Mardi 11 octobre 2022

- Présidence de M. François-Noël Buffet, président -

La réunion est ouverte à 9 h 05.

M. François-Noël Buffet, président. - Avant d'en venir à l'examen des amendements de séance sur le projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur, je vous informe que Mélanie Vogel, membre de la commission des affaires sociales, m'a saisi d'une demande pour assister à la réunion de commission de demain, pour l'examen du rapport d'Agnès Canayer sur la proposition de loi constitutionnelle visant à protéger et à garantir le droit fondamental à l'interruption volontaire de grossesse et à la contraception, dont elle est la première signataire.

L'article 15 bis du Règlement du Sénat permet, sur décision de la commission, d'entendre l'auteur d'une proposition de loi. Je soumets donc à votre décision l'accès de Mme Vogel à cette réunion afin qu'elle puisse présenter son texte et les amendements qu'elle a déposés sur ce texte. Je propose qu'elle puisse ensuite rester à la réunion, sans qu'elle puisse reprendre la parole au cours de notre discussion générale.

Il en est ainsi décidé.

Projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur - Examen des amendements au texte de la commission

M. François-Noël Buffet, président. - Nous commençons par l'examen des amendements des rapporteurs.

EXAMEN DES AMENDEMENTS DES RAPPORTEURS

Article 1er (rapport annexé)

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. - Les collectivités territoriales sont souvent en première ligne dans les investissements nécessaires à la construction des bâtiments destinés à accueillir des brigades de gendarmerie. L'amendement n°  225 concerne le dispositif de soutien financier.

L'amendement n° 225 est adopté.

L'amendement n°  226 est adopté.

Article 7 bis

L'amendement n°  227 est adopté.

Article 10

L'amendement n°  228 est adopté.

Article 11

L'amendement n°  229 est adopté.

Article 13 bis

L'amendement n°  230 est adopté.

Article 14

L'amendement n°  231 est adopté.

Article 16

L'amendement n°  232 est adopté.

EXAMEN DES AMENDEMENTS AU TEXTE DE LA COMMISSION

Article 1er

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. - L'amendement de suppression n°  174 est contraire à la position de la commission. Avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 174.

Article 1er (rapport annexé)

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. - L'amendement n°  90 vise à réécrire le premier paragraphe du rapport annexé pour mettre l'accent sur la police de proximité. Si nous entendons les priorités proposées, plusieurs sujets me paraissent problématiques, concernant notamment le développement des missions sociales par la police. Mon avis est donc défavorable.

M. Guy Benarroche. - Je n'interviendrai pas sur tous nos amendements, mais je tiens à dire que nous défendons ici notre vision de la police de proximité.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 90.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. - L'amendement n°  137 prévoit que l'utilisation du numérique par les forces de sécurité intérieure doit être encadrée, un objectif que nous partageons. Toutefois, il ne nous semble pas pertinent ni opportun d'inscrire dans le rapport annexé que « l'utilisation des technologies d'identification et de fichage de la population ne peut être qu'une solution limitée dans des objectifs particuliers et qui doit être contrôlée dans sa mise en oeuvre par des organismes externes au ministère et indépendants ». Avis favorable à cet amendement, sous réserve de la suppression de la seconde phrase.

M. Alain Richard. - La commission prend là une position de principe en modifiant le contenu du rapport.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. - Cela s'est déjà produit, nous avons adopté des amendements sur le rapport annexé lors de l'examen en commission. Cependant, sur plusieurs amendements, avant de nous prononcer de manière pertinente, il sera opportun d'attendre les conclusions des missions d'information lancées par notre commission. Je pense en particulier aux missions sur l'organisation de la police judiciaire, et sur la formation initiale et continue des personnels de la police et de la gendarmerie nationales. Mon avis favorable constitue donc une exception aux amendements déposés sur le rapport annexé...

La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 137, sous réserve de rectification.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n°  71.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. -L'amendement n°  175 vise à mieux informer les victimes des suites de leur plainte. Certes, il s'agit d'un impératif, mais cette information doit être faite selon plusieurs modalités, et pas seulement au moyen d'un contact personnel d'un agent de police judiciaire (APJ). Par ailleurs, cet amendement supprimerait la partie du rapport relative au contact humain pour l'ensemble des procédures dématérialisées, ce qui ne se limite pas aux plaintes. Avis défavorable. Mon avis est également défavorable aux amendements nos  70 et 72.

La commission émet un avis défavorable aux amendements nos 175, 70 et 72.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. - Pour les mêmes raisons, avis défavorable à l'amendement n°  139.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 139.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. - Nous avons déjà eu le débat sur les caméras piétons et caméras embarquées dans la cadre de la loi Sécurité globale. Avis défavorable à l'amendement n°  138.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 138.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. - Les deux premières priorités concernant la doctrine d'emploi des caméras individuelles des policiers et gendarmes prévues par l'amendement n°  103 sont déjà inscrites dans le rapport. S'agissant de la reconnaissance faciale, nous avons conduit une mission sur le sujet. Nous attendons que le ministre de l'intérieur présente un projet de loi, à moins que nous ne déposions une proposition de loi pour traiter de ce sujet. Avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 103.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. - Concernant l'amendement n°  116, je propose que le ministre nous explique les raisons qui le conduisent à retenir Nîmes pour bâtir le hub européen de la sécurité civile. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.

La commission demande le retrait de l'amendement n° 116 et, à défaut, y sera défavorable.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. - Les amendements nos  18, 19, 75, 118, 179, 133 et 171 sont relatifs à la suppression de la généralisation des directions départementales de la police nationale. Tout d'abord, cette question relève du domaine réglementaire. Nous ne sommes pas opposés à cette départementalisation, mais nous sommes très vigilants sur les spécificités des missions de la police judiciaire. Il reviendra à la mission conduite par Mme Bellurot et M. Durain de s'assurer qu'elles sont bien respectées.

M. Guy Benarroche. - Même si cette question relève du domaine réglementaire, elle est tout de même traitée dans le rapport.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. - C'est pourquoi ces amendements sont recevables.

M. Guy Benarroche. - Dans votre rapport, vous notez uniquement qu'il faut traiter différemment la police judiciaire. Je vois une différence opérationnelle entre le texte de la commission et mon amendement.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. - J'ai repris un amendement des rapporteurs de la mission d'information sur le sujet, Nadine Bellurot et Jérôme Durain.

Le président Buffet a demandé la création de cette mission d'information. Attendons ses conclusions : nous ne nous opposons pas à la départementalisation de la police, mais, je le répète, nous sommes très vigilants sur la réforme de la police judiciaire.

La commission émet un avis défavorable aux amendements nos 18, 19, 75, 118, 179, 133 et 171.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. - L'amendement no  143 vise à conditionner la fermeture des brigades et commissariats à l'accord des maires. Certes, un débat du conseil municipal peut contribuer à éclairer les enjeux et permettre aux élus locaux de s'exprimer, mais il n'appartient pas aux conseils municipaux de décider de la répartition territoriale des forces de sécurité. En la matière, c'est l'exécutif qui tranche ! C'est pourquoi j'émets un avis favorable sous réserve d'une rectification visant à remplacer « l'accord » par une « consultation » du maire ou du conseil municipal.

M. Alain Richard. - Je précise toutefois que les dispositions en matière de sécurité relèvent de la responsabilité non pas du conseil municipal, mais du maire. Les tribunaux le rappellent régulièrement.

La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 143, sous réserve d'une rectification.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. - L'amendement n°  158 vise à inscrire dans le rapport annexé qu'il convient d'élargir le nombre d'agents assermentés en matière de police des déchets et de privilégier un transfert de la police des déchets des maires aux présidents d'intercommunalité. Je ne suis pas sûr que les maires soutiennent cette dernière idée. Avis défavorable.

M. Alain Richard. - J'ajoute que le texte initial ne comporte aucune disposition sur ce sujet !

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 158.

M. Guy Benarroche. - L'amendement n°  76 vise à faciliter le développement dans les commissariats et brigades d'officiers de liaison LGBT+, comme il en existe déjà à Paris, à Marseille ou à Bordeaux.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. - Ce dispositif, qui fonctionne, doit effectivement être développé, car il permet une meilleure prise en compte des victimes. Cependant, si nous commençons à dresser une liste dans la loi de tous les dispositifs d'accueil spécifique des victimes, nous risquons d'en oublier. Mon avis est donc défavorable. Le ministre a choisi de donner une indication générale. J'essaie de rester cohérent avec le texte initial, même si je ne suis pas d'accord avec tout ce qu'il contient, et avec les positions que notre commission a pu exprimer par le passé.

M. Guy Benarroche. - Dans la mesure où ce texte est d'ordre littéraire, cet amendement se justifie tout autant que d'autres...

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 76.

Article 4

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. - Avis défavorable aux amendements identiques nos  5 rectifié bis, 61, 112 rectifié bis, 115, et 126, qui visent à supprimer l'article 4. Celui-ci impose de déposer plainte pour pouvoir être indemnisé par un assureur en cas de versement d'une rançon après une attaque au rançongiciel. Aujourd'hui, aucune disposition n'interdit de s'assurer contre le risque de paiement d'une rançon. Il est donc excessif d'affirmer que le projet de loi autoriserait la couverture assurantielle de ce risque : cette couverture est déjà possible ! Le paiement d'une rançon doit bien sûr rester une option de dernier recours. Lorsque la victime s'y résout, il est important que les autorités judiciaires en soient informées, afin de pouvoir mener plus efficacement leurs investigations. Comme vous pouvez l'imaginer, les assureurs qui acceptent de couvrir ce risque vérifient que leurs clients se protègent correctement contre le risque de cyberattaque.

M. François Bonhomme. - C'est ambigu : d'un côté, on dit aux entreprises qu'il ne faut pas payer de rançon ; de l'autre, on les incite à se couvrir contre ce risque.

M. Alain Richard. - Les cyberattaques ne sont pas limitées à la France.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. - Les cyberattaques proviennent, pour l'essentiel, de hackers étrangers, russes notamment. Nos services de police et de renseignement se plaignent qu'ils manquent d'éléments, car les attaques restent souvent cachées. Ils ont besoin d'être informés pour pouvoir nous protéger et limiter les effets des attaques. Il importe d'améliorer notre dispositif. Tel est l'objet de cet article.

La commission émet un avis défavorable aux amendements identiques nos  5 rectifié bis, 61, 112 rectifié bis, 115, et 126.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. - L'amendement n°  46 vise à rendre obligatoire le dépôt d'une pré-plainte dans les 24 heures suivant l'attaque d'au rançongiciel, et non dans les 48 heures, comme cela est prévu dans le texte. Les auteurs de l'amendement no  117 veulent que le dépôt de plainte soit obligatoire au moment de la demande de rançon, tandis que l'amendement n°  62 prévoit un délai de 15 jours. Avis défavorable à ces amendements.

M. Guy Benarroche. - Le délai de 48 heures aboutit, en fait, à rendre inopérant le dispositif proposé.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. - Ce délai paraît suffisant dans la mesure où il commence à partir du paiement de la rançon, qui n'intervient jamais immédiatement après une attaque au rançongiciel. La victime a donc le temps d'évaluer la situation. Un délai de 15 jours semble inopérant, tandis qu'un délai plus court serait excessif.

La commission émet un avis défavorable aux amendements nos 46, 117 et 62.

Article 5 (Supprimé)

M. Loïc Hervé, rapporteur. - Avec l'amendement n°  224, le Gouvernement clarifie le cadre légal du programme Réseau Radio du Futur (RRF). Il souhaitait procéder par ordonnance, mais il a finalement choisi de déposer un amendement dans ce texte. Avis favorable.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. - L'amendement tient en trois pages. On ne comprend pas pourquoi le Gouvernement nous disait que c'était très compliqué et qu'il fallait légiférer par ordonnance...

La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 224.

Article 14

M. Loïc Hervé, rapporteur. - L'amendement n°  55 paraît déjà satisfait par l'obligation de faire figurer les voies de recours sur l'avis d'amende forfaitaire délictuelle. Retrait sinon avis défavorable.

M. Guy Benarroche. - Cet amendement est peut-être satisfait dans la loi, mais il en va différemment dans la réalité !

M. François-Noël Buffet, président. - Les voies de recours doivent être indiquées. Nous pourrons demander au ministre en séance ce qu'il en est.

La commission demande le retrait de l'amendement n° 55 et, à défaut, y sera défavorable.

M. Loïc Hervé, rapporteur. - L'amendement n°  213 vise à étendre le champ des amendes forfaitaires délictuelles à certaines infractions en matière d'urbanisme. Retrait sinon avis défavorable. On imagine mal le maire délivrer à la fois les permis de construire, au titre de ses prérogatives en matière de police administrative, et les amendes, en tant qu'officier de police judiciaire. Un maire n'est pas un shérif ! Il ne se promène pas avec un carnet à souche ni avec un terminal de paiement.

