Mercredi 19 octobre 2022
- Présidence de M. Christian Cambon, président -
La réunion est ouverte à 9 h 30.
Projet de loi de finances pour 2023 - Audition du général d'armée Thierry Burkhard, chef d'état-major des armées
M. Christian Cambon, président. - Mon Général, la semaine dernière, le ministre des armées nous a exposé les fondamentaux du cadrage budgétaire de la mission « Défense » pour 2023. Il a aussi esquissé la méthode qu'il entend suivre pour l'élaboration de la future loi de programmation militaire et fait l'annonce d'un renforcement des moyens français sur le flanc oriental de l'Alliance atlantique. Nous lui en avons donné acte. Par ailleurs, le Président de la République a annoncé il y a tout juste une semaine de nouvelles livraisons de matériels à l'Ukraine.
Nous saisissons l'occasion de cette audition pour vous demander des précisions sur ces annonces. Les sénateurs ont en effet besoin de comprendre précisément ce que nous cédons et déployons, ainsi que les conséquences pour nos propres forces et pour notre sécurité.
À cette occasion, il serait utile que vous puissiez revenir sur la notion d'« épaisseur ». On lit dans la presse des affirmations assez définitives, qui méritent sans doute d'être nuancées, mais qui ont l'utilité de pointer du doigt la faible épaisseur de nos forces. Quel crédit accorder au calcul selon lequel nos armées, dans leur volume actuel, pourraient tenir un front de quatre-vingts kilomètres au plus, sur une durée d'une quinzaine de jours ?
Comment lire ce projet de loi de finances dans ce contexte ? Nous souhaitons que vous nous présentiez plus en détail les enjeux de ce budget pour le format, la préparation, l'équipement et l'emploi de nos forces armées, mais aussi pour leur adaptation aux nombreux défis que nos armées ont dû affronter depuis l'an dernier : le retrait de notre dispositif au Mali et, naturellement, le bouleversement que représente l'irruption de la guerre sur le continent européen.
Le concept d'emploi des forces, que vous nous avez présenté l'année dernière sous la forme du triptyque « compétition/contestation/confrontation » et la maxime « gagner la guerre avant la guerre », restent-t-ils pertinents maintenant qu'il faut aider une nation à gagner une guerre qui s'est imposée à elle ? Votre analyse sur les enseignements à tirer de ce conflit nous sera précieuse.
L'hypothèse d'engagement majeur sur laquelle sont bâties la loi de programmation militaire (LPM) actuelle et l'Ambition 2030 nous rappelle combien la bascule de nos forces vers la haute intensité devient cruciale et urgente. Avec une délégation de la commission, j'ai pu me rendre compte de l'efficacité et de la qualité des personnels et des matériels déployés par la France en Roumanie. C'est une démonstration de la réactivité de nos armées sur tout le spectre d'engagement d'un théâtre d'opération. Force est pourtant de constater que le retour d'un modèle d'armée expéditionnaire vers un scénario d'engagement type « centre Europe », ce que les spécialistes appellent « bascule d'intensité », nécessite de surmonter de nombreux défis : défi de la masse, défi de l'endurance, défi de la préparation opérationnelle, défi de l'adaptabilité et de la flexibilité, défi du financement et de la programmation.
Vous nous direz vos priorités et les points de vigilance sur ce projet de budget 2023, sans oublier les éventuels actualisations ou renoncements qu'il faut envisager pour assurer le déploiement en opération extérieure nécessairement coûteux d'unités mécanisées et blindées en Europe - la presse parle de 2 milliards d'euros. À ce sujet, sur quels crédits sont imputées les fournitures d'armement à l'Ukraine, qu'il s'agisse de matériels neufs ou prélevés sur nos forces ? Si nous pouvons comprendre que le Gouvernement souhaite rester discret sur certaines livraisons d'armes, leur coût ne peut pas ne pas apparaître au budget de l'État.
Enfin, nous ne pouvons pas faire l'impasse sur les angles morts de l'équipement de nos forces ou de notre industrie de défense, par exemple en matière de drones armés ou de frappes dans la profondeur. Que nous manquerait-il dans l'hypothèse d'un engagement majeur ?
L'attention que nous attachons à la question des munitions, de la préparation opérationnelle, du maintien en condition opérationnelle de nos matériels, de l'équipement dit « à hauteur d'homme » ou du service de santé rencontre le même écho dans toutes les nations, en France comme en Ukraine ou en Russie, lorsque le spectre de la guerre se dresse devant les familles.
Tels sont les quelques points d'attention que je voulais soulever en introduction de votre audition.
Général Thierry Burkhard, chef d'état-major des armées. - Je suis très heureux de vous retrouver et de répondre à vos questions : une bonne compréhension de nos problèmes de défense est la meilleure voie pour parvenir à disposer d'un outil efficace et performant.
Je commencerai par deux constats structurants et factuels.
Le 24 février dernier constitue un point de bascule et l'expression « changement de monde » n'a jamais été si vraie. Depuis, le monde ne s'est pas stabilisé et il est très difficile de cerner l'ampleur et la diversité des défis qui nous attendent dans les années à venir. Les incertitudes restent nombreuses. Par conséquent, il nous faut réinterroger nos choix, nos modes d'action, nos organisations pour s'assurer qu'ils demeurent pertinents, avec une nouvelle grille de lecture « post-24 février ».
Cette situation n'est pourtant pas une surprise : les Armées avaient anticipé la possibilité d'un retour de guerre entre États. Pour autant, une forte accélération est en train de se produire, qui dépasse d'ailleurs le strict cadre européen, et qu'il nous faut prendre en compte pour ne pas rester sur le bord du chemin.
Depuis notre dernière rencontre, un certain nombre d'événements importants se sont produits.
Sur le territoire national, d'abord. Cet été, la France a été confrontée aux conséquences du changement climatique. Cela a entraîné notamment une mobilisation des Armées en appui des forces de sécurité civile dans le cadre du volet « Contribuer à la protection des Français contre la dangerosité du quotidien ». C'est l'opération Héphaïstos. Les moyens militaires engagés étaient adaptés et efficaces : 50 militaires, avec un détachement du génie intégré capable notamment d'établir des pare-feu ; des modules adaptés de surveillance ; des hélicoptères, qui ont effectué cette année 160 heures de vol en appui des moyens de la Sécurité Civile. Surtout, il nous a fallu cette année adapter nos dispositifs pour lutter contre des incendies hors de la zone d'opération définie (le quart sud-est de la France), ce qui reflète bien l'évolution de la situation et des risques.
Nous avons été efficaces, car réactifs : nous disposons d'un véritable maillage territorial et, sur le terrain, le dialogue civilo-militaire avec les préfets notamment est très bon. Cela nous permet d'intervenir rapidement et de manière adaptée, par exemple en engageant des pompiers militaires aux côtés des pompiers civils, ou des moyens spécialisés du génie.
À la suite de la tempête en Corse, des moyens militaires ont également été engagés, permettant une réponse efficace et coordonnée avec les autorités locales et zonales : les trois armées ont été mises à contribution.
Cet été a également été marqué par la réarticulation de l'opération Barkhane. Décidé par le Président de la République, le désengagement au Mali a été une opération exceptionnelle et extrêmement complexe où les logisticiens ont joué un rôle crucial. La zone reste une zone d'insécurité, avec des groupes armés terroristes et des Maliens qui, appuyés par Wagner, ne sont pas toujours lisibles dans leurs intentions.
Nous avons tenu les délais. Je souligne l'appui apporté par le Niger, qui a été décisif, ainsi que l'engagement d'un certain nombre de pays alliés à nos côtés, les États-Unis, le Canada, mais aussi les Émirats arabes unis ou le Qatar notamment.
Pour avoir un ordre de grandeur, je précise que 1 300 véhicules et 1 100 bungalows ont quitté le Mali - 90 % par la route en direction du Niger, 10 % par les airs. Cette opération n'est pas totalement terminée. En effet, si nous avons organisé le désengagement des moyens au Mali, nous sommes en cours de réarticulation au Niger : un certain nombre de matériels doivent encore quitter ce pays pour rejoindre la France.
Avec Barkhane, nous avions trois objectifs : poursuivre la lutte contre le terrorisme, accentuer l'appui fourni aux pays du golfe de Guinée, dont la frontière nord est menacée par des actions terroristes, et accentuer la lutte contre le groupe de mercenaires Wagner qui est, selon moi, un facteur important de déstabilisation en Afrique. Cela appelle de notre part un effort à produire surtout dans les champs immatériels.
La France doit profiter de cette réarticulation pour modifier sa manière d'être présente en Afrique et les modalités : cela nécessite une stratégie intégrale dans laquelle l'action militaire n'est qu'un des volets, pour laquelle il nous faut être plus associatifs et faire de la co-construction avec les pays que l'on soutient. Cela dépend plus du tempo de nos partenaires que de notre seule volonté.
J'en viens à la posture de réassurance sur le flanc Est de l'Europe. Il s'agit d'une situation complexe.
En Ukraine, la Russie développe une stratégie de long terme. Certes, elle est en difficulté, mais cela ne suffit pas à la détourner de ses objectifs. C'est pourquoi nous ne devons pas nous démobiliser. Le rappel des réservistes, qui a été engagé par la Russie, ne correspond pas à une mobilisation générale : pour autant, les effectifs, même s'ils sont très importants - de l'ordre de plusieurs centaines de milliers d'hommes -, ne changeront pas immédiatement le cours des opérations mais cela montre que les Russes réfléchissent à la suite des opérations au-delà de l'hiver.
