- Mardi 2 mai 2023
- Mercredi 3 mai 2023
- Audition de M. Marc Papinutti, candidat proposé par le Président de la République aux fonctions de président de la Commission nationale du débat public (CNDP)
- Vote sur la proposition de nomination, par le Président de la République, de M. Marc Papinutti aux fonctions de président de la Commission nationale du débat public
Mardi 2 mai 2023
- Présidence de M. Jean-François Longeot, président -
La réunion est ouverte à 14 heures.
Proposition de loi visant à assurer la qualité et la pérennité des réseaux de communications électroniques à très haut débit en fibre optique - Examen des amendements au texte de la commission
M. Jean-François Longeot, président. - Nous examinons les amendements au texte de la commission sur la proposition de loi visant à assurer la qualité et la pérennité des réseaux de communications électroniques à très haut débit en fibre optique.
EXAMEN DES AMENDEMENTS DE LA RAPPORTEURE
Mme Patricia Demas, rapporteure. - Mon amendement no 29 vise à apporter des précisions à l'article 1er de la proposition de loi, qui tend à clarifier les modalités de réalisation des raccordements à la fibre et les obligations respectives des opérateurs d'infrastructure et commerciaux.
D'une part, il précise que les exigences de qualité et les obligations prévues à l'article L. 34-8-3-3 du code des postes et des communications électroniques, exigence de labellisation des intervenants, réalisation systématique d'un compte rendu d'intervention et remise d'un certificat de conformité en particulier, s'appliquent à la réalisation des raccordements, peu importe le mode opératoire retenu. Cette précision vise à garantir l'application de ces dispositions aux cas de figure où l'opérateur d'infrastructure effectue lui-même des opérations de raccordement. Dans le même objectif de cohérence, il prévoit que ces exigences sont applicables aux contrats « Stoc » (pour « sous-traitance à l'opérateur commercial ») passés entre l'opérateur d'infrastructure et l'opérateur commercial.
D'autre part, il complète utilement le dispositif en instituant un certificat qui serait remis à l'utilisateur final en cas d'échec de raccordement.
Enfin, il clarifie l'articulation entre les dispositions de l'article 1er, relatives à l'opposabilité du contrat de sous-traitance par l'utilisateur final, et les sanctions qui peuvent être prononcées en cas d'interruption du service d'accès à internet en application de l'article 5.
L'amendement n° 29 est adopté.
Mme Patricia Demas, rapporteur. - L'amendement no 30 vise à clarifier le champ d'application du dispositif. Il s'agit de préciser que l'interdiction du recours au mode « Stoc » pour la réalisation des raccordements longs et complexes s'applique à la fois aux zones ayant obtenu le statut de « zone fibrée » et aux communes dans lesquelles la fermeture du réseau cuivre est engagée, ces deux critères étant alternatifs.
L'amendement n° 30 est adopté.
Mme Patricia Demas, rapporteur. - L'amendement légistique n° 31 vise à corriger une erreur matérielle.
L'amendement n° 31 est adopté.
Mme Patricia Demas, rapporteur. - L'article 5 vise à mieux protéger les droits des utilisateurs en cas d'interruption prolongée du service d'accès à internet.
Selon la durée de l'interruption, il institue trois pénalités possibles à l'encontre du fournisseur d'accès à internet (FAI) : la suspension du paiement de l'abonnement au bout de cinq jours, le versement d'une indemnité à l'abonné au bout de dix jours puis la résiliation sans frais de l'abonnement, si l'abonné en fait la demande, au bout de vingt jours.
L'amendement no 32 vise à préciser que le nombre de jours d'interruption est calculé jusqu'au rétablissement de l'accès à internet pendant au moins sept jours, afin de prendre en compte les cas de figure où la connexion de l'utilisateur n'est rétablie que momentanément.
Par ailleurs, il clarifie les modalités de remboursement du consommateur lorsque celui-ci a versé des sommes au titre de périodes durant lesquelles son service d'accès à internet a été interrompu.
L'amendement n° 32 est adopté.
EXAMEN DES AMENDEMENTS AU TEXTE DE LA COMMISSION
Mme Patricia Demas, rapporteure. - J'émets un avis favorable aux amendements nos 12 rectifié quinquies, 7 rectifié ter, 8 rectifié ter et 11 rectifié quinquies.
La commission émet un avis favorable aux amendements nos 12 rectifié quinquies, 7 rectifié ter, 8 rectifié ter et 11 rectifié quinquies.
La commission demande l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 13.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 14 rectifié.
Après l'article 1er
L'amendement n° 3 rectifié est déclaré irrecevable en application de l'article 45 de la Constitution.
Après l'article 2
Les amendements nos 2 rectifié et 1 rectifié sont déclarés irrecevables en application de l'article 45 de la Constitution.
Article 3
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 9 rectifié ter.
Après l'article 4
Les amendements nos 4 et 5 sont déclarés irrecevables en application de l'article 45 de la Constitution.
Article 5
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 15.
M. Bruno Rojouan. -Dans le cadre de son plan stratégique à l'horizon 2025, la société Orange a annoncé la fermeture progressive de son réseau cuivre sur la période 2023-2030. Si cet arrêt est souhaité par les acteurs de la filière, la transition du cuivre vers la fibre doit s'accompagner des garanties nécessaires à l'égard des usagers qui se posent un grand nombre d'interrogations face à ce bouleversement.
Par ailleurs, le rôle et l'appui des élus locaux dans cette démarche de transition vers un nouveau réseau fibre semblent incontournables pour mener à bien cette campagne et il est essentiel que ceux-ci soient fortement associés.
Aussi, l'amendement n° 6 rectifié bis prévoit la remise d'un rapport du Gouvernement au Parlement, dans les six mois suivant la promulgation de la loi, examinant l'opportunité de la fermeture commerciale et technique du réseau de communication historique cuivre et la pertinence du plan d'action retenu pour sa mise en oeuvre.
