Mercredi 24 mai 2023

- Présidence de M. Jean-François Longeot, président -

La réunion est ouverte à 9 h 30.

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La réunion est ouverte à 9 h 30.

Audition de M. Olivier Thibault, candidat proposé par le Président de la République aux fonctions de directeur général de l'Office français de la biodiversité (OFB)

M. Jean-François Longeot, président. - Nous recevons ce matin M. Olivier Thibault, candidat proposé le 11 avril dernier par le Président de la République pour occuper les fonctions de directeur général de l'Office français de la biodiversité (OFB), en application de l'article 13 de la Constitution.

Comme vous le savez, cette nomination ne peut intervenir qu'après l'audition de la personne pressentie devant les commissions compétentes de l'Assemblée nationale et du Sénat, qui procèdent ensuite à un vote. Cette nomination ne pourra intervenir si l'addition des votes négatifs de chaque commission représente au moins les trois cinquièmes des suffrages exprimés dans les deux commissions.

Cette audition est publique, ouverte à la presse et retransmise sur le site du Sénat.

À l'issue de celle-ci, nous voterons à bulletin secret. Je rappelle qu'il ne peut y avoir de délégation de vote et que le dépouillement doit être effectué simultanément à l'Assemblée nationale et au Sénat.

À cet égard, je précise que la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire de l'Assemblée nationale a procédé à votre audition la semaine dernière. Aux courses hippiques, on parlerait de votre audition de ce jour comme du dernier obstacle...

M. Thibault, vous êtes actuellement directeur de l'eau et de la biodiversité au sein de la direction générale de l'aménagement, du logement et de la nature (DGALN) du ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires. À ce titre, vous êtes intervenu à deux reprises devant notre commission, le 25 janvier dernier, lors de la table ronde consacrée aux solutions d'adaptation et de résilience hydrique de notre pays et le 2 février 2022, à l'occasion de la table ronde sur le bilan et les perspectives du Varenne agricole de l'eau et de l'adaptation au changement climatique.

Aussi avons-nous déjà eu l'occasion de mesurer votre implication et votre expertise sur l'eau, qui est un sujet éminemment important pour notre commission. Pour preuve, nous avons récemment consacré un cycle d'auditions aux défis posés par la gestion de l'eau dans un contexte de changement climatique, en réponse à la prise de conscience de l'urgence à agir, renforcée depuis la sécheresse de l'été dernier.

La ressource en eau est profondément affectée par les effets du changement climatique et nous devons, collectivement, imaginer et mettre en oeuvre des politiques publiques plus résilientes. La biodiversité est soumise à des pressions diverses, mais dont les effets sur le déclin des espèces convergent. C'est dire l'importance du rôle de directeur général de l'OFB, auquel vous postulez, et les défis de taille qui vous attendent si votre candidature est confirmée par le Parlement.

À titre liminaire et sans anticiper les questions du rapporteur Guillaume Chevrollier, j'aimerais que vous dressiez le bilan des forces et des faiblesses de l'OFB, qui est un établissement récent dans le paysage institutionnel français, issu de la fusion de l'Agence française pour la biodiversité (AFB) et de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS), effective depuis le 1er janvier 2020. Les débuts de l'office ont été compliqués par la situation sanitaire : il n'a pas été aisé de créer une culture d'établissement en pleine pandémie. Je salue à cet égard les efforts déployés par Pierre Dubreuil, le premier directeur général de l'OFB, qui est parvenu à tenir le cap malgré les vents mauvais qui soufflaient sur ce bel outil d'expertise, d'accompagnement, de mobilisation et d'action dans les territoires.

Maintenant que la situation s'est normalisée, comment comptez-vous améliorer l'action de l'OFB, de ses 2 800 agents et de ses 11 directions régionales, afin de réduire les pressions exercées sur la faune, la flore et leurs habitats ? Comment orchestrerez-vous la concertation entre l'ensemble des acteurs, de sorte à créer une véritable dynamique en faveur de la biodiversité ?

Je laisse sans plus tarder la parole à Guillaume Chevrollier, rapporteur, pour qu'il vous interroge sur votre profil, vos compétences et votre vision.

M. Guillaume Chevrollier, rapporteur. - Comme l'a indiqué le président, nous sommes appelés à apprécier et à nous prononcer sur la candidature d'Olivier Thibault aux fonctions de directeur général de l'Office français de la biodiversité, pour une durée de quatre ans. Il s'agit d'un mandat d'autant plus intense qu'il est bref. Par conséquent, il suppose un engagement de tous les instants de la part de son titulaire, tant les défis à relever pour la préservation de la biodiversité sont nombreux et multiformes et tant ils s'entremêlent aux enjeux climatiques.

La lutte contre l'extinction de la biodiversité ne saurait être gagnée depuis un bureau parisien ; c'est pourquoi j'aimerais, dans un premier temps, connaître la stratégie que vous défendrez à la tête de l'établissement pour améliorer le déploiement de l'action de l'OFB au sein des territoires. Commencerez-vous votre mandat par un tour de France des implantations régionales de l'OFB ?

Mes collègues sénateurs confirmeront certainement qu'il s'agit là d'une attente forte des élus, des acteurs engagés sur le terrain, des porteurs de projets et des entreprises. Il s'agit également d'un point de vigilance renforcée de notre commission, qui est attentive à la bonne déclinaison territoriale des politiques publiques.

Avant de poursuivre mes questions, j'évoquerai quelques étapes clés de votre carrière, afin de dessiner à grands traits votre portrait administratif. À l'issue d'une formation d'ingénieur des ponts, des eaux et des forêts, vous avez été conseiller technique « eau, produits, déchets, ressources minières non énergétiques et agences de l'eau » auprès du ministre de l'environnement Jean-Louis Borloo de 2007 à 2008, directeur général de l'agence de l'eau Artois-Picardie de 2010 à 2017, puis directeur général de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage de 2017 à 2019, avant sa fusion au sein de l'OFB. Vous êtes, depuis fin 2019, à la tête de la direction de l'eau et de la biodiversité, administrateur du muséum national d'histoire naturelle et membre du comité national de l'eau.

Aussi, votre parcours me semble cohérent avec les fonctions auxquelles vous postulez : vous vous êtes forgé une expertise hydrique durant votre passage à l'agence de l'eau ; avez acquis une connaissance de la chasse en tant qu'ancien directeur de l'ONCFS ; et avez agi en faveur de la biodiversité au sein de la direction générale de l'aménagement, du logement et de la nature. Vos expériences professionnelles vous ont conduit à diriger de nombreux personnels et à fédérer autour d'une vision partagée. Tout indique donc que vous disposez des qualifications requises pour le poste de directeur général de l'OFB.

Les questions que je vous poserai s'articuleront autour de la vision de l'OFB que vous défendez : son rôle et ses missions ; les évolutions qui vous paraissent nécessaires pour ancrer plus fermement cet établissement dans le paysage institutionnel ; les moyens budgétaires et humains qui vous semblent nécessaires pour mener à bien des missions toujours plus nombreuses et exigeantes.

J'évoquerai tout d'abord la stratégie nationale biodiversité 2030, dont la présentation globale est sans cesse repoussée, après qu'un premier volet partiel a été rendu public il y a plus d'un an. Nous n'avons plus que sept ans pour tenir les ambitieux objectifs fixés par l'accord de Kunming, qui a clos la COP15 de Montréal en décembre dernier. Ayant assisté à cette séquence avec une délégation de la commission, je suis particulièrement attentif à ces objectifs, qui ne seront atteints qu'à condition que l'on s'en donne les moyens.