L'hiver, en ralentissant les opérations militaires, sera, d'une part, une période critique dans le champ des perceptions et, d'autre part, une période difficile pour la cohésion du camp occidental, car les leviers énergétiques seront utilisés à plein par la Russie. Les Russes ont aussi effectué des bombardements sur des cibles à usage dual - installations électriques, centres de distribution d'eau -, qui ne visaient pas à affaiblir l'armée ukrainienne mais à atteindre d'abord la résilience de la nation ukrainienne à l'approche de l'hiver.
L'enjeu pour la France est d'affirmer sa crédibilité militaire sur le haut du segment.
Notre engagement s'est traduit, dès le premier jour de la guerre en Ukraine, par le déploiement de nos avions Rafale au-dessus de la Pologne pour défendre le flanc Est de l'Otan, par le redéploiement du groupe aéronaval, deux jours après, au-dessus de la Croatie, pour effectuer des patrouilles de défense aérienne, et par le déploiement du bataillon Aigle en Roumanie, sept jours après le début des opérations russes en Ukraine, dans le cadre de l'échelon d'intervention d'urgence de l'Otan.
La France, conformément à la volonté du Président de la République, est désormais « Nation-cadre » du dispositif de réassurance de nos alliés de l'Otan en Roumanie.
Dans une logique d'adaptation dynamique de notre dispositif, nous avons décidé de mobiliser des capacités dites de « haut du spectre » - chars Leclerc, véhicules blindés de combat de l'infanterie (VBCI), systèmes d'artillerie - lors de la relève à l'automne prochain. Nous déploierons en Lituanie des Rafale, pour la première fois, dans le cadre de la mission de police du ciel des pays baltes, à partir du mois de décembre prochain pour une durée de quatre mois. Nous mettons des navires français à disposition des task groups de l'OTAN. Nous maintenons notre présence militaire en Estonie, au titre de la réassurance et de la solidarité stratégique.
Les enjeux sur le flanc Est de l'OTAN doivent s'inscrire dans le cadre d'une stratégie de sécurité européenne pour les dix prochaines années, car, quelle que soit l'issue du conflit en Ukraine, nous devrons « cohabiter » - avec la Russie.
Nous devons aussi poursuivre notre appui à l'Ukraine. En plus des cessions de matériels, la formation est un besoin important, auquel la mission d'assistance militaire de l'Union européenne (EUMAM) permettra de répondre. La France y contribuera.
En somme, les événements sur les trois théâtres - national, européen et africain - illustrent les axes d'efforts de la construction de nos armées : la cohésion nationale, la solidarité stratégique au sein de nos alliances, et la crédibilité militaire de nos forces. .
Ces trois axes sont la contribution des Armées à la stratégie de puissance d'équilibres de la France. Le PLF et la future LPM définiront les moyens d'y parvenir.
M. Cédric Perrin, rapporteur pour avis sur le programme 146 « Équipement des forces ». - Mon Général, qu'y a-t-il derrière l'expression d'économie de guerre dont on parle souvent ces temps-ci ? Nous en sommes pourtant encore loin : les entreprises, que je visite régulièrement, ne reçoivent pas de sollicitations en ce sens, mais elles sont inquiètes, en raison du coût de l'énergie et de l'absence de main-d'oeuvre. Selon moi, une économie de guerre tient à des mesures, des financements, des contrats exceptionnels, voire des mesures extralégales, et à une accélération importante de la production.
Comment s'organise la concertation avec la base industrielle et technologique de défense (BITD) ? Je rappelle que le Parlement n'a pas été associé à ces discussions.
Quelles sont les pistes envisagées pour augmenter la capacité de la BITD à répondre rapidement à de nouveaux besoins éventuels ?
Quels sont les domaines d'autonomie prioritaires ?
Vous ne pourrez peut-être pas répondre sur la question des livraisons à l'Ukraine de lance-roquettes unitaires (LRU), mais il y a un certain nombre de rumeurs... Le ministre des armées a confirmé dans le journal Le Parisien qu'une étude était en cours. Or le nombre de LRU est réduit à la portion congrue au sein du premier régiment d'artillerie de Belfort. Quel sera l'avenir du programme LRU ? Quelles sont les commandes envisagées pour combler la sous-capacité générée par les matériels livrés à notre partenaire ukrainien ?
Par ailleurs, quel est l'avenir de l'opération Sentinelle que je ne considère plus utile au regard de l'augmentation du coût des opérations extérieures ?
Enfin, appartient-il aux armées d'assurer la sécurité des jeux Olympiques de 2024 ?
Mme Hélène Conway-Mouret, rapporteure pour avis sur le programme 146 « Équipement des forces ». - Mon Général, selon vous, la guerre du futur sera marquée par des conflits de haute intensité. La guerre en Ukraine montre que nous sommes passés de la théorie à la pratique. Quels enseignements devons-nous en tirer pour les futurs équipements de nos armées, notamment le système de combat aérien du futur (Scaf) et le MGCS (main ground combat system ou système principal de combat terrestre) ?
À partir de 2035, la vente de véhicules thermiques sera interdite dans l'Union européenne. Aujourd'hui, le coût de l'approvisionnement en essence devient de plus en plus cher et instable. Quelles sont les pistes de travail du service de l'énergie opérationnelle à ce sujet ? Quels scénarios visent à garantir la pérennité de nos approvisionnements énergétiques et encourager la transition énergétique ?
Nous avons appris par la presse que différents niveaux budgétaires ont été défendus par Bercy, le ministère des armées et les états-majors. Il est important que le Parlement et nos concitoyens puissent être informés des tenants et aboutissants de ce débat. Quel scénario défendez-vous ?
Enfin, la guerre en Ukraine replace la question de la défense sol-air au coeur de nos préoccupations. Nous disposons de deux systèmes sol-air - Crotale NG et Mamba, respectivement de courte et de moyenne portée - qui ne répondent pas aux mêmes besoins.
Comment assurer une défense sol-air multicouche ? Pouvez-vous nous préciser ce qu'il adviendra de la défense sol-air de courte portée ?
M. Christian Cambon, président. - Mon Général, je renouvelle ma question : pourriez-vous préciser quelles armes la France a livrées à l'Ukraine ? Il est important que le Parlement puisse en être informé, surtout dans le cadre du projet de loi de finances pour 2023.
M. Pascal Allizard, rapporteur pour avis sur le programme 144 « Environnement et prospective de la politique de défense ». - Mon Général, j'ai trois questions.
En premier lieu, en Afrique, nous semblons redécouvrir qu'il faut aussi gagner la guerre des coeurs et des esprits : cette prise de conscience relève-t-elle de la tactique ou de la stratégie ?
En deuxième lieu, ma question porte sur les études en amont des programmes d'armement. En 2023, plus d'1 milliard d'euros sera consacré à ces études, conformément à la trajectoire fixée par la loi de programmation militaire en cours. Une baisse des crédits d'études n'est pas envisageable tant l'innovation revêt un caractère décisif pour conserver l'avantage technologique et in fine « emporter la décision ». Ainsi, pourriez-vous nous indiquer les nouvelles priorités identifiées par l'État-major des armées pour le PLF 2023 et pour la prochaine loi de programmation ?
En troisième lieu, ma dernière question est relative à Djibouti. Le programme 144 finance la contribution forfaitaire versée au Gouvernement de Djibouti au titre de l'implantation de forces permanentes françaises sur son territoire - 26,1 millions d'euros - ainsi que la contribution au fonds de soutien à la modernisation des forces armées djiboutiennes - 1 million d'euros. Or l'année 2023 verra la renégociation du traité de coopération en matière de défense signé avec la République de Djibouti le 20 décembre 2011. Le contexte de notre présence a radicalement changé du fait de la présence et des importants moyens militaires chinois. Quelle est, d'une part, votre analyse sur cette présence chinoise ; d'autre part, quelle est votre vision de l'avenir de nos forces prépositionnées à Djibouti ? Voyez-vous un lien entre Djibouti et Gwadar ?
M. Yannick Vaugrenard, rapporteur pour avis sur le programme 144 « Environnement et prospective de la politique de défense ». - Mon Général, dès votre prise de fonction, vous avez fait du combat hybride l'une de vos priorités. Nous avons tendance à l'apprendre à nos dépens aussi bien en Afrique - on parle d'un « rouleau compresseur » de désinformation nous concernant en Afrique -, qu'en Ukraine - je pense à la crise que nous avons connue à la tête de la direction du renseignement militaire (DRM) à la suite du déclenchement d'une guerre que peut-être avons-nous feint de ne pas anticiper.
Dans ces batailles de l'information, la question de notre posture importe autant que les moyens. Notre organisation est-elle adaptée à la prise de décision et à une riposte rapide ? Pouvez-vous revenir sur les moyens plus importants et mieux identifiés que vous avez évoqués dans vos propos introductifs ?
Par ailleurs la question des moyens de notre stratégie de renseignement est importante. Nous observons à juste titre une augmentation des crédits de fonctionnement et d'investissement, notamment dans le domaine cyber et immobilier. Nous observons également que nos moyens d'observation s'enrichissent de nouveaux matériels aériens - les avions légers de surveillance et de reconnaissance (ALSR) - et spatiaux - les satellites de capacité de renseignement électromagnétique spatiale (CERES). Ces nouveaux moyens sont-ils opérationnels et permettent-ils de pallier le retrait des Transall Gabriel ? Plus largement, faut-il donner un coup de pouce supplémentaire au recrutement de cybercombattants dans le PLF 2023 et dans la future loi de programmation militaire ?