Mme Patricia Demas, rapporteure. - Cet amendement soulève une question pertinente. Je souscris pleinement aux interrogations de ses auteurs, qui sont aussi celles de nombreux élus. Cependant, ce texte ne me semble pas être le véhicule approprié pour discuter des modalités de la fermeture du réseau cuivre d'Orange. Je sollicite donc le retrait de cet amendement. J'espère toutefois que le ministre pourra répondre dans l'hémicycle aux inquiétudes légitimes des auteurs de cet amendement.
M. Bruno Rojouan. - Nous le retirerons en séance publique.
La commission demande le retrait de l'amendement n° 6 rectifié bis.
Intitulé de la proposition de loi
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 10 rectifié ter.
Mme Patricia Demas, rapporteure. - Avant de conclure, je tiens à regretter que le Gouvernement ne nous ait pas soumis les amendements qu'il compte déposer en séance - il semblerait qu'il finalise en ce moment même leur rédaction...
M. Jean-François Longeot, président. - C'est ubuesque !
Questions diverses
M. Jean-François Longeot, président. - J'avais attiré l'attention des questeurs sur l'étroitesse de notre salle de commission et les difficultés pratiques que nous rencontrons lors de nos réunions. J'ai le plaisir de vous informer que M. Vincent Capo-Canellas m'a répondu que notre commission pourra tenir ses réunions en salle Clemenceau dès la rentrée, une fois que les travaux en cours y auront été terminés.
La commission donne les avis suivants sur les amendements de séance :
La réunion est close à 14 h 10.
Mercredi 3 mai 2023
- Présidence de M. Jean-François Longeot, président -
La réunion est ouverte à 10 h 30.
Audition de M. Marc Papinutti, candidat proposé par le Président de la République aux fonctions de président de la Commission nationale du débat public (CNDP)
M. Jean-François Longeot, président. - Nous avons été informés le 7 avril dernier que le Président de la République envisageait de vous nommer, monsieur Papinutti, aux fonctions de président de la Commission nationale du débat public (CNDP). Cette nomination ne peut intervenir qu'après audition de la personne pressentie devant les commissions compétentes de l'Assemblée nationale et du Sénat, auditions qui doivent être suivies d'un vote.
Cette audition est publique et ouverte à la presse. À son issue, nous procéderons au vote, pour lequel il ne peut y avoir de délégation de vote. La commission du développement durable et de l'aménagement du territoire de l'Assemblée nationale vous entendra également le 10 mai prochain, à quinze heures. C'est à l'issue de cette deuxième audition que nous procéderons au dépouillement simultané de ce scrutin avec celui de l'Assemblée nationale.
Je vous rappelle que, en application de l'article 13 de la Constitution, il ne pourrait être procédé à cette nomination si l'addition des votes négatifs de chaque commission représentait au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés dans les deux commissions.
Je laisse le soin au rapporteur Bruno Rojouan de vous interroger sur les enjeux relatifs à votre indépendance.
M. Bruno Rojouan, rapporteur. - Monsieur Papinutti, nous sommes réunis aujourd'hui pour examiner votre candidature à la présidence de la CNDP afin de nous permettre d'en apprécier 1'opportunité. Nous allons, tous ensemble, appréhender ce matin les forces et faiblesses de votre candidature à la tête de cette institution. Le rôle exact, l'utilité et l'impact réel de son action sont fréquemment remis en question. C'est pourquoi, à titre liminaire, il m'apparaît nécessaire de les évoquer pour mieux apprécier les enjeux que soulève votre candidature.
La CNDP a été créée par la loi du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l'environnement, dite « loi Barnier ». Autorité administrative indépendante depuis 2002, elle est chargée de veiller au respect de la participation du public au processus d'élaboration des projets d'aménagement ou d'équipement dès lors qu'ils présentent de forts enjeux socio-économiques ou ont des impacts significatifs sur l'environnement ou l'aménagement du territoire. Cette participation du public peut prendre la forme d'un débat public qu'organise la CNDP. Pour les projets les plus importants, ce débat est obligatoire. Par son action, elle doit donc diffuser une culture de la concertation et favoriser l'adhésion de la population aux projets grâce à la prise en compte, ou au moins à l'écoute, de tous les points de vue.
Toutefois, l'efficacité de l'action de la CNDP suscite des interrogations légitimes. Cette institution souffre, tout d'abord, d'un fort manque de notoriété ; on peut donc se demander si elle a la capacité de mener à bien ses missions. Par ailleurs, elle n'a pas été capable d'organiser le grand débat national voulu par le Président de la République en 2019. Les dissensions entre le Gouvernement et sa présidente, couplées à la polémique sur la rémunération de celle-ci, perçue comme excessive par l'opinion, l'ont empêché de jouer un rôle dans une concertation qui était pourtant au coeur de son champ d'action.
Plus largement, la CNDP ne semble pas avoir la capacité d'organiser des débats apaisés sur les projets dont elle est saisie. Son action n'a pas permis de prévenir ou d'apaiser les fortes tensions autour des grands projets d'aménagement. Ce constat a conduit un député à déposer en janvier 2023, lors de l'examen du projet de loi relatif à l'accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes, un amendement de suppression de la CNDP. Selon lui, l'apparition de zones à défendre (ZAD) à Notre-Dame-des-Landes et à Bure, mais aussi l'absence de prise en compte réelle des oppositions locales aux grands projets sont le signe de son peu d'utilité. Les décisions seraient déjà prises avant la concertation, l'expérience de démocratie participative locale serait factice et donc condamnée à échouer. Face à ces critiques, quelle est selon vous la place que doit avoir la CNDP dans le processus de décision ?