M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur. - Un commissaire de police a écrit un traité sur la fonction d'officier de police judiciaire du maire ; il explique pourquoi cette notion est dépourvue de sens, sauf en matière d'état civil. Il n'est pas souhaitable que le maire devienne un super-shérif dans sa commune. Mieux vaut s'en tenir au cadre existant. Ce n'est pas un service à rendre aux maires que de les autoriser à délivrer des contraventions directement ou des pénalités en matière d'urbanisme...

La commission demande le retrait de l'amendement n° 213 et, à défaut, y sera défavorable.

Les sorts des amendements des rapporteurs examinés par la commission sont retracés dans le tableau suivant :

Auteur

Sort de l'amendement

RAPPORT ANNEXÉ

Article 1er

MM.  HERVÉ et DAUBRESSE,
rapporteurs

225

Adopté

MM.  HERVÉ et DAUBRESSE,
rapporteurs

226

Adopté

Article 7 bis

MM.  HERVÉ et DAUBRESSE,
rapporteurs

227

Adopté

Article 10

MM.  HERVÉ et DAUBRESSE,
rapporteurs

228

Adopté

Article 11

MM.  HERVÉ et DAUBRESSE,
rapporteurs

229

Adopté

Article 13 bis

MM.  HERVÉ et DAUBRESSE,
rapporteurs

230

Adopté

Article 14

MM.  HERVÉ et DAUBRESSE,
rapporteurs

231

Adopté

Article 16

MM.  HERVÉ et DAUBRESSE,
rapporteurs

232

Adopté

La commission a donné les avis suivants sur les autres amendements de séance :

Auteur

Avis de la commission

Article 1er

Mme ASSASSI

174

Défavorable

RAPPORT ANNEXÉ

M. BENARROCHE

90

Défavorable

M. DOSSUS

137

Favorable si rectifié

M. BENARROCHE

71

Défavorable

Mme ASSASSI

175

Défavorable

M. BENARROCHE

70

Demande de retrait

M. BENARROCHE

72

Demande de retrait

M. DOSSUS

139

Défavorable

M. DOSSUS

138

Défavorable

M. BENARROCHE

103

Défavorable

Mme de MARCO

116

Demande de retrait

Mme ASSASSI

176

Défavorable

Mme ASSASSI

177

Défavorable

M. DOSSUS

141

Défavorable

M. DOSSUS

140

Défavorable

M. SUEUR

18

Défavorable

M. SUEUR

19

Défavorable

M. BENARROCHE

75

Défavorable

Mme Nathalie DELATTRE

118

Défavorable

Mme ASSASSI

179

Défavorable

M. BREUILLER

133

Défavorable

M. FAVREAU

171 rect.

Défavorable

M. DURAIN

20

Demande de retrait

M. DOSSUS

144

Défavorable

Mme ASSASSI

183

Défavorable

M. DOSSUS

142

Défavorable

M. DOSSUS

143

Favorable si rectifié

M. PAUL

211

Favorable si rectifié

M. MOHAMED SOILIHI

215 rect. bis

Favorable si rectifié

M. FERNIQUE

156

Défavorable

M. FERNIQUE

157

Défavorable

M. FERNIQUE

158

Défavorable

Mme ASSASSI

206

Défavorable

M. BENARROCHE

101

Demande de retrait

Mme ASSASSI

178

Défavorable

M. DURAIN

21

Défavorable

M. BENARROCHE

74

Défavorable

Mme ASSASSI

205

Défavorable

Mme ASSASSI

180

Défavorable

M. BENARROCHE

76

Défavorable

Mme Mélanie VOGEL

131

Défavorable

Mme VÉRIEN

9

Avis du Gouvernement

Mme Maryse CARRÈRE

173

Favorable

M. BENARROCHE

73

Défavorable

Mme Mélanie VOGEL

130

Demande de retrait

M. MOHAMED SOILIHI

214 rect. bis

Demande de retrait

Mme de LA GONTRIE

22

Demande de retrait

M. DOSSUS

145

Défavorable

Mme ASSASSI

181

Défavorable

Mme HARRIBEY

25

Favorable

M. BENARROCHE

111

Défavorable

M. BENARROCHE

79

Défavorable

Mme Mélanie VOGEL

129

Défavorable

M. BENARROCHE

88

Défavorable

M. BENARROCHE

82

Défavorable

M. DURAIN

121

Défavorable

M. DURAIN

122

Défavorable

M. DURAIN

123

Défavorable

M. DOSSUS

146

Défavorable

M. BENARROCHE

80

Défavorable

M. BENARROCHE

83

Défavorable

Mme ASSASSI

201

Défavorable

Mme ASSASSI

199

Défavorable

Mme ASSASSI

200

Défavorable

M. BENARROCHE

84

Défavorable

Mme ASSASSI

182

Défavorable

M. BREUILLER

134

Défavorable

Mme ASSASSI

184

Défavorable

M. DOSSUS

155

Défavorable

M. DOSSUS

147 rect.

Défavorable

M. DOSSUS

148

Défavorable

M. BENARROCHE

104

Défavorable

M. JACQUIN

23

Favorable si rectifié

M. PATIENT

217

Favorable

M. PATIENT

218

Défavorable

M. PATIENT

219

Avis du Gouvernement

Mme ASSASSI

185

Défavorable

M. KANNER

124

Avis du Gouvernement

Mme ASSASSI

202

Défavorable

Mme ASSASSI

204

Défavorable

Mme ASSASSI

203

Défavorable

Mme ASSASSI

190

Défavorable

M. BENARROCHE

100

Défavorable

M. DOSSUS

150

Défavorable

Mme ASSASSI

187

Défavorable

Mme ASSASSI

186

Défavorable

Mme ASSASSI

188

Défavorable

M. BENARROCHE

77

Défavorable

Mme ASSASSI

189

Défavorable

Mme Mélanie VOGEL

132

Avis du Gouvernement

M. DOSSUS

149

Défavorable

M. KANNER

125 rect.

Favorable

M. BENARROCHE

93

Défavorable

M. BENARROCHE

92

Défavorable

M. BENARROCHE

110

Avis du Gouvernement

M. BENARROCHE

91

Défavorable

M. BENARROCHE

89

Défavorable

M. GONTARD

94

Défavorable

M. GONTARD

95

Défavorable

M. GONTARD

96

Défavorable

M. GONTARD

97

Défavorable

M. GONTARD

98

Défavorable

M. GONTARD

99

Défavorable

M. DURAIN

49

Demande de retrait

Mme Mélanie VOGEL

128

Défavorable

M. DURAIN

48

Demande de retrait

M. BENARROCHE

81

Défavorable

M. BENARROCHE

87

Défavorable

M. DOSSUS

151

Favorable

M. DOSSUS

152

Défavorable

M. DOSSUS

153

Défavorable

M. DOSSUS

154

Défavorable

M. BENARROCHE

85

Défavorable

M. BENARROCHE

86

Défavorable

Article additionnel après l'article 1er

M. DURAIN

120

Défavorable

Article 3

M. BENARROCHE

60

Défavorable

M. FAVREAU

165 rect.

Défavorable

Article 4

M. BONHOMME

5 rect. bis

Défavorable

M. BENARROCHE

61

Défavorable

M. CADIC

112 rect. bis

Défavorable

Mme Nathalie GOULET

115

Défavorable

M. Mickaël VALLET

126

Défavorable

M. CARDON

46

Défavorable

Mme Nathalie GOULET

117

Défavorable

M. BENARROCHE

62

Défavorable

M. CARDON

45

Avis du Gouvernement

Mme MORIN-DESAILLY

216

Avis du Gouvernement

Article additionnel après l'article 4

M. DURAIN

16

Défavorable

Article 5 (Supprimé)

Le Gouvernement

224

Favorable

Article additionnel après l'article 5 (Supprimé)

Mme PUISSAT

15 rect.

Irrecevable au titre de
l'article 45 de la Constitution

Mme CONCONNE

17

Demande de retrait

Article 6

Mme ASSASSI

191

Irrecevable au titre de
l'article 45 de la Constitution

Le Gouvernement

136

Sagesse

M. RICHARD

207

Sagesse

M. BENARROCHE

56

Demande de retrait

M. DURAIN

24

Demande de retrait

M. DURAIN

43

Saisine du Président du Sénat au titre de
l'article 41 de la Constitution

Article additionnel après l'article 6

Mme Nathalie DELATTRE

114

Irrecevable au titre de
l'article 45 de la Constitution

Mme GATEL

4 rect.

Irrecevable au titre de
l'article 45 de la Constitution

Mme BILLON

162 rect.

Défavorable

M. FAVREAU

166 rect.

Défavorable

Mme ROSSIGNOL

30

Demande de retrait

M. LEVI

13 rect.

Saisine du Président du Sénat au titre de
l'article 41 de la Constitution

M. LEVI

14

Saisine du Président du Sénat au titre de
l'article 41 de la Constitution

Article 7

M. RICHARD

208

Avis du Gouvernement

Article additionnel après l'article 7

Mme ROSSIGNOL

33

Défavorable

Mme ROSSIGNOL

34

Défavorable

Mme ROSSIGNOL

31

Défavorable

Mme ROSSIGNOL

32

Défavorable

Mme de LA GONTRIE

26

Demande de retrait

Mme de LA GONTRIE

27

Demande de retrait

Article 7 bis

M. BENARROCHE

64

Défavorable

M. DURAIN

28

Défavorable

M. DURAIN

29

Défavorable

Article additionnel après l'article 7 bis

M. LE RUDULIER

172 rect. bis

Irrecevable au titre de
l'article 45 de la Constitution

M. GOLD

163

Demande de retrait

Mme VERMEILLET

52

Demande de retrait

M. GOLD

164

Irrecevable au titre de
l'article 45 de la Constitution

M. DURAIN

47

Défavorable

M. SAVIN

8

Demande de retrait

M. RETAILLEAU

159

Irrecevable au titre de
l'article 45 de la Constitution

M. DURAIN

119

Défavorable

M. MAUREY

161

Demande de retrait

Article additionnel après l'article 8

M. BENARROCHE

108

Défavorable

M. FAVREAU

167 rect.

Défavorable

Mme Valérie BOYER

6

Défavorable

Mme Valérie BOYER

7

Défavorable

M. BAZIN

10 rect.

Défavorable

M. BAZIN

11 rect.

Défavorable

M. BAZIN

12 rect.

Défavorable

M. BAZIN

1 rect.

Défavorable

M. BAZIN

2 rect.

Défavorable

Article 9

M. DURAIN

35

Défavorable

M. BENARROCHE

57

Défavorable

M. FAVREAU

168 rect.

Défavorable

Mme ASSASSI

192

Défavorable

Article 10

M. BENARROCHE

59

Défavorable

M. FAVREAU

169 rect.

Défavorable

Mme ASSASSI

193

Défavorable

M. DURAIN

36

Défavorable

M. BENARROCHE

58

Défavorable

Article 11

Mme ASSASSI

194

Défavorable

Article 12

Mme ASSASSI

195

Défavorable

M. DURAIN

37

Défavorable

M. BENARROCHE

67

Défavorable

M. VERZELEN

51 rect. bis

Irrecevable au titre de
l'article 45 de la Constitution

Article 13

M. BENARROCHE

66

Défavorable

Mme ASSASSI

196

Défavorable

M. DURAIN

38

Défavorable

Article 13 bis

M. DURAIN

44

Défavorable

M. BENARROCHE

65

Défavorable

Article additionnel après l'article 13 bis

M. BENARROCHE

109

Irrecevable au titre de
l'article 45 de la Constitution

M. BENARROCHE

105

Irrecevable au titre de
l'article 45 de la Constitution

M. DECOOL

223

Irrecevable au titre de
l'article 45 de la Constitution

Article additionnel avant l'article 14

Mme GACQUERRE

135

Défavorable

Article 14

M. DURAIN

39

Demande de retrait

M. BENARROCHE

53

Demande de retrait

M. FAVREAU

170 rect.

