Mardi 31 janvier 2023
- Présidence de Mme Sophie Primas, présidente -
La réunion est ouverte à 14 h 15.
Proposition de loi visant à régulariser le PLUi de la Communauté de communes du Bas Chablais - Examen des amendements de séance
Mme Sophie Primas, présidente. - Nous examinons les amendements de séance sur la proposition de loi visant à régulariser le plan local d'urbanisme intercommunal (PLUi) de la Communauté de communes du Bas Chablais.
EXAMEN DES AMENDEMENTS AU TEXTE DE LA COMMISSION
Mme Martine Berthet, rapporteure. - Avis défavorable à l'amendement n° 1 visant à supprimer l'article unique.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 1.
Intitulé de la proposition de loi
Mme Martine Berthet, rapporteure. - Avis également défavorable à l'amendement n° 2.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 2.
La réunion est close à 14 h 20.
Mercredi 1er février 2023
- Présidence de Mme Sophie Primas, présidente -
La réunion est ouverte à 9 h 00.
Proposition de loi visant à faciliter la mise en oeuvre des objectifs de « zéro artificialisation nette » au coeur des territoires - Communication
Mme Sophie Primas, présidente. - Mes chers collègues, je vous prie d'excuser l'absence du rapporteur de la mission conjointe de contrôle relative à la mise en application du « zéro artificialisation nette », M. Jean-Baptiste Blanc. Sa présidente, Mme Valérie Létard, va assurer l'ensemble de la communication.
Mme Valérie Létard, présidente de la mission conjointe de contrôle relative à la mise en application du « zéro artificialisation nette ». Je vous présente aujourd'hui les conclusions et les propositions de la mission conjointe de contrôle relative à la mise en oeuvre des objectifs de « zéro artificialisation nette » (ZAN), qui a conduit ses travaux entre octobre et décembre dernier. Dans le cadre de cette mission, qui associait des sénateurs de quatre commissions et de tous les groupes politiques, notamment Christian Redon-Sarrazy, Jean-Marc Boyer et Anne-Catherine Loisier, nous avons mené près d'une trentaine d'auditions pour faire le point sur l'application du ZAN au sein des territoires, et sur les difficultés que celle-ci soulève. Nous nous sommes appuyés pour cela sur les travaux préalables du Sénat, principalement ceux conduits au sein de notre commission des affaires économiques (un rapport d'information, un bilan de l'application de la loi, une consultation des élus locaux en ligne...) mais aussi de la commission des finances (un rapport d'information sur le financement du ZAN).
Le but de cette mission conjointe était de réaliser la synthèse et l'actualisation de l'ensemble de ces travaux afin de déposer une proposition de loi sénatoriale transpartisane visant à faciliter l'application du « ZAN » dans les territoires. Nous mesurons tous, dans nos régions et dans nos intercommunalités, l'attente des élus locaux envers le Sénat. Il est en particulier urgent de donner aux régions, aux communes et aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) des règles du jeu claires ; d'amener le Gouvernement à corriger les décrets problématiques ; et de doter les maires et les collectivités d'outils pour leur permettre de mettre en oeuvre le ZAN.
Notre mission conjointe a décidé de se saisir de l'ensemble de ces sujets réglementaires et de déposer, mi-décembre 2022, une proposition de loi sénatoriale signée par la quasi-totalité de ses membres, issus de nombreux groupes politiques, et comportant une vingtaine de mesures.
Par ce texte, nous avons souhaité prendre le contrepied du Gouvernement, lequel se montre très fermé sur la plupart des sujets, et n'a pas fait évoluer un seul point du cadre juridique du ZAN pendant la dernière année et demie. Nous pensons au contrait qu'il est important de coconstruire, que le Sénat doit se faire la voix des collectivités et de leurs difficultés en formulant des propositions d'amélioration et en avançant des solutions alternatives et complémentaires. Pour amorcer ce dialogue, nous avons souhaité vous présenter des propositions fortes et lisibles, ce qui permettra d'ouvrir un vrai dialogue politique au cours de la navette.
Je précise que nous ne nous sommes pas penchés spécifiquement sur les sujets relatifs au financement, pour lesquels la réflexion doit être approfondie, dans une logique plus large de refonte de la fiscalité. Dans ce domaine, il appartient également au Gouvernement de nous soumettre des propositions.
Un autre aspect important est qu'il nous a paru nécessaire de nous inscrire dans l'adaptation du cadre existant du ZAN, plutôt que de viser une rupture ou une remise en cause totale de l'objectif. En effet, nous avons voté la loi portant lutte contre le dérèglement climatique et le renforcement de la résilience face à ses effets, dite « Climat et résilience », il y a à peine plus d'un an, et nous partageons tous l'objectif de protection des sols, notamment agricoles. Dès lors, nous n'avons pas souhaité revenir sur les grandes lignes de ce texte, en particulier sur les échéances de 2031 et de 2050 qui y sont fixées ni sur l'objectif national de - 50 % d'artificialisation. Nous avons en revanche cherché à adapter, à rendre plus aisée et plus équitable l'application du ZAN à chaque fois que cela était possible. Nous avons voulu répondre point par point à toutes les inquiétudes exprimées : le manque de temps pour travailler, l'absence de garanties pour les communes rurales, les insuffisances de la gouvernance, etc. Il nous semble qu'en introduisant des garde-fous, mais aussi des souplesses, nous pourrons rassurer les collectivités quant aux objectifs de réduction de l'artificialisation et à leur application.
Les vingt propositions que nous vous présentons s'articulent autour de quatre axes ressortis de nos auditions et de nos travaux.
Le premier d'entre eux est la nécessité de favoriser le dialogue territorial et de renforcer la gouvernance décentralisée.
