Mardi 7 février 2023
- Présidence de M. Jacques Le Nay, président d'âge -
La réunion est ouverte à 13 h 50.
Réunion constitutive
M. Jacques Le Nay, président. - En ma qualité de président d'âge, il me revient d'ouvrir la première réunion de la commission spéciale sur la proposition de loi visant à renforcer la prévention et la lutte contre l'intensification et l'extension du risque incendie, dont la composition a été confirmée en séance publique la semaine dernière.
Conformément au Règlement du Sénat, nous allons tout d'abord désigner le président de la commission.
J'ai reçu la candidature de M. Jean Bacci, qui était co-rapporteur de la mission conjointe de contrôle relative à la prévention et à la lutte contre l'intensification et l'extension du risque incendie, qui a inspiré cette proposition de loi. Je rappelle que cette mission a été menée par les commissions des affaires économiques et de l'aménagement du territoire et du développement durable.
M. Jean Bacci est désigné président de la commission spéciale.
- Présidence de M. Jean Bacci, président -
M. Jean Bacci, président. - Je vous remercie pour votre confiance et vous propose de procéder à la constitution du Bureau de la commission spéciale.
Nous procédons, dans un premier temps, à la désignation des vice-présidents et des secrétaires.
La règle qui s'applique est celle des commissions permanentes, fixée par l'article 13 du Règlement du Sénat. En conséquence, le nombre de vice-présidents est de onze et le nombre de secrétaires de trois : trois vice-présidents et un secrétaire pour le groupe Les Républicains ; deux vice-présidents et un secrétaire pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain ; un vice-président et un secrétaire pour le groupe Union Centriste ; un vice-président du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants ; un vice-président pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste ; un vice-président pour le groupe du Rassemblement démocratique et social européen ; un vice-président pour le groupe Les Indépendants - République et Territoires ; et un vice-président pour le groupe Écologiste - Solidarité et Territoires.
Compte tenu des candidatures qui sont parvenues au secrétariat de la commission spéciale, je vous propose de désigner comme vice-présidents : pour le groupe Les Républicains, Mme Florence Lassarade, M. Jean Pierre Vogel et M. Laurent Burgoa ; pour le groupe Socialiste, Républicain et Écologiste, Mme Gisèle Jourda et Mme Laurence Harribey ; pour le groupe Union Centriste, Mme Brigitte Devésa ; pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, Mme Patricia Schillinger ; pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste, M. Fabien Gay ; pour le groupe du Rassemblement démocratique et social européen, Mme Nathalie Delattre ; pour le groupe Les Indépendants - République et Territoires, Mme Vanina Paoli-Gagin ; pour le groupe Écologiste - Solidarité et Territoires, Mme Monique de Marco.
Conformément aux propositions formulées par les groupes, je vous propose de désigner comme secrétaires : pour le groupe Les Républicains, Mme Françoise Dumont ; pour le groupe Socialiste, Républicain et Écologiste, Mme Angèle Préville ; pour le groupe Union Centriste, M. Jacques Le Nay.
Les vice-présidents et les secrétaires sont désignés.
M. Jean Bacci, président. - Nous procédons, dans un second temps, à la désignation des rapporteurs de notre commission spéciale, dont je précise qu'ils seront membres de droit du Bureau.
J'ai reçu les candidatures suivantes : pour le groupe Les Républicains, M. Olivier Rietmann et pour le groupe Union Centriste, Mme Anne-Catherine Loisier et M. Pascal Martin.
M. Olivier Rietmann, Mme Anne-Catherine Loisier et M. Pascal Martin, sont désignés rapporteurs de la commission spéciale.
M. Jean Bacci, président. - La proposition de loi qui nous réunit aujourd'hui constitue la traduction législative du rapport de la mission conjointe de contrôle, fruit d'un long cycle d'auditions engagé dès le printemps 2022, avant le début d'une saison de feux particulièrement dévastatrice. En 2021, notre collègue vice-présidente du Sénat, Pascale Gruny, préconisait déjà la traduction des travaux de contrôle en proposition de loi.
Le rapport d'information met en évidence l'accroissement du risque incendie, lequel se manifeste de quatre manières.
On constate premièrement une intensification du risque incendie : en région méditerranéenne, les surfaces brûlées pourraient augmenter de 80 % d'ici à 2050. Du fait de la hausse de la fréquence des feux, les espaces boisés pourraient peu à peu laisser place à des maquis.
