- Mercredi 12 octobre 2022
- Situation du secteur du jeu vidéo - Audition de M. Julien Villedieu, délégué général du Syndicat national des jeux vidéo (SNJV), Mme Julie Chalmette, présidente, et M. Nicolas Vignolles, délégué général du Syndicat des éditeurs de logiciels de loisirs (Sell)
- Audition de Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre des sports et des Jeux olympiques et paralympiques
Mercredi 12 octobre 2022
- Présidence de M. Laurent Lafon, président -
La réunion est ouverte à 9 h 40.
Situation du secteur du jeu vidéo - Audition de M. Julien Villedieu, délégué général du Syndicat national des jeux vidéo (SNJV), Mme Julie Chalmette, présidente, et M. Nicolas Vignolles, délégué général du Syndicat des éditeurs de logiciels de loisirs (Sell)
M. Laurent Lafon, président. – Il y a presque dix ans, en 2013, nos collègues André Gattolin et Bruno Retailleau présentaient devant la commission un rapport qui a fait date et dont le titre n’a pas pris une ride : « Jeux vidéo : une industrie culturelle innovante pour nos territoires ».
La commission a estimé qu’il était temps de revenir sur ce secteur du jeu vidéo, porteur, prometteur, mais encore mal identifié par les pouvoirs publics. Je remercie donc nos invités de ce jour, Julie Chalmette, présidente, et Nicolas Vignolles, délégué général du Syndicat des éditeurs de logiciels de loisirs (Sell), ainsi que Julien Villedieu, délégué général du Syndicat national des jeux vidéo (SNJV). Son président, M. Lévan Sardjevéladzé, ne pourra être présent aujourd’hui.
Les intervenants devraient nous permettre de réaliser un point précis sur le secteur et de tracer ses perspectives d’avenir.
Pour mémoire, le jeu vidéo est l’une des premières industries culturelles en France, avec un chiffre d’affaires 2021 de près de 5,6 milliards d’euros. C’est dire son importance dans les pratiques culturelles des Français, qui sont 73 % à jouer au moins occasionnellement, avec 98 % des 10-14 ans.
Le jeu vidéo s’inscrit, c’est sa nature, dans un environnement technologique en perpétuelle évolution, avec l’arrivée prochaine de la réalité virtuelle, promise depuis longtemps, ou bien l’évolution de la monétisation, avec l’irruption des loot boxes qui assurent, moyennant finances, un avantage aléatoire. Je pense cependant également aux grands mouvements capitalistiques, avec le projet de rachat par Microsoft de l’éditeur américain Activision-Blizzard – autrefois propriété de Vivendi et dont le dossier est analysé par l’Autorité de la concurrence britannique – pour un peu moins de 70 milliards de dollars –, soit la capitalisation boursière d’Airbus en 2021… Ubisoft a également fait l’objet d’une série d’articles ces dernières semaines.
Notre pays dispose d’atouts reconnus, avec des éditeurs réputés dans le monde entier et des écoles qui forment parmi les meilleurs spécialistes. Le jeu vidéo bénéficie d’un soutien public via le crédit d’impôt jeu vidéo (CIJV), pour près de 70 millions d’euros, dont les effets n’ont jamais été évalués de manière précise.
Telles sont quelques-unes des questions que nous souhaiterions aborder avec vous. Je propose à chacune de vos organisations de prendre la parole pour environ dix minutes chacune, puis je passerai la parole au rapporteur des industries culturelles, Julien Bargeton, avant que les commissaires ne vous interrogent à leur tour.
Je rappelle que cette audition est captée et diffusée en direct sur le site du Sénat.
Mme Julie Chalmette, présidente du Syndicat des éditeurs de logiciels de loisirs (Sell). – Je suis présidente du Sell, mais aussi directrice générale de Bethesda France, qui a aussi fait l’objet du rachat par Microsoft pour 7 milliards de dollars ! Cette somme record a ensuite été un peu occultée par le rachat d’Activision-Blizzard. Nous sommes effectivement le témoin d’un rapprochement et d’une concentration au sein de notre industrie. Bethesda France s’est implanté en France voilà plus de dix ans. Nous détenons aussi le studio Arcane en France, qui a produit des jeux très connus. Par ailleurs, je suis la cofondatrice de Women in Games, une association qui ambitionne de doubler le nombre de femmes dans notre industrie.