M. Olivier Cigolotti, rapporteur pour avis sur le programme 178 « Préparation et emploi des forces ». - Ma première question porte sur l'entretien programmé des matériels (EPM). Dans le PLF 2023, 500 millions d'euros supplémentaires sont annoncés, portant le montant des crédits dédiés à l'EPM à 5 milliards d'euros. Nous avions identifié dès les premières annuités de la LPM un déficit de ces crédits que nous estimons à plus de 1 milliard. Cette enveloppe de 5 milliards d'euros va-t-elle être suffisante pour les besoins de nos armées ? Ces crédits permettent-ils de faire face aux besoins de nos forces alors qu'on fait l'hypothèse d'un conflit de haute intensité ?
De même, 500 millions d'euros supplémentaires sont prévus pour l'achat de munitions, mais des hausses d'effectifs sont-elles prévues pour le service interarmées des munitions (SIMu), alors que ce dernier a connu une forte baisse de ses effectifs dans les dix dernières années ?
Enfin, les opérations Aigle et Lynx, souvent qualifiées à tort d'opérations extérieures, seront-elles imputées sur le budget dédié aux opérations extérieures, et donc éligibles à la solidarité interministérielle ?
Mme Michelle Gréaume, rapporteure pour avis sur le programme 178 « Préparation et emploi des forces ». - Nous connaissons votre engagement sur les besoins des services de soutien et la nécessité de la remontée de la préparation opérationnelle. Le rééquilibrage entre les programmes 178 et 146 est une condition de la réussite de la prochaine LPM.
Je m'inquiète du niveau de la préparation opérationnelle de nos armées alors que la guerre en Ukraine a bien montré l'importance des services de soutien et de la préparation opérationnelle. Pouvez-vous nous garantir que l'augmentation du coût des facteurs ne fera pas une fois encore de l'activité opérationnelle la variable d'ajustement ? L'accroissement du niveau de celle-ci est indispensable pour assurer la sécurité de nos militaires, l'efficacité de notre armée et l'équilibre des contrats verticalisés d'entretien programmé des matériels. Peut-on raisonnablement attendre 2025 pour atteindre les normes de l'Otan ?
Quant au service de santé des armées (SSA), le déficit de médecins de premier recours a dépassé les 130 postes de sorte que la charge de projection du service se retrouve concentrée sur les mêmes personnels, alors que leur fidélisation est difficile en pleine crise du secteur sanitaire. Les crédits nécessaires pour garantir l'application du Ségur de la santé à tous les personnels du SSA seront-ils prévus dans la prochaine période de programmation ? Quels seront vos objectifs pour le SSA dans la prochaine LPM ?
M. Joël Guerriau, rapporteur pour avis sur le programme 212 « Soutien de la politique de la défense ». - Alors que le Président de la République a désigné le renforcement des armées dans le domaine cyber comme une priorité, l'actuelle LPM prévoit que la cyberdéfense concentre une grande partie des 6 000 emplois créés pendant la période de référence qui court jusqu'à 2025.
Mais, alors que l'objectif de recrutement est désormais fixé à plus de 1 800 cybercombattants supplémentaires entre 2017 et 2025, la capacité des armées à attirer et à fidéliser les compétences dans ce secteur en tension est un défi de taille.
Quel est l'état d'avancement de ce recrutement et quels sont les obstacles que vous rencontrez ? Plus particulièrement, quelles sont les stratégies mises en oeuvre par le commandement cyber de l'état-major des armées pour recruter et fidéliser les cybercombattants dont nos armées ont besoin ?
Mme Marie-Arlette Carlotti, rapporteure pour avis sur le programme 212 « Soutien de la politique de la défense ». - L'année 2023 sera celle du déploiement complet de la nouvelle politique de rémunération des militaires (NPRM), qui a permis de réduire le nombre des différentes primes et indemnités touchées par les militaires de plus de 170 à 8.
Si le calendrier de la réforme est en passe d'être tenu, son déploiement à marche forcée semble empêcher les militaires de se l'approprier. Ainsi, le Conseil supérieur de la fonction militaire (CSFM) a fait état d'un risque d'incompréhension de la part des personnels, dû à une information insuffisante.
Quel regard portez-vous sur le déploiement de la nouvelle politique de rémunération des militaires ? Comment appréciez-vous le ressenti des soldats, marins et aviateurs ? Enfin, quelle stratégie l'état-major des armées met-il en oeuvre pour assurer l'appropriation de la réforme par les personnels, les gestionnaires et les différentes échelles de commandement ?
Enfin, j'appuie la demande du président Cambon : quel type précis de soutien avons-nous apporté à l'Ukraine ?
Général Thierry Burkhard. - J'ai lu le rapport de la Cour des comptes concernant l'opération Sentinelle. Celle-ci n'a rien d'inutile, dans la mesure où elle vise à protéger les Français en appui des forces de sécurité intérieure. En revanche, il convient d'en comprendre les mécanismes et les effets pour en mesurer l'efficacité. Elle garantit d'abord une présence militaire visible sur le territoire national ; elle demande ensuite un dialogue très régulier entre les autorités territoriales civiles et militaires, qui profite à tous les acteurs. Parce qu'elle s'effectue dans un environnement complexe, c'est une mission difficile donc formatrice pour nos soldats : elle exige une parfaite maîtrise de la force, plaçant de jeunes officiers, sous-officiers et militaires du rang en situation de responsabilité et de décision rapide. Au même titre que toutes nos opérations, celle-ci mérite d'être régulièrement réinterrogée.
Quant aux jeux Olympiques de 2024, il s'agit d'un événement planifié, en France, de portée mondiale, il est parfaitement logique que les armées y apportent leur contribution.
M. Cédric Perrin, rapporteur pour avis. - Encore faudrait-il fixer le curseur de leur participation ?
Général Thierry Burkhard. - Certes, et il faut s'organiser pour cela. Je me souviens des chasseurs alpins qui ont contribué au dispositif des jeux Olympiques d'Albertville en 1992. Peut-être faudra-t-il effectivement faire des choix. Toutefois, le contexte est celui de l'organisation d'un événement planifié à laquelle les militaires sont fiers de contribuer, en coordination avec les forces de sécurité intérieure. C'est un effort maîtrisé.
Pour ce qui est du LRU, la guerre en Ukraine montre combien les feux dans la profondeur prennent de l'importance, l'arme aérienne intervenant également en complémentarité. Le programme de l'armée de Terre prévoyait de remplacer le LRU, déjà vieux d'une vingtaine d'années, et que les États-Unis ont déjà remplacé. Il est essentiel que nous disposions d'une capacité de feux dans la profondeur.
M. Cédric Perrin, rapporteur pour avis. - Comment être plus performants dans ce domaine ?
Général Thierry Burkhard. - Si les Armées peuvent exprimer un besoin opérationnel, l'armée française ne fait pas un programme à elle toute seule. Il faut aussi que la BITD puisse y voir une opportunité. Vous savez bien, pour être un spécialiste des drones, que nous n'avons pas été suffisamment visionnaires dans ce domaine. Faut-il s'engager sur le segment des feux dans la profondeur à un niveau industriel ? C'est à tous les acteurs de l'armement de procéder à une analyse capacitaire exhaustive pour savoir si un défi industriel mérite d'être relevé.
Le terme d'« économie de guerre » ne suffit pas à dire tout ce qu'il recouvre. C'est non seulement la manière dont l'industrie se donne les capacités de soutenir une guerre, notamment en matière de production, mais aussi ce que les Armées et la Direction générale de l'armement (DGA) envisagent en matière de simplification, de la spécification des besoins et des normes aux processus de qualification et de recette. Il faut donc une action conjointe. Les industriels sont confrontés à une situation nouvelle, car le monde a changé. Les industriels doivent donc s'interroger, par exemple sur la capacité à faire des stocks ou à produire rapidement. Quant aux Armées, elles doivent rester à l'écoute des industriels pour faciliter l'établissement d'une réponse crédible techniquement et militairement, dans un délai adapté, à nos besoins. L'état-major des armées et la DGA mènent un travail collectif sur la question, non pas contre les industriels mais avec eux. Il s'agit bien d'une responsabilité collective et partagée.
S'agissant de la Défense Sol-Air, pendant vingt ans, nous avons opéré sur des théâtres où il n'y avait pas de menace aérienne, de sorte que nous avons favorisé d'autres domaines ; ces choix étaient cohérents avec le contexte des engagements. Nous ne sommes pas pour autant démunis en la matière, puisque nous disposons de différents systèmes - Mamba, Crotale et Mistral. Mais le contexte a changé, et il n'est pas exclu pour l'armée de Terre ou pour la Marine de devoir intervenir dans un environnement où la supériorité aérienne n'est plus durablement acquise.
La menace des drones est également prise en compte dans la défense sol-air multicouches. Les appareils sont très divers, allant de plusieurs tonnes jusqu'aux nanodrones, dont les modèles évoluent très rapidement de sorte que nous devons nous montrer agiles. Il est prévu que nous améliorions notamment le système Mamba et nous envisageons de remplacer le Crotale par le missile d'interception, de combat et d'auto-défense (MICA VL). Tout cela est pris en compte dans la LPM en cours et dans les travaux préparatoires de celle à venir.
En matière de transition énergétique, un certain nombre de véhicules de servitude et de service sont déjà passés à l'électrique. D'un point de vue opérationnel, si la capacité à transporter et à stocker l'énergie électrique fait encore défaut, une réflexion est néanmoins en cours, car l'électrique présente des avantages, notamment en matière de signature thermique ou acoustique.
Mme Hélène Conway-Mouret, rapporteure pour avis. - Tiendra-t-on l'objectif fixé pour 2035 ?