La deuxième tendance est l'extension géographique du risque. En 2050, près de 50 % des forêts métropolitaines pourraient être concernées par un risque incendie élevé, contre un tiers en 2010. Cette extension a été particulièrement remarquée l'an passé, lorsque près de 2 000 hectares ont brûlé dans les Monts d'Arrée, en Bretagne.
La troisième tendance est l'extension temporelle du risque. La période à risque fort sera trois fois plus longue à l'avenir, et les feux hivernaux devraient se multiplier.
La quatrième et dernière tendance est le développement d'incendies de végétations et de terres agricoles.
Dans notre rapport, nous constations que si la stratégie française de lutte est un modèle en Europe et dans le monde, cet atout ne suffira plus à faire face à l'augmentation du risque incendie, notamment à l'émergence de feux hors normes.
Pour répondre à ce défi, le rapport d'information a formulé soixante-dix recommandations, regroupées en huit axes. La proposition de loi, qui comporte trente-huit articles, a évidemment retenu les seules recommandations de rang législatif. Les articles sont répartis au sein de titres qui reflètent fidèlement les axes de réflexion du rapport. Les rapporteurs vous présenteront brièvement leur contenu dans quelques instants.
Notre commission spéciale devrait se réunir à trois reprises après cette réunion constitutive.
Une première réunion permettra d'entendre les trois ministres en charge de la politique de défense des forêts contre les incendies - ministres de l'intérieur, de la transition écologique et de l'agriculture. Cette réunion pourrait se dérouler la semaine du 13 mars, sous réserve de la disponibilité de ces membres du Gouvernement.
La deuxième réunion portera sur l'examen des amendements de commission et l'adoption du rapport et pourrait se dérouler la semaine du 20 mars, ou la semaine suivante, celle du 27 mars, à 13 heures 45, en fonction de l'ordre du jour de la séance publique.
Une troisième réunion nous permettra enfin d'examiner les amendements de séance publique, qui se tiendra le mardi 4 avril à 13 heures 45, avant l'examen en séance publique.
Le délai limite de dépôt des amendements de commission serait vraisemblablement fixé au vendredi précédant notre deuxième réunion, à douze heures, et celui des amendements extérieurs au lundi précédant notre troisième réunion. Il reviendra à la Conférence des présidents, dans les semaines qui viennent, d'inscrire le texte à l'ordre du jour de la séance publique.
D'ici à l'examen du texte en commission, nous mènerons avec les rapporteurs un certain nombre d'auditions auxquelles nous vous convions, mes chers collègues. Pour faciliter votre participation, ces auditions pourront être accessibles en visioconférence. Le programme vous sera envoyé dans les meilleurs délais, et régulièrement mis à jour pour vous donner la plus grande visibilité possible.
Enfin, j'estime qu'aucun déplacement ne semble nécessaire à la conduite des travaux de nature législative. Je rappelle que dans le cadre de nos précédents travaux, nous nous sommes rendus dans le Var et en Gironde.
Je donne à présent la parole aux rapporteurs, pour une brève présentation du texte.
M. Pascal Martin, rapporteur. - Je me réjouis que cette proposition de loi soit prochainement inscrite à l'ordre du jour.
Les recommandations de notre rapport d'information étaient regroupées en huit axes suivant un ordre chronologique, de la stratégie d'anticipation au reboisement post-incendie, en passant par la sensibilisation et la lutte.
La proposition de loi vise à traduire les recommandations législatives de ce rapport, en suivant la même structuration chronologique.
Le titre Ier porte sur la stratégie nationale et territoriale permettant de renforcer la prévention et la lutte contre l'intensification et l'extension du risque incendie. Les articles 1er à 7 prévoient notamment l'élaboration d'une stratégie nationale et interministérielle ; la fixation de la liste des territoires réputés particulièrement exposés au risque d'incendie par voie réglementaire ; l'encouragement à l'élaboration de plans de protection des forêts contre les incendies ; l'extension de la défense de la forêt contre les incendies (DFCI) aux surfaces de végétation et aux surfaces agricoles ; l'intégration systématique du risque incendie dans les schémas départementaux d'analyse et de couverture des risques (SDACR) ; ou encore la création de délégations à la protection de la forêt, inspirées par la délégation à la protection de la forêt méditerranéenne (DPFM).