Le Sell regroupe tous les grands éditeurs de jeux vidéo et les constructeurs de consoles – Nintendo, Sony et Microsoft. Les résultats de cette industrie sont cycliques, liés par les sorties des nouvelles consoles de jeux vidéo : elle connaît une croissance remarquable et représente aujourd’hui 5,6 milliards d’euros en France, même si elle a enregistré l’an dernier un léger tassement.
Le jeu vidéo occupe une place immense dans le cœur des Français : 73 % d’entre eux y jouent occasionnellement, 53 % régulièrement. Tous les jeunes jouent, et plus de 50 % des plus de 55 ans sont joueurs. Cela est dû essentiellement au vieillissement de la population des joueurs, mais aussi à l’essor des jeux mobiles. Il convient également de rappeler que les femmes représentent la moitié de la population des joueurs. Cela nous encourage à poursuivre nos efforts pour féminiser cette industrie et garantir la présence des femmes dans la production.
M. Julien Villedieu, délégué général du Syndicat national des jeux vidéo (SNJV). – Je vous remercie pour votre invitation. Souvent, le jeu vidéo est méconnu, voire méprisé en raison d’idées reçues qui lui collent à la peau. Julie Chalmette et Nicolas Vignolles évoqueront plus en détail le marché, la consommation et l’univers des joueurs. Quant à moi, je vous ferai découvrir l’envers du décor avec la conception des jeux vidéo, fruit d’un long héritage culturel et numérique. D’où la difficulté à appréhender cet objet culturel parfois non identifié.
Le jeu vidéo en France est né voilà une cinquantaine d’années, avec des créatrices et des créateurs de renoms, qui ont inventé des genres issus de grands écrivains ou cinéastes français. De très grandes licences ont été réalisées par des entreprises françaises, permettant au jeu vidéo de rayonner à travers le monde. Plus de 95 % de notre production française est en effet distribuée partout sur la planète. Il est inenvisageable de créer des jeux vidéo uniquement pour le marché français. Nous apportons quelque chose de différent par nos jeux, qui diffusent une vision différente de la culture.
Aujourd’hui, 1 300 entreprises françaises conçoivent des jeux vidéo. Plus de la moitié les crée avec des équipes de production très diverses allant des ingénieurs jusqu’aux analystes de données, en passant par les artistes. La façon de jouer a évolué, et plus de 55 métiers, eux-mêmes en mutation continuelle, sont à l’œuvre au quotidien dans l’ensemble de ces entreprises.
Ces entreprises comptent 18 000 employés, à plus de 80 % en CDI. Les emplois sont durables, qualifiés et établis en France. Nous avons les talents qui créent et développent les jeux vidéo. Ces profils sont recherchés partout dans le monde. L’enjeu est de les attirer pour réaliser les meilleures productions, mais aussi de les garder dans nos équipes. En effet, la compétition est mondiale. Sans le crédit d’impôt jeu vidéo, cette industrie aurait probablement quasiment disparu de France. Cet outil a été déterminant pour que nous soyons l’un des leaders de la création de jeux vidéo. Il reste des choses à accomplir, mais notre niveau d’attractivité et de rayonnement international est très important.
Dans ce contexte, le développement de ces entreprises doit être examiné de près. Pour réaliser Flight Simulator, Microsoft a choisi une équipe bordelaise, car c’est la meilleure au monde. Nous avons besoin de très bonnes formations, pour mettre sur le marché des talents qui seront ensuite employés dans nos équipes, mais nous cherchons aussi ceux qui se trouvent partout dans le monde.
M. Nicolas Vignolles, délégué général du Syndicat des éditeurs de logiciels de loisirs (Sell). – Le marché français de la consommation de jeux vidéo, le troisième en Europe, connaît une pénétration très forte, insuffisamment appréhendée par les pouvoirs publics : 73 % des Français jouent, et 58 % régulièrement. On parle d’un média, d’un loisir numérique, de très loin le premier de la génération post-2007, 10 points devant les vidéos délinéarisées comme Netflix ou Amazon. Pour autant, plus la génération consomme, plus elle s’adonne à de l’activité culturelle à côté, comme le démontre l’Essentiel du jeu vidéo. Le jeu vidéo est une ouverture à d’autres mondes, tels que l’animation ou le cinéma.