Demande de retrait

Mme ASSASSI

197

Demande de retrait

M. BENARROCHE

55

Demande de retrait

M. RICHARD

209

Défavorable

M. RICHARD

210

Favorable

Mme JOSEPH

213

Demande de retrait

M. BENARROCHE

54

Défavorable

Article additionnel après l'article 14

M. MAUREY

160

Avis du Gouvernement

Article 14 bis

M. DURAIN

40

Défavorable

Article additionnel après l'article 14 bis

Mme NOËL

127 rect. bis

Demande de retrait

M. BENARROCHE

102

Irrecevable au titre de
l'article 45 de la Constitution

M. BENARROCHE

63

Irrecevable au titre de
l'article 45 de la Constitution

M. BENARROCHE

78

Défavorable

Article additionnel avant l'article 15

M. BENARROCHE

107

Irrecevable au titre de
l'article 45 de la Constitution

M. BENARROCHE

106

Irrecevable au titre de
l'article 45 de la Constitution

Article 15

Mme ASSASSI

198

Défavorable

M. BENARROCHE

69

Défavorable

M. DURAIN

41

Défavorable

Article additionnel après l'article 15

M. BOURGI

42

Défavorable

M. BENARROCHE

68

Défavorable

M. LEMOYNE

212

Irrecevable au titre de
l'article 45 de la Constitution

M. RAVIER

222

Irrecevable au titre de
l'article 45 de la Constitution

M. RAVIER

220

Irrecevable au titre de
l'article 45 de la Constitution

Article 16

Mme CONCONNE

50

Demande de retrait

La réunion est close à 10 h 15.

Mercredi 12 octobre 2022

- Présidence de M. François-Noël Buffet, président -

La réunion est ouverte à 9 h 30.

Proposition de loi visant à permettre aux différentes associations d'élus de se constituer partie civile pour soutenir pleinement, au pénal, un édile victime d'agression - Désignation d'un rapporteur

La commission désigne Mme Catherine Di Folco rapporteur sur la proposition de loi n° 631 (2021-2022) visant à permettre aux différentes associations d'élus de se constituer partie civile pour soutenir pleinement, au pénal, un édile victime d'agression, présentée par Mme Nathalie Delattre et plusieurs de ses collègues.

Proposition de loi visant à compléter les dispositions relatives aux modalités d'incarcération ou de libération à la suite d'une décision de cour d'assises - Désignation d'un rapporteur

La commission désigne Mme Maryse Carrère rapporteure sur la proposition de loi n° 647 (2021-2022) visant à compléter les dispositions relatives aux modalités d'incarcération ou de libération à la suite d'une décision de cour d'assises, présentée par M. Jean-Claude Requier et plusieurs de ses collègues.

Proposition de loi encadrant l'intervention des cabinets de conseil privés dans les politiques publiques - Examen du rapport et du texte de la commission

M. François-Noël Buffet, président. - Nous examinons la proposition de loi encadrant l'intervention des cabinets de conseil privés dans les politiques publiques, déposée par nos collègues Éliane Assassi et Arnaud Bazin.

Mme Cécile Cukierman, rapporteure. - Ce texte, ambitieux et profondément novateur, découle directement des travaux de la commission d'enquête sur l'influence croissante des cabinets de conseil privés sur les politiques publiques, dont elle reprend dix-sept des dix-neuf recommandations. Il a été cosigné par la quasi-intégralité des membres de la commission d'enquête et est le fruit d'un travail transpartisan. J'ai tenu à conserver cet équilibre, en tâchant d'y apporter clarifications et modifications lorsque cela était nécessaire et possible.

Permettez-moi au préalable de dire quelques mots sur les dix-neuf articles de ce texte, que certains d'entre vous connaissent déjà très bien en tant que membres de la commission d'enquête et co-signataires de la proposition de loi.

Après un premier chapitre visant à définir son champ d'application, le coeur de la proposition de loi est structuré en quatre chapitres qui tendent à répondre aux quatre enjeux soulevés par le recours par l'administration aux cabinets de conseil privés, tels qu'ils ont été identifiés par la commission d'enquête.

Afin de mettre un terme à l'opacité des prestations de conseil, le chapitre II renforce les obligations de transparence à l'égard des prestataires de conseil. En particulier, les consultants n'auront plus le droit d'utiliser les signes distinctifs de l'administration, pour éviter toute confusion entre le service public et les consultants. Est également prévue la création d'une annexe au projet de loi de finances recensant le recours aux prestations de conseil par les administrations entrant dans le périmètre de la proposition de loi.

Le chapitre III a pour objet de mieux encadrer le recours par l'administration aux consultants et l'exécution des prestations fournies. Le texte prévoit ainsi d'instaurer une évaluation systématique, formalisée et publique des prestations de conseil, afin de mesurer leur valeur ajoutée pour les missions de l'administration. En outre, il interdit les prestations de conseil réalisées à titre gratuit au bénéfice de l'administration, afin de contrer la stratégie dite du « pied dans la porte », mise au jour par la commission d'enquête.

Le chapitre IV comprend les dispositions probablement les plus importantes et innovantes de cette proposition de loi. Il prévoit ainsi d'imposer un cadre déontologique unifié aux cabinets de conseil intervenant pour l'administration, qui permettrait de mieux détecter et prévenir les conflits d'intérêts et de contrôler plus systématiquement les allers-retours entre l'administration et ces cabinets. La Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) se verrait ainsi confier une nouvelle mission de contrôle, doublée d'un pouvoir de sanction en cas de manquement aux obligations déontologiques. De plus, la Haute Autorité serait systématiquement saisie lorsqu'un agent public rejoindrait un cabinet de conseil, et réciproquement lorsqu'un consultant rejoindrait l'administration.

Enfin, le chapitre V vise à mieux protéger les données de l'administration confiées aux cabinets de conseil, en prévoyant la suppression des données collectées dans un délai d'un mois à l'issue de la prestation sous le contrôle de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) et en obligeant les cabinets de conseil à faire auditer leurs systèmes d'information selon un référentiel de l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI).

Deux principes généraux ont guidé ma réflexion en tant que rapporteure. D'une part, il convenait de respecter l'esprit de ce texte et son équilibre, qui sont le fruit à la fois d'accords et de compromis entre l'ensemble des groupes politiques du Sénat. D'autre part, il s'agissait de renforcer la portée et l'effectivité de ses dispositions en rendant certaines d'entre elles plus opérationnelles.

À l'article 1er, je vous proposerai de préciser le périmètre de la proposition de loi, en remplaçant la catégorie d'« opérateurs de l'État », qui est une notion budgétaire susceptible d'évoluer d'une année sur l'autre, par celle d'« établissements publics de l'État ». Il s'agit d'une rédaction plus précise juridiquement, qui permettrait de conserver dans le champ d'application de la loi la grande majorité des organismes listés comme opérateurs en 2023. Elle en ajouterait d'autres, comme la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF), la Caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV) ou l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM).

Je ne vous cache pas que la question de la détermination du périmètre s'agissant des administrations bénéficiaires est délicate. J'ai tendance à penser que tous les établissements publics ne sont pas égaux face au recours aux cabinets de conseil, et que la question de l'influence des cabinets de conseil ne se pose pas exactement dans les mêmes termes selon que l'on considère un ministère régalien ou l'hôpital local de Saint-Bonnet-le-Château, dans la Loire. C'est pourquoi je me suis interrogée notamment sur la possibilité d'instaurer un seuil - il aurait été, par exemple, fixé au regard des dépenses de fonctionnement de l'établissement - qui aurait permis de ne retenir que les établissements présentant une certaine taille critique, qui semblent davantage susceptibles de recourir aux cabinets de conseil de manière significative. Cependant, je ne dispose pas des informations permettant d'établir la liste précise des établissements publics de l'État concernés par tel ou tel seuil : je me suis donc abstenue de toute proposition en la matière.

Le périmètre de la proposition de loi, s'agissant cette fois-ci des prestations visées, suscite également de nombreuses réactions, en particulier à propos du conseil en informatique. La numérisation de nos services publics conduit l'administration à mener de nombreux projets informatiques avec l'appui de prestataires extérieurs ; pour autant, tous ces projets ne sont pas forcément structurants ou stratégiques, même si, il est vrai, la manière de concevoir un outil informatique peut l'être. C'est pourquoi je vous proposerai d'exclure expressément certaines prestations purement techniques et d'exécution. Je ne crois pas trahir ici les auteurs qui ont eux-mêmes souhaité exclure « les prestations informatiques » dans leur présentation du texte.

Par ailleurs, dans la mesure où les professionnels du droit sont déjà soumis à des obligations déontologiques sous le contrôle de leurs ordres professionnels respectifs, il me semble justifié d'exclure du champ de la proposition de loi les prestations de conseil juridique réalisées par l'ensemble de ces professionnels, sans se limiter à celles qui sont accomplies par les avocats dans leur activité plaidante. La logique doit être la même que pour les commissaires aux comptes ou les experts-comptables, déjà exclus du texte. Cela permettrait d'éviter tout risque de contrôle et de sanction en doublon, par les conseils de discipline et la HATVP.

Comme vous le voyez, l'équilibre à trouver entre la portée générale de la loi, d'une part, et son caractère réaliste et effectif, d'autre part, est tout sauf évident, mais nous pourrons en reparler.

J'en viens maintenant aux dispositions du texte à proprement parler.

Tout d'abord, il m'a semblé nécessaire de renforcer les mesures visant à mieux identifier les apports des consultants dans les travaux réalisés pour l'administration et de clarifier les responsabilités de cette dernière.

Concernant le document budgétaire prévu à l'article 3, notre souhait est bien de créer un véritable « jaune budgétaire », c'est-à-dire une annexe générale au projet de loi de finances, que le Gouvernement aurait obligation de produire chaque année. Néanmoins, la récente réforme de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) impose que cette création ait pour véhicule une loi de finances. C'est pourquoi je vous proposerai de transformer provisoirement ce « jaune budgétaire » en rapport annuel, et de veiller qu'une disposition ad hoc soit votée au cours de la discussion du projet de loi de finances pour 2023. Nous devons être particulièrement vigilants sur le contenu de cette annexe, au risque de créer un 31e « jaune » pour rien !

L'actualité l'illustre bien : avec une certaine précipitation, le Gouvernement vient de publier lundi dernier ce que nous pourrions appeler un « faux » jaune budgétaire, consacré aux recours aux conseils extérieurs par les ministères. Ce rapport, annexé au projet de loi de finances, reprend l'esthétique des jaunes budgétaires sans en avoir ni la nature ni la base légale. Au-delà de ces éléments techniques, ce faux jaune, bien qu'il représente un premier pas vers davantage de transparence, me paraît insuffisant : son domaine est plus restreint que ce que prévoit la proposition de loi et, surtout, il ne comporte pas de liste détaillée des prestations de conseil. Enfin, pour l'heure, rien n'en garantit la récurrence annuelle.

S'agissant de la lutte contre les conflits d'intérêts des consultants, je vous proposerai d'approuver le système centré sur la HATVP mis en place. La Haute Autorité y est favorable, même si elle a souligné que cela devrait logiquement s'accompagner d'un renforcement de ses moyens humains. S'agissant des vérifications sur place qu'elle pourrait mener, il me semble souhaitable d'étendre le contrôle du juge des libertés et de la détention (JLD) dans tous les cas, y compris lorsqu'elles sont menées dans un local professionnel, afin de renforcer les garanties des personnes concernées.

En outre, je vous propose d'augmenter le plafond de l'amende administrative prévue dans le cas d'une personne morale. Un montant de 15 000 euros pour un cabinet de conseil réalisant plus de 300 millions d'euros de chiffre d'affaires à l'échelle du seul territoire national apparaîtrait en effet assez dérisoire, et donc dépourvu de réel effet dissuasif. Un pourcentage du chiffre d'affaires me semble plus adapté.

Il conviendrait également de compléter le dispositif d'exclusion des procédures de passation des marchés publics en prévoyant un mécanisme de régularisation, conformément aux directives européennes qui encadrent le droit de la commande publique.

Pour conclure, je voudrais attirer votre attention sur le fait que le Gouvernement, par la voix de Stanislas Guerini, ministre de la transformation et de la fonction publiques, semble très allant sur cette initiative sénatoriale, la présentant comme s'inscrivant dans « un continuum d'actions déjà en cours de développement ». Il est vrai que les propositions de la commission d'enquête ont déjà été reprises pour partie, dès l'été dernier, au niveau réglementaire ou contractuel. Je pense en particulier à l'accord-cadre en cours de renouvellement de la direction interministérielle de la transformation publique (DITP). Toutefois, lorsque l'on se penche de près sur ces initiatives, on voit bien que le degré d'exigence et de détail n'est pas celui qui est souhaité. La publication du « faux » jaune budgétaire me semble en être l'illustration.

Mme Éliane Assassi, auteur de la proposition de loi. - Je salue la rapporteure, qui a su s'extraire d'un positionnement partisan pour coller au travail de la commission d'enquête et à son esprit collégial. Ses propositions ne dénaturent ni l'esprit ni l'équilibre de notre texte, même si je ferai quelques remarques lors de l'examen des articles. Je profite de l'occasion pour remercier ici tous les membres de la commission d'enquête, notamment le président Bazin :nous avons travaillé avec sérieux et rigueur.

M. Jean-Pierre Sueur. - Je salue le travail remarquable réalisé par la commission d'enquête. Ces commissions sont un instrument précieux, renvoyant l'image et la réalité d'un Sénat qui exerce pleinement sa mission de contrôle.