Le titre II prévoit de mieux réguler les interfaces entre la forêt et les zones urbaines afin de réduire les départs de feux et la vulnérabilité des personnes et des biens. Il comprend plusieurs articles visant à améliorer l'application des obligations légales de débroussaillement (OLD) qui constituent une mesure essentielle de prévention contre les incendies, permettant de limiter les départs de feux, d'en diminuer l'intensité, d'en limiter la propagation et de renforcer la défendabilité des habitations. L'article 11 prévoit de rendre la franchise obligatoire dans les contrats d'assurance habitation en cas de non-respect des OLD.
Ce titre comporte également des mesures de nature urbanistique. L'article 12 prévoit par exemple d'étendre plus largement la réalisation des plans de prévention des risques incendies de forêt dans les territoires particulièrement exposés au risque incendie.
Cette proposition de loi prévoit également l'envoi systématique de cartes d'aléas adressées par le préfet aux collectivités territoriales compétentes dans l'ensemble des territoires exposés au risque incendie.
Enfin, l'article 14 vise à accroître la résistance des bâtiments aux incendies de forêt.
Le titre VI comporte des mesures de sensibilisation des populations au risque incendie. Il prévoit de s'appuyer sur la filière de responsabilité élargie du producteur (REP) pour financer des actions de communication visant à prévenir l'abandon de mégots et inscrit dans la loi l'interdiction de fumer dans un bois ou une forêt classés à risque d'incendie pendant la période à risque.
Le titre VII prévoit enfin de doter les forces de lutte contre l'incendie de moyens supplémentaires via des exonérations fiscales de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) et de malus écologique.
Pour atteindre l'objectif de 250 000 sapeurs-pompiers volontaires d'ici à 2027, l'article 34 instaure par ailleurs une réduction de cotisations patronales pour les entreprises et administrations en contrepartie de la disponibilité de leurs employés et agents exerçant en tant que sapeurs-pompiers volontaires.
Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteure. - Je suis heureuse que les travaux de fond que nous avons menés depuis plusieurs mois puissent trouver une traduction via cette proposition de loi. Je salue la constitution d'une commission spéciale, car l'éclatement des compétences entre les administrations a régulièrement été pointé comme un élément de faiblesse, tant pour la politique forestière que pour notre stratégie de sécurité civile. Nous espérons que ce choix permettra au Sénat d'être mieux et plus vite entendu.
En tant que présidente du groupe d'études forêt et filière bois, j'ai beaucoup insisté durant nos travaux sur l'intérêt d'une meilleure gestion des forêts et des espaces naturels pour améliorer la prévention des incendies. Une gestion durable et préventive contribue non seulement à l'atteinte de nos objectifs économiques et de décarbonation, mais elle permet aussi d'améliorer la résilience des massifs face au risque croissant d'incendie.
C'est dans cet esprit que le titre III de la proposition de loi vise à promouvoir la sylviculture comme outil de protection des forêts contre l'incendie.
L'article 16 propose ainsi d'abaisser le seuil d'obligation d'élaboration d'un plan de gestion à 20 hectares, contre 25 hectares actuellement. Ce sont ainsi 500 000 hectares et 20 000 propriétaires supplémentaires qui disposeront de ce document.
La gestion de la forêt privée étant aujourd'hui un enjeu majeur, un effort supplémentaire de conseil aux propriétaires sera demandé au Centre national de la propriété forestière via l'article 18, qui prévoit une généralisation des visites d'étape. En outre, nous proposons, avec l'article 20, d'ajuster le dispositif d'encouragement fiscal à l'investissement en forêt (Defi), toujours dans cette optique de dynamiser la petite propriété forestière.
En parallèle, les documents-cadres régionaux seront complétés par un volet spécifique au risque incendie - c'est l'article 15 - et un réseau de référents défense des forêts contre l'incendie sera également mis en place au sein du Centre national de la propriété forestière - c'est l'article 19.
En ce qui concerne les OLD, j'indiquerai simplement que nous prévoyons d'accompagner les acteurs au travers d'un certain nombre de dispositions fiscales et d'une mobilisation accrue des collectivités territoriales sur le volet de l'information, qui est essentiel.