Vous aurez la lourde tâche de mettre en oeuvre et de décliner les mesures pour inverser le déclin de la biodiversité, sur le territoire métropolitain et ultramarin. Comment comptez-vous y parvenir, sachant que les objectifs des précédents plans n'ont pas été atteints et alors que la plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES) et le Fonds mondial pour la nature (WWF) pointent des dynamiques d'évolution du vivant très défavorables ? Quels leviers nouveaux comptez-vous mobiliser ? Comment faire mieux à moyens constants, dans un contexte de schéma d'emplois quasi stable et avec des dotations qui progressent à un rythme bien moins soutenu que les besoins ?

En effet, la question des moyens financiers mobilisables est évidemment centrale. Quelles pistes comptez-vous explorer pour trouver de nouveaux financements qui ne pèseraient pas principalement, comme c'est actuellement le cas, sur la facture d'eau ? Quelles évolutions encouragerez-vous, dans un contexte où les taux d'emprunt des États souverains ont vivement progressé et où la charge de la dette publique française s'est accrue dans des proportions inquiétantes ? Au-delà de la créativité fiscale importante dont sait faire preuve notre administration, comment améliorer la prise en compte de la biodiversité et faire en sorte que les politiques publiques protègent celle-ci de manière plus effective ?

La police environnementale exercée par les quelque 1 700 inspecteurs de l'environnement constitue le coeur des missions régaliennes qui ont été confiées par le législateur à l'OFB. Il n'est de mesures de protection de la biodiversité efficaces que si leur non-respect est susceptible d'être sanctionné. Toutefois, de nombreuses remontées du terrain indiquent la sévérité de certains contrôles, leur absence de dimension pédagogique et le manque d'intelligence situationnelle de certains inspecteurs, qui sanctionnent parfois des contrevenants manifestement de bonne volonté.

Comment comptez-vous appliquer une police de l'environnement qui ne soit pas excessive, sans nuire pour autant à la crédibilité des sanctions ? À cet égard, les maîtres-mots me semblent être l'accompagnement, le dialogue et le discernement. Quelle est votre vision pour l'exercice d'une police de l'environnement efficace et plus préventive que répressive ?

Un autre enjeu majeur en matière de biodiversité est de produire des connaissances environnementales solides, étayées et s'appuyant sur des études contradictoires, comme doit l'être tout fait scientifique. Le besoin est criant sur des sujets sensibles comme la continuité écologique, les retenues collinaires et de substitution ou le suivi de la population de loups dans le cadre du plan national d'actions. Comment comptez-vous fabriquer des consensus autour de ces questions, qui minent l'autorité et la crédibilité de l'État et de ses opérateurs et qui exaspèrent au coeur des territoires ?

En matière d'expertise, il est nécessaire de s'appuyer sur les observations de terrain, par exemple les relevés établis par les chasseurs et commandants de louveterie, dans une logique coopérative. Comment comptez-vous faire progresser la crédibilité scientifique de l'OFB, dans une période où la production de savoirs s'est largement ouverte au grand public ? Comment entrevoyez-vous le rôle du conseil scientifique pour faire reculer la suspicion à l'égard de certaines données publiques ?

Des politiques publiques ambitieuses ont été annoncées, à l'instar de la mise sous protection forte d'au moins 10 % du territoire national terrestre et maritime ou de la fin de l'artificialisation nette des sols d'ici à 2050. Celles-ci doivent désormais se concrétiser et se décliner dans les territoires, grâce à un accompagnement marqué de l'État. Comment envisagez-vous votre rôle de directeur de l'OFB pour réaliser les ambitions environnementales françaises, à un moment où il nous faut accélérer nos efforts ? Comment imaginez-vous votre relation future avec le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, où vous exercez encore à ce jour ?

Par ailleurs, la gestion durable de l'eau et les problématiques de qualité et de quantité de la ressource occuperont de plus en plus le futur directeur de l'OFB. Nul doute que le sujet de l'eau figurera durablement au plus haut de l'agenda politique. La gestion quantitative se pose non plus seulement l'été, mais tout au long de l'année - l'acuité de la sécheresse de l'été dernier, qui s'est prolongée une partie de l'hiver, l'a montré sans équivoque.

Or si la France dispose de nombreux atouts pour se préparer à ces défis, il n'en faudra pas moins, collectivement, changer plusieurs de nos habitudes et repenser des modèles sur lesquels reposent les usages et les prélèvements d'eau. À cet effet, le plan eau et ses 53 mesures visant à renforcer la résilience hydrique de notre pays constituent un premier éventail de solutions, qui intervient après les assises de l'eau et le Varenne agricole de l'eau.

Toutefois, de nombreuses inconnues demeurent : quel véhicule législatif sera utilisé pour décliner les mesures de ce plan qui relèvent de la loi ? L'augmentation des moyens des agences de l'eau, avec le relèvement du plafond de recettes de 475 millions d'euros par an et la suppression du plafond de dépenses, rehausse notoirement les marges de manoeuvre de celles-ci, au bénéfice des territoires. Mais le desserrement du plafond mordant se double de la délicate réforme des redevances et de la nécessité de trouver des financements nouveaux pour les petit et grand cycles. Comment les efforts seront-ils répartis entre les usagers et quelles sont les pistes envisagées pour plus d'équité ?

Quant à la tarification différenciée, elle vise à inciter à la sobriété - ce qui est louable. Reste que la détermination des profils de consommation en fonction des usages, de la saisonnalité ou de la composition des foyers ne va pas de soi ; elle implique des arbitrages, qui sont, par essence, politiques. Qui décidera des seuils au-delà desquels l'eau sera plus chère pour un usage donné ? Surtout, quel sera le rôle de l'OFB pour que le plan eau irrigue tous les territoires ?

Mon questionnaire serait incomplet si j'omettais la biodiversité ultramarine et l'exceptionnel réservoir d'espèces présent dans les territoires d'outre-mer. Quelles mesures comptez-vous instaurer pour mettre en valeur et protéger ce capital naturel sans pareil ? Comment mieux accompagner les élus et les citoyens de ces territoires pour construire un modèle de développement qui soit respectueux de la biodiversité et profite au plus grand nombre ? Quels leviers d'action spécifiques envisagez-vous pour les outre-mer ?

Ma dernière question porte sur la place de la biodiversité dans l'imaginaire collectif et sur le rôle fondamental de la sensibilisation des citoyens et des décideurs. Si l'éducation à l'environnement progresse, grâce aux efforts de l'école et à une prise de conscience accrue, la biodiversité est encore trop souvent vue comme une contrainte ou un frein au développement territorial.

Les effets bénéfiques de celle-ci et l'importance, pour l'ensemble des activités humaines, de maintenir les écosystèmes en bonne santé sont insuffisamment pris en compte dans les politiques publiques. Comment conférer une valeur positive à la biodiversité et faire cesser l'opposition stérile et contre-productive entre économie, développement et environnement ? Comment rattraper notre retard en matière de maintien de la biodiversité par rapport à la prise de conscience climatique ? Comment, à votre niveau, entendez-vous contribuer à l'élaboration d'un nouveau discours sur la biodiversité ?

M. Olivier Thibault, candidat proposé par le Président de la République aux fonctions de directeur général de l'Office français de la biodiversité. - Je vous remercie de ces propos liminaires. J'ai l'impression que vous avez d'ores et déjà dressé l'essentiel de la feuille de route du futur directeur de l'OFB. De plus, vous avez présenté mon parcours. Je tâcherai donc de répondre précisément à vos questions en vous décrivant la manière dont j'ai préparé cette candidature.