Dans un contexte économique de concentration des très grands groupes, le jeu vidéo est devenu un actif culturel stratégique. À tel point que le Parlement européen vient de produire un rapport non législatif qui fixe des perspectives extrêmement ambitieuses pour l’Union européenne en termes d’investissement. Ce n’est pas seulement de la création française ou européenne qu’il s’agit ; c’est tout un imaginaire que l’on emporte. Le métavers ou la réalité immersive sont créés par le jeu vidéo.
De manière générale, l’innovation de rupture technologique a toujours émergé de l’initiative du jeu vidéo. Le jeu vidéo doit être regardé à l’aune d’une industrie mature, très stable pour les ressources de l’État – plus de 1 milliard d’euros de TVA chaque année –, et pourvoyeuse d’emplois non délocalisables, – 80 % des embauches dans le secteur l’ont été en CDI.
Ce qui nous réunit, c’est l’ambition d’attirer les grandes entreprises, mais aussi les petits studios.
M. Julien Bargeton. – Merci de ces explications très éclairantes qui contredisent certaines idées reçues sur le jeu vidéo en France. Vous avez rappelé l’importance de son enjeu économique et stratégique. Ce domaine de l’excellence française est moins connu que d’autres, mais tout aussi important. Comment faire pour renforcer cet atout national, notamment au travers des écoles de formation ? Qu’attendriez-vous des pouvoirs publics pour renforcer votre réussite économique ?
Les concentrations suscitent des inquiétudes. Pouvez-vous nous en dire davantage sur l’exclusivité de l’accès à Call of Duty, le jeu le plus populaire du monde, et sur les pratiques des loot boxes, qui se développent ?
Quelles sont les conséquences de la réalité virtuelle relancée par Sony avec son nouveau casque ? Quelle est votre appréciation sur des pratiques considérées comme toxiques dans le monde du jeu vidéo ? Le système PEGI d’évaluation européen des jeux vidéo a été mis en place pour informer les acheteurs. Des évolutions peuvent-elles y être apportées ? Des pressions exercées sur les salariés, ainsi que des cas de harcèlement et de sexisme défraient régulièrement la chronique. Quelles sont les évolutions que doivent accepter les acteurs du secteur ? Enfin, comment améliorer votre place dans l’industrie française et renforcer des régulations qui existent déjà ?
M. Julien Villedieu. – Aujourd’hui, nous sommes effectivement une industrie d’excellence, mais son déficit de reconnaissance nous colle à la peau. Or l’éditeur de jeux vidéo mobiles le plus téléchargé, Voodoo, est français. Le premier axe de développement est bien celui de la considération et de la reconnaissance, politique comme médiatique. Le jeu vidéo est souvent vu comme la cause de tous nos maux. Nous devons accompagner celles et ceux qui ne connaissent pas nos industries. Au sein des équipes, les salariés sont de jeunes talents formés en France, au parcours classique, artistique, managérial ou technologique. Nos métiers ont la particularité d’être très segmentés.
Le deuxième enjeu est celui de la formation. La plupart des cinquante formations qui existent sur notre territoire sont privées, donc difficilement accessibles. Il faut les rendre plus diverses et inclusives, et travailler au développement de la formation publique. Certaines universités françaises pourraient ajouter dans leurs cursus des unités de valeur sur les compétences requises dans notre industrie. Pour y parvenir, nous aurons besoin du concours des ministères compétents.
Enfin, l’investissement rejoint votre question sur l’agrégation et le renforcement des entreprises par des capitaux étrangers. Produire un jeu vidéo coûte aujourd’hui plusieurs dizaines, voire centaines de millions d’euros, soit beaucoup plus qu’une grosse production hollywoodienne. Pour ce faire, tous les investissements sont réalisés avant même que le jeu sorte. Cela permet d’employer beaucoup de salariés durant parfois plusieurs années – il faut cinq à sept ans pour faire aboutir sur le marché une très grosse production internationale. Les capitaux proviennent soit d’autres entreprises du secteur, telles que les éditeurs et les distributeurs, soit de nombreux acteurs périphériques. Le secteur est en effet au centre de la consommation culturelle.
Nous devons capter les investissements, non seulement pour garder nos talents en France, mais aussi pour produire ces meilleures productions. Des efforts ont été réalisés par la Banque publique d’investissement (BPI), l’Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles (Ifcic) et le crédit d’impôt jeu vidéo. Néanmoins, les montants d’investissement doivent être plus importants et égaler les apports étrangers.