Le problème principal qui se pose ici tient au calendrier : les règles du jeu du processus ne sont pas encore fixées, mais les collectivités sont déjà censées finaliser la modification de leurs documents d'urbanisme. On sait pourtant que la concertation, surtout entre différentes collectivités, sera déterminante pour l'acceptation des objectifs du ZAN et pour leur application équitable. Nous proposons donc d'assouplir les délais qui s'imposent à la modification des schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (Sraddet), notamment en raccourcissant le temps laissé au préfet pour confirmer le projet de document. Nous souhaitons, en outre, accorder aux régions une année supplémentaire pour mener à bien cette modification. Ainsi, le temps de concertation et de travail sur le fond, plutôt que les contraintes de forme, sera maximisé. Il semble en effet impossible que les régions mènent à bien la concertation nécessaire dans le délai imparti - pour mémoire, le délai est court jusqu'à mars 2024, mais comprend une année de consultations préalables obligatoires et incompressibles des personnes publiques concernées -, au détriment des collectivités, lesquelles se trouveront pourtant fortement engagées dans ce processus pour des années.
Ensuite vient la question de l'opposabilité du Sraddet. Sur ce point, nous souhaitons restaurer l'intégrité de l'accord issu de la commission mixte paritaire entre le Sénat et l'Assemblée nationale sur la loi « Climat et résilience » : nous avions alors souhaité que les objectifs du Sraddet s'imposent dans un rapport de prise en compte des objectifs des documents d'urbanisme locaux et non de compatibilité. C'est le coeur du processus : alors que le fascicule s'impose aux documents d'urbanisme aux échelles inférieures, les objectifs dessinent seulement une tendance. La disposition introduite par décret va donc à l'encontre de cet accord en créant une sorte de « schéma de cohérence territoriale (Scot) régional ». Or il nous semble essentiel de revenir à cet accord afin de limiter le risque juridique pour les communes et pour les intercommunalités et de permettre une plus grande souplesse dans la territorialisation des objectifs.
Enfin, dans le dernier point de ce premier axe, nous proposons de renforcer l'association de tous les élus locaux à la gouvernance du ZAN en élargissant la « conférence des Scot ». Cette gouvernance renforcée associera mieux le bloc local, avec un triple objectif : mieux territorialiser, assurer le suivi des trajectoires ZAN, voire les modifier, et rendre des avis sur les « grands projets ».
Le deuxième axe concerne précisément les projets structurants de demain, que la politique du ZAN devra savoir préserver et accompagner.
Nous proposons, comme le Sénat l'a déjà voté dans le projet de loi relatif à l'accélération de la production d'énergies renouvelables et dans le projet de loi relatif à l'accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes, de faire remonter dans une enveloppe nationale les « grands » projets nationaux et européens, afin que l'artificialisation qui en résulte soit pas imputée aux collectivités territoriales sur lesquels ils sont implantés. Dans la région Hauts-de-France par exemple, le parking lié aux contrôles aux frontières résultant du « Brexit », à Calais, le canal Seine-Nord Europe ou le grand port autonome d'intérêt national de Dunkerque ne relèvent pas de décisions locales. À défaut d'une telle mesure, tous les textes qui concernent le développement économique, les infrastructures ou la politique énergétique viendraient ainsi percuter frontalement les objectifs du ZAN, posant à chaque fois des problèmes de compatibilité dans la prise en compte des projets. Notre position doit être ferme sur ce point, car le Gouvernement pourrait souhaiter en rester à une forme de mutualisation qui ne règle absolument pas le problème quantitatif que ces projets posent. Si l'on ne les « sort » pas de l'enveloppe globale dans un premier temps, ce n'est pas une diminution de 50 %, mais parfois une baisse de 80 % que les collectivités devront atteindre d'ici à 2031. Dans les exemples que j'ai évoqués, il resterait ainsi moins de dix hectares par Scot sur la période décennale en cours, alors même que certains des projets concernés vont dans le sens des préconisations de transition environnementale de la loi « Climat et résilience ». Ces injonctions contradictoires posent tout de même problème ! Nous devons trouver les voies et moyens pour éviter de mutualiser ces projets, car les conséquences d'un tel processus pourraient desservir certains territoires, ceux qui ne les accueillent pas, comme ceux qui les accueillent et qui devront déduire de l'enveloppe régionale certains investissements connexes.
En revanche, nous proposons de mieux encadrer les projets qui relèveront de cette mesure ; des critères seraient ainsi fixés dans la loi, qui concerneraient, par exemple, les grands chantiers d'infrastructure et les investissements nécessaires à la transition énergétique et environnementale, parmi lesquels les projets industriels. La conférence de gouvernance du ZAN émettrait un avis sur les projets qui pourraient entrer dans ces catégories. En outre, un suivi triennal de la consommation d'espace correspondant à cette enveloppe nationale serait mis en place. Nous proposons également de renforcer la mutualisation des projets d'intérêt régional, laquelle est déjà prévue par la loi. Il s'agit, en particulier, d'accorder aux communes et aux EPCI un droit de proposition à la région, afin que les projets qu'ils portent et qui relèvent de l'intérêt régional soient pris en considération. Nous souhaitons enfin que les plans locaux d'urbanisme intercommunaux (PLUi) tiennent mieux compte des projets d'intérêt intercommunal dans la fixation des objectifs du ZAN.
Le troisième axe de notre texte vise à mieux prendre en compte les spécificités de chaque territoire.
Le premier sujet, bien sûr, est celui de la ruralité. Nous avons écouté avec une attention particulière les associations représentatives des élus des territoires ruraux : aucune d'entre elles ne demande à bénéficier d'une dispense totale de ZAN. Il nous semble important de marquer l'engagement de l'ensemble des territoires dans la réduction de l'artificialisation, et de ne pas créer un territoire à deux vitesses. Certaines petites villes ont, par ailleurs, beaucoup artificialisé, d'autres non ; les dérogations fondées sur la taille nous semblent donc devoir être écartées.
Les inquiétudes des élus ruraux se résument en réalité à deux questions : comment garantir qu'aucune commune rurale ne sera sacrifiée dans la répartition du ZAN, en perdant tout droit à construire ? Comment le ZAN garantira-t-il que les projets utiles au développement rural, mais n'entrant pas dans l'enveloppe quantitative communale, soient menés à bien ? Nous avançons donc deux propositions en réponse directe à ces questions.