Il s'agit d'une décision mûrement réfléchie, qui constitue l'aboutissement des diverses étapes de mon parcours professionnel, au cours desquelles je me suis construit progressivement.

J'insisterai sur les points qui me paraissent les plus importants pour l'OFB, qui est un établissement encore jeune, en construction, et qui mérite une attention particulière.

Tout d'abord, l'OFB repose sur des compétences et métiers techniques, qui ne s'exercent pas seulement à Paris, mais avant tout dans les territoires. Cet aspect m'est cher : je suis ingénieur de formation et j'ai commencé ma carrière en passant sept ans au sein de directions départementales des territoires (DDT) pour me frotter à la « vraie vie ». J'ai d'abord été chef de service ingénierie, puis environnement, avant de prendre la tête d'une mission interservices de l'eau. J'ai pu voir comment se construisaient les projets au sein d'un service d'ingénierie, comment ils sont autorisés et financés. En résolvant les petits problèmes de la vie quotidienne, nous atteignons, au bout du compte, des objectifs plus larges. Cette politique se construit dans les territoires, mais avec une règle élaborée au niveau national, comme vous le savez bien, puisque c'est vous qui votez les lois, qui se déclinent ensuite en décrets, arrêtés, etc.

J'ai poursuivi ma carrière en administration centrale, d'abord en tant que chef de bureau, puis comme directeur d'administration centrale dans le domaine de l'eau et de la biodiversité. Cela m'a permis de voir comment construire cette règle, en lien avec ce qui se passe au niveau international. Vous avez parlé de la COP15 et de ses suites. Dans le domaine de l'eau et de la biodiversité, nous sommes très encadrés et nous travaillons beaucoup sous la coupe des directives et des règlements européens. Il est donc absolument essentiel de réussir ces négociations, de les construire comme il se doit et sereinement, de manière à ce que nous puissions harmoniser nos projets nationaux avec le cadre européen, et même désormais mondial, dans le domaine de la biodiversité - depuis décembre dernier, nous disposons pour la première fois d'un cadre mondial dans le domaine de la biodiversité. Les compétences techniques sont donc importantes à mes yeux, elles constituent le socle de la construction de cet établissement.

L'OFB compte près de 3 000 personnes : cela représente beaucoup d'hommes et de femmes, travaillant dans les territoires, au sein de nombreuses équipes. Bien qu'il ne soit pas très important en termes d'effectifs, la dimension du management est absolument essentielle et incontournable. On peut trouver de très bons techniciens, mais de très mauvais managers, et vice versa. Cet établissement a besoin, selon moi, que nous prêtions attention à la manière dont nous allons le piloter et l'organiser.

J'ai l'avantage de bien connaître le fonctionnement des établissements publics, comme vous l'avez mentionné, ayant passé neuf ans à la tête de deux d'entre eux. Ce fut d'abord l'Agence de l'eau Artois-Picardie, où j'ai appris à gérer un budget d'un milliard d'euros, avec peu de moyens humains et des enjeux liés à la hiérarchisation et à la conclusion de conventions. Puis j'ai été directeur de l'ONCFS, qui comptait à l'époque 1 800 personnes, dont de nombreux agents sur le terrain passionnés par leurs missions.

Je pense qu'il faut faire très attention au fonctionnement des instances. Cela concerne les instances internes : les relations avec les syndicats sont un moyen de savoir comment ça se passe et de connaître les points de crispation, les points sur lesquels il faut travailler, les points d'attention, les points de fragilité. Cela concerne aussi les instances de gouvernance. Celle de l'OFB est un peu compliquée, avec un conseil d'administration qui regroupe toutes les parties prenantes - j'y suis commissaire du Gouvernement actuellement - et un conseil scientifique pour l'orienter. Le management n'a pas seulement une dimension théorique, il consiste surtout à gérer des problèmes concrets de la vie quotidienne, et je n'ai pas de problème à mettre les mains dans le cambouis. D'ailleurs, j'ai préparé ma candidature avec la présidente du conseil d'administration. Et je compte bien sûr mettre toute mon énergie pour piloter, structurer, promouvoir et faire vivre cet établissement.

Vous l'avez dit, l'OFB accomplira ses missions s'il parvient à construire du consensus avec les parties prenantes. Il est plus facile de rassembler autour de projets que lorsque l'on se concentre sur des concepts théoriques. Ce besoin de rassemblement, de construire des projets ensemble, est quelque chose qui, selon moi, doit animer la vie de cet établissement. J'ai eu la chance d'être conseiller de Jean-Louis Borloo pendant trois ans, notamment à l'époque du Grenelle de l'environnement. J'ai pris conscience de la force que génère la réunion des parties prenantes autour d'une même table. On peut se disputer un bon coup, mais lorsque l'on parvient à poser un diagnostic partagé, on a déjà accompli 80 % du chemin vers la recherche de solutions, et l'on arrive plus aisément à trouver des solutions.

L'OFB est en soi un mini-Grenelle. Dans son conseil d'administration, il y a toutes les parties prenantes : les élus, les industriels, les agriculteurs, les associations d'usagers ou de protection de la nature, des chasseurs, des pêcheurs... Tous ces acteurs qui travaillent, qui vivent dans les territoires, se retrouvent dans ces instances et doivent réussir ensemble à construire un projet commun, en partant d'un diagnostic partagé qui permettra de construire des solutions.

Il ne s'agit pas de répondre au coup par coup, mais bien d'organiser une vision stratégique pour protéger notre environnement et lutter contre l'érosion de la biodiversité.

Je tiens à saluer l'énorme travail accompli par Pierre Dubreuil et son équipe de direction pendant ces trois années. Comme le président l'a dit, l'OFB s'est construit au moment même de l'arrivée de la crise de la covid. Ce n'était pas simple, avec des cultures assez différentes, alors que les participants ne pouvaient pas se voir pendant plusieurs mois, de construire cette culture commune. Le travail a été fait, et il faut le poursuivre. De ce point de vue, je ne souhaite absolument pas de rupture, mais compte bien continuer le travail. Je suis convaincu que tout cela reste fragile, et qu'il faut poursuivre la construction d'une culture commune.

Pour répondre à l'une de vos questions, monsieur le rapporteur, je compte évidemment me rendre sur le terrain pour rencontrer les équipes et les parties prenantes. J'irai d'abord à Brest, où les agents ont vécu un moment particulièrement difficile avec l'incendie de l'établissement : il faut que le directeur général réponde à ce besoin de soutien. Mais je tiens à rencontrer tous les agents. Des conférences internes sont progressivement organisées par région, et je tâcherai d'y aller le plus possible, le plus rapidement possible, et en tout cas de rencontrer les agents dans leur métier et sur le terrain.

Cet établissement, comme vous l'avez dit, doit parvenir à construire du consensus pour être crédible. Pour moi, il n'y a pas d'ambiguïté : cette crédibilité repose d'abord sur un socle de connaissances. Si nous ne sommes pas capables de partager cette connaissance, il sera extrêmement difficile de trouver des solutions. L'OFB compte de nombreux agents qui sont des experts, ainsi que des chercheurs qui mènent des actions de recherche, de connaissance et de collecte de données, qu'ils partagent et mettent à disposition en ligne. Il est important de souligner que l'OFB ne se limite pas au domaine de la biodiversité, mais concerne également le domaine de l'eau.

