police judiciaire habilités, à l'exclusion des agents de police judiciaire, pourront la mettre en oeuvre.
L'amendement COM-16 est adopté.
L'article 6 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
M. Philippe Bas, rapporteur. - L'amendement COM-17 tend à supprimer l'article 7, dont les dispositions ont été introduites à l'article 1er bis.
L'amendement COM-17 est adopté.
L'article 7 est supprimé.
M. Philippe Bas, rapporteur. - L'amendement COM-18 tend à supprimer l'article 8, pour les mêmes raisons.
L'amendement COM-18 est adopté.
L'article 8 est supprimé.
Division additionnelle avant l'article 9
M. Philippe Bas, rapporteur. - L'amendement COM-19 tend à introduire un nouveau chapitre relatif à l'application de la proposition de loi dans les territoires ultramarins.
L'amendement COM-19 est adopté.
Article 9
L'article 9 est adopté sans modification.
La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :
La réunion, suspendue à 14 h 20, est reprise à 18 h 05.
Soutien apporté au maire de Saint-Brevin-les-Pins - Audition de MM. Fabrice Rigoulet-Roze, préfet de la région Pays de la Loire, préfet de la Loire-Atlantique, et Michel Bergue, sous-préfet de Saint-Nazaire
M. François-Noël Buffet, président. - Le 17 mai dernier, lors de son audition, Yannick Morez nous a fait part des menaces et des agressions qui l'ont conduit à présenter sa démission de son mandat de maire de Saint-Brevin-les-Pins. Selon lui, les services de l'État ne l'auraient pas assez accompagné - il s'est même senti seul -, dans le projet d'installation d'un centre d'accueil pour demandeurs d'asile (Cada) sur sa commune, alors qu'il était porté par l'État. La contestation par des habitants de sa commune, puis par des mouvements d'extrême droite, a entraîné des menaces et des actions violentes, puisque Yannick Morez a été victime d'un incendie à son domicile.
Aujourd'hui, notre objectif, monsieur le Préfet, monsieur le sous-préfet, est de comprendre votre vision du déroulement des événements, dans le cadre d'une réflexion plus globale sur les relations entre les représentants de l'État et les maires, qui est menée par Maryse Carrère, comme présidente, et Mathieu Darnaud, comme rapporteur, au sein de la mission d'information sur l'avenir de la commune et du maire en France.
Il s'agit également de comprendre le fonctionnement et les éventuels dysfonctionnements du couple maire-préfet. Le but de notre discussion - sereine - est non pas de juger mais de comprendre.
Le Gouvernement a récemment fait des annonces pour repenser la manière dont les élus locaux pouvaient être protégés, en lien avec les préfets. Nous avons lancé une réflexion sur la mission des maires, et une mission d'information fera également des recommandations.
M. Fabrice Rigoulet-Roze, préfet de la région Pays de la Loire, préfet de la Loire-Atlantique. - Je vous remercie de nous avoir donné l'occasion de rendre compte de l'action des services de l'État au sujet du projet d'installation d'un Cada dans la commune de Saint-Brevin-les-Pins.
Tout d'abord, je renouvelle ma solidarité au maire de Saint-Brevin-les-Pins. L'incendie criminel dont lui et son épouse ont été victimes fait actuellement l'objet d'une enquête judiciaire, confiée au pôle criminel de Nantes, et un juge d'instruction a été désigné.
Sa décision de démissionner, motivée par des raisons personnelles et familiales, est fondée sur le fait qu'il ne se sentait plus en mesure d'assurer son mandat, comme il me l'a indiqué dans son courrier du 9 mai dernier. Elle est aussi fondée, comme il l'a dit lors de notre entretien et devant la représentation nationale, sur le sentiment d'une absence de soutien de l'État.
Cette démission est un échec collectif, dont je prends ma part de responsabilité en tant que représentant territorial de l'État. Elle témoigne des conditions de plus en plus difficiles dans lesquelles les personnes dépositaires de l'autorité publique - les élus en général et les maires en particulier - exercent leurs responsabilités.
Je condamne devant vous toutes les violences, qu'elles viennent de l'ultragauche ou de l'ultradroite.
Les maires sont un maillon essentiel de la République et de notre démocratie, comme j'ai pu le mesurer dans les postes préfectoraux que j'ai occupés, aussi bien en outre-mer que dans l'Hexagone, ainsi que dans mes fonctions de directeur général des services d'un conseil départemental.
C'est animé de cette conviction que j'ai pris mon poste en Loire-Atlantique le 30 janvier dernier. Ainsi, dès les premiers jours et dès les premières semaines, j'ai souhaité me présenter à chaque parlementaire, à chaque autorité exécutive des principales collectivités et à aux maires de chaque chef-lieu d'arrondissement. J'ai également pris l'attache des présidents d'associations d'élus. Ainsi, sur l'initiative de l'association des maires de Loire-Atlantique, un webinaire s'est tenu le 13 mars, en présence de l'ensemble des maires du département, à la suite du courrier d'installation que je leur avais envoyé à la mi-février.
À l'occasion de ce webinaire, j'ai pu non seulement me présenter à l'ensemble des maires connectés, mais également souligner, entouré de toute mon équipe, mon attachement au travail de proximité, à l'écoute de leurs préoccupations et à la construction des politiques publiques à leurs côtés. J'ai également réaffirmé mon entière disponibilité à l'égard de chacun des maires, notamment pour visiter leur commune. Ces prises de contact directes sont un préalable nécessaire au moment de prendre un poste avec des responsabilités territoriales.
Le contexte social du moment a pesé sur mes autres priorités d'agenda. Les enjeux d'ordre public dans le département en général et particulièrement à Nantes ont été denses et ont nécessité la mobilisation permanente, de jour comme de nuit, du corps préfectoral ainsi qu'un engagement remarquable des forces de sécurité intérieure, à qui je veux rendre un hommage appuyé.
En moins de trois mois, plus de quarante manifestations en lien avec le mouvement de contestation de la réforme des retraites ont eu lieu : des journées nationales d'action, des marches aux flambeaux, des manifestations de contestation d'interpellations et des blocages divers. Elles ont mobilisé des renforts et ont engendré des troubles - parfois très graves - à l'ordre public, malgré la grande responsabilité des organisations syndicales, en raison de la présence de plus en plus nombreuse de casseurs et d'éléments d'ultragauche constitués en bloc, qui s'en sont pris aux forces de l'ordre et à certains bâtiments institutionnels, en plus du mobilier urbain.
La semaine au cours de laquelle un incendie criminel a été commis à l'encontre du maire de Saint-Brevin-les-Pins avait été ponctuée par de lourds troubles à l'ordre public. Des affrontements violents ont eu lieu dans la nuit du 21 au 22 mars sur le site de l'appontement de Donges. Le 22 mars, le pont de Saint-Nazaire a été bloqué et fortement dégradé. C'est à l'issue de l'opération de maintien de l'ordre visant à le rouvrir à la circulation que j'ai appelé le maire, afin de l'assurer de mon soutien et lui dire que j'étais à sa totale disposition.
Le 23 mars, cinq manifestations d'ampleur étaient organisées dans le département, lors de la journée nationale d'action, dont deux à Nantes et à Saint-Nazaire. Elles ont donné lieu à des violences importantes contre les forces de l'ordre et à des attaques ciblées contre certains bâtiments publics : la sous-préfecture de Saint-Nazaire, dont les agents étaient restés à l'intérieur, a été prise d'assaut pendant plusieurs heures ; le tribunal administratif a subi des intrusions et des tentatives d'incendie. L'intensité des violences de cette journée est malheureusement illustrée par le chiffre des 77 policiers et militaires de la gendarmerie nationale blessés ce jour-là.
Le 24 mars, après une audience en préfecture, fixée quinze jours auparavant, avec les députés de la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (Nupes), je me suis rendu auprès de mes agents et auprès du président du tribunal administratif et de la cheffe du personnel du greffe, afin d'examiner les dégâts et envisager avec eux la mise en place de mesures urgentes de sécurisation. Je suis également allé remercier les forces de l'ordre, notamment celles qui ont été le plus durement éprouvées par les violences de la veille. La semaine précédente, à Nantes, quatre jours de manifestation ont nécessité de mobiliser des forces de l'ordre ; la semaine suivante, avec son lot de blocages et de manifestations, était de même nature, en raison notamment de la journée nationale d'action du 28 mars, qui a réuni près de 20 000 manifestants.
Dans ce contexte, la gendarmerie, le sous-préfet et moi-même avons, je crois, accordé une attention immédiate et requise au maire et à l'incendie dont il a été victime, qui nécessitait notre soutien institutionnel et personnel, que nous avons témoigné le jour même, dans la matinée pour le sous-préfet et dans l'après-midi pour moi-même. Malgré la charge croissante de la gestion de l'ordre public, je ne crois pas que l'État ait oublié de soutenir et d'accompagner un maire lâchement ciblé par un incendie dont l'origine criminelle a été confirmée. L'État a encore moins oublié de prendre ces éléments au sérieux. D'ailleurs, les gendarmes ont pris sans délai des mesures de protection renforcées au bénéfice du maire de Saint-Brevin-les-Pins, après l'incendie criminel.
Le sous-préfet apportera également tous les éléments de détails dont nous devons vous rendre compte pour l'accompagnement au long cours de ce dossier, qui n'a pas pu empêcher le départ du maire de Saint-Brevin-les-Pins.
Cette démission est un événement grave, qui doit susciter toute notre attention, surtout s'agissant d'un élu de la République qui estime ne plus être en mesure d'exercer le mandat qui lui a été confié à cause de pressions, d'intimidations ou de menaces. Elles ont été accentuées à la suite de la récupération politique de l'extrême droite et de mouvements nationaux venus de l'extérieur de la commune. Elles ont été proférées à son encontre et à celle de son équipe municipale et ont rejailli sur la population de Saint-Brevin-les-Pins et sur la population de migrants qui est accueillie depuis plusieurs années par la structure gérée par notre opérateur.