Cette question en appelle immédiatement une seconde, celle de l'articulation entre l'expérience de démocratie participative que représentent la CNDP et la démocratie représentative. Le projet de loi précité relatif à la construction de nouvelles installations nucléaires a montré les tensions qui peuvent apparaître entre les deux. La CNDP menait en effet depuis plusieurs mois un débat sur « le nucléaire demain » et n'avait pas encore rendu ses conclusions quand, sur l'initiative du Sénat, la loi a supprimé les critères de limitation de la production nucléaire. Dans son compte rendu du débat, la Commission nationale a déploré une rupture de confiance et une perte de son utilité du fait de ce calendrier imprévu. Quelle est, selon vous, la marche à suivre pour assurer une meilleure articulation entre les travaux du Parlement et ceux de la CNDP ?
J'en viens à la pertinence de votre profil pour occuper ce poste. Vous avez travaillé dans des secteurs qui vont ont conféré une expertise indéniable sur les grands projets concernés par le débat public. Vous avez notamment été directeur général de Voies navigables de France (VNF) jusqu'en 2017, date à laquelle vous êtes devenu directeur de cabinet d'Élisabeth Borne, alors ministre des transports, jusqu'en 2019. Vous avez ensuite été directeur général des infrastructures, des transports et des mobilités (DGITM), avant de revenir à la tête d'un cabinet ministériel entre juillet 2022 et février dernier en tant que directeur de cabinet de Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Je n'ai donc aucun doute sur vos compétences et vos connaissances. Toutefois, alors que vous avez travaillé étroitement avec Mme Borne et M. Béchu ces dernières années, je ne peux m'empêcher de m'interroger sur votre capacité à faire preuve de l'indépendance nécessaire, et même indispensable, à la fonction de président d'une autorité administrative indépendante.
De surcroît, la CNDP a défini dans sa charte de déontologie que sa première valeur était l'indépendance. La simple apparence d'un tel manque, qu'elle soit fondée ou non, est de nature à décrédibiliser son impartialité dans la tenue des débats. La fonction même de président de la Commission, et toutes les exigences qu'elle emporte en termes d'impartialité pour mener à bien ses missions, sont-elles de nature à vous permettre de vous départir de toute éventuelle pression du Gouvernement ?
Votre prédécesseure, Mme Jouanno, a su incarner cette valeur de façon très forte. Dans la continuité de son action, si demain vous étiez nommé président de la CNDP, pourrez-vous de la même façon prendre position en toute liberté face aux ministres que vous avez servis avec la plus grande loyauté ces dernières années ?
La cruciale question du déport vous concerne au premier chef. Ces dernières années, que ce soit en tant que directeur général des infrastructures, des transports et des mobilités ou en tant que directeur de cabinet, vous avez eu à connaître de très nombreux dossiers, concernant notamment les infrastructures de transport. Par conséquent, si votre nomination était confirmée, des déports sur ces dossiers devraient avoir lieu. Avez-vous une idée de leur ampleur ? N'est-ce pas une véritable difficulté alors que le poste auquel vous candidatez exige de s'y consacrer entièrement ?
Vous deviez, il y a quelques semaines, vous présenter devant notre commission pour qu'elle se prononce sur votre candidature, non pas à la présidence de la CNDP, mais à celle du conseil d'administration de l'Autorité de régulation des transports (ART). Des questions analogues, quant à votre indépendance et à l'ampleur des déports nécessaires, se posaient alors. Cette seconde candidature peut donner l'impression d'une tentative de nomination pour services rendus, indépendamment de votre compétence et de votre motivation, que je ne mets pas en doute. Que répondez-vous à ces critiques ?
Je suis convaincu de vos compétences et de votre parfaite connaissance des enjeux dans lesquels s'insère l'action de la CNDP. Il nous est indispensable, en tant que parlementaires, de nous assurer de votre capacité à acquérir l'indépendance nécessaire à la fonction et de veiller à ce que les règles de déport s'appliquant à votre cas n'aient pas d'incidence sur le bon fonctionnement de cette institution.
M. Marc Papinutti, candidat proposé par le Président de la République aux fonctions de président de la Commission nationale du débat public. - Je suis convaincu, après quarante ans d'engagement total et résolu au service de l'intérêt général, que les transitions en cours - écologiques, sociales, énergétiques - sont déterminantes pour notre société et qu'elles ne pourront se faire qu'avec l'adhésion de nos concitoyens : leur participation aux décisions est un préalable indispensable.
Pour ce qui concerne la double proposition de nomination dont j'ai fait l'objet, il est vrai que le Président de la République avait proposé ma candidature à la présidence de l'ART. Or, si j'avais été nommé à ce poste, j'aurais été obligé de me déporter sur un nombre trop important de dossiers, mon parcours induisant en effet de nombreuses situations d'incompatibilité. En conscience, j'ai préféré me retirer.
Diplômé de l'École nationale des travaux publics de l'État (ENTPE), je me suis toujours efforcé au cours de ma carrière d'écouter tous les publics avec la même attention et de répondre à l'invitation des commissions parlementaires. Ce fut le cas à la fin des années 1990 dans le cadre du plan de déplacements urbains d'Île-de-France (PDUIF), pour le projet du canal Seine-Nord Europe à partir de 2003, au sein de VNF pour le débat public commun sur la plaine de la Bassée et l'aménagement de la liaison fluviale entre Bray-sur-Seine et Nogent-sur-Seine, qui a porté notamment sur les usages de l'eau - question ô combien d'actualité. Il en fut de même, au sein des cabinets ministériels, lors du Grenelle de l'environnement, des assises de la mobilité qui ont abouti à la loi du 24 décembre 2019 d'orientation des mobilités (LOM) - deux grands moments de concertation et de construction collective qui font date. Je citerai également les projets d'infrastructures favorisant le fret routier, ferroviaire ou fluvial, y compris pendant la crise du covid ; l'élaboration d'une ambition nationale pour le vélo ; le déploiement de solutions de transport au travers de France Mobilités, en concertation avec les associations et les territoires.