Tout d'abord, nous préconisons la mise en place d'un « minimum ZAN » universel, afin qu'aucune commune ne se voie octroyer des droits à construire inférieurs à un hectare pour la première période de dix ans. Cela sera une vraie garantie pour les petites communes rurales dont les droits seraient proches de zéro avec une application mathématique de l'objectif de baisse de 50 %.
Ensuite, nous proposons d'instaurer une part réservée pour les projets supra-communaux, qui sera fixée et réservée au niveau de la région ou des Scot. Par exemple, 10 % ou 15 % de l'enveloppe totale d'artificialisation seraient mis en réserve au profit des communes faiblement dotées. Une petite commune qui aurait consommé le peu de droits qu'elle aura obtenu grâce à la territorialisation pourra donc disposer d'une petite rallonge pour un projet particulièrement important pour l'ensemble du territoire. Rappelons, en outre, que les communes placées sous le régime du règlement national d'urbanisme (RNU), c'est-à-dire la majorité des communes rurales, ne seront pas soumises à des objectifs chiffrés de ZAN : elles sont déjà, de facto, moins contraintes.
Nous souhaitons également préciser les critères qui présideront à la territorialisation dans le Sraddet, afin d'offrir dans ce cadre les mêmes garanties qu'au niveau des Scot, notamment la prise en compte des efforts passés.
Nous entendons, de plus, accorder aux maires la possibilité de délimiter des périmètres de densification dans lesquels le remplissage des dents creuses et la densification elle-même ne seraient pas considérés comme de l'artificialisation, afin de répondre à la difficulté relevée quant au traitement des parcs et des jardins dans la nomenclature proposée par le Gouvernement, laquelle est, par ailleurs, de nature réglementaire.
S'ajoute à ces mesures la prise en compte des communes confrontées au recul de trait de côte : la relocalisation des activités et des bâtiments menacés par ce processus ne doit pas peser sur leur compte foncier ; les terres perdues à la mer ne sauraient en effet être retenues contre elles.
Enfin, nous demandons au Gouvernement de se pencher sur la situation particulière de l'outre-mer, car les spécificités de ces territoires - insularité, diversité de l'habitat, topographie, etc. - justifient une approche différenciée.
Notre quatrième et dernier axe vise à donner aux élus locaux les outils pour réaliser le ZAN - outils qui manquent aujourd'hui cruellement.
En matière de données, nous prévoyons la mise à disposition gratuite, par l'État, des données précises et harmonisées de consommation d'espace et d'artificialisation. À défaut de ces données d'État, il nous semble pertinent d'autoriser les Scot, EPCI et communes à continuer d'utiliser leurs données propres, recueillies depuis parfois quinze ou vingt ans via les observatoires locaux, car il faut assurer la continuité de la mesure.
Nous souhaitons aussi garantir la prise en compte, dès maintenant, et pas seulement à compter de 2031, des efforts de renaturation. Le droit actuel est en effet à la fois contreproductive et injuste. Il convient de compléter la loi sur ce point, de telle manière que les maires soient réellement soutenus dans leur politique de renaturation.
La dernière thématique est très importante, en particulier pour l'action quotidienne des élus locaux : il s'agit de la période transitoire. Jusqu'à la modification des documents d'urbanisme, qui permettra de limiter les constructions et de refuser les permis contraires, les élus sont démunis face aux demandes d'autorisation, y compris abusives, ou face aux achats de terrains constructibles, y compris spéculatifs. Pourtant, les communes et les EPCI sont tenus de limiter la consommation d'espace dès 2021 ; le compte à rebours a déjà commencé et ce qui est construit depuis août 2021 sera retiré du droit à construire des communes. Comment, dès lors, tenir l'objectif d'une diminution de 50 % si l'on ne peut limiter la construction qu'à compter de 2027, en prenant en compte le temps nécessaire à la réalisation des documents d'urbanisme ? Le risque est que certaines communes aient épuisé d'ici là leurs capacités de construction. Nous souhaitons donc donner aux maires des outils concrets pour mieux contrôler les projets qui leur sont soumis au regard du ZAN : nous proposons, d'une part, de créer un sursis à statuer ZAN, qui permettra au maire, s'il le souhaite, de ne pas octroyer un permis qui mettrait ostensiblement en danger l'atteinte des objectifs ZAN et, d'autre part, de mettre en place un droit de préemption ZAN, afin que les maires puissent éviter la captation de tout le foncier utile aux projets publics, par exemple en préemptant des friches représentant un potentiel de renaturation ou de recyclage foncier. En l'absence de ces outils, les maires sont aujourd'hui démunis.
Telles sont les préconisations retenues et transcrites dans la proposition de loi sénatoriale qui sera examinée mi-mars 2023 ; elles nous semblent constituer un texte concret, de bon sens, qui couvre les principales problématiques de nature législative relatives au ZAN et qui est susceptible de permettre sa mise en application au sein des territoires de manière apaisée.
Mme Sophie Primas, présidente. - Je vous rappelle qu'une commission spéciale a été désignée sur cette proposition de loi.
M. Franck Menonville. - Ce travail balaie bien le sujet et apporte des propositions utiles pour faire face à ce que nous vivons déjà. Les décrets datent seulement d'avril dernier, mais, dans nos territoires, l'application du ZAN est déjà très stricte et suscite beaucoup de crispation et d'anxiété, alors même que l'ensemble des élus et des acteurs locaux consentent à la nécessité de limiter la consommation d'espace.
Vous mettez l'accent sur la gouvernance et vous avez raison, c'est essentiel. Si le Sraddet, qui relève de la région, a vocation à s'imposer sans concertation, cela suscitera du mécontentement ; il doit au contraire s'intégrer dans une politique qui part du territoire et qui met en partage les objectifs et les ambitions pour assurer la cohérence à l'échelle de la région de la somme des politiques territoriales. La question du traitement des projets nationaux ou européens est centrale à ce titre. Ainsi, le projet de Centre industriel de stockage géologique (Cigéo), qui est à cheval sur deux départements ruraux, priverait, par exemple, de droits à développement les collectivités territoriales sur lesquelles il est implanté, alors même qu'il s'agit d'un projet d'intérêt national.