Je souhaite lever un malentendu ou une incompréhension qui a fait suite au point presse que j'ai tenu le 11 mai dernier, après que le maire de Saint-Brevin-les-Pins m'a envoyé son courrier de démission. Contrairement à ce qui est écrit dans une dépêche de l'Agence France-Presse (AFP) de la même date, je n'ai jamais affirmé avoir eu régulièrement ou de nombreuses fois le maire au téléphone. Ce n'est en effet pas le cas.
J'ai indiqué à la presse que je l'avais eu le 10 mai au téléphone, après avoir reçu son courrier, pour lui renouveler mon soutien. Je l'avais déjà fait à plusieurs reprises. Tout d'abord, de vive voix, à deux reprises - le 22 mars et le 10 mai - et le 4 avril via le secrétaire général de la préfecture, qui l'a appelé en mon nom et à ma demande expresse, pour l'assurer de tout mon soutien et lui indiquer que nous allions organiser une audience avec le collectif anti-Cada, pour honorer l'engagement qu'il avait pris. Elle s'est tenue le 26 avril, en concertation avec son cabinet.
Ensuite, je l'ai fait par les consignes que j'ai données personnellement de ne laisser ni la commune, ni son maire, ni l'équipe municipale isolés, lors des deux manifestations hostiles à l'implantation du Cada, qui ont eu lieu le 25 février et le 29 avril. Cela a été également le cas en mobilisant d'intenses moyens d'ordre public qui dépassent le cadre commun de manifestations réunissant moins de 2 000 personnes, mais surtout en décidant la présence d'un sous-préfet et d'un officier général de gendarmerie sur place aux côtés de l'élu. Il s'agissait de bien marquer notre soutien et notre accompagnement.
Je n'ai pas dit non plus avoir organisé de réunions publiques. En effet, je n'ai pris mes fonctions qu'à la fin du mois de janvier 2023, alors que la concertation sur le projet s'est déroulée principalement en 2022. J'ai simplement indiqué, sur le fondement des comptes rendus qui m'ont été présentés, que depuis 2021 le soutien de l'État sur le dossier du Cada a été constant, et que la participation de l'État aux côtés de la municipalité s'est faite dans le cadre de réunions publiques, de concertations et d'échanges. Je faisais ainsi référence aux réunions organisées sur l'initiative de la mairie le 5 octobre, le 5 novembre 2021 et le 22 février 2022, qui associaient, outre l'opérateur de l'État, d'abord les représentants de parents d'élèves et un enseignant, puis l'ensemble des parents d'élèves et des enseignants, le 22 février.
Je faisais également référence à la comitologie ad hoc pilotée par notre opérateur, qui a donné lieu à plusieurs réunions : le 5 avril 2022, le 3 mai 2022, le 21 novembre 2022 et le 13 avril 2023. Ces réunions ont associé, outre notre opérateur, le bailleur social, l'adjointe chargée de la vie scolaire, le collectif des Brevinois attentifs et solidaires, et, pour les deux premières d'entre elles, le collectif des opposants au projet de Cada. Ces derniers ont cessé leur participation à l'automne 2022, période qui correspond à la radicalisation de la contestation et à sa récupération politique par la mouvance d'extrême droite.
Au-delà de ces éléments factuels, je comprends néanmoins que tout cela n'a pas répondu aux attentes de la municipalité. Cela doit nous faire réfléchir sur les mesures qui auraient pu mieux répondre aux attentes du maire et des élus.
En ce qui concerne les mesures de sécurité prises par l'État et mises en oeuvre par la gendarmerie, il m'a été rendu compte que, au début de la contestation, la compagnie de Pornic et la brigade de Saint-Brevin-les-Pins ont porté une attention particulière sur tous les aspects de ce dossier : manifestations, confrontations des antagonistes, tractages, « taggages », sécurité des sites et protection des personnes.
Des liens étroits ont été établis entre la mairie et la brigade de gendarmerie, notamment au cours des réunions qui ont eu lieu toutes les deux semaines, où étaient présents l'adjoint chargé de la sécurité et le commandant de la communauté de brigades. En complément de ces réunions régulières, d'autres ont été organisées à la suite de la montée des tensions, soit en vue de préparer des actions de voie publique, soit pour aborder des sujets plus spécifiques.
Les manifestations qui se sont déroulées à Saint-Brevin-les-Pins le 15 octobre, le 8 novembre et le 11 décembre 2022 ont été sécurisées par la gendarmerie départementale et ont donné lieu à quelques invectives, sans entraîner plus de trouble à l'ordre public. Les deux dernières, celles du 25 février et du 29 avril, se sont caractérisées par la présence de participants extérieurs à la commune et au département, dans le camp tant des pro- que des anti-Cada.
Dans ces conditions, elles ont donné lieu à un service d'ordre robuste et fortement dimensionné en termes de mobilisation des forces demandées au préfet de zone de défense et de sécurité et attribuées. Ainsi, nous avons mobilisé trois unités le 25 février et deux unités et un drone le 29 avril. Voici le bilan de la manifestation : une voiture brûlée en dehors du périmètre de protection appartenant à un manifestant anti-Cada, dégradations de mobilier urbain et de certaines vitrines commerciales ; un manifestant et trois fonctionnaires des compagnies républicaines de sécurité (CRS) ont été blessés. Tous les troubles à l'ordre public n'ont pu être évités et c'est regrettable. Mais les forces de l'ordre ont tenu le dispositif dans un contexte compliqué, compte tenu de la recherche permanente d'affrontements.
Dès le 23 mars, un passage systématique des patrouilles, soit quatre fois par jour, a été mis en oeuvre devant le domicile du maire et de six élus municipaux. Leur domicile a également été inscrit au fichier de sécurisation des interventions et de protection (SIP) de la gendarmerie. Le renforcement des contacts réguliers s'est traduit dès le 28 mars par une réunion organisée sur l'initiative du commandant de compagnie en présence du maire et des élus. Dans son courrier du 7 avril, le maire de Saint-Brevin-les-Pins demandait la mise en place d'une protection renforcée, auquel le sous-préfet a répondu le 11 avril.
En dépit de tous ces éléments factuels, nul ne peut, en tant que serviteur de l'État, en tant que républicain ou citoyen, se satisfaire d'une situation qui aboutit à ce qu'un maire estime qu'il n'a pas d'autres choix que de démissionner.
En examinant avec attention chacune des pièces, chacune des décisions qui ont pu être prises, je me suis posé deux questions, avec beaucoup d'humilité.
Premièrement, est-ce qu'une information est passée à la trappe ? Est-ce qu'un fait n'a pas été traité correctement ou évalué à sa juste mesure ? Nous avons tout vérifié pour être certains que tel n'était pas le cas, y compris la collection des notes produites par les services du renseignement territorial depuis 2021.
Deuxièmement, est-ce que nous aurions pu faire mieux ? Je me pose cette question à chaque gestion de crise depuis que j'exerce des responsabilités. Il me semble avoir prêté, dès mon arrivée dans ce département, le 30 janvier, une attention particulière à cette situation singulière à bien des égards, où un sujet local devient l'otage d'une récupération politique, dépassant ainsi le dialogue normal d'un maire avec ses concitoyens. Il me semble avoir prêté à cette situation une attention personnelle pour essayer de garantir autant que faire se peut l'ordre public à Saint-Brevin-les-Pins et apporter mon soutien au maire.
Pourtant, malgré les moyens mobilisés, malgré l'engagement des services de l'État, notamment la gendarmerie nationale, le maire a ressenti une forme d'abandon. Ce sentiment retient toute mon attention.
Même si le processus mis en place à l'origine correspondait à une vision partagée et que personne ne conteste le fort engagement de notre opérateur, aurait-il fallu la présence quotidienne et en direct du corps préfectoral ? Depuis le 30 janvier, lorsqu'une intervention directe a été sollicitée, j'ai souhaité y donner suite sans délai, compte tenu de la montée des tensions. Je fais là référence à l'organisation de la réunion du 26 avril, sous l'autorité du secrétaire général de la préfecture, à la suite d'une saisine par mail du directeur de cabinet du maire sur une boîte fonctionnelle de la préfecture le 30 mars et le 3 avril, à la suite desquelles le secrétaire général a appelé en mon nom le maire de Saint-Brevin-les-Pins, comme je l'ai indiqué précédemment.
La mobilisation d'unités de forces mobiles en renfort ainsi que la présence d'un sous-préfet et d'un officier général de gendarmerie peut sembler être une réponse uniquement en réaction aux événements, mais il faut bien se figurer ce qu'elle implique en termes de mobilisation de forces, dans un contexte où la zone de défense et de sécurité était sollicitée en permanence et où les événements s'enchaînaient.
En ce qui concerne les pressions exercées à l'encontre du maire ou d'autres personnes de la commune, les décisions ont été prises sans interférer avec l'autorité judiciaire, et sur le fondement des éléments à la disposition des forces de sécurité intérieure, de leurs moyens mobilisables et du contexte de tension.
Les décisions que nous avons prises semblaient, à chaque étape, adaptées et proportionnées. Rétrospectivement, la question se pose avec d'autant plus d'acuité que des faits criminels ont été commis.
Nous agissons sur la base des services opérationnels. J'accepte le questionnement, je le formule moi-même. Prévenir l'intégralité du risque pour éviter que des menaces implicites ou explicites ne se concrétisent est un objectif que tout le monde doit partager, mais il faut toutefois se poser la question des moyens disponibles ou existants pour l'atteindre.
Dans le champ de contraintes de l'État local en cette période, j'ai essayé de me montrer disponible pour discuter avec le maire de Saint-Brevin-les-Pins personnellement ou par le biais de mes plus proches collaborateurs. Si l'on fait abstraction du contexte décrit, rétrospectivement, mon réflexe spontané aurait évidemment été d'aller le saluer en mairie, dès la commission de l'incendie, comme je l'ai fait lorsque c'était possible à Nantes en pareilles circonstances.