Le recours aux cabinets de conseil privés est devenu excessif ; je me rappelle ce jour où nous avons appris que, pour écrire l'exposé des motifs d'un projet de loi, un ministre avait fait appel à un cabinet spécialisé... C'est ahurissant ! Si un ministre n'est pas capable d'écrire les motifs de son propre texte, la mission politique perd tout son sens.

Certains rapports produits par des cabinets de conseil sont extrêmement légers ; pourtant, les services de l'État disposent de compétences réelles. Face à ce constat, la commission d'enquête n'en apparaît que plus salutaire.

Madame la rapporteure, vous êtes restée fidèle à l'esprit et à la lettre du rapport de la commission d'enquête. Je salue votre initiative concernant le montant de l'amende : 15 000 euros ne troubleraient pas McKinsey. Il convient en effet de distinguer le montant de l'amende selon qu'elle vise une personne physique ou morale.

Vous proposez par ailleurs de ne pas appliquer le texte aux professions juridiques déjà soumises à des règles déontologiques précisées par la loi : cela me semble justifié.

M. Didier Migaud, président de la HATVP, qualifie de bonne initiative le fait de soumettre les cabinets de conseil à des déclarations à la HATVP en cas de pantouflage ou de « rétropantouflage » ; dès lors, ne serait-il pas potentiellement problématique d'avoir deux régimes différents, l'un s'appliquant à toute personne dès lors qu'elle oeuvre pour un cabinet de conseil, et l'autre ne s'appliquant qu'à certaines personnes dans le cadre du droit commun ?

L'amende est aussi prévue pour les cas de « faute professionnelle ». La Haute Autorité risque d'avoir du mal à définir ce qu'est une faute professionnelle. La création de la commission des sanctions, qui devrait rendre des avis motivés, n'est-elle pas suffisante ?

L'association Transparency International France demande d'étendre le champ d'application du texte aux représentants d'intérêts : cela vous semble-t-il justifié ?

Enfin, faudrait-il appliquer ces règles aux collectivités locales ? C'est un vrai sujet - les raisons de mettre en place un tel dispositif à l'échelon local sont aussi nombreuses -, mais cette question n'entrait pas dans le champ de la commission d'enquête.

Mme Nathalie Goulet. - J'ai eu le plaisir de faire partie de cette commission d'enquête ; nous avons en effet travaillé avec énergie et transparence.

La question des collectivités locales peut se poser, mais comme ces dernières ne faisaient pas partie du périmètre de la commission d'enquête, l'ensemble pourrait s'en trouver déséquilibré si on les intégrait à la proposition de loi. Le cas échéant, il faudra expliquer pourquoi le Sénat ne s'est pas emparé du sujet : l'Assemblée nationale pourrait imaginer qu'il existe ici une omerta dès que les collectivités sont en jeu.

La cartographie des ressources humaines, prévue à l'article 8, est essentielle : il est d'ailleurs curieux qu'elle n'existe pas déjà ! Elle est d'autant plus importante au regard des pouvoirs nouveaux qui seraient conférés à la Haute Autorité.

La création du faux « jaune budgétaire » a produit son effet sur le plan médiatique. La couleur du document budgétaire avait fait l'objet de discussions au sein de la commission d'enquête. L'examen de ce texte en séance publique permettra de déterminer si un document transversal, appelé « orange budgétaire », ne serait pas plus intéressant.

Je voterai ce texte avec enthousiasme.

M. Dominique Théophile. - Je salue le travail fait par la rapporteure. À la suite de la commission d'enquête, le Gouvernement s'est saisi des recommandations formulées afin de mettre en oeuvre diverses actions ; je pense, par exemple, à la circulaire du 19 janvier 2022 qui prévoit une diminution de 15 % du montant consacré aux prestations des cabinets de conseil. La DITP a également annoncé le recrutement de quinze agents en interne, spécialisés dans le conseil en stratégie.

Cette proposition de loi s'inscrivant dans le « continuum d'actions » mentionné par Stanislas Guerini, le groupe RDPI votera ce texte.

Mme Esther Benbassa. - Je remercie la rapporteure et je salue les travaux de la commission d'enquête.

J'observe qu'un plafond maximum n'est pas prévu pour les dépenses de conseil ; pourtant, selon le rapport de la commission d'enquête intitulé Un phénomène tentaculaire : l'influence croissante des cabinets de conseil sur les politiques publiques, elles ont atteint 893,9 millions d'euros en 2021. Au-delà des mesures de transparence et de déontologie énoncées dans cette proposition de loi, ne faudrait-il pas envisager un tel plafonnement ?

Mme Éliane Assassi. - Il ne faut pas demeurer sur la défensive au sujet des collectivités locales. Elles n'entraient pas dans le périmètre de la commission d'enquête ; pourtant, certaines d'entre elles ont recours à des cabinets de conseil privés. Certes, des « gendarmes », si je puis dire, veillent aux dépenses à l'échelle des collectivités, tels que les élus de l'opposition, qui ont un regard acéré sur les dépenses, le représentant de l'État qui fait le contrôle de légalité, ou encore la chambre régionale des comptes. Cependant, à terme, nous pourrions envisager la création d'une nouvelle commission d'enquête pour approfondir cette question.

M. André Reichardt. - Bien que je partage ce propos, ma conclusion ne sera pas tout à fait la même : ne faudrait-il pas réfléchir à la rédaction d'un amendement relatif aux collectivités ? Il conviendrait de développer, en fonction de leur taille, une réflexion en matière de seuils.

M. Alain Richard. - L'article 45 de la Constitution s'applique aussi aux propositions de loi ; or, cette proposition de loi ne comporte pas de disposition relative aux collectivités territoriales.

M. Guy Benarroche. - Je salue le travail de nos collègues. Le groupe Écologiste - Solidarité et Territoires votera cette proposition de loi, qui représente un progrès quant à la transparence et la déontologie des cabinets de conseil privés. Néanmoins, nous proposerons quelques amendements visant à renforcer le rôle de la HATVP, interdire à la fois le recours à des prestataires privés pour la rédaction des études d'impact des projets de loi et l'intrusion des représentants des entreprises du secteur des énergies fossiles et de leurs intérêts, et renforcer les sanctions en cas de pantouflage.

Mme Françoise Gatel. - Je remercie également la présidente Assassi et tous les membres de la commission d'enquête, ainsi que la rapporteure pour la qualité de son rapport.

J'entends le souci exprimé à l'instant par notre collègue Guy Benarroche au sujet des études d'impact. Toutefois, siégeant au Conseil national d'évaluation des normes (CNEN), je pense que les études réalisées par les services des ministères ne font guère preuve de neutralité : elles vont, de fait, dans le sens des idées que défend le ministre. L'enjeu de la neutralité mérite donc d'être approfondi.

Le champ de la commission d'enquête se limitait à l'État. Il ne faudrait pas que ceux qui se sentiront ainsi visés renvoient la balle du côté des collectivités territoriales ! Certes, certaines collectivités de grande taille peuvent recourir de manière excessive aux cabinets de conseil privés, mais soyons vigilants : plutôt que d'envisager un amendement tendant à fixer un seuil qui serait rédigé dans la précipitation, il vaudrait mieux examiner cette question de manière sérieuse.

Mme Cécile Cukierman, rapporteure. - Toutes vos interventions démontrent la pertinence de cette proposition de loi et votre volonté qu'elle chemine.

Monsieur Sueur, l'exigence de « faute professionnelle » découle des directives européennes encadrant les marchés publics. Elle ne serait requise que pour l'exclusion des marchés publics qui pourrait être prononcée par la Haute Autorité.

L'article 16 ne prévoit pas une obligation de déclaration d'intérêts à la Haute Autorité ; au contraire, il tend à une extension du champ de la saisine obligatoire pour avis en cas de mobilité vers et depuis le secteur du conseil.

Madame Goulet, il est nécessaire de disposer d'une cartographie portée régulièrement à la connaissance du Parlement. L'existence d'un véritable « jaune » budgétaire, couplée à une compilation centralisée par ministère des données relatives aux ressources humaines et aux compétences conférerait une véritable lisibilité, année après année.

Permettez-moi de sortir quelques instants de mon rôle de rapporteure. Quoique je fasse partie de ceux qui ont toujours défendu la fonction publique, même s'il y avait une volonté de réaliser toutes les études en interne, encore faudrait-il disposer des compétences chez les personnels ! Au regard des contrats de travail proposés par la DITP, je peux comprendre que, à vingt-huit ans, une personne préfère travailler dans un cabinet de conseil, ne serait-ce qu'un temps, plutôt que comme contractuel dans le public. Les cabinets garantissent une augmentation de salaire annuelle alors que, dans le public, le contrat, au bout de trois ans, risque de ne pas être pérennisé.

La proposition de loi ne va pas résoudre tous les dysfonctionnements mis en avant par la commission d'enquête, d'autant qu'une des difficultés réside dans le fait de définir des termes comme « prestation » ou « conseil » : quand considère-t-on que les cabinets de conseil viennent empiéter sur le politique dans la prise de décision ? Cerner d'un point de vue juridique cette zone grise est inévitable ; sans en rabattre sur les ambitions de cette proposition de loi, si cette dernière est promulguée, elle ne prendra toute sa force qu'en cas de volonté politique.

Mesdames Assassi et Gatel, je vous rejoins sur le sujet des collectivités territoriales : il ne faut pas donner le sentiment de mettre la poussière sous le tapis.

Monsieur Reichardt, la question des seuils a été récurrente ; plusieurs auraient pu être établis. Je ne les ai pas retenus, car nous ne disposions pas de l'ensemble des éléments. La logique n'en est pas moins la même pour les collectivités territoriales : les faire entrer, dans toute leur diversité, dans le cadre de la proposition de loi serait, à mon sens, inefficace. Il est difficile d'envisager que la commune de La Chamba, dans la Loire, puisse avoir à faire avec McKinsey...

En outre, comme cela a été souligné, il y a des garde-fous dans les collectivités territoriales. Même si passer son week-end à lire un compte administratif n'est pas la plus plaisante des occupations, les informations sont à notre disposition. Il n'est pas utile, dans une collectivité, de créer une commission d'enquête territoriale pour y avoir accès. D'ailleurs, si les régions et les départements étaient pris en compte dans la proposition de loi, quel seuil fixerait-on pour les communes ? Quels établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), particulièrement divers, seraient concernés ?

Ne rejetons pas cette idée par principe ; cette question doit faire l'objet d'une réflexion. Mais, j'ose le dire, je crois en l'exemplarité de l'État : elle s'imposera aux collectivités territoriales.

Avant d'entamer l'examen de la proposition de loi, je rappellerai son périmètre pour l'application de l'article 45 de la Constitution.

Je vous propose de considérer que ce périmètre comprend les dispositions relatives à la traçabilité des prestations de conseil réalisées au profit des administrations publiques ; à la publicité des données relatives au recours aux prestations de conseil par des administrations publiques ; aux prestations de conseil réalisées à titre gratuit au bénéfice de l'administration ; à l'évaluation des prestations de conseil par leurs bénéficiaires publics ; à l'emploi de la langue française à l'occasion des prestations de conseil ; au conseil interne de l'administration ; aux obligations déontologiques et déclaratives imposées aux prestataires de conseil et aux consultants ; aux pouvoirs de contrôle et de sanction conférés à la HATVP en vue de faire respecter ces obligations par les prestataires de conseil et les consultants ; à l'exclusion des procédures de passation des marchés publics et des contrats de concession pour faute ; à l'encadrement des mobilités entre le secteur public et le secteur privé du conseil ; à l'utilisation et la conservation des données confiées par les bénéficiaires publics aux prestataires de conseil et au pouvoir de contrôle de la CNIL en la matière ; à la sécurité des systèmes d'information des prestataires de conseil. Je vous propose en revanche de considérer que ce périmètre n'inclut pas les dispositions relatives aux représentants d'intérêts et aux responsables publics. Pour mémoire, je rappelle que les auteurs ont expressément exclu l'activité de représentants d'intérêts du périmètre dans leur exposé des motifs.

M. Alain Richard. - Il me semble que le terme « administration publique » employé par la rapporteure rendrait recevable tout amendement relatif aux collectivités territoriales. Le Conseil constitutionnel précise qu'un amendement n'est en lien direct avec le texte que si une disposition concernant ce sujet figure dans le texte initial. Or, aucune disposition dans la proposition de loi n'étant relative aux collectivités territoriales, il faudrait par conséquent ajouter le terme « administration publique centrale » dans le périmètre proposé.

M. Jean-Pierre Sueur. - Je persiste à penser qu'il est humiliant de demander au rapporteur de dresser une telle liste. Si d'aventure un collègue voulait présenter un amendement portant sur les collectivités territoriales, ce ne serait pas la fin du monde. Pendant des décennies, nous avons légiféré sans définir un périmètre pour l'application de l'article 45.