Général Thierry Burkhard. - Le problème reste de savoir quelles normes seront applicables aux forces armées. S'il n'est pas question de sacrifier la défense de la France, la question est toutefois pertinente, car les grands industriels délaisseront de plus en plus le thermique au profit de l'électrique, ce qui remettra en cause notre capacité à conserver une industrie productrice de moteurs thermiques. Le sujet sera de souveraineté et de responsabilité.
Mme Hélène Conway-Mouret, rapporteure pour avis. - Qu'en est-il du scénario budgétaire pour la LPM ?
Général Thierry Burkhard. - C'est un sujet qui appartient au Président de la République.
A propos de Djibouti : c'est un point d'appui stratégique pour la France, plus important encore avec le retour de la compétition entre puissances, Pour ses dirigeants, la relation avec la France est considérée comme stabilisatrice. Nous devons donc discuter avec eux, en prenant en compte à la fois nos besoins et leur stabilité.
L'innovation reste un axe de très grande importance et l'attention portée aux crédits d'étude sera maintenue. Parmi nos grandes priorités je citerai la lutte anti-drones, l'hypervélocité et les fonds marins, ainsi que le développement d'armes à énergie dirigée.
Comment gagner la guerre des coeurs et des esprits en Afrique ? Nous la menons depuis longtemps, mais l'on voit bien que la guerre dans le champ des perceptions prend encore plus d'importance avec les réseaux sociaux et les nouvelles technologies, notamment au sein de la jeunesse africaine. La France doit donc repenser sa présence, mais cela ne relève pas seulement des Armées.: Il y a encore quelques dizaines d'années, des centaines de coopérants civils étaient présents en Afrique aux côtés des militaires, dans des domaines divers, sport, éducation, culture, développement, etc. Ce nombre a considérablement diminué, alors que les forces armées n'ont pas réduit leur présence dans les mêmes proportions ; cela explique peut-être en partie l'évolution de l'image de la France. La « reconquête des coeurs et des esprits » passe par un effort interministériel coordonné, mais aussi sans doute par une moindre visibilité des armées. Après Barkhane, l'objectif est bien de renouveler notre mode de présence en Afrique, et cela nécessite l'accord et l'engagement de tous.
Pour ce qui concerne les Armées, nous devons consacrer des moyens aux stratégies d'influence. Un exemple est la formation en France des militaires étrangers. Dans le passé, nous avons beaucoup fait venir des stagiaires, mais, depuis quinze ou vingt ans, nous privilégions les formations sur place.
M. Christian Cambon, président. - Qui est responsable de cette situation ?
Général Thierry Burkhard. - Les moyens de formation de nos Armées ont été redimensionnés en ne prenant en compte que nos besoins propres. On a fait la chasse à tout ce qui semblait surdimensionné, y compris les infrastructures, et on a donc réduit l'outil de formation, sans prendre en compte l'accueil de stagiaires étrangers.
M. Christian Cambon, président. - Nous allons pourtant former 2 000 Ukrainiens.
Général Thierry Burkhard. - C'est différent : nous consacrons des moyens spécifiques à cette mission à durée déterminée ; pour mettre en oeuvre une stratégie d'influence de long terme, les budgets doivent être prévus dès l'origine.
Concernant le renseignement, notamment cyber, les éléments nécessaires ont été identifiés et sont en cours de réalisation.
L'avion léger de surveillance et de renseignement (ALSR) n'est pas conçu pour prendre la place du Transall Gabriel. Son remplacement est prévu (capacité unique de guerre électronique), et nous suivons avec attention ce projet pour qu'il soit le plus adapté au besoin. Je suis d'accord avec vous : c'est urgent, même si l'emploi de l'ALSR permet d'atténuer les conséquences du retrait du Transall Gabriel, sans toutefois le compenser entièrement.
Le recrutement de cyber-combattants est essentiel et nous progressons dans ce domaine. Le vivier est toutefois toujours en tension et nous sommes encore en phase de montée en puissance.
Vous m'interrogez sur la guerre hybride. En Afrique, nous faisons face à un adversaire installé, puissant et qui donne l'apparence de jouer dans le sens de l'histoire. Le combat n'est pas perdu pour autant, nous devons être présents dans la guerre des narratifs et dans le champ des perceptions. De l'autre côté, toute une galaxie d'acteurs est conduite par des proxys russes disposant de moyens que nous n'atteindrons jamais : des dizaines de milliers d'individus, dont au moins un millier d'opérateurs entièrement consacrés à l'Afrique. Nous sommes cependant en train de compenser notre retard, pour faire en sorte que nos adversaires ne soient pas seuls présents sur ce champ de bataille.
Dans le champ des perceptions, il n'existe pas de victoire définitive.
Nous sommes présents dans le champ informationnel et nous y travaillons. À ce titre, « la bataille de Gossi » (Tentative déjouée de désinformation orchestrée par le groupe Wagner, visant à faire porter à l'armée française la responsabilité d'un faux charnier autour de la base de Gossi au lendemain de sa restitution à l'armée malienne) est un cas d'école. Le succès obtenu contre Wagner est de niveau tactique mais a aussi eu des conséquences stratégiques.
Il s'agit d'un changement de doctrine. Nous devons être présents, actifs et offensifs dans le champ des perceptions et ne pas nous contenter d'attendre que les choses se produisent.
Vous m'interrogez sur l'EPM, les munitions et le statut des Opex.
Vous avez raison, le statut « d'opérations extérieures » vise souvent à fixer un cadre budgétaire et administratif à une mission, et il est vrai que Aigle et Lynx n'en sont pas, alors même qu'elles font tout autant l'objet d'une validation au niveau politique. « Gagner la guerre avant la guerre » nous impose des engagements dès le stade de la compétition. Cela nécessitera probablement de réinterroger les règles actuelles pour qu'ils restent soutenables pour les Armées.
Les munitions sont indispensables, c'est une priorité pour la construction du projet de loi de finances pour 2023, avec des efforts marqués sur le sujet. Jusqu'en 2016, les ressources humaines du SIMu, civiles comme militaires, ont connu une baisse importante. A compter de l'actuelle LPM, une trajectoire de remontée en puissance a été amorcée, avec un effort marqué sur les personnels militaires. La numérisation permettra aussi des gains en efficacité. En tout état de cause, ce service n'a pas été oublié et bénéficiera d'une ouverture de 26 postes en 2023.
Les crédits consacrés à l'Entretien Programmé du Matériel sont-ils suffisants ? La montée est progressive, car une partie de l'effort relève des industriels, mais il s'agit d'un saut significatif et nous avançons vers une augmentation de la préparation opérationnelle.
En matière d'entrainement, nous souhaitions atteindre les normes OTAN à la fin de la loi de programmation militaire en cours, il n'est pas étonnant que nous n'y soyons pas encore tout à fait. Cela concerne aussi les soutiens ; à ce titre, l'exercice majeur Orion, prévu en 2023, est un point de rendez-vous, même si ceux-ci ne seront pas complètement prêts pour la haute intensité dès l'année prochaine. Ils y participeront, avec leurs moyens, le retour d'expérience de cet exercice sera essentiel, mais notre ambition opérationnelle est fixée à 2030.
Le coût des facteurs a bien un impact, et il est aujourd'hui défavorable.
Le SSA est indispensable à l'efficacité opérationnelle des armées ; il soigne et prend en charge ce que nous avons de plus précieux, les hommes et les femmes qui défendent la France. Le SSA n'est pas dans une situation facile. Nous devons insister sur ce qui fait sa singularité : le Service de santé est celui « des Armées » - les personnels ont décidé d'être à la fois militaires et soignants - cet ADN militaire ne doit pas être vu comme une contrainte, mais comme une force.
Le recrutement cyber est une priorité. Nous capitalisons et investissons sur les nouveaux champs de conflictualité.
Attractivité et fidélisation répondent aux mêmes logiques. Dans le civil, les personnels n'ont pas accès à des missions aussi porteuses de sens et d'engagement. Insistons sur cet aspect. Nous devons aussi favoriser les passerelles entre les mondes civils et militaires dans une logique de flux et de maintien du niveau d'expertise, dans un domaine où les technologies évoluent très rapidement.
S'agissant de la NPRM : elle consiste en une simplification du volet indemnitaire de la solde des militaires, et un élargissement des assiettes des ayants droit. A l'issue de l'année 2023, troisième et dernière année de la mise en place de cette réforme, c'est bien le besoin de la dotation supplémentaire de 480 millions d'euros prévue dans la LPM. Simplifier des primes, par exemple, exige d'agir par grandes masses, pour éviter des mesures au fil de l'eau qui ne feront que des mécontents. De plus, il est important de considérer l'évolution des rémunérations sur l'ensemble de la carrière.
Les liens avec le système de retraite et les réformes à venir sont aussi évidents. A ce titre, la clause de revoyure est essentielle pour affiner le dispositif et l'adapter aux évolutions du contexte.
Enfin, la solde, dans les Armées dépend de beaucoup de facteurs directement liés à la situation personnelle de chaque militaire (nombre d'enfants, type et lieu de résidence, emploi du conjoint, nombre d'opérations extérieures, etc.). Une fois le 3ème volet déployé et stabilisé, nous pourrons identifier les marges de progression du dispositif de la NPRM et l'ajuster en fonction des effets RH à produire. La question indiciaire relève du cadre plus général du modèle RH des Armées dans la LPM.