J'ai toujours ouvert tous les canaux possibles pour prendre en compte le ressenti des agents des services de l'État, des membres des forces de sécurité intérieure, des magistrats du tribunal administratif, des exécutifs et des élus du conseil départemental ou de la ville de Nantes, ou encore des commerçants. Ces canaux ont-ils été suffisants pour percevoir l'ampleur du désarroi, y compris personnel, du maire ? De toute évidence non, puisque le résultat est la décision du maire. Il faut se demander si et comment l'on aurait pu mieux faire et de quels moyens il faudrait disposer pour aller au bout de cette logique.
Peut-être est-ce à cette dimension d'échanges formalisés et à la meilleure prise en compte de souffrances qui ne s'expriment pas aisément que pourra répondre le réseau des référents et la création du centre d'analyse et de lutte contre les atteintes aux élus, annoncée le 17 mai dernier par le Gouvernement, à laquelle nous devons être de plus en plus attentifs.
Je comprends que le sentiment d'isolement puisse conduire au découragement. L'enchaînement des circonstances, en dépit de ce qui a été entrepris, n'a pas permis d'anticiper la volonté du maire de Saint-Brevin-les-Pins de démissionner. Or chaque démission d'un élu est une défaite pour la démocratie.
Il faut en tirer des enseignements rétrospectivement et pour l'avenir, afin d'adapter nos réponses, surtout s'il s'agit d'éviter la démission d'un maire ou de tout élu. Ils sont confrontés à un exercice à la fois de plus en plus exigeant et de plus en plus difficile. Tel est le coeur de l'action de l'État territorial : être aux côtés des élus de la République.
M. Michel Bergue, sous-préfet de Saint-Nazaire. - Je suis en poste comme sous-préfet de l'arrondissement de Saint-Nazaire depuis le 3 décembre 2018. À ce titre, j'ai été présent depuis le début du dossier de création d'un Cada collectif sur la commune de Saint-Brevin-les-Pins.
Depuis 2016, un centre d'accueil et d'orientation pour demandeurs d'asile, devenu en 2019 un hébergement d'urgence pour demandeurs d'asile (Huda) a été créé sur la commune de Saint-Brevin-les-Pins dans un centre de vacances appartenant aux oeuvres sociales d'EDF, loué à l'année et géré par une association opérateur de l'État. Les personnes hébergées ne posent aucune difficulté particulière dans la commune, de l'avis même du maire, avec qui je m'en étais entretenu quelque temps après mon arrivée en poste.
Au début de l'année 2021, la secrétaire générale adjointe de la préfecture m'apprend qu'il est envisagé de pérenniser cet hébergement d'urgence en Cada, sous l'effet de l'acquisition du site, que le comité des oeuvres sociales d'EDF souhaitait vendre.
Je saisis l'occasion d'une visite sur un tout autre sujet dans la commune, le 11 mars 2021, pour en informer le maire et le député de la circonscription. Ces derniers m'indiquent, sur le moment ou quelques jours après par téléphone, que la localisation actuelle dans le centre de vacances ne leur paraît pas correspondre à la vocation touristique de ce secteur. Je leur réponds que l'État est ouvert à d'autres options de localisation sur la commune, pour peu que la municipalité soit en mesure de proposer un autre site.
Le 15 avril 2021, la commune propose le site de la Pierre Attelée. Le 12 mai, l'association Aurore, opérateur choisi par l'État, lance l'étude du dossier sur ce nouveau site, en lien avec le bailleur social CISN. Le projet est envoyé au ministère le 18 juin 2021, qui l'accepte, et j'en informe officiellement le maire par courrier du 3 août 2021.
Le 5 octobre 2021, sous la présidence du maire, a eu lieu une première réunion de présentation du projet par l'opérateur Aurore, à laquelle assistent des représentants de parents d'élèves, une enseignante, les directrices du centre de loisirs et du service périscolaire. La commune opte pour une communication ciblée - distribution de tracts dans les boîtes aux lettres, réunions associant le public concerné sur invitation - à l'intention des enseignants et des parents d'élèves de l'école voisine, élargie à quelques voisins du site. Une première réunion aura lieu le 16 novembre au centre de loisirs et une deuxième à l'école de la Pierre attelée le 22 février 2022, animées par le directeur territorial d'Aurore, opérateur de l'État, en présence de l'adjointe à la vie scolaire.
Toutefois, le bulletin municipal d'octobre 2021 publie un communiqué pour informer l'ensemble de la population, en indiquant, à quatre reprises, que ce projet est porté par l'État. Le journal Ouest-France reprend cette information dans son édition du 7 octobre 2021.
Aucune opposition au projet n'est manifestée jusqu'à la réunion du 22 février 2022. Lors de cette réunion, qui réunit toutes les parties prenantes, une quarantaine de personnes à peu près, une dizaine de parents d'élèves et de voisins signalent leurs inquiétudes concernant le projet. Ils seront à l'initiative de la création d'un collectif. Aussi, l'opérateur propose la création d'un comité de suivi pour faciliter l'acceptation du projet. Ouvert aux opposants, et certains y participent, il réunit à quatre reprises - les 5 avril, 3 mai, 21 novembre 2022 puis 13 avril 2023 -, outre l'opérateur Aurore, l'adjointe à la vie scolaire, le bailleur social, le collectif des Brevinois attentifs et solidaires, qui apportent leur aide aux demandeurs d'asile hébergés, et, lors de la plus récente, la gendarmerie.
Ce projet de transfert ne semble pas soulever d'opposition jusqu'à cette réunion de février 2022. Toutes les réunions précédentes se sont déroulées sans difficulté. Du reste, la présence déjà ancienne de demandeurs d'asile sur la commune n'a jamais posé aucun problème. Le dossier est donc traité, conformément à la mission qui lui a été confiée par l'État, par l'opérateur Aurore, avec l'appui, le cas échéant, de la direction départementale de l'emploi du travail et des solidarités (DDETS), sous l'autorité du secrétaire général et de la secrétaire générale-adjointe de la préfecture.
Le 9 mars, le permis de construire délivré par la mairie est contesté par le collectif ; leur recours gracieux est rejeté. Aussi, le collectif demande un rendez-vous au préfet, qui me charge de les recevoir. Au cours du rendez-vous, qui a lieu le 10 mai 2022 à la sous-préfecture, je rappelle le cadre dans lequel l'État intervient et confirme qu'il en est bien le porteur de projet. Ils s'opposent au choix du site d'implantation et contestent la supposée illégalité du permis de construire. Si je rejette leurs remarques sur l'opportunité du choix du site, je leur indique que je vais faire examiner les arguments juridiques contre le permis développés devant moi. Ainsi, je leur réponds le 21 juin 2022 que, suivant l'analyse de la direction départementale des territoires et de la mer (DDTM), leurs arguments juridiques ne sont pas fondés.
Par la suite, les services de l'État - inspection d'académie, ministère de l'intérieur - ou moi-même avons été saisis à plusieurs reprises, par courrier ou par courriel, de différents points qui se révèlent tout aussi infondés. Je leur apporte, ainsi qu'à quelques courriers similaires de particuliers, des réponses écrites les 5 août et 6 décembre 2022, puis le 13 janvier 2023.
À partir de l'automne 2022, le collectif, baptisé « Collectif pour la préservation de la Pierre Attelée. Non à la localisation du Cada », organise des manifestations pour marquer son opposition au projet, le 15 octobre 2022 devant la mairie, puis le 8 novembre devant le futur bâtiment du Cada. Ces manifestations sont déclarées en mairie, conformément à la loi. Le collectif des Brevinois attentifs et solidaires, favorables à l'installation du Cada, appelle à une contre-manifestation.
Le samedi 15 octobre, une cinquantaine de manifestants anti-Cada participent devant la mairie, en présence de quelques militants du Rassemblement national. Le collectif des Brevinois attentifs et solidaires, favorables à l'installation du Cada, qui a appelé, la veille, à une contre-manifestation, réunit une centaine de participants. La gendarmerie locale présente ne constate aucun affrontement entre les deux groupes, mais seulement quelques invectives à distance.
Le mardi 8 novembre, la manifestation anti-Cada devant le futur site ne réunit que vingt-cinq participants et aucune contre-manifestation n'a lieu.
Jusqu'ici, la contestation est très locale, aussi bien sur le plan juridique que sur la place publique. L'État est pleinement présent : moi-même, pour recevoir les opposants et leur répondre ; la gendarmerie départementale, pour gérer les manifestations.
Une nouvelle manifestation anti-Cada est organisée par le collectif le dimanche 11 décembre. Celle-ci, toujours déclarée, s'annonce plus importante. Elle comporte un défilé à travers la ville - un jour de marché - jusqu'à la mairie. On annonce la participation éventuelle de militants, voire de personnalités politiques extérieures à la commune. Une contre-manifestation est également prévue, sur le bord de mer, à 150 mètres environ de la mairie.
Après une réunion avec les services de sécurité, j'appelle personnellement le maire sur son téléphone portable le 5 décembre pour lui indiquer qu'il convient de demander aux manifestations anti-Cada de modifier leur parcours, pour éviter les risques de contact entre les deux groupes. Je précise en effet qu'en zone gendarmerie le maire peut prendre ce type de mesures. À l'issue d'une réunion entre l'adjoint à la sécurité, Thierry Deville, conseiller départemental, et le commandant de compagnie de gendarmerie, les organisateurs sont prévenus du nouveau parcours imposé, si je puis dire.
Ce jour-là, quelque 150 participants sont présents au défilé qui se termine devant la mairie, dont des militants du Rassemblement national, des partis Reconquête ! et Les Patriotes, tandis que 200 manifestants pro-Cada sont réunis au bord de mer. Les deux groupes sont tenus à bonne distance par une présence importante de la gendarmerie départementale. Les membres du collectif Pierre Attelée brandissent des slogans hostiles au Cada et scandent : « Morez, référendum ! ».