Cela passe par la transparence de nos actions et par la vulgarisation et l'accessibilité de cette connaissance. Lorsqu'on ne sait pas, on laisse le champ libre aux biais et à la capacité de n'importe quel acteur à publier ce qu'il pense être vrai. Il est donc essentiel de partager cette connaissance et de la rendre accessible. Quand je parle d'accessibilité, je ne dis pas qu'il suffit de mettre des milliards de données incompréhensibles sur une énorme base de données : encore faut-il les rendre lisibles et compréhensibles par le plus grand nombre.

À titre d'exemple, lorsque je suis arrivé à l'ONCFS, j'ai constaté une ambiguïté concernant les accidents de chasse, ce qui engendrait des discussions sans fin. L'Office avait fait le choix, à l'époque, de publier de manière totalement transparente tous les accidents, tous les incidents. D'ailleurs, il le fait toujours. À partir du moment où cela a été fait de façon transparente, le débat s'est déplacé vers la question des mesures de sécurité à mettre en place. Pour moi, c'est précisément ce qu'il faut faire : partager la connaissance et la rendre accessible. Cela permettra de travailler sur les véritables questions. Il faut appliquer cette approche dans tous les domaines, notamment celui de l'eau, qui peut être complexe et souvent incompréhensible.

Ensuite, l'OFB doit être présent, visible et au service de tous, dans les territoires, en métropole et en outre-mer. Vous avez mentionné les cinq missions de l'OFB liées à la biodiversité dans vos propos liminaires. Pour moi, elles sont toutes cruciales. La sensibilisation est évidemment essentielle, car pour qu'une règle soit appliquée, il faut qu'elle soit comprise, partagée et intégrée. Cela passe par l'éducation, des actions de communication et de sensibilisation, et par l'information. Ce sont des métiers qui se développent rapidement à l'OFB, et il est nécessaire de continuer dans cette voie.

Je suis vraiment satisfait de constater que ce qui était considéré comme anecdotique il y a quinze ans est devenu une évidence aujourd'hui dans le débat public. Il est important d'en parler, de partager. Cependant, collectivement, nous ne sommes pas encore au niveau de ce que nous devrions faire pour arrêter l'érosion de la biodiversité. Il est essentiel que cela soit discuté dans le débat public et politique.

Enfin, il est évident qu'il faut des missions de police, car l'existence d'une règle existe sans personne pour vérifier son application conduit à l'impunité. Dans un État de droit, il est nécessaire de prévoir des mécanismes de contrôle pour garantir le respect des règles établies. Évidemment, cette police doit être proportionnée et comprise. Elle doit être appropriée, mais cela ne signifie pas qu'il faut laisser passer n'importe quoi ou accorder l'impunité à certains acteurs. Pour moi, la police doit être exercée dans des cas très précis et clairs. Le préfet de département, dans chaque département, est responsable de la mission interservices de l'eau et de la nature. À ce titre, il doit établir des priorités et organiser les missions de contrôle en fonction des enjeux. Chaque organisme doit ensuite accomplir ses missions. Il est essentiel d'en parler, de l'expliquer et de le partager avec les acteurs concernés. Je pense qu'il y a en ce domaine des voies d'amélioration pour l'OFB.

Ensuite, il faut rendre effectif le contrôle. Les inspecteurs de l'environnement ne sont pas des procureurs. Ce n'est pas à eux de décider de ce qu'il faut faire ou ne pas faire. Ils sont là pour constater de manière appropriée, en évaluant les éléments à charge et à décharge. Ensuite, c'est le procureur de la République qui, en collaboration avec les préfets, décide des suites à donner aux contrôles, avec l'aide des comités opérationnels de lutte contre la délinquance environnementale (Colden). L'OFB doit s'intégrer dans ce mécanisme global.

Enfin, une dernière mission, dont vous avez moins parlé, mais qui me paraît également essentielle, est le rôle d'exemplarité. L'OFB est également gestionnaire d'espaces, qu'ils soient protégés ou gérés de manière durable. Je pense que c'est un excellent moyen d'atteindre des résultats concrets dans les espaces protégés, et de faire oeuvre pédagogique sur la manière d'y parvenir : comment gérer ces espaces ; combien cela coûte ; combien de personnes sont nécessaires pour cela. Dans les espaces gérés, l'OFB apporte la preuve qu'il est possible de concilier l'agriculture, la chasse et la préservation d'espaces absolument exceptionnels. Je pense que c'est également important pour le partage et la valorisation du territoire.

L'OFB est un établissement public, pas un service de l'État. L'intérêt de ce statut est d'être agile et réactif. Pour moi, c'est un élément majeur. Cette autorité doit être capable d'évoluer en fonction des problèmes locaux, de s'adapter à la réalité du terrain et de réagir en conséquence, que ce soit en métropole ou en outre-mer. Bien sûr, cela nécessite des ressources humaines et financières. Je suis heureux de constater que le Gouvernement, contrairement aux prévisions qui avaient cours au moment de la création de l'OFB, n'a pas supprimé les emplois prévus, et qu'au contraire, il commence à en créer de nouveaux. Je pense que c'est important car, dans ce domaine, si nous ne disposons pas d'un nombre suffisant d'agents, nous ne pouvons pas efficacement porter cette politique. Je ne dis pas qu'il faut des milliards d'agents, mais nous en avons besoin probablement d'un peu plus, pour faire face aux enjeux majeurs qui sont devant nous.

Pour conclure en quelques mots, pour moi, l'OFB est l'établissement qui doit collectivement nous apprendre à vivre avec la nature et non contre celle-ci et à trouver des solutions au sein des territoires, sans opposer l'économie et la protection de la biodiversité, car nous pouvons concilier les deux. Cela nécessite certes des changements de pratiques, une vigilance accrue, une expertise technique encore plus prononcée et une grande réactivité, mais je suis convaincu que c'est possible. Pour cela, nous avons besoin d'un certain nombre d'outils d'accompagnement que l'État peut fournir, que l'établissement peut apporter en partie et que je souhaite développer.

M. Gilbert-Luc Devinaz. - Merci de votre éclairage. J'ai trois questions. Pour remédier à l'extinction d'espèces animales et végétales, ou du moins la limiter considérablement, quelles sont les pistes stratégiques à privilégier selon vous pour les prochaines années ? Une meilleure réglementation des activités de chasse peut-elle être un levier envisageable pour augmenter nos efforts en matière de préservation de la biodiversité animale ? J'ai écouté avec intérêt les propos du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, Christophe Béchu, qui a évoqué un scénario à + 4 degrés Celsius en 2100. Quelles mesures l'OFB devrait-il prendre en priorité pour assurer la protection de la biodiversité, en s'adaptant au dérèglement climatique devenu, dans ce scénario, inéluctable ?

M. Stéphane Demilly. - Bravo pour votre brillant parcours, depuis votre passage chez nous à l'Agence de l'eau Artois Picardie. Ce brillant parcours n'a pas entaché votre simplicité, votre modestie et votre sens de la pédagogie, trois qualités que nous aimerions trouver chez tous les agents de l'OFB, comme l'a souligné Guillaume Chevrollier...

Pas une semaine ne passe sans que de nouvelles statistiques ou rapports d'organisations internationales nous alertent sur l'érosion de la biodiversité. Selon le rapport du WWF, auquel le rapporteur a également fait référence, les populations d'animaux sauvages vertébrés ont chuté de 69 % entre 1970 et 2016. Ce rythme d'extinction est estimé être cent fois supérieur au taux naturel d'extinction des espèces. L'activité humaine, le réchauffement climatique, les sécheresses et la pollution, tous ces facteurs sont en cause : ils sont naturellement liés.