M. Jean-Marc Boyer. - Cette synthèse est intéressante et résume bien nos discussions. Il demeure toutefois des questions.
A-t-on une idée du positionnement des régions en ce qui concerne les Sraddet ? On peut considérer que celui-ci variera d'une région à l'autre. Dès lors, va-t-on vers une différenciation des mesures selon les régions ? J'ai posé en vain la question au ministre, M. Béchu.
Ensuite, s'agissant des projets d'énergies renouvelables (EnR), disposons-nous d'informations sur leur prise en compte dans le ZAN ? M. Béchu s'y était engagé, mais nous n'avons pas de certitude à ce sujet.
Le « minimum ZAN » universel est une mesure très attendue par les maires. Nous avons proposé un hectare, ce chiffre est-il retenu par le ministre ? Lors de notre dernier échange, cela ne semblait pas certain.
Enfin, sur le quatrième axe, il est vrai que les préfets ont envoyé des circulaires aux maires avant l'entrée en vigueur effective du dispositif ; pour autant, en l'absence de clarification du cadre juridique et dans l'attente de l'épuisement des recours concernant les décrets d'application, de quels outils disposent les élus pour faire face aux refus d'autorisation d'urbanisme ? Nous ne saurions rester trop longtemps dans une telle situation.
Mme Viviane Artigalas. - Il me semble important de fixer des règles claires, car nos élus, notamment ruraux, sont démunis. Après les différentes annonces, alors que les directions départementales des territoires (DDT) font preuve d'un certain enthousiasme pour faire appliquer ces décrets, cette proposition de loi tombe à point nommé. En outre, les déclarations du ministre, M. Béchu, et de la Première ministre lors du Congrès des maires, n'ont pas été suivies d'effets.
Pour autant, qu'en est-il du financement de la mesure ? Ces textes conduisent les collectivités territoriales à réviser continuellement leur PLUi, alors que celles-ci sont déjà en difficulté financière et que le recours à des bureaux d'étude coûte très cher.
M. Serge Mérillou. - Quid des projets départementaux ? Si l'on mutualise les projets nationaux, les projets régionaux et les projets départementaux, il risque de ne plus rien rester dans certains territoires, sinon l'éventuelle réserve d'un hectare par commune.
Concernant la période transitoire, ma communauté de communes dispose d'un plan local d'urbanisme comportant d'immenses terrains à bâtir. Or les maires encouragent les propriétaires à se dépêcher de construire et font face à un volume important de demandes de permis, qui visent parfois à ne mettre en oeuvre que les fondations, pour conserver le droit de construire plus tard. Si tout cela devait être pris en compte dans l'objectif dès maintenant, alors nous n'aurions plus rien pour la fin de la période décennale.
Mme Sophie Primas, présidente. - C'est pourtant bien pris en compte !
M. Serge Mérillou. - Enfin, il est vrai que les bureaux d'étude coûtent cher. Dans mon intercommunalité, qui rassemble 50 communes pour 20 000 habitants, cela revient à 450 000 euros, soit quasiment la totalité du budget d'investissement.
M. Daniel Gremillet. - Je découvre moi aussi que le compte à rebours a déjà commencé, alors que la plupart des élus ne le savent pas. Attention au « business » que l'on est en train de créer pour les bureaux d'étude : nous leur offrons un marché que je qualifierais d'improductif.
La définition des catégories ne sera pas simple, en effet, et je vois venir des débats locaux très animés. Les régions doivent établir un schéma des énergies renouvelables, qui emportera des conséquences sur l'artificialisation, avec la pose des installations, et surtout avec les chemins d'accès. Ce sujet apparaît comme une véritable « patate chaude ».
Nous avons besoin de relocaliser des outils de production industrielle ; or nous introduisons ici de la rigidité, qui risque en définitive de repousser les acteurs susceptibles d'être intéressés. Une implantation industrielle peut aller très vite, si l'on dispose d'une solution foncière à proposer ; mais si on en est privé, comment protéger la capacité d'accueil sur nos territoires ? Rappelons que de telles implantations entraînent ensuite des obligations en matière de logement, par exemple. Bref, il me semble que beaucoup de questions annexes doivent être abordées pour évaluer correctement la gradation des impacts que nous pouvons attendre de cet objectif.
Enfin, ces « droits à construire » sont-ils négociables ? Des communes qui ne souhaitent pas utiliser leur « enveloppe ZAN » pourraient-elles obtenir un financement en contrepartie, voire céder leurs droits à d'autres collectivités ?
M. Bernard Buis. - Nous sommes favorables à une grande partie des mesures proposées, notamment à celles qui concernent la conférence régionale des Scot et les projets à enjeu national. Pour autant, il convient de fixer des règles claires applicables uniformément, de manière à éviter toute différenciation dans l'application des règles.
Concernant la garantie rurale, celle-ci devra être couplée à des règles claires en matière d'urbanisme, car certaines communes très peu peuplées n'utiliseront pas un hectare, ou alors au profit d'une seule habitation.
M. Laurent Somon. - Comment seront prises en compte les énergies renouvelables ? Dans la Somme, les 1 000 éoliennes ont consommé 173 hectares en dix ans.
Dans les documents d'urbanisme, les définitions sont particulièrement importantes. Ainsi, nous n'avons jamais obtenu une définition correcte des parties actuellement urbanisées (PAU). L'application des règles par la direction départementale des territoires et de la mer (DDTM) est souvent très stricte, il faut donc bien préciser ce que vous appelez « zones de densification ».
Enfin, la période intermédiaire pose question. L'application des décrets à la lettre par la DDTM suscite de nombreux litiges ; cette proposition de loi pourrait-elle prévoir que la commission départementale de conciliation prenne en compte les questions relatives au ZAN, alors que celle-ci n'est compétente que pour les documents d'urbanisme et pas pour les permis de construire ?