Au cours de l'automne 2022, j'ai l'occasion de rencontrer le maire à au moins deux reprises : le 8 novembre, dans la commune voisine de Paimboeuf, pour la signature d'une convention Petites Villes de demain, et le 21 novembre, à la mairie de Saint-Brevin-les-Pins, pour le comité de pilotage annuel du contrat de ruralité, de relance et de transition écologique entre l'État et la communauté de communes qu'il préside. Je rencontre également l'adjoint à la sécurité, Thierry Deville, le 18 décembre pour contrôler le feu d'artifice qui sera tiré le soir même, sur l'initiative de la commune. À aucun moment il n'a été question, au cours de ces rencontres ou en marge, de menaces ou de diffamations proférées à l'encontre du maire ou des élus de la commune.
Le 24 janvier 2023, je participe à Saint-Brevin-les-Pins à une cérémonie de pose de première pierre de la future brigade de gendarmerie, dont la communauté de communes est maître d'ouvrage. La presse locale m'interroge à ce sujet et à propos du Cada. Or, au cours du mois de décembre, j'ai reçu à la sous-préfecture un courrier assez scandaleux sur la question des migrants à Saint-Brevin-les-Pins, signé par un collectif, donc non nominatif. Il récapitulait toute une série de faits criminels à travers l'Europe impliquant des migrants et faisant clairement un amalgame. Je saisis donc l'occasion qui m'est donnée pour dénoncer publiquement ces propos. Je rappelle que l'État est responsable de la création du Cada, que l'aménagement du site ira à son terme et que les propos contenus dans ce courrier pourraient relever du délit d'injure raciale.
Je n'évoque pas les injures, menaces ou diffamations envers les élus, car, à ce moment-là, aucune information sur de tels agissements ne m'a été remontée.
Mes propos sont repris dans deux articles de presse du 25 janvier, l'un d'Ouest-France, l'autre de Presse Océan.
Au moment de partir, le maire me remet la copie d'un courrier adressé personnellement au préfet, alors Didier Martin. Dans ce courrier, daté du 23 janvier, il évoque pour la première fois un manque de soutien de l'État pour la construction du Cada ainsi que des actes d'intimidation à l'encontre de l'équipe municipale. En pratique, il demande au préfet de faire ce que je venais de faire spontanément, avant d'avoir pris connaissance de ce courrier, à savoir soutenir ce projet de l'État et dénoncer devant la presse les agissements de l'extrême droite.
En lien avec le directeur général de France d'Aurore, deux réunions sur le dossier du Cada sont organisées le vendredi 10 février : l'une sur le site actuel des oeuvres sociales d'EDF d'hébergement des migrants, avec le collectif des Brevinois attentifs et solidaires, qui réclament également un soutien ; l'autre, en mairie, avec le maire et quelques membres de la municipalité. Le commandant de la compagnie de gendarmerie participe également à cette deuxième réunion.
Au cours de la réunion avec le collectif des Brevinois attentifs et solidaires, je les incite à ne pas organiser leur manifestation aux mêmes heures que celle qui est prévue par le collectif anti-Cada, pour éviter les risques d'affrontement, ce qu'ils acceptent.
Au cours de la réunion en mairie, le maire et les adjoints présents mentionnent des courriels envoyés aux enseignants et aux parents d'élèves, des tracts distribués devant l'école et des articles injurieux sur des sites internet, notamment le site ripostelaique.com. De plus, ils évoquent les manifestations récentes de l'automne.
Le commandant de gendarmerie et moi-même rappelons à nos interlocuteurs qu'il convient de distinguer ce qui relève de la liberté de manifestation et de la liberté d'expression. Ainsi, on a le droit d'être opposé à la création d'un Cada comme à tout autre projet important et de manifester pacifiquement pour le faire savoir, de tracter sur la voie publique pour faire connaître son opposition. Toutefois, il est impératif de déposer plainte en gendarmerie si des écrits, des articles, ou des propos contiennent des menaces, des injures ou des propos diffamatoires.
Nous leur rappelons également que, malheureusement, ce dernier type d'agissements est désormais très fréquent, que les enquêtes sont généralement assez longues, l'identification des auteurs sur les réseaux sociaux difficile, et la caractérisation des infractions compliquée.
Depuis les débuts du durcissement de l'opposition au Cada, la gendarmerie est pleinement mobilisée pour pacifier la commune. Elle intervient sur chaque événement lié au mouvement anti-Cada, même si la police municipale est déjà présente. Toutes les plaintes déposées en gendarmerie ou les signalements de fait potentiellement délictueux - menaces, injures, appel à la haine - émanant de personnes, d'associations ou d'institutionnels dans cette affaire font l'objet d'un traitement. Cela a aussi bien été le cas avant cette réunion du 10 février qu'après. Les personnes distribuant des tracts font l'objet d'un contrôle et d'un relevé d'identité. À la date du 10 février, trois procédures sont déjà en cours pour des faits de diffamations ou d'injures, parfois même sans plainte formelle.
Les représentants de parents d'élèves et la directrice de l'école de la Pierre Attelée sont entendus dès le mois de janvier et réunis en mairie le 27 janvier 2023 en présence du commandant de brigade. Ce dernier leur rappelle ainsi qu'aux élus la nécessité de prévenir plus systématiquement et sans délai la gendarmerie de tout fait lié à la contestation du Cada.
La situation du Cada, devenue une préoccupation essentielle de l'État local, est analysée à partir de décembre 2022 à chacune des réunions des forces de sécurité, en sous-préfecture, soit toutes les deux semaines, sous ma présidence.
Au cours de la réunion du 10 février, le maire mentionne le vote en conseil municipal, trois jours auparavant, d'une motion de soutien aux migrants, en présence d'opposants. La brigade de gendarmerie, qui a été prévenue, était postée à proximité, afin d'intervenir en cas de nécessité. Les règles d'intervention en cas de contestation - le vote du huis clos - ont été rappelées au maire. Les opposants ne sont pas intervenus ; le conseil s'est tenu normalement.
Nous avons appris ultérieurement que le maire, à défaut de déposer formellement une plainte, a fait un signalement par écrit au procureur de la République de Nantes le 15 février, dans lequel il fait état de différents écrits, tracts et messages sur les réseaux sociaux, qui contestent avec virulence l'implantation future du Cada et qui contiennent des propos violemment anti-migrants.
Toutefois, à ce moment-là, aucune alerte particulière relative à des menaces immédiates portant sur l'intégrité physique des élus de la commune ne nous est parvenue.
Le samedi 25 février, une nouvelle manifestation a lieu, sur l'initiative du collectif anti-Cada, rebaptisé « Préservation de la Pierre Attelée », l'après-midi devant la mairie, qui, comme les précédentes, a fait l'objet d'une déclaration. À son tour, le collectif des Brevinois attentifs et solidaires organise une manifestation, déclarée également, mais pour le samedi matin. Or la présence de militants d'ultragauche est annoncée pour une manifestation dans l'après-midi, qui n'a pas été déclarée ; de même, la présence de manifestants d'ultradroite est annoncée dans la manifestation de l'après-midi. Aussi, les services de l'État ont demandé au maire de prendre un arrêté de police visant à bien séparer les lieux de manifestation, ce qu'il fait le 23 février.
En présence de mon collègue sous-préfet de permanence départementale, sur consigne explicite du préfet, et du général commandant la région de gendarmerie, trois unités de forces mobiles sont nécessaires pour protéger la mairie, pour tenter d'éviter les affrontements et pour séparer les ultras. Près de 900 manifestants pro-Cada sont présents le matin dans le calme ; quelque 380 manifestants anti-Cada sont présents l'après-midi, dont 80 militants d'ultradroite. Quelque 200 militants d'ultragauche l'après-midi tentent de forcer le barrage policier et attaquent violemment les forces de l'ordre.
La semaine du lundi 20 mars 2023 est une particulièrement difficile. L'opposition à la réforme des retraites, déjà bien installée au fil des manifestations successives, notamment à Nantes et Saint-Nazaire, se durcit.
Dans la nuit du 20 au 21 mars, j'accompagne les forces de l'ordre qui cherchent à libérer un appontement occupé, afin de permettre le débarquement de carburant destiné au pipeline alimentant la région parisienne.
Le 22 mars, le pont de Saint-Nazaire est coupé la plus grande partie de la journée et les installations de signalisation ont été dégradées - le coût des dégradations est estimé à 800 000 euros.
Le 23 mars, une manifestation à Saint-Nazaire vire à l'émeute ; la sous-préfecture, assiégée, manque de peu d'être envahie. Elle est épargnée in extremis grâce à des renforts venus en urgence de Nantes, les locaux municipaux nazairiens sont dégradés, alors même que la manifestation à Nantes est également extrêmement violente.
Le 22 mars, en tout début de matinée, alors que les gendarmes de la compagnie de Pornic tiennent le milieu du pont pour tenter d'empêcher son occupation totale, j'apprends que les véhicules du maire de Saint-Brevin-les-Pins ont été incendiés ainsi qu'une partie de son domicile, où se trouve aussi son cabinet médical, qui a été touché par les flammes. Le maire effectue sa déposition auprès de la brigade de recherche de Saint-Brevin-les-Pins. Dès la fin de celle-ci, je l'appelle, soit un peu avant 11 heures. Notre conversation dure un quart d'heure. Je sens qu'il est choqué, mais qu'il reste cohérent au cours de notre entretien, qui porte sur les faits, mais également sur des hypothèses concernant les auteurs. Je lui apporte mon soutien. Le préfet, quant à lui, l'appelle dans l'après-midi.
À ce jour, cet incendie n'a pas fait l'objet d'une quelconque revendication. L'enquête confiée à la section de recherches de Nantes n'a permis d'en identifier ni les auteurs ni les motifs.