Ces expériences m'ont convaincu de la nécessité de la démocratie participative sous toutes ses formes, en complément de la démocratie représentative et de la légitimité technique. Si ma candidature était retenue, il me faudrait garantir la participation à la construction des politiques publiques, particulièrement celles qui ont un impact sur l'environnement.
Je serai attaché à défendre l'indépendance de la CNDP. Ceux qui me connaissent savent avec quelle rigueur j'ai exercé mes fonctions au service de l'intérêt général. À mon âge, je ne sais qui ou quoi pourrait menacer mon impartialité... La CNDP est composée d'un bureau permanent qui saura garantir cette indépendance. Ma candidature s'inscrit dans la continuité de l'action des anciens présidents de la Commission nationale auxquels je souhaite rendre hommage : Philippe Deslandes, Christian Leyrit et tout particulièrement Chantal Jouanno..
Créée par la « loi Barnier », la CNDP est garante du droit à l'information et à la participation du public à l'élaboration des plans, programmes et projets ayant une incidence sur l'environnement. Ayant une obligation de neutralité absolue, elle ne se prononce ni sur l'opportunité des projets ni sur le bien-fondé des arguments. Ses missions sont exercées par 300 garantes et garants nommés et indemnisés par mission.
La CNDP est l'institution ayant la plus forte expérience européenne de la participation du public, avec 106 débats publics, 427 concertations, procédures et participations par voie électronique. Elle a traité au cours des cinq dernières années, du fait de changements de seuils, davantage de saisines que lors des vingt années précédentes. Son rôle est croissant, puisque les deux tiers des projets sont modifiés après ce processus participatif. Cette croissance a été assumée par la création de deux équivalents temps plein (ETP), soit un effectif total de quinze ETP si l'on inclut le bureau.
J'en viens aux actions que j'envisage de mener.
Première action : à court terme, mieux présenter le travail, essentiel, réalisé par la CNDP ainsi que sa contribution future à la démocratie représentative. La CNDP bénéficie d'une expérience unique de vingt-cinq ans, sans équivalent en Europe. Elle a expérimenté toutes les méthodes participatives et a eu connaître de sujets éminemment conflictuels. Cette reconnaissance est confirmée par la très forte augmentation de ses missions de conseil ou d'expertise, qui ne figurent pas dans le champ obligatoire de ses attributions.
Dans la même lignée, il s'agira de mieux faire connaître les saisines possibles dans le cadre législatif et réglementaire actuel.
Deuxième action : il conviendra aussi de renforcer le lien avec la représentation nationale et dans les territoires, par l'installation de délégués de région. J'ai également pris connaissance de plusieurs rapports publics, qui devront être analysés collectivement, pour en déterminer les suites à donner - transformations réglementaires ou législatives. Nous devrons également intégrer les expériences étrangères de même nature - Italie, Québec. C'est aussi là que devront être choisies les orientations stratégiques, entre devenir l'instance de la démocratie purement environnementale ou être une instance participative.
Troisième action : il faut poursuivre la professionnalisation du vivier des garants et assurer son renouvellement et sa mixité.
Quatrième action : il me semble indispensable de confirmer le rôle d'une autorité garante du droit à l'information et à la participation et puis, probablement, de diversifier encore les moyens pour s'assurer que l'on touche les publics les plus larges. Pour cela, il faut élargir les partenariats et les méthodes, afin de viser l'inclusion des publics éloignés des dispositifs participatifs actuels et ne pas craindre les nouvelles expérimentations. Nous devrons aussi trouver des modes dynamiques pour vérifier les faits - le fact checking - lorsque nous sommes en phase de débat.
Il me semble également indispensable de mieux utiliser les compétences existantes de la CNDP sur des sujets nouveaux, car les méthodes de la participation citoyenne peuvent s'appliquer à de nombreux sujets - agriculture, santé, eau.
Il s'agirait aussi d'aider les maîtres d'ouvrage et leurs bureaux d'études à acquérir une culture plus sociotechnique, pour que l'accès à tous les documents soit possible et que la participation continue s'exerce complètement.
Plus concrètement, il serait important que le Parlement entende les garants de la concertation sur le mix énergétique et la commission particulière du débat pour le projet Penly dans les commissions compétentes, afin de préparer la loi de programmation sur l'énergie et le climat (LPEC).
Je pense aussi que nous devons préparer des débats sur les documents stratégiques de façades, ainsi que sur la mine de lithium. Je suis convaincu que nous devons mener un travail méthodologique sur l'eau, en complément de ce qui a déjà été préparé par la commission. On y retrouve des enjeux de santé publique, de biodiversité, d'agriculture, d'énergie, de transport, de tourisme, ainsi que de multiples acteurs impliqués dans tous les niveaux de gouvernance territoriale, en dehors de l'organisation territoriale habituelle de l'État. Ce travail a déjà été entamé.
Je pense aussi à une saisine éventuelle sur la biodiversité, qui n'est pas dans le champ des plans et programmes, ainsi qu'à un travail sur le projet de loi relatif à l'industrie verte, sur lequel je n'ai pas encore d'éléments à apporter à vos éventuelles questions.
Je me suis toujours résolument engagé dans mes fonctions, que j'ai exercées pleinement. L'expérience conforte chaque jour ma liberté et ma capacité d'initiative, dans le cadre fixé par les lois et les règlements. Plusieurs d'entre vous l'ont certainement déjà remarqué.
M. Joël Bigot. - Nous vous attendions à l'ART, mais le sort en a décidé autrement in extremis. Nous vous auditionnons donc aujourd'hui en tant que candidat proposé par le Président de la République aux fonctions de président de la CNDP. La CNDP a été créée en 1995 pour renforcer la protection de l'environnement. Transformée en autorité administrative indépendante en 2002, les ordonnances de 2016 ont considérablement élargi ses compétences. Elle participe à la garantie du droit au débat, conformément à l'article 7 de la Charte de l'environnement de 2004. Depuis 2018, l'actuelle présidente, Chantal Jouanno, a démontré son impartialité et sa pugnacité à l'égard du pouvoir exécutif et des textes gouvernementaux qui nous ont été présentés.