M. Nicolas Vignolles. – Les demandes pourraient s’appuyer sur quatre leviers différents et le concours du Parlement.
Premièrement, nous avons su développer nos start-up avec le programme French Tech. Pourquoi ne pas réfléchir à une solution aussi ambitieuse pour le jeu vidéo ? On sait que la croissance de cette industrie dans le monde est forte, et que l’Allemagne a investi 100 millions d’euros dans un plan dédié il y a deux ans. En définitive, il faut appréhender le jeu vidéo comme un enjeu tech et stratégique.
Deuxièmement, le CIJV n’est pas une niche fiscale ; il s’agit d’un levier d’emploi et de création de richesse. Il y va de la production du jeu vidéo en France et de son exportation dans le monde entier. Nous appelons de nos vœux un rapport objectivant les résultats du crédit d’impôt : 1 300 entreprises en France ; plus de 20 000 emplois contre 3 000 en 2010. Nous attendons de l’administration ou du Parlement une action en ce sens.
Troisièmement, nous misons beaucoup sur le plan France 2030, qu’il faut ouvrir au jeu vidéo. Le SNJV effectue un travail important pour que les studios y aient accès. Je signale qu’au départ, le jeu vidéo n’avait même pas été évoqué ! C’est pourtant, dans le monde entier et en France, la première industrie culturelle.
Quatrièmement, il faut développer la formation. Avec le Parlement et le Gouvernement, nous voulons développer des formations publiques, accessibles, de troisième cycle, pour former notamment aux métiers du game design.
Ces quatre leviers nous permettraient de connaître un vrai essor d’ici à cinq ans.
Mme Céline Boulay-Espéronnier. – Je tiens à remercier le Président Lafon pour l’organisation de cette table ronde autour d’une industrie culturelle si méconnue. Un tel échange ne peut que contribuer au développement du jeu vidéo en France. Mais pour ce faire, il faut réfléchir aux moyens à mettre en œuvre. Vous avez dit que la France comptait une cinquantaine de formations. Or, avant de vous entendre, je déplorais qu’il n’y ait qu’une seule école à Angoulême. Vous m’avez donc rassurée.
Sur les perspectives de croissance, j’ai compris votre volonté de devenir leaders en Europe en cinq ans, mais j’attends plus de développements sur le secteur de la production et sa féminisation.
Concernant le système du free-to-play, les jeux vidéo freemium n’entraînent-ils pas une addiction financière chez la jeunesse d’aujourd’hui ?
Enfin, quelle est la relation entre jeu vidéo et consommation culturelle ? Les parents ont besoin d’être rassurés.
M. Thomas Dossus. – Selon vous, l’industrie serait mature. Elle fait rêver beaucoup de jeunes, mais ses coulisses le sont un peu moins, notamment dans la période du crunch durant laquelle les salariés sont pressurisés. L’un disait que, pour travailler dans ce secteur, il fallait être trentenaire, en bonne santé et célibataire... D’ailleurs, cette culture des 80 heures est aussi présente dans les écoles de formation. Les pratiques ont-elles évolué ? Des chartes ont-elles été adoptées ? Ne pourrait-on combattre cette pression qui pèse notamment sur les développeurs ? Les révélations de violences sexistes et sexuelles ont-elles été suivies d’effets ?
Mme Annick Billon. – Je n’ai jamais joué aux jeux vidéo, mais je ne suis pas la seule ici… Quelles ont été les conséquences des confinements en termes de consommation et de demande ? Votre activité s’est-elle développée dans ces moments ? Sur la création, je souscris aux propos de Thomas Dossus. S’agissant de la violence en général, et plus précisément des violences sexistes et sexuelles, quelles limites vous imposez-vous pour lutter contre les stéréotypes ? Avec Alexandra Borchio Fontimp, nous venons de publier un rapport sur l’industrie de la pornographie. Certains ont déclaré qu’ils répondaient à la demande. Jusqu’où va cette réponse ? Enfin, les secteurs en pleine expansion concerneraient plutôt les garçons. Disposez-vous de statistiques sur la consommation de jeux vidéo et sur le public concerné ?