Dans les jours qui ont suivi, la gendarmerie met en place une protection renforcée du domicile du maire, dans les conditions que j'ai rappelées dans le courrier que je lui adresse le 11 avril, en réponse à son courrier du 7 avril : inscription au logiciel d'alerte prioritaire de son domicile déclenchant une intervention immédiate en cas d'alerte, intensification des contacts réguliers avec le commandant de brigade et patrouilles régulières devant son domicile.
Le 24 mars, je me rends à une inauguration à Pornic, en présence de nombre d'élus, notamment de parlementaires. Dans les conversations, la situation de Saint-Brevin-les-Pins est bien sûr évoquée, ainsi que le contexte national sur la réforme. Contrairement à ce que je pensais, les communes étant assez proches, le maire de Saint-Brevin-les-Pins n'est pas présent.
Les manifestations violentes se poursuivent au cours des semaines suivantes, à raison d'une par semaine jusqu'au 1er mai.
Le 28 mars une réunion est organisée à la demande du commandant de compagnie, en présence du maire et de plusieurs élus, sur la question de leur sécurité, à la suite des propos tenus dans la presse sur le manque de soutien de l'État. Un point est fait avec le maire sur les procédures en cours pour les diverses plaintes, signalements et faits constatés. C'est à cette occasion que Yannick Morez évoque des courriers qu'il a reçus plus tôt, dont il a fait mention dans son courrier au procureur de Nantes le 15 février. Les gendarmes lui en demandent communication.
Le matin du vendredi 7 avril, je reçois un courriel, adressé par son directeur de cabinet, contenant une lettre du maire, dans laquelle il demande une protection comparable à celle dont bénéficie le maire de Bélâbre dans l'Indre. J'évoque ce sujet avec le préfet dans l'après-midi, à Nantes, où je suis présent pour une réunion. Nous convenons des termes de la réponse, que je partage avec le commandant de compagnie, et que j'adresse au maire, le lendemain du lundi de Pâques, le mardi 11 avril.
Ensuite, je me rends à une table ronde, au cours de laquelle je dois intervenir, relative à la protection des élus et organisée dans la commune du Pouliguen sur l'initiative du sénateur du département de Loire-Atlantique. Le maire de Saint-Brevin-les-Pins devant témoigner, c'est l'occasion d'évoquer oralement son courrier. Dans son témoignage, le maire de Saint-Brevin-les-Pins se plaint du manque de soutien de l'État en général et de moi-même en particulier. Au moment où je prends à mon tour la parole, Yannick Morez, invoquant une obligation, quitte la réunion. C'est la dernière fois que je l'ai vu, avant qu'il n'adresse sa lettre de démission.
Dans mon courrier du 11 avril, en réponse à sa lettre du 7 avril, après lui avoir indiqué qu'il disposait déjà de la même protection que celle du maire de Bélâbre, dont je rappelle les modalités, je lui indique que l'évaluation de la menace qui pèse sur lui-même et sa famille va être réactualisée, à la suite de sa demande, par la gendarmerie. En effet, avant toute demande de ce type, une évaluation doit permettre de caractériser le danger encouru, relevant d'informations obtenues dans un cadre administratif, voire judiciaire dans les enquêtes en cours.
La compagnie de gendarmerie le relance par courriel le 15 avril pour une rencontre dans le cadre de sa protection et de celle de son domicile, notamment pour réaliser un diagnostic de la cellule de protection technique contre la malveillance, qui a déjà été proposé oralement après l'incendie du 22 mars. Cette mesure suppose l'accord exprès de la personne concernée. En l'absence de réponse, Yannick Morez est relancé oralement par le commandant de compagnie le 6 mai à une exposition temporaire au musée de la Marine de Saint-Brevin-les-Pins.
Une nouvelle manifestation a lieu le samedi 29 avril à Saint-Brevin-les-Pins. L'adjoint à la sécurité et la gendarmerie ont des contacts le mardi 25 avril, puis le maire publie un arrêté de police, assez semblable à celui qui a paru à l'occasion de la manifestation du 25 février, pour réglementer la manifestation sans l'interdire. Conformément aux consignes du préfet, je suis présent, toute la journée, avec le procureur de la République, le général de gendarmerie et l'adjoint à la sécurité. Deux unités de forces mobiles sont mobilisées pour assurer la protection de la mairie, comme le 25 février, et séparer la manifestation déclarée du collectif de la Pierre Attelée de celles des militants d'ultragauche.
Le collectif des Brevinois attentifs et solidaires a également prévu une manifestation, sous forme de pose de première pierre devant le site du futur Cada. Le rassemblement a donc lieu assez loin de la mairie pour éviter tout risque de contact avec le collectif anti-Cada. Je salue à cet égard leur sens des responsabilités.
Quelques affrontements très brefs ont lieu en ville lorsque les ultras des deux camps se rencontrent, mais ces derniers sont très vite séparés par les forces de l'ordre. Une voiture appartenant manifestement à un opposant au Cada, identifiée par la présence de banderoles, est brûlée par l'ultragauche. Devant la mairie, environ 240 manifestants anti-Cada sont présents. Les forces de l'ordre qui font barrage sont agressées à plusieurs reprises par l'ultragauche. Environ 300 personnes tentent de parvenir devant la mairie pour affronter les manifestants du collectif, qui sont un peu plus d'une centaine et qui sont soutenus par plus d'une centaine de manifestants d'ultradroite.
Depuis cette date et sur cette affaire, seuls quelques tags des deux camps ont été à déplorer dans la ville.
À chaque étape de ce dossier, et particulièrement depuis que la situation s'est fortement durcie à la toute fin de l'année 2022, les services de l'État, chacun dans leur rôle, le préfet et le sous-préfet dans leurs missions respectives, les forces de l'ordre et particulièrement la gendarmerie départementale, ainsi que l'opérateur désigné pour gérer le dossier ont été constamment présents et ont consacré énormément de temps et d'énergie à la gestion de cette affaire. À toutes les étapes, il a été rappelé qu'il s'agissait d'un sujet qui relevait de la compétence de l'État et était porté par l'État local, qui s'est constamment investi.
La commune en général assez tranquille de Saint-Brevin-les-Pins a certes été secouée par cette affaire, mais elle n'a jamais été laissée seule dans les difficultés, comme le démontre cet exposé un peu long, qui semble néanmoins nécessaire pour vous permettre de bien mesurer l'investissement des autorités étatiques.
M. Hussein Bourgi. - Monsieur le sous-préfet, à combien de réunions publiques organisées dans la commune de Saint-Brevin-les-Pins après le 11 mars 2021, date à laquelle vous avez annoncé le nouveau projet de Cada, avez-vous participé aux côtés du maire ?
Quelle forme a pris votre soutien au maire de Saint-Brevin-les-Pins ? Vous avez mentionné des appels téléphoniques. L'un de vous s'est-il rendu dans la commune de Saint-Brevin-les-Pins après l'incendie qui a touché le domicile, le cabinet médical et les véhicules du maire et de sa famille ?
Monsieur le sous-préfet, à quelle fréquence avez-vous informé le préfet de l'évolution de la situation ?
A quelle fréquence avez-vous informé le ministre de l'intérieur - si vous l'avez fait - des faits survenus à Saint-Brevin-les-Pins avant l'incendie ?
Quels enseignements tirez-vous l'un et l'autre de ces événements ?
M. Mathieu Darnaud, rapporteur de la mission d'information sur l'avenir de la commune et du maire en France. - Je veux revenir sur deux sujets évoqués lors de l'audition du maire de Saint-Brevin-les-Pins.
D'abord, monsieur le sous-préfet, sans les qualifier, vous avez évoqué les tracts qui, selon les dires du maire, étaient suffisamment choquants, voire abjects, pour faire l'objet de poursuites. Les poursuites que vous avez mentionnées font-elles référence à ces tracts ?
Ensuite, vous avez évoqué à plusieurs reprises la réévaluation de la menace et des risques pesant sur les élus et sur le maire en particulier. Les différentes manifestations et la forme qu'elles ont prise dans le temps, ainsi que l'exercice de violences répétées me semblent constituer un faisceau d'éléments suffisant pour établir qu'une menace pesait sur le maire. On devait pouvoir imaginer que ces actes pourraient un jour déboucher sur une violence commise à l'endroit du maire. Or la réévaluation paraît relativement tardive. Vous avez mentionné le mois d'avril, soit plusieurs jours après que les événements et notamment l'incendie se sont produits.
À partir de quels éléments le sous-préfet, le préfet, mais aussi le commandant de gendarmerie peuvent-ils considérer qu'une protection rapprochée devient nécessaire ? Quelle forme prend cette protection rapprochée des élus ?
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Nous nous interrogeons sur le comportement de l'État à partir du mois d'octobre 2022, qui voit naître les tensions, les premières manifestations et les campagnes d'hostilité, y compris sur les réseaux sociaux et sur le site ripostelaique.com.
Le 23 janvier 2023, le maire vous a adressé un premier courrier, monsieur le préfet, pour faire état de menaces et vous demander votre soutien ; quelle réponse avez-vous apportée ?
Est-il exact qu'une réunion s'est tenue, réunissant le sous-préfet et la gendarmerie, au cours de laquelle les événements ont été banalisés ?
Ensuite, le conseil municipal a été envahi, des tracts haineux ont été distribués et, le 15 février, le parquet a été saisi, sans donner de réponse semble-t-il. Le 22 mars, l'attentat criminel a été commis. Le 7 avril, une demande de protection a été formulée. Puis, une demande pour interdire une manifestation a été émise et refusée. Tous ces éléments ont conduit à l'envoi d'une lettre de démission.
Qu'avez-vous fait concrètement pour protéger et accompagner le maire lorsque la tension montait, que les propos et les menaces devenaient de plus en plus caractérisés, mais aussi après la survenue de l'attentat criminel ? Quelle réponse avez-vous apportée au maire lorsqu'il vous a sollicités ?
Mme Maryse Carrère, présidente de la mission d'information sur l'avenir de la commune et du maire en France. - Le maire vous a demandé d'interdire une manifestation ; quels motifs vous ont poussé à répondre négativement ?