Le titre VIII intervient, lui, en aval des sinistres et vise à reboiser les parcelles brûlées et à reconstituer des forêts plus résilientes après les incendies.
En ce sens, l'article 35 prévoit de conditionner plus strictement les aides publiques à un choix d'essences adaptées aux stations forestières et à leur évolution prévisible en raison du changement climatique, à la diversité des essences et au maintien de zones pare-feu dans les territoires exposés au risque incendie, sans négliger les besoins en production de bois.
Pour le reste, ce titre vise à encourager la souscription d'une assurance incendie par les propriétaires forestiers.
Je forme le voeu que cette proposition de loi fasse l'objet de débats constructifs et qu'elle débouche sur des actions efficaces.
M. Olivier Rietmann, rapporteur. - Je m'associe à mes collègues co-auteurs de la proposition de loi et me réjouis qu'une traduction législative de nos travaux aboutisse.
Le titre IV complète le cadre existant de défense des forêts contre l'incendie, en l'intégrant davantage à la gestion forestière.
Les articles 21, 23 et 24 renforcent ainsi les synergies existant entre la gestion de la forêt et sa protection par la DFCI, au travers de la complémentarité des voies d'accès et du recours à une approche par massifs permettant de mieux quadriller et cartographier nos forêts. Les plans de protection des forêts contre l'incendie sont un outil extraordinaire de concertation, surtout quand ils sont déclinés à l'échelle des massifs.
Enfin, nous proposons que les maires des communes dotées d'un plan de protection des forêts contre l'incendie (PPFCI), d'un plan intercommunal de débroussaillement et d'aménagement forestier (Pidaf) ou de tout document cartographié relatif à la protection des forêts contre l'incendie puissent disposer d'un droit de préemption présentant un enjeu au regard de la défense des forêts contre l'incendie, les parcelles forestières ainsi acquises étant soumises de fait au régime forestier afin d'en assurer une gestion durable et pérenne.
J'en viens au titre V sur la mobilisation de l'agriculture dans la protection des forêts et des espaces naturels.
Certaines activités agricoles et pastorales jouent un rôle reconnu dans la protection des forêts contre l'incendie. Un rapport datant d'il y a plus de vingt ans appelait à la création d'une « ligne Maginot » de la gestion des espaces forestiers et naturels, mais force est de constater que, depuis lors, ce levier a été un peu oublié.
C'est pourquoi l'article 25 prévoit que l'indemnité de défrichement puisse être minorée plus facilement, mais à des conditions strictes, lorsqu'une valorisation agricole contribue à réduire le risque incendie.
Au-delà de ce rôle traditionnel de pare-feu, nous proposons de réfléchir à une approche intégrée de la DFCI, en l'étendant aux surfaces de végétation et aux surfaces agricoles. En effet, environ un tiers des surfaces brûlées sont des espaces non boisés - friches, landes ou terres agricoles. Des coupes de végétation pourraient ainsi utilement être réalisées dans les zones à risque, à l'interface entre terres agricoles et forêts, afin de protéger autant les forêts que les parcelles.
Les articles 28 et 29 permettent à cette fin au préfet de prescrire la réalisation de travaux agricoles la nuit ou de mettre en place des coupures de combustible en lisière avec les espaces forestiers. Il s'agit d'un outil qui sera mis à la disposition du préfet, lequel ne l'utilisera qu'en cas de risque très sévère.
Ces volets, qui contribuent à renforcer la défense des forêts contre l'incendie et à étendre la DFCI à de nouveaux territoires, témoignent de notre conviction qu'une approche globale est nécessaire pour affronter l'intensification et l'extension du risque incendie.
Mme Brigitte Devésa. - Élue des Bouches-du-Rhône, un département régulièrement durement touché par les incendies, je suis heureuse de faire partie de cette commission spéciale. J'ai été pendant six ans première vice-présidente du service départemental d'incendie et de secours (SDIS) des Bouches-du-Rhône. J'espère que notre travail sera fructueux.
Mme Marta de Cidrac. - Même si je ne suis pas élue d'un département du sud de la France, qui englobe des départements auxquels on pense spontanément lorsque l'on parle d'incendies, je sais que nous avons été très inquiets que les Yvelines ne s'embrasent en 2022. Je suis donc ravie de participer à cette commission.