M. Daniel Salmon. - Nous devons en effet rester dans le cadre légal, mais attention à ne pas multiplier les dérogations, afin de respecter l'objectif de diminution de 50 %. Si l'on ajoute toutes les mesures évoquées ici, on risque bien de s'en écarter. Soyons donc parcimonieux.
Un recul d'un an ne nous permettra pas de nous projeter rapidement, alors même que certaines collectivités ont déjà épuisé leurs quotas.
De même, la proposition d'accorder un hectare doit être mise en perspective, notamment en fonction de la superficie des communes. Certaines sont très étendues, d'autres non, certaines ont beaucoup urbanisé, d'autres non. Le sujet est passionnant, et les réactions qu'il suscite sont passionnées, mais il faut trouver la bonne maille pour le mener à bien, laquelle est à mon sens la conférence de Scot. En tout état de cause, il faut un chef de file pour garantir la compatibilité des politiques menées.
Mme Sylviane Noël. - Avez-vous des nouvelles du recours devant le Conseil d'État sur les décrets ?
Mme Sophie Primas, présidente. - Aucune.
Mme Sylviane Noël. - Cette part réservée ne concernera-t-elle que les communes rurales ? Beaucoup d'élus demandent que soient traitées de manière spécifique les infrastructures dont personne ne veut, telles que les déchetteries ou les aires d'accueil des gens du voyage.
Mme Martine Berthet. - S'agissant des mobilités douces, beaucoup de véloroutes sont en projet, comment sont-elles comptabilisées ? Des exceptions sont-elles prévues pour ces aménagements ?
Nos territoires de montagne relèvent déjà de la loi relative au développement et à la protection de la montagne, laquelle est très contraignante. Nous sommes donc de bons élèves. Pour autant, j'imagine que cela n'est pas pris en compte dans les quotas...
M. Olivier Rietmann. - Vos propositions collent à ce qu'attendent les acteurs des territoires, concernant le délai, car ils ne seront pas prêts, la sortie des projets nationaux du total, etc. J'avais compris, toutefois, que les grands projets nationaux seraient exclus du total territorial, mais que les projets régionaux ou départementaux seraient seulement mutualisés à l'échelle du territoire concerné. M. Salmon a raison : si l'on sortait tout, il n'y aurait plus d'objectif à tenir.
Je suis d'accord avec vous s'agissant du Sraddet, nous devons nous garder d'en faire un outil de contrainte et lui conserver un caractère malléable, avec notamment la possibilité d'accorder un peu plus de droits aux territoires qui sont en train de retrouver une certaine dynamique, par rapport aux communes qui ont déjà beaucoup grignoté leur territoire.
Il me reste deux questions. Il est nécessaire d'établir une gouvernance du ZAN qui diffère de celle des Scot, parce que toutes les collectivités ne relèvent pas d'un Scot. En revanche, une fois qu'un Scot est mis en oeuvre, quelle est la nécessité de maintenir une conférence du ZAN ? Les élus locaux se posent la question.
Enfin, s'agissant de la garantie d'un hectare que vous proposez, la Haute-Saône compte 538 communes pour 230 000 habitants. Si l'on accordait un hectare à chaque commune, on pourrait doubler la population de nombre d'entre elles sur dix ans.
Mme Anne-Catherine Loisier. - Si l'on devait retirer de l'enveloppe régionale les projets d'intérêt régional ainsi que le quota d'un hectare dévolu aux communes sans droits à construire, le reste des droits à partager se réduirait comme peau de chagrin.
Le Gouvernement doit absolument éclaircir sa position quant à l'articulation du ZAN avec les différentes politiques publiques concernant les EnR, le logement, etc.
Actuellement, dans les communes relevant du RNU, le ZAN est déjà appliqué.
Qu'est-il prévu pour l'accompagnement des communes en matière d'ingénierie ?
A-t-on avancé sur l'intégration dès maintenant des surfaces renaturées ?
Mme Sophie Primas, présidente. - Oui, cette dernière mesure est comprise dans la proposition de loi.
Mme Anne-Catherine Loisier. - Quid de la compensation envers les communes dont le taux d'effort est déjà supérieur à 50 % ? Le débat grandit sur ce point, il convient de l'arbitrer au niveau national, d'autant qu'il est parfaitement légitime : les droits à construire sont des recettes à venir.
M. Franck Montaugé. - Je souhaite revenir sur la question des projets d'intérêt général aux échelles nationale, régionale et départementale. Ma proposition concrète à ce sujet est que la ventilation des surfaces concernées par ces projets se fasse au prorata des possibilités d'artificialisation conformes au ZAN. Cela permettrait de répondre aux problèmes posés aux différentes échelles.
Les projets nationaux sont globalisés, l'effort doit donc être réparti sur l'ensemble du territoire ; à mon sens, cette répartition doit se baser sur les capacités d'artificialisation restantes. Une commune qui n'en a plus beaucoup en prendrait ainsi très peu. Ce principe est transposable aux niveaux régional et départemental. À défaut, certaines communes paieront très cher l'implantation de projets dont l'intérêt les dépasse très largement, je ne vois donc pas d'autre solution pour atteindre les objectifs nationaux et locaux. Si nous ne nous demandons pas comment y parvenir, nous n'y parviendrons pas. Nous devons partir d'un dispositif concret et rationnel correspondant à l'ambition, qui est largement partagée à tous les niveaux du territoire. Cela a-t-il été intégré dans votre réflexion ?
Mme Florence Blatrix Contat. - Si je comprends bien, nous répondons aux communes bonnes élèves, qui avaient peu consommé leurs droits à construire et qui sont maintenant pénalisées, en leur offrant seulement un hectare ? Certaines d'entre elles peuvent pourtant avoir besoin maintenant de se développer, il faut notamment veiller à ne pas occulter le phénomène de démétropolisation qui est à l'oeuvre et qui est plutôt vertueux.