Vous avez évoqué des mesures prises par la gendarmerie pour protéger le maire après l'incendie ; pourriez-vous les détailler ? On sait que la réponse à la demande de protection rapprochée formulée par le maire a fait l'objet de délais d'attente.
Quels liens avez-vous entretenus avec le procureur sur le dossier de Saint-Brevin-les-Pins ? Avez-vous eu des discussions sur le sujet ? La justice a-t-elle été saisie ?
M. Didier Marie. - Dès lors que le projet de Cada a été contesté, pourquoi les services de l'État ne se sont-ils pas associés systématiquement à l'opérateur pour toutes les réunions publiques ? Avez-vous organisé des réunions publiques spécifiques pour tenter d'informer les habitants de Saint-Brevin-les-Pins mieux qu'ils ne l'étaient ?
Quelles est la nature des mesures de sécurité mises en place après l'incendie ? De façon plus générale, de quel arsenal disposez-vous pour faire face à une demande de protection émise par un élu ?
Lors de son audition, le maire a indiqué que la gendarmerie, vous-même monsieur le sous-préfet, ainsi que les services de l'État, ne pouviez enregistrer de plainte ni interdire les manifestations, au nom de la liberté d'expression. Pourriez-vous revenir sur ces éléments ?
Mme Nadine Bellurot. - Permettez-moi de commencer par adresser mes pensées à Laurent Laroche, maire de Bélâbre, commune située dans le département de l'Indre. Il est lui aussi confronté à une future installation de Cada et a reçu des menaces, proférées contre lui et sa famille, a fait l'objet de nombreuses intimidations et a témoigné de cette violence.
Les décisions relatives à l'installation d'un Cada dans une commune relèvent de l'État ; comment sont-elles prises ? Recevez-vous de l'administration centrale ou des cabinets une circulaire ou une méthodologie à suivre quant à ces installations ? Une fois la décision prise, ne revient-il pas à l'administration de bien accompagner les efforts de communication portant sur l'installation, au sein de la commune concernée ? On constate et on entend souvent que la commune finit par gérer seule l'installation en termes de communication auprès de sa population et peut se retrouver démunie face à une montée en puissance de l'hostilité. Une information est-elle émise par l'administration centrale ? Des échanges ont-ils lieu entre vos collègues et les communes concernées ? Échangez-vous entre vous pour développer une pratique cohérente et une méthode d'accompagnement des élus dans ces situations difficiles, voire dramatiques ?
M. Éric Kerrouche. - En général, l'installation d'un Cada peut poser des difficultés mais celles-ci sont d'autant moins nombreuses que l'implication des services de l'État a été forte. Je pense à certains cas, en Auvergne notamment, dans lesquels des manifestations ont eu lieu mais l'hostilité s'est calmée et les Cada ont fini par être particulièrement bien intégrés. Comment expliquer l'échec de ce transfert de Cada dans la commune de Saint-Brevin-les-Pins ? S'agit-il d'un échec collectif ? S'agit-il d'un échec de l'implication des services de l'État ? Comment procéderiez-vous si c'était à refaire ?
Monsieur le sous-préfet, vous avez évoqué une inauguration pendant laquelle vous vous êtes étonné de ne pas voir le maire de Saint-Brevin-les-Pins, ce qui peut paraître surprenant. À quelle fréquence échangiez-vous avec le maire afin de l'accompagner ?
Mme Françoise Gatel. - Nous sommes ici pour comprendre et tirer les leçons de cette affaire, pour empêcher que d'autres cas ne surviennent. Je voudrais revenir sur la manière dont ce projet de réimplantation de Cada a été géré. Ces centres constituent souvent des sujets difficiles même si, à Saint-Brevin-les-Pins, aucune question ne se posait alors qu'une structure d'accueil des demandeurs d'asile était installé depuis longtemps.
Une étude d'impact permettant d'apprécier les risques de débordement a-t-elle été produite ? Une sorte de comité de pilotage a-t-il été constitué ? Il aurait pu rassembler à la fois l'État, l'opérateur auquel l'État avait délégué l'installation du Cada, des élus mais aussi des représentants de l'éducation nationale. En effet, le nouveau site choisi se trouve à proximité d'une école et toute implantation près d'une école soulève des questions et des peurs qu'il faut savoir traiter pour éviter que la situation ne s'aggrave. De plus, j'ai cru comprendre que la directrice de l'école avait aussi fait l'objet de menaces.
Je voudrais également évoquer les événements qui se sont produits à Callac, en Bretagne. Une association avait le projet d'installer un « Cada privé »., qui a fait l'objet d'une instrumentalisation politicienne effrayante. Le risque de contamination et d'exportation vers Saint-Brevin-les-Pins de cette situation qui dégénérait a-t-il été évalué ? Apparemment, parmi les manifestants d'extrême droite qui étaient venus à Callac et instrumentalisaient les peurs, se trouvait l'un des organisateurs ou un membre actif des manifestations ayant eu lieu ensuite à Saint-Brevin-les-Pins.
M. Joël Guerriau. - Proche du maire de Saint-Brevin-les-Pins, je vis très mal le fait qu'il ait été amené à démissionner et je suis cette audition avec beaucoup d'attention car il est important que nous puissions comprendre comment on a pu en arriver là.
Monsieur le préfet, vous êtes en poste depuis le 30 janvier et je sais combien vous êtes disponible car j'ai eu l'occasion de vous croiser sur le terrain vingt-sept fois en trois mois, ce qui n'est pas rien.
Monsieur le sous-préfet, vous avez répondu à mon appel lorsque j'ai organisé le 7 avril cette réunion avec les élus de Loire-Atlantique. Ce qui ressortait de cette réunion, pendant laquelle Yannick Morez a apporté son témoignage, c'était le sentiment d'impunité et le fait que les élus présents ressentaient une frustration car les plaintes déposées étaient classées sans suite. Cette frustration est lourde de conséquences.
Que s'est-il passé à partir du courrier adressé le 15 février au procureur de la République ? Une enquête préalable a-t-elle été engagée ? Toutes les mesures ont-elles été prises pour essayer de retrouver l'auteur des menaces ? La meilleure des préventions est de mettre fin à tout risque d'aggravation et, en cas de menaces, il faut en rechercher les auteurs le plus vite possible, afin d'éviter qu'ils ne passent à l'acte. Dans ce cas, malheureusement, le pire est arrivé.
M. André Reichardt. - J'ai participé à l'audition du maire de Saint-Brevin-les-Pins et je vous ai écoutés ce soir. Nous serons d'accord sur au moins un élément : vos visions respectives de la chronologie, qui semblent proches, montrent bien la longueur et la durée de cette montée en puissance de l'affaire, qui a abouti à cette décision de démission.
Tout au long de cette période, différents partenaires ont été mobilisés. Je note la présence de l'opérateur, dont vous dites qu'il était partout. L'opérateur étant censé représenter l'État, je ne suis pas sûr qu'il ait toujours été considéré en tant que tel, y compris par le conseil municipal, voire par le maire. D'autres acteurs ont été signalés par le maire, dont la gendarmerie, qui a été sollicitée par le sous-préfet.
J'ai été maire et élu local pendant plus de deux décennies. Ne pensez-vous pas que le rôle de l'État, compte tenu de la durée de l'affaire, aurait été de se tenir humainement aux côtés de ce maire ? Lors de son audition, j'ai entendu un maire perturbé et je me mettais à sa place. Je me demandais où étaient le préfet et le sous-préfet dans son récit. Certes, l'opérateur était présent mais, en tant que maire, on se tourne vers le préfet et le sous-préfet pour leur dire : « venez à mon secours ». Je n'ai pas eu le sentiment que le préfet et le sous-préfet aient été perçus comme ayant été suffisamment présents par le maire de Saint-Brevin-les-Pins. J'aimerais vous entendre à cet égard.
M. Philippe Bonnecarrère. - L'accueil des migrants constitue un sujet très difficile, que notre commission est souvent amenée à suivre. Vous avez des instructions ministérielles pour accueillir les migrants à travers l'ensemble des territoires français, pour éviter une concentration dans certaines zones, ce qui relève du bon sens. Nous comptons un certain nombre de cas comme celui de Saint-Brevin-les-Pins, même si tous ne connaissent pas des conséquences aussi dramatiques. Madame Gatel a cité la commune de Callac, madame Bellurot faisait référence à Bélâbre et je pourrais évoquer d'autres cas, en particulier dans le département que je représente.
Avez-vous d'autres projets d'installation de Cada dans le département de Loire-Atlantique ? Y a-t-il eu notamment une demande d'installation de Cada « en diffus », ce qui paraît être recommandé aujourd'hui ?
Certains capteurs auraient-ils pu vous permettre de mieux mesurer le niveau de difficulté et de désarroi du maire ? Nous sommes confrontés à un sujet qui était public. Je me souviens que, dans le cadre d'un débat organisé par Public Sénat sur le sujet migratoire, un reportage sur Saint-Brevin-les-Pins avait été diffusé et nous avions assisté à une intervention en direct d'une habitante de la commune, dont la virulence m'avait frappé. J'avais regardé ce qui se disait dans la presse et on voyait bien que la situation était très connue localement. Je suis également frappé par l'idée que le maire de Saint-Brevin-les-Pins était président de l'intercommunalité et qu'il devait, à ce titre, avoir une relation assez directe avec son sous-préfet ou avec son préfet. L'adjoint à la sécurité, qui a géré le dossier au quotidien, est aussi conseiller départemental ; le département aurait pu offrir un relais possible. La gendarmerie aurait pu également jouer ce rôle. Certaines personnes vous ont-elles mis en garde et alertés sur le fait que le maire était en difficulté et que son conseil municipal était sous pression ? Au-delà des manifestations publiques, il ne faut pas oublier la pression du quotidien, celle que subit un maire médecin généraliste quand il est interpellé par sa population.
