Mercredi 1er mars 2023
- Présidence de M. André Reichardt, président d'âge -
La réunion est ouverte à 17 h 30.
Réunion constitutive
M. André Reichardt, président. - En ma qualité de président d'âge, il me revient d'ouvrir la réunion constitutive de la mission d'information sur « l'impact des décisions réglementaires et budgétaires de l'État sur l'équilibre financier des collectivités locales ». Je vous rappelle que cette mission a été créée en application de l'article 6 bis du Règlement du Sénat qui dispose que « chaque groupe a droit à la création d'une commission d'enquête ou d'une mission d'information par année parlementaire ». C'est ce que nous appelons communément le « droit de tirage ». En l'occurrence, c'est le président du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen (RDSE), notre collègue Jean-Claude Requier, qui a pris l'initiative de proposer la constitution de cette mission d'information.
La Conférence des présidents a pris acte de cette proposition lors de sa réunion du 8 février dernier et les 23 membres titulaires de la mission ont été nommés en séance publique, sur proposition de l'ensemble des groupes politiques, le mercredi 15 février. Je signale que le groupe Écologiste - Solidarité et Territoires a désigné M. Guy Benarroche comme membre suppléant.
À titre personnel, je considère que cette mission d'information est importante, car les collectivités locales doivent de plus en plus supporter, parfois dans des conditions périlleuses pour certaines d'entre elles, l'impact financier des décisions réglementaires et budgétaires qu'elles n'ont pas prises. Les exemples fourmillent.
Pour les fonctions de président, j'ai reçu la candidature de M. Jérôme Bascher, du groupe Les Républicains.
La mission d'information procède à la désignation de son président, M. Jérôme Bascher.
M. André Reichardt, président. - Je félicite donc notre collègue Jérôme Bascher et lui cède bien volontiers la présidence.
- Présidence de M. Jérôme Bascher, président -
M. Jérôme Bascher, président. - Mes chers collègues, je vous remercie de la confiance que vous m'accordez pour présider notre mission d'information.
Avant de vous donner quelques indications sur le déroulement de nos travaux, nous poursuivons la constitution du Bureau de la mission d'information. Concernant la composition du Bureau, je propose qu'elle reflète les équilibres politiques du Sénat.
Nous procédons, dans un premier temps, à la désignation du rapporteur.
Je vous rappelle que, en application du deuxième alinéa de l'article 6 bis du Règlement du Sénat, « la fonction de président ou de rapporteur est attribuée au membre d'un groupe minoritaire ou d'opposition, le groupe à l'origine de la demande de création obtenant de droit, s'il le demande, que la fonction de président ou de rapporteur revienne à l'un de ses membres ».
J'ai reçu la candidature de Mme Guylène Pantel, du groupe du RDSE.
La mission d'information procède à la désignation de sa rapporteure, Mme Guylène Pantel.
M. Jérôme Bascher, président. - Nous procédons, dans un second temps, à la désignation des vice-présidents et des secrétaires.
Compte tenu des désignations de la rapporteure et du président, la répartition des postes de vice-président et de secrétaire est la suivante : pour le groupe Les Républicains, un vice-président et un secrétaire ; pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, deux vice-présidents ; pour le groupe Union Centriste, un vice-président et un secrétaire ; pour le groupe Écologiste - Solidarité et Territoires, un vice-président ; pour le groupe du Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, un vice-président : pour le groupe communiste, républicain, citoyen et écologiste, un vice-président ; pour le groupe Les Indépendants - République et Territoires, un vice-président.
Pour les fonctions de vice-président, j'ai reçu les candidatures suivantes : pour le groupe Les Républicains, Mme Agnès Canayer ; pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, M. Victorin Lurel et Mme Viviane Artigalas ; pour le groupe Union Centriste, Mme Denise Saint-Pé ; pour le groupe Écologiste - Solidarité et territoires, M. Daniel Breuiller ; pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendant, M. Georges Patient ; pour le groupe communiste, républicain, citoyen et écologiste, M. Pascal Savoldelli ; pour le groupe Les Indépendants - République et Territoires, M. Dany Wattebled.
Pour les fonctions de secrétaire, j'ai reçu les candidatures suivantes : pour le groupe Les Républicains, M. Stéphane Sautarel ; pour le groupe Union Centriste, M. François Bonneau.
La mission d'information procède à la désignation des autres membres de son Bureau : Mme Agnès Canayer, M. Victorin Lurel, Mme Viviane Artigalas, Mme Denise Saint-Pé, M. Daniel Breuiller, M. Georges Patient, M. Pascal Savoldelli et M. Dany Wattebled, vice-présidents ; M. Stéphane Sautarel, M. François Bonneau, secrétaires.
M. Jérôme Bascher, président. - Je souhaiterais maintenant vous donner quelques informations pratiques sur l'organisation de nos travaux.