Avez-vous mesuré l'impact de vos propositions sur l'objectif global du ZAN ?
Enfin, selon moi, permettre un échange de foncier contre du financement n'irait pas dans le bon sens.
M. Jean-Claude Tissot. - Le quota de 50 % risque de favoriser les moins vertueux et de pénaliser ceux qui ont déjà fait des efforts. Quels pondérateurs pourrions-nous envisager pour éviter que le riche s'enrichisse et que le pauvre s'appauvrisse ?
Mme Sophie Primas, présidente. - La réflexion est encore en cours et doit s'approfondir. Il faudrait, en particulier, avoir connaissance des chiffres de consommation du foncier entre 2011 et 2021.
Je suis très sensible à la question de la hiérarchisation des politiques publiques. Le ZAN est-il au sommet ? S'impose-t-il à toutes les autres décisions ? Est-il au contraire en bas de l'échelle ? Dans le premier cas, une commune pourrait attaquer l'État si une LGV devait traverser son territoire, par exemple. Ce choix relève d'une décision de la Première ministre ou du Président de la République, il leur revient de désigner la politique publique prioritaire, de manière que les maires ne se trouvent pas seuls face à ces contradictions.
Mme Valérie Létard, présidente de la mission conjointe de contrôle. - Il faut en effet établir une méthode et une gouvernance en partant du territoire lui-même. Les projets nationaux et européens représentent un sujet particulier, mais la première question est celle de la gouvernance. Les régions s'interrogent sur l'opportunité de l'articuler autour des Scot, car elles n'ont pas envie de reprendre les concertations avec des niveaux de collectivités supplémentaires, au risque de créer des « usines à gaz ». En revanche, les territoires ont bien compris que, alors qu'il n'était pas contraignant auparavant, le Sraddet pourrait désormais s'imposer à eux, comme un « Scot régional ». Comment, s'agissant de territorialisation, associer sur toute la durée du Sraddet les collectivités, ne serait-ce qu'à titre consultatif, à ces sujets qui emporteront des conséquences considérables sur leur territoire ? Le Sraddet offrira la possibilité de différencier les territoires, mais il faut répondre aux grandes inquiétudes des collectivités, qui souhaitent être saisies, au moins pour avis, de certains points déterminants dans la répartition territoriale. C'est cela que nous avons essayé de faire dans ce domaine. Les départements, par exemple, possèdent des infrastructures qui ont un impact sur l'objectif, ou en seront impactées. Comment assurer leur représentation ? Les régions veulent un bateau que l'on peut gouverner, mais les collectivités refusent que les régions imposent seules leur volonté et le processus doit aussi remonter du territoire. Il nous faut donc concevoir les outils nécessaires pour cela, qui devront être viables. Ce n'est pas facile : nous devons nous garder de trop alourdir le processus, alors même que les régions sont immenses.
Monsieur Boyer, il est vrai que, d'une région à une autre, le système pourrait s'organiser différemment. Quoi qu'il en soit, la gouvernance sera importante parce qu'elle permettra un dialogue efficace. Certaines régions discuteront beaucoup, d'autres moins.
Les communes relevant du RNU ne sont pas soumises au ZAN, mais les préfets, qui décident de l'attribution des permis, ne s'exonèrent pas pour autant de ses objectifs. Dans les communes sous plan local d'urbanisme ou relevant de la carte communale, la responsabilité revient au maire, qui doit respecter les dispositions de ces documents, sous peine de contestation devant le juge.
Les installations photovoltaïques ne sont pas comptabilisées dans le ZAN jusqu'en 2031, conformément à une disposition de la loi « Climat et résilience ». Pour le reste, aucune mesure spécifique ne concerne les EnR, qui relèvent du droit commun. Tout au plus les sites importants pourront-ils être mutualisés au niveau régional. Nous avions voté un amendement au projet de loi « EnR » visant à considérer les très grands sites d'EnR comme des projets d'intérêt national, mais il n'a pas prospéré.
Mme Sophie Primas, présidente. - Nous avons volontairement évoqué le ZAN dans les textes récents relatifs aux EnR et au nucléaire, même si la dispersion des propositions dans plusieurs textes n'est pas une bonne idée. Nous entendions attirer l'attention du Gouvernement et de l'Assemblée nationale sur le sujet. Il s'agit toujours de hiérarchisation des politiques publiques. Si la politique énergétique s'impose au ZAN, alors il faut retirer les projets énergétiques du quota global.
Mme Valérie Létard, présidente de la mission conjointe de contrôle. - Cette question se pose pour chaque sujet que l'on aborde : quel objectif s'impose ? Pour autant, si l'on accumulait les exceptions, il deviendrait difficile pour les collectivités de se repérer dans le maquis des dispositions exclues d'un document qui avait pourtant vocation à rassembler tous les enjeux territoriaux.
Concernant la surface minimale d'un hectare, le Gouvernement nous laisse entendre qu'il serait peut-être favorable à un autre mode de calcul : il envisagerait d'accorder autour de 1 % de la surface artificialisée de chaque commune. Cela représenterait à peu près le même volume total au niveau national, mais la répartition serait très différente, et il nous semble qu'elle serait très favorable aux communes qui ont déjà beaucoup artificialisé, auxquelles on concéderait ainsi une sorte de prime.
Mme Anne-Catherine Loisier. - C'est l'inverse de ce que nous voulons faire !
Mme Sophie Primas, présidente. - Une petite commune peut toutefois avoir beaucoup artificialisé.
M. Daniel Laurent. - Certes, mais ceux qui n'ont pas artificialisé ne recevraient rien...
Mme Valérie Létard, présidente de la mission conjointe de contrôle. - Il nous revient d'analyser les conséquences d'une telle mesure : il semble bien que les petites communes en seraient pénalisées, ce qui n'est pas conforme à nos souhaits. Nous voulons, quant à nous, proposer un plancher d'un hectare de droit minimum. Une commune qui aura artificialisé deux hectares durant les dix dernières années en bénéficiera déjà par le jeu de la réduction à 50 % ; une commune qui n'aura pas artificialisé du tout se verra offrir un hectare.