M. Alain Richard. - Éloge de l'improvisation !

M. Jean-Pierre Sueur. - Je préfère l'improvisation à l'enfermement dans des règles inutiles !

Mme Cécile Cukierman, rapporteure. - Monsieur Richard, la question des collectivités territoriales peut difficilement être sortie du champ d'application de la proposition de loi. Par exemple, cette dernière fait référence dans certains de ses dispositifs au livre 1er du code général de la fonction publique, ce qui inclut de fait la fonction publique territoriale. Notre débat devrait nous permettre d'éviter un trop grand nombre d'amendements visant à intégrer les collectivités territoriales en vue de la séance publique. Je tiendrais, le cas échéant, le même propos.

Le périmètre est adopté.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er

Mme Cécile Cukierman, rapporteure. - L'amendement COM-3 tend à remplacer la notion d'« opérateurs » par celle d'« établissements publics », pour une meilleure continuité du suivi au fil des ans.

L'amendement COM-3 est adopté.

Mme Cécile Cukierman, rapporteure. - L'amendement COM-4 tend à exclure les prestations de programmation et de maintenance du champ du conseil en informatique.

L'amendement COM-4 est adopté.

Mme Cécile Cukierman, rapporteure. - Nous l'avons dit, les notions de « conseil », de « prestation » et de « mise en oeuvre » sont difficiles à cerner. L'amendement COM-26 tend à exclure les entreprises d'ingénierie, au titre d'une expertise technique, du conseil pour la mise en oeuvre des politiques publiques. Avis défavorable.

L'amendement COM-26 n'est pas adopté.

Mme Cécile Cukierman, rapporteure. - L'amendement COM-5 exclut les prestations réalisées par toutes les professions du droit réglementées du champ du conseil juridique, dès lors qu'existent des règles et des contrôles déontologiques. La référence aux professions réglementées se retrouve dans la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques.

L'amendement COM-1 envoie le balancier dans l'autre sens en supprimant totalement le conseil juridique du champ de la proposition de loi, y compris lorsqu'il est effectué par des personnes qui ne sont pas inscrites à l'Ordre des avocats. Demande de retrait, à défaut l'avis sera défavorable.

L'amendement COM-2 vise, quant à lui, exclusivement le conseil de l'avocat. Je préfère que les propositions réglementées soient concernées dans leur globalité. Demande de retrait.

M. Christophe-André Frassa. - J'ai échangé avec l'ordre des avocats de Paris ; contrairement à ce qu'il pourrait y paraître, je ne cherche pas au travers de mon amendement à envoyer le « balancier » trop loin : je souhaite simplement exclure les prestations d'avocat. Aussi, je me range volontiers à l'amendement de notre rapporteure, qui satisfait le mien. La rédaction de l'alinéa 11 envoyait un mauvais signal, les règles de déontologie concernant la profession d'avocat sont déjà prévues par la loi du 31 décembre 1971. En conséquence, je retire mon amendement.

L'amendement COM-1 est retiré.

M. Alain Richard. - Sans doute voterai-je l'amendement COM-5 ; constatons tout de même une différence d'approche. Tous les ministères n'ont pas une capacité de conseil et d'analyse dans de nombreux domaines. Or, tous ont une direction juridique, le plus souvent solide. Dire qu'il n'existe aucun obstacle à utiliser sans limites les recours à des prestations d'avocat, pourtant parmi les plus sollicitées en interne par l'État, revient à constater que tout le monde aurait salué l'exposé des motifs de la proposition de loi dont on a parlé s'il avait été rédigé par un grand cabinet d'avocat spécialisé en affaires publiques !

Mme Éliane Assassi. - Les avocats font l'objet de règles déontologiques, mises en oeuvre par le barreau. Cependant, là est la complexité, les conseils juridiques ne sont pas neutres. Le cabinet d'avocats Dentons a rédigé l'étude d'impact de la loi d'orientation des mobilités (LOM). Par ailleurs, des cabinets de conseil ont leur propre cabinet d'avocats, tel Ernst & Young. Si nous excluons les avocats du champ de la proposition de loi, le risque de contournement est réel. Notons que les avocats sont déjà soumis au contrôle de la HATVP lorsqu'ils agissent comme représentants d'intérêts ; cela n'a jamais posé problème. Aussi, il convient d'approfondir cette question pour y apporter la bonne réponse.

M. Thani Mohamed Soilihi. - L'amendement COM-2 était limité à la profession d'avocat, qui est régie depuis 1971 par des règles déontologiques placées sous le contrôle du bâtonnier, avec possibilité de recours. La rapporteure propose d'élargir l'exception aux professions juridiques réglementées dont fait partie la profession d'avocat. Aussi, je me rallie à son amendement.

L'amendement COM-2 est retiré.

Mme Nathalie Goulet. - La question n'est pas simple ; s'il est clair que l'exclusion n'est pas nécessaire pour un sujet tel que la défense, vous ne savez pas en demandant à un cabinet d'avocats de travailler sur les mobilités s'il existe un risque de conflit d'intérêts.

M. François-Noël Buffet, président. - Lorsque la rapporteure vise les professions réglementées, l'aspect déontologique est un enjeu majeur, mais il n'est pas le seul. Ces professions ont la capacité de sanctionner.

La question posée par ceux qui exercent la profession d'avocat, mais qui travaillent pour le compte d'une structure à laquelle ils sont intégrés, est complexe : en l'occurrence, la structure prime, car le travail est fait pour son compte.

L'amendement COM-5 est adopté.

Mme Cécile Cukierman, rapporteure. - L'amendement COM-6 tend à inclure les sous-traitants dans la définition des prestataires, et à clarifier la distinction entre prestataires et consultants.

L'amendement COM-6 est adopté.

Mme Cécile Cukierman, rapporteure. - L'amendement COM-25 prévoit que les cabinets de conseil justifient les scénarios non retenus. Si la question est importante, la rédaction de cet amendement rendrait son application ingérable, les justifications formant une spirale sans fin. Avis défavorable.

L'amendement COM-25 n'est pas adopté.

L'article 1er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 2

Mme Cécile Cukierman, rapporteure. - L'amendement COM-7 précise que les consultants ne peuvent se voir attribuer une adresse électronique comportant le nom de domaine de l'administration. Il apporte une modification rédactionnelle au paragraphe II de l'article 2 pour utiliser un terme plus contemporain, issu du code de la propriété intellectuelle. Il clarifie le partage des responsabilités, en prévoyant qu'il revient à l'administration de mentionner que des documents ont été rédigés avec la participation de consultants. Pour éviter toute redondance dans la loi, il supprime le paragraphe IV de l'article 2 relatif aux sanctions, celles-ci faisant déjà l'objet d'un article dédié, en l'occurrence l'article 13.

L'amendement COM-7 est adopté.

L'article 2 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 3

Mme Cécile Cukierman, rapporteure. - L'amendement COM-8 prévoit de transformer le « jaune budgétaire » en rapport annuel, en conformité avec la LOLF. Il conviendra qu'un amendement soit déposé à cet effet dans le cadre du projet de loi de finances pour 2023.

L'amendement COM-8 est adopté.

Mme Cécile Cukierman, rapporteure. - L'amendement COM-9 est un amendement de coordination avec l'article 5.

L'amendement COM-9 est adopté.

L'article 3 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 4

L'amendement de coordination COM-10 est adopté.

L'article 4 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 5

L'amendement rédactionnel COM-11 est adopté.

L'article 5 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 6

Mme Cécile Cukierman, rapporteure. - L'amendement COM-12 contient une précision rédactionnelle et vise transformer le décret en Conseil d'État en décret simple. La volonté de remplacer les mots « politiques publiques » par les mots « décision publique » s'entend sur le rendu de l'évaluation : l'objectif est d'avoir à la fin de cette dernière une analyse des modifications entraînées par tel rapport sur telle décision publique.

L'amendement COM-12 est adopté.

L'article 6 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 7

Mme Cécile Cukierman, rapporteure. - L'amendement COM-13 a trait à l'emploi de la langue française par les consultants ; il vise à intégrer les dispositions de l'article 7 dans la loi Toubon du 4 août 1994.

L'amendement COM-13 est adopté.

L'article 7 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 8

Mme Cécile Cukierman, rapporteure. - L'amendement COM-14 est lié à l'enjeu de la cartographie des ressources humaines au sein des ministères. Il prévoit que ce rapport soit remis non pas par chaque ministère, en suivant ses propres modalités, mais par le ministre de la transformation et de la fonction publiques, qui transmettrait, au nom du Gouvernement, les différents éléments listés à l'article 8.

L'amendement COM-14 est adopté.

L'article 8 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 9

Mme Cécile Cukierman, rapporteure. - L'amendement COM-15 apporte une précision visant à soumettre les personnes morales prestataires à l'obligation de prévenir et de faire cesser les conflits d'intérêts.

L'amendement COM-15 est adopté.

L'article 9 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 10

L'amendement rédactionnel COM-16 est adopté.

L'article 10 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 11

L'amendement de coordination COM-17 est adopté.

L'article 11 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 12

Mme Cécile Cukierman, rapporteure. - L'amendement COM-18 tend à étendre le contrôle du juge des libertés et de la détention à toutes les vérifications sur place menées par la HATVP.

L'amendement COM-18 est adopté.

L'article 12 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 13

Mme Cécile Cukierman, rapporteure. - L'amendement COM-19 apporte une distinction entre personnes morale et physique : 15 000 euros d'amende pour une personne physique, par manquement, et un montant maximal de 2 % du chiffre d'affaires annuel mondial total de l'exercice précédent pour les personnes morales. Par ailleurs, il précise également que le montant de l'amende administrative est proportionné à la gravité des manquements constatés ainsi qu'à la situation financière de la personne physique ou morale sanctionnée.

L'amendement COM-19 est adopté.

L'article 13 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 14

Mme Cécile Cukierman, rapporteure. - L'amendement COM-20 vise à permettre la nomination de suppléants à la commission des sanctions de la HATVP.

L'amendement COM-20 est adopté.

L'article 14 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 15

Mme Cécile Cukierman, rapporteure. - L'amendement COM-21 tend à rendre conforme le dispositif de l'article 15 aux directives européennes relatives aux marchés publics et aux contrats de concessions. En effet, celles-ci prévoient que tout opérateur économique ayant fait l'objet d'une exclusion des procédures de passation des marchés publics puisse démontrer sa fiabilité en prouvant qu'il a pris des mesures concrètes de nature à prévenir la commission de nouvelles fautes. En conséquence, cet amendement intègre à l'article 15 un dispositif de régularisation inspiré de celui qui existe déjà dans le code de la commande publique.

L'amendement COM-21 est adopté.

L'article 15 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 16

L'article 16 est adopté sans modification.

Article 17

Mme Cécile Cukierman, rapporteure. - L'amendement COM-22 supprime l'obligation d'aviser le prestataire et les consultants concernés avant une vérification sur place de la CNIL.

L'amendement COM-22 est adopté.

L'article 17 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 18

Mme Cécile Cukierman, rapporteure. - L'amendement COM-23 tend à renvoyer au référentiel de l'ANSSI déjà existant, et à exiger un niveau minimal de sécurité. Il préserve la volonté initiale des auteurs, à savoir la réalisation par un tiers de l'audit de sécurité des systèmes d'information.

L'amendement COM-23 est adopté.

L'article 18 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 19

L'amendement de coordination COM-24 est adopté.

L'article 19 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Article 1er

Mme CUKIERMAN, rapporteure

3

Remplacement de la notion d'opérateurs par celle d'établissements publics

Adopté

Mme CUKIERMAN, rapporteure

4

Exclusion des prestations de programmation et de maintenance du champ du conseil en informatique

Adopté

M. CORBISEZ

26

Exclusion des entreprises d'ingénierie, au titre d'une expertise technique, du conseil pour la mise en oeuvre des politiques publiques

Rejeté

Mme CUKIERMAN, rapporteure

5

Exclusion des prestations réalisées par toutes les professions du droit réglementées du champ du conseil juridique

Adopté

M. FRASSA

1

Exclusion du conseil juridique du champ de la proposition de loi

Retiré

M. MOHAMED SOILIHI

2

Exclusion du conseil de l'avocat du champ du conseil juridique

Retiré

Mme CUKIERMAN, rapporteure

6

Inclusion des sous-traitants dans la définition des prestataires et clarification de la distinction entre prestataires et consultants

Adopté

M. CORBISEZ

25

Justification par le cabinet de conseil des scénarios non retenus

Rejeté

Article 2

Mme CUKIERMAN, rapporteure

7

Renforcement et clarification des règles encadrant l'intervention des consultants auprès de l'administration

Adopté

Article 3

Mme CUKIERMAN, rapporteure

8

Transformation du « jaune budgétaire » en rapport annuel, en conformité avec la LOLF.