Mme Patricia Schillinger. - L'Alsace a aussi été touchée par les feux l'été dernier. Nous avions été aidés par des pompiers venus des autres pays européens. Je voudrais donc savoir si ce texte comporte un volet européen.
M. Jean Bacci, président. - Pas pour l'instant. Une réflexion est en cours. Le Président de la République a en effet demandé à M. Hubert Falco de travailler sur la protection civile. À l'issue de cette réflexion, notre texte sera peut-être amendé, à moins qu'une autre proposition de loi ne soit déposée.
M. Pascal Martin, rapporteur. - Une doctrine opérationnelle nationale existe depuis 40 ans ; elle a fait la preuve de son efficacité, car les surfaces boisées incendiées ont régulièrement diminué. Toutefois, aujourd'hui, nous sommes confrontés à des incendies hors normes, qui concernent tout le territoire national, durant toute l'année. Certains feux démarrent en janvier et durent jusqu'en septembre. À l'échelle européenne prévaut un principe de solidarité. Pendant des années, les Français ont apporté une solidarité opérationnelle aux autres pays européens, comme le Portugal, l'Italie ou la Grèce, mais l'année dernière, nous avons dû demander leur aide. Quant aux moyens aériens, ils relèvent du budget de l'État, et non des SDIS.
Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteure. - Cette proposition de loi s'intéresse aux ressources matérielles et humaines disponibles sur le terrain, notamment les sapeurs-pompiers volontaires. Cela inclut, le cas échéant, les ressources européennes.
Mme Nathalie Delattre. - Je constate que tous les sénateurs de la Gironde sont membres de cette commission, ce n'est pas un hasard, car notre département a été très fortement touché par les incendies l'an dernier. Cette proposition de loi découle du travail de la mission conjointe de contrôle sénatoriale relative à la prévention et à la lutte contre l'intensification et l'extension du risque incendie. Quelle sera notre latitude pour la compléter ? Nous avons constaté l'an dernier, lors des incendies, que des sapeurs-pompiers volontaires salariés avaient eu des difficultés pour s'absenter de leur travail. Cette question des sapeurs-pompiers volontaires mérite d'être posée. Nous devrions aussi réfléchir à un Buy European Act. Pourrons-nous enrichir ce texte ?
M. Jean Bacci, président. - C'est ce que nous essaierons de faire pendant un mois et demi.
Mme Florence Lassarade. - La stratégie de DFCI de la forêt des Landes de Gascogne date de 1949. Elle a été conçue et financée par les propriétaires forestiers et les communes : c'est un modèle très particulier ; le résultat est que les moyens fournis par l'État sont très inférieurs à ce qu'ils sont ailleurs. Certes il s'agit de forêts de rapport, mais il me semble qu'il serait pertinent d'accroître la visibilité sur le terrain des pompiers qui font de la prévention. Il ne s'agit pas de leur demander de porter des gilets jaunes, mais une présence renforcée en forêt dissuaderait les pyromanes. Il est dommage que les élus du Sud-Ouest aient été peu représentés au sein de la mission conjointe de contrôle du Sénat. Il est vrai que l'on n'imaginait pas que notre région puisse connaître de tels feux, voire mégafeux. Il est crucial de mettre l'accent sur la prévention.
M. Jean Bacci, président. - Il existe deux façons de traiter la question des incendies : d'une part, la préparation du territoire en amont, pour prévenir l'apparition des feux et les contenir plus facilement s'ils apparaissent, et d'autre part, l'action de lutte contre le feu ensuite, lorsqu'il s'est déclaré. Les deux aspects sont aussi importants l'un que l'autre, mais les économies réalisées par un effort de prévention sont considérables : 200 000 euros dépensés en amont pour aménager un massif forestier pour prévenir les incendies permettent d'économiser 4 ou 5 millions d'euros qui auraient ensuite été nécessaires pour les éteindre.
M. Olivier Rietmann, rapporteur. - La presse parle souvent de mégafeux, mais nous n'en avons pas en France, notamment grâce à notre système de prévention et d'intervention très rapide. On attribue plutôt le terme de mégafeux aux incendies qui ont lieu aux États-Unis, en Australie ou en Sibérie, où un feu brûle depuis plusieurs mois et a déjà ravagé des centaines de milliers d'hectares : il s'agit de feux sur lesquels l'intervention humaine est impuissante et qui ne peuvent s'éteindre qu'à la faveur d'un changement de la météo. En France, on a plutôt des grands feux ou des feux hors normes.