Nous connaissons votre parcours au sein des nombreux cabinets ministériels que vous avez dirigés. Vous avez été la cheville ouvrière de nombreux projets de loi relatifs à l'aménagement du territoire et à l'environnement qui ont accéléré les procédures de consultation du public, tout en invoquant le principe d'intérêt public majeur.
Membre du Conseil national de la transition écologique (CNTE), j'ai pu avoir accès au projet de loi relatif à l'industrie verte qui comporte une réforme importante de la consultation du public en ses articles 2 et 2 bis. La Compagnie nationale des commissaires enquêteurs (CNCE) nous a transmis son avis : elle s'inquiète « de l'absence de définition à ce stade des projets concernés et alerte sur une possible généralisation s'appliquant à tous les projets. » La CNCE démontre que l'article 2 du projet de loi, relatif à la participation du public, ne s'inscrit pas dans le titre II du livre Ier du code de l'environnement relatif à l'information et à la participation des citoyens et n'en respecte donc ni l'esprit ni les principes.
Le débat parlementaire nous permettra d'en discuter, mais, face à cette instabilité juridique en matière de débat public, nous avons plus que jamais besoin d'une CNDP indépendante et d'une neutralité à toute épreuve. Au regard de votre parcours dévoué au gouvernement de cette législature, je m'interroge sur votre capacité à garantir des avis impartiaux, même si vous avez invoqué votre « âge de sagesse ». Sans consultation ni participation réelle du public, les projets ne pourront être accélérés. Comment comptez-vous garantir l'indépendance et la neutralité de la CNDP sous votre éventuelle - je dis bien éventuelle - présidence ?
M. Frédéric Marchand. - Si vous êtes élu, comment envisagez-vous la relation entre la CNDP et la représentation nationale ? J'ai l'impression que la fluidité ne l'emporte pas toujours, alors que nous aurions collectivement intérêt à développer nos échanges.
Vous avez évoqué le sujet de l'énergie et tout le travail mené par la CNDP autour du mix énergétique. J'ai ainsi pu participer à une réunion publique dans le département du Nord et constater l'appétence du public et des élus. Je pense aussi à la consultation sur la construction des nouveaux réacteurs nucléaires. Au-delà de ces consultations, il faut aussi développer des passerelles. Au regard des sujets qui sont devant nous, nous aurions donc intérêt à développer nos interactions.
Quelles sont vos pistes pour tendre vers une plus grande fluidité, que nous appelons tous de nos voeux ?
Mme Martine Filleul. - Lors de sa cérémonie de départ, Chantal Jouanno, ex-présidente de la CNDP, a mis en garde son successeur : « Si l'on continue, d'une main, à écrire “participation” dans tous les discours et de l'autre, à détricoter le droit de participation, on prend les gens pour des idiots et ils s'en rendent compte. Le citizen washing, c'est antidémocratique. » Je souscris à cette lecture.
Alors même que la demande de participation directe de nos concitoyens à l'action publique n'a jamais été aussi forte, le projet de loi relatif à l'accélération de la production d'énergies renouvelables adopté ici en novembre dernier a vu se réduire le rôle clé des commissaires enquêteurs en matière de démocratie environnementale. Le projet de loi relatif à l'industrie verte propose de réduire les délais de passage en CNDP, voire à en exonérer les projets qui contribuent à la décarbonation.
Quelle est votre lecture personnelle de cette déclaration de Mme Jouanno ? Approuvez-vous la décision de réduire le pouvoir de la commission à laquelle vous postulez, par l'exécutif dont vous êtes issu ?
Cela peut paraître anecdotique, mais je souhaite vous interroger sur l'illectronisme et les méthodes de consultation de nos concitoyens. Je m'interroge sur leur exclusion lors du recours exclusif à des enquêtes publiques en ligne. Qu'entendez-vous faire pour y remédier et faire en sorte que l'ensemble de nos concitoyens soient effectivement consultés ?
M. Marc Papinutti. - S'agissant du manque de notoriété soulevé par le rapporteur, je connais la CNDP depuis des années et suis habitué à travailler avec elle. Vous auditionnez régulièrement le président de l'ART. Nous devons trouver des moments pour échanger avec vous. C'est pourquoi je vous ai proposé d'entendre les garants de la concertation sur le mix énergétique et le président de la commission particulière du débat public sur Penly et les réacteurs nucléaires. Nous devons créer de tels moments au niveau national. La présentation du rapport d'activité ne suffit pas.
Je suis très optimiste, car il y a un vrai besoin de démocratie territoriale et locale : nos concitoyens ont besoin d'autre chose que les parties prenantes habituelles. J'avais été surpris, lorsque j'étais à VNF notamment, de constater qu'à minuit, à Nogent-sur-Seine, 300 personnes débattaient d'un projet dont ils n'étaient pas les acteurs. Pourquoi la CNDP est fondamentale ? Parce que les acteurs des territoires subissent les conséquences des projets, alors que les avantages sont beaucoup plus globaux. Cette interaction est nécessaire.
Nous sommes dans une deuxième phase : avant, on cherchait le consensus sur les projets ; aujourd'hui, le consensus est plus difficile à obtenir. Nous sommes donc plus sur l'affichage réel des controverses. Chaque citoyen a le droit d'avoir sa position sur le sujet.