En lien avec ce constat dramatique, je souhaiterais vous interroger sur un sujet déterminant pour mon territoire, celui de l'agriculture. L'Organisation des Nations Unies reconnaît la biodiversité comme faisant partie intégrante de l'agriculture, notamment de l'agriculture durable. Dans son rapport publié le 22 février 2019, elle alerte sur le risque d'extinction pesant sur 24 % des aliments dits sauvages, c'est-à-dire non transformés : les plantes, les poissons et les mammifères. La préservation de la biodiversité est directement liée à notre capacité à assurer notre souveraineté alimentaire. En tant que directeur potentiel, comment envisagez-vous d'aborder le thème de la biodiversité dans le cadre de l'alimentation et de l'agriculture ?

Mme Marie-Claude Varaillas. - En décembre 2022, à la COP15 sur la biodiversité, 195 États se sont engagés à prendre des mesures urgentes, notamment pour restaurer 30 % des écosystèmes et doubler les ressources destinées à la protection de la nature. Les inondations, les sécheresses, la raréfaction des ressources en eau causée par le dérèglement climatique vont nécessiter sans aucun doute des actions de grande ampleur. D'ici la fin du siècle, les agences de l'eau prévoient une baisse de 10 à 50 % du débit d'étiage des grands fleuves et de 10 à 30 % des nappes phréatiques, ce qui va entraîner une concentration des polluants dans les rivières.

Pour préserver la biodiversité et la qualité nos eaux, à commencer par les pollinisateurs, essentiels à la sécurité alimentaire, il faut réduire les pesticides, corrélés à la disparition d'espèces d'insectes et d'oiseaux notamment. Cela suppose d'accompagner les agriculteurs par des alternatives et un revenu décent. Les néonicotinoïdes, faute de produits de substitution, sont de nouveau autorisés pour les betteraviers, quatre ans après leur interdiction.

L'agriculture doit s'emparer des enjeux du développement durable parce qu'elle a un rôle dans le défi démographique et climatique. Quel est votre sentiment sur les moyens alloués à la recherche pour assurer cette transition ?

M. Éric Gold. - La continuité écologique des cours d'eau et la suppression des seuils des moulins ne sont pas toujours bien comprises. Certaines suppressions de seuils sont envisagées, mais non réalisées. Des seuils de 30 centimètres sont jugés infranchissables et d'autres, plus hauts, non. Comment y répondrez-vous avec plus de cohérence ?

Mme Nicole Bonnefoy. - À l'Assemblée nationale, vous disiez que la France devait enfin prendre à bras-le-corps la lutte contre les pesticides. Je m'y attelle depuis mon élection, en 2008. Vous trouverez donc des alliés au Sénat pour défendre l'agroécologie.

Que pensez-vous des mesures de la proposition de loi, votée hier par une majorité de sénateurs, de réouverture de l'épandage aérien de pesticides, de réunification du conseil et de la vente de produits phytosanitaires et de retour de la tutelle du ministère de l'agriculture sur l'Agence nationale chargée de la sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) ? Les pesticides sont une cause majeure de l'écroulement du vivant, ce que montre encore une étude de grande ampleur sur l'ensemble du continent européen.

Le 5 mai dernier, Le Monde a révélé que des inspecteurs de l'environnement ont été empêchés par la direction de l'OFB et le ministère de l'agriculture d'effectuer un contrôle inopiné sur des arboriculteurs, une gageure en période d'épandage. Le ministère préférerait des mesures pédagogiques, mais nous comptons sur vous pour mettre fin au laissez-faire.

La proposition de loi pour un choc de compétitivité en faveur de la ferme France montre la puissance des partisans de l'agriculture intensive, dépendante des pesticides. L'exécutif affiche son soutien assumé au détricotage des lois protectrices de la biodiversité. Alors qu'un nouveau plan Écophyto est prévu pour 2030, quelle est votre implication pour changer le paradigme de notre modèle agricole, ce qui suppose un soutien massif ?

Mme Angèle Préville. - Face à un déclin massif de la biodiversité qui n'est toujours pas enrayé, comment assurerez-vous vos missions ? La France est l'un des pays, avec ses territoires ultramarins, qui abritent le plus d'espèces menacées.

Quelle sera votre latitude pour, enfin, enrayer la baisse de la biodiversité ? Regardez-vous les solutions originales, appliquées dans d'autres pays, au regard de l'échec du nôtre ? Quelle est votre ambition pour les grands prédateurs ?

En matière de police environnementale, comment ferons-nous avancer les choses alors que ce qui se passe dans notre pays soulève des questions ?

M. Frédéric Marchand. - Je reviens sur l'agriculture et l'alimentation. J'ai fait un tour de France des unes : les relations entre le monde de l'agriculture et l'OFB sont compliquées. Les agriculteurs souffrent des catastrophes climatiques et font part d'un sentiment de pression de la part de la police de l'OFB. Les deux mondes doivent dialoguer. Vous avez réaffirmé la nécessité de communiquer et de réapprendre à vivre avec la nature, pas contre elle. Les partenariats à l'échelle des territoires font-ils partie de vos priorités, notamment pour les actions de concertation ?

M. Hervé Gillé. - Notre commission et la mission d'information sur la gestion durable de l'eau vous ont déjà auditionné. Vous avez fait preuve d'un esprit plus libre que d'autres. Retrouverons-nous cette liberté de ton vis-à-vis du Gouvernement et des ministères, alors que l'OFB a des orientations politiques propres ?

Comment travaillerez-vous avez les territoires, les régions, les départements ? Vous n'avez pas abordé le sujet. Il existe des agences régionales de la biodiversité, et les départements jouent un rôle dans la gestion des espaces naturels sensibles. Comment incarnerez-vous ces politiques de complémentarité et d'alliance, aujourd'hui peu visibles ?

Vous avez mentionné l'Europe. Le lobbying est puissant. Une nouvelle politique européenne de préservation des sols se dessine : est-ce une bonne orientation selon vous ?

Quelles complémentarités tisserez-vous avec l'Office national des forêts (ONF) ?

Enfin, chaque projet doit s'évaluer en fonction de sa singularité et de son territoire. La maille doit donc s'affiner, avec les moyens de mener des études sur le terrain : quelles sont vos clés de lecture ?

M. Jacques Fernique. - Lors de la table ronde sur l'eau, en janvier, vous aviez cette liberté de ton, avec les formules suivantes : « Vivre contre ou aux dépens de la nature ne saurait fonder un système durable », « Vivre avec la nature est une partie de la solution si l'on veut s'adapter » ou encore « La meilleure bassine est celle qui est sous nos pieds ».

Vous posez donc un diagnostic solide. Encore faut-il le faire partager et intégrer les contraintes de chacun dans des démarches constructives. C'était la formule du Grenelle de l'environnement d'il y a 15 ans : partager un diagnostic et la compréhension mutuelle des contraintes respectives. Vous disiez devant l'Assemblée que c'était l'essentiel du travail. Cela étant, la donne a-t-elle vraiment changé depuis 15 ans ?

La récente étude européenne sur les oiseaux - 60 % des oiseaux des champs ont disparu en 40 ans - n'a pas été l'évènement qu'elle aurait dû être. Certaines idées persistent : on en ferait trop pour l'environnement, la police environnementale devrait suspendre son action. La note de l'OFB sur les vergers, publiée par Le Monde, fait tache.