M. Fabrice Rigoulet-Roze. - En ce qui concerne l'interdiction de la manifestation, je vous confirme que j'ai été destinataire d'un courriel daté du 17 avril du maire de Saint-Brevin-les-Pins, me demandant d'interdire la manifestation programmée pour le 29 avril. Ce message insiste sur trois points. D'abord, de manière générale, le maire souhaite que la ville ne soit plus le lieu d'expression de haines, ce qui a été le cas lors des manifestations précédentes. Dans un deuxième temps, il évoque le risque de commission de troubles à l'ordre public, ce qui est fondamental. Enfin, il mentionne les conséquences économiques potentielles puisque le 29 avril tombe pendant le week-end du 1er mai, moment important pour une station balnéaire.
Comme pour toute manifestation, mais plus encore dans ce cas, j'ai fait procéder à une analyse de la situation par mes services. Je rappelle que le principe est la liberté de manifestation et que l'interdiction doit rester l'exception, aux termes de l'article L. 211-4 du code de la sécurité intérieure. Au vu de l'analyse de mes services, à partir du moment où une contre-manifestation était organisée, il y avait potentiellement des risques de troubles à l'ordre public. Mais je rappelle que les conditions d'interdiction sont strictement définies par le code : à la fois le trouble à l'ordre public, le fait qu'on ne puisse pas les contrôler et l'incapacité d'y faire face en matière de dispositif. Selon l'analyse de mes services - à laquelle je souscris -, sur le fond, nous n'étions pas dans un cadre permettant d'arrêter légalement la manifestation...
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Un mois après l'incendie !
M. Fabrice Rigoulet-Roze. - ... a fortiori parce que la manifestation avait été déclarée par un collectif, auquel s'adjoignaient, il est vrai, des militants venus de l'extérieur de la commune et du département. Aux termes du code général des collectivités territoriales (CGCT), lorsque la police d'État n'est pas présente, c'est à l'autorité de police concernée d'autoriser ou d'interdire une manifestation. En l'espèce, sur le territoire d'une seule commune, il s'agissait de l'autorité municipale, et j'ai préféré assumer la non-interdiction au nom de l'État plutôt que de solliciter le maire via une mise en demeure sur le fondement du CGCT, pour interdire la manifestation, sur le fondement d'une analyse qui ne me semblait pas fondée en droit. De plus, j'aurais dû le mettre en demeure et, le cas échéant, me substituer s'il n'avait pas fait droit à cette mise en demeure. C'est la raison pour laquelle j'ai préféré assumer au niveau de l'État la non-interdiction. En revanche, j'ai pris toutes les mesures pour que la manifestation puisse être organisée et gérée du point de vue de l'ordre public, y compris en articulation avec la mairie, puisque la manifestation a fait l'objet d'une préparation le 25 avril.
En ce qui concerne l'information du cabinet du ministre, elle a été constante, notamment à partir du moment où nous avons mobilisé des forces en renfort, car nous devons rendre compte de leur utilisation. L'information des instances parisiennes s'est faite à l'issue de chacune des deux manifestations, sachant que l'usage de la force a été plus significatif le 29 avril que le 25 février, puisqu'il n'y avait pas eu alors d'usage de moyens lacrymogènes.
M. Hussein Bourgi. - Il n'y a pas eu de signalement avant l'incendie ?
M. Fabrice Rigoulet-Roze. - Pas de signalement autre que le compte rendu de la manifestation du 25 février.
M. Michel Bergue. - Il y a eu aussi un compte rendu pour la manifestation du 11 décembre.
M. Fabrice Rigoulet-Roze. - Je n'étais pas encore en poste, je vous laisse compléter, monsieur le sous-préfet.
M. Michel Bergue. - Chaque manifestation significative a fait l'objet d'un compte rendu à Paris, celle du 11 décembre et celle du 25 février. Et puis celle du 29 avril, après l'incendie.
M. Fabrice Rigoulet-Roze. - Nous avons aussi produit une information factuelle après la commission de l'incendie le 22 mars.
En ce qui concerne les mesures de sécurité prises après le 22 mars, elles ont été consolidées dans ce que les gendarmes appellent un « ordre de conduite », qui a été adressé à l'ensemble des militaires pour préciser les choses. L'ordre de conduite date du 25 mars. Ces mesures de renforcement ont porté à la fois sur la personne du maire mais également sur celles de six adjoints de la mairie. Elles ont consisté en un passage systématique de toutes les patrouilles, soit au moins quatre fois par jour, devant les domiciles du maire et des adjoints, au-delà des patrouilles qui avaient lieu sur des sites déjà surveillés.
De plus, leurs domiciles ont été inscrits au fichier de sécurisation des interventions et de protection (SIP) de la gendarmerie, ce qui permet notamment, lorsque le 17 est appelé, de pouvoir identifier informatiquement l'origine de l'appel et d'émettre un signalement spécifique. Par ailleurs, l'ensemble des élus, et notamment le maire, les gendarmes, le commandant de compagnie comme le commandant de brigade avaient donné leurs numéros de portables.
Enfin, les contacts réguliers ont été renforcés, ce qui s'est traduit par l'organisation d'un certain nombre de réunions consacrées à la sécurité, notamment celle qui s'est tenue le 28 mars. Ces points ont donc fait l'objet d'une formalisation dans un ordre opérationnel de la gendarmerie, pour que l'ensemble de ces préconisations puissent être mises en oeuvre.
J'en viens au sentiment d'impunité. On peut en effet ressentir cela lors de nos visites. Depuis mon arrivée en Loire-Atlantique, à chaque fois que je rencontre un phénomène de cette nature, j'incite les personnes à déposer plainte, qu'elles soient maires ou autres, fonctionnaires des forces de sécurité par exemple. Ainsi, les faits peuvent être judiciarisés et une réponse pénale peut être apportée, le cas échéant, lorsque la qualification des faits est avérée et fait l'objet d'une enquête. Du point de vue de l'État administratif, la consigne que je donne à chacun de mes collaborateurs est d'inciter chaque personne qui a le sentiment d'être menacée ou qui fait l'objet de menaces de déposer plainte.
Il est vrai que ces événements interrogent. Il faut toujours se demander comment on aurait pu faire mieux et comment on pourrait faire mieux. Une mesure peut être mise en place à l'échelle territoriale, sans forcément nécessiter de changement de texte. Nous avons un état-major de sécurité, qui réunit à la fois les parquets - on en compte deux en Loire-Atlantique -, l'ensemble des services issus des forces de l'ordre et l'ensemble du corps préfectoral. Cet état-major se réunit tous les deux mois et j'ai indiqué que je souhaitais à présent qu'un point soit systématiquement inscrit à l'ordre du jour concernant les procédures déposées qui relèvent de l'autorité judiciaire, l'état des menaces et, le cas échéant, l'évaluation de la menace ou sa réévaluation. Toutes les autorités concernées et tous les services sont présents lors de ces réunions. Cette inscription à l'ordre du jour permet d'avoir une vision globale des sujets et de la partager, en particulier avec les associations d'élus. À charge ensuite pour les services d'enquête, sous le contrôle de l'autorité judiciaire, d'être tenus informés des enquêtes les concernant.
J'en viens aux capteurs. À partir du moment où le résultat est la démission d'un maire, nous devons nous interroger. Je suis allé à la rencontre de tous les élus, de tous les parlementaires et des présidents d'associations. J'ai également organisé des rencontres avec l'ensemble des maires sous forme de webinaires. Les capteurs peuvent être situés au-delà des services de l'État et de renseignements.
Du point de vue des services de renseignements administratifs, nous n'avons pas reçu d'informations spécifiques portant sur des menaces pesant sur l'intégrité du maire ; j'insiste donc de nouveau, au passage, sur la nécessité de judiciariser le sujet sous forme de dépôt de plainte ou de signalement au parquet.
En revanche, je vous confirme qu'au cours des tous les entretiens de présentation que j'ai conduits, aucun élément particulier ne nous est parvenu.
Pour autant, la situation n'est pas satisfaisante. Si nous n'avions pas été dans un contexte très prenant, très engageant, y compris en matière d'ordre public, mon réflexe aurait été d'aller voir le maire. Cela aurait été le meilleur moyen de percevoir en direct ses difficultés et celles de son entourage, d'anticiper aussi sa volonté de démission. Je ne l'ai pas anticipée parce que je n'en ai pas eu la possibilité. Nous avons échangé, notamment le jour de l'incendie, et je lui ai indiqué être à sa totale disposition. Je n'ai pas été sollicité de nouveau. Ce n'est pas satisfaisant, la situation est tout sauf anodine et ne peut laisser indifférent. Rétrospectivement, je me dis que si j'avais pu percevoir en direct ces éléments, j'aurais pu anticiper sa démission et approfondir avec lui certaines choses.
En ce qui concerne le rôle de l'État, je maintiens que nous avons été attentifs. Manifestement, cela n'a pas été suffisamment ressenti comme tel par le maire de Saint-Brevin-les-Pins, et je respecte ce sentiment, mais j'ai été attentif. Nous avons eu deux échanges directs et j'ai souhaité le soutenir, y compris dans le cadre du montage et de la constitution d'un dossier de Cada compliqué.
Dès que j'ai été sollicité par le maire par le biais de ce courriel relatant ses échanges avec le collectif anti-Cada, j'ai souscrit à l'engagement de faire en sorte que la préfecture au niveau départemental reçoive le collectif anti-Cada. C'est le sens de l'appel que j'ai demandé à mon secrétaire général de passer le 4 avril, en direct et en mon nom propre, pour dire au maire que nous allions honorer cet engagement et organiser cette réunion. J'ai été attentif, y compris pour ce qui concerne cette dimension, sur le fond du dossier comme sur son accompagnement. En tout cas, j'ai essayé de l'être.