S'agissant de l'électronique et même de la réunion publique, nous voyons que nous devons réinventer d'autres modes de participation et aider les citoyens à y accéder. La CNDP a réalisé de nombreux exercices de nature différente, comme par exemple aller dans une gare à la rencontre du public. Sur le plan de déplacement urbain en Île-de-France, 400 000 personnes se sont exprimées sur la carte du T2. Il faut donc trouver des systèmes complémentaires aux systèmes mécaniques ou informatiques qui ne permettent pas l'accès. Oui, nous développerons autant que possible des expérimentations, pour compléter les consultations électroniques qui sont parfois difficiles d'accès.
Les débats sont-ils apaisés ? Non, ils ne le sont jamais. Mais, comme le disait souvent Chantal Jouanno, l'important, c'est que le citoyen qui a participé à un débat en voie le retour : c'est ce que l'on appelle la reddition des comptes. Ce sera un travail de fond pour la CNDP dans les années à venir. Nous devrons pouvoir demander aux maîtres d'ouvrage cette reddition. Il y a désormais une consultation continue, et c'est un progrès. Le maître d'ouvrage doit maintenant montrer dans quelle mesure il a pris en compte ce qui est ressorti du débat ou de la concertation. C'est le point le plus difficile, car nous étions habitués à ouvrir le projet, mener le débat public, puis à fermer le dossier, préparer les dossiers techniques - autorisations, enquêtes publiques -, avant de réaliser le projet. Il s'agissait parfois d'un temps très long et l'environnement même du projet avait pu changer.
S'agissant du déport, j'ai établi une première liste de projets dont je suis certain et que je soumettrai à mes collègues de la commission. Elle fera l'objet d'un avis public. Il s'agit essentiellement de projets routiers sur ces cinq dernières années, mais il y a aujourd'hui moins de grands projets, et ils ont des maîtres d'ouvrages identifiés. Par exemple, pour le canal Seine-Nord, ce n'est plus l'État, mais une société régionale qui a pris la main, à la suite d'une décentralisation. S'il devait y avoir un débat, je ressaisirais la commission, ainsi que la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) afin d'obtenir des recommandations. Mon propre décompte fait apparaître une dizaine de projets, sur 80 dont les concertations sont en cours. Je n'ai donc pas de crainte particulière et ce cas de figure est prévu par l'organisation interne de la CNDP.
S'agissant d'éventuelles pressions du Gouvernement, je rappelle que je n'ai pas été que dans des cabinets ministériels : j'ai exercé quarante ans dans la fonction publique et tous les gouvernements successifs ont pu me solliciter. C'est plutôt parce que je suis en fin de carrière que je suis arrivé sur des postes d'une autre nature. J'ai toujours été à l'écoute de toutes et tous, quelles que soient leurs origines politiques ou associatives. J'ai notamment beaucoup travaillé avec les associations environnementales, car j'ai la conviction que la nature n'a pas beaucoup de défenseurs au regard de l'activité humaine.
Monsieur Bigot, les personnels de la CNDP m'ont présenté hier les éléments qu'ils avaient reçus sur la réforme. Je vous ferai donc un avis écrit officiel au nom de la CNDP si vous me désignez, mais je suis gêné sur deux points.
Tout d'abord, l'idée a été émise que, pour assurer la continuité, le garant de la CNDP devait devenir commissaire enquêteur. Mais par principe et par méthode, la CNDP est indépendante et ne donne pas d'avis. De là à devenir l'analyste de l'enquête publique qui peut faire plus de 2 000 pages pour une gigafactory sur un délai de trois ans, voire 22 000 pages pour Seine-Nord sur le lot 2, cela me semble difficile. En effet, sur la partie enquête publique, on met énormément d'informations techniques à la disposition du public, mais la synthèse est difficile, sans l'avis de l'autorité environnementale qui a instruit tout le dossier.
Sur l'énergie, je suis convaincu que les dizaines de débats qui ont déjà eu lieu et qui ont fait l'objet d'un document d'éclairage de la CNDP, ont montré l'indépendance de la commission. Dans le cadre d'une première demande d'un Premier ministre, puis d'une deuxième demande de garant de la Première ministre actuelle, cela a permis de faire un exercice plein et entier dans les pures règles de la CNDP, même s'il s'agissait d'une concertation menée par le gouvernement. Lorsque le projet de loi sera prêt, vous en aurez certainement la présentation.
Sur le citizen bashing, je suis un homme des projets longs. Les infrastructures de transport ne se construisent pas en quelques jours et ce n'est pas un mois de moins ou de plus de concertation qui changera les choses. Mais j'ai toujours apprécié la possibilité de rechercher les consensus et, aujourd'hui, de bien voir les controverses.
Si on ne purge pas ces controverses, elles reviennent toujours ensuite. Par contre, voyez, dans les Hauts-de-France, les quatre projets de gigafactories : la CNDP a été saisie fin 2020 et fin 2023, les batteries seront en cours de production. Le débat public peut être très bien géré dans un temps court. L'important, et tous les maîtres d'ouvrage le disent, est que cela permet de « purger » des sujets non évoqués ailleurs, notamment les effets plus larges du projet.
À titre personnel, sur des projets complexes, je suis convaincu que nous avons intérêt à avoir un cadrage préalable de l'autorité environnementale, assez rapide, pour examiner la totalité des sujets afin de ne pas les voir revenir ensuite.
Mme Angèle Préville. - La CNDP se préoccupe de la protection de l'environnement, d'informer et de permettre potentiellement des débats. Quel avis portez-vous sur l'effondrement de la biodiversité en France, qui est un fait ? Plusieurs espèces sont menacées de disparition : 24 % des reptiles, 23 % des amphibiens, 32 % des oiseaux nicheurs. Quel regard portez-vous sur ce sujet de fond ? La connaissance ne ruisselle pas vraiment dans notre pays ; nous avons besoin d'avis éclairés. La demande de participation est très forte. Comment faire de la CNDP un instrument adapté aux enjeux actuels ? Il faut amplifier le travail de cette institution vieille de vingt-cinq ans et l'adapter aux problèmes actuels, notamment à ce déclin de la biodiversité.