M. Hugues Saury. - Le 30 septembre dernier, le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba était renversé au Burkina Faso, qui connaissait un second coup d'État en moins d'un an. La France a dû faire face à un nouvel épisode de désinformation, et démentir avoir protégé et accueilli le lieutenant-colonel. Craignez-vous pour la sécurité de nos forces françaises ? Sont-elles menacées par les nouvelles forces au pouvoir ? Cette instabilité remet-elle en question la présence de la task force Sabre, qui date de 2009 et est constituée de 400 hommes des forces spéciales ?
De plus, quel est l'inventaire des moyens et matériels fournis à l'Ukraine, en Ukraine ? Il nous faut une réponse, au commencement de l'examen budgétaire.
M. André Guiol. - Vous avez souvent évoqué les enseignements des réussites de l'armée ukrainienne, qui a fait preuve d'une incroyable force morale. Un équipement de qualité peut jouer un rôle majeur pour tenir dans la durée. Dans cet esprit, la loi de programmation militaire a mis l'accent sur les petits équipements des soldats, réduits au gré des coupes budgétaires d'avant 2017. Le PLF pour 2023 traduit-il cet effort indispensable pour le moral de nos troupes ?
Mme Catherine Dumas. - Nous constatons des tensions en matière de production et de sécurisation des approvisionnements en munitions de petit calibre. Depuis les années 1990, la France doit se fournir à l'étranger. Le Sénat s'est intéressé à la question depuis longtemps, sans succès à ce jour. La ministre belge de la défense envisage d'instaurer une chaîne de production, qui pourrait aussi profiter à la France. Il y va de la sécurité des approvisionnements européens.
Que pensez-vous de cette initiative ? Va-t-elle concurrencer les entreprises françaises ? Une coopération européenne est-elle envisageable en la matière ?
M. André Gattolin. - En mars 2021, la facilité européenne pour la paix (FEP) a été créée et dotée de 5,7 milliards d'euros. Les pays européens qui aident l'Ukraine peuvent demander une compensation au titre de ce fonds ; 4,5 milliards d'euros ont été dépensés en aides par les pays européens, et 2,5 milliards d'euros ont déjà fait l'objet de compensations.
La France a-t-elle bénéficié de ces compensations, qui permettraient d'abonder notre budget ? Cet argent est-il directement réaffecté aux armées ?
M. Jacques Le Nay. - Ma question porte sur les formations de soldats ukrainiens en France. Quelles forces armées sont concernées ? Combien de temps dureront les formations ? Comment seront-elles financées ? Comment ses missions s'articuleront-elles avec les formations annoncées par l'Union européenne ?
M. François Bonneau. - Après les attaques des gazoducs Nord Stream 1 et Nord Stream 2, quelle est la menace sur les autres gazoducs, par exemple en Méditerranée, et sur les câbles sous-marins ?
M. Guillaume Gontard. - Ma question porte sur le nucléaire civil. Les incidents autour de la centrale de Zaporijjia ont mis en lumière la place du nucléaire comme nouvel enjeu de guerre, tout comme la faiblesse des conventions internationales. Aucun traité spécifique n'existe.
La France est un pays très nucléarisé. En cas de conflit, étant donné la fragilité de notre réseau interconnecté, existe-t-il une stratégie spéciale, par exemple en matière de formation ?
Mme Gisèle Jourda. - Les efforts du plan Famille seront-ils poursuivis ? Ce plan a eu des effets très positifs. Par exemple, les maisons d'assistants maternels (MAM) ont fait l'objet de projets nombreux. Des investissements sont-ils prévus dans la LPM, et à quelle hauteur ?
Général Thierry Burkhard. - Le plan Famille va se poursuivre et les mesures en direction du militaire et de sa famille vont se développer. Nous voulons mieux répondre aux préoccupations locales, par exemple en matière de crèches ; 120 millions d'euros sont prévus.
La menace est réelle sur les gazoducs et les câbles. Surveiller ces installations est difficile, mais l'interconnexion des réseaux européens offre une forme de résilience.
Les modalités de la formation des soldats ukrainiens ne sont pas encore arrêtées. La force européenne est en train de se mettre en place et le ministre a fait des annonces pour la France. L'armée de Terre devrait former la majeure partie des effectifs, mais l'armée de l'Air et la Marine sont aussi concernées. L'ensemble des contributions est en cours de définition. Les formations devraient être lancées en novembre.
Des formations ont déjà lieu en France, et seront bientôt agrégées aux contributions européennes. Les formations concernent soit des spécialistes, soit des unités de combat constituées.
En ce qui concerne la FEP, une partie des cessions françaises est effectivement éligible à un remboursement. Mais allons au bout du raisonnement : la FEP, nous la payons, comme tous les pays européens- la clé de répartition qui définit notre contribution s'élève, rien que pour la France, à 18 %.
M. André Gattolin. - Plus on donne, plus on est gagnant.
Général Thierry Burkhard. - Il serait bien de se « rembourser » sur ce que l'on donne, mais comme notre cotisation est élevée, l'équilibrage n'est pas évident.
Par ailleurs, le matériel que l'on donne est déjà en service. Il est « bon de guerre », c'est ce qui fait sa valeur pour les forces armées ukrainiennes, mais il n'est pas neuf. Le matériel cédé est valorisé « au prix de l'occasion » ; il est remplacé par du matériel neuf. C'est une opération « à somme nulle » d'un point de vue numéraire, mais pas d'un point de vue financier.
Reste qu'il s'agit d'un très bon système dans lequel il faut voir un changement de posture de l'Union européenne : jusqu'alors, l'UE ne subventionnait que du matériel non létal. Cela marque la fin de la naïveté européenne.
M. André Gattolin. - On ne communique pas sur ce sujet.
Général Thierry Burkhard. - C'est vrai, c'est pour cette raison que je vous le dis.
Madame Dumas, sur la question des munitions de petit calibre, nous avons un système d'alliance et nous devons faire jouer les solidarités. Par exemple, avec les Belges, nous avons un partenariat stratégique sur « CaMo » (capacité motorisée) qui est le système Scorpion.
Si nous devions dépendre d'un pays pour les livraisons de munitions de petit calibre, il semble très raisonnable que ce soit la Belgique plutôt que des pays plus lointains. Nous devons aller dans cette direction, et je ne suis pas sûr que cela nuise à des entreprises françaises, qui peuvent également, de leur côté, trouver des partenariats avec des entreprises belges. Dans ce domaine, nous pouvons faire valoir des priorités de souveraineté, nationale ou européenne.
Monsieur Guiol, vous avez raison : la qualité de l'équipement, notamment de l'équipement individuel du combattant, est très importante et son impact sur le moral des troupes est sans commune mesure avec leur coût. Il faut bien évidemment investir sur le soutien à la vie courante, nous le devons à nos soldats, Ces derniers ne demandent pas à vivre de manière luxueuse ; la rusticité, qui est le régime normal sur le terrain, ne doit pas être le standard constaté au quartier et sur les bases, qu'il s'agisse des douches, du casernement ou de l'alimentation. Ce qui est acceptable en déploiement ne l'est pas nécessairement au quotidien. Les conditions d'exercice du métier évoluent. En améliorant le soutien, ils vivent mieux leur engagement et cela a un impact bénéfique sur leurs forces morales.
Monsieur Saury, sur le Burkina Faso, la leçon est bien qu'un pays qui rentre dans une spirale de coups d'état successifs met du temps à s'en relever.
Est-ce la porte ouverte aux Russes ? Ce n'est pas perceptible à ce stade dans les déclarations du capitaine Traoré, mais nous devons y être attentifs.
M. Christian Cambon, président. - Quid des moyens fournis à l'Ukraine ?
Général Thierry Burkhard. - Les armées fournissent du matériel répondant d'abord au besoin des forces armées ukrainiennes : des équipements individuels du combattant, des armements pour assurer leur défense et les munitions associées.
M. Christian Cambon, président. - Nous sommes renseignés sur ce sujet.
Général Thierry Burkhard. - Mais surtout, la France offre des capacités opérationnelles, et pas seulement du matériel. Nous aidons le partenaire à mettre en place un maintien en condition opérationnelle (MCO) durable, en lien avec les industriels. Nous avons également mis en place des hotlines pour permettre aux Ukrainiens de s'approprier rapidement et durablement les équipements cédés. Nous nous impliquons aussi dans la mission européenne d'assistance militaire, avec un important volet « formation et entraînement».
M. Christian Cambon, président. - Est-il vrai que la France est treizième ou quatorzième parmi les donateurs d'armement ?
Général Thierry Burkhard. - De manière générale, je ne crois pas qu'il faille s'engager dans une comparaison entre alliés. Il faut aussi rester prudent sur la typologie des classements, qui n'intègrent pas toujours les efforts réalisés sous chapeau européen. (Cas des contributions au FEP).
Il faut reconnaître que certains pays ont fait des efforts considérables. Nous ne sommes pas tous partis de la même ligne de départ. Il y a ceux qui disposaient de matériels déjà en service dans l'armée ukrainienne (« ex-pacte de Varsovie »), donc directement utilisable. Il y a aussi d'autres qui disposaient de stocks d'équipements anciens déjà remplacés, ce qui n'était pas notre cas. En France, lorsqu'un matériel est remplacé, il n'est pas conservé, mais est préférentiellement cédé à des pays partenaires.
Nous avons donc pris sur nos stocks d'emploi et non sur des réserves pour répondre rapidement aux besoins ukrainiens. Il en va de même pour les munitions. Ce qui compte, c'est la complémentarité et la cohérence d'ensemble, dans la durée.
M. Christian Cambon, président. - Tout cela a des conséquences sur la préparation de la LPM, car ce que nous avons donné était inattendu il y a huit mois et nous devrons reconstituer nos stocks.