Adopté

Mme CUKIERMAN, rapporteure

9

Amendement de coordination avec les modifications apportées à l'article 5.

Adopté

Article 4

Mme CUKIERMAN, rapporteure

10

Amendement de coordination avec les modifications apportées à l'article 3.

Adopté

Article 5

Mme CUKIERMAN, rapporteure

11

Clarification de la rédaction de l'article 5

Adopté

Article 6

Mme CUKIERMAN, rapporteure

12

Modalités de l'évaluation des prestations de conseil

Adopté

Article 7

Mme CUKIERMAN, rapporteure

13

Emploi de la langue française par les consultants

Adopté

Article 8

Mme CUKIERMAN, rapporteure

14

Précisions sur le rapport relatif à la cartographie des ressources humaines des ministères

Adopté

Article 9

Mme CUKIERMAN, rapporteure

15

Précision pour soumettre les prestataires personnes morales à l'obligation de prévenir et faire cesser les conflits d'intérêts,

Adopté

Article 10

Mme CUKIERMAN, rapporteure

16

Modifications d'ordre rédactionnel

Adopté

Article 11

Mme CUKIERMAN, rapporteure

17

Coordination avec l'amendement présenté à l'article 5

Adopté

Article 12

Mme CUKIERMAN, rapporteure

18

Extension du contrôle du juge des libertés et de la détention (JLD) à toutes les vérifications sur place menées par la HATVP

Adopté

Article 13

Mme CUKIERMAN, rapporteure

19

Modification du régime des sanctions administratives

Adopté

Article 14

Mme CUKIERMAN, rapporteure

20

Nomination de suppléants à la commission des sanctions de la HATVP

Adopté

Article 15

Mme CUKIERMAN, rapporteure

21

Création d'un mécanisme de régularisation pour les personnes exclues de la procédure de passation des marchés publics.

Adopté

Article 17

Mme CUKIERMAN, rapporteure

22

Suppression de l'obligation d'aviser le prestataire et les consultants concernés avant une vérification sur place de la CNIL

Adopté

Article 18

Mme CUKIERMAN, rapporteure

23

Renvoi au référentiel ANSSI déjà existant et exigence d'un niveau minimal de sécurité

Adopté

Article 19

Mme CUKIERMAN, rapporteure

24

Amendement de coordination avec les modifications apportées à l'article à 5.

Adopté

Proposition de loi constitutionnelle visant à protéger et à garantir le droit fondamental à l'interruption volontaire de grossesse et à la contraception - Examen du rapport et du texte de la commission

M. François-Noël Buffet, président. - Nous en venons à l'examen de la proposition de loi constitutionnelle visant à protéger et à garantir le droit fondamental à l'interruption volontaire de grossesse et à la contraception, présentée par Mélanie Vogel et plusieurs de ses collègues. Mélanie Vogel n'étant pas membre de notre commission, elle nous présentera son texte, ainsi que les amendements qu'elle a déposés sur son article unique.

Mme Mélanie Vogel, auteure de la proposition de loi constitutionnelle. - Je ne suis que la première signataire de ce texte ; nombreux sont nos collègues, issus de sept groupes politiques, qui l'ont signé après moi.

L'objectif politique de cette proposition de loi constitutionnelle est simple : il s'agit de garantir que toute loi qui ferait régresser le droit à l'avortement en France serait anticonstitutionnelle. Nous n'entendons pas modifier l'état actuel du droit, mais nous assurer qu'à droit constant la protection du droit à l'avortement soit de niveau constitutionnel et non plus seulement législatif. Évidemment, cette protection ne serait pas absolue, comme la Constitution peut être modifiée, mais elle serait tout de même supérieure.

Pourquoi l'avons-nous déposée ? D'abord, nous nous trouvons aujourd'hui dans un contexte de régression de droits des femmes dans le monde, non seulement aux États-Unis, mais aussi en Hongrie et en Pologne, peut-être bientôt en Italie, voire en Suède. En France, un consensus très important existe en faveur du droit à l'avortement ; plus de 80 % de la population est favorable à son inscription dans la Constitution. Cette adhésion est très forte dans toutes les catégories sociales, quelle que soit l'appartenance religieuse ou l'opinion politique.

Selon nous, la Constitution, notre contrat social fondamental, doit refléter l'état d'attachement de la population à certains droits. Ainsi en fut-il de l'abolition de la peine de mort, inscrite dans la Constitution en 2007, vingt-six ans après la loi Badinter. On ne l'a pas fait parce qu'une menace imminente pesait, mais à l'occasion de la ratification du protocole de New York, pour affirmer qu'on ne pourrait pas revenir sur cette abolition.

Nous n'importons pas des débats étrangers ; au contraire, on a ici l'occasion d'exporter une avancée française, en ancrant ce droit dans notre Constitution. Pour beaucoup de mouvements qui, dans différents pays, défendent les droits des femmes, ce serait une source d'inspiration et d'avancées.

J'en viens à la méthode. Trois textes ont été déposés au Sénat, deux à l'Assemblée nationale. La présente proposition de loi constitutionnelle a pour vocation d'être partagée par le plus grand nombre de nos collègues, en combinant plusieurs versions proposées. Je ne tiens pas à la formulation exacte de son article unique ; j'ai d'ailleurs déposé deux amendements pour répondre à d'éventuelles critiques. Il importe surtout de montrer au Gouvernement la volonté du Parlement de rehausser le niveau de protection juridique de ce droit. Nous voulons que le Gouvernement se saisisse de cette question en déposant lui-même un projet de loi constitutionnelle. Je fais confiance aux services juridiques des ministères concernés pour trouver la formulation parfaite et le bon emplacement dans la Constitution. Le plus important est aujourd'hui d'envoyer un message, pour nous-mêmes, pour les Françaises et les Français qui plébiscitent cette avancée, mais aussi pour les mouvements qui se battent pour les droits des femmes partout dans le monde.

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Avant tout, je voudrais réaffirmer ici que nous sommes, toutes et tous, attachés aux lois portées par Simone Veil et Lucien Neuwirth, qui ont introduit dans notre droit positif le droit à l'avortement et à la contraception. Ces lois font aujourd'hui partie intégrante de notre patrimoine juridique fondamental et le Sénat s'est toujours montré fortement attaché à ces libertés de la femme.

Sur ces fondements juridiques, l'interruption volontaire de grossesse (IVG) et la contraception sont pleinement protégées.

L'IVG est inscrite dans le droit positif à l'article L. 2212-1 du code de la santé publique qui dispose : « La femme enceinte qui ne veut pas poursuivre une grossesse peut demander à un médecin ou à une sage-femme l'interruption de sa grossesse. » Depuis la loi du 17 janvier 1975, portée avec courage par Simone Veil, la liberté d'interrompre sa grossesse n'a jamais cessé d'être confortée, avec encore récemment un allongement de douze à quatorze semaines du délai dans lequel elle peut être pratiquée. De plus, le Conseil constitutionnel l'a toujours jugée conforme à la Constitution, les quatre fois où il s'est prononcé sur le sujet en 1975, 2001, 2014 et 2016. La liberté d'interrompre sa grossesse est considérée par le Conseil constitutionnel, depuis sa décision du 27 juin 2001, comme une composante de la liberté de la femme découlant de l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, qu'il concilie avec le principe de « sauvegarde de la dignité de la personne humaine contre toute forme de dégradation ».

Preuve de la solidité de ce fondement, dans une décision de 2017 portant sur le délit d'entrave à l'IVG, le Conseil constitutionnel a jugé que l'objet des dispositions contestées était de « garantir la liberté de la femme qui découle de l'article 2 de la Déclaration de 1789 ». Telle était d'ailleurs la position exprimée par le Gouvernement lors de la dernière législature. Agnès Buzyn et Nicole Belloubet ont ainsi justifié devant le Parlement leur opposition à la constitutionnalisation alors proposée.

Il est en outre fortement probable que, si le Conseil constitutionnel était saisi d'une loi interdisant ou restreignant fortement l'IVG, il ne pourrait que la juger non conforme à la Constitution, dès lors qu'elle priverait de garanties légales cette « liberté de la femme ». En effet, si le Conseil constitutionnel affirme avec constance que le législateur dispose de larges marges de manoeuvre pour définir les conditions d'exercice d'un droit ou d'une liberté, il ne peut remettre en cause son effectivité.

Quant à la contraception, consacrée par la loi du 28 décembre 1967, elle est aujourd'hui régie par l'article L. 5134-1 du code de la santé publique, selon lequel : « Toute personne a le droit d'être informée sur l'ensemble des méthodes contraceptives et d'en choisir une librement. » Comme pour l'IVG, le droit à la contraception n'a cessé d'être étendu au fil des années, notamment pour les mineurs. Il s'agit plutôt d'un sujet médical, qui ne soulève aujourd'hui aucune difficulté juridique.

La constitutionnalisation proposée n'est donc pas, à mon avis, une voie pertinente.

Il n'y a pas lieu d'importer, en France, un débat lié à la nature fédérale des et à la répartition des compétences entre l'État fédéral et les États fédérés. La question tranchée par la Cour suprême dans son arrêt Dobbs v. Jackson du 24 juin 2022 concerne en effet moins l'avortement que le fédéralisme. La situation n'est pas la même en France : la République est une et indivisible, le législateur national dispose d'une plénitude de compétence.

Les auteurs de la proposition de loi justifient leur démarche par la volonté d'éviter qu'une majorité politique puisse un jour facilement revenir sur ces droits. Aucun parti politique n'a pourtant, à ma connaissance, remis en question le principe de l'IVG et encore moins celui de la contraception.

Par ailleurs, l'inscription de ces dispositions dans la Constitution n'en garantirait pas l'immuabilité, puisqu'elle a déjà été révisée de nombreuses fois.

En outre, la Constitution du 4 octobre 1958 n'a pas été conçue pour qu'y soient intégrées toutes les déclinaisons des droits et libertés énoncés de manière générale dans son Préambule. Nous risquerions d'ouvrir une boîte de Pandore conduisant à dénaturer l'esprit même de notre loi fondamentale.

À cet égard, j'entends rester fidèle aux conclusions rendues en décembre 2008 par le comité présidé par Simone Veil, qui n'avait pas recommandé de modifier le Préambule ni d'intégrer à la Constitution des droits et libertés liés à la bioéthique, parmi lesquels l'IVG, et qui refusait aussi clairement d'y « inscrire des dispositions de portée purement symbolique ».

La constitutionnalisation ne permettrait pas, non plus, de résoudre la question essentielle de l'effectivité de l'accès à l'IVG.

Nous avons pleinement conscience de ces difficultés, documentées par la commission des affaires sociales et la délégation aux droits des femmes du Sénat, mais elles relèvent avant tout de l'organisation du système de soins et de mesures concrètes de la compétence du pouvoir réglementaire. À l'évidence, ces enjeux dépassent largement la portée de la proposition de révision constitutionnelle soumise à notre commission.

Au demeurant, la formulation proposée soulèverait des difficultés importantes, de même que son emplacement au sein du texte constitutionnel.

L'intégration de tels droits au sein du titre consacré à l'autorité judiciaire, juste après l'abolition de la peine de mort, a de quoi surprendre et pourrait faire naître des interrogations quant à une possible interférence du juge dans le droit des femmes à avorter, ce qui n'a pas lieu d'être.

De surcroît, la rédaction selon laquelle « nul ne peut porter atteinte » à ces droits et prévoyant que la loi « garantit » à toute personne un « accès libre et effectif » à l'IVG et à la contraception laisse entendre que cet accès serait inconditionnel. Or le législateur doit pouvoir en fixer les conditions, comme pour toutes les libertés publiques.

Enfin, toutes les personnalités auditionnées nous ont mis en garde sur la procédure retenue, car il existe un risque que cette initiative se retourne contre le droit qu'elle est censée protéger. En effet, pour aboutir, conformément à l'article 89 de la Constitution, une révision constitutionnelle issue d'une initiative parlementaire doit être adoptée dans les mêmes termes par les deux assemblées, puis être soumise au référendum par le Président de la République. Ce faisant, on mettrait au coeur de l'actualité un sujet sur lequel il n'y a aujourd'hui pas de risque de remise en cause, au risque de fracturer notre société.

Pour toutes ces raisons, je vous propose de ne pas adopter cette proposition de loi constitutionnelle.

M. Jean-Yves Leconte. - Modulo l'observation finale de notre rapporteure, il me semble que le débat sur la constitutionnalisation de ce droit est tout à fait pertinent aujourd'hui. Il arrive au Conseil constitutionnel de rendre des décisions de rupture. François Pillet, lors de sa nomination au Conseil constitutionnel, nous avait dit son admiration pour la décision extrêmement inattendue reconnaissant le principe de fraternité. C'était une surprise dans le bon sens ; il pourrait y en avoir dans le mauvais sens.