Les deux tiers des projets sont modifiés. Est-ce un pis-aller, car il faut modifier ces projets, ou un dispositif vertueux ?
M. Bruno Belin. - Je remercie le rapporteur de sa présentation. Je solliciterai aussi, comme Mmes Préville et Filleul, votre regard personnel, mais sur un autre sujet sur lequel le Sénat se mobilise actuellement : la pénurie des médicaments. Si l'on veut réindustrialiser en France, ces productions sont réalisées sur des sites classés Seveso seuil haut. Comment répondre à tous les enjeux ? Nous partageons aussi les enjeux soulignés par Mmes Préville et Filleul, mais nous avons besoin de ces projets et de cette souveraineté. Qu'en pensez-vous personnellement ?
M. Jean-Michel Houllegatte. - Je reviens sur l'injonction contradictoire du temps long des projets et de la concertation, et de l'urgence de répondre à la réindustrialisation ou au changement climatique.
La semaine dernière, j'ai assisté à la restitution de la CNDP, notamment de Michel Badré, sur Penly. Le débat a été très fructueux, avec 5 000 contributions, 5 000 participants, mais il s'est terminé en queue de poisson, torpillé par des décisions gouvernementales et parlementaires. Le Gouvernement a décidé de nommer deux jours après l'ouverture des débats une délégation interministérielle au nouveau nucléaire présidée par Joël Barre, ancien délégué général de l'armement (DGA), tandis que le Parlement a supprimé le plafond de capacité nucléaire installée de 63,2 gigawatts dans le projet de loi relatif à l'accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires. La réunion du Conseil de politique nucléaire a ensuite porté un coup d'arrêt à la concertation. Quelle aurait été votre attitude, si vous aviez été déjà en poste, face à ces injonctions d'accélérer le développement du nucléaire ?
M. Ronan Dantec. - Le débat porte aussi sur l'avenir de la CNDP dans une société qui se tend. Nous assistons à l'effondrement de la démocratie sociale, au détricotage, de loi en loi, d'une partie du processus d'élaboration du droit environnemental - sur lequel insistait Chantal Jouanno - et à la montée des tensions et des violences. Pour apaiser à nouveau nos concitoyens, il faut des arbitres au débat, y compris pour purger certaines questions et ramener l'ensemble des citoyens vers le débat public.
La CNDP, par définition, ne prend pas position. Nous rencontrons une vraie difficulté : le débat public tend à évoluer vers des affrontements d'affirmations dont une part importante est fausse, généralement des deux côtés. Dresser deux colonnes avec les arguments pour et contre ne suffit pas. C'est ce qu'avait fait la CNDP pour Notre-Dame-des-Landes, et elle a eu beaucoup de mal à se remettre de cet échec. Cela a tué ensuite le référendum, et la CNDP a été incapable d'organiser le débat.
En tant que « grand commis de l'État » - et sans oublier que les opposants ont parfois des arguments fantaisistes - comment réagirez-vous à certaines attitudes de l'État, qui peut manipuler des données - certains calculs coûts-bénéfices étaient totalement excentriques - ou ne pas donner toutes les informations ? Cela nourrit la colère. Si la CNDP se contente d'acter les arguments des uns et autres sans prendre position sur des arguments que vous savez faux, voire fantaisistes, du fait de votre longue expérience, allez-vous intervenir publiquement et demander à l'État de refaire sa copie ou resterez-vous dans une neutralité qui permet le débat, mais sans satisfaire personne ? Le débat continuera alors avec les moyens que nous connaissons, dans une société de plus en plus crispée...
M. Didier Mandelli. - Comment rendre demain audible, visible et crédible la CNDP ? Je vais reprendre des exemples donnés par mes collègues Jean-Michel Houllegatte et Ronan Dantec. Comment le faire alors que les concitoyens veulent plus de débats ? On parle beaucoup de démocratie participative. En réalité, comment demander aux citoyens de prendre position sans en tenir compte, comme à Notre-Dame-des-Landes ? Dans le grand débat, l'exécutif a phagocyté ces discussions qui n'ont pas abouti à grand-chose, hormis la distribution de quelques milliards d'euros pour des compensations ponctuelles.
Autre exemple, l'exécutif met en place des conventions citoyennes sur des sujets sociétaux et notamment environnementaux, organisés par le Conseil économique, social et environnemental (Cese), qui doit désormais être le « lieu du débat public » selon le Président de la République - après avoir voulu le supprimer...
Demain, quel président de la CNDP pourrait avoir une autorité politique suffisante pour imposer la CNDP et lui donner sa vraie dimension d'organisateur et de fédérateur du débat public sur tous les sujets intéressant les citoyens ? Je ne mets pas en doute vos compétences, que j'ai appréciées lors de l'examen de la Loi d'orientation des mobilités (LOM) avec Élisabeth Borne, et je connais votre attachement à la concertation.
Êtes-vous prêt à assumer ce rôle vis-à-vis de l'exécutif pour que la CNDP prenne toute sa place ?
M. Marc Papinutti. - Je suis particulièrement attaché à la biodiversité. Le problème concerne à la fois le stock d'infrastructures existantes et le flux des nouvelles infrastructures, soit linéaires, soit ponctuelles. J'ai été directeur général de VNF, où l'on traite non seulement du transport, mais aussi de l'environnement, avec la gestion d'une partie importante des voies d'eau.