Général Thierry Burkhard. - Nous devons avoir une vision dynamique sur ce sujet : les équipements ont une durée de vie donnée et nous devons prendre en considération leur date de remplacement.
M. Christian Cambon, président. - Nous allons, par exemple, donner des missiles Crotale ; ceux-ci allaient de toute façon être en remplacement n'est-ce pas ?
Général Thierry Burkhard. - Oui
M. Christian Cambon, président. - Merci infiniment pour ces explications, je vous renouvelle notre totale solidarité et notre engagement auprès des forces armées. Nous avons respect, confiance et amitié pour nos militaires et singulièrement ceux qui participent à des opérations extérieures et des missions de paix.
Dans le cadre de la LPM, je souhaite que nous jouions cartes sur table, car notre but est de vous aider. Nous ne savons pas quelle sera la situation en 2025 ou 2030, et il est important que nous ne fassions pas de mauvais choix, car les investissements sur les forces armées se font sur le temps long.
Projet de loi de finances pour 2023 - Audition du général d'armée Pierre Schill, chef d'état-major de l'armée de Terre
M. Christian Cambon, président. - Nous accueillons le général d'armée Pierre Schill, chef d'état-major de l'armée de Terre.
Mon Général, je vous remercie de votre présence ce matin devant la commission pour évoquer le projet de loi de finances (PLF) pour 2023.
Comme c'est l'usage, nous souhaitons entendre les chefs d'état-major de chacune des forces armées. Ce cycle d'auditions budgétaires nous procure un éclairage complet, tenant compte des spécificités de chaque composante de nos armées. Il est important que les forces, que vous représentez ici, puissent donner leur point de vue sur les crédits que le PLF propose d'ouvrir pour l'année prochaine.
En ce qui concerne l'armée de Terre, dont les 114 000 soldats représentent plus de 50 % de nos effectifs militaires, les défis révélés par la guerre en Ukraine sont nombreux. En effet, depuis le mois de février, l'intensité des combats au sol dont nous avons été les témoins attentifs démontre l'importance intacte du combat terrestre dans les guerres du XXIe siècle.
Dans le même temps, il nous faut toujours prendre garde à ne pas être « en retard d'une guerre ». Il faut tenir compte immédiatement des premiers enseignements de la guerre d'Ukraine - vous pourrez peut-être y revenir. Mais gardons toujours à l'esprit que la prochaine guerre sera, par définition, différente de l'actuelle. Nous préparons une loi de programmation militaire (LPM) qui ira a priori jusqu'en 2030, et nous voyons bien que, sur un tel laps de temps, la situation peut considérablement évoluer.
Nos concitoyens doivent comprendre que ces nouveaux espaces contestés que sont l'espace exoatmosphérique ou le cyberespace s'ajoutent aux moyens de la guerre conventionnelle et ne s'y substituent en aucun cas. C'est donc une addition de défis qu'il nous faut relever.
Vous nous donnerez à ce titre l'état actuel de vos réflexions sur l'évolution de l'armée de Terre, au regard des huit premiers mois du conflit ukrainien. Nous aurons bien sûr l'occasion de poursuivre ce travail plus en détail dans le cadre de la préparation de la LPM annoncée pour l'année prochaine.
Alors que l'armée de Terre avait engagé un grand exercice de réflexion stratégique en 2016 avec la publication du document Action Terrestre Future, vous nous direz dans quelle mesure cette doctrine de l'armée de Terre doit être réactualisée.
Vous nous direz également si les facteurs de supériorité opérationnelle identifiés à l'époque et qui ont nourri l'élaboration en 2017 de la Revue stratégique, puis son actualisation par le Gouvernement en 2021 ont, selon vous, évolué.
Plus largement, vous nous direz quelles sont, pour 2023 et les années suivantes, les priorités de l'armée de Terre pour se préparer à la haute intensité sans remettre en cause ni nos opérations extérieures ni la contribution à la cohésion nationale. Nous serions également heureux de connaître votre appréciation sur l'avenir de la mission Sentinelle, qui mobilise fortement l'armée de Terre depuis 2015. Le transfert de ses missions aux forces de sécurité intérieure, recommandé par la Cour des comptes, sera-t-il évoqué à l'occasion de la prochaine LPM ?
Enfin, vous nous présenterez le budget de l'armée de Terre pour 2023. S'il s'inscrit encore dans la programmation militaire que nous avions votée en 2018, vous nous indiquerez si des leçons sont déjà tirées du conflit ukrainien. Comment le durcissement de l'armée de Terre, axe fort de votre action, se traduit-il en actes dans le texte budgétaire ?
Je tiens, au nom de la commission, à vous féliciter pour le remarquable redéploiement de nos forces dans le Sahel que nous avons suivi avec attention, et à vous remercier pour la présentation des capacités de l'armée de Terre à laquelle nous avons assisté il y a quinze jours.
Général Pierre Schill, chef d'état-major de l'armée de Terre. - Avant mon propos, je souhaite vous faire visionner notre film de présentation intitulé Une armée de Terre de combat, diffusé le 6 octobre à Satory. (Le film est diffusé sur les écrans de la salle de réunion)
Ceux d'entre vous qui ont échangé avec eux ont pu le constater, nos soldats servent leur pays avec un engagement sans faille. Malgré un marché du travail concurrentiel, notre armée est l'une des rares en Europe à maintenir ses recrutements en 2022, en quantité et en qualité, et nos écoles et nos centres de formation sont le premier vecteur de fidélisation. Ils contribuent à une ascension basée sur le mérite, moteur d'un escalier social performant : parmi les officiers, plus de la moitié d'entre eux ont été sous-officiers et 8 % ont été militaires du rang. L'armée de Terre tire sa force de ses soldats.
L'année 2022 est marquée par des évènements majeurs, dont le premier est l'attaque de l'Ukraine par la Russie. Dans ce cadre, le 28 février dernier, le bataillon « fer de lance » de la force de réaction rapide de l'Otan, qui comprend 500 militaires des unités de la brigade d'infanterie de montagne et du 126e régiment d'infanterie de Brive a débarqué à Cincu, en Roumanie, où il a été rejoint par nos camarades belges et néerlandais. Depuis le 1er mai, avec ce groupement tactique multinational, la France est nation-cadre de la présence avancée renforcée (Enhanced Forward Presence) de l'Otan sur place. Comme l'a décidé le Président de la République et comme le ministre l'a annoncé, nous le renforçons par le déploiement de capacités blindées plus puissantes, avec des soldats de la 7e brigade blindée, dont les cavaliers du 1er régiment de chasseurs de Verdun, équipé de chars LECLERC. Par ailleurs, en mars dernier, une compagnie du 7e bataillon de chasseurs alpins a été déployée sur court préavis dans la mission Lynx, en Estonie, au côté de nos alliés britanniques, danois et estoniens.
Cette année 2022 a aussi été celle du redéploiement de notre dispositif au Sahel, hors du Mali. Cette réorganisation décidée par le Président de la République a été menée à bien en 6 mois. Nous avons conduit une opération militaire de grande ampleur déjouant les attaques des groupes armés terroristes, doublée d'une prouesse logistique représentant une trentaine de convois. Elle a permis de quitter le Mali dans l'ordre et en sécurité. Dorénavant, nos forces réorganisées en groupement tactique désert sont intégrées dans le dispositif des Forces Armées Nigériennes en opération sur leur territoire. Enfin, dès le 13 juillet, c'est-à-dire au lendemain de la déclaration des incendies à La Teste-de-Buch et à Landiras, 200 sapeurs-sauveteurs des unités d'instruction et d'intervention de la sécurité civile 1 et 7 de Nogent-le-Rotrou et de Brignoles ainsi que les sapeurs du 19e régiment du génie de Besançon sont intervenus en Gironde, renforcés le 17 juillet par 200 soldats du feu issus des sapeurs-pompiers de Paris et de la 11e brigade parachutiste. Ils ont ensuite contribué pendant plusieurs semaines au contrôle contre les reprises d'incendie.
L'année 2022 est une année pivot dans la modernisation de l'armée de Terre : nous atteindrons 18 % de la cible SCORPION à la fin de l'année, avec la livraison des premiers véhicules JAGUAR, pour lesquels la formation a débuté au sein du premier régiment de chasseurs d'Afrique. De plus, 113 GRIFFON s'ajoutent aux 339 déjà livrés. D'ici à la fin de l'année, 70 SERVAL seront présents dans nos forces et 11 régiments auront une unité élémentaire 100 % « scorpionisée ». Les deux tiers de notre cible pour les hélicoptères seront livrés, avec 8 Caiman NH90 et 6 Tigre HAD livrés cette année.
Nous visons 75 % de la cible de la LPM 2019-2025 pour les équipements individuels, avec pour la seule année 2022 9 500 fusils d'assaut, 22 000 pistolets, 900 fusils de précision et 3 400 jumelles de vision nocturne nouvelle génération.
En 2023, le jalon SCORPION 25 % sera atteint: la modernisation devient une réalité dans nos régiments, même si du chemin reste à parcourir. Cela correspond à la livraison en 2023 de 24 JAGUAR, de 135 GRIFFON et de 90 véhicules blindés légers Ultima (VBL-U) et de 110 SERVAL, ainsi que le début de la modernisation du char LECLERC. Le PLF 2023 finance aussi l'acquisition de 18 canons CAESAR pour remplacer ceux qui ont été cédés à l'Ukraine et la livraison des 10 premières stations satellitaires tactiques déployables SYRACUSE IV et des systèmes de drones tactiques PATROLLER. Les commandes se poursuivront, avec 420 SERVAL.