À défaut, nous nous trouverions face à des situations compliquées. Qu'en sera-t-il, par exemple, d'une commune entourée de trois autres et qui voudrait implanter un groupe scolaire ? Ce problème se posera même si cette compensation est mise en place : dans le cadre d'un projet concernant plusieurs communes, par exemple une antenne du service départemental d'incendie et de secours (Sdis), quelle commune acceptera de céder son hectare pour équiper les cinq communes adjacentes, au détriment de tout autre projet communal ? Dans les enveloppes relevant des Scot, on pourrait imaginer de prévoir une part réservée aux projets supra-communaux, prélevée sur le quota régional, par exemple, afin d'éviter d'impacter une commune par rapport aux autres en matière d'équipements collectifs.
M. Jean-Marc Boyer. - Une antenne de Sdis serait un projet départemental.
Mme Valérie Létard, présidente de la mission conjointe de contrôle. - Actuellement, seule la mutualisation des projets régionaux est prévue ; or il faut maintenir une part pour ces projets, même départementaux, car il faut bien les imputer quelque part. Rappelons que l'échelon départemental ne dispose pas de document d'urbanisme.
M. Jean-Marc Boyer. Il serait inimaginable qu'un département impose la construction d'un collège sur le quota de la municipalité concernée !
Mme Valérie Létard, présidente de la mission conjointe de contrôle. - La solution que nous proposons dans notre texte est la mobilisation d'une part réservée de l'enveloppe régionale pour les projets supra-communaux, qui va donc de pair avec le droit à l'hectare.
Mme Valérie Létard, présidente de la mission conjointe de contrôle. - Madame Artigalas, en effet, il faut fixer des règles claires. Aujourd'hui, les services de l'État appliquent les règles en vigueur, que tout le monde sait inadaptées, mais qui ne peuvent être modifiées que par le truchement d'un portage législatif. Même en reportant d'un an la date limite de fin mars, nous devons nous dépêcher. Nous avons travaillé, il faut maintenant avancer vite.
En effet, les bureaux d'études coûtent cher, mais il revient d'abord au Gouvernement de nous dire comment il envisage le financement de ces mesures. Le Fonds vert ou le Fonds friches sont insuffisants pour cela et nous devons savoir ce que le Gouvernement met sur le tapis. Concernant l'ingénierie, la réflexion est en cours.
Mme Sophie Primas, présidente. - Il faudrait prévoir, dans le fameux Fonds vert, une partie dédiée à la politique de lutte contre l'artificialisation.
M. Serge Mérillou. - Qu'en est-il des bornes temporelles du ZAN ? Vous disiez que le compte à rebours avait commencé ?
Mme Valérie Létard, présidente de la mission conjointe de contrôle. - La comptabilisation de l'artificialisation a débuté depuis août 2021 pour la première période décennale, mais trop peu de gens le savent. L'artificialisation est prise en compte, à cette date, mais pas la renaturation, qui ne sera comptabilisée qu'à partir de 2031. Nous avons demandé qu'elle le soit dès à présent.
M. Serge Mérillou. - Il sera très difficile de tenir les objectifs de la première période décennale !
Mme Valérie Létard, présidente de la mission conjointe de contrôle. - Monsieur Gremillet, la monétisation suscite des interrogations, des réflexions sont en cours. Mais comment compenser : avec des fonds ? Avec des échanges de droits dans le temps ? Devrons-nous établir un prix fixe pour les droits, comme pour les quotas de carbone, ou laisser jouer le marché, au risque de donner lieu à de la spéculation ? Notre proposition de loi ne tranche pas ce débat mais permettra des reports de droits d'une décennie à l'autre, grâce à la notion d'efforts passés. Basculer vers un système monétisé reviendrait tout de même à offrir une prime à des collectivités territoriales disposant déjà de beaucoup de ressources. Le recyclage foncier coûte cher, ne risquons-nous pas de condamner les petites communes sans ressources à vendre leurs droits ?
Mme Sophie Primas, présidente. On pourrait alors disposer de droits financiers sur des terrains dont on n'est pas propriétaire, cela me paraît très difficile à imaginer !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - On a vu que pour le carbone, cela ne fonctionnait pas.
Mme Valérie Létard, présidente de la mission conjointe de contrôle. - Le sujet ne me semble pas du tout mûr et une telle mesure serait dangereuse en l'état.
Vous évoquiez les pistes cyclables ; actuellement, celles-ci représentent me semble-t-il 5 % de l'artificialisation totale en France. Leur traitement dépendra de la nomenclature des sols artificialisés qui sera retenue.
Monsieur Salmon, nous avons pris le parti de ne modifier ni l'objectif de diminution de 50 %, ni les dates importantes du processus. Les seules dérogations que nous prévoyons concernent les grands projets nationaux, pour environ 20 000 hectares sur les 150 000 hectares que contient l'enveloppe nationale au total (à raison de 50 % de ce qui a été consommé durant les dix dernières années). La seconde dérogation que nous demandons, et que le Gouvernement semble accepter, concerne le trait de côte. Le reste de nos propositions est élaboré à enveloppe constante : nous sommes donc bien respectueux de l'objectif. Nous avons seulement prévu des mécanismes destinés à jouer le rôle de garde-fou dans la répartition de l'enveloppe, avec une part réservée pour certains projets et une surface minimale. Reste à discuter du sort de ces 20 000 hectares de projets d'intérêt national : sont-ils intégrés dans les comptes régionaux via une forme de mutualisation nationale, ou en sont-ils exclus ? Nous pourrons en discuter dans le cadre de l'examen de la proposition de loi.
M. Franck Montaugé. - Si l'on sort ces projets des décomptes régionaux, ceux-ci ne seront donc pas compensés ?
Mme Valérie Létard, présidente de la mission conjointe de contrôle. - C'est toute la question !