Sur le flux, on commence à mieux travailler, grâce à des règlements. Sur le stock, il y a un véritable sujet, remonté par les associations, avec l'effondrement de certaines espèces. Je vais même plus loin : nous n'avons pas les bons indicateurs pour en parler facilement, y compris auprès du grand public, que ce soit sur terre ou sur mer. Nous aurons un débat sur les façades maritimes qui ne se limitera pas à l'énergie, mais qui concernera aussi la manière dont peut se concevoir l'océan demain. On voit déjà des crispations. Il y a une demande, mais on doit inventer le processus. C'est pourquoi je propose une « fiche » biodiversité. Il y aura des moments politiques durant lesquels la préparation d'une telle réflexion sera importante, selon des modalités à examiner - débat, saisine parlementaire...
Selon mon expérience personnelle, issue de quarante ans de travail, j'estime que le temps qu'on juge trop long en amont ne l'est pas - j'en veux pour preuve l'exemple de Notre-Dame-des-Landes. Ce temps très long n'a pas permis de décrisper certains sujets de fond. Disposer d'un mois supplémentaire de concertation est préférable, surtout si l'on a pris le temps d'ouvrir complètement le sujet.
La CNDP tient beaucoup au fait d'avoir des scénarios alternatifs en amont, au moment du débat et non de l'enquête publique, car ce serait trop tard - il y a alors 20 000 documents, une réglementation avec plusieurs entrées, française, européenne, environnementale, sur les risques industriels...Si en amont, les questions ont été posées et les réponses entendues, on a quelque chose.
Il serait difficile de dire que la CNDP pourrait prendre position ou tenir une posture particulière. Son rôle reste défini par ses statuts et dans la convention d'Aarhus. Il faut être certain d'avoir interrogé les citoyens et que ceux-ci ont pu s'exprimer. C'est ce changement que nous avons mis en place avec la concertation continue. Il faut vérifier que les choses vont jusqu'au bout de ce que les citoyens ont pris. Ce jour-là, on gagnera en crédibilité.
Mais le temps long est parfois complexe : en 2002, j'ai négocié la hauteur de certaines protections phoniques - le bruit est aussi un problème environnemental réel - mais elles ne sont pas encore construites, car le projet n'est pas finalisé... Il faut trouver une alternative.
Sur les réglementations Seveso, des instructions sont données à tous les services. Je me donnerai deux à trois mois de réflexion avec les membres de la CNDP, mais j'ai lu dans un rapport qu'il faut un chef de projet du côté de l'État. Cela a été fait sur le projet de canal Seine-Nord, pour un contrat de partenariat sur des barrages en Champagne-Ardenne, désormais Grand Est. Ce chef de projet concentrerait la gestion de toutes ces procédures, complexes et techniques. Cela permettrait de gagner du temps. Le maître d'ouvrage n'a pas les compétences suffisantes - les gigafactories sont de nouvelles entreprises, et les usines de médicaments existent déjà, mais rarement en France ou en Europe...
Il faut avoir du côté de l'État un tel chef de projet, non seulement asservi à la maîtrise d'ouvrage, mais qui serait un simplificateur. C'est une conviction personnelle. À chaque fois que j'ai pu le mettre en place, cela a permis une réussite.
Monsieur Dantec, nous avons un problème de communication : à quelques exceptions près, on entend peu parler du débat public au journal télévisé... Parmi les ETP supplémentaires prévus pour la CNDP, une personne sera chargée de donner davantage accès aux données recueillies par la CNDP. Le fact checking est un sujet central. La CNDP détient le contre-pouvoir de réaliser des expertises complémentaires, et ne s'est jamais privée de le faire si nécessaire. Ces contre-expertises sont indispensables sur certains sujets environnementaux, mais aussi pour plus de crédibilité. C'est le pouvoir de la CNDP de mettre à plat ces sujets. C'est plus difficile dans un débat en live, où chacun exprime ses positions. Or la CNDP n'est pas là pour interdire aux uns et aux autres de dire leur position.
Je n'ai pas d'états d'âme à proposer une position forte pour la CNDP : j'y crois et je l'ai vécu. Mais cela ne se fera pas tout seul. Si vous me désignez à la présidence, c'est à nous de faire ce pas ensemble.
La CNDP n'est pas une institution totalement autonome, détachée de tout. Elle est aussi là pour que les parlementaires s'en emparent ou s'en fassent les relais auprès des élus locaux. Malheureusement, je ne vois pas beaucoup de saisines émanant de parlementaires.
Il faut assurer l'indépendance de la CNDP, mais aussi faire en sorte qu'elle communique plus sur le terrain via ses délégués territoriaux.
Je suis surpris de constater que les demandes d'expertise sont beaucoup plus fortes au niveau régional qu'au niveau local. Ainsi, s'agissant des mises en place de ZFE, par exemple à Lyon ou à Grenoble, la CNDP a reçu des demandes d'assistance méthodologique, et les résultats ont été très satisfaisants. Peut-être est-ce parce que les projets en question sont de moindre importance.
M. Jean-François Longeot, président. - Nous vous remercions de votre participation.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
Vote sur la proposition de nomination, par le Président de la République, de M. Marc Papinutti aux fonctions de président de la Commission nationale du débat public
M. Jean-François Longeot, président. - Nous avons achevé l'audition de M. Marc Papinutti, candidat proposé par le Président de la République pour exercer les fonctions de président de la Commission nationale du débat public. Nous allons maintenant procéder au vote sur cette proposition.
Le vote se déroulera à bulletin secret, comme le prévoit l'article 19 bis de notre Règlement. En application de l'article 1er de l'ordonnance n° 58-1066 du 7 novembre 1958 portant loi organique autorisant exceptionnellement les parlementaires à déléguer leur droit de vote, les délégations de vote ne sont pas autorisées.
Je vous rappelle que le Président de la République ne pourrait procéder à cette nomination si l'addition des votes négatifs des commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat représentait au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés dans les deux commissions.
M. Jean-François Longeot, président. - Mes chers collègues, le dépouillement aura lieu le 10 mai vers 16 heures 30, à l'issue de l'audition de M. Papinutti par la commission compétente à l'Assemblée nationale.
La réunion est close à 11 h 45.