J'entends souvent des critiques d'un OFB déconnecté des territoires : comment asseoir son autorité positive et sa capacité à construire avec les acteurs du territoire ?

Mme Marie-Laure Phinera-Horth. - Les outre-mer concentrent 80 % de la biodiversité française. Celle de la Guyane est exceptionnelle. Quelles sont vos pistes pour créer une synergie entre biodiversité et enjeux économiques de la Guyane ?

Mme Nadège Havet. - Je vous remercie de réserver votre premier déplacement, après votre nomination, à Brest. Sénatrice du Finistère, je réaffirme mon soutien aux 38 agents dont les bureaux ont brûlé.

La pêche subit une série de crises. La décision européenne d'interdire toute pêche dans les zones protégées - qui revient à dire aux prêcheurs, qui protègent la ressource, qu'ils doivent arrêter leur activité, tout comme les producteurs d'huîtres plates et les pêcheurs artisanaux - n'est plus à l'ordre du jour. Elle a au moins le mérite d'ouvrir le débat de la protection des aires marines protégées et de l'équilibre avec la pêche artisanale. Qu'en pensez-vous ? Comment protégez-vous ces espèces tout en préservant l'activité ?

M. Louis-Jean de Nicolaÿ. - Les sites gérés par l'Office feront-ils l'objet de communications sur leurs résultats en matière de biodiversité, ainsi que sur leur coût et leur bénéfice économique ? En effet, les personnes privées doivent aussi se les approprier.

Ensuite, sur la grippe aviaire, apportée par des oiseaux migrateurs, où en est-on de la vaccination des oiseaux et des problèmes des élevages avicoles ?

Enfin, je soutiens Éric Gold sur la continuité écologique des cours d'eau, avec une importance historique de maintien de l'eau et d'irrigation, mais aussi patrimoniale.

M. Fabien Genet. - Je souhaite vous partager un témoignage : maire en Saône-et-Loire, j'ai croisé les agents de l'OFB dans le cadre d'un dossier d'un fossé reclassé en cours d'eau lors de l'état des lieux demandé par Ségolène Royal. Cela avait fini devant les gendarmes et le procureur de la République... J'ai mesuré leur professionnalisme et leur expertise, mais la qualité relationnelle avec les élus soulève des questions. Un collègue parlait d'autorité positive : passe-t-elle nécessairement par le port d'arme ? Sur qui les agents doivent-ils ouvrir le feu ? C'est l'occasion de laisser s'exprimer votre liberté de ton...

M. Étienne Blanc. - Comment concevez-vous les liens entre l'OFB et le monde de la recherche ? En effet, la science contribuera à préserver la biodiversité. Subsidiairement, la recherche sur les plantes transgéniques est-elle un repoussoir ou une piste ?

M. Olivier Thibault. - Plusieurs d'entre vous rappellent l'érosion de la biodiversité. La plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques recense 5 causes principales.

Tout d'abord l'artificialisation des sols et des milieux. Les outils sont dans le débat public, avec le zéro artificialisation nette (ZAN), sujet complexe, vous le savez mieux que moi.

Deuxième cause, les pollutions, que nous avons la capacité de gérer lorsqu'elles sont ponctuelles. Cependant, le sujet n'est pas derrière nous : 15 % de nos stations d'épuration sont non conformes. Ce n'est pas un problème de technicité.

La troisième grande cause, à la fois évidente et difficile à appréhender, concerne la surexploitation des ressources, chacun adoptant une position de cueilleur plutôt que de gestionnaire.

La quatrième grande cause est le changement climatique. Je me réjouis que, sur ce point, le débat ait beaucoup évolué ces dernières années et que la prise de conscience progresse. Lorsque le ministre Christophe Béchu évoque un scénario à quatre degrés, il veut, certes, nous faire réagir. Mais, nous le savons, il n'est pas si loin de la réalité, dans la mesure où nous nous rapprochons des scénarios les plus pessimistes du GIEC. Acceptons donc d'en examiner les conséquences !

La cinquième grande cause concerne les espèces exotiques envahissantes, phénomène largement dû à l'homme.

Les solutions simplistes ne fonctionnent pas ! Ainsi, prétendre que la solution résiderait dans la limitation de la chasse est faux. En effet, aujourd'hui, dans de nombreux territoires, il conviendrait de chasser plus, afin de mieux réguler certaines espèces, notamment les sangliers et les ongulés, au regard du renouvellement forestier. En effet, près de 50 % des forêts publiques ne sont pas à l'équilibre et ne se renouvellent pas.

Ne l'oublions pas, nous vivons dans un monde anthropisé : nous choisissons et entretenons les équilibres, ce qui passe par la régulation de certaines espèces. Si certains cervidés sont trop nombreux, tel n'est pas le cas des oiseaux migrateurs, certains chasseurs se comportant plus comme des cueilleurs que comme des gestionnaires.

Pour répondre à de telles situations, il convient d'adopter une gestion adaptative permettant de sortir du « tout ou rien » : soit c'est permis et on peut faire tout ce qu'on veut, soit c'est interdit, et on ne peut rien faire. Dans les deux cas, on arrive à des effets déviants qui posent problème. Nous avons donc intérêt à nous appuyer sur la science et la connaissance, afin de définir des objectifs de gestion et nous donner les moyens d'agir.

En matière de biodiversité, je reste persuadé qu'on peut ne pas opposer frontalement l'agriculture et la protection de l'environnement. Toutefois, toutes les agricultures ne sont pas compatibles. S'agissant de la disparition des oiseaux et des pollinisateurs, l'impact de l'agriculture, notamment de l'utilisation de produits phytosanitaires, est majeur. Nous devons donc réapprendre à vivre avec moins de produits phytosanitaires. C'est une question de survie.

Bien évidemment, il ne sera plus possible d'utiliser des recettes qui marchent à tous les coups ! Il faudra être capable de réagir face aux attaques de ravageurs. Le tout préventif, généralisé et à grande échelle, n'est pas une bonne solution. Vous-mêmes, mesdames, messieurs les sénateurs, ne vous administrez pas de grandes doses d'antibiotiques pour être sûrs de ne pas tomber malades ! C'est pareil en agriculture, il faut être capable d'agir le moment venu.

Pour ce faire, il faut de l'accompagnement et de la technicité. Avec les drones, les photos satellites et le suivi de la sécheresse dans les sols, on est capable de faire des choses qu'on ne pouvait pas faire voilà cinquante ans. Il faut aussi réapprendre l'agronomie et mettre en place des mécanismes d'aide plus solides en faveur des agriculteurs.

Il ne s'agit pas de mettre de l'agriculture biologique partout ou d'arrêter tous les produits phytosanitaires ! Il convient de trouver un juste milieu, en faisant évoluer nos mesures agroenvironnementales et en développant le paiement pour services environnementaux, qui me paraît un outil très efficace. Si les nouvelles biotechnologies peuvent constituer une partie de la solution, elles ne pourront pas tout résoudre.

Vous avez également évoqué le nouveau plan Écophyto. À mes yeux, l'important, c'est de réussir à sortir de la politique de substitution de molécules.

Puisque vous connaissez bien le sujet de l'eau potable, vous vous souvenez certainement du problème posé par la présence d'atrazine, voilà vingt ans. Cet herbicide est toujours présent dans les périmètres de captage. Or, aujourd'hui, on parle de plus en plus du S-métolachlore, qui n'est que le successeur de l'atrazine pour le maïs.

Il faut donc trouver des systèmes agronomiques permettant de produire, en vue d'assurer notre souveraineté alimentaire, mais sans détruire tout le reste.