Les projets régionaux correspondent à une enveloppe mutualisée, en lien avec la conférence des Scot. C'est prévu et nous avons ajusté les curseurs pour disposer d'outils permettant une meilleure répartition en l'état de la législation. La proposition de loi vise à éviter que quiconque soit lésé, en imposant la consultation des territoires impactés. En effet, la territorialisation aura pour conséquence que chacun ne recevra pas toujours la même part, une gouvernance partagée permettant des échanges est donc nécessaire. C'est pourquoi nous demandons le report de la date butoir de fin mars ; à défaut, la consultation serait impossible.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Dans quelle enveloppe l'installation d'une usine, par exemple d'une gigafactory, serait-elle comptabilisée ? Nationale, régionale ou locale ? Un des freins à l'installation industrielle en France réside dans le temps nécessaire à obtenir un feu vert pour les projets ; une solution envisagée est de réserver des opportunités foncières en vue de tels projets. Comment cette démarche pourrait-elle être appréhendée dans le cadre du ZAN ?
Mme Valérie Létard, présidente de la mission conjointe de contrôle. - Ce sera plus compliqué, puisque les droits à construire seront divisés par deux. Où seront comptabilisées les zones réservées pour les grands projets d'implantation industrielle ? Il convient de définir la liste des projets susceptibles d'être concernés. Le Gouvernement voudrait fixer une liste nominative de projets dans un décret en Conseil d'État. Nous préférerions définir le cadre, les critères de ce qui constituera un projet d'intérêt national. Le ministre considère, lui, que les gigafactories sont des projets privés et qu'ils ne doivent donc pas faire l'objet d'un traitement particulier.
M. Franck Montaugé. - Il s'agit pourtant de projets importants d'intérêt européen commun (Piiec), qui bénéficient d'aides publiques nationales et européennes !
Mme Valérie Létard, présidente de la mission conjointe de contrôle. - La réflexion du ministère peut encore cheminer...
La proposition de loi sénatoriale inscrit, elle, dans la loi la définition d'un projet d'ampleur nationale ou européenne et d'intérêt général majeur, qui permettrait d'y inclure les gigafactories. Il s'agirait de projets à maîtrise d'ouvrage directe ou déléguée de l'État ; d'implantation d'unités industrielles valorisant l'utilisation d'une ressource naturelle renouvelable concourant à la transition énergétique ou relevant de l'indépendance nationale ; d'agrandissement ou de création d'infrastructures ou d'équipements interrégionaux nationaux ou européens. Cette définition est perfectible et évoluera peut-être dans le cadre de la navette, mais nous avons pris le parti de fixer des critères par la loi, charge à la région ensuite d'inscrire dans le Sraddet les projets correspondants.
En matière de territorialisation des dispositions, il reviendra à la région de prendre en compte les spécificités des territoires.
Mme Florence Blatrix Contat. - Quid de la pénalisation des bons élèves ? La seule garantie sera donc la surface minimale d'un hectare ?
Mme Valérie Létard, présidente de la mission conjointe de contrôle. - Selon la loi Climat et résilience, les bons élèves, qui ont déjà réalisé 30 % d'efforts par rapport à la période précédente, ne sont pas concernés par les dispositions du texte durant la première période. Ce peut être le cas, par exemple, de certaines collectivités qui ont établi un Scot dans la foulée du Grenelle de l'environnement - dit « Scot grenellisé ». Celles-ci ont souvent déjà réalisé des efforts considérables.
M. Olivier Rietmann. - Le problème de la mutualisation est que les grands projets emportent des retombées considérables. La mutualisation est injuste en ce qu'elle revient à avantager encore plus ceux qui en bénéficient. À mon sens, il faut sortir ces 20 000 hectares de l'objectif global.
Mme Valérie Létard, présidente de la mission conjointe de contrôle. - Cette question divise. Il faut l'analyser à l'aune de l'effort considérable demandé aux territoires, c'est-à-dire la moitié de l'effort requis sur un tiers de la durée prévue !
Mme Anne-Catherine Loisier. - À cela s'ajoutent les 15 % de l'État qui nous concernent aussi !
M. Laurent Somon. - S'agissant des projets d'intérêt national, les recettes vont vers un territoire, alors que le foncier, qui représente la seule recette de beaucoup de collectivités, serait mutualisé. C'est une distorsion considérable.
Mme Sophie Primas, présidente. - C'est pourquoi nous devrons repenser la fiscalité des territoires dans le cadre de l'article 72, après avoir revu la hiérarchisation des politiques publiques.
Réunion du bureau de la commission des affaires économiques du 18 janvier 2023 - Communication
Mme Sophie Primas, présidente. - Plusieurs travaux de contrôle internes à la commission sont en cours ou vont être lancés très bientôt. Les présidents et rapporteurs de ces missions sont les suivants.
La mission d'information « comment lever les freins au développement de la location longue durée et rééquilibrer les droits des propriétaires et des locataires ? », sera présidée par Mme Dominique Estrosi Sassone, qui en sera aussi la corapporteure, avec Mme Florence Blatrix Contat.
La mission d'information sur l'intelligence économique a été créée à la demande de Mme Marie-Noëlle Lienemann, qui la présidera. M. Jean-Baptiste Lemoyne en sera le corapporteur.
La mission d'information flash sur l'avenir de la viande artificielle sera présidée par M. Olivier Rietmann, M. Henri Cabanel en sera le corapporteur.
Une mission d'information sur la fraude à l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (Arenh) sera lancée prochainement ; elle sera codirigée par M. Fabien Gay et Mme Dominique Estrosi Sassone.
Mme Anne Chain-Larché va conduire une mission de suivi de l'application de la loi visant à lutter contre la maltraitance animale et conforter le lien entre les animaux et les hommes, dont elle fut rapporteure à l'automne 2021.
Enfin, les pétitions n° 1012, relative à l'interdiction du déterrage des blaireaux, et n° 1227, visant à l'abolition de la chasse à courre, ont été renvoyées à notre commission, M. Pierre Cuypers a été désigné pour les instruire lors de la réunion de commission du 7 décembre dernier.
La réunion est close à 10 h 50