- Mardi 25 octobre 2022
- Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 - Audition de M. Gabriel Attal, ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics
- Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale portant mesures d'urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi - Examen des amendements au texte de la commission
- Mercredi 26 octobre 2022
- Projet de loi de programmation des finances publiques - Examen du rapport pour avis
- Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, portant mesures d'urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi - Désignation des membres de la commission mixte paritaire
- Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 - Audition de MM. Éric Blachon, président, et Renaud Villard, directeur général, de la Caisse nationale d'assurance vieillesse (Cnav)
- Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 - Audition de Mme Anne Thiebeauld, directrice des risques professionnels de la Caisse nationale de l'assurance maladie (Cnam)
- Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 - Audition de M. Jean-René Lecerf, président, et Mme Virginie Magnant, directrice, de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA)
Mardi 25 octobre 2022
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 - Audition de M. Gabriel Attal, ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics
Mme Catherine Deroche, présidente. - Nous entendons ce matin M. Gabriel Attal, ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics, sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2023.
Cette audition fait l'objet d'une captation vidéo, qui sera retransmise en direct sur le site du Sénat et disponible en vidéo à la demande.
Elle sera aussi l'occasion d'évoquer le projet de loi de programmation des finances publiques que nous examinerons pour avis demain matin en commission, même si nous peinons quelque peu, pour le moment, à percevoir la cohérence des deux textes dans le grand dessein du Gouvernement pour les finances publiques.
Monsieur le ministre, l'un de vos prédécesseurs récents ne faisait pas mystère de son souhait de voir disparaître le PLFSS, au profit d'un seul et même texte budgétaire, arguant qu'il s'agissait, je cite, de la « même poche ». C'est bien sûr une position que nous ne pouvons pas partager, mais, s'il est un point sur lequel nous souhaitons ardemment un alignement, c'est celui de la qualité et du format des informations transmises.
Cette année encore, vos services ont consacré beaucoup d'énergie à la préparation du rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale, dont la réunion s'est tenue après la présentation du PLFSS sans pour autant en intégrer les données. Dans le même temps, alors que nous examinerons le PLFSS en commission la semaine prochaine, votre ministère n'a pu tirer les conséquences de l'article L.O. 111-4-5 du code de la sécurité sociale, issu de la loi organique du 14 mars dernier, selon lequel « les données chiffrées utilisées pour les tableaux et graphiques contenus [...] sont publiées sous forme électronique, dans un standard ouvert aisément réutilisable et exploitable par un système de traitement automatisé. » Ces données sont pourtant présentes dans le rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances. Avant que les deux textes soient unifiés, nous appelons, vous l'aurez compris, au rapprochement des méthodes, le PLFSS ne pouvant rester plus longtemps le lieu de l'approximation et de la convention.
Après ces quelques propos liminaires, je vous laisse la parole, monsieur le ministre.
M. Gabriel Attal, ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics. - Je suis très heureux d'être parmi vous, mesdames, messieurs les sénateurs, pour cette audition sur le PLFSS pour 2023.
Je le dis d'emblée, je suis attaché au PLFSS. Certes, il y a un seul contribuable, mais il est très important, pour la clarté des débats, de consacrer un texte spécifique à l'ambition que nous avons pour notre système de santé et notre secteur médico-social, et aux moyens que nous leur accordons.
Je vous présente des excuses si l'ensemble des données, dans la forme prévue par la nouvelle loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale, ne vous sont pas parvenues dans les temps. Nous inaugurons une nouvelle façon de faire, ce qui a engendré un travail important pour les services des différents ministères.
Nous sommes réunis ce matin pour aborder des enjeux majeurs, visant à répondre à l'aspiration des Français de voir préserver leur système social. Notre défi est de rendre ce système plus accessible, plus efficace et plus juste.
En matière d'accessibilité, il faut d'abord améliorer l'accès aux soins. Depuis 2017, nous avons investi 53 milliards d'euros supplémentaires dans notre système de santé, l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) atteignant 244 milliards d'euros en 2023. Nous avons mis fin aux baisses de tarifs hospitaliers, déployé le 100 % Santé, supprimé le numerus clausus, soutenu le secteur de l'aide à domicile et des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad). Cet effort sera poursuivi.
L'Ondam progressera de 3,7 % en 2023 et l'Ondam hospitalier de 4,1 %. C'est nettement plus que lors de la décennie 2010. Nous avons précisément tenu compte des besoins exprimés par les fédérations hospitalières et ouvert une enveloppe exceptionnelle de 800 millions d'euros en 2022 et 800 millions d'euros en 2023 pour couvrir les effets de l'inflation sur les achats hospitaliers.
Il faut aussi oeuvrer à une meilleure prise en charge de nos aînés en situation de dépendance. L'Ondam médico-social s'accroît de 5,1 % en 2023. Nous finançons le plein effet des augmentations de salaire, de la médicalisation des Ehpad, de l'embauche de milliers de soignants supplémentaires et de l'investissement renforcé dans les services à domicile. Il faudra poursuivre cet effort. Faut-il une loi spécifique au grand âge ? J'entends les débats autour de cette question. Je rappelle que l'ensemble des augmentations salariales décidées depuis la crise sanitaire représentent un effort de 3,2 milliards d'euros par an pour la cinquième branche, créée en 2021.
Nous agissons enfin pour faciliter l'accès aux modes de garde. Nous posons, avec ce PLFSS, la première pierre d'un véritable service de la petite enfance, conformément aux engagements du Président de la République. Cela passe, notamment, par la réduction drastique du reste à charge des familles pour le recours aux assistants maternels.
Tous ces progrès ne sont possibles que si nous continuons à donner la priorité au travail et à la production. Les cotisations, qui demeurent le socle du financement de notre sécurité sociale, vont progresser de 391 milliards d'euros en 2022 à 407 milliards d'euros en 2023. Nous le devons d'abord aux créations d'emplois : avec les 310 000 nouveaux emplois prévus pour 2022, notre pays devrait avoir créé, sur la période 2020-2023, malgré le retour de l'inflation et la crise, 1,2 million d'emplois.
En matière d'efficacité, parce que les besoins sont immenses, nous ne devons pas ménager nos efforts. Construire un budget, c'est faire des choix politiques. Nous assumons donc de demander des efforts à certains secteurs.
Nous assumons de demander des efforts aux laboratoires de biologie. Ce secteur a joué un rôle essentiel dans la lutte contre l'épidémie de covid. Mais il a aussi enregistré un chiffre d'affaires de 7,3 milliards d'euros au titre des tests en 2020 et 2021, alors même qu'il connaissait déjà une rentabilité élevée avant la crise. Le PLFSS prévoit donc, à l'article 27, que la Caisse nationale de l'assurance maladie (Cnam) négocie avec lui une baisse de prix pour, au moins, 250 millions d'euros dès 2023. En 2013, un rapport d'information du Sénat soulignait déjà que les efforts d'efficience du secteur et de régulation de la dépense étaient insuffisants.
Nous assumons de demander des efforts au secteur de l'imagerie médicale, en visant une limitation des examens redondants, inappropriés ou inutiles. Là aussi, le Sénat avait souligné, dans un rapport de 2016, la nécessité de travailler avec la Haute Autorité de santé sur la pertinence des actes à conduire. Nous demandons à ce secteur de négocier un nouveau protocole avec la Cnam pour juguler la dépense de 150 millions d'euros en 2023.
Nous assumons de demander des efforts à l'industrie du médicament, à travers la pertinence des prescriptions et la baisse des prix sur les médicaments les plus anciens pour, dans le même temps, mieux récompenser l'innovation. Cette baisse des prix représentera 800 millions d'euros en 2023. Des amendements adoptés à l'Assemblée nationale sont, je crois, de nature à rassurer sur ce sujet.
Nous assumons de demander des efforts aux organismes complémentaires, dont la part dans le financement des dépenses de santé baisse tendanciellement - il est passé de 15,5 % voilà dix ans à 12,9 % en 2021. Des concertations ont été ouvertes sur cette question.
Ces efforts sont indispensables pour dégager des marges de manoeuvre budgétaires et investir prioritairement dans l'hôpital et le secteur médico-social, mais aussi pour garantir la soutenabilité et la résilience de nos comptes sociaux alors que s'ouvre une période de remontée des taux d'intérêt.
En matière de justice, nous présentons des mesures pour les familles monoparentales, plus souvent frappées par la pauvreté.
Mais la recherche d'un système plus juste passe aussi par le fait d'adresser un message de fermeté à tous les fraudeurs aux cotisations ou aux prestations. Ainsi, l'article 41 du PLFSS porte sur des pouvoirs de cyberenquête confiés à plus de 400 contrôleurs des caisses de sécurité sociale et l'article 42 sur l'extension des facultés de déconventionnement à tous les professionnels de santé en cas de fraude majeure. Par ailleurs, les échanges d'informations seront renforcés, en particulier entre les greffiers des tribunaux de commerce et les caisses de sécurité sociale. Les fraudeurs paieront désormais des frais de gestion. Nous interdirons, pour les prestations sociales soumises à condition de résidence sur le territoire, hors pensions, le versement sur des comptes bancaires situés hors de France ou de la zone Sepa (espace unique de paiement en euros) - une proposition portée, notamment, par la sénatrice Nathalie Goulet. Enfin, nous ferons reculer les abus liés aux arrêts maladie prescrits en téléconsultation, en ne prenant en charge que ceux qui auront été prescrits par le médecin traitant ou un médecin déjà consulté au cours des douze derniers mois.
J'en viens à un sujet sur lequel le Sénat a également produit un rapport - voyez comme nous sommes attentifs aux propositions que vous portez ! La troisième partie du PLFSS, sur laquelle le Gouvernement a engagé sa responsabilité à l'Assemblée nationale, retient un amendement relatif au transfert du recouvrement des cotisations de retraite complémentaire. Cette proposition répond précisément à la recommandation du rapport rédigé par M. René-Paul Savary et Mme Cathy Apourceau-Poly au nom de la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (Mecss) et de votre commission : nous reportons le transfert à 2024 et clarifions les responsabilités entre l'Agirc-Arrco et les Urssaf.
Dans le cadre de cet amendement, nous demandons également à l'Agirc-Arrco et aux Urssaf de conclure rapidement une convention inscrivant noir sur blanc le partage de responsabilités. Les Urssaf, soyons clairs, ont vocation à assurer le recouvrement, pas à verser les retraites ; l'Agirc-Arrco conservera un rôle primordial en termes de fiabilisation des données individuelles des salariés.
Je rappelle que ce transfert s'inscrit dans un projet plus large du Gouvernement visant, dans un but de simplification, à confier le recouvrement social, de manière unifiée, aux Urssaf et le recouvrement fiscal à la direction générale des finances publiques (DGFiP). Si nous parvenons à améliorer ne serait-ce que d'un demi-point le taux de recouvrement, ce seront des centaines de millions d'euros supplémentaires qui seront collectés !
Nous allons dans les jours à venir débattre de ce PLFSS et l'enrichir. Indépendamment de vos opinions, couleurs politiques, territoires d'origine, vous avez un rôle à jouer dans la refondation de notre système social, que nous voulons tous plus simple, plus efficace et plus juste. Ensemble, faisons de ce PLFSS un texte utile aux Français dans une période de grande bascule, une « brique » dans la construction d'un pays plus uni et plus solidaire.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - Nous sommes heureux de constater à quel point vous vous êtes inspiré des travaux du Sénat, monsieur le ministre... Je débuterai néanmoins mon propos par quelques reproches, dans la même veine que ceux de Mme la présidente : les réponses aux questions que j'avais posées m'ont été communiquées seulement hier et elles sont souvent partielles, voire elliptiques. C'est gênant !
Il en va de même pour la mise à disposition, prévue par la loi organique, du format exploitable des données chiffrées ayant servi à l'élaboration des annexes du PLFSS. J'espère que, dès l'année prochaine, on répondra plus rapidement à nos besoins utiles. Il nous faut des données fiables pour pouvoir examiner les comptes !
Première observation, le PLFSS pour 2023 est tout à fait séduisant, mais assez paradoxal. Ainsi, la très nette amélioration du déficit pour 2023 - il est estimé à 6,8 milliards d'euros - est suivie d'une dégradation, puis d'un plateau autour de 12 milliards d'euros au cours des années suivantes.
Deuxième observation, comme le Haut Conseil des finances publiques, je juge les prévisions optimistes, à commencer par le budget consacré à l'épidémie de covid-19 : 1 milliard d'euros, c'est peu par rapport aux années précédentes ! Ce constat vaut pour l'évolution des recettes comme pour celle des dépenses, à l'image de la courbe pluriannuelle fixée pour l'Ondam dans un contexte inflationniste. Je suis de nature optimiste, mais il me semble, là, que l'on manque d'une certaine prudence.
Le Sénat et sa commission des affaires sociales souhaiteront se donner les moyens de tenir les objectifs financiers affichés et de contrôler qu'il n'y ait pas de dérive des comptes sans retour devant le Parlement.
Pour l'heure, je vous soumets quelques questions simples.
Premièrement, pouvez-vous préciser l'impact financier, en recettes et en dépenses, d'une éventuelle réforme des retraites pour la période couverte par le projet de loi de programmation ?
Deuxièmement, pouvez-vous faire un point sur les transferts à la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades) qui doivent encore être effectués au titre de la loi de 2020 ? Le montant de 92 milliards d'euros devrait effectivement être atteint au vu des déficits attendus.
Troisièmement, pouvez-vous nous indiquer si un rejet du projet de loi de programmation des finances publiques serait susceptible de remettre en cause le financement par l'Union européenne de 6 milliards d'euros pour les investissements du quotidien ?
Quatrièmement - c'est une question récurrente au Sénat, car nous ne trouvons pas ce transfert judicieux -, comment justifiez-vous le transfert pérenne d'une partie des indemnités journalières du congé de maternité de la branche maladie à la branche famille ?
Cinquièmement, quel objectif visez-vous avec la réforme de la fiscalité du tabac ? Est-ce uniquement un objectif de rendement ? On voit très bien, dans d'autres pays, qu'un accroissement en proportion suffisante de cette fiscalité entraîne une réduction de la consommation. À cet égard, permettez-moi une observation personnelle : même si ce n'est pas politiquement correct au sein de notre assemblée, je suis gênée que l'on prenne des dispositions sur le tabac, et pas sur l'alcool.
M. Philippe Mouiller, rapporteur pour la branche autonomie et en remplacement de Mme Corinne Imbert, rapporteure pour la branche assurance maladie. - Je vous soumets tout d'abord trois questions au nom de ma collègue Corinne Imbert, rapporteure pour la branche assurance maladie.
Le PLFSS présente une trajectoire de redressement rapide des comptes, alors que, voilà un an à peine, le directeur de la Cnam estimait que dix ans de déficits importants s'annonçaient pour la branche. Faut-il voir dans ce solde amélioré des recettes cachées ou des efforts en dépenses dissimulés ?
Le taux d'évolution de l'Ondam à l'horizon de 2025 et 2027 peut paraître favorable : il est respectivement de 2,7 % et 2,6 %, alors que la cible avant la crise s'établissait à 2,3 %. Cette tendance, qui représente une augmentation des dépenses de 5 milliards d'euros par an, ne paraît pas tenable, au regard des incertitudes liées à la crise du covid-19 ou à l'inflation, des besoins de santé du pays et de la nécessaire rénovation d'un système de soins au bord de la rupture. Quelles économies sous-tendent cette trajectoire très ambitieuse ?
Le projet de loi de programmation des finances publiques prévoit une mise en réserve d'au moins 0,3 % des crédits de l'Ondam. Or l'Ondam de ville n'est jamais régulé ; c'est systématiquement l'Ondam hospitalier qui est sollicité. Cette mise en réserve a-t-elle un sens dans le contexte actuel ? Si oui, comment faire en sorte que l'hôpital ne supporte pas seul cet effort en termes de maîtrise de la dépense ?
J'ajoute deux questions concernant la branche autonomie, dont je suis le rapporteur.
Selon l'annexe B du PLFSS, cette branche devrait retrouver une situation excédentaire en 2024. En parallèle, des objectifs ambitieux sont fixés, tels que la création de 50 000 postes et le financement du temps dédié au lien social. Dans un tel contexte, que reste-t-il pour faire évoluer la prise en charge des personnes âgées ? Quid des personnes handicapées, parents pauvres de ce PLFSS ?
Enfin, la question du grand âge ne peut être présentée uniquement sous l'angle du financement. S'il doit y avoir une loi sur le grand âge, il faut aussi l'envisager sous l'angle de l'organisation. Je peux même donner une piste au ministre que vous êtes : l'efficience des moyens publics engagés dans le domaine médico-social impose de se pencher sur ces questions d'organisation !
M. Olivier Henno, rapporteur pour la branche famille. - On trouverait presque le PLFSS plus cohérent en vous écoutant, monsieur le ministre, qu'en le lisant. Mais notre rôle de parlementaire veut que nous posions les questions et conservions notre esprit critique.
Je salue les avancées réalisées au bénéfice des familles monoparentales : extension du complément de libre choix du mode de garde aux enfants de 6 à 12 ans et revalorisation de 50 % de la pension alimentaire minimale.
Je partage également avec vous l'ambition affichée sur le service public de la petite enfance. Mais la réalité nous rattrape ! On dénombre déjà 10 000 emplois non pourvus dans le secteur de la garde d'enfants, 20 000 salariés doivent prochainement partir à la retraite et, si l'on veut ouvrir 200 000 places de garde supplémentaires, il faut créer 70 000 emplois. Voyez l'enjeu !
Parallèlement, alors que la branche famille est en bonne santé, d'importantes ponctions devraient venir réduire son excédent de 2,5 milliards d'euros à 0,5 milliard d'euros. Il y a de toute évidence contradiction entre les ambitions affichées et ces ponctions répétées sur la branche. Qu'en est-il précisément ?