S'agissant de la continuité écologique et des moulins, nous devons cesser d'opposer caricaturalement patrimoine et biodiversité. À l'heure actuelle, nous perdons des poissons migrateurs, à cause de la conjonction de l'absence de continuité écologique et des silures, qui engendre des taux de prédation de 80 % à 100 % des lamproies, aloses et saumons.

Le problème de la continuité écologique se pose sur les cours d'eau classés, qui représentent 11 % de nos cours d'eau. Selon moi, la conservation des espèces emblématiques de nos cours d'eau a du sens et mérite d'aider les personnes concernées. Cela n'entraîne pas la suppression des moulins et du patrimoine ! Il faut équiper les moulins et supprimer ceux qui ne servent plus.

Partout, j'entends dire que les seuils permettent de lutter contre la sécheresse. C'est archifaux ! Un seuil engendre le stockage de l'eau, donc son évaporation et son réchauffement. Il entraîne également le stockage des sédiments, ce qui imperméabilise le fond et casse le transfert de l'eau vers la nappe. La meilleure bassine, c'est celle qui est sous nos pieds ! Pour avoir la gestion de l'eau la plus efficiente dans un contexte de changement climatique, nous devons réussir à garder l'eau dans nos sols le plus longtemps possible, ce qui veut dire ne pas imperméabiliser, afin que l'eau s'infiltre dans le sol et remplisse nos nappes, qui alimentent les cours d'eau. Il faut abandonner notre croyance collective selon laquelle il convient d'envoyer le plus vite possible l'eau à la mer ! L'imperméabilisation a pour effet de concentrer l'eau dans les points bas, où se trouvent souvent des maisons. Par ailleurs, le fait de priver d'eau l'éponge que constitue le sol rend celui-ci moins résilient.

Toutefois, à certains endroits, pour des raisons diverses liées aux besoins anthropiques, il faut des barrages et des retenues.

Vous avez évoqué la proposition de loi pour un choc de compétitivité en faveur de la ferme France. À mes yeux, nous n'aidons pas l'agriculture en lui faisant croire qu'il n'y a rien à changer. La ressource en eau sera moins disponible et il conviendra de changer un certain nombre d'assolements. De nouveaux modèles agroenvironnementaux doivent être mis en place. Dans les territoires, je vois des agriculteurs et des chambres d'agriculture qui mettent en place des choses remarquables, en créant de nouvelles filières et en diversifiant.

L'arrêté relatif à la protection des abeilles et le plan national en faveur des insectes pollinisateurs et de la pollinisation, approuvé voilà un an, sont des décisions extrêmement importantes à mes yeux. Aux États-Unis, certains agriculteurs sont obligés de faire de la pollinisation par drones ! J'espère que nous n'en arriverons pas là ! Au cours de la première année d'application de cet arrêté, il faut l'expliquer, ce n'est pas choquant. La seconde année, on sanctionne ceux qui font exprès de ne pas appliquer l'arrêté. Le procureur, en amont, et le préfet, en aval, doivent organiser la montée en pression de ce contrôle. Si nous ne le mettons pas en place, nous serons collectivement en tort.

Le lien avec les élus me semble essentiel, car les questions d'environnement et de biodiversité ont partie liée avec celles relatives à l'aménagement du territoire. Le rôle des élus est donc crucial : tout dépend de la manière dont ils décident de renaturer leur ville, d'artificialiser ou non les terrains, d'organiser le cycle de l'eau, etc. Les Atlas de la biodiversité communale de l'OFB constituent un outil précieux pour permettre aux élus de connaître la biodiversité de leur territoire. Les agences régionales de la biodiversité, qui se mettent en place progressivement, sont aussi un point d'appui. Toutefois, nous n'avons pas encore trouvé le bon rythme de croisière dans toutes les régions. Les dispositifs ne sont pas toujours bien compris et ne s'articulent pas toujours de manière optimale. J'observe des confusions sur le rôle des directions régionales de l'OFB, des agences régionales de la biodiversité, des régions ou des départements, etc. Ces derniers sont des gestionnaires majeurs des territoires, mais ils ne sont pas assez mis en valeur dans nos stratégies de biodiversité.

Si je suis nommé directeur de l'OFB, je m'efforcerai de travailler en bonne intelligence avec l'ONF. J'ai rencontré sa directrice générale hier pour évoquer de nombreux sujets, dont celui de l'équilibre sylvo-cynégétique. Les questions du renouvellement forestier et de l'aménagement du territoire sont complexes, car nous devons, dans un contexte de changement climatique, choisir les forêts qui arriveront à maturité dans cent ans. Nos choix nous engageront pour les années à venir. Il faut trouver les bonnes essences aux bons endroits, lutter contre le dépérissement des forêts, etc. Cela suppose de faire des paris dans certains endroits. L'important est d'en parler dans les territoires avec les propriétaires, les élus, les collectivités, etc.

Sur la question des aires marines protégées et de la pêche, je constate chaque jour que la pêche ne peut fonctionner sans régulation, car les procédés de pêche sont tellement puissants et efficaces que, sans règles, on détruirait rapidement la ressource en poissons. Sans régulation, le thon rouge aurait ainsi déjà disparu en Méditerranée. Les débats sont vifs sur la pêche de fond. Certains craignent que son interdiction n'entraîne la fin de la pêche.

Les zones de protection forte en mer de la France concernent 0,28 % des fonds français. Ce n'est pas énorme ! Le Président de la République avait fixé l'objectif, repris dans la stratégie nationale pour la biodiversité, de protéger 30 % du territoire national et des eaux maritimes d'ici à 2030, dont 10 % en protection renforcée. Aujourd'hui, les zones protégées représentent 32 % du territoire national et des eaux maritimes - grâce à l'outre-mer -, et les zones sous protection forte ne représentent que 4,6 % du territoire, grâce à la présence là encore de surfaces protégées très importantes outre-mer, notamment dans les Terres australes et antarctiques françaises (TAAF). Nous ne sommes donc pas au niveau, notamment en mer.

Or la pêche a besoin de zones où la faune et la ressource marine peuvent se reconstituer. Après la création du parc national des Calanques, la pêche a été réduite dans le parc, la situation était tendue au début, mais, aujourd'hui, les pêcheurs sont très contents ! On a besoin de zones propices à l'épanouissement de la biodiversité, protégées de l'action humaine. Bien évidemment ces zones ne doivent pas constituer la majorité de la surface, leur proportion doit être raisonnable, mais les zones actuelles ne sont pas très importantes. La situation des pêcheurs devient de plus en plus difficile : ils sont obligés d'aller toujours plus loin en mer pour remonter des poissons, d'utiliser de plus en plus de carburant, etc. La régulation a aussi pour objet de les protéger et de leur permettre de vivre de leur travail. Il faut donc développer les zones de protection de manière proportionnée, à certains endroits, car nous sommes loin des objectifs que nous nous étions fixés, ce qui ne signifie pas qu'il faille interdire le dragage de fond sur tout le territoire.