Nous nous proposons, en cette année de renouvellement sénatorial, d'achever nos travaux courant juin. Ce court délai nous incite à procéder à nos auditions et à nos déplacements à un rythme relativement soutenu.
Les auditions auront lieu les mardis et mercredis après-midis, mais nous n'excluons pas d'organiser des auditions en visioconférence certains lundis ou vendredis si nous avons des difficultés pour réserver des salles. Par ailleurs, nous privilégierons un lundi pour l'organisation d'un éventuel déplacement. Enfin, nous pourrions organiser en mai, en présentiel, une audition commune avec la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales.
Vous serez bien sûr destinataires chaque semaine d'une convocation, envoyée par courrier électronique, récapitulant les auditions prévues la semaine suivante. Un calendrier prévisionnel vous sera également régulièrement adressé.
La rapporteure et moi vous suggérons une première série d'auditions et de contributions écrites. Nous avons d'ores et déjà pris contact avec M. Alain Lambert, président du Conseil national d'évaluation des normes (CNEN), dont l'audition apparait incontournable au regard de l'objet de nos travaux. M. Lambert sera entendu par notre mission mardi 7 mars, à 16 heures. Il présentera son rapport d'activité pour les années 2019 à 2022.
Mme Guylène Pantel, rapporteure. - Le groupe du RDSE a souhaité que le Sénat mène une réflexion sur l'impact concret des décisions réglementaires et budgétaires de l'État sur l'équilibre financier des collectivités locales. Il nous a paru pertinent d'aborder ce sujet, volontairement très vaste, pour que soit mise en lumière l'asphyxie que provoquent certaines décisions de l'État, en particulier sur les plus petites collectivités aux ressources techniques et financières limitées.
Il me semble que, loin de mesurer pleinement toutes les conséquences de ses décisions, l'État, au sens large, prend des décisions réglementaires et budgétaires qui se superposent, sont parfois contradictoires et qui imposent toujours davantage de normes et de contraintes budgétaires aux collectivités, au détriment de l'efficacité de l'action publique locale.
Le contexte, nous le connaissons parfaitement : bien au-delà des clivages politiques, nous sommes nombreux au Sénat à partager le triste constat de la difficile situation des collectivités, sommées en permanence de « digérer » d'innombrables décisions.
Il faut distinguer les décisions réglementaires et les décisions budgétaires.
Les décisions réglementaires concernent les décrets et arrêtés imposant des normes aux collectivités locales. Ces normes sont de plus en plus nombreuses, à tel point qu'il n'est même pas possible d'inventorier les normes ou prescriptions applicables aux collectivités territoriales. Elles proviennent de tous les ministères et concernent tous les domaines. La délégation sénatoriale aux collectivités territoriales vient d'ailleurs de rendre un rapport d'information sur « l'addiction aux normes » : il souligne, par exemple, que le code général des collectivités territoriales a triplé de volume en vingt ans et dépasse aujourd'hui le million de mots. La délégation organise d'ailleurs au Sénat les états généraux de la simplification, qui se tiendront le jeudi 16 mars. Cette manifestation est naturellement ouverte aux sénateurs et pourrait nourrir la réflexion de notre mission, d'autant qu'elle présentera les conclusions d'une récente consultation menée auprès des élus sur la question du poids des normes.
Les décisions budgétaires, quant à elles, sont davantage identifiables et circonscrites, mais n'en demeurent pas moins toujours plus pesantes. Essentiellement concentrées sur les textes législatifs de nature financière, ces décisions ont réduit, année après année, la libre administration des collectivités et leur autonomie financière, principes pourtant consacrés dans notre Constitution. Nous examinerons à la fois les décisions budgétaires ayant un impact sur les ressources des collectivités - dotation globale de fonctionnement (DGF), fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA), filets de sécurité, dotations, fiscalité locale, etc. -, et les décisions dont l'impact concerne les dépenses des collectivités - contrats de Cahors, revenu de solidarité active (RSA), revalorisation du point d'indice.
Notre objectif sera de déterminer, exemples concrets à l'appui, si ces décisions réglementaires et budgétaires de l'État, telles que je viens de les définir, compromettent ou non l'équilibre financier des collectivités, en particulier sur les communes rurales.
Ce travail nécessite en premier lieu d'examiner le rôle du CNEN. Dispose-t-il des moyens nécessaires pour remplir la mission fixée par la loi, à savoir l'évaluation de l'impact financier, direct ou indirect, des projets de textes qui lui sont soumis ? Est-il en capacité de certifier, de manière indépendante, l'objectivité et la sincérité des études d'impact qui sont présentées par les ministères ? Vérifie-t-il que les projets de textes ont fait l'objet d'une concertation suffisante avec les collectivités locales ? Faut-il développer les liens entre le CNEN et le Sénat pour que ce dernier soit plus souvent alerté en cas d'impact financier important pour les collectivités ? Faudrait-il que le CNEN développe un partenariat avec l'Insee afin de disposer de compétences statistiques et économiques ? Nous poserons toutes ces questions à M. Lambert mardi prochain. Je ne doute pas que vous pourrez utilement compléter nos interrogations.