M. Gabriel Attal, ministre délégué. - Avant de répondre aux questions, une réaction à l'observation de Mme la rapporteure générale concernant les déficits. Il y a une forme d'« effet ciseau » dans nos prévisions : un point d'inflation supplémentaire représente 3 milliards d'euros de dépenses en plus dans notre système social, quand un point de masse salariale supplémentaire représente 2 milliards d'euros de recettes en plus. Cela explique la dégradation du solde sur plusieurs années. Cette dégradation est par ailleurs largement tirée par le déficit du régime de retraite, lié à un nombre important de départs à la retraite dans les prochaines années.
Mme la rapporteure générale estime que le montant de 1 milliard d'euros consacré à l'épidémie de covid-19 est insuffisant. Nous avons accumulé des stocks, notamment de vaccins, au cours des derniers mois et un travail très important a été réalisé pour avoir une prévision la plus réaliste possible. Néanmoins, s'il faut réajuster à la hausse, nous le ferons.
S'agissant des retraites, le Président de la République s'est engagé sur un report progressif de l'âge légal de départ à la retraite à raison de quatre mois par an à partir de l'été 2023, pour atteindre une limite de 65 ans au bout de dix ans. Cette mesure a été chiffrée au moment de la campagne présidentielle : nous en attendons un gain « brut » - c'est-à-dire sans le financement de certains engagements concernant les carrières complètes ou pénibles - de plus de 8 milliards d'euros à l'horizon de 2027.
J'insiste aussi sur le gain indirect d'une telle réforme. Celle-ci vise évidemment à améliorer l'équilibre de notre régime de retraite, mais aussi à améliorer le taux d'emploi dans notre pays, ce qui engendrera cotisations sociales et recettes fiscales supplémentaires. Ainsi, la direction générale du Trésor nous a récemment remis une étude dans laquelle elle estime les recettes sociales et fiscales attendues d'ici à 2027, en lien avec ce report d'âge, à un niveau compris entre 15 et 20 milliards d'euros. Contrairement à ce que l'on peut lire ou entendre, le recul de l'âge légal de départ à la retraite ne se traduit pas par une diminution du taux d'emploi des seniors. Au contraire ! Toutes les études réalisées sur la réforme de 2010 ont montré qu'elle avait été suivie d'une amélioration de ce taux de plus de 10 points en dix ans.
Sur les transferts à la Cades, le PLFSS fixe à 17,7 milliards d'euros l'objectif d'amortissement de la dette sociale en 2023. La dette restant à amortir devrait s'élever à 154,9 milliards d'euros au début de l'année. Au total, 241,6 milliards d'euros ont déjà été amortis depuis la création de la Cades. Nous ne prévoyons pas de nouvelle loi sur le sujet.
Par ailleurs, ne pas adopter le projet de loi de programmation des finances publiques serait envoyer un mauvais signal. Tous les pays européens se dotent d'une telle loi et il est important d'avoir de la visibilité sur l'évolution de nos dépenses. Nous pouvons avoir des désaccords sur les politiques menées, mais ne pas établir de programmation des finances publiques serait problématique. Certains de nos financements européens sont conditionnés, par exemple, à l'établissement d'un dispositif d'évaluation pérenne de la qualité de la dépense publique, dispositif prévu dans le projet de loi précité. Mon souhait est donc que nous puissions l'adopter, sachant que le vote solennel a lieu cet après-midi à l'Assemblée nationale et que les oppositions ont choisi de voter contre. Nous comptons beaucoup sur la responsabilité des sénatrices et des sénateurs !
Le transfert des indemnités journalières postnatales de la branche maladie à la branche famille ne constitue pas une ponction. Il est cohérent avec des dépenses déjà incluses dans la branche famille, comme les indemnités journalières versées pendant le congé de paternité. Il me semble d'ailleurs que, par amendement, la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale a adopté un amendement visant le transfert des indemnités journalières pour congé d'adoption. Aucune autre mesure de ce type n'est prévue dans les années à venir.
S'agissant de la fiscalité du tabac, nous partageons tous l'objectif de réduire la prévalence du tabagisme dans notre pays. Le signal-prix est effectivement un bon levier, même si la prévention est aussi très importante. La mesure prévue dans le PLFSS n'est pas une mesure de rendement ; il s'agit de faire en sorte que les efforts réalisés au cours des dernières années ne soient pas annihilés par l'inflation. Aucune nouvelle trajectoire fiscale n'est envisagée, mais je suis très attentif à faire reculer la contrebande et les trafics dans le pays. Je travaille sur un nouveau plan dans ce domaine.
J'en viens aux questions exposées par M. Mouiller pour le compte de Mme Imbert. En 2025 et 2026, l'Ondam progressera plus rapidement que l'inflation et, pour avoir participé au quinquennat de François Hollande au sein du ministère de la santé, je vois mal comment on peut qualifier d'austère notre politique de santé : on en aurait rêvé à l'époque où les socialistes étaient au pouvoir ! J'entends qu'il faut faire plus, mais nous investissons massivement, tout en continuant à rechercher des leviers d'économies.
Des moyens importants ont été alloués aux Ehpad au cours des dernières années, comme les 500 millions d'euros attribués, entre 2017 et 2021, au renforcement de leur médicalisation. Dans le cadre de la campagne présidentielle, nous nous sommes engagés sur la création de 50 000 postes supplémentaires. Nous franchissons une première marche cette année, avec 170 millions d'euros visant à financer 3 000 équivalents temps plein (ETP), 50 millions d'euros pour faire basculer 200 Ehpad au tarif global et près de 60 millions d'euros destinés à la création de nouvelles places en Ehpad. Je suis néanmoins conscient de la nécessité de renforcer l'attractivité des métiers, d'où les 3,2 milliards d'euros alloués au secteur depuis 2020.
Enfin, je vous confirme que nous allons continuer à investir dans la politique familiale de notre pays.
Mme Chantal Deseyne, en remplacement de M. René-Paul Savary, rapporteur pour la branche vieillesse. - Finalement, le Gouvernement a rejoint les positions de la Mecss quant au transfert aux Urssaf de l'activité de recouvrement de l'Agirc-Arrco, repoussé en 2024. C'est très bien ! Pouvez-vous vous engager sur le fait que l'Agirc-Arrco conservera la responsabilité de la fiabilisation des déclarations sociales nominatives (DSN) ? Dans un tel cas, pourquoi le PLFSS prévoit-il de réserver aux seuls organismes de sécurité sociale, à l'exclusion, notamment, de l'Agirc-Arrco, la possibilité d'émettre une DSN de substitution dans le cas où l'employeur ne procéderait pas aux corrections des anomalies détectées ? Comment justifiez-vous le transfert aux Urssaf, par amendement et sans étude d'impact ni examen préalable, du recouvrement des cotisations à l'association pour l'emploi des cadres (Apec) et des cotisations des expatriés ?
M. Daniel Chasseing. - Augmenter l'Ondam de 4,1 %, c'est effectivement beaucoup mieux que de le faire de 2 %, comme ce fut le cas entre 2012 et 2017... Mais il faut tempérer ce constat car l'inflation, même si elle n'a pas d'effet partout, n'est pas non plus sans impact.
Bien sûr, il faut des cotisations pour que la sécurité sociale dispose de recettes. Mais, ayant beaucoup moins de moyens que notre voisin allemand n'en a pour soutenir ses entreprises, nous risquons de perdre en compétitivité et de connaître quelques difficultés sur le marché de l'emploi.
Le ministre François Braun estime qu'il faut mobiliser les médecins et favoriser le cumul entre emploi et retraite. Les médecins préférant bénéficier d'une offre de services des Urssaf sont soumis à une limite de chiffre d'affaires de 19 000 euros. Ce plafond ne pourrait-il pas être augmenté ? Les autres cotisent à fonds perdus. Est-ce possible de faire un effort sur ce point ?
S'agissant de l'emploi dans les Ehpad, allez-vous mettre en place un plan pluriannuel pour accélérer la création des 50 000 emplois prévus ? Je signale aussi qu'il reste des oubliés du Ségur de la santé à prendre en compte...
M. Bernard Jomier. - Les hypothèses macroéconomiques défendues par le Gouvernement sont optimistes - il a une longue pratique en la matière. Quand vous nous expliquez qu'en 2025 et 2026 nous serons au-dessus de l'inflation, nous savons que ce genre d'hypothèses sont faites pour être démenties. Mais, y compris sur l'exercice 2023, vos hypothèses sont optimistes. Tous les chiffres que vous affichez sont inférieurs aux projections d'inflation et personne parmi les acteurs que j'ai interrogés n'indique être sous-exposé à l'inflation. Je veux bien que l'on présente les choses de la manière la plus séduisante possible, mais, en réalité, nous sommes devant un budget très contraint et nous voyons mal comment celui-ci pourra être mis en oeuvre.
S'agissant des recettes, les exonérations de cotisations étaient légèrement inférieures à 40 milliards d'euros en 2018 ; elles atteignent 71 milliards d'euros en 2023. Ne faut-il pas discuter de cette question ?
Vous affichez pour le budget hospitalier une progression de 4,1 %, taux inférieur à celui de l'inflation en 2023. Nous connaissons tous la situation de l'hôpital - depuis quelques jours, c'est la pédiatrie qui fait l'actualité, avec des alertes très inquiétantes... Ce budget n'a même pas commencé à être appliqué que l'on peut déjà voir qu'il sera insuffisant ! Dans le rapport de la commission d'enquête sénatoriale sur l'hôpital public, une mesure essentielle avait été proposée : la revalorisation du travail de nuit et de week-end. Aucune disposition n'a été prise sur ce sujet. Au-delà de l'application des mesures issues du Ségur de la santé, rien n'apparaît dans ce PLFSS en faveur de l'hôpital public. Est-ce tenable ?
Enfin, quelles dispositions seront prises sur la question de l'énergie ? Le Gouvernement a fait des annonces pour les PME. Qu'en est-il des établissements hospitaliers ?
Mme Nadia Sollogoub. - Vous annoncez un PLFSS plus juste, tout en prévoyant que certains arrêts maladie prescrits en téléconsultation ne soient plus remboursés. Je suis élue d'un territoire dans lequel de nombreux patients ne trouvent pas de médecin traitant. Cette mesure pourrait y être accueillie comme une très grande injustice. D'après le ministre François Braun, peu de patients sont concernés. Si tel est le cas, pourquoi ne pas lâcher sur ce déremboursement ?
Il y a par ailleurs un enjeu très fort autour de la formation des médecins. Certes, le numerus clausus a été supprimé, mais, pour former des médecins, il faut des professeurs de médecine. Or, actuellement, un nombre très important d'enseignants-chercheurs démissionnent de leur chaire, au motif qu'ils manquent de moyens pour mener leurs travaux. Je vous demande d'être attentif à ce sujet.
Mme Monique Lubin. - Je n'avais pas prévu d'intervenir, mais votre rhétorique extraordinaire en matière de retraite me pousse à le faire. Vous nous dites qu'il est prouvé que le report de l'âge de la retraite fait progresser les statistiques de l'emploi des seniors : c'est une lapalissade ! Vous nous dites que cet emploi des seniors s'est considérablement amélioré : je ne vois pas bien ce qui s'est passé depuis le rapport que j'ai établi avec René-Paul Savary en 2019 ! Vous nous dites que, plus les gens travaillent, mieux c'est pour les comptes sociaux, ce qui justifie à nouveau le report de l'âge légal de départ à la retraite. C'est aussi évident ! Mais, dans ce cas, pourquoi continuez-vous de désocialiser tout ce qui peut l'être ? En contrepartie, on va expliquer à des personnes travaillant depuis plus de quarante ans qu'elles vont devoir continuer à le faire... Bravo pour la rhétorique !
Mme Corinne Imbert, rapporteure pour la branche assurance maladie. - Veuillez tout d'abord excuser mon retard. Dans la continuité des propos de notre collègue Bernard Jomier, je rappelle que nous avons déjà été échaudés, voilà quelques années, par une annonce de déblocage de crédits tombée la veille ou pendant l'examen du PLFSS. Personne ne conteste les besoins de la pédiatrie en France, mais pouvez-vous nous indiquer d'où viennent les 150 millions d'euros annoncés pour cette discipline le week-end dernier, soit quinze jours avant l'ouverture du débat sur le PLFSS au Sénat ?
M. Gabriel Attal, ministre délégué. - Je commence par la question de la mise en réserve de l'Ondam, à laquelle je n'ai pas répondu. Effectivement, la médecine de ville est aujourd'hui exonérée de cette mise en réserve et nous devons trouver une meilleure répartition de l'effort. Nous y travaillons avec François Braun et Jean-Christophe Combe.
Par ailleurs, je réaffirme que la fiabilisation des données individuelles des salariés restera la prérogative de l'Agirc-Arrco, une convention devant être établie sur ce point. Le transfert des cotisations Apec et des cotisations des expatriés, corrélé à celui des retraites complémentaires, est lui aussi décalé à 2024. J'insiste sur le fait que, avec les évolutions envisagées, nous répondons tant aux revendications des partenaires sociaux qu'aux préconisations établies dans le rapport sénatorial précédemment cité. J'attends désormais une coopération loyale entre l'Agirc-Arrco et Urssaf Caisse nationale (ex-Acoss).
J'en viens au cumul entre emploi et retraite de certains médecins. Compte tenu de l'âge actuel des médecins, nous devons rapidement dégager du temps médical supplémentaire. Nous avons pris des mesures importantes en termes de formation, mais il faut « faire le pont », d'où la nécessité d'encourager les médecins libéraux à rester en activité. Par amendement, il a donc été proposé d'exonérer pendant un an les médecins de cotisations vieillesse.
S'agissant des oubliés du Ségur de la santé, nous avons choisi de réserver l'extension des accords aux soignants et professionnels exerçant à titre principal des fonctions d'accompagnement socio-éducatif. Les personnels administratifs et techniques ne sont pas prioritairement concernés.
Par ailleurs, pour prévoir la prise en charge de l'inflation dans les budgets des établissements de santé, nous avons travaillé avec les fédérations, notamment hospitalières. Celles-ci ont évalué les besoins pour 2022 et 2023 dans une fourchette comprise entre 700 millions d'euros et 1,1 milliard d'euros. La loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2022 prévoyait déjà une enveloppe de 100 à 200 millions d'euros au titre de l'inflation, complétée dans le projet de budget rectificatif par 800 millions d'euros supplémentaires, soit environ 1 milliard d'euros pour 2022. Nous y ajoutons 800 millions d'euros en 2023. J'entends les comparaisons entre l'Ondam et l'inflation, mais, j'y insiste, celle-ci n'a pas un impact uniforme sur l'ensemble des dépenses de santé. Elle affecte principalement les achats hospitaliers et les coûts de l'énergie.
Les exonérations et baisses de cotisations favorisent l'emploi et la compétitivité de notre pays. J'entendrais les critiques sur nos choix en la matière si nous avions une explosion du chômage, mais ce n'est pas le cas. Notre taux de chômage est le plus bas depuis quinze ans ! Cela étant, il est tout à fait sain de s'interroger sur les exonérations sociales ou fiscales. D'ailleurs, il est prévu, dans le cadre de la programmation des finances publiques, un renforcement de l'encadrement de ces dispositifs, avec une obligation d'évaluation au bout de trois ans. Nous sommes donc tout à fait ouverts sur la question.
Nous sommes préoccupés par la crise de la pédiatrie. Une enveloppe de 150 millions d'euros a été annoncée et nous menons actuellement un travail interministériel avec les services de Matignon pour pouvoir vous éclairer sur ses sources. Nous aurons des informations d'ici au début de l'examen au Sénat.
Je ne dirais pas que ce PLFSS ne contient aucune mesure en faveur de l'hôpital public, ne serait-ce que parce que nous y assurons le financement des mesures massives arrêtées dans le cadre du Ségur de la santé.
Les charges supplémentaires qui pourraient affecter les établissements de santé en termes d'énergie sont intégrées dans les enveloppes consacrées à l'inflation.
S'agissant des arrêts maladie prescrits via les téléconsultations, que nous entendons réguler, ils représentent 1 % des arrêts maladie, mais leur part double chaque année. Cette croissance très forte est due, non pas aux habitants de territoires ruraux privés d'accès à un médecin traitant, mais à des habitants de zone urbaine. Disons-le, il s'agit d'un nomadisme numérique par lequel des personnes cherchent à trouver un professionnel de santé acceptant de leur délivrer un arrêt maladie. Je préfère que nous traquions certaines dérives tant qu'elles sont marginales !
Pour répondre à la question concernant les professeurs de médecine, il faut se pencher sur le budget des universités et des organismes de recherche. Celui-ci est en augmentation et nous disposons d'une loi de programmation de la recherche extrêmement ambitieuse. Il faut aller plus loin ; j'y travaille avec ma collègue Sylvie Retailleau.
Enfin, madame Lubin, je ne pense pas que mon constat selon lequel le report de l'âge légal de départ à la retraite a un impact positif sur le taux d'emploi des seniors soit une lapalissade. On entend beaucoup dans le débat public que ce report tendrait à créer plus de chômeurs. Or c'est bien une amélioration du taux d'emploi qui a été constatée par le passé. Cependant, il faut continuer à agir pour favoriser cet emploi des seniors. Vous estimez que rien n'a été fait depuis 2018. Je mentionnerai, pour ma part, un effort massif en termes de formation, avec le plan d'investissement dans les compétences, qui s'accompagne d'un changement culturel au sein des entreprises.