M. Michel Savin. – Dans votre présentation sur l’économie de l’industrie du jeu vidéo, monsieur Vignolles, vous avez ciblé les quatre leviers qui seraient nécessaires pour développer cette activité. Comment appréhendez-vous son évolution ? Des aménagements législatifs et réglementaires doivent-ils être réalisés ? Faut-il encadrer ou réguler le secteur sans menacer sa viabilité ? Lors de l’examen de la loi du 2 mars 2022 visant à démocratiser le sport en France, le Sénat a mis en place un contrôle d’honorabilité sur les encadrants de e-sport. Comment fonctionne ce dispositif ? Quel est votre avis en la matière ?
M. David Assouline. – Merci de vos exposés. D’abord, vous insistez à juste titre sur le rôle majeur de cette industrie culturelle. Ensuite, une grande partie de la jeunesse consomme ces jeux. Enfin, la créativité et l’excellence française sont reconnues dans le monde. Le crédit d’impôt est central dans le développement de cette industrie ; mais c’est l’État qui donne.
Sur le fond, des problématiques doivent être discutées. Derrière le jeu, on trouve les principaux réseaux sociaux de la jeunesse. Des messages, des stratégies de communication, y compris politiques, sont pensés pour pénétrer ces communautés. Les services dédiés savent qu’il faut y être présents pour lutter contre la criminalité et le terrorisme.
Toutes les problématiques que nous abordons concernant les réseaux sociaux et l’éducation aux médias sont concernées. Il faut de la régulation et de la formation, sans forcément chercher à limiter ou réprimer.
Quelles valeurs sont véhiculées par les jeux vidéo, concernant en particulier la dignité des femmes, ainsi que la violence ? Sur les sites de jeux de cartes en ligne que je consulte, certaines publicités pour des jeux vidéo sont d’une violence incroyable, et provoqueraient immédiatement des réactions sur d’autres réseaux sociaux.
Cette industrie pionnière et créative doit être considérée par les législateurs, mais faisons attention : les parents et les professeurs ne sont pas là, et nous devons éviter que des enfants ne soient livrés à eux-mêmes. Il faut réguler.
M. Jean-Raymond Hugonet. – Je suis heureux de commencer la journée avec des gens qui ont de l’ambition et qui réussissent. Vous faites part d’un manque de considération à l’égard du secteur, mais il est sûrement plus facile aujourd’hui d’obtenir un article favorable dans les médias qu’un crédit d’impôt ! Comme par hasard, on remarque que lorsque les impôts des entreprises baissent, les choses fonctionnent…
Que pensez-vous du divorce de l’année entre Electronic Arts et la Fédération internationale de football association (Fifa) ? Cette dernière est-elle un acteur périphérique de l’industrie ? En 2024, qui va gagner dans le secteur ?
Mme Marie-Pierre Monier. – En dehors des outils mis en place par la loi, à l’instar du système de classification Pan European Game Information (PEGI) se fondant sur l’âge du joueur, quels sont les leviers pour protéger les mineurs des contenus inappropriés ?
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) reconnaît depuis 2017 l’existence d’un trouble lié aux jeux vidéo pour les joueurs et joueuses dont la pratique intensive se fait au détriment des activités quotidiennes. Les studios prennent-ils suffisamment en compte cette problématique dans la création et la promotion de leurs produits ?
Une enquête publiée en 2021 s’est penchée sur les problèmes liés aux violences sexistes et sexuelles dans l’industrie : culture d’école misogyne, harcèlement, agressions. Qu’en est-il aujourd’hui ? En 2020, les femmes représentaient seulement 22 % des salariés de l’industrie. En 2017, ce chiffre était de 15 %, et il y a certes des progrès, mais l’écart reste très significatif. Peut-être que s’il y avait davantage de femmes dans ce secteur, les jeux seraient différents. Les syndicats défendent-ils des initiatives pour la féminisation du secteur ? Quels exemples de bonnes pratiques dans les écoles ou dans les entreprises pouvez-vous partager avec nous ?
Mme Sonia de La Provôté. – Le secteur a des aspects négatifs : le danger, les comportements à risque, certaines images dégradées ou violentes de la femme. Mais il a également un côté positif : ces jeux jouent un rôle pédagogique et culturel, et constituent de formidables outils de transmission de valeurs et de contenus culturels. Pour preuve, le pass Culture concerne le jeu : les instances publiques considèrent qu’il participe de l’éducation artistique et culturelle auprès des enfants et des jeunes.