Le budget opérationnel de programme (BOP) Terre augmentera de 210 millions d'euros, pour atteindre 1,9 milliard d'euros, afin d'accroître notre crédibilité, notre réactivité et notre endurance. La verticalisation des contrats de domaine maintien en condition opérationnelle (MCO) aéronautique, en particulier pour la flotte de Tigre, continuera à porter ses fruits.
Nous visons 70 % des normes d'entraînement de référence, avec une hausse de l'activité de préparation opérationnelle de 6 points grâce à l'effort consenti en matière de MCO par rapport au projet annuel de performance (PAP) 2022. Toujours en 2023, l'armée de Terre franchira un jalon supplémentaire avec une brigade interarmes SCORPION projetable et l'exercice Orion, avec le déploiement sur le terrain d'une division dans le cadre d'un scénario qui prévoit une phase de combat de haute intensité, ce qui représente un changement d'échelle.
L'armée de Terre atteint ses objectifs de recrutement et de maîtrise du titre 2 malgré un marché du travail concurrentiel : 550 officiers, 1 550 sous-officiers et 12 000 militaires du rang nous auront rejoints en 2022. En 2023, nous porterons l'effort sur le maintien de l'attractivité et sur la fidélisation des soldats, prunelle de nos yeux. La nouvelle politique de rémunération des militaires (NPRM), qui sera finalisée avec le PLF, sera un levier déterminant.
L'accueil des équipements SCORPION et l'amélioration du quotidien seront les objets de nos principaux chantiers d'infrastructure, particulièrement pour le 1er régiment d'artillerie de Bourogne et pour la 13e demi-brigade de la Légion étrangère de La Cavalerie.
Nous sommes à l'aube d'une nouvelle ère stratégique. La guerre est revenue en Europe alors que les lignes de fractures géopolitiques et culturelles, qui touchent aux valeurs, entraînent des recompositions stratégiques. Le moment est semblable à la chute du mur de Berlin, en 1989, qui avait été suivie en quelques années par la fin du pacte de Varsovie, la première guerre du Golfe, la reprise de nos essais nucléaires et la suspension de la conscription.
J'entends conforter le socle de l'armée de Terre, en premier lieu ses forces morales et la valeur de nos soldats. L'ossature et le style de commandement de l'armée de Terre sont des pépites, son sens de la responsabilité et de la subsidiarité sont parfaitement adaptés à ce que nous observons des combats en Ukraine.
Nous devons capitaliser sur notre polyvalence. La complémentarité entre les programmes SCORPION et TITAN, irriguée par les projets VULCAIN pour la robotique et SYNERGIE pour le combat collaboratif, est le support de notre modernisation.
Pour les années à venir, la menace sera directe, hybride ou indirecte, proche ou lointaine.
La fonction stratégique « prévention » est au coeur de la politique de défense de la France et ne vise pas uniquement à préserver la stabilité dans les zones « fragiles ». Dans un contexte de compétition exacerbée entre puissances, la manoeuvre dans cet « espace stratégique » de la prévention et de l'influence est donc primordiale pour préserver la légitimité de l'action de notre pays. Il apparaît nécessaire de réinventer les missions de prévention par le biais de partenariats renouvelés, principalement en Afrique, dans des dispositions à propos desquelles le Président de la République attend un dispositif renouvelé.
L'armée de Terre contribuera à la solidarité stratégique avec les alliés, principalement dans le cadre de l'Union européenne et de l'Otan.
La guerre en Ukraine montre qu'avant et arrière ne se distinguent plus aussi clairement que par le passé. Le Président de la République a émis le souhait que la prochaine LPM prévoie un effort particulier pour la réserve. Mon intention demeure de forger l'armée de Terre de combat dont la France a besoin : le PLF 2023 y contribue.
M. Cédric Perrin, rapporteur pour avis sur le programme 146 « Équipement des forces ». - Je vous remercie pour vos propos et salue l'effort de 16 millions d'euros consenti pour le 1er régiment d'artillerie, précisément situé à Bourogne, non loin de Belfort.
Dès le conflit du Haut-Karabakh, la commission a souligné les ajustements nécessaires, en particulier compléter notre logique de précision par une logique de saturation au moyen de drones, renforcer la défense de proximité des unités terrestres et acquérir des moyens lourds de minage et de déminage antichar, abandonnés après la guerre froide.
La guerre russe en Ukraine illustre également l'importance des moyens de franchissement adaptés et de la maîtrise de toutes les étapes de la logistique en arrière du front.
Alors que l'inflation absorbera une partie de l'effort réalisé, n'y a-t-il pas un risque de négliger la partie immergée de l'iceberg des moyens de l'armée de Terre, c'est-à-dire des domaines moins visibles que celui des munitions ou des véhicules blindés ? Qu'attendez-vous de la prochaine LPM ?
Mme Hélène Conway-Mouret, rapporteure pour avis sur le programme 146 « Équipement des forces ». - Vous avez mentionné la réserve, tout comme le ministre des armées qui a annoncé l'ouverture d'une réflexion collective à ce sujet. Comment pensez-vous l'intégrer aux missions de l'armée et avec quels équipements ?
Quelles conclusions pouvons-nous déjà tirer du conflit en Ukraine, notamment sur les équipements que nous avons fournis ? Quelles sont nos forces et nos faiblesses ?
Enfin, la République tchèque a acquis 52 canons CAESAR en 2021 et en commandera 10 de plus, pour un total de 62, alors que la France n'en possédera que 76 après réassort. Le format de notre artillerie doit-il évoluer, compte tenu aussi du don de 3 lance-roquettes unitaires (LRU) envoyés à l'Ukraine notamment ?
M. Pascal Allizard, rapporteur pour avis sur le programme 144 « Environnement et prospective de la politique de défense ». - La guerre en Ukraine donne un nouveau tempo à la nécessité d'accélérer la capacité de l'armée de Terre à faire face à un engagement majeur. Ainsi, pour 2023, les études amont sur le programme 144 porteront sur des projets tels que le futur système de combat terrestre, les senseurs des futurs systèmes, leur fonctionnement en réseau, la protection du combattant et des véhicules, la robotique, le combattant augmenté ainsi que les munitions. Quelles sont vos priorités au sein de cette liste ? Y en a-t-il de nouvelles ?
Les 75 millions d'euros prévus contre les risques nucléaire, radiologique, biologique et chimique (NRBC) et pour la santé seront-ils suffisants pour répondre à l'ensemble des besoins ?
Enfin, sommes-nous bien armés face aux technologies nivelantes, qui remettent en cause l'avantage technologique occidental ?
M. Yannick Vaugrenard, rapporteur pour avis sur le programme 144 « Environnement et prospective de la politique de défense ». - La guerre en Ukraine met en évidence de nouveaux besoins tels que la frappe dans la profondeur et la défense aérienne et anti-drone. L'armée de Terre revendique-t-elle des capacités propres ou peut-elle se reposer sur celles de l'armée de l'air et de l'espace ?
L'urgence justifie-t-elle d'acheter sur étagères ou faut-il renforcer nos crédits d'innovation et d'études pour réorienter notre industrie de défense, le cas échéant dans le cadre de coopérations européennes ?
M. Olivier Cigolotti, rapporteur pour avis sur le programme 178 « Préparation et emploi des forces ». - Vous avez rappelé l'effort significatif consacré au MCO, pour 170 millions d'euros. Quel est votre diagnostic sur la disponibilité technique opérationnelle (DTO), sur laquelle nous ne disposons plus d'indicateurs ?
Le niveau d'usure et de disponibilité des matériels de l'armée de Terre est en faible amélioration. En 2023, la disponibilité des hélicoptères de manoeuvre devrait s'établir à 54 % du contrat opérationnel. La régénération industrielle des véhicules blindés de combat d'infanterie (VBCI) devait tout juste stabiliser leur disponibilité.
Où en est-on de l'obsolescence du char LECLERC, puisque ce matériel sera déployé en Roumanie ?
Comment atteindra-t-on d'ici 2025 les objectifs de parts des activités de maintenance réalisées par les industriels avec les contrats verticalisés ? Quelle est la proportion prévue en 2023 ?
Le redéploiement de Barkhane s'est fait principalement vers le Niger, avec la métropolisation de matériels : comment celle-ci sera-t-elle gérée et financée ?
Mme Michelle Gréaume, rapporteure pour avis sur le programme 178 « Préparation et emploi des forces ». - Les équipements neufs sont les bénéficiaires de la LPM et la préparation opérationnelle en est le parent pauvre. Le retour aux normes d'entraînement de l'Otan a été repoussé par la LPM à 2025. Nous ne disposons que de cibles pour l'année à venir pour les indicateurs de performance dans chaque PLF. Il n'est donc pas possible de connaître la trajectoire permettant d'atteindre les objectifs fixés pour 2025.
Pourtant, selon nos auditions en 2021, 600 millions d'euros non financés par la LPM seraient nécessaires. Cette estimation date d'avant la guerre en Ukraine et l'inflation. Comment ferez-vous face à cette situation ?
M. Joël Guerriau, rapporteur pour avis sur le programme 212 « Soutien de la politique de la défense ». - Pour l'armée de Terre, le passage de la réserve opérationnelle de 24 000 à plus de 40 000 membres, dans la continuité de l'objectif de doublement annoncé par le Président de la République, est un défi de recrutement. Ce changement de format doit-il s'accompagner d'un changement de doctrine ?
Comment associerez-vous les collectivités locales au projet de recrutement territorialisé de 10 000 jeunes volontaires du territoire national (VTN), que vous avez présenté cet été ?