Mme Catherine Deroche, présidente. - Je me permets, avant de clore cette audition, de compléter l'intervention de Bernard Jomier. Le Ségur de la santé a constitué un effort financier important, mais, dans certains cas, il s'est agi beaucoup plus d'un rattrapage que d'une réelle revalorisation. Par ailleurs, son déploiement a été tellement haché - on a passé le temps à faire des oubliés - que, en définitive, ses mesures, qui auraient dû améliorer la situation, ont surtout fait des mécontents...
Cette audition a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
La réunion est close à 9 h 50.
- Présidence de Mme Chantal Deseyne, vice-président -
La réunion est ouverte à 13 h 30.
Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale portant mesures d'urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi - Examen des amendements au texte de la commission
Mme Chantal Deseyne, président. - Nous examinons les amendements de séance sur le projet de loi portant mesures d'urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi. Nous commençons par l'examen de l'amendement des rapporteurs.
EXAMEN DE L'AMENDEMENT DES RAPPORTEURS
L'amendement rédactionnel n° 114 est adopté.
EXAMEN DE LA MOTION
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. - Je suis défavorable à la motion n° 73 tendant à opposer la question préalable, car il convient de débattre de ce texte.
La commission émet un avis défavorable à la motion n° 73 tendant à opposer la question préalable au projet de loi.
EXAMEN DES AMENDEMENTS AU TEXTE DE LA COMMISSION
Article 1er
La commission émet un avis défavorable aux amendements nos 12 rect et 46, de suppression de l'article ainsi qu'à l'amendement n° 94 du Gouvernement visant à rétablir la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale.
Elle donne un avis défavorable aux amendements nos 85, 76, 84 et 86.
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. - L'amendement n° 77 vise à proroger par décret les seules règles en vigueur relatives à l'assurance chômage. Nous pensons qu'elles peuvent évoluer. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 77 et à l'amendement n° 19.
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. - L'amendement n° 20 rectifié, qui prévoit de transmettre au Parlement et aux partenaires sociaux le rapport élaboré par le Gouvernement sur la situation financière de l'assurance chômage, est satisfait. Retrait ou, à défaut, avis défavorable.
Mme Monique Lubin. - Je le retirerai en séance.
La commission demande le retrait de l'amendement n° 20 rectifié et, à défaut, y sera défavorable.
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. - L'amendement n° 47 prévoit une négociation préalable à la détermination par décret des règles d'assurance chômage. Or une négociation doit se conduire pour la conclusion d'un accord, elle n'est pas adaptée au recueil de l'avis des partenaires sociaux. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 47, de même qu'aux amendements identiques nos 21 rectifié et 90.
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. - L'amendement n° 22 rectifié vise à transmettre au Parlement et aux partenaires sociaux un rapport d'évaluation de la réforme de l'assurance chômage menée entre 2018 et 2021. Avec la crise sanitaire, attendons 2023 pour avoir plus de recul. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 22 rectifié.
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. - Avis défavorable à l'amendement n° 93 visant à exclure la possibilité de traiter différemment les demandeurs d'emploi en fonction de leur lieu de résidence ou de travail.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 93.
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. - L'amendement n° 50 limite au 1er février 2023 l'application des règles fixées par décret, mais la commission a retenu la date du 31 août 2023. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 50.
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. - Avis défavorable à l'amendement n° 23 rectifié, qui exclut la possibilité de réduire les recettes de l'assurance chômage par l'évolution des règles du bonus-malus. Je rappelle que ce dispositif est neutre financièrement.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 23 rectifié.
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. - Avis également défavorable à l'amendement n° 108, qui fixe par décret après négociation les règles d'indemnisation applicables aux chômeurs en fin de contrat à durée déterminée (CDD). Il est inapproprié de faire précéder un décret d'une négociation. C'est pourquoi l'article 1er prévoit une concertation préalable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 108.
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. - L'amendement n° 67 proroge les mesures d'application du régime d'assurance chômage fixées par accord. Son adoption aurait pour conséquence d'empêcher l'intervention d'un décret de carence. Cet amendement est inopérant. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 67 ainsi qu'aux amendements 49 et 87.
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. - Par l'amendement n° 48, le document d'orientation ne pourrait avoir pour effet de traiter différemment les demandeurs d'emploi en fonction de leur lieu de résidence ou de travail. Nous considérons que ce document doit se limiter à poser des éléments de diagnostic et identifier des pistes possibles. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 48.
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. - Avis favorable à l'amendement n° 8 rectifié, qui prévoit la présentation des options possibles pour garantir l'équilibre financier du régime dans le document d'orientation. La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 8 rectifié.
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. - L'amendement n° 51 prévoit qu'un accord est conclu entre les partenaires sociaux sur les dispositions régissant la conclusion des accords d'assurance chômage. Ce dispositif ne correspond pas à l'intention de son auteur si j'en crois l'objet de l'amendement. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 51.
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. - Les amendements identiques nos 52 rectifié et 88 suppriment le mécanisme de suivi financier de l'assurance chômage et privent ainsi le Gouvernement de sa capacité d'imposer une négociation si le financement du régime s'écarte de la trajectoire fixée dans l'accord. Or ce mécanisme nous semble vertueux. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable aux amendements identiques nos 52 rectifié et 88.
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. - Avis défavorable aux amendements nos 24 rectifié et 25 rectifié, qui énoncent un principe de solidarité face au risque de privation d'emploi : le dispositif est de portée déclaratoire et n'apporte, ni ne retire, aucune garantie aux demandeurs d'emploi.
La commission émet un avis défavorable aux amendements nos 13 rect, 24 rectifié et 25 rectifié.
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. - L'amendement n° 2 rectifié propose de réduire l'indemnisation d'un chômeur après un seul refus d'offre raisonnable d'emploi. Il n'est pas certain que ce levier soit réellement opérant. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement 2 rect.
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. - L'amendement n° 14 rectifié pose le principe jurisprudentiel de réparation du préjudice causé au demandeur d'emploi ayant reçu des sommes indues. Cet amendement est déjà satisfait. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.
La commission demande le retrait de l'amendement n° 14 rectifié et, à défaut, y sera défavorable.
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. - Il est superfétatoire de rajouter des procédures de contestation par le demandeur d'emploi de décisions individuelles le concernant. Avis défavorable à l'amendement n° 31 rectifié.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 31 rectifié ainsi qu'à l'amendement 15 rect.
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. - L'amendement n° 26 rectifié vise à créer un conseil non permanent d'orientation de l'assurance chômage, ce qui ne nous semble pas nécessaire. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 26 rectifié.
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. - L'amendement n° 81 prévoit la remise d'un rapport présentant les mesures de lutte contre le non-recours aux droits en matière d'assurance chômage. Retrait ou, à défaut, avis défavorable.
La commission demande le retrait de l'amendement n° 81 et, à défaut, y sera défavorable.
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. - L'amendement n° 62 restreint les cas de recours au CDD. Il prévoit que le nombre de salariés en CDD pour cause d'accroissement temporaire d'activité ne peut excéder 10 % de l'effectif moyen de l'entreprise au cours de l'année précédente. Il crée ainsi un cadre rigide. En outre, il supprime l'article permettant de conclure des CDD au titre des dispositions légales destinées à favoriser le recrutement de certaines catégories de personnes sans emploi. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 62.
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. - L'amendement n° 9 rectifié précise que la notion de rémunération au moins équivalente du contrat à durée indéterminée (CDI) proposé à l'issue d'un CDD doit s'entendre pour une durée de travail équivalente. Cette précision utile permettra de prévenir des risques contentieux, tout en apportant des garanties aux salariés.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 9 rectifié.
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. - L'amendement n° 65 prévoit un avis conforme du comité social et économique (CSE) sur les modalités de recours aux CDD et au travail temporaire. Or cette instance n'est pas compétente pour déterminer la politique de recrutement de l'entreprise. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 65.
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. - L'amendement n° 83 vise à supprimer le bénéfice de l'allocation d'assurance après un refus de CDI. J'y suis favorable.
M. Olivier Henno, rapporteur. - Notre groupe s'en tiendra à la position de la commission, soit trois refus de CDI sur 12 mois.
M. Philippe Mouiller. - Mon groupe est favorable à cet amendement. Il y a deux sujets : celui d'un coût pour l'assurance chômage, et celui de l'employeur qui subit le refus.
M. Martin Lévrier. - Je déplore que nous n'ayons pas d'étude d'impact sur cette mesure. La relation employeur-employé doit se traiter de la façon la plus simple possible. Ne transformons pas des cas particuliers - je ne nie pas qu'ils existent, mais ils sont minimes - en une règle générale, au risque de complexifier le code du travail et de poser problème aux salariés et aux employeurs. Prenons le temps d'examiner cette question.
Mme Raymonde Poncet Monge. - J'ajoute que des sanctions existent déjà. Je suis contre les trois refus de CDI, alors un, imaginez... C'est toujours plus difficile pour les demandeurs d'emploi. Attendons l'évaluation de la première réforme.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 83.
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. - L'amendement n° 10 rectifié vise à prévoir des mesures contracycliques afin de corriger la trajectoire financière de l'assurance chômage. Même si nous partageons le souci d'améliorer la situation financière de l'Unédic, nous considérons que le mécanisme contracyclique, qui doit avoir un caractère automatique, n'est pas l'instrument approprié pour y parvenir. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 10 rectifié.
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. - L'amendement n° 11 rectifié bis tend à exclure du bénéfice de l'allocation chômage les intérimaires qui n'acceptent pas un CDI proposé par l'entreprise utilisatrice à l'issue de leur mission. Avis favorable.
M. Olivier Henno, rapporteur. - Même position que précédemment.
Mme Raymonde Poncet Monge. - Mais un intérimaire ne peut pas accepter un CDI dans l'entreprise utilisatrice.
Mme Pascale Gruny. - Notre collègue pointe le fait qu'il existe une sorte de contractualisation entre l'entreprise et l'entreprise d'intérim. Une entreprise ne peut proposer un CDI à un intérimaire qu'au bout de deux ou trois mois.
Mme Raymonde Poncet Monge. - En effet, elle s'expose à de fortes pénalités.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 11 rectifié bis.
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. - Le Gouvernement propose de supprimer cet article ayant trait à la fonction publique territoriale, introduit sur l'initiative de notre collègue Philippe Bas. Avis défavorable à l'amendement n° 97.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 97.
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. - Avis favorable à l'amendement n° 109, qui réduit à deux mois les délais de saisine et de réponse du centre de gestion, en vue d'harmoniser les délais.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 109.
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. - Avis défavorable aux amendements identiques nos 16 rectifié, 68 et 104 : la commission a soutenu la création d'une présomption de démission en cas d'abandon de poste.
La commission émet un avis défavorable aux amendements identiques nos 16 rectifié, 68 et 104.
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. - L'amendement n° 27 rectifié pose la condition d'une absence de faute de l'employeur et prévoit une procédure contradictoire préalable à la présomption de démission pour abandon de poste. Or, la jurisprudence considère déjà qu'une absence injustifiée résultant d'une faute de l'employeur ne peut être qualifiée d'abandon de poste. Il n'est pas souhaitable que l'employeur soit contraint de démontrer son absence de faute. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 27 rectifié.
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. - Avec l'amendement n° 4, la rupture du contrat qui résultera de la présomption de démission pour abandon de poste sera systématiquement considérée comme une rupture abusive du contrat imputable au salarié. Le salarié devrait donc payer des dommages et intérêts à l'employeur. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 4.
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. - L'amendement n° 1 rectifié bis prévoit la possibilité pour une entreprise de déduire fiscalement les sommes provisionnées pour faire face aux ruptures de contrats de travail. Le code général des impôts autorise déjà les entreprises à déduire certaines provisions destinées à faire face à des pertes ou charges. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 1 rectifié bis.
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. - Avis défavorable aux amendements identiques de suppression nos 17 rectifié, 72 et 105. L'article 2 permettra de rendre l'application du bonus malus plus transparente pour les employeurs.
La commission émet un avis défavorable aux amendements identiques nos 17 rectifié, 72 et 105.
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. - La barre est toujours plus haute, l'amendement n° 53 fixe des taux de contribution dérogatoires au régime d'assurance chômage, allant jusqu'à 12,4 % pour les contrats de moins d'un mois. Ils frapperaient de manière indistincte l'ensemble des CDD, quel qu'en soit le motif. Avis défavorable.
Mme Laurence Cohen. - Le Gouvernement, assisté par vos soins, prend des mesures qui sont largement antisociales et qui pénalisent les salariés. Il nous faut donc mettre la barre plus haute pour que vous cessiez votre saccage.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 53.
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. - L'amendement n° 56 fixe le malus sur les contributions chômage à un minimum de deux points, conduisant à un taux de contribution « malussé » d'au moins 6,05 %. Nous avons réduit cet écart. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 56.
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. - L'amendement n° 32 rectifié réécrit l'article de manière à garantir que les recettes créées par le bonus-malus sur les contributions d'assurance chômage soient au moins 1,5 fois supérieure aux pertes de recettes liées au dispositif. Il implique de rendre le malus supérieur au bonus. Ce faisant, il supprime tout le dispositif adopté par la commission. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 32 rectifié.
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. - L'amendement n° 63 supprime les dispositions visant à déplafonner la durée des missions réalisables dans le cadre d'un CDI intérimaire et a pour objet de restreindre le recours à l'intérim. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 63.
M. Olivier Henno, rapporteur. - Avis favorable à l'amendement n° 3 rectifié bis concernant la représentativité des organisations syndicales dans les branches de l'enseignement privé à but non lucratif.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 3 rectifié bis.
M. Olivier Henno, rapporteur. - L'amendement n° 37 rectifié apporte des précisions relatives aux jurys de la validation des acquis (VAE) dans l'enseignement supérieur. Ces précisions pourront faire l'objet d'un décret. Ne compliquons pas les choses. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 37 rectifié.
M. Olivier Henno, rapporteur. - L'amendement n° 60 prévoit que les jurys de VAE aient un minimum de quatre ans d'ancienneté. Il est déjà compliqué de recruter et de mobiliser les jurys. Ne fixons pas trop de contraintes dans la loi. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 60.
M. Olivier Henno, rapporteur. - L'amendement n° 82 augmente la durée du congé de VAE de 48 heures à 72 heures. Ce sont davantage les dispositifs d'accompagnement et la simplification des démarches qui sont essentiels. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 82.
M. Olivier Henno, rapporteur. - L'amendement n° 100 prévoit une expérimentation d'un contrat de professionnalisation associant la voie de l'alternance et celle de la VAE. Cette mesure facilitera l'accès aux certifications professionnelles. Avis favorable.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 100.
M. Olivier Henno, rapporteur. - Avis défavorable aux amendements identiques de suppression nos 38 rectifié et 61. La commission a préféré opérer un tri en limitant la portée de cet article à la ratification des ordonnances qui continuent de produire des effets.
La commission émet un avis défavorable aux amendements identiques nos 38 rectifié et 61.
M. Olivier Henno, rapporteur. - Par l'amendement n° 99, le Gouvernement entend réintroduire la ratification de 14 ordonnances sur les 15 que la commission a supprimées. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 99.
AMEMENDEMENT DES RAPPORTEURS
Auteur |
N° |
Objet |
Sort de l'amendement |
Article 1er bis
A |
|||
Mme PUISSAT |
114 |
Rédactionnel |
Adopté |
TABLEAU DES AVIS
La réunion est close à 14 h 15.
Mercredi 26 octobre 2022
- Présidence de Mme Catherine Deroche, présidente -
La réunion est ouverte à 9 h 00.
Projet de loi de programmation des finances publiques - Examen du rapport pour avis
Mme Catherine Deroche, présidente. - Nous commençons nos travaux par l'examen du rapport pour avis de notre collègue rapporteure générale Élisabeth Doineau sur le projet de loi de programmation des finances publiques 2023-2027.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure pour avis. - Notre traditionnel tunnel budgétaire de l'automne commence cette année par l'examen du projet de loi de programmation des finances publiques, dont l'avenir paraît bien incertain.
En effet, l'Assemblée nationale a rejeté hier ce texte en première lecture et pourrait confirmer son vote lors de la navette. De son côté, le Gouvernement, tout en insistant sur les dangers à ne pas adopter ce texte - le ministre Gabriel Attal nous en a parlé hier matin -, a clairement indiqué qu'il ne ferait pas usage de la procédure définie au troisième alinéa de l'article 49 de la Constitution afin d'en obtenir l'adoption. Nous verrons donc ce qu'il adviendra.
La saisine de notre commission concerne cinq articles, évidemment relatifs aux comptes sociaux et au domaine des lois de financement de la sécurité sociale. L'article 17 est relatif aux objectifs de dépenses des régimes obligatoires de base de sécurité sociale (Robss) et du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) jusqu'en 2025 et à l'évolution de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) et de ses sous-objectifs à cette même échéance. L'article 18 concerne les dépenses de gestion administrative des organismes de sécurité sociale. L'article 19 reconduit le principe, qui figurait déjà dans la précédente loi de programmation des finances publiques (LPFP), d'une mise en réserve d'une fraction de 0,3 % de l'Ondam. L'article 20 reconduit également deux dispositifs de l'ancienne LPFP relatifs à l'encadrement des « niches sociales ». Enfin, l'article 24 prévoit que le Gouvernement transmette au Parlement, avant le 15 octobre de chaque année, une décomposition des recettes, des dépenses et du solde des administrations de sécurité sociale, en distinguant les Robss, la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades), le Fonds de réserve pour les retraites (FRR), les régimes complémentaires de retraite et les hôpitaux.
Du fait du rejet du projet de loi par l'Assemblée nationale, c'est la version initiale de ce texte qui nous est soumise.
L'article 17 illustre les paradoxes de la LPFP dans le domaine de la sécurité sociale puisque l'horizon de programmation n'est que de trois ans. Cet horizon est inférieur à celui qui figure chaque année en loi de financement de la sécurité sociale, dont l'annexe B donne chaque année une vision quadriennale des comptes sociaux et de l'Ondam. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2023 ne fait pas exception et donne au Parlement des prévisions portant jusqu'à l'année 2026.
