Mercredi 7 décembre 2022
- Présidence de M. Jean-François Rapin, président de la commission des affaires européennes, et de M. Pascal Allizard, vice-président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées -
La réunion est ouverte à 16 h 30.
Déplacement en Irlande et au Royaume-Uni d'une délégation du groupe de suivi du 16 au 18 octobre 2022 - Communication
M. Olivier Cadic. - Il y a quelques semaines, nous nous sommes rendus avec le président Rapin et notre collègue Didier Marie en Irlande puis au Royaume-Uni pour plusieurs rencontres et entretiens dans le cadre de notre groupe de suivi. Les échanges que nous avons eus avec différents interlocuteurs ont témoigné du fait qu'une grande incertitude demeure autour de la relation euro-britannique. Pour autant, cette relation continue de nous concerner directement et concentre de nombreux risques et opportunités qui justifient que nous y accordions une attention particulière.
Avant que le président Rapin n'évoque les échanges que nous avons eus avec les autorités publiques à Londres et que notre collègue Didier Marie n'aborde la question cruciale du protocole nord-irlandais, je voudrais revenir pour ma part sur la journée de travail qui a été organisée à Dublin le 17 octobre. La première impression qui ressort de nos échanges et de notre voyage est que l'Irlande est un pays à la fois profondément européen et particulièrement dynamique.
En effet, alors qu'au moment de son entrée dans l'Union européenne au début des années 1970, l'Irlande faisait partie des bénéficiaires des fonds structurels européen, elle est devenue l'un des pays les plus prospères d'Europe. Ce nouveau statut est un acquis des deux décennies qui ont suivi la chute du mur de Berlin. Il faut souligner ici qu'entre 1993 et 2006, la partie Sud de l'île d'Irlande a connu une croissance annuelle moyenne de 8% !
Par conséquent, l'Irlande figure aujourd'hui parmi les moteurs de croissance dans la zone euro et elle est devenue un pays contributeur net au budget de l'Union européenne. En concurrence directe avec les Pays-Bas et le Luxembourg pour attirer les sièges sociaux européens d'entreprises internationales, l'Irlande affiche un produit intérieur brut (PIB) par habitant qui est désormais le troisième plus élevé de l'Union avec plus de 70 000 euros par habitant, c'est-à-dire deux fois plus que le moyenne de l'Union européenne qui est de 28 000 euros.
Le second point sur lequel nous tenons à attirer votre attention est la transformation profonde et souterraine qui se produit actuellement au sein de la société irlandaise. Un enjeu d'identité se fait jour depuis le Brexit. Il a été exprimé par un des sénateurs que nous avons rencontrés : « Quand je suis au Portugal, on me voit comme un Irlandais, quand je suis à Belfast, on me voit comme un Britannique ! ». Les Unionistes, pourtant attachés à la couronne britannique, se voient eux désormais comme des nord-irlandais. Comme vous le savez, l'Irlande a été pendant de longues années meurtrie et endeuillée par les affrontements entre la communauté à majorité catholique qui a fondé l'État irlandais au Sud de l'île et la communauté à majorité protestante de l'Irlande du Nord et de sa capitale, Belfast.
Or le recensement de la population nord-irlandaise en 2022 a mis au jour un basculement de la majorité confessionnelle de l'Irlande du Nord vers le catholicisme, qui devance légèrement le protestantisme avec 46% de la population contre 44%.
Sur le plan électoral, on assiste à une montée en puissance progressive mais constante des partis favorables à la réunification de l'île. Au Sud de l'île, le Sinn Féin a été le parti à recueillir le plus de voix lors des élections législatives de 2020 avec 24,5% des voix, bien que la coalition au pouvoir fasse actuellement obstacle à sa participation à l'exécutif. Au Nord de l'île, le scrutin de mai dernier a lui aussi produit un résultat historique avec l'arrivée en tête du Sinn Féin avec 29% des voix.