D'une manière générale, beaucoup d'élus ont le sentiment que l'État prend des décisions budgétaires ou réglementaires dont l'impact financier sur les collectivités est peu ou mal évalué.
Notre mission ne pouvant pas prétendre à l'exhaustivité, nous nous concentrerons sur quelques exemples souvent cités par les élus, par exemple l'impact négatif, sur les finances locales, de la revalorisation du point d'indice ou du RSA. Je pense aussi à l'Agence nationale des titres sécurisés (ANTS), dont les décisions peuvent peser sur les dépenses des communes lorsqu'elles agissent en représentantes de l'État.
Concrètement, pour conduire ce contrôle, trois moyens d'information seront mobilisés : des questionnaires et des auditions : outre celle du CNEN, pourront être entendues la direction générale des collectivités locales (DGCL) et les associations d'élus locaux. En outre, nous pourrions organiser un ou plusieurs déplacements à la rencontre d'élus ruraux.
M. Daniel Breuiller. - Je souhaite que cette mission d'information soit couronnée de succès.
M. André Reichardt. - La mission d'information porte sur « les impacts des décisions réglementaires et budgétaires de l'État » : faut-il entendre que le terme « budgétaire » renvoie à toutes les lois pouvant avoir un impact budgétaire sur les collectivités locales ? Je pense à la loi qui a institué l'officier d'état civil comme responsable de l'enregistrement des pactes civils de solidarité (Pacs) ou des changements de nom. Ces lois ont un impact sur le fonctionnement des communes.
Lors de l'examen des dispositions qui entraînent un coût pour les communes, on me répond généralement : « Circulez, il n'y a rien à voir, cela ne coûte rien à la commune. » Mais aucune étude d'impact n'a été réalisée. Ces décisions qui ne portent pas directement sur le budget peuvent-elles être qualifiées de « budgétaire » ?
M. Jérôme Bascher, président. - Cette mission d'information porte uniquement sur les lois de finances, au-delà le champ serait trop vaste. Nous commençons par examiner les normes réglementaires, y compris les arrêtés préfectoraux, et les lois de finances. Le champ n'est pas aussi ambitieux que souhaité, mais en quatre mois, ce travail permettra déjà d'avancer.
Mme Viviane Artigalas. - Je tiens à vous féliciter pour la création de cette mission d'information : il s'agit d'un sujet d'actualité, puisque beaucoup de difficultés budgétaires des collectivités nous sont actuellement remontées. Ces difficultés sont à mettre en lien avec certaines décisions prises par l'État, mais pas seulement.
Nous devons veiller à ne pas nous focaliser uniquement sur les communes rurales ; je pense aux associations d'élus qui travaillent sur des problématiques spécifiques, et particulièrement sur les stations touristiques. La ruralité est bien sûr très impactée par les problèmes budgétaires, mais elles ne sont pas les seules. N'oublions pas la situation spécifique des stations de montagne et des outre-mer.
Faisant moi-même partie de la délégation sénatoriale aux outre-mer, je constate combien les problèmes des communes rurales s'y retrouvent dans ces territoires, et de manière multipliée.
M. Vincent Delahaye. - Si l'on restreint le champ de notre mission aux décisions réglementaires et budgétaires, il n'y a pas d'études d'impact, puisque celles-ci concernent plutôt les projets de loi. D'ailleurs, ces études d'impact sont souvent très creuses si on les examine en détail. Or il serait intéressant de cibler quelques projets de loi pour mettre en exergue cette lacune. En effet, sans réaliser un travail exhaustif, il serait intéressant de pointer que telle étude d'impact a indiqué que telle décision n'avait aucune conséquence pour les collectivités, alors que l'impact est au final considérable.
Mme Guylène Pantel, rapporteure. - Il est effectivement très important de citer quelques exemples précis, sans trop élargir le champ d'études.
M. Jérôme Bascher, président. - Le CNEN est saisi des fiches d'impact accompagnant les projets de normes réglementaires. L'idée est de faire des focus sur certains points pour montrer que tout ne figure pas dans la loi de finances en soulignant les exceptions qui mettent à mal nos finances locales.
S'agissant des finances locales, nous pourrons auditionner des régions, des départements, des intercommunalités, mais nous avons prévu de nous concentrer sur les communes, en procédant peut-être par strates, puisque la gestion d'une commune de moins de 500 habitants est bien différente de celle d'une commune de plus de 50 000.
La réunion est close à 18 h 05.