Aux États-Unis comme en Pologne, on voit des cours constitutionnelles changer de position. À ce propos, on ne peut certainement pas affirmer que la décision Dobbs porte sur le fédéralisme : elle découle d'une campagne politique menée depuis plus de vingt ans par les évangélistes pour la nomination à la Cour suprême de juges opposés à l'avortement ! En Pologne, le tribunal constitutionnel a réduit de manière drastique l'accès à l'avortement, rompant l'équilibre imparfait issu des débats constitutionnels des années 1990. Nous avons découvert la force des évangélistes en France au début de la crise de la covid-19 et nul ne peut prédire ce qui arrivera en 2027. En Italie, il y a cinq ans, Giorgia Meloni ne recueillait que 5 % des suffrages... Il n'est pas du tout impossible que l'improbable survienne !

Dès lors, par précaution et pour préserver notre contrat social, il me semble que la garantie proposée a toute sa place dans le débat. Il ne s'agit pas de faire de même pour tous les droits, ce qui affaiblirait le texte constitutionnel, mais le contexte mondial et l'instabilité politique justifient d'inscrire celui-ci dans la Constitution.

Mme Esther Benbassa. - Je suis entièrement d'accord avec M. Leconte sur l'interprétation de la décision de la Cour suprême américaine : l'abrogation du droit fédéral à l'IVG n'est pas seulement liée au fédéralisme ! On peut avoir un Trump demain à l'Élysée... La loi n'est pas rétroactive, mais cela est déjà arrivé dans l'histoire ; je pense à l'abrogation en 1940 de la loi du 10 août 1927 sur la nationalité. On ne peut pas entièrement faire confiance à la loi Veil pour protéger ce droit, d'où la nécessité de l'inscrire à l'article 1er de la Constitution. La protection offerte par la jurisprudence du Conseil constitutionnel n'est pas suffisante pour garantir l'accès à l'IVG.

Concernant les risques liés à la procédure, l'exécutif peut faire sienne cette proposition pour éviter le référendum ; Emmanuel Macron avait d'ailleurs évoqué l'inscription du droit à l'IVG dans la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.

M. Éric Kerrouche. - Considérer la décision de la Cour suprême des États-Unis comme une simple question de droit est une plaisanterie ! Cette décision a été prise par des juges ultraconservateurs ; tout le monde reconnaît la pauvreté des arguments juridiques avancés. Il ne s'agit pas de droit, mais d'idéologie ! Une cour constitutionnelle peut, à un moment donné, être pétrie d'idéologie. Il est donc dangereux de compter sur la pérennité du bon vouloir de cours constituées d'individus dont les valeurs peuvent varier : nous ne sommes pas immunisés par l'existence de notre Conseil constitutionnel, car le juge lui-même peut être le vecteur d'une restriction des libertés.

Par ailleurs, cette proposition dépasse largement le domaine médical et personnel et concerne plus largement le droit des femmes, qui est remis en cause dans de nombreux pays, y compris des démocraties. Dans un contexte de grande volatilité politique, l'inscription de ce droit dans la Constitution peut sembler déterminante. J'entends le raisonnement essentiellement juridique de la rapporteure, mais une Constitution ne se réduit plus, depuis longtemps, à organiser le fonctionnement des institutions et à poser des règles de droit : c'est aussi un pacte social, avec un aspect symbolique fort. Le Conseil constitutionnel se réfère d'ailleurs dans ses décisions à un bloc de constitutionnalité plus large que le simple texte de la Constitution. Inscrire un tel symbole dans celle-ci me semble donc particulièrement important à notre époque et il serait étonnant de ne pas le faire au nom du droit. J'entends cependant les remarques de notre rapporteure sur les risques de la procédure employée.

M. Hussein Bourgi. - Je remercie notre rapporteure pour son travail ; je souscris à plusieurs de ses observations, mais je m'inscris en faux quant à son interprétation de l'actualité internationale, en particulier américaine. En outre, les initiatives parlementaires de constitutionnalisation de ce droit se multiplient depuis une dizaine d'années, bien avant les derniers événements outre-Atlantique, et s'inscrivent dans un mouvement de libération des femmes entamé à la fin de la Seconde Guerre mondiale. À chaque étape, le législateur a été sollicité ; il a souvent fallu des années, voire des décennies pour aboutir à de nouvelles garanties légales pour les femmes. Il convient de décorréler notre travail de l'actualité internationale, car il ne faut toucher à la Constitution qu'avec prudence et non sous le coup de l'émotion.

Il nous semble important, à cet instant de l'histoire, de donner une reconnaissance solennelle à ce droit à l'IVG. Permettre aux femmes de disposer de leurs corps, de protéger leurs droits sexuels et reproductifs est une demande légitime à laquelle le Parlement ne peut pas rester insensible. C'est pourquoi je soutiens ce texte.

Je rejoins en revanche notre rapporteure quant aux risques d'un éventuel référendum. L'actualité sociale et économique risque de faire paraître anachronique une telle consultation. C'est pourquoi je veux faire écho au discours de politique générale de la Première ministre, qui a annoncé le soutien du Gouvernement à toutes les initiatives prises par les groupes parlementaires, propos renouvelé par le garde des Sceaux.

Je considère donc cette proposition de loi comme un texte d'appel au Gouvernement, qui l'invite à prendre ses responsabilités. Si le Parlement forme un consensus autour de cette question, le Gouvernement se résoudra sans doute à nous saisir d'un projet de loi constitutionnelle. Alors, soyons à la hauteur de ce rendez-vous et inspirons-nous des parlementaires qui ont oeuvré avant nous pour les droits des femmes, comme Henri Caillavet.

M. Dominique Théophile. - Je m'exprime en mon nom propre, tous les membres de mon groupe n'étant pas signataires de ce texte. Le droit à l'IVG n'est pas menacé en France actuellement, mais nul ne peut prédire l'avenir et l'on constate un recul de l'accès à un avortement sûr et légal dans plusieurs pays, même en Europe. Ce droit fait pleinement partie de notre contrat social, mais il n'a pas encore été inscrit dans notre droit constitutionnel. Sa constitutionnalisation ne serait pas exclusive de son inscription dans la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, réclamée par le Président de la République et le Parlement européen. En inscrivant ce droit dans sa Constitution, notre pays serait pionnier.

La difficulté de l'exercice est de trouver une formulation rendant le plus difficile possible l'adoption d'une loi restreignant ce droit. La nouvelle rédaction proposée par Mélanie Vogel dans ses amendements me semble aller dans ce sens. À titre personnel, je soutiendrai ce texte.

M. Loïc Hervé. - Au nom du groupe de l'Union Centriste, je remercie notre rapporteure pour son travail et la manière dont elle a abordé ce sujet toujours difficile, qui renvoie à des convictions intimes et à l'histoire de chaque personne. Les membres de notre groupe auront pleine liberté de vote, comme toujours sur ce type de texte ; j'exprime sa position majoritaire.

C'est évidemment au lendemain de la décision de la Cour suprême américaine que ce sujet est revenu dans le débat politique français et que plusieurs textes, dont celui-ci, ont été déposés. On peut toujours le décorréler après coup, monsieur Bourgi, mais le lien est bien là. Prenons garde à ne pas légiférer sur la seule base d'événements internationaux ! On pourrait de la sorte adopter bien d'autres textes, y compris en matière de droits des femmes, par exemple pour les protéger en cas d'arrivée au pouvoir des talibans dans notre pays ! Le sérieux de nos débats dépend d'une telle prudence : évoquer la nomination éventuelle au Conseil constitutionnel, après 2027, de personnes qui ne partageraient pas une position très majoritaire dans notre pays, c'est de la politique-fiction ! Il faut aussi relativiser la notion de « marbre constitutionnel ». Le revirement de jurisprudence de la Cour suprême américaine a rendu aux États fédérés la responsabilité de cette question.

La procédure choisie, une proposition de loi constitutionnelle, nous conduira peut-être, si la navette aboutit, à un référendum ; très probablement, il ne se passera rien ! Le débat n'est pas inutile, mais le temps parlementaire que nous allons y consacrer ne mènera sans doute même pas à une consultation.

Les travaux de la délégation aux droits des femmes du Sénat me paraissent beaucoup plus concrets, par exemple sur la question des inégalités dans l'accès effectif des Françaises à l'IVG, notamment dans le monde rural. Là est le vrai sujet ! Écartons-nous donc un peu de l'actualité internationale pour confronter ces problèmes à l'échelle française.

La majorité des membres du groupe de l'Union Centriste soutiendra la position de la rapporteure.

M. Guy Benarroche. - Notre pays, notre Constitution, notre droit doivent reprendre leur rôle d'éclaireur, d'avant-garde. On nous regarde dans d'autres pays ! Si nous décidons de constitutionnaliser ce droit, nous montrerons que la France est attachée à ce symbole, à ces valeurs. Nous ne devons pas laisser passer cette occasion.

Ne nous leurrons pas : une offensive est lancée, mondialement, contre le droit des femmes à disposer de leur corps, voire contre l'égalité entre les femmes et les hommes ! Or ces droits aujourd'hui remis en cause dans nombre de pays, sont au coeur de nos démocraties.

Il est donc important que nous votions ce texte, afin de convaincre le Gouvernement de déposer un projet de loi constitutionnelle garantissant pour le droit à l'IVG une protection, sinon absolue, du moins supérieure à celle qui existe aujourd'hui. Nous voulons nous engager dans un processus de co-écriture, sans nous montrer attachés à telle ou telle formulation, à tel ou tel emplacement dans le texte constitutionnel.

Enfin, monsieur Hervé, s'engager dans cette voie, cela ne veut pas dire qu'on ne s'intéresse pas aux conditions d'accès à l'IVG ! Il faudra aussi agir en la matière.

Mme Marie Mercier. - Je félicite notre rapporteure pour son rapport et la qualité des auditions qu'elle a menées. Il ne faut pas se tromper de débat : aucun parti ne réclame maintenant l'interdiction de l'IVG ! Ce texte mentionne l'IVG et la contraception, mais personne n'a évoqué la contraception masculine au cours de nos auditions. Il faut aller toujours plus loin. Le film Simone, sur Simone Veil, qui a été projeté au Sénat hier soir, présente son parcours exemplaire. On l'y voit, ministre de la santé, refuser de « faire semblant » en adoptant des postures purement symboliques. Ici aussi, les femmes méritent mieux qu'un « faire semblant », qu'une inscription dans la Constitution « au cas où ». Ce qu'il faut plutôt, c'est une obligation de moyens pour le planning familial ou la médecine scolaire, c'est une lutte contre les déserts médicaux, c'est une éducation sexuelle digne de ce nom !

Mme Éliane Assassi. - Merci à Mélanie Vogel d'avoir déposé cette proposition de loi constitutionnelle et à la rapporteure pour ses travaux et la qualité des auditions qu'elle a menées. Nous sommes évidemment favorables à ce texte ; nous avions déposé une proposition de loi similaire.

Bien sûr, la situation internationale et les attaques contre les droits des femmes, notamment le droit à l'avortement, nous inquiètent. En France, au cours des quarante dernières années, ce droit a connu plusieurs améliorations, mais de nombreuses femmes n'ont toujours pas la possibilité d'y avoir recours ; l'accès à l'avortement souffre de réelles entraves, de la fermeture de centres pratiquant l'IVG jusqu'aux restructurations hospitalières et à la pénurie de praticiens en ville. L'avortement est un droit fragile, sans cesse menacé ! Il doit être conforté, car il en va de la liberté des femmes à disposer de leur corps.

Quant aux amendements déposés par Mélanie Vogel, ils me posent problème, car il nous semble que ce droit devrait figurer à l'article 34 de la Constitution, parmi les autres droits fondamentaux, plutôt qu'à son article 1er, qui ne doit pas selon nous être modifié. Nous voterons le texte tel qu'il nous est présenté, quitte à modifier ultérieurement l'emplacement de cette disposition.

M. Thani Mohamed Soilihi. - Je remercie Mélanie Vogel d'avoir pris l'initiative de cette discussion. Elle m'évoque les débats juridiques sur le préjudice éventuel. Celui-ci ne se répare pas en droit, surtout si les conséquences d'une telle réparation sont contre-productives ; cela pourrait être le cas ici, comme la rapporteure l'a pointé. Le droit à l'avortement et à la contraception n'est pas contesté aujourd'hui dans notre pays. Cela dit, j'ai trop de respect pour ce droit pour voter contre cette proposition de loi ; par conséquent, je m'abstiendrai.