La grippe aviaire est un sujet difficile. La maladie ne vient pas de la faune sauvage ; elle résulte d'une concentration trop forte d'animaux, puis le virus est passé dans la faune sauvage et revient par ce biais. Sa lutte appelle des mesures draconiennes. Lorsqu'un oiseau est touché, il faut souvent abattre tout l'élevage. Nous devons prendre des mesures de protection, mais il ne faut pas croire qu'en supprimant la faune sauvage, cela ira mieux. J'entends trop souvent qu'il faudrait éradiquer les vautours ou les canards sauvages au motif qu'un animal a la grippe aviaire, ou les bouquetins, si l'un d'entre eux a la brucellose. On ne résoudra pas la question en tuant les porteurs du virus. Il faut respecter le concept « one health », une seule santé, l'équilibre entre la santé humaine, la santé des animaux et la santé des écosystèmes. Nous avons intérêt à ce que les écosystèmes et la faune sauvage soient en bonne santé. Des organismes en bonne santé sont, en effet, plus résistants. Il en va de même pour les écosystèmes. Ensuite, lorsque la crise se déclare, il faut être capable de prendre les bonnes mesures de gestion pour se protéger.

J'en viens à la question du port d'arme. J'espère tout d'abord qu'aucun agent ne sera en situation de devoir tirer sur quelqu'un si je suis nommé directeur. Il n'en demeure pas moins que des agents sont morts en service, et leur liste est longue. Les inspecteurs de l'environnement peuvent se retrouver potentiellement dans des situations dangereuses. Il est donc légitime qu'ils disposent d'une arme et soient formés pour l'utiliser. Toutefois, s'il est normal de porter une arme lors d'un contrôle anti-braconnage, où les inspecteurs sont confrontés à de vrais bandits, est-ce utile pour rencontrer des élus ? Cela ne me choque pas, une arme n'est pas quelque chose que l'on peut laisser dans sa voiture le temps d'un rendez-vous ! L'essentiel est que les agents soient formés au maniement des armes. Ils doivent apprendre à faire en sorte que leur arme ne soit pas visible. Il faut donc travailler sur les gestes et les postures, la manière de porter l'arme, afin que le public ne perçoive pas les agents comme des cow-boys.

L'OFB n'est pas un établissement public de recherche, à la différence de l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae) ou de l'Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer (Ifremer), mais il conduit des actions de recherche et accueille des chercheurs. L'OFB est donc un organisme susceptible de constituer une passerelle entre différents univers, de faire le lien entre le monde de la recherche, dont l'optique est de long terme, et les demandes des élus, qui ont besoin de réponses concrètes pour résoudre des problèmes quotidiens. Il faut donc aider le monde de la recherche à anticiper les besoins et à vulgariser. L'OFB me semble bien placée pour jouer ce rôle.

M. Jean-François Longeot, président. - Je vous remercie.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

Vote et dépouillement sur la proposition de nomination, par le Président de la République, de M. Olivier Thibault, candidat proposé par le Président de la République aux fonctions de directeur général de l'Office français de la biodiversité (OFB)

M. Jean-François Longeot, président. - L'audition de M. Olivier Thibault étant achevée, nous allons maintenant procéder au vote.

Le vote se déroulera à bulletin secret, comme le prévoit l'article 19 bis de notre Règlement. En application de l'article 1er de l'ordonnance n° 58-1066 du 7 novembre 1958 portant loi organique autorisant exceptionnellement les parlementaires à déléguer leur droit de vote, les délégations de vote ne sont pas autorisées.

Je vous rappelle que le Président de la République ne pourrait procéder à cette nomination si l'addition des votes négatifs des commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat représentait au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés dans les deux commissions.

La commission procède au vote, puis au dépouillement du scrutin sur la proposition de nomination, par le Président de la République, de M. Olivier Thibault aux fonctions de directeur général de l'Office français de la biodiversité, simultanément à celui de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire de l'Assemblée nationale.

M. Jean-François Longeot, président. - Voici le résultat du scrutin, qui sera agrégé à celui de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire de l'Assemblée nationale :

Nombre de votants : 38

Bulletins blancs : 4

Bulletins nuls : 0

Suffrages exprimés : 34

Pour : 34

Contre : 0

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

Projet de loi relatif à l'industrie verte - Communication

M. Jean-François Longeot, président. - Le projet de loi relatif à l'industrie verte a été présenté en Conseil des ministres la semaine dernière. Sa thématique principale - favoriser la réindustrialisation du pays - a justifié un renvoi à la commission des affaires économiques.

Au demeurant, ce texte revêt également une forte dimension environnementale. C'est pourquoi nous nous sommes saisis pour avis de ce projet de loi lors d'une précédente réunion de commission et avons désigné Fabien Genet rapporteur pour avis qui a déjà engagé son programme d'auditions avec implication et sérieux, ce dont je le remercie.

Le projet de loi compte 19 articles.

Notre commission sollicite des délégations au fond sur six articles : l'article 2, qui vise à réviser les modalités de consultation du public et à adapter la procédure de délivrance de l'autorisation environnementale ; l'article 3, qui prévoit une adaptation des consultations réalisées sous l'égide de la Commission nationale du débat public (CNDP) ; l'article 4, qui vise à faciliter la sortie du statut de déchet et à mettre en place des amendes administratives en cas de transfert illicite de déchets en dehors du territoire national ; l'article 7, qui prévoit de remplacer les « sites naturels de compensation » par les « sites naturels de restauration et de renaturation », ce qui faciliterait la réalisation par les porteurs de projet d'opérations de compensation au titre de la biodiversité par anticipation ; l'article 13, qui comporte plusieurs dispositions visant à verdir la commande publique - on peut principalement évoquer l'extension du schéma de promotion des achats publics socialement et écologiquement responsables (SPASER) à l'ensemble des acheteurs publics et la possibilité pour l'acheteur ou l'autorité concédante d'exclure d'un marché ou d'un contrat de concession les personnes qui ne satisfont pas à leur obligation d'établir un bilan de leurs émissions de gaz à effet de serre - ; et l'article 14, enfin, qui étend plusieurs dispositions de verdissement de la commande publique à certains territoires ultra-marins.

Je vous propose également que notre commission se saisisse pour avis de quatre articles qui seront rapportés au fond par la commission des affaires économiques : l'article 5, qui vise à accélérer et à faciliter le renouvellement et la réhabilitation du foncier industriel pour des sites arrivant en fin d'activité ou d'ores et déjà en cessation d'activité en modifiant la réglementation s'appliquant aux installations classées pour la protection de l'environnement ; et l'article 6 qui réforme le régime des garanties financières concernant les obligations de remise en état et de réhabilitation et le régime des sanctions en cas d'irrespect par l'exploitant de ses obligations. Il en va de même pour l'article 9, qui crée un cadre simplifié de mise en compatibilité des documents de planification et d'urbanisme. Une majorité des dispositions de l'article ne concerne pas la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. Une des dispositions relève toutefois directement de notre champ de compétence : la possibilité de reconnaître au cas par cas à un projet d'intérêt national majeur (pour la souveraineté nationale ou la transition écologique) le caractère de projet répondant à une raison impérative d'intérêt public majeur (RIIPM) dans le cadre de la procédure de dérogation à l'obligation de protection stricte des espèces protégées. Enfin, nous pourrions aussi nous saisir pour avis de l'article 10, qui vise à reconnaître le caractère de projet répondant à une raison impérative d'intérêt public majeur, et ce dès la phase de déclaration d'utilité publique du projet. Cette disposition, inscrite dans le projet de loi relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables, avait été supprimée par le Sénat en première lecture, avec l'aval de notre commission.

Je vous rappelle que le texte sera examiné en commission la semaine du 12 juin. Nous nous réunirons le 13 juin après-midi et la commission au fond, celle des affaires économiques, se réunira le lendemain matin, le 14 juin. La séance publique se déroulera la semaine du 19 juin.

Il en est ainsi décidé.

La réunion est close à 11 h 20.