Si la formation d'un pouvoir exécutif local en Irlande du Nord est aujourd'hui bloquée par les antagonismes politiques sur lesquels le président Rapin reviendra, cette convergence entre les deux parties de l'île en faveur du Sinn Féin est un fait politique majeur. Car en effet, la victoire électorale possible du Sinn Féin dans les deux parties de l'Irlande ouvre une perspective historique : celle de la réunification politique de l'Irlande.
Conscients que seul le Sinn Féin porte une vision et un projet pour rassembler les Irlandais, les représentants des partis traditionnels ont brisé un tabou et exprimé ouvertement leur position sur cette question. La réunification de l'Irlande est une question complexe qui ne saurait se réduire à une simple option binaire, comme l'ont souligné les acteurs politiques et les membres de la société civile que nous avons rencontrés. La réunification sera quoiqu'il advienne un processus politique long et délicat. Plusieurs des personnes que nous avons rencontrées ont d'ailleurs dressé un parallèle avec la question du Brexit pour souligner le fait qu'il y avait plusieurs manières de réunifier l'Irlande - confédération, fédération, fusion... - tout comme il y avait plusieurs manières de quitter l'Union européenne.
Un an avant, personne n'avait anticipé la chute du mur de Berlin ou celle de l'Union soviétique. Il faut donc dès à présent nous interroger sur la forme que pourrait prendre la réunification. Si elle a lieu un jour, cela réglerait toutes les difficultés liées à l'application du protocole nord-irlandais. Mais il faut garder à l'esprit que, quelle que soit la formule politique adoptée, elle devra tenir compte du million de personnes de la communauté d'Irlande du Nord qui se sentent toujours attachées à la couronne britannique.
M. Jean-François Rapin, président. - J'aimerais revenir désormais sur l'instabilité de la situation intérieure britannique et ses conséquences sur l'application du Brexit. En effet, les nombreuses réunions auxquelles nous avons participé lors de notre déplacement à Londres le 18 octobre ont confirmé notre appréhension quant au caractère durable de l'instabilité politique du pouvoir central en Grande Bretagne.
À cet égard, notre déplacement est intervenu dans un moment particulier. En effet, le 14 octobre, quatre jours avant notre départ, le gouvernement de Liz Truss avait été profondément ébranlé par la démission de son Chancelier de l'Échiquier, c'est-à-dire de son ministre des finances. Cette démission était intervenue quelques jours après la déstabilisation de Londres sur les marchés financiers à la suite d'un projet de « mini-budget » qui aurait drastiquement réduit les recettes fiscales du Royaume-Uni tout en augmentant ses dépenses. Notre visite s'est donc déroulée dans une atmosphère particulière, marquée par l'extrême fragilisation de la cheffe du gouvernement, qui a finalement annoncé sa démission le 20 octobre, deux jours après notre déplacement.
Cependant, et bien que nos interlocuteurs aient gardé la réserve qui s'impose en de telles circonstances, les échanges que nous avons eus au sujet de l'avenir immédiat du pouvoir exécutif et du parti conservateur britannique nous ont permis de mesurer le caractère durable de l'instabilité de la situation politique intérieure en Grande Bretagne. Cette instabilité a des conséquences directes sur la nouvelle relation euro-britannique. En effet, le sujet de la mise en oeuvre du Brexit et des relations entre le Royaume-Uni et l'Union européenne est un sujet « hautement inflammable » dans le débat public outre-manche.
Par voie de conséquence, l'état de nos relations avec le gouvernement britannique est soumis aux soubresauts de la vie politique britannique. Les parlementaires britanniques que nous avons rencontrés à Westminster ont confirmé, souvent pour le regretter, ce risque d'instrumentalisation politique de la relation euro-britannique. C'est notamment le cas de mon homologue Lord Kinnoull, qui nous a reçus à la Chambre des Lords et qui a réaffirmé la disponibilité des parlementaires britanniques pour approfondir notre coopération interparlementaire. Ces échanges ont en effet permis de mettre en lumière une position modérée et nuancée de nos collègues de la Chambre des Lords, très éloignée des prises de positions parfois outrancières adoptées par le gouvernement de Liz Truss ou la chambre des Communes.
Postérieurement à notre retour, et après que Liz Truss a été remplacée au 10 Downing Street par le nouveau premier ministre Rishi Sunak, un nouvel épisode de tensions internes au parti conservateur est venu confirmer cet état de fait. En effet, au milieu du mois de novembre, le premier ministre britannique a réaffirmé publiquement sa volonté de ne pas construire une relation économique avec l'Union européenne fondée sur le respect des règles du marché intérieur. Cette prise de position avait pour but de démentir l'hypothèse rapportée par la presse britannique selon laquelle le gouvernement préparerait un rapprochement économique avec l'Union européenne sur le modèle de la Suisse.
Pour conclure sur la situation politique en Grande Bretagne et son influence sur la relation euro-britannique, j'aimerais évoquer d'un mot la situation de blocage actuelle au sein de l'assemblée locale située en Irlande du Nord. Comme l'a évoqué Olivier Cadic tout à l'heure, des élections locales ont été organisées en Irlande du Nord en mai 2022. Pour la première fois, le Sinn Féin a été le parti à recueillir le plus de voix avec 29 % des suffrages exprimés, devant le parti unioniste du Democratic Unionist Party (DUP) qui a recueilli 21 % des voix. Or, depuis mai dernier, l'Irlande du Nord connaît une situation de blocage institutionnel lié au fait que le DUP refuse de participer au gouvernement comme le prévoient les accords du Vendredi Saint de 1998.
Notre déplacement se situait pendant la période de négociations ouverte à la suite de l'élection de mai 2022. Bien que la date du 28 octobre ait été présentée comme un butoir au-delà duquel les autorités britanniques auraient la possibilité de convoquer de nouvelles élections, la pression exercée par le pouvoir central de Londres n'aura pas suffi à débloquer la situation politique avant cette échéance. Cette date a en effet été dépassée sans que les élus du DUP ne renoncent à leur exigence d'abrogation du protocole nord-irlandais ni que de nouvelles élections soient immédiatement convoquées.
Alors que nos interlocuteurs nous ont fait part du sentiment d'impatience qui existe dans une partie de la population nord-irlandaise qui subit elle aussi une forme d'instrumentalisation politique, le gouvernement britannique a finalement fait le choix de prolonger la période de négociations. En effet, le ministre chargé de l'Irlande du Nord a annoncé le 9 novembre le dépôt d'un projet de loi prorogeant la période de négociations en vue de la formation d'un exécutif en Irlande du Nord. Ce nouveau délai reporte la tenue de nouvelles élections au mois de mars ou d'avril prochain, c'est-à-dire près d'un an après les dernières élections.
Ce blocage persistant des institutions politiques locales en Irlande du Nord est un autre aspect de l'instabilité de la situation politique actuelle. Face aux risques d'instrumentalisation ou de récupération politique, la normalisation de la relation euro-britannique et de la situation en Irlande du Nord se trouve subordonnée à la stabilisation de la situation politique intérieure en Grande Bretagne. Il est dès lors essentiel que nous suivions de près l'évolution du positionnement du pouvoir exécutif britannique. À cet égard, les perspectives de reprise des négociations bilatérales dont nous a fait part le vice-président de la Commission européenne M. efèoviè, dans le cadre de la COSAC sont encourageantes. Leur concrétisation sera quoiqu'il advienne un processus de longue haleine sur lequel nous devrons rester vigilants.
M. Didier Marie. - Pour conclure ce compte-rendu de notre déplacement à Dublin et à Londres, j'aimerais ajouter des précisions sur trois sujets évoqués par mes deux collègues.
En premier lieu, j'aimerais mettre en lumière la qualité des relations bilatérales entre la France et l'Irlande qui a été soulignée par plusieurs de nos partenaires sur place. Au-delà du semestre de présidence française du Conseil de l'Union (PFUE), qui a constitué une nouvelle occasion de mettre en lumière l'engagement européen de la France auquel un pays comme l'Irlande est sensible, il existe des convergences dans de nombreux domaines entre nos deux pays. Comme le soulignent les diplomates français en poste en Irlande, la France est désormais « le voisin européen le plus proche » de l'Irlande, ce qui suscite de nombreuses opportunités pour le renforcement des coopérations entre nos deux pays. Il est à souligner que le rapprochement entre nos deux pays est déjà effectif et qu'il a été accéléré par le Brexit qui a fait passer le nombre de liaisons maritimes directes par semaine de 12 à près de 50 avec un impact économique majeur.
Une des illustrations les plus flagrantes de ce rapprochement est la signature en août 2021 d'un plan d'action conjointe France-Irlande qui couvre la période 2021-2025 et qui concerne des sujets de coopération très vastes dont des questions d'éducation, de politique extérieure ou encore d'échanges commerciaux. C'est dans ce contexte que quelques semaines après notre déplacement, la France et l'Irlande ont signé le 25 novembre un accord prévoyant la construction de «l'interconnecteur celtique » qui reliera la région de Cork à celle de Brest à partir de 2027, pour un investissement total estimé à 1,4 milliard d'euros.
Ensuite, concernant la situation politique, la montée du Sinn Féin en république d'Irlande et dans la province d'Irlande du Nord est en effet un enjeu majeur. Dans chacun de ces territoires, le Sinn Féin n'est pas en capacité de gouverner seul et doit former des alliances. En république d'Irlande, les partis aux responsabilités ont refusé de s'associer au Sinn Féin et en Irlande du Nord, le parti reste à la porte du pouvoir, le DUP refusant de participer et de mettre en oeuvre les accords du Vendredi Saint. Nous avons pu noter, notamment lors de notre rencontre avec une représentante du Sinn Féin, une forme de recentrage du parti sur les questions européennes et une volonté d'accord avec l'un des partis centristes au gouvernement dans la perspective des nouvelles échéances électorales.
En troisième lieu, j'aimerais évoquer le protocole nord-irlandais. Il s'agit de l'un des sujets d'attention les plus sensibles dans le cadre des négociations actuelles entre le Royaume-Uni et l'Union européenne. Lors de notre déplacement, aussi bien à Dublin qu'à Londres, nous avons eu l'occasion d'évoquer cette question avec plusieurs interlocuteurs directement concernés. Nous avons notamment pu interroger à ce sujet des chercheurs spécialisés en droit européen, des responsables administratifs des douanes irlandaises, des diplomates des ministères des affaires étrangères de Dublin et de Londres et enfin une représentante de la délégation de l'Union européenne auprès du Royaume-Uni.
Pour l'essentiel, le message principal de nos interlocuteurs est le suivant : la question du protocole nord-irlandais n'est pas une question technique. Il s'agit d'une question politique. En effet, comme vous le savez, l'Union européenne a engagé depuis l'été 2021 une négociation avec les pouvoirs publics britanniques dont l'objectif est de proposer des aménagements pragmatiques dans l'application du protocole. Pour démontrer le sérieux de sa volonté de conciliation, la Commission a présenté le 13 octobre 2021 une proposition circonstanciée ayant pour objectif de réduire de 80% les formalités et contrôles à accomplir pour une large gamme de produits transitant de la Grande Bretagne vers l'Irlande du Nord.
Malgré ces propositions de conciliation, le climat de confiance dans les négociations a été altéré par la décision prise le 13 juin 2022 par Boris Johnson et par sa ministre des affaires étrangères de l'époque, Liz Truss, de déposer un projet de loi prévoyant la désactivation unilatérale de certaines stipulations du protocole, qui fait pourtant partie intégrante d'une convention internationale signée et ratifiée par le Royaume-Uni.
Nous avons eu l'occasion d'évoquer à plusieurs reprises ce projet de loi avec nos interlocuteurs britanniques, et en particulier avec les membres de la commission des affaires étrangères et de la défense et de la commission des affaires européennes de la Chambre des Lords. Ces parlementaires ont confirmé le fait que ce texte devait être appréhendé comme un des éléments de la négociation en cours et qu'il leur semblait improbable que cette loi soit adoptée et appliquée un jour. Ce qui nous ramène à la nature éminemment politique de l'application du protocole nord-irlandais. Par la suite, il nous appartient d'être particulièrement attentifs à la reprise actuelle des négociations entre le nouveau cabinet britannique dirigé par Rishi Sunak et la Commission européenne. Cette relance des négociations nous a par ailleurs été effectivement confirmée par le vice-président efèoviè lors de la dernière réunion organisée dans le cadre de la COSAC. Nous relevons à ce titre que lors de sa récente visite en Irlande, la présidente Von der Leyen a estimé que les premiers échanges avec le gouvernement Sunak étaient encourageants.
Au regard des nombreuses réunions et rencontres que nous avons faites pendant ces deux jours de déplacement, il nous apparaît que cette amélioration du climat de négociation est un facteur déterminant. Plus que jamais, l'avenir de la relation euro-britannique dépend de la volonté politique de chacune des parties de s'engager de bonne foi dans la construction d'une relation de confiance. Sous le bénéfice de ces observations, nous sommes convaincus que la reprise de la coopération euro-britannique sera, à terme, mutuellement bénéfique.
M. Jean-François Rapin, président. - Merci pour ces éclairages, qui contribuent à dresser un tour d'horizon complet de la situation à la suite de notre déplacement en Irlande et au Royaume-Uni. Nous suivons la situation de près.
M. Didier Marie. - J'ai été marqué par l'émergence d'un élément politique nouveau sur la scène irlandaise, à savoir le recentrage progressif du Sinn Féin qui aujourd'hui a compris qu'il pouvait gouverner, à condition de toutefois de tenir un discours plus acceptable. C'est une nouvelle donne importante pour la suite des évènements. Nous n'en sommes pas encore au stade d'une réunification, mais il y a là un nouveau paradigme qui pourrait faire changer les choses.
M. Jean-François Rapin, président. - L'ambassade avait également organisé un rendez-vous avec une porte-parole du Sinn Féin qui est une ancienne membre de l'armée républicaine irlandaise (IRA) ayant fait à ce titre plusieurs années de prison. Nous l'avons vue en toute sécurité et avons rencontré quelqu'un d'assez posé, à l'apparence peu révolutionnaire. Elle nous a cependant fait passer des messages forts, et l'on a bien compris, dans ces échanges, que le Sinn Féin se sentait prêt à gouverner.
M. Olivier Cadic. - C'est la première fois au parlement irlandais que le Sinn Féin échange ouvertement avec d'autres partis. Mais il est en difficulté, s'agissant notamment de l'avenir qu'il propose aux jeunes, alors que les conséquences du Brexit se font sentir. Au Royaume-Uni, une pétition a été déposée pour réclamer une enquête publique sur l'impact du Brexit. Elle a déjà atteint plus de 86 000 signatures. Le gouvernement a été obligé d'y répondre, puisqu'elle dépassait 50 000 signatures mais il a rejeté la nécessité d'une enquête publique en assurant que les relations entre le Royaume-Uni et l'Union Européenne fonctionnaient comme prévu dans le cadre du Brexit. Si la pétition dépasse les 100 000 signatures, le gouvernement sera obligé d'organiser un débat parlementaire sur la question.
Le sentiment actuel au Royaume-Uni est que les choses ne fonctionnent pas comme elles le devraient, et le pays fait face à des pénuries sans précédent et à des grèves inédites. La pression ne fait qu'augmenter et il sera intéressant de voir si le gouvernement arrive au bout des deux ans restants de son mandat. En l'état, il ne sera pas si facile de tenir cette majorité composite chez les conservateurs.
M. Claude Kern - Je vous remercie pour cet éclairage très instructif. L'évolution de la situation en Irlande nécessitera un suivi attentif compte tenu des risques qu'elle recèle.
Mme Gisèle Jourda - Je vous remercie pour vos interventions. Je souhaiterais connaître votre analyse de l'état des relations entre communautés unionistes et loyalistes en Irlande du Nord. J'ai en mémoire le déplacement que j'ai effectué sur place. Les fractures restaient perceptibles. Est-ce que la situation en Irlande du Nord s'est durcie entre les deux communautés ? Compte tenu de la mise en place du Brexit, je voulais savoir s'il y avait une radicalisation des comportements et un durcissement de la vie quotidienne des citoyens.
M. Jean-François Rapin, président. - Je ne sais pas si les tensions se sont durcies, et l'état des relations entre les deux communautés n'était pas l'objet spécifique de notre déplacement. Il y a néanmoins un geste fort qui est celui d'un parti qui ne veut pas siéger dans une alliance gouvernementale et qui est à l'origine d'un blocage institutionnel. Cela en dit long sur l'état des relations entre les deux communautés, ce qui est préjudiciable pour le pays.
Concernant la situation à Belfast, nous ne nous y sommes pas rendus pour constater l'évolution de la situation. Néanmoins, je pense qu'il y a deux niveaux de relation à appréhender. D'abord, la relation des irlandais avec l'Union européenne, très différente si l'on se place du point de vue de la république d'Irlande ou de celui de l'Irlande du Nord qui considère l'UE à travers le prisme du Royaume-Uni. Ensuite, il y a la relation entre l'Irlande du Nord et la république d'Irlande. Sur ce point, on ressent que les irlandais ne souhaitent pas revivre une partition autour de la frontière, quelles que soient leurs opinions. Ils ne souhaitent pas revenir à la situation d'avant les accords du Vendredi Saint et la disparition des miradors. Lors d'un précédent déplacement aux côtés du président du Sénat Gérard Larcher, nous avions pu nous rendre dans un ancien poste frontière qui rappelait les miradors, les voitures incendiées et les morts engendrées par ce conflit. On sent que les Irlandais n'ont pas envie de revivre cela.
M. Didier Marie. - Les blocages politiques ont en effet contribué à raviver les tensions et laissent poindre une crainte que l'accord de Belfast ne soit remis en cause. En réalité, les tensions entre les deux communautés n'ont jamais vraiment faibli et il suffirait de peu pour qu'elles redémarrent. La situation actuelle mêlant un blocage politique et de fortes tensions sur les accords commerciaux contribue sensiblement à une dégénérescence de ces relations.
M. Olivier Cadic. - La blessure qu'a infligée le Brexit en Irlande est terrible. Il ne faut pas oublier que l'Irlande du Nord s'était exprimée massivement (à 60 %) contre la sortie du Royaume Uni de l'Union Européenne. L'Irlande se retrouve désormais divisée, avec une Irlande du Nord qui doit faire face aux conséquences d'une décision qu'elle ne souhaitait pas. De ce point de vue, la victoire du Sinn Féin témoigne d'un important compte à régler. Il reste désormais à voir ce qu'il adviendra de la crise politique actuelle, mais il y a fort à parier que le nombre leur donnera la force. La situation est d'autant plus compliquée que les autres partis ont peur de revenir à la période du conflit.
M. Jean-François Rapin, président. - Merci à tous pour vos contributions et nos échanges, qui reflètent les riches enseignements de notre déplacement en Irlande et au Royaume-Uni.
La réunion est close à 17h10.