Mme Françoise Gatel. - Merci à  la rapporteure pour son regard juridique sur ce sujet. Je comprends les craintes exprimées par les auteurs de ce texte, mais l'IVG est dans notre pays un droit que personne ne saurait contester ; les difficultés d'accès à l'IVG reproduisent généralement les difficultés d'accès aux soins. J'ai été très sensible aux propos de  la rapporteure sur l'approche de Simone  Veil. Ce qu'elle proposait était d'une audace absolue. En dépit des difficultés qu'elle a rencontrées, elle n'a pas jugé nécessaire d'inscrire ce droit dans la Constitution, ne considérant pas que cela le protégerait de manière plus pérenne.

J'entends l'appel au principe de précaution, qui est lui-même inscrit dans notre Constitution... Pour autant, il ne faudrait pas commencer, en France, pays souverain, celui des droits de l'homme et de la raison, à faire du droit en fonction de l'évolution du contexte international, en se confrontant à des législations contradictoires. Dans cette perspective, on pourrait tout autant adapter notre droit en fonction de la législation américaine, iranienne, ou que sais-je encore...

Il faut nommer les choses : laisser penser à nos concitoyens que la Constitution va tant sacraliser le droit à l'IVG qu'il n'y aura plus de difficultés, c'est un leurre ! Il ne faut jouer, pour un simple symbole, ni avec la Constitution ni avec la douleur des gens.

Mme Maryse Carrère. - Je remercie l'auteure de cette proposition de loi constitutionnelle et la rapporteure pour son travail et ses auditions. Nombre de sénateurs de notre groupe ont co-signé ce texte ; ceux qui ne l'ont pas fait avaient plutôt des réticences quant à la forme, notre groupe étant toujours réticent à inscrire de nouvelles dispositions dans la Constitution, par peur de la complexifier et de la changer en catalogue. Ceux qui l'ont signé ont jugé qu'une exception se justifiait en faveur de ce droit fondamental et au vu du contexte international et européen ; il convient aussi de garantir un accès plus effectif à ce droit, aujourd'hui compromis par manque de moyens, notamment dans les départements ruraux. Nous voterons dans notre majorité en faveur de ce texte.

M. Jérôme Durain. - Ce texte affirme des valeurs, des priorités politiques et des principes. Cela justifie une modification de la Constitution. Ne parler que du contexte international, c'est oublier la contestation de ce droit dans notre pays même. En débattre, même si la navette ne doit pas aboutir, c'est peser dans le débat public, s'engager à offrir les moyens nécessaires à l'exercice réel de ce droit. Ce débat n'est ni vain ni subalterne !

Mme Françoise Dumont. - Il y a des combats féministes à mener, mais ils sont sans doute ailleurs. Préserver le droit à l'IVG pour toutes les femmes, c'est aussi donner à chacune, quel que soit le territoire de France où elles vivent, l'accès aux soins gynécologiques dont elles ont besoin. Évitons d'avoir à mettre en place dans les campagnes des « gynécobus » ! Parfois, il faut y attendre six à huit mois pour un rendez-vous. Le Gouvernement généralise la délivrance sans ordonnance de la pilule du lendemain, ce qui prive dangereusement de nombreuses femmes d'un suivi médical correct. Ma génération a toujours connu l'IVG, je ne vois pas cet acquis être remis en cause dans notre pays ; menons les combats qui importent !

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Je me félicite de la qualité de nos échanges et de l'engagement des uns et des autres sur ce sujet fondamental. Nous sommes tous d'accord sur un point : la nécessité de rendre plus effectif l'accès à l'IVG et à la contraception, sur tout le territoire. C'est avant tout une question de moyens, de lutte contre la désertification médicale. Les réponses divergent en fonction de nos sensibilités.

Concernant l'importation du débat américain, celui-ci n'est pas nouveau. L'évolution de la jurisprudence américaine était latente. La Constitution américaine répartit les compétences entre les États fédérés et l'État fédéral, qui n'a pas de compétence spécifique en matière de droit à l'avortement ; celui-ci avait été déduit par la Cour suprême en 1973, dans l'arrêt Roe v. Wade, par une construction jurisprudentielle qui a été peu à peu remise en question au fil du changement de la composition de la Cour, plus favorable aujourd'hui à une lecture originaliste de la Constitution américaine. Elle a fini cette année par renvoyer aux États fédérés la responsabilité de légiférer en la matière ; quatorze d'entre eux restreignent désormais ce droit. Cela dit, le Conseil constitutionnel français n'est pas la Cour suprême américaine ! Ses membres sont moins politiques, plus indépendants. L'émotion suscitée aux États-Unis est compréhensible, mais tous les débats ne peuvent pas être transposés tels quels.

En France, on peut dire que l'on constitutionnalise une disposition pour quatre raisons : pour introduire un droit nouveau ; pour déroger à un principe imposé par la Constitution, comme on l'a fait pour la parité ; pour ratifier un engagement international, comme on l'a fait pour l'abolition de la peine de mort ; enfin - ce que le doyen Vedel appelait un « lit de justice » -, pour revenir sur une interprétation du Conseil constitutionnel que le Constituant jugerait excessive, comme on l'a fait en 1993 au sujet du droit d'asile. Il n'y a jamais eu de constitutionnalisation pour le symbole !

J'entends suggérer par certains que la France pourrait se montrer pionnière en la matière par rapport au reste du monde : cela souligne qu'aucune Constitution dans le monde ne garantit formellement le droit à l'IVG. Aujourd'hui, le droit à l'IVG bénéficie déjà d'une protection par la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Or la force de notre protection des droits et libertés repose sur la Constitution et le bloc de constitutionnalité. Il n'y a pas de hiérarchie entre ces éléments. La protection qui découle de l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen me semble donc solide.

La constitutionnalisation proposée peut aussi fragiliser l'équilibre constitutionnel. On risque de changer la Constitution en une sorte de catalogue, par l'ajout successif de nombreux droits, ce qui en changerait l'esprit. Il faut faire très attention !

Enfin, je vous rappelle les dangers inhérents à la procédure prévue à l'article 89 de la Constitution pour les révisions constitutionnelles d'initiative parlementaire. Ne partons pas du postulat que ce processus n'aboutira pas ; le recours au référendum est possible.

EXAMEN DE L'ARTICLE UNIQUE

Article unique

Mme Mélanie Vogel. - J'ai déposé les amendements COM-1 et COM-2 en réponse à deux remarques qui m'ont été faites sur l'emplacement de la disposition proposée dans la Constitution et sur sa rédaction. J'admets que tous deux peuvent être améliorés !

La création d'un article 66-2 m'avait paru la plus susceptible de recueillir l'assentiment de la majorité de l'Assemblée nationale, qui avait choisi la même voie. Pour autant, on peut aussi faire figurer ce droit à l'article 1er, comme proposé dans l'amendement COM-1, ou dans un nouvel article 1-1, comme proposé dans l'amendement de repli COM-2. Si une majorité se trouve pour le figurer à l'article 34, comme le proposait Éliane Assassi bien avant l'arrêt de la Cour suprême américaine, je m'en accommoderai tout autant !

Ces amendements visent aussi et surtout à préciser la rédaction de cet article. Je ne pense pas que la rédaction originelle crée un droit inconditionnel que la loi ne pourrait encadrer. Néanmoins, pour répondre à cette inquiétude, j'ai tenté la rédaction suivante : « La loi garantit à toute personne qui en fait la demande l'accès libre et effectif à l'interruption volontaire de grossesse et à la contraception. Aucune loi ne peut avoir pour effet de faire régresser ces droits ou d'en réduire l'accès. » L'accès à ce droit est en effet un élément crucial.

Il est important t d'inscrire dans la Constitution ce principe de non-régression. Ce ne serait pas rien que de vivre dans un pays où une loi qui viendrait diminuer les délais d'accès, dérembourser, rajouter des conditions, ou baisser les subventions au planning familial serait déclarée inconstitutionnelle ! Jusqu'à présent, le Conseil constitutionnel a jugé que les dispositions créant et renforçant le droit à l'avortement n'étaient pas contraires à la Constitution, mais rien ne permet de dire qu'une loi allant dans le sens inverse serait déclarée non conforme à la Constitution. Certes, ce droit n'est pas menacé aujourd'hui, mais quand il le sera, il sera trop tard pour le protéger de la sorte.

M. Jean-Pierre Sueur. - Pour ma part, quoique très favorable à ce texte, je ne pourrai pas voter l'amendement COM-1, car je ne pense pas qu'il soit justifié d'inscrire cette disposition à l'article 1er de la Constitution. Comme Éliane Assassi, je pense qu'il serait beaucoup plus logique de la faire figurer à l'article 34.

M. Loïc Hervé. - Le contrôle de constitutionnalité se fait par les voies prévues, parmi lesquelles on trouve depuis 2008 la question prioritaire de constitutionnalité. L'inscription d'un tel dispositif dans la Constitution n'ouvrirait-elle pas la possibilité pour le juge constitutionnel d'apprécier le cadre législatif antérieur à l'adoption de cette révision, de se pencher sur les restrictions actuellement posées par la loi et éventuellement de les juger inconstitutionnelles ?

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Où faire figurer cette disposition dans la Constitution ? Il n'y a aucune bonne solution, il n'y en a que de moins mauvaises. Le ministère de la justice, lors de son audition, s'est montré incapable de nous orienter vers une piste ou l'autre. S'agissant de l'article 1er, véritable âme de la Constitution, on ne voit pas bien ce que l'IVG et la contraception viendraient y faire ; l'article 66-2 s'intégrerait au sein des dispositions relatives à l'autorité judiciaire ; quant aux autres titres, ils portent avant tout sur l'organisation des institutions.

Quant à la formulation, celle que vous proposez dans ces amendements est certes plus positive, mais la deuxième phrase pose plus de problèmes en matière de limitation du pouvoir législatif à qui il revient de fixer les conditions de l'IVG.

Je suis donc défavorable à ces amendements.

M. Alain Richard. - Ce moment de la discussion m'évoque des souvenirs constitutionnels lointains. La Troisième République a été instaurée par des lois ordinaires ! Après 1879, il a été prévu qu'aucune révision constitutionnelle ne pourrait remettre en cause la forme républicaine du Gouvernement.

Le débat que nous avons aussi bien sur la formulation du texte que sur son insertion dans la Constitution démontre à l'évidence que ce qui nous est proposé ici, c'est d'inscrire une loi ordinaire dans la Constitution. Il me semble que ce serait une erreur, car les arguments mettant en évidence la solidité de ce droit sont décisifs, et nous produirions un précédent qui viendrait justifier de multiples initiatives comparables pour transformer la Constitution en un recueil législatif.

L'amendement COM-1 n'est pas adopté, non plus que l'amendement COM-2.

L'article unique constituant l'ensemble de la proposition de loi constitutionnelle n'est pas adopté.

Conformément au premier alinéa de l'article 42 de la Constitution, la discussion en séance portera en conséquence sur le texte initial de la proposition de loi constitutionnelle déposée sur le Bureau du Sénat.

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Article unique

Mme Mélanie VOGEL

1

Constitutionnalisation de l'IVG et de la contraception à l'article 1er

Rejeté

Mme Mélanie VOGEL

2

Constitutionnalisation de l'IVG et de la contraception au sein d'un nouvel article 1-1

Rejeté

Projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur - Suite de l'examen des amendements au texte de la commission

EXAMEN D'UN AMENDEMENT AU TEXTE DE LA COMMISSION (SUITE)

Article 14 (suite)

M. Loïc Hervé, rapporteur. - L'amendement n°  233 que le Gouvernement a déposé ce matin complète la liste des délits pouvant faire l'objet de la procédure de l'amende forfaitaire délictuelle (AFD). Actuellement, une dizaine de délits peuvent donner lieu à cette amende ; la commission a prévu sept nouveaux délits et le Gouvernement en ajoute encore sept. Ainsi, aux délits retenus par la commission des lois le Gouvernement ajoute plusieurs infractions portant atteinte au monopole des taxis - exercice illégal de l'activité d'exploitant de taxi, exploitation de voiture de transport avec chauffeur sans inscription au registre, prise en charge d'un client sur la voie publique pour une prestation de transport sans justification de réservation préalable par une personne n'ayant pas la qualité de taxi -, le délit de refus de se soumettre aux vérifications relatives au véhicule ou au conducteur, la transformation d'un véhicule portant atteinte aux dispositifs antipollution et le délit d'entrée par force et en état d'ivresse dans une enceinte sportive lors d'une manifestation sportive. En outre, cet amendement élargit la procédure de l'amende forfaitaire à l'ensemble des cas de filouteries prévus à l'article 313-5 du code pénal. Mon collègue Marc-Philippe Daubresse et moi-même sommes favorables à cet amendement.

La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 233.

La commission a donné l'avis suivant :

Auteur

Avis de la commission

Article 14

Le Gouvernement

233

Favorable

La réunion est close à 12 h 00.