M. Daniel Gremillet. - Plus aucun territoire n'est désormais à l'abri du risque d'incendie. Les Vosges en ont fait l'expérience en 2022. Il convient de réfléchir aussi aux moyens aériens et de ne pas se limiter, en la matière, à une approche centrée sur la France, qui serait trop restrictive, car l'important, c'est la rapidité d'action. Dans certains massifs difficiles d'accès, l'appui aérien est essentiel. Pour couvrir l'est de la France, qui est proche de la Forêt noire, il serait sans doute pertinent d'envisager une répartition des moyens aériens à une échelle plus large que l'hexagone.
Il faut aussi s'interroger sur les moyens de transport. Dans certains cas, ce sont les agriculteurs qui ravitaillent les pompiers en eau avec leurs tonnes à lisier. Il convient donc de réfléchir à l'architecture des moyens de transport et de logistique en appui des pompiers, comme c'est le cas pour le déneigement, assuré par les agriculteurs dans certains territoires.
Mme Laurence Harribey. - Après les feux que l'on a connus, il n'est pas étonnant que cette commission spéciale compte les six sénateurs girondins !
Cette proposition de loi vise à renforcer la prévention et la lutte contre l'intensification et l'extension du risque incendie. Ce titre est ambitieux, mais lorsqu'on lit le texte, on constate que beaucoup d'aspects n'y figurent pas, comme les SDIS par exemple. Nous sommes nombreux à vouloir enrichir le texte. J'espère que nous ne serons pas bridés par les articles 45 et 40 de la Constitution, car lorsqu'on touche aux SDIS, on touche à leur financement. Un rapport de l'Assemblée des départements de France (ADF) formule des propositions. Nous devons en tenir compte. Il ne faudrait pas qu'un périmètre d'application de l'article 45 de la Constitution relatif aux cavaliers législatifs trop restreint ne réduise l'intérêt de cette initiative.
M. Pascal Martin, rapporteur. - Notre mission d'information a été créée avant les incendies de l'été 2022. Elle était motivée par les feux qui avaient eu lieu dans le Var en 2021. Nous étions d'ailleurs sur le point de rendre notre rapport d'information quand les incendies à La Teste-de-Buch et Landiras se sont déclarés. Le président Larcher s'est alors déplacé en Gironde, tout comme notre commission. Nous n'avons pas l'ambition d'avoir réglé tous les problèmes avec nos travaux et la proposition de loi qui en a résulté.
Mme Kristina Pluchet. - Les incendies ne concernent plus seulement le sud de la France. En Normandie, nous sommes touchés tous les étés depuis 2019, à cause du stress hydrique. Les pompiers sont désemparés ; ils sont insuffisamment formés et équipés pour faire face à ces phénomènes hors normes. Le manque d'équipements est crucial. Les camions-citernes sont trop petits. En 2019, nous avons ainsi perdu 200 hectares de terres agricoles en une heure !
M. Jean Bacci, président. - L'acculturation au feu devient une nécessité dans tous les territoires. Cette problématique, qui ne concernait que le sud de la France, concerne désormais toute la France. Dans le Var, les pompiers sont aguerris, équipés. Grâce aux bénévoles des comités communaux feux de forêts (CCFF), qui sont en permanence sur le terrain, les départs de feux sont identifiés rapidement, ce qui permet d'intervenir immédiatement. Nous devons faciliter le partage des expériences entre les départements, croiser les approches pour que chacun puisse être plus efficace, car il n'y a pas de solution miracle.
M. Olivier Rietmann, rapporteur. - Il conviendrait d'autoriser le préfet, en cas de risque d'incendie sévère, à intervenir pour modifier les pratiques agricoles, notamment lors de la récolte : des machines moissonnent des centaines d'hectares, sans quadrillage particulier, sans protection par un outil à dent. Or les territoires du nord de la France sont désormais concernés par le développement d'incendies de végétations et de terres agricoles. On ne pourra pas faire l'économie d'une réflexion sur les pratiques agricoles.
M. Daniel Gremillet. - Quel jour auront lieu les auditions ?
M. Jean Bacci, président. - Nous essaierons de tenir nos réunions le mardi à cette heure si vous en êtes tous d'accord.
La réunion est close 14 h 35.