M. Michel Bergue. - En ce qui concerne le nombre de réunions publiques, un choix avait été fait dès l'origine par la mairie de les limiter à la population directement concernée par le nouveau lieu d'implantation. Je rappelle qu'il existe déjà un centre accueil dans un quartier de Saint-Brevin-les-Pins et qu'il s'agissait d'un transfert de cette population. Les demandeurs d'asile ou les migrants présents depuis plusieurs années n'ayant jamais posé de problème, le choix a été fait par la commune, avec l'opérateur, d'avoir des réunions très localisées. Ainsi, dans un premier temps, en raison de l'absence de contestation lors de ces réunions, l'opérateur a mené les discussions consistant à expliquer le projet. A priori, ces réunions ne nécessitaient donc pas l'intervention d'un membre du corps préfectoral.
Le premier contact que j'ai eu avec le maire sur ce sujet a eu lieu le 11 mars 2021 et, quatre jours plus tard, dans une autre commune de l'arrondissement, un projet de création d'une ferme destinée à des sortants de prison avait généré une émotion forte et une manifestation. Le maire m'ayant demandé d'aller expliquer le projet avec les services de l'administration pénitentiaire, j'ai tenu une réunion, qui a été houleuse, quatre jours après avoir averti le maire de Saint-Brevin-les-Pins que nous allions transférer le Cada. Depuis lors, il m'est arrivé fréquemment de tenir des réunions publiques avec les élus, quand ils me sollicitent pour les accompagner. J'en ai tenu avec le maire de Pornic, quand nous avons présenté la modification du plan local d'urbanisme (PLU), mais aussi avec des habitants de la commune de Saint-Nazaire sur des questions de sécurité qui sont prégnantes. Au cours de cette dernière réunion, j'ai entendu des propos choquants. Pendant toute une période, les discussions n'étaient pas de ce type à Saint-Brevin-les-Pins et, lorsque la contestation a commencé à surgir et que j'en ai été avisé, j'ai invité les opposants à une réunion d'explication. Je vous ai décrit la suite des contacts que j'ai eus sur le sujet.
Il faut considérer deux aspects dans les manifestations et la montée en puissance des problèmes à Saint-Brevin-les-Pins. D'abord, un collectif, composé de personnes locales, s'est opposé à l'installation du Cada sur ce site. Ensuite, il y a eu une forme de récupération. Après ce qui s'était passé à Callac, un certain nombre de militants régionaux ou nationaux se sont joints aux personnes du collectif. Les premières manifestations avaient été assez pacifiques et avaient rassemblé un petit nombre de personnes. Les suivantes ont davantage rassemblé et nous étions non plus dans la concertation mais dans la contestation dure. Nous avons pris les mesures nécessaires pour que ces manifestations se déroulent le mieux possible, compte tenu de la réglementation en la matière, que le préfet Rigoulet-Roze vient de rappeler.
Le préfet était en permanence informé de la situation sur place depuis son arrivée, et son prédécesseur avant lui, à partir du moment où les problèmes se sont posés.
En ce qui concerne les tracts diffusés, leur contenu pouvait être extrêmement discutable. De ce fait, la gendarmerie a effectué, dès que la situation a commencé à se tendre, des contrôles sur les personnes qui les distribuaient. Mais il ne nous appartient pas d'empêcher les gens de distribuer des tracts. Cela relèverait d'une procédure judiciaire, si les tracts étaient considérés comme injurieux ou diffamatoires. Dans la mesure où ils étaient distribués pacifiquement, nous n'avions pas la possibilité de nous opposer à leur distribution.
En ce qui concerne les menaces, je rappelle que je n'ai été informé que dans une période relativement récente que la situation se traduisait par des manifestations - ce qui, pour certains projets, peut être assez habituel -, mais aussi par une mise en cause directe des élus. Je n'en ai été avisé que par le courrier que le maire a adressé au préfet le 23 janvier. Ce courrier a donné lieu à la réunion du 10 février, que j'ai assez longuement évoquée et pendant laquelle j'ai bien rappelé deux points : la distinction entre la liberté d'expression et la liberté de manifestation, qui sont des libertés publiques fondamentales dans notre pays, et l'abus de ces libertés que peuvent constituer des injures et des menaces, même si l'on ne pouvait pas vraiment parler de menaces, car il s'agissait plutôt de propos violents et outrageants dirigés contre les migrants. Il y avait ainsi une liste de faits divers intervenus un peu partout en Europe, dans lesquels des migrants étaient impliqués. En ce qui concerne les élus, aucune menace n'était formulée et une demande de consultation locale sur le choix du site était émise.
Il n'y a pas d'échec du Cada. À ce jour, le bâtiment est en cours de construction, le centre sera livré en novembre 2023 et pourra ouvrir début 2024. En outre, je rappelle que le choix du site d'implantation a été proposé par la mairie, qui a vendu le bâtiment au bailleur social pour y installer le centre. Je ne peux pas expliquer à un maire qu'il n'a pas le choix du site d'implantation de telle ou telle installation sur sa commune. Lors de la première discussion que nous avons eue, nous avons évoqué le site actuel, un bâtiment qui est un ancien site de vacances, et le souhait de la commune de céder un autre site.
Procédons-nous à des études d'impact systématiques en vue de l'implantation des Cada ? Non. Nous menons une réflexion locale mais il n'y a pas de processus normalisé, qui serait d'autant plus difficile à mettre en place que chaque situation est très différente. Il existe d'autres Cada dans le département, des Cada diffus, des Cada collectifs, dont vous n'avez jamais entendu parler et moi non plus. Nous pouvons difficilement savoir à l'avance quel type de projet va susciter une opposition, même si nous savons que certains projets sont plus mal acceptés que d'autres. En l'espèce, aucun signe précurseur ne nous permettait de penser que ce Cada serait contesté, compte tenu de la présence d'un nombre significatif de migrants depuis des années, qui n'ont jamais posé de difficultés et ce, de l'avis même du maire, puisque nous en avons discuté peu de temps après mon arrivée, de manière très anodine.
Aurait-on pu faire davantage ? A posteriori, je me rends compte que, dans les contacts que j'ai eus avec le maire, notamment lors de la longue conversation téléphonique du jour où il a été victime de l'incendie, je n'ai pas perçu de situation de détresse. Des signaux faibles m'ont peut-être été envoyés mais je ne les ai pas perçus. Le maire était très cohérent dans son discours et nous nous sommes interrogés longuement pour tenter de savoir d'où pouvait provenir l'agression. Je rappelle que, le jour même, des manifestations extrêmement violentes avaient lieu sur le pont de Saint-Nazaire, en lien avec la réforme des retraites. C'était l'une des hypothèses que nous avons évoquée et je lui ai demandé s'il avait pris des positions particulières sur ce sujet ; il m'a répondu que non. Par la suite, il a considéré que l'agression dont avaient été victimes ses biens, et lui-même par extension, était liée à l'affaire du Cada, ce qui est fort possible mais que rien ne démontre expressément aujourd'hui. Il n'y a jamais eu de revendication et, à ma connaissance, il n'y a pas eu de procédure permettant d'incriminer tel ou tel individu dans l'agression en cause.
M. François-Noël Buffet, président. - Vous avez évoqué la lettre que vous a envoyée le maire le 23 janvier. Il y faisait état d'un certain nombre de menaces, notamment d'un courrier indiquant : « ce ne sera pas une tarte à la crème mais une tarte au plomb ». Il nous a dit ne pas avoir reçu de réponse mais vous venez d'expliquer que c'est à la réception de ce courrier qu'a été organisée la réunion du 10 février. C'est bien ainsi qu'il faut le comprendre ?
M. Michel Bergue. - C'est ainsi qu'il faut le comprendre.
M. François-Noël Buffet, président. - Il n'y a donc pas eu de réponse écrite mais cette réunion a été organisée ; c'est bien cela ?
M. Michel Bergue. - C'est cela. Ce courrier nous alerte sur la montée des tensions qui concernent des élus et d'autres personnes impliquées comme la directrice de l'école ou certains parents d'élèves, un problème d'usurpation de la boîte à lettres électronique de l'association de parents d'élèves s'étant posé. Comme ce courrier nous interpelle, nous organisons, avec le directeur général d'Aurore France, ces réunions, d'abord avec les membres du collectif qui apportent leur soutien aux migrants et se sentent visés, puis avec les élus de la commune.
M. Hussein Bourgi. - J'ai posé une question à laquelle je n'ai pas obtenu de réponse : l'un de vous s'est-il rendu à Saint-Brevin-les-Pins pour témoigner du soutien de l'État ? Ce qui nous a surpris et m'a personnellement heurté, c'est d'apprendre que vous vous étiez rendus à Pornic, 48 heures après l'incendie. Or, pour aller à Pornic, il faut passer par Saint-Brevin-les-Pins et personne n'a pris le soin de s'arrêter pour rendre visite au maire, ni à l'aller ni au retour. Je ne le comprends pas.
M. Michel Bergue. - Cela a lieu deux jours après l'incendie des véhicules. J'ai eu le maire au téléphone le jour de l'incendie et je n'ai pas perçu de demande particulière de sa part, à tort semble-t-il. Lors des inaugurations, les maires des environs sont souvent invités, et j'étais étonné que le maire de Saint-Brevin-les-Pins ne soit pas présent. Je n'ai pas eu ensuite le réflexe de l'appeler pour lui dire : « je viens chez vous ».
M. Fabrice Rigoulet-Roze. - Comme je l'ai indiqué, je ne suis pas allé à Saint-Brevin-les-Pins après l'incendie. En revanche, s'il n'y avait pas eu le contexte, qui était très contraint en termes d'ordre public, mon réflexe aurait été de lui rendre visite, comme j'essaie de le faire au maximum avec les élus.
M. Michel Bergue. - Je suis retourné quelques jours après à Saint-Brevin-les-Pins, mais j'y ai rencontré l'adjoint à la sécurité, non le maire.
Cette audition a fait l'objet d'une captation vidéo disponible en ligne sur le site du Sénat.
La réunion est close à 19 h 50.