Un véritable pacte peut-il être passé, et une lettre d’intention rédigée, afin qu’on insiste systématiquement sur les valeurs contenues dans les jeux ? Il faut une charte éthique pour construire le jeu vidéo de l’avenir, surtout devant les risques du métavers : le jeu doit devenir un des outils des politiques publiques, pour transmettre les valeurs républicaines. Il n’est peut-être pas nécessaire de passer par la violence ou des mots provocateurs.
Des métiers communs, autour du dessin notamment, se retrouvent dans tous les arts ludiques, comme la bande dessinée, les films d’animation et les jeux vidéo. Avez-vous développé les passerelles entre les filières, notamment pour la formation ? C’est ce qui a été fait à Angoulême : il faut jouer collectif, car nous excellons dans ces métiers.
M. Bernard Fialaire. – Quels engagements sont pris pour lutter contre l’addiction, mais également contre l’obésité que cette addiction peut entraîner ?
M. Laurent Lafon, président. – Sur le plan économique, de grands groupes comme Tencent ou les Gafam investissent dans le secteur. Vous avez évoqué l’utilité, mais aussi la faiblesse des outils dont nous disposons pour lutter contre la prise de capitaux. Quelles discussions avez-vous avec l’État sur ce sujet ? Des modèles de protection sont-ils envisageables ?
Mme Julie Chalmette. – J’entends et je partage totalement vos préoccupations de protéger la jeunesse – nous sommes nombreux ici à être parents, et certaines choses nous inquiètent.
Le secteur du jeu vidéo, de sa propre initiative, a instauré le système PEGI depuis de nombreuses années, afin de décrire à l’aide de pictogrammes le niveau de violence ou la présence de propos à caractère sexuel dans un jeu, et de proposer une recommandation d’âge. Ce système existe depuis longtemps ; le syndicat des éditeurs de logiciels de loisirs mène chaque année des campagnes afin d’informer les parents, qui s’intéressent à ce que leurs enfants lisent ou écoutent, mais moins aux jeux vidéo.
Il s’agit d’éduquer non seulement les enfants, mais également les parents. Les choses évoluent, car les parents sont de plus en plus des joueurs informés, mais une partie de la population se sent encore éloignée de ce média, et nous devons continuer ces campagnes d’information autour du système PEGI, qui forme un premier pan de la protection des mineurs.
Par ailleurs, nous avons communiqué sur le système de contrôle parental, qui constitue une clé pour instaurer et faire respecter des règles. Les systèmes de contrôle parentaux sur les consoles, les téléphones ou les ordinateurs sont très bien faits. Ils permettent d’encadrer le temps de jeu, de limiter les interactions à l’intérieur de la communauté avec des personnes inconnues, de fixer des limites de dépenses, voire d’interdire certains jeux. Ces systèmes de contrôles parentaux sont une clé, et les parents doivent s’en emparer.
Mme Sonia de La Provôté. – Pour un jeu comme Grand Theft Auto (GTA), c’est compliqué…
Mme Julie Chalmette. – Effectivement, les systèmes de contrôle sont plus ou moins accessibles et ergonomiques. Sur la Switch de mes enfants par exemple, je définis un temps de jeu et la console s’arrête une fois ce temps écoulé. Il est essentiel de dialoguer avec ses enfants et de pouvoir refléter, à l’intérieur des consoles, les règles établies avec eux. Nous faisons de grands efforts pour promouvoir les systèmes de contrôles parentaux, qui constituent véritablement la clé de ce problème.
M. Nicolas Vignolles. – Nous considérons que, pour le hardware et les équipements, le travail a été fait. Les trois grosses consoles du marché, la Nintendo Switch, la PlayStation et la XBox, mais aussi les jeux en ligne comme Fortnite et son éditeur Epic Games, permettent des limitations du temps de jeu en quelques clics, pour les parents qui s’en donnent la peine. J’ai moi-même deux enfants. Il y a évidemment du contrôle parental à la maison. Une application gratuite sur mon téléphone me permet de surveiller le temps de jeu sur la console.
Nous avons besoin d’avoir les pouvoirs publics et le Parlement à nos côtés pour défendre la parentalité numérique, afin de résoudre la fracture numérique et de combattre l’exclusion numérique. Nous faisons des campagnes chaque année, en particulier lors de la Paris Games Week, grand salon où nous vous invitons tous : nous y tenons un stand pour apprendre aux parents l’usage du contrôle parental.
Nous sommes conscients du fait qu’il faut un usage raisonné et raisonnable des écrans. Nous militons pour que le jeu vidéo fasse partie d’un ensemble de pratiques, aux côtés d’autres loisirs.