Si une vision à trois ans constitue un progrès pour les finances de l'État au regard de la stricte annualité des lois de finances, il n'en va pas de même pour les comptes de la sécurité sociale.
Sur le fond - et nous en reparlerons dès la semaine prochaine dans le cadre de l'examen du PLFSS -, les prévisions du Gouvernement apparaissent à la fois optimistes et mal documentées. À cet égard, l'Ondam mérite notre attention.
L'Ondam devrait ainsi, suivant cette trajectoire, être inférieur en 2023 à 244,1 milliards d'euros ; en 2024 à 249,7 milliards d'euros et en 2025 à 256,4 milliards d'euros. Ces montants correspondent du reste au tendanciel décrit dans le PLFSS pour 2023 et son annexe B.
Pour le sous-objectif relatif à la ville, la trajectoire est un taux de 2,9 % en 2023, puis 2,3 % en 2024 et 2025. Pour le sous-Ondam relatif aux établissements de santé, le taux d'évolution serait de 4,1 % en 2023, puis 2,9 % en 2024 et 2,8 % en 2025. Au-delà de 2025, nous n'avons plus aucune trajectoire pour ces sous-objectifs, dont certains pèsent quand même environ 100 milliards d'euros, la direction de la sécurité sociale estimant que tout cela relève d'hypothèses « conventionnelles » et ne nécessite pas de justification.
Ces différents chiffres appellent plusieurs observations, car cette trajectoire apparaît fragile et parfois d'une crédibilité discutable.
Concernant l'Ondam, si l'on évoque souvent le taux d'évolution - c'est la présentation de l'annexe B au PLFSS -, je préfère que nous parlions du montant en euros. Le rythme d'évolution à 2,6 % à l'horizon de 2027 n'a rien à voir avec ce qu'aurait été le même taux il y a cinq ans.
En effet, la crise sanitaire, mais surtout les
revalorisations du Ségur ont produit un saut du niveau de
dépenses, et ce de manière pérenne. La base de calcul n'a
plus rien à voir. Nous sommes passés d'un Ondam de l'ordre de
200 milliards d'euros en 2019 à un Ondam qui frôlerait
les 250 milliards d'euros dans deux ans. Lorsque nous discutions de
2,3 % d'augmentation de l'Ondam en 2019, cela représentait
4,6 milliards d'euros de dépenses supplémentaires, mais un
tendanciel à 2,6 % en 2027 correspond à
6,7 milliards d'euros
- ayons ces chiffres à l'esprit.
Cela étant dit, cette trajectoire est pour le moins ambitieuse, « exigeante », nous a pudiquement dit Thomas Fatome mercredi dernier.
Ce taux qui aurait semblé très satisfaisant il y a quelques années - il est nettement supérieur aux taux que nous avons connus durant la décennie 2010 - paraît difficilement tenable, car les incertitudes sont grandes sur l'impact financier de la crise sanitaire en 2023 et dans les années ultérieures. De plus, nous voyons bien l'ampleur des besoins de santé, l'ampleur des attentes en matière de rénovation de l'hôpital, mais aussi l'ampleur de l'impact financier que représente aujourd'hui le choc d'innovation dans le secteur du médicament. Par ailleurs, le contexte inflationniste rend le taux réel de progression bien moindre que celui qui est affiché. Sur ce point, si le ministre des comptes publics considère que l'inflation ne se reproduit pas de manière identique sur les dépenses de santé, force est de constater qu'elle est parfois plus forte encore sur certaines des charges principales des hôpitaux, comme l'énergie. Enfin, et surtout, le Gouvernement comme le directeur de la Caisse nationale de l'assurance maladie (Cnam) reconnaissent qu'il faudra prendre des mesures fortes d'économies pour garantir le respect de cette trajectoire. Mais nous n'avons aucune donnée sur ces mesures. Régulera-t-on enfin l'Ondam de ville et si oui, comment ? Cela acte-t-il le retour explicite d'économies sur l'hôpital ?
Concernant le reste des Robss, je ne peux, là aussi, que regretter le caractère particulièrement lacunaire des informations transmises par le Gouvernement.
Pour m'en tenir à l'exemple le plus significatif, l'évolution des dépenses de la branche vieillesse est censée intégrer dès 2023 les effets d'une réforme des retraites, mais ni ses paramètres ni même son impact financier ne sont précisés dans un quelconque document. Et malgré mes demandes réitérées, je n'ai pas eu d'éléments d'information.
C'est pourquoi, vous l'aurez compris, j'émets de fortes réserves sur la crédibilité des chiffres que nous présente le Gouvernement.
Pour autant, le nouveau cadre organique nous permettra de vérifier le respect, voire le non-respect, de cette trajectoire puisqu'un « compteur des écarts » devra faire apparaître dans toutes les prochaines lois de financement de la sécurité sociale (LFSS) les éventuelles dérives par rapport aux objectifs de cette loi de programmation.
Je vous suggère donc de prendre le Gouvernement au mot et de proposer à la commission des finances le maintien de cet article, tout en l'amendant afin de prolonger la trajectoire des dépenses des Robss et de l'Ondam. En effet, le compteur des écarts doit concerner toutes les LFSS jusqu'à l'année 2027 - il importe que l'horizon de programmation ne se limite pas à l'année 2025. La nouvelle rédaction de l'article L.O. 111-4 du code de la sécurité sociale fait de ce compteur un élément obligatoire de la LFSS de l'année.
L'article 18 prévoit de stabiliser les dépenses de gestion administrative des organismes de sécurité sociale pendant la période de programmation. Je vous proposerai un amendement de précision.
L'article 19 porte sur la « mise en réserve » de l'Ondam. Concrètement, il s'agit de « geler » en début d'exercice une fraction de l'Ondam pour assurer le respect du montant voté. Cette mise en réserve, classique sur le budget de l'État, existe depuis 2010 sur les dotations relevant de l'Ondam et depuis 2014 sur l'ensemble des crédits. Le Gouvernement peut ou non « dégeler » en fin d'exercice tout ou partie des crédits mis en réserve. Le montant minimal est fixé depuis 2010 à « au moins 0,3 % » et suit en réalité ce taux. Pour 2022, cela représente 710 millions d'euros.
Là aussi, soyons honnêtes : comment est concrètement mise en oeuvre cette réserve ?
Elle est mise en oeuvre cette année pour 47 % au moyen du « coefficient prudentiel » appliqué sur les tarifs hospitaliers, qui permet de les minorer en début d'année ; pour 21 % en gelant une partie des dotations hospitalières ; pour 0 % sur l'Ondam de ville, car cela n'a pas de sens de mettre en réserve le remboursement des feuilles de soins et aucun mécanisme de régulation n'existe sur les rémunérations mêmes forfaitaires des professionnels de santé. L'hôpital porte donc en réalité 68 % des mises en réserve, ce qui représente un gel de 0,51 % de ses crédits.
En écho aux travaux de la commission d'enquête sur la situation de l'hôpital et le système de santé en France, mais aussi aux auditions menées par Corinne Imbert, il convient de dire qu'il faut cesser de faire porter les débordements de l'Ondam de ville sur la régulation de l'hôpital. Il est sans doute temps de trouver des mécanismes de régulation infra-annuelle de l'Ondam de ville. La logique selon laquelle l'hôpital, pour connaître le niveau réel de ses crédits, attend traditionnellement de savoir si la ville n'a pas trop coûté doit cesser. Je vous proposerai donc un amendement visant, d'une part, à fixer le taux de la mise en réserve - ce serait non plus un « plancher », mais un taux fixe - et, d'autre part, à inscrire de manière claire que la mise en réserve est homogène sur l'ensemble des sous-objectifs, en vue de mettre fin à l'effort supplémentaire demandé à l'hôpital.
L'article 20 prévoit de reconduire le principe d'un bornage à trois ans de toutes les « niches sociales » adoptées à compter de 2023 et de limiter à 14 % du montant des recettes des Robss et du FSV le coût maximal des niches sociales. Cet article, qui prend la forme d'une pétition de principe non normative, n'est que peu d'utilité. Le principe du bornage a d'ailleurs été bafoué à de nombreuses reprises au cours du quinquennat.
Néanmoins, d'un point de vue symbolique, sa suppression pourrait être problématique. Elle pourrait d'ailleurs ne pas être retenue par la commission des finances, qui ne dispose pas de tels outils au niveau organique pour les niches fiscales. Je ne vous proposerai donc aucun amendement le concernant.
Enfin, l'article 24 prévoit que le Gouvernement transmette chaque année au Parlement une décomposition du solde du sous-secteur des administrations de sécurité sociale (Asso), tout en précisant les différents éléments de cette décomposition : les Robss et les organismes concourant à leur financement ; les organismes concourant à l'amortissement de leur dette, avec la Cades, ; les organismes concourant à la mise en réserve de recettes à leur profit, avec le FRR, ; les autres régimes d'assurance sociale - assurance chômage et organismes de retraite complémentaire, mais pas les organismes complémentaires d'assurance maladie, qui sont en dehors du champ des Asso - ; et les organismes dépendant des assurances sociales (Odass), c'est-à-dire, pour l'essentiel, les établissements publics de santé, mais aussi Pôle emploi. Je vous proposerai un amendement afin de préciser que la décomposition du solde du sous-secteur des Asso transmise à l'automne doit concerner l'année en cours et l'année à venir. Cette disposition, au demeurant cohérente avec la pratique actuelle du Gouvernement, se justifie d'autant plus que la LFSS de l'année comprend une partie rectificative pour l'année en cours. Surtout, cet amendement disposera que cette décomposition soit également transmise au Parlement pour ce qui concerne l'exercice clos chaque année, avant le 1er juin, soit au moment du dépôt du projet de loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale.
En conclusion, malgré toutes les imperfections de ce texte, que je ne vous ai pas cachées, je vous suggère de donner un avis favorable à l'adoption des articles dont nous nous sommes saisis pour avis tels que modifiés par les amendements que je vous soumettrai.
Mme Catherine Deroche, présidente. - Je vous remercie pour ce rapport très clair, alors que les projets de loi de programmation des finances publiques suscitent toujours des questionnements.
M. Philippe Mouiller. - Je remercie Élisabeth Doineau pour sa pédagogie, décortiquer ce document est toujours un exercice difficile.
De nombreuses interrogations demeurent quant à la sincérité des chiffres. La trajectoire semble optimiste au regard des recettes attendues et des charges qui semblent sous-évaluées d'autant que l'enjeu est de redresser certaines situations. Les besoins seront plus importants que prévu.
Ce projet de loi, même s'il n'est qu'un outil de travail intermédiaire, nous donne des éléments pour l'examen du PLFSS dans la mesure où l'Ondam s'appuie sur la trajectoire proposée.
M. Bernard Jomier. - Merci pour ce rapport dont nous partageons globalement la philosophie.
Permettez-moi de souligner au préalable que nous devons porter un regard général sur le projet de loi de programmation des finances publiques, les seuls articles qui nous sont soumis pour avis ne sauraient déterminer notre vote.
Nous pouvons avoir des doutes sur la trajectoire proposée en termes de finances sociales, sans parler de l'inflation. Comparer les chiffres n'a pas de sens en termes de progression, le niveau d'inflation est bien supérieur aux prévisions. De plus, j'ai appris hier que, s'agissant des dépenses énergétiques, les établissements de santé ne bénéficieraient d'aucun financement supplémentaire, alors que la facture est multipliée par cinq.
Il n'est pas tabou de discuter du périmètre des interventions de l'hôpital public, mais le Gouvernement porte ce débat en creux. Contraindre le budget des hôpitaux revient à réduire leur périmètre. Mais qu'on nous le dise clairement ! Ayons un véritable débat sur cette question. D'un point de vue politique, cette trajectoire n'est pas donc sincère.
Même si nous partageons la philosophie sous-tendue par l'amendement concernant les mises en réserve - on n'a pas à transférer la charge des uns sur les autres -, nous contestons le principe même de la réserve. C'est pourquoi nous ne le voterons pas.
Concernant les soins de ville, nous sommes bien entendu favorables à une meilleure maîtrise, mais nous sommes face à une déstructuration de l'organisation de l'offre de soins en ville. Les parcours de soins sont remis en cause par la pénurie. Nous ne sommes pas défavorables au partage des tâches, au contraire, mais encore faut-il que nous soyons en capacité d'analyser les conséquences financières. Toutes les études réalisées en Grande-Bretagne montrent que les dépenses sont plus importantes lorsqu'un infirmier fait une consultation, car il prescrit plus d'examens complémentaires.
M. René-Paul Savary. - Je partage un certain nombre d'arguments avancés par mon collègue Bernard Jomier. Avec ce projet de loi, j'ai l'impression de lire la rédaction d'un élève de troisième ! On ne nous présente ni un texte politique ni un texte technique. D'un côté, l'administration procède à des « manipulations » pour équilibrer à tout prix les comptes et, de l'autre, le Gouvernement entend protéger tous les secteurs pour éviter qu'ils ne fassent des vagues. C'est caractéristique dans le domaine de la santé, mais également pour la branche vieillesse : on parle d'économies à hauteur de 8 milliards d'euros grâce à une hypothétique réforme dont personne ne connaît les contours.
Je suis très dubitatif quant à la portée de ce projet de loi de programmation, qui pourrait pourtant être intéressant. Quel est le rôle du législateur en la matière ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure pour avis. - Le projet de loi de programmation des finances publiques et le PLFSS se combinent. C'est la moindre des choses, je l'ai dit, que nous ayons les mêmes prévisions sur une année donnée.
J'entends bien que la trajectoire imposée à l'hôpital n'est pas débattue. Certes, mais pour l'heure, ne l'oublions pas, le déficit de la sécurité sociale se creuse.
Monsieur Mouiller, nous nous sommes déjà interrogés sur la sincérité des comptes de 2021, car la Cour des comptes n'avait pas certifié les comptes. On a le sentiment qu'aucun secteur ne fait l'objet d'une remise à plat ; les choses ont bien changé depuis la création de l'Ondam. Avant 2019, on déplorait que l'Ondam soit excessivement bas ; aujourd'hui, regardons les chiffres plutôt que les taux de progression. En quatre ans, la progression de l'Ondam s'élève à près de 22 %, mais il faut compter avec la crise sanitaire et le Ségur de la santé.
Les besoins sont criants aussi bien dans les hôpitaux que dans les établissements médico-sociaux. Le rapport d'information de nos collègues Bernard Bonne et Michelle Meunier sur la prise en charge médicale des personnes dans les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) le montre.
Monsieur Jomier, je comprends que vous analysiez le projet de loi dans son ensemble et que vous ne votiez pas l'amendement sur les mises en réserve.
Le Gouvernement revendique un Ondam hospitalier n'intégrant aucun impératif d'économies, en dehors des produits de santé. Il serait peut-être intéressant que le Sénat travaille sur le fond et que nous fassions des propositions.
Mme Catherine Deroche, présidente. - Nous l'avions fait.
M. René-Paul Savary. - Nous avons produit avec Catherine Deroche un rapport d'information sur l'Ondam. Nous avions proposé de disposer d'une vision globale et avions évoqué l'idée d'une régionalisation de l'Ondam.
Pour suivre une logique de parcours du patient, on pourrait envisager une fluidité entre les différentes sous-sections de l'Ondam au travers des réserves partagées.
Mme Catherine Deroche, présidente. - Nous avions demandé que les réserves soient gelées pendant trois ans. Le taux fixe et le fait qu'elles ne soient pas focalisées sur l'hôpital constituent déjà un progrès.
EXAMEN DES ARTICLES
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure pour avis. - L'amendement COM-44 vise à compléter la trajectoire financière. Le nouveau cadre organique des lois de financement de la sécurité sociale impose que ces lois incluent, chaque année, un compteur des écarts entre les dépenses prévues par la loi de programmation des finances publiques en vigueur et le PLFSS déposé.
Pour les Robss et la FSV, l'amendement intègre les dépenses prévues pour 2026, à savoir 669 milliards d'euros.
L'amendement COM-44 est adopté.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure pour avis. - L'amendement COM-45 complète le tableau relatif à l'Ondam pour l'année 2026 à hauteur de 263,1 milliards d'euros et l'année 2027, à hauteur de 269,9 milliards d'euros.
L'amendement COM-45 est adopté.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure pour avis. - L'amendement de précision COM-46 vise à préserver la marge de manoeuvre des organismes de sécurité sociale en matière de dépenses de gestion administrative en permettant une éventuelle diminution de ces dépenses sur la période 2023-2027.
L'amendement COM-46 est adopté.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure pour avis. - L'amendement COM-47 prévoit d'encadrer la mise en réserve que le Gouvernement entend reconduire concernant l'Ondam. D'une part, il fixe le taux de la mise en réserve : il ne s'agirait plus d'un taux minimal de 0,3 %, mais d'un taux fixé à ce niveau. D'autre part, il prévoit l'application de ce taux de gel des crédits à l'ensemble des sous-objectifs, et ce afin de prévenir une « sur-mise en réserve » de certains sous-objectifs et particulièrement ne plus faire porter aux établissements de santé l'essentiel de cette mise en réserve.
L'amendement COM-47 est adopté.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure pour avis. - L'amendement COM-48 précise que la décomposition du solde des Asso que le Gouvernement enverra au Parlement au moment du dépôt du PLFSS de l'année concerne l'exercice en cours et l'exercice à venir. De plus, il prévoit qu'une décomposition similaire soit adressée au Parlement pour ce qui concerne l'exercice clos au moment du dépôt du projet de loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale. Le Parlement disposera ainsi des outils de comparaison pertinents tout au long du cycle budgétaire pour l'ensemble du périmètre des Asso.
L'amendement COM-48 est adopté.
La commission émet un avis favorable à l'adoption du projet de loi, sous réserve de l'adoption de ses amendements.
TABLEAU DES AVIS
Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, portant mesures d'urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi - Désignation des membres de la commission mixte paritaire
La commission soumet au Sénat la nomination de Mmes Catherine Deroche, Frédérique Puissat, MM. Philippe Mouiller, Olivier Henno, Mmes Monique Lubin, Michelle Meunier et M. Martin Lévrier comme membres titulaires, et de Mmes Pascale Gruny, Chantal Deseyne, Florence Lassarade, Annick Jacquemet, Annie Le Houerou, Maryse Carrère et Cathy Apourceau-Poly comme membres suppléants de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant mesures d'urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi.
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 - Audition de MM. Éric Blachon, président, et Renaud Villard, directeur général, de la Caisse nationale d'assurance vieillesse (Cnav)
Mme Catherine Deroche, présidente. - Nous entendons à présent MM. Éric Blachon, président de la Caisse nationale d'assurance vieillesse (Cnav), et Renaud Villard, directeur général, sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023.
Cette audition fait l'objet d'une captation vidéo, qui sera retransmise en direct sur le site du Sénat et disponible en vidéo à la demande.
Je remercie par avance les intervenants pour la concision de leur propos. Nous disposons d'une heure avant de passer à la suite de notre ordre du jour.
Monsieur le président, vous avez la parole.
M. Éric Blachon, président de la Caisse nationale d'assurance vieillesse. - J'entamerai mon propos en soulignant le caractère incertain et fragile de la situation et, donc, des projections.
Dans ce contexte, relativement contraint, nous enregistrons une réduction des déficits, tant de la branche vieillesse que du Fonds de solidarité vieillesse (FSV). Le déficit de la branche passe de 3,7 milliards d'euros en 2020 à 1,1 milliard d'euros en 2021 ; le solde cumulé du FSV et de la branche est négatif de 2,6 milliards d'euros en 2021, contre 6,2 milliards d'euros en 2020. Pour 2023, ce déficit devrait se creuser légèrement, avant une nette dégradation qui le porterait à 13,6 milliards d'euros en 2026, en lien avec des hypothèses de forte inflation.
À nouveau, ces éléments vous sont communiqués dans un contexte macroéconomique incertain et sachant que nous agissons sous la contrainte d'une situation démographique en tension, avec une hausse attendue du nombre de retraités pour une population stable de cotisants.
En 2030, 21 millions de personnes auront atteint l'âge de 60 ans. Nous devons poursuivre et amplifier la politique de prévention, dont la vertu est de réduire les coûts de la réparation. Il faut anticiper pour ne pas subir. C'est l'esprit qui anime l'action sociale conduite par la Cnav, en cohérence avec les objectifs fixés par l'État.
Toutefois, malgré tous nos efforts, le manque d'effectif ne nous permet plus d'assurer notre mission de service public. Notre modèle de production, fortement sollicité sur les missions hors convention d'objectifs et de gestion, s'en trouve bouleversé. Anticipant une très nette hausse de la liquidation des droits directs au cours des prochaines années, nous craignons une dégradation du solde à l'horizon de 2025.
Le PLFSS pour 2023 ne contient que peu de mesures concernant directement la branche retraite. On citera principalement le renforcement de la lutte contre la fraude et le soutien à l'autonomie, deux sujets que nous avons largement anticipés. Examiné par le conseil d'administration de la Cnav, ce projet a reçu un avis majoritairement défavorable.
M. Renaud Villard, directeur général de la Caisse nationale d'assurance vieillesse. - Effectivement, peu d'articles de ce PLFSS nous concernent directement. Je mentionnerai néanmoins l'article 41 relatif à la lutte contre la fraude, comportant deux mesures que nous accueillons avec beaucoup d'intérêt.
La première vise à donner à nos enquêteurs assermentés un accès nouveau à des données auxquelles ils n'avaient pas juridiquement accès jusqu'à présent, en leur conférant des pouvoirs de cyber-enquête.
La seconde concerne la simplification du régime des sanctions, aujourd'hui d'une rare complexité, ce qui peut pénaliser les assurés et décourager les directeurs de caisses. Il s'agirait de clarifier la chaîne en supprimant la phase de recours amiable pour saisir directement, le cas échéant, la commission des pénalités.
Ces deux mesures nous permettront d'améliorer nos dispositifs de lutte contre la fraude, domaine dans lequel nous sommes plutôt performants.
Le PLFSS est assez « vierge » sur la partie retraite - pour des raisons que vous imaginez sans doute bien mieux que moi -, d'où la concision de mon propos liminaire.
M. René-Paul Savary, rapporteur pour la branche vieillesse. - Les articles concernant la branche vieillesse sont en effet très limités.
Les projections montrent bien que le déficit va se creuser dans les années à venir. Elles montrent aussi la lenteur de la montée en charge des réformes. Sauf à choisir des méthodes très brutales, il faut tenir compte de ce délai entre la prise de décision et son application pleine et entière.
Les carrières longues posent toujours un véritable problème. Qu'en sera-t-il en cas de report de l'âge légal de départ en retraite ? Votre analyse montre une diminution du nombre de personnes concernées. Pouvez-vous développer ce point ?
Nous souhaitons aussi un éclaircissement sur la question de la durée de cotisation. Quelle est la proportion de personnes partant avec une pension à taux plein et de personnes subissant une décote ?
Nous vous avons également demandé des simulations des effets d'un décalage de l'âge de départ à la retraite, d'une accélération de la réforme Touraine - pour atteindre 43 annuités dès la génération 1967 au lieu de la génération 1973 - et un cumul de ces deux mesures. Il me semble que nous ne les avons pas reçues.
Mme Pascale Gruny, rapporteur pour la branche accidents du travail et maladies professionnelles. - Avez-vous dû accroître vos effectifs dans le cadre de la lutte contre la fraude ?
Je souhaite aussi attirer votre attention sur le fait que, à titre personnel, j'ai connaissance d'un nombre important de personnes ayant du mal à liquider leur pension de retraite. Elles sont contraintes de suivre un parcours administratif très long et ne trouvent personne au bout du fil en cas de difficulté. Elles ne trouvent pas non plus de solution au niveau des maisons France Services, alors que ces structures sont censées constituer un point d'entrée et disposer de tous les numéros utiles.
Mme Catherine Procaccia. - Le portail permettant théoriquement à chacun de suivre l'évolution de ses droits est-il bien utilisé ? En particulier, les évolutions apportées au niveau des retraites supplémentaires ont-elles porté leurs fruits ?
Cette semaine, l'Institut Montaigne a proposé une piste de réflexion sur la modulation du niveau des cotisations sociales en fonction de l'âge des salariés. Aviez-vous déjà réfléchi à cette possibilité ?
M. Renaud Villard. - Monsieur le rapporteur, je vous rejoins sur la lenteur de montée en charge des réformes : la réforme Touraine l'achèvera en 2035, tandis que la réforme Woerth l'a achevée en 2017. Pour éviter tout effet « Big Bang », nous sommes sur des rythmes très lents. Cette forte inertie dans la montée en charge des réformes paramétriques impose de les anticiper suffisamment en amont.
Le nombre de départs anticipés pour carrière longue présente une évolution en dents de scie. Au lancement du dispositif, en 2003, nous avons connu un démarrage extrêmement rapide, suivi par un ralentissement en 2009, lié au durcissement des conditions d'accès, puis par un redémarrage en 2012 sous l'effet de leur assouplissement par le président Hollande. Mais, en réalité, l'érosion du dispositif est désormais forte. Elle résulte notamment de la loi Touraine, puisque celle-ci prévoit une augmentation de la durée d'assurance, ce qui permet à de moins en moins d'assurés d'être éligibles à la retraite anticipée pour carrière longue, à moins d'avoir commencé à travailler avant 17 ans. Par ailleurs, les nouvelles générations, nées après la crise pétrolière, ont connu des conditions de scolarité et de carrière bien différentes des générations précédentes, avec des entrées plus tardives dans la vie active et des carrières plus « hachées ».
On estime que les retraités partant avec une décote représentent entre 8 et 10 % du flux. Il y a un attachement culturel très fort au taux plein, conjugué à l'impact financier lourd du départ avec décote. C'est pourquoi, d'ailleurs, nous vérifions toujours avec l'assuré qu'il est bien certain de vouloir partir de manière définitive avec une décote. Cette précaution allonge la démarche, mais nous semble de droit, au regard de l'impact de cette décision sur le montant de la pension.
Nous vous devons effectivement, monsieur le rapporteur, le chiffrage d'une combinaison entre allongement de la durée d'assurance et report de l'âge de départ à la retraite. Nous réparerons cet oubli le plus rapidement possible.
S'agissant de la fraude, trois leviers ont été employés pour améliorer nos performances. Premièrement, les effectifs de contrôleurs assermentés, ayant des prérogatives proches de celles des officiers de police judiciaire, sont passés d'une cinquantaine à près d'une centaine de personnes. Deuxièmement, des contrôleurs assermentés ont été recrutés. Troisièmement, nous avons accru la performance de nos outils de repérage des risques de fraude.
J'en viens aux difficultés dans les démarches administratives. Malheureusement, entre 5 % et 10 % des dossiers que nous traitons sont un peu kafkaïens. Ils ne doivent toutefois pas faire oublier les 90 % à 95 % d'autres !
Deux évolutions majeures sont à noter à ce propos. D'une part, nous avons considérablement réduit les délais : alors que, voilà cinq ans, un départ en retraite au 1er avril devait être mis en paiement avant le 30 mai, cette échéance a été ramenée au 31 mars. D'autre part, nous avons mis en place un service de réclamation, pour lequel nous avons des délais opposables. Nous devons encore nous améliorer sur la détection, le plus en amont possible, des dossiers qui n'entreront pas dans les bonnes cases et demanderont des délais de traitement longs.
En revanche, je m'inscris en faux sur l'absence d'interlocuteurs : nous répondons à plus de 85 % des appels qui nous sont adressés, avec un délai moyen de 5 minutes d'attente. Nous pouvons toujours nous améliorer, mais nous répondons !
Les maisons France Services ont toutes noué un partenariat avec nous, qui leur garantit un contact privilégié. Autrement dit, madame Gruny, la théorie vous contredit... La pratique, elle, vous donne raison ! Afin d'améliorer la situation, les ministres Stanislas Guerini et Caroline Cayeux nous ont récemment annoncé le déploiement - de mémoire - d'un demi-effectif par département pour animer, resserrer ce partenariat et éviter qu'il ne soit désincarné.
La loi sur les contrats de retraite supplémentaire en déshérence est bel et bien mise en oeuvre. Le droit à l'information inclut donc désormais ces contrats. Je n'ai pas d'éléments sur l'impact en termes de non-recours, mais plus de 80 % des contrats sont remontés à la date de juillet dernier, ce qui devrait nous offrir un levier très puissant sur la question des droits en déshérence.
Enfin, j'ai regardé trop rapidement l'étude de l'Institut Montaigne. Leur proposition me semble assez proche de la dynamique envisagée en 2018 et 2019, c'est-à-dire une articulation entre durée d'assurance et âge de départ à la retraite. Cela donne un modèle très pur en termes mathématiques, mais difficilement compréhensible pour les assurés.
M. Éric Blachon. - Il faut avoir conscience que nous sommes maintenant dans un système industrialisé de la retraite. Nous avons besoin de process efficaces et, comme dans toute industrie, nous nous heurtons aux 10 % de production posant problème. Comme l'a indiqué Renaud Villard, 90 % des nouveaux retraités sont satisfaits de nos services et nous travaillons à améliorer la situation pour les 10 % restants. En effet, il est inacceptable qu'une personne se retrouve en situation de rupture financière parce que son dossier n'a pas été traité en temps et en heure.
Aujourd'hui, 12 millions d'espaces personnels assurance vieillesse ont été créés. C'est une bonne orientation pour le futur. Mais désincarner la relation pose tout de même problème, compte tenu du niveau d'illettrisme, d'illectronisme ou du nombre de personnes vivant en dehors des zones de couverture. Nous avons donc choisi de mettre l'accent sur la relation.
Par ailleurs, les réformes qui se mettent en place se heurtent toujours à un problème de transfert de charge. Les futurs retraités, qui pourraient travailler encore quelques années de plus pour atteindre l'âge souhaité par le Gouvernement, vont avoir à traverser un moment délicat, puisque la tendance, on le sait, est de ne pas conserver les séniors jusqu'au bout. Le monde patronal a des propositions sur le sujet, la discussion est engagée, mais il faut être conscient de cette possibilité de transfert de charges au niveau des comptes publics.
Mme Monique Lubin. - De quoi parle-t-on exactement quand on parle de fraudes au niveau de la Cnav ?
Par ailleurs, il est aujourd'hui très facile de monter un dossier de retraite si l'on a suivi une carrière relativement peu complexe. Ceux qui rencontrent des difficultés ont souvent des dossiers compliqués. Les agents des maisons France Services, en dépit de leur bonne volonté, ne sont pas omniscients. En conséquence, pouvez-vous nous dire comment les choses se passent concrètement pour ceux qui font appel à ce réseau ?
Mme Jocelyne Guidez. - Quelles actions la Cnav mène-t-elle pour simplifier les démarches et le parcours des personnes âgées désireuses d'obtenir une aide financière pour le maintien à domicile ?
Mme Cathy Apourceau-Poly. - Vous avez évoqué le manque d'effectif au sein de la Cnav, qui porte préjudice à ses missions de service public. J'ai lu avec beaucoup d'intérêt que la Cnav avait versé 957 000 euros au cabinet McKinsey pour un rapport de 50 pages et un diaporama PowerPoint. Je suis étonnée de voir que, d'un côté, on déplore ne plus pouvoir jouer son rôle de service public et, de l'autre, on paie un tel montant à un cabinet de conseil. Est-ce une pratique régulière pour la Cnav ?
Mme Annick Jacquemet. - Il faut avoir cotisé 5 trimestres avant son vingtième anniversaire pour pouvoir bénéficier du dispositif de retraite anticipée pour carrière longue. Qu'en est-il des femmes ayant eu un enfant avant leur vingtième anniversaire ? Pourquoi ne bénéficient-elles pas de ce dispositif ?
En matière de fraude, il semblerait que de nombreux centenaires vivant à l'étranger continuent de toucher leur retraite. Croisez-vous les fichiers non seulement en France, mais aussi à l'étranger ?
M. Alain Milon. - Ma question complète celle de Mme Lubin. Est-ce normal que, dans ce PLFSS, le seul article relatif aux retraites concerne les fraudes ? Tout le monde, dans le débat public, parle de fraude. On donne le sentiment aux citoyens qu'elle est la seule cause des déficits de la sécurité sociale, ce qui est évidemment faux. À combien estimez-vous son poids réel ?
M. Renaud Villard. - Les fraudes, pour la Cnav, représentent 300 millions à 400 millions d'euros par an. C'est considérable, mais, rapportées à 150 milliards d'euros de recettes, peu en proportion.
Nous recensons trois catégories principales de fraudes : la dissimulation de décès à l'étranger ; la fraude aux minima sociaux - la personne oublie de déclarer certaines ressources ; et la fraude à la résidence - la personne oublie de mentionner un départ à l'étranger pour des minima sociaux soumis à condition de résidence.
Le risque est donc réel, mais ce n'est pas en luttant contre la fraude que l'on ramènera la branche vieillesse à l'équilibre.
S'agissant des centenaires, nous en comptabilisons 16 000 sur les 15 millions de retraités, dont 1 000 vivent à l'étranger. Sur ces 1 000, peut-être que 100 à 200 sont morts, mais la pension moyenne de ces centenaires s'établit à 240 euros par mois. Autrement dit, si nous sommes sur une fraude totale de 500 000 euros, c'est le maximum ! Cela ne signifie pas que nous ne nous attaquons pas au problème : nous avons accès aux tables de mortalité et aux pyramides des âges, par exemple en Algérie, pays étranger comptant le plus de bénéficiaires d'une pension de retraite française ; nous confrontons ces données à nos propres tables de mortalité ; au moindre doute, nous diligentons un contrôle sur place. Enfin, la loi permet désormais aux pensionné d'apporter la preuve de leur existence par le biais de la biométrie ; nous menons actuellement une expérimentation visant à permettre la pleine application de ces dispositions.
Nous n'avons donc pas le main qui tremble en matière de lutte contre la fraude. Pour autant, j'insiste, ce n'est pas cela qui nous permettra d'équilibrer nos comptes.
Nous considérons France Services, au regard de notre réseau, comme le « dernier kilomètre ». Il n'est pas en capacité de répondre sur le fond avec l'expertise requise, mais il offre un accompagnement à l'assuré et permet de le mettre en relation avec nos services. L'enjeu, pour moi, sera maintenant d'y projeter des agents via des entretiens web. Bien que n'étant pas majeur par rapport aux canaux principaux de la Cnav, ce réseau nous permet de gérer le cas de 100 000 assurés, que nous aurions eu du mal à atteindre sans cela.
Pour les personnes âgées et leur accès aux aides, c'est une simplification radicale que nous avons mise en oeuvre. Nous avons construit, en lien avec la nouvelle cinquième branche, un parcours de demande d'aide, en ligne ou sur support papier. Ce dispositif, lancé en 2021, est opérationnel et 12 départements l'ont déjà adopté. Dans ce cadre, nous avançons les aides sollicitées et nous discutons ensuite avec les départements pour définir la nature de l'aide, APA ou aide sociale de la Cnav. Avec ce parcours, nous nous inscrivons dans une logique de partenariat et de co-construction, notamment avec l'Assemblée des départements de France (ADF).
Je précise, pour répondre à la question sur le cabinet McKinsey, que les charges de personnel de la Cnav s'élèvent à 1,4 milliard d'euros. Ce n'est pas avec le montant de cette étude, moins d'un million d'euros, que je pourrais augmenter les salaires ! Nous avons bénéficié, dans ce cadre, d'une démarche d'accompagnement extrêmement longue, justifiée par le fait que le Gouvernement - nous étions alors en septembre 2019 - venait de mettre sur la table un projet de réforme systémique. J'aurais été irresponsable si je n'avais pas pris le temps de me faire assister par une aide extérieure pour anticiper un tel choc. La Cnav a bien évidemment des compétences et des conseils en interne, mais pas pour absorber une telle transformation ! Dans son rapport sur le sujet, Mme Éliane Assassi souligne que la mission de la société McKinsey n'a pas produit d'effets : je n'allais pas continuer à engager de l'argent public pour une réforme abandonnée en mars 2020 ! J'ajoute que la Cnav a une consommation infinitésimale de prestations de sociétés de conseil en stratégie en temps normal et, tout à fait humblement, je me permets d'indiquer que la proposition de loi que vous avez adoptée récemment semble de bon aloi. Elle ne mettra pas en difficulté le gestionnaire que je suis !
Enfin, ne sont réputés cotisés pour l'accès à la retraite anticipée pour carrière longue que quelques trimestres correspondant à des aléas de carrière, maladie ou chômage. Les majorations de durée d'assurance liées aux enfants ne sont pas prises en compte dans ce cadre.
M. Éric Blachon. - Nous pouvons avoir des ambitions et imaginer des maisons France Services compétentes dans tous les domaines, mais les faits s'imposent à nous. On ne peut leur demander qu'un premier niveau d'intervention, même s'il est très utile. Nous allons en tout cas travailler dans le sens d'une amélioration, tout comme nous travaillons à la simplification des démarches des assurés.
La Cnav est un grand service public, qui répond à des injonctions gouvernementales et légales. C'est ce qu'expliquait Renaud Villard à propos du cabinet McKinsey. Il faut savoir ce que l'on veut : si on nous demande d'être toujours au rendez-vous, sans nous permettre d'anticiper, c'est problématique ! Je reconnais néanmoins un défaut de notre part au niveau de la communication. Nous allons nous améliorer dans ce domaine.
Dernier point, nous sommes tous très intéressés par la prévention. Si nous continuons sur la trajectoire de nette réduction de notre budget d'action sociale, nous ne serons plus en capacité de faire de la prévention et de l'action sanitaire et sociale, notamment pour permettre aux personnes âgées de rester à domicile.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 - Audition de Mme Anne Thiebeauld, directrice des risques professionnels de la Caisse nationale de l'assurance maladie (Cnam)
Mme Catherine Deroche, présidente. - Nous entendons à présent Mme Anne Thiebeauld, directrice des risques professionnels de la Caisse nationale de l'assurance maladie (Cnam), sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023.
Cette audition fait l'objet d'une captation vidéo, qui sera retransmise en direct sur le site du Sénat et disponible en vidéo à la demande.
Je remercie par avance les intervenants pour la concision de leur propos. Nous disposons d'une heure avant de passer à l'audition suivante.
Madame la directrice, vous avez la parole.
Mme Anne Thiebeauld, directrice des risques professionnels de la Caisse nationale de l'assurance maladie. - Le PLFSS comprend peu de dispositions sur la branche accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP) de la Cnam, en dehors des aspects financiers.
Après une situation atypique de déficit en 2020, de l'ordre de 200 millions d'euros, la structuration des comptes de 2021 et les prévisions pour les années suivantes montrent un retour à une situation excédentaire, telle que la branche en connaît depuis les années 2012 et 2013, essentiellement sous l'effet de la reprise d'activité et de l'atténuation des contraintes sanitaires. L'excédent de la branche est évalué à 2 milliards d'euros pour 2022 et 2,2 milliards d'euros pour 2023.
Les missions de la branche, comme vous le savez, sont interdépendantes et s'appuient sur un réseau implanté dans différents organismes de sécurité sociale, aux niveaux régional et départemental. Elles consistent, d'une part, en la prévention des risques professionnels - mission qui s'adresse aux entreprises du régime général - et, d'autre part, en l'indemnisation des salariés en situation d'incapacité temporaire ou permanente.
En matière de santé au travail, l'année 2021 reste marquée par l'effet de la crise, avec un niveau d'activité partielle encore un peu parasitant pour l'établissement des statistiques annuelles de la branche.
Jusqu'en 2019, l'indice de fréquence des accidents de travail s'établissait autour de 33 ou 34 pour mille salariés. En neutralisant l'effet de l'activité partielle, il passe, en 2020 et 2021, à 30 ou 31 pour mille salariés. Il faudra voir si cette baisse se confirme dans la durée.
Les données de volumétrie constatées pour les accidents de travail et les maladies professionnelles atteignent, à la fin de 2021, un niveau légèrement inférieur à celui de 2019. À nouveau, le caractère structurel de cette baisse devra être confirmé.
L'activité de la branche a repris, avec près de 40 000 visites en entreprise pour des accompagnements en prévention, la poursuite du déploiement des programmes et un peu plus de 70 millions d'euros d'aide financière directe attribués aux entreprises.
En tarification, le taux moyen de cotisation calculé était de 2,24 % pour 2022 et, a posteriori, il s'établit à 2,03 %. C'est un des taux les plus bas connus au cours des dernières années.
En matière de reconnaissance du caractère professionnel des accidents et des maladies, les résultats montrent une bonne homogénéité de service sur le territoire.
Hors articles financiers, et en miroir avec la branche maladie, les articles du PLFSS concernant la branche sont consacrés à la lutte contre la fraude, avec l'encadrement du recours à la téléconsultation et les mesures concernant la méthodologie et le profil des investigateurs.
Mme Pascale Gruny, rapporteur pour la branche accidents du travail et maladies professionnelles. - La majorité des maladies professionnelles sont liées aux troubles musculo-squelettiques (TMS). Pouvez-vous nous donner des éléments d'évaluation sur le programme de prévention de la branche AT-MP dans ce domaine ?
Les troubles psychiques liés au travail occupent également une place importante. Quel coût représente leur prise en charge pour la branche ? Quelles actions sont mises en oeuvre pour limiter les risques psychosociaux ?
La Cour des comptes a consacré un chapitre de son dernier rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale à la maîtrise des risques professionnels dans les établissements et services médico-sociaux, où la sinistralité apparaît particulièrement élevée. Elle se prononce en faveur d'incitations financières individualisées en fonction de la sinistralité de chaque structure, alors que le secteur bénéficie d'un taux de cotisation AT-MP collectif. Qu'en pensez-vous ? Quelles actions de prévention sont menées dans ce secteur ?
Compte tenu de la trajectoire excédentaire de la branche, des réflexions sont-elles menées sur un rééquilibrage ? Quelles sont les pistes envisagées ? Peut-on rendre de l'argent aux employeurs pour qu'ils fassent plus de prévention encore ?
Le PLFSS propose également de fixer à 1,2 milliard d'euros pour 2023 le montant du transfert opéré au titre de la sous-reconnaissance des AT-MP au sein de la branche maladie. L'accroissement de ce transfert n'est-il pas susceptible de décourager les efforts de la branche et des entreprises en faveur de la prévention ? Comment justifier que le montant du versement soit encore pris en compte dans le calcul des cotisations AT-MP des employeurs ?
Enfin, il conviendrait que l'on nous dise à quoi sert ce transfert de 1,2 milliard d'euros... S'il était affecté à la prévention de pathologies liées au travail ou à la lutte contre la sous-déclaration, je comprendrais mieux !
Mme Anne Thiebeauld. - Effectivement, 90 % des maladies professionnelles sont des TMS. Ceux-ci concernent la grande majorité des secteurs d'activité. Pour la branche AT-MP, c'est une préoccupation forte et ancrée dans la durée.
Nous déployons depuis 2014 un programme national de prévention de ces troubles, dit TMS-Pros. Tous les cinq ans, nous menons sur ce programme un exercice d'évaluation très approfondi. Les entreprises peuvent y adhérer de manière volontaire, mais ce sont surtout les préventeurs des caisses d'assurance retraite et de santé au travail (Carsat) qui ciblent des entreprises de leur territoire, en fonction du taux de sinistralité. Il faut que la sinistralité soit avérée, c'est-à-dire que l'entreprise ait perdu plus de 600 journées de travail au cours de l'année précédente, contre une moyenne avoisinant 300 jours. Depuis 2014, environ 13 000 établissements sont entrés dans le programme ; ils sont 8 000 depuis 2018. Les secteurs d'activité principalement concernés sont le secteur médico-social, le commerce de détail, la grande distribution, la métallurgie, le bâtiment, le transport et la logistique.
La démarche est pertinente dans sa structuration, avec un programme assez classique d'accompagnement en quatre étapes : diagnostic de la situation ; identification des situations exposantes ; développement d'un plan d'action ; évaluation de ses effets. Sont aussi évalués positivement les critères de ciblage des entreprises précités, l'approche sectorielle et les offres de services que nous proposons. Nos partenaires, principalement des fédérations professionnelles, jugent très majoritairement le programme utile, ainsi que les entreprises qui l'ont suivi.
Dans les points à améliorer, il faut valoriser positivement et financièrement les entreprises qui investissent dans ce programme de prévention. C'est une piste de réflexion. L'outil informatique accompagnant TMS-Pros a également connu quelques soucis.
Comme toute politique publique de prévention, la grande difficulté est de mesurer objectivement l'impact en termes d'évitement de risque. Néanmoins, on constate que l'indice de fréquence de survenue des TMS baisse deux fois plus vite au sein des entreprises engagées dans TMS-Pros depuis 2014 que dans les autres entreprises. L'effet est encore plus intense pour le secteur de l'aide et des soins à la personne : les cas de TMS ont progressé de 14 % entre 2014 et 2019 dans le secteur, tandis qu'ils baissaient de 8 % au sein des entreprises ayant suivi le programme.
S'agissant des troubles psychiques, ils occupent également une part croissante. On voit traditionnellement la prise en charge à titre professionnel de ces troubles à travers les maladies professionnelles, qui, pour être reconnues par la branche, doivent entraîner un taux d'incapacité permanente supérieur à 25 %. Le seuil de gravité étant relativement élevé, le nombre de ces maladies est légèrement supérieur à 1 500 par an. Mais on sait moins que la branche prend aussi en charge annuellement 12 000 accidents de travail au titre des troubles psychosociaux. La valeur du risque de ces affections psychiques représente environ 200 millions d'euros en accidents de travail et 166 millions d'euros en maladies professionnelles, pour une valeur du risque totale de 9 milliards d'euros. Trois secteurs sont principalement concernés : le secteur médico-social, le transport, notamment de personnes, et le commerce de détail. Ils ont un point commun, le rapport au public.
En termes d'action de prévention, nous menons une démarche d'alerte et de sensibilisation auprès d'entreprises qui présentent un taux d'absentéisme particulièrement fort, deux à trois fois supérieur à la moyenne du secteur. Nous pouvons alors les accompagner dans le déploiement de démarches de prévention. Pour cela, nous pouvons leur proposer de la documentation, des formations, des outils d'aide à l'objectivation du risque, etc. Nous avons également travaillé sur un réseau de consultants en risques psychosociaux (RPS) labellisés auxquels les entreprises peuvent faire appel.
S'agissant de la tarification des établissements médico-sociaux, l'existence de taux forfaitaires se justifie pleinement, mais, sur des secteurs en forte sinistralité, nous perdons un levier très important en prévention : le caractère incitatif de la tarification. Des préconisations ont été faites pour revenir à un dispositif de droit commun, mais ce retour aurait un impact financier douloureux, notamment pour l'hébergement et l'aide à domicile des personnes âgées - le sujet est donc sensible. Pour près de 40 % des établissements, il n'y aurait pas d'incidence et on trouverait quelques gagnants, notamment les établissements pour personnes handicapées, petite enfance et prise en charge de l'adolescence. Le sujet reste ouvert.
Comme je l'indiquais en introduction, le PLFSS prévoit un retour à un excédent significatif et durable de la branche. En tant que directrice des risques professionnels, je n'ai pas de positionnement spécifique sur les perspectives financières. Au sein des finances sociales, il y a une approche transversale de l'équilibre financier des différentes branches : c'est le modèle historique de la sécurité sociale.
La question de la compensation du coût de la sous-déclaration des AT-MP ne renvoie pas à la même problématique : le reversement à la branche maladie n'est pas en lien avec un besoin de combler le déficit de cette branche. Le rapport de la commission chargée d'estimer le coût de la sous-déclaration - commission indépendante, je le rappelle - est très étayé. Il établit techniquement et scientifiquement le phénomène de sous-déclaration, notamment en matière de maladies professionnelles. La déclaration pour les maladies est effectivement laissée à la main des assurés et, dans le cas, par exemple, de cancers professionnels se déclarant avec un effet différé, vingt à trente ans après l'exposition, ce peut être une initiative complexe à entreprendre.
Mme Michelle Meunier. - La Cour des comptes a bien mis en évidence l'importante sinistralité du secteur médico-social, en particulier dans les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) et pour les aides soignantes. Elle a avancé des pistes de réflexion mais a également rappelé cette vérité : s'il y avait plus de personnel auprès des patients, il y aurait certainement moins d'accidents de travail et d'arrêts maladie ! Vous avez évoqué des boîtes à outils. Dans ce domaine particulier, envisagez-vous des campagnes pour passer de la logique du curatif à la logique de la prévention ?
Mme Laurence Cohen. - Votre tâche n'est-elle pas rendue plus difficile par la suppression des comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), surtout si l'on ajoute à cela la pauvreté de la médecine du travail ?
Vous avez évoqué la possibilité de survenue de cancers longtemps après l'exposition, ce qui complique la déclaration en maladie professionnelle. Dans le cas précis de l'amiante, j'ai été alertée sur le fait que d'autres cancers - du larynx, des ovaires, de l'estomac,... - pourraient être dus à une exposition à cette matière, mais ne sont pas reconnus en tant que tels. Un élargissement de la liste aurait-il une incidence sur votre mission ?
Enfin, certains professionnels ont été exposés en nombre à la covid-19, surtout dans la première période de l'épidémie, soit par méconnaissance, soit sous l'action d'employeurs peu scrupuleux. Cette exposition est-elle reconnue, car certains travailleurs ont pu développer des formes extrêmement graves ?
M. Philippe Mouiller. - En complément de l'intervention de Michelle Meunier, j'indique qu'une des préconisations de la Cour des comptes est de compléter les contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens (CPOM) par un volet accidents du travail, intégrant la prévention, la formation et les moyens matériels, voire immobiliers, prévus pour améliorer la sinistralité. Mais il s'agit d'un secteur aujourd'hui très tendu, à la fois sur le plan financier et sur le plan humain. La question qui se pose est donc : comment pourriez-vous soutenir le secteur médico-social dans ces domaines ?
Mme Anne Thiebeauld. - Nous partageons votre préoccupation sur le médico-social. Pendant la période de mise en oeuvre de la COG 2018-2022, nous avons testé l'intégration d'une démarche sectorielle spécifique pour le secteur, notamment auprès des Ehpad mais aussi auprès des aides à domicile dont les problématiques de risques professionnels ne sont pas tout à fait les mêmes. Environ un millier d'Ehpad ont été embarqués dans le programme TMS-Pros, pour un résultat positif au regard de l'évaluation dont je vous ai fait part. Il s'agit d'une orientation que nous souhaitons renforcer pour la prochaine période : nous envisageons d'augmenter le nombre d'employeurs ciblés par TMS-Pros dans le médico-social, mais aussi d'avoir une approche sectorielle multirisques : outre les RPS que nous avons déjà évoqués, elle portera également sur le risque de chutes de plain pied, qui est le deuxième risque constaté dans le secteur.
L'entreprise qui adhère à TMS-Pros bénéficie d'un accompagnement dans la durée. Le programme comprend d'abord des outils simples et accessibles permettant aux entreprises de ce secteur d'activité, y compris de taille modeste, d'évaluer précisément leurs risques. Il comprend également des offres d'incitations financières - en 2021, 70 millions d'euros ont été dépensés par la branche en aides financières directes. Elles permettent le cofinancement jusqu'à 70 % d'actions de formation pour les personnels ainsi que d'achats d'équipements, par exemple des lève-personne dans les établissements d'hébergement. Ces aides concrètes sont importantes, même si elles ont connu un succès modéré ces dernières années. Elles ne remplaceront naturellement jamais la volonté de l'employeur de s'inscrire dans la démarche, a fortiori compte tenu de la situation de l'emploi dans ce secteur, mais elles existent.
Les CHSCT ont été remplacés par les commissions santé, sécurité et conditions de travail (CSSCT) des CSE qui sollicitent la branche AT-MP ainsi que les préventeurs des Carsat, lesquels peuvent intervenir lors des séances. En dehors de la branche, qui n'a pas de compétence en matière de médecine du travail, les intervenants en prévention au sein des services de prévention et de santé au travail (SPST) peuvent intervenir en premier niveau.
S'agissant de la reconnaissance en maladie professionnelle des cancers liés à l'amiante hors tableaux, une expertise Anses a été réalisée sur ce sujet. Comme vous le savez, la création d'une voie de reconnaissance sous forme de tableau renvoie à une procédure spécifique qui ne relève pas de la direction des risques professionnels mais de la commission spécialisée chargée des maladies professionnelles (CS4) du comité d'orientation des conditions de travail (COCT). Le cas échéant, cette procédure peut déboucher sur la création d'un tableau qui sera mis en application par la CNAM AT-MP. Pour autant, les salariés qui se voient diagnostiquer une maladie hors tableau ont aujourd'hui la possibilité de saisir le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP) en cas de taux d'incapacité permanente supérieur ou égal à 25 %.
Enfin, 2 316 cas de covid-19 ont été pris en charge en tant que maladie professionnelle, dont 1 645 au titre du tableau 100 qui concerne les soignants ou les personnes ayant exercé dans un établissement de soins pendant l'épidémie.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
- Présidence de Mme Catherine Deroche, présidente -
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 - Audition de M. Jean-René Lecerf, président, et Mme Virginie Magnant, directrice, de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA)
Mme Catherine Deroche, présidente. - J'ai le plaisir d'accueillir Jean-René Lecerf qui préside désormais la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) et de retrouver ainsi un ancien collègue dans nos murs. Il est accompagné de Mme Virginie Magnant, directrice de la CNSA. Notre audition porte sur le PLFSS pour 2023 mais nous allons peut être déborder tant le sujet est vaste, les besoins sont grands et nécessitent des solutions.
Je vous rappelle que cette audition fait l'objet d'une captation vidéo qui sera retransmise en direct sur le site du Sénat et disponible en vidéo à la demande.
M. Jean-René Lecerf, président de la CNSA. - Je reviens avec beaucoup d'émotion dans cette salle, j'ai été en effet membre de la commission des affaires sociales avant d'émigrer à la commission des lois.
Je vais prononcer quelques mots d'introduction avant de laisser la parole à Virginie Magnant qui répondra aux questions plus techniques.
Je vais rappeler la spécificité de la CNSA qui a conservé son organisation précédente, même depuis qu'elle est devenue la 5e branche de la sécurité sociale. Le conseil de la CNSA est composé de l'ensemble des parties prenantes parmi lesquelles les représentants des associations et des fédérations des personnes en situation de handicap, des personnes âgées, des grandes institutions de l'autonomie comme la fédération hospitalière de France (FHF) et de trois personnalités qualifiées dont je fais partie et parmi lesquelles est choisi le président du conseil. Mon élection n'a pas été compliquée les deux autres personnes qualifiées n'étant pas candidates. La voix du président ne porte que s'il maintient la cohésion de la majorité du conseil composé également de représentants du département, des employeurs et des syndicats. Elle se doit d'être emblématique de la position du conseil. Je n'ai pas de voix en dehors du conseil. Si j'étais mis en minorité, je quitterai le conseil qui a un pouvoir d'incitation, d'initiative, voire de contrôle mais certainement pas de caution des pouvoirs publics. Je suis d'accord pour jouer un rôle de conscience mais pas un rôle de caution. Nous avons avec la directrice une complémentarité. Chacun intervient dans son domaine. Elle a un devoir de loyauté envers l'exécutif et moi j'ai ma liberté d'expression. Le pouvoir de critique du conseil est total. C'est également un moyen de pression sur les pouvoirs publics pour tenter de les orienter dans un sens ou un autre en faveur de l'autonomie.
J'ai pris la présidence il y a quelques mois, à mon grand étonnement, et j'ai compris que ce sont essentiellement mes anciennes fonctions de président de département qui avaient motivé ce choix. Le Premier ministre avait remarqué que la CNSA et les départements ne se parlaient plus. Il souhaitait que je remette du lien et que l'on retrouve un partenariat entre les uns et les autres. Il est vrai que durant les 6 ans du précédent mandat, les présidents de département n'ont assisté à pratiquement aucune réunion du conseil de la CNSA. Les choses ont largement changé. Aujourd'hui, un des vice-présidents de la CNSA est un président de département au côté d'un représentant du monde du handicap et de celui du monde du grand âge.
J'ai trouvé une situation très largement marquée par le climat et les défis actuels, avec des évènements qui nous échappent, liés aux conflits internationaux, qui entraînent une augmentation des coûts de l'énergie, de l'inflation et par conséquent des besoins nouveaux pour les établissements sociaux, médico-sociaux et les Ephad, bref pour tout le monde de l'autonomie. Nous sommes tous confrontés au défi colossal du vieillissement de la population, qui va progresser très fortement jusqu'en 2030, avec une part plus importante de personnes dépendantes. Nous devons prendre aujourd'hui les mesures, demain sera trop tard. Il faudrait construire des structures intermédiaires entre le domicile et l'Ephad, des résidences-services, des résidences-autonomie, mettre en place de l'habitat partagé, du logement inclusif, développer l'accueil familial ... Cela va demander du temps. Ce défi est doublé d'un autre défi, sans le personnel de soins et d'accompagnement nécessaire, on n'arrivera pas à grand-chose ! Nous avons besoin non seulement de médecins mais également de « petites mains » dans le secteur de l'aide à domicile et des aides-soignants notamment. D'ici 2025, nous devrions embaucher 360 000 aides à domicile et aides-soignants, dont 200 000 pour remplacer ceux qui partent en retraite ou changent de métier. Il y a, en outre, un grand manque d'attractivité pour ces métiers, notamment par le manque de sens des responsabilités que l'on donne. J'ai été très choqué d'entendre que le salaire moyen d'une aide à domicile est de 800 €. C'est un salaire très inférieur au SMIC parce que ces personnels sont souvent à temps partiel, avec une journée hachée et qu'ils doivent utiliser leur véhicule avec des frais de déplacement mal remboursés. L'attractivité constitue un enjeu colossal à travers la reconnaissance de ces métiers, notamment financière et par la mise en place de carrière professionnelle. À 65 ans, je pense qu'il est difficile de continuer à exercer le métier d'aide à domicile en connaissant les difficultés physiques de ce travail. Il faut pouvoir faciliter le passage de la fonction d'aide à domicile à la fonction d'aide-soignant, de créer des personnes « ressources » lorsqu'elles prennent de l'âge, afin qu'elles puissent être des guides pour leurs jeunes collègues. Nous sommes confrontés à deux défis fondamentaux : le défi climatique et le défi du vieillissement. Concernant le premier, nous ne sommes pas sûrs de le gagner. Il requiert l'unité des uns et des autres. En revanche, sur le deuxième, à partir de 2030, où les choses se passent bien car on a été bon, ou les choses se passent mal ! Et là notre responsabilité est pleine et entière.
Tout cela pour vous expliquer l'avis que le conseil a rendu sur le PLFSS pour 2023 qui est pour la majorité de ses membres une prise d'acte, avec quelques votes positifs ou négatifs et des abstentions, les représentants de l'État n'ont pas pris part au vote afin de respecter l'indépendance du conseil. Cet avis nuancé s'explique par les défis que je viens d'énoncer. Il nous semblait qu'une grande loi était fondamentale pour expliciter ces défis à l'opinion publique et qu'elle devienne partie prenante sur la question de l'autonomie. Je me souviens des reproches que l'on nous avait faits sur la loi pénitentiaire considérée comme trop bavarde car, avec Robert Badinter, nous avions voulu expliquer le sens de la peine à l'article 1er ! La loi a été un phare nous permettant ultérieurement de travailler. Nous souhaiterions, au conseil du CNSA, une grande loi sur l'autonomie qui nous permette d'avancer. Tout cela aura bien sûr un prix, le prix de la prise en charge des plus vulnérables. Si on considère que l'accompagnement et le soin des plus vulnérables est une obligation de résultat et non pas seulement une obligation de moyens, cela coutera de l'argent. Avec une grande loi, cela permettra une cohérence d'ensemble. Il y a de bonnes mesures dans ce PLFSS, notamment en termes de crédits pour les personnes en situation d'handicap et les personnes âgées, et de bonnes initiatives comme les heures de lien social pour les bénéficiaires de l'APA. Nous aspirons à une cohérence d'ensemble, une convergence entre le grand âge et le handicap.
Je pense qu'il était important de remettre ce dossier en perspective.
M. Philippe Mouiller, rapporteur pour la branche autonomie. - Je vous remercie pour ces propos liminaires qui restituent bien le contexte de l'examen du PLFSS. Les besoins sont de plus en plus importants et les structures souffrent de l'inflation, de difficultés de recrutement et de ressources, notamment en matière de rémunérations, avec des charges supplémentaires.
Dans ce contexte budgétaire, le PLFSS a conclu à un déficit de la branche, avec une amélioration prévue en 2024 de 0,9 milliard d'euros selon les projections figurant à l'annexe B du PLFSS. Pensez-vous que les engagements financiers qui sont en progression, sont suffisants pour couvrir les difficultés des différents établissements ? On retrouve, en parallèle, un engagement pour le recrutement de 50 000 ETP supplémentaires dans les années qui viennent ; est-ce que les recettes disponibles donnent assez de souplesse pour gérer à la fois 2023 et 2024, au regard des besoins ? Les associations du monde du handicap sont aujourd'hui contre le budget même si elles notent l'évolution des crédits.
Ensuite, pouvez-vous nous présenter les mesures prévues pour les personnes handicapées et les personnes âgées qui ne font pas l'objet d'un article législatif spécifique mais peuvent bénéficier d'un financement ?
Sur l'article 32 consacré à la transparence, la procédure de récupération des financements publics employés à un objet différent de celui prévu par les textes vous semble-t-elle répondre aux besoins ?
À la suite de la mission Igas-Igf, la CNSA a engagé une procédure à l'encontre de la société Orpea visant à récupérer près de 56 millions d'euros (55,8 millions d'euros). Le groupe Orpea a indiqué qu'il ne reverserait pas l'intégralité de cette somme. Cette position a-t-elle été communiquée officiellement à la CNSA ? Pouvez-vous nous indiquer les mesures que la CNSA ou le Gouvernement compte prendre afin de récupérer les sommes dues ?
La loi de financement de la Sécurité sociale pour 2022 a instauré un tarif plancher national par heure d'intervention par des services prestataires d'aide à domicile pour les plans d'aide à l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) et aux prestations de compensation du handicap (PCH). Le Gouvernement a déposé un amendement visant à prévoir la revalorisation de ce tarif en 2023. De quels éléments disposez-vous sur cette revalorisation ? Et qui va financer ?
Le Gouvernement a, aussi, déposé un amendement à l'Assemblée nationale dont l'objet est de conforter le rôle de la CNSA, dans la maîtrise d'ouvrage du système d'information, lui permettant de développer progressivement des briques nationales (modules évaluation, portail usagers, etc...) dans le cadre de la convergence vers un SI autonomie. Même si nous disposons déjà de nombreux rapports, cet outil permettra-t-il de disposer des données nécessaires à l'évaluation des besoins et à une gestion plus fine des politiques publiques en direction des personnes âgées et des personnes handicapées ?
Enfin, nous regrettons de ne pouvoir travailler sur une grande loi sur l'autonomie. Traiter toutes ces évolutions uniquement dans le cadre du PLFSS ne règle que des problèmes budgétaires sans réforme de fond d'organisation et de prise en charge. C'est peut être un message commun que nous pourrions porter ensemble.
Mme Virginie Magnant, directrice de la CNSA. - En guise de propos liminaire, je voulais souligner que le conseil de la CNSA a été renouvelé récemment. Les représentants associatifs, les représentants des conseils départementaux et les personnalités qualifiées, dont fait partie notre président, ont été renouvelés depuis le dernier exercice. Avec la création de la branche autonomie, la CNSA a connu et connaît encore une transformation profonde. C'est une structure tout à fait originale par sa gouvernance nationale et par son mode d'articulation avec les acteurs territoriaux de pilotage de la politique d'autonomie. La CNSA ne s'appuie pas sur un réseau de caisses locales à la différence des Caisses maladie ou familiale. La branche autonomie pilote la mise en oeuvre de la qualité du service aux personnes âgées ou handicapées, pilote la réponse aux besoins et l'organisation des parcours d'accompagnement, avec comme partenaires, les conseils départementaux et les agences régionales de santé. Ces dernières jouent un rôle très important tant pour organiser, piloter et financer l'offre médico-sociale que pour organiser le soin à la fois primaire et spécialisé. Avec la création de la branche autonomie, la CNSA a disposé d'une nouvelle feuille de route. La convention d'objectif et de gestion (COG) a été approuvée à l'unanimité par le conseil fin mars pour la période 2022-2026 qui représente une étape importante vers l'horizon 2030 où la part des plus de 60 ans sera plus importante que celle des moins de 20 ans et où le nombre des plus de 75 ans aura doublé. Il sera alors indispensable d'avoir opéré un développement quantitatif et qualitatif des réponses aux personnes pour accompagner les nouveaux besoins en matière de prévention de la perte d'autonomie et développer des réponses nouvelles entre le maintien à domicile peu sécurisé et la prise en charge dans des établissements avec hébergement permanent qui ne correspondent plus aux aspirations d'un grand nombre de nos concitoyens. Les personnes âgées aspirent à vivre chez elles plus longtemps et c'est pourquoi nous développons l'habitat inclusif et les personnes en situation de handicap nous demandent aussi des solutions plus individualisées et à proximité de leurs proches, un accompagnement des élèves en situation de handicap, puis dans l'emploi. Cela appelle une profonde transformation des réponses.
La feuille de route de la Caisse pour les cinq ans à venir nous permet de projeter des moyens financiers et humains pour faire face à ces objectifs et nous mettre dans la bonne trajectoire pour répondre à ce défi notamment démographique. C'est un effort considérable pour les moyens de la Caisse avec une augmentation de près de 80 % de ses effectifs dans un contexte où les moyens des opérateurs sont tendus, et pour nous permettre d'être en capacité de mieux piloter cette politique. Cette trajectoire pluri-annuelle porte à la fois sur la qualité du service de l'autonomie avec 2,7 milliards d'euros sur cette période, et sur l'appui à la transformation et la modernisation pour 4,3 milliards d'euros, incluant les crédits du pilier II du Ségur.
Le rapporteur nous a interrogés sur le caractère adapté de la trajectoire des dépenses prévisionnelles de la branche autonomie, soit quelques 35 milliards d'euros pour l'année 2023 et les perspectives à l'horizon 2024. La Caisse sera affectataire en 2024 d'une quote-part supplémentaire de la contribution sociale généralisée (CSG) qui est une ressource dynamique, dont nous avons perçu les bénéfices dès 2022, ce qui nous permettra une exécution budgétaire moins déficitaire qu'initialement prévue. Elle sera finalement de 500 millions d'euros contre les 1,2 milliards d'euros votés dans le précédent PLFSS.
Les dépenses pour 2023 regroupent deux grands volumes qui n'ont jamais atteint un tel niveau. L'objectif général des dépenses (OGD) finance le fonctionnement des établissements et services médico-sociaux qui accompagnent les personnes âgées et handicapées son montant atteint 30 milliards d'euros. L'annexe 7 du PLFSS pour 2023 rappelle les montants importants de revalorisation des professionnels liés au Ségur de la Santé, soit plus de 3,4 milliards d'euros sur la période 2020-2023 face à des attentes très fortes du secteur. En 2023, 100 % des professionnels des Ephad, des services de soins infirmiers à domicile (SSIAD), des professionnels soignants et éducatifs, des structures du handicap auront bénéficié de ces revalorisations qui sont sans précédent. Les dépenses de la branche sont significatives avec plus de 440 millions d'euros, afin de protéger les professionnels contre l'effet de l'inflation et, côté fonction publique hospitalière et territoriale, avec la revalorisation de la valeur du point et la déclinaison de cette revalorisation dans le secteur privé. Nous avons un niveau de dépenses de 35 milliards d'euros dont 30 milliards pour l'OGD qui permet de poursuivre un effort substantiel pour revaloriser les professionnels du secteur. Cela est la condition de l'attractivité de ces métiers, qui est l'enjeu central afin de pouvoir répondre aux défis.
S'agissant de la trajectoire de moyen terme, le rapport Libault sur la concertation Grand âge et autonomie est souvent utilisé comme point d'ancrage pour estimer les besoins d'amélioration de la prise en charge des personnes âgées. Ce rapport évaluait le besoin de financement public de plus de 6 milliards d'euros à horizon 2024 et de 9 milliards d'euros pour 2030 concernant le secteur de l'âge. La trajectoire de la branche à horizon 2024 s'élève à 39 milliards d'euros avec une augmentation de 12 milliards par rapport à 2019. On est sur le double de ce que Dominique Libault estimait nécessaire en 2019 ! Il est vrai qu'il n'avait pas projeté les effets des revalorisations salariales issues du Ségur. Il avait, par contre, pointé la nécessité de travailler l'attractivité des métiers et la revalorisation des professionnels
Concernant la revalorisation du tarif plancher, c'est désormais un tarif national. C'est une avancée très importante qui était très attendue par le secteur de l'aide à domicile. Le PLFSS pour 2023 traduit bien le virage domiciliaire. Nous sommes attentifs à avancer parallèlement sur la bonne solvabilisation des structures tarifés par les ARS et sur le soutien au département pour qu'ils exercent leur responsabilité sur le financement de la qualité de l'aide à domicile.
Sur le tarif plancher, le Gouvernement s'engage à compenser à l'euro près les dépenses liées à la revalorisation annoncée pour l'année 2023 comme cela a été le cas en 2022. Au niveau de la branche autonomie, cela se traduira par un rehaussement du concours spécifique créé à cet effet.
M. Jean-René Lecerf. - Le tarif de 22 euros passe à 23 euros. L'euro supplémentaire doit être financé par l'État. Ce sujet est douloureux pour les départements. L'indemnisation de la précédente augmentation s'est faite en fonction des tarifs horaires de chaque département. Les départements les plus pauvres n'avaient pas forcément les tarifs les plus bas et inversement. Ceux qui ont reçu le plus d'indemnisation pour une compensation entre le niveau où ils étaient et les 22 euros, ont été les Alpes-Maritimes, Paris et les Hauts-de-Seine.
Mme Virginie Magnant, directrice de la CNSA. - Le niveau des besoins concernant le handicap est une question cruciale. Lors du déploiement du système d'information (SI) harmonisé des Maisons départementales pour les personnes handicapées (MDPH), nous avons travaillé sur un centre décisionnel et un centre de données opérationnel afin de rapprocher la cotation des profils des personnes, l'identification de leur handicap et le retentissement de leur handicap sur leur situation de vie. Nous allons faire un progrès considérable avec l'ouverture de ce centre de données. Le SI MDPH n'est pas un SI unique à la différence de prochain SI de gestion de l'APA. C'est la raison pour laquelle nous souhaitons aller plus loin avec ce SI en harmonisant l'outil d'évaluation. Nous espérons que l'amendement déposé à l'Assemblée nationale sera repris par le Sénat pour nous autoriser à construire une brique nationale dans ce SIH pour outiller les professionnels sur l'évaluation du besoin en améliorant la qualité de la saisie des données pour mieux connaître les profils des personnes et par conséquent mieux ajuster les réponses.
M. Olivier Henno. - Je voudrais vous interroger sur la question de la fracture territoriale qui existe dans le médical, dans le médico-social et dans le social. Lors des discussions sur la bioéthique, on a découvert qu'entre un quart et un tiers du territoire français ne disposait pas, peu ou mal de soins palliatifs. Les personnes ne meurent pas dans les mêmes conditions. Au moment du défi du grand âge, c'est une question qui se pose, d'autant plus que la CNSA doit contribuer à l'équité territoriale. Est-ce que notre mécanique de décision participe à l'équité territoriale ou, au contraire, n'est-on pas en train d'assister à une fracture territoriale qui pourrait s'amplifier ?
L'année passée Mme Brigitte Bourguignon, alors ministre de la Santé et de la Prévention, avait évoqué la somme d'1,5 milliard d'euros pour les habitats adaptés. Qu'en est-il ?
Mme Jocelyne Guidez. - Je souhaite revenir sur les 4 000 places supplémentaires créées dans les services d'aide à domicile en 2023. Nous avons un gros problème dans les territoires ruraux car elles doivent beaucoup se déplacer. Elles doivent avoir leur permis de conduire et s'acheter un véhicule. Il faut en avoir les moyens. Je pense qu'on n'y arrivera pas si on ne les aide pas davantage.
Afin de lutter contre l'isolement, les bénéficiaires de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) auront le droit à partir du 1er janvier 2024 à deux heures supplémentaires par semaine dédiées à l'accompagnement et au lien social. Pourquoi attendre 2024 ?
Mme Michelle Meunier. - M. le président, en juin dernier, vous avez dit qu'on devait « voter une grande loi dans les six mois suivant l'élection du président, sinon elle ne sera jamais votée ». Mes collègues du groupe socialistes et moi sommes d'accord avec vous. Nous le disons depuis 2020 lors du vote sur la création de la 5e branche, en proposant des amendements sur les PLFSS successifs, afin que la CNSA ait des missions de prévention, anime les territoires, lutte contre l'isolement... Toutes ces propositions ont été balayées par la ministre de l'époque qui nous parlait de grande loi ! Cela a du sens, il nous faut un cadre, un cap pour les personnes concernés et pour les professionnels.
Parmi vos propositions sur l'attractivité des métiers, j'ai relevé celle relative au développement d'une flotte de véhicules. Avez-vous déjà engagé des démarches avec les fédérations d'aides à domicile, avec BPI France ou la Caisse des dépôts ? Cela me semble important, d'autant plus dans un contexte de crise énergétique.
Mme Christine Bonfanti-Dossat. - On sait que la France a besoin de se doter de moyens humains pour une politique du bien vieillir. Cela passe par une augmentation massive du nombre de travailleurs dans le secteur du grand âge. La France compte 2,3 travailleurs du grand âge pour 100 personnes âgées de plus de 65 ans, tandis que la moyenne des pays de l'OCDE se situe à 100 travailleurs pour 100 personnes âgées ! Comment redonner de l'attractivité à ces métiers dont on connaît la faible rémunération, la pénibilité physique et psychologique et la difficile fragmentation des horaires. Vous avez parlé de 360 000 postes. Comment allez-vous vous y prendre pour y parvenir ?
Certains départements ont décidé de louer des véhicules et de les mettre à disposition des aides à domicile, en prenant à leur charge la moitié de la location. C'est une expérience qui me semble très intéressante, ce secteur souffrant beaucoup notamment à cause des difficultés de déplacement.
M. Daniel Chasseing. - Jusqu'à présent, il y avait peu de financement pour la 5ème branche. Vous parlez également du virage domiciliaire. C'est ce que souhaitent les gens. Et pour cela il faut de l'attractivité pour les aides à domicile. Elles doivent être formées. Il faut augmenter le nombre de SSIAD, soit environ 10 000 places supplémentaires. Le passage de 1,4 millions de personnes dépendantes à 1,7 en 2030, nous oblige à avoir 100 000 places en Ephad supplémentaires, selon la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES). Je pense, qu'au vu de ce que souhaite les personnes, il faudrait peut-être aussi 30 000 places de résidence-autonomie et renforcer le maintien à domicile.
Nous allons avoir encore plus de personnes dépendantes en Ephad, même si c'est déjà le cas. Or, il n'y a pas eu d'augmentation de personnel cette année. Nous avons eu un demi emploi de plus par Ephad ! Quand aura-t-on cinq personnes de plus par Ephad, soit 35 000 emplois pour les 7 000 Ephad ? On manque de « petites mains » en Ephad. Avec les 10 000 places de SSIAD, on arrive à 50 000 places ce qui correspond à un minimum. C'est pour quand ?
Mme Corinne Imbert. - Je souhaite revenir sur le tarif socle fixé par voie d'amendement, qui passe de 22 à 23 euros pour la tarification des services d'aide à domicile. Je partage votre position M. le président, sur le fait que l'euro supplémentaire doit intégralement être pris en charge par l'État et sur la compensation de cette tarification.
Or, je ne vois rien dans ce PLFSS sur cette règle de compensation. Vous n'appréciez pas son mode de calcul actuel. Les départements vertueux ne sont pas correctement compensés. Quand la refonte du concours de la CNSA va-t-elle être revue ? Les départements pourraient-ils être compensés en fonction des heures servies plutôt qu'en fonction du tarif, avant fixation du tarif socle ?
Et comment jugez-vous la façon dont les départements sont traités ?
M. Bernard Bonne. - Nous comptons beaucoup sur la CNSA pour soutenir notre demande de la mise en place de cette loi Grand âge avec une perspective de dépenses sur le moyen et long terme.
Quel est le rôle que la CNSA pourrait jouer entre les ARS et les départements afin de favoriser une harmonisation au niveau des tarifs des départements, notamment pour réduire la difficulté de double tarification dans les départements.
Comme l'a dit mon collègue Daniel Chasseing, la création de 3 000 postes cette année correspond à 0,5 poste, en moyenne, par Ephad. C'est notoirement insuffisant !
Concernant Orpéa, c'est logique de récupérer des sommes auprès de cette structure. Mais nous avions demandé un contrôle au niveau de tous les établissements privés lucratifs, il n'y a pas qu'Orpéa qui a abusé des fonds publics ! La CNSA pourrait être à l'initiative de cette demande auprès des pouvoirs publics.
En 2018, le rapport de Dominique Libault évoquait l'essentiel des besoins. Il parlait de 6 milliards d'euros. On a donné 12 milliards, utilisés notamment pour le Ségur et la compensation salariale. Dans son dernier rapport du mois de mars 2022, Dominique Libault a évoqué une évolution dans le mode de travail entre les départements et le délégué départemental de l'ARS. Cela me semble intéressant. Qu'en pensez-vous ?
Mme Catherine Conconne. - En Martinique, nous sommes face à une catastrophe due au vieillissement et une population en baisse. Nous détenons avec la Corse le record des départements les plus vieux de France. Cela entraîne des problèmes de garde et de soins et d'hébergement des personnes âgées. Nous sommes en carence d'investissement dans tous les domaines. En ajoutant le contexte actuel du coût de la vie, notamment dans l'alimentaire, supérieur de 38 % par rapport à la métropole, l'équation sera difficile à tenir. Je plaide pour que le PLFSS prenne en compte ces données, prévoit des investissements qui soient à la hauteur des attentes en tenant compte de la réalité sociale de ces personnes âgées. Nous avons été tardivement affiliés à la sécurité sociale et nous nous retrouvons avec une population de retraités pauvres qui ne peuvent pas honorer leurs dépenses quotidiennes. Qu'en est-il des dispositions spécifiques que pourrait prendre la CNSA au vue de votre expérience ? Il va être très compliqué d'inverser rapidement cette tendance !
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. - Mme Brigitte Bourguignon nous a dit l'année dernière que les Ephad allaient se transformer en lieu ressource pour tenir compte du virage domiciliaire. Pour cela il faut des moyens ! Y a-t-il un plan et quels sont les moyens ?
Mme Catherine Deroche, présidente. - J'ai noté des disparités dans l'accueil familial, notamment pour les accueillants, en matière d'accès au chômage et de crédits d'impôts dont ils ne bénéficient pas. Or, je pense que l'accueil familial a toute sa place dans le panel des mesures sur la prise en charge du vieillissement.
M. Jean-René Lecerf. - Beaucoup de préoccupations se recoupent dans vos questions. On ne choisit pas son domicile en fonction des politiques départementales, il doit y avoir globalement une équité sur les territoires même si la Lozère ou Paris ne gère pas l'accueil des personnes en situation de handicap de la même manière. Pour qu'il y ait une équité, il faut trouver le juste curseur entre ce besoin d'équité et l'autonomie des collectivités territoriales. Il faut que les départements soient en mesure de faire face à leur responsabilité. Des progrès ont été réalisés, comme sur la mutualisation des droits de mutation à titre onéreux. Les départements ont eu le courage de mettre en place cette réforme. Les départements réclament aujourd'hui, et l'État est d'accord, une simplification et une clarification dans les aides du gouvernement aux départements. Ce sera peut-être l'occasion de fixer des critères partagés par l'Assemblée des Départements de France (ADF). L'ADF se réintéresse à la CNSA. Il y a la présence constante de plusieurs vice-présidents de l'ADF auprès de la CNSA.
Concernant les problèmes de déplacement pour l'aide à domicile notamment en milieu rural, il y a en Mayenne une expérience intéressante qui se met en place. C'est le financement par le département, de véhicules électriques pour les aides à domicile. Ce seront des véhicules de fonction qu'ils pourront utiliser à titre personnel, ce qui est particulièrement important dans le cadre de l'attractivité !
L'attractivité des métiers pour embaucher sur les 360 000 postes dépend de la société toute entière et dépend aussi de réformes qui commencent à se mettre en place comme sur les heures de convivialité.
Sur les 10 000 places supplémentaires en Ephad, je pense comme vous que ce n'est pas forcément la solution. L'Ephad de demain est un établissement qui va accueillir des personnes en situation de très grande dépendance, des groupes iso-ressources de niveau 1 (GIR 1) pour l'essentiel, et des personnes en fin de vie. La véritable révolution domiciliaire se fera dans des structures intermédiaires. L'Ephad sera par conséquent de plus en plus médicalisé.
Sur les relations entre le département, la CNSA et l'ARS, tout était à faire. La pandémie a fait évoluer les choses utilement dans ce domaine. Aujourd'hui, il y a des discussions et des partenariats entre les départements et la CNSA, même si c'est encore insuffisant. Mon travail consiste maintenant à ramener les directeurs d'ARS dans le dialogue avec la CNSA et leur apprendre à vivre ensemble. L'idée des lieux ressource est bonne. Après il faut voir comment cela va être mis en place et avec quels moyens. Faire sortir les professionnels de l'Ehpad pour rencontrer des personnes vivant, par exemple, en béguinage, mais qui ont besoin d'un regard médical pour continuer à vivre de façon autonome, semble essentiel.
On estime qu'il y a 11 millions d'aidants en France. Dans un colloque organisé par le Medef, ces derniers nous ont demandé d'intervenir car les aidants en entreprises n'osent pas le dire, seuls un quart d'entre eux le signale alors que les chefs d'entreprises sont d'accord pour faciliter leur tâche dans l'intérêt de tous.
Mme Virginie Magnant. - Sur la question du soutien de l'attractivité des métiers de l'aide à domicile, ce n'est pas une question propre au secteur de l'autonomie. Cela nécessite que l'ensemble des acteurs responsables actionnent différents leviers. C'est la convergence des efforts de chacun qui permettra d'avancer. L'attractivité financière a largement été évoquée avec les 3,4 milliards d'euros dédiés à la déclinaison du Ségur pour l'ensemble des professionnels de la branche. L'attractivité des organisations de travail est également importante avec la question du fractionnement des interventions dans le champ de l'aide à domicile, qui les empêche de travailler à temps plein et les conduit à des interventions morcelées, parfois frustrantes. Le déploiement de la mesure des heures de lien social vise notamment à répondre à cette question. La promotion par la CNSA d'un certain nombre de méthodes d'organisation, est également pertinente. Nous terminons une évaluation sur le déploiement de modes d'organisation en équipes autonomes, labellisée « Buurtzorg », permettant un travail de proximité. Les résultats sont intéressants, en termes de motivation, de qualité de service et de diminution du taux de sinistralité et de vacances dans les emplois. La CNSA finance aussi le déploiement de 20 plateformes des métiers de l'autonomie, afin de rassembler les financeurs de ces métiers dans les domaines de la formation, de l'accompagnement ou de l'éducation nationale. Je vous rendrai compte du fonctionnement de ces plateformes.
Sur la convergence des efforts des différents opérateurs afin de donner une réponse plus harmonisée aux besoins des personnes, et en écho à la réponse de Jean-René Lecerf, de mobiliser les conseils départementaux autour de la gouvernance nationale de la caisse, je tiens à souligner, que dans le cadre de la transformation de la CNSA, nous avons conduit un travail avec le soutien de l'Union européenne. Ce travail a porté sur deux volets : l'organisation interne et la manière dont nous travaillons avec les ARS et les départements pour faciliter leur coopération, afin de créer un parcours fluide. Les travaux sur notre cadre de coopération s'achèvent. Nous organisons le 16 novembre prochain une conférence de restitution pour présenter la manière dont nous formalisons nos engagements et nos propositions de travailler différemment. Cela passe par la mise en partage des données pour permettre à chacun de se situer, au travers d'un cadre de valeur, de principes d'action, d'objectifs stratégiques communs et de modes d'animation plus territorialisés. Il nous semble qu'il faut aller aux delà des mesures préconisées dans le rapport Libault sur le service territorial de l'autonomie. Nous devons préparer le volet territorial d'une feuille de route commune, la CNSA partageant les indicateurs qu'elle collecte. Cela nous rapprocherait du fonctionnement de nos partenaires européens et cela a permis de réaliser une forme de benchmark du fonctionnement du pilotage de la gouvernance des politiques de l'autonomie à l'échelle européenne. Nous observons la présence de deux acteurs très importants : l'acteur national en charge de la garantie de l'équité de traitement et de la fixation des grandes lignes de travail, correspondants aux objectifs stratégiques de la branche, la qualité de service aux guichets, la qualité de l'offre et une plus grande initiative laissée aux territoires. Ce cadre de coopération va être formalisé mi-novembre puis il deviendra le cadre de déploiement de l'action de la CNSA à partir de 2023.
L'Outre-mer est confrontée de façon différente par rapport aux territoires métropolitains à la question du vieillissement où elle est accélérée. La Martinique et la Guadeloupe, à horizon 2030, vont connaître une transition démographique rapide. Le Gouvernement et la branche autonomie ont déjà pris la mesure de cette situation qu'ils accompagnent par des financements dédiés. En 2022, un plan de rattrapage de l'offre ultra-marine a été décidé, mobilisant plus de 150 millions d'euros de crédits de fonctionnement et d'investissement. L'offre est aujourd'hui insuffisante et il faut en profiter pour développer en plus de l'offre classique, cette offre intermédiaire comme l'habitat inclusif et soutenir les SSIAD et SAAD.
Sur la question plus générale des moyens et du développement de l'offre, elle trouve sa traduction dans le budget de la branche autonomie, avec côté Ephad, un objectif de recrutement de 50 000 professionnels à moyen terme, et côté SSIAD, le développement de 4 000 places dès 2023 avec une trajectoire de 25 000 nouvelles places, selon le chiffrage récent de la Cour des comptes. La trajectoire de la branche intègre bien ces perspectives pour améliorer le taux d'encadrement en Ephad et développer ces places dans les SSIAD. Pour atteindre ces objectifs, il faut des financements à la fois portés par la branche et toute la mobilisation collective pour trouver les professionnels. Et là, nous revenons à la question de l'attractivité des métiers.
Vous avez cité un indicateur à l'échelle communautaire sur les personnels qui interviennent en soutien aux personnes âgées. Les comparaisons sont difficiles car la définition du médico-social n'est pas partout la même. Dans les professionnels qui interviennent, il faut également intégrer les professionnels de l'aide à domicile, ceux des structures spécialisées de type SSIAD mais aussi toute l'offre de santé libérale.
Pour terminer sur une comparaison européenne importante, j'attire votre attention sur le tableau de bord social de l'Union européenne. L'indicateur sur l'espérance de vie en bonne santé à 65 ans, est en moyenne à l'échelle de l'Union européenne, de 10,1 ans pour les femmes et de 9,5 ans pour les hommes. En France, il est de 11,8 pour les femmes et de 10,2 ans pour les hommes. Cela ne veut pas dire qu'il faut arrêter nos efforts. Notre politique de l'autonomie qui est perfectible, donne néanmoins de bons résultats.
M. Jean-René Lecerf. - Le département du Nord est n° 2 pour l'accueil familial derrière La Réunion. L'accueil à la ferme en milieu rural a donné de très bons résultats. En dehors de la question financière, il faut donner un statut, une reconnaissance aux accueillants.
Mme Catherine Deroche, présidente. - Je vous remercie pour vos interventions.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.