D'autre part, l'armée de Terre est concernée au même titre que les autres forces par la cyberdéfense. Florence Parly avait annoncé un objectif de recrutement de 1 800 cybercombattants supplémentaires entre 2019 et 2025, mais se posent les défis de la formation, de l'attractivité et de la fidélisation. Le BTS cyber du lycée militaire de Saint-Cyr-l'École et la formation de l'École militaire préparatoire technique (EMTP) de Bourges sont une première réponse à ces défis mais, face à une attrition d'un tiers après un an d'exercice, comment entendez-vous réussir la montée en charge ?
M. Hugues Saury. - L'armée de Terre réalise un effort de commande militaire avec 18 chars LECLERC rénovés en 2023. Des véhicules blindés de combat de l'infanterie (VBCI) et un escadron de chars LECLERC de Mourmelon sont en cours de déploiement en Roumanie, et le 12e régiment de cuirassiers d'Olivet s'apprête à vivre une année peu ordinaire. Combien de chars LECLERC lui seront-ils confiés et quelle sera la participation du régiment aux déploiements en Europe de l'Est ?
Général Pierre Schill. - La guerre en Ukraine marque un changement profond. Nous disposons d'atouts pour l'adaptation : le premier est la force humaine de nos armées. L'armée française est une armée d'emploi. La concordance entre nos ambitions et nos moyens est structurante pour cette force, qu'il faudra ménager et consolider. Cela passe par le double axe du durcissement de la préparation opérationnelle des hommes et de la prise en compte des contraintes opérationnelles liées à l'exercice du métier et notamment, les impératifs familiaux.
Le deuxième atout fondamental est le style de commandement et la formation des cadres. Ils sont basés sur la prise d'initiative à tous les niveaux, qui prouve son efficacité opérationnelle en Ukraine : nous devons capitaliser dessus.
Un troisième atout est notre système régimentaire. Nos régiments, unités territorialisées d'un millier d'hommes autour d'un chef de corps, sont un creuset de l'efficacité de nos militaires du rang à consolider.
Quatrième atout, la modernisation, avec le programme SCORPION, est engagée autour de la colonne vertébrale de la connectivité et du combat collaboratif.
La consolidation de ces atouts ne nous dispense pas de certaines adaptations, dont en premier lieu l'organisation d'un commandement capable d'appréhender l'hybridité des nouveaux domaines de lutte et de combat, y compris de haute intensité. L'amont, avec l'idée de gagner la guerre avant la guerre, comporte une dimension d'influence et de communication opérationnelle.
En deuxième lieu, nous faisons face au défi de la réactivité. C'est un impératif de bonne gestion, mais aussi d'employabilité opérationnelle des équipements : il faut assurer la disponibilité du carburant, des munitions et des pièces de rechange nécessaires à l'entraînement et à l'engagement en opération.
En troisième lieu, nous devons veiller à l'équilibre et à l'adaptation de nos capacités. Monsieur Perrin, notre armée de Terre est orientée sur la manoeuvre et a des capacités puissantes de combat d'infanterie et de cavalerie. Il est primordial de les compléter par des capacités d'environnement.
Pour ce faire, nous devons agir sur trois axes principaux.
Tout d'abord, le champ de bataille peut devenir transparent en fonction des moyens en notre possession..
Ensuite, dès lors que la transparence est acquise, l'enjeu est celui de la létalité. Dès que l'information est obtenue sur un objectif, il faut frapper. Madame Conway-Mouret, notre objectif est fixé à 109 canons CAESAR couplés à l'acquisition de munitions ciblées. Les feux à longue portée reposent aujourd'hui sur les LRU qui arriveront en fin de vie en 2027 et devront être remplacés par des capacités similaires. La guerre en Ukraine nous enseigne que les feux très longue portée sont décisifs :il nous faut réfléchir sur la solution à retenir. L'armement de nos drones s'imposeet il est nécessaire d'acquérir des munitions téléopérées. Les capacités d'infiltration et de frappe à longue portée de nos hélicoptères doivent aussi être consolidées.
M. Cédric Perrin, rapporteur pour avis. - Notre commission demande depuis 5 ans l'armement des Patroller.
Général Pierre Schill. - La protection et la résilience sont cruciales, particulièrement la défense sol-air et la lutte anti-drone.
Dans ce contexte d'évolution, vous avez posé la question du rôle de la réserve. Nous avons actuellement 24 000 réservistes dans l'armée de Terre, le doublement demandé par le Président de la République nous amenant à 50 000. La réserve présente un double enjeu, militaire et de résilience de la Nation. Or, ces deux enjeux ne sont pas pleinement substituables : peut-être devrons-nous envisager plusieurs emplois des réservistes. Ainsi, certains éléments sont appelés à être intégrés dans nos régiments pour les aider directement à remplir leurs missions, avec un équipement approprié.
Le projet que j'ai soumis au chef d'état-major des armées et au ministre pour répondre au deuxième volet de la résilience et de l'esprit de défense est celui des VTN. Il répond à la logique du service national universel (SNU), qui se décomposera en une première phase obligatoire de deux semaines pour tous les participants et une seconde d'engagement volontaire au service du pays : l'armée de Terre a une part à y prendre. Elle le fait déjà, puisqu'elle reçoit 35 000 jeunes par an dont 16 000 engagés volontaires, 4 000 réservistes, 6 000 en service militaire adapté, 1 200 pour le service militaire volontaire, ainsi que ceux qui effectuent des préparations militaires.
M. Cédric Perrin, rapporteur pour avis. - Qu'en est-il des LRU ? Nous n'en aurons qu'une douzaine au maximum.
Général Pierre Schill. - La question de l'augmentation de leur portée se pose.
Une partie importante de l'effort du PLF 2023 porte sur l'entretien programmé du matériel, avec une hausse des crédits de 20 % pour atteindre 1,3 milliard d'euros, dont plus de 800 millions d'euros pour le terrestre et plus de 400 millions d'euros pour l'aérien, afin de tenir nos objectifs de disponibilité technique.
Cependant, au-delà de la DTO, c'est l'emploi effectif des équipements qui m'intéresse en premier lieu. N'épuisons pas nos équipes de maintien en condition opérationnelle, assurons-nous plutôt que les équipements sont largement employés.
Un enjeu de la LPM est l'entraînement accru des équipages : en 2023, nous visons 70 % de nos ambitions, contre 64 % fin 2022. Je compte aussi consacrer une part des ressources supplémentaires à la constitution de stocks de projection. Ainsi, l'escadron de douze chars LECLERC déployé en Roumanie disposera des conteneurs de pièces adéquats à son engagement.
Dans la perspective d'une fin de vie au plus tard en 2040, les LECLERC font l'objet d'un traitement des obsolescences. La fiabilisation en cours est donc a minima, le système principal de combat terrestre (ou Main Ground Combat System, MGCS) devant prendre la suite. En cas de retard, nous pourrions modifier la portée de la mise à niveau du LECLERC avec un horizon à 2050, comprenant par exemple la numérisation des moyens d'observation..
M. Cédric Perrin, rapporteur pour avis. - Avez-vous des estimations budgétaires ?
Général Pierre Schill. - À ce sujet, nous réfléchissons à une nouvelle feuille de route de nos capacités char : le point central de décision sera celui de la fin de vie du LECLERC.
Le MCO des matériels terrestres se divise en trois tiers : les hélicoptères, les équipements lourds - VBCI, LECLERC - et le reste. La pérennisation ou non du LECLERC et l'éventuelle acquisition d'un matériel d'entraînement à moindre coût font partie de l'équation.
Les contrats verticalisés produisent leur effet. Nous visons un point d'équilibre pour leur donner de la crédibilité, sans lequel une renégociation sera nécessaire. En outre, la capacité étatique de maintien doit demeurer avec une proportion comprise entre 20 et 30 %.
L'ensemble de nos équipements a été sorti du Mali : la plupart est au Niger et certains équipements ont été redéployés vers Cotonou ou Abidjan. Les norias se poursuivent pour les acheminer vers ces ports et, de là, vers la métropole. Des équipes sont sur place pour catégoriser les éléments et réaliser les premières interventions. Le dernier véhicule déployé au Mali quittera le continent à la fin de l'année 2023.
Il est primordial de fidéliser notre ressource humaine du cyber. La NPRM nous ouvre des possibilités comme le versement d'indemnités spécifiques. D'autres facteurs, dont l'intérêt du métier, le sens et l'engagement au service du pays jouent également, tout comme la fidélisation des hommes et des femmes par la formation. L'EMPT de Bourges ouvre ainsi un bac professionnel spécialisé dans les métiers cyber, et nous voulons passer de 60 à 120 places pour le BTS de Saint-Cyr-l'École, partant du constat qu'une personne formée par l'institution y est plus attachée.
Monsieur Saury, le dispositif en Roumanie est en place pour un certain temps. Les régiments comportant des LECLERC y seront successivement déployés.
M. Christian Cambon, président. - Je vous remercie pour vos propos. Je partage vos inquiétudes pour le MGCS : peut-être devrons-nous envisager un rétrofit plus ambitieux que prévu pour le LECLERC.
Au nom de la commission, je vous assure de notre soutien et de notre confiance envers les forces armées, ainsi que de notre vigilance dans le cadre de la préparation de la LPM. Pour les avoir rencontrés à Constanta et au Sahel, je redis notre admiration pour l'engagement de nos combattants de l'armée de Terre, qui en ont parfois payé le prix fort. Vous devez bénéficier des moyens de remplir les objectifs que le pouvoir politique vous fixe.
La réunion est close à 12 h 50.