Nous avons évoqué différents acteurs numériques et différents modèles économiques. Le modèle d’affaires des réseaux sociaux n’est pas celui du jeu vidéo ; celui des free-to-play tend à s’insérer dans la famille du jeu vidéo, mais il est encore un peu différent.
Le jeu vidéo que nous promouvons repose sur la volonté de créer un environnement sain et sûr. L’objectif n’est pas que philanthropique ou éthique : il est aussi commercial, car les jeunes parents constituent un des objectifs de notre industrie. Pour les convaincre, nous devons créer un environnement sain et sûr. C’est notre intérêt industriel et économique.
En effet, au moment du confinement, nous avons constaté un pic pour le jeu vidéo, notamment parce que les jeunes parents, qui jouaient à la console il y a quinze ou vingt ans, ont remis une console au milieu du salon pour jouer avec leurs enfants. Le contrôle parental est décisif pour nous, et nous sommes des alliés. Il faut que les pouvoirs publics le promeuvent à nos côtés. Je rêve que dans les tiers lieux favorisant l’inclusion numérique, des médiateurs puissent aider à configurer une console, et ne pas laisser les parents seuls.
Mme Julie Chalmette. – On a souvent tendance à accuser le jeu vidéo de tous les maux. L’addiction aux écrans est générale, et ne concerne pas que les jeux vidéo. Elle doit être surveillée et mieux encadrée. Sur un téléphone, on peut facilement mettre des contrôles pour soi – j’en mets d’ailleurs pour moi-même, pour surveiller que je ne passe pas trop de temps sur mon téléphone.
Je ne pense pas que les jeunes joueurs soient livrés à eux-mêmes. Chez les éditeurs, les communautés de joueurs sont extrêmement surveillées. Des gens surveillent les communications en jeu, des systèmes de signalement existent, et certains propos ne sont absolument pas tolérés. Nous faisons de nombreux efforts pour que les relations à l’intérieur des jeux soient bienveillantes. En revanche, les communautés de joueurs ne nous appartiennent pas et existent indépendamment de nos jeux. Leurs membres peuvent s’exprimer sur les réseaux sociaux, où nous avons constaté un certain nombre de dérives. Mais à l’intérieur des jeux, ces relations sont extrêmement surveillées, il n’y a aucune tolérance pour certains propos.
M. David Assouline. – Comment les contenus sont-ils programmés ? Quelle est la régulation ?
M. Julien Villedieu. – Nous sommes des créateurs responsables. Il n’est absolument pas question pour nous de diffuser des valeurs contraires à la morale ou à l’ordre public, voire répréhensibles pénalement. En la matière, l’engagement des créateurs est total.
Certains contenus sont produits ailleurs, par d’autres sociétés, qui n’appartiennent pas à notre domaine ; nous ne pouvons que déplorer certaines dérives. En favorisant le jeu vidéo français, nous encourageons la diffusion des valeurs françaises et européennes dans la création mondiale. Voyez ce qui se passe pour les séries, où l’influence américaine reste prépondérante. Notre engagement est profond pour faire de la création française et européenne une création internationale.
Mme Julie Chalmette. – Nous parlons beaucoup de violence. Cependant, certains jeux vidéo vont vous faire rêver, en parlant d’amour, d’amitié, d’homosexualité, de la question du genre, notamment dans la production indépendante.
M. Julien Villedieu. – Un grand nombre de jeux sont très poétiques.
Pendant le confinement, le secteur a été hyperdynamique, en termes de consommation. Le jeu vidéo a permis de rapprocher les générations, avec des expériences de jeu plus profondes, favorisant une meilleure compréhension de cette industrie culturelle. Toutefois, la production a été très fragilisée. Alors que des entreprises produisaient des jeux vidéo à moyen et long terme, des éditeurs ou distributeurs internationaux freinaient. De plus, il a fallu instaurer le télétravail pour tous les salariés : ce fut une épreuve, mais aussi une opportunité. L’hybridation du travail est aujourd’hui vertueuse, sans nier toutes les contraintes engendrées par l’environnement de travail. Nous avons accompagné les salariés avec des cellules d’écoute, notamment avec des psychologues disponibles par téléphone.
J’en viens à la mixité et à la diversité. La féminisation est de 22 %. Nous avons réagi tardivement, mais fermement. La production de jeux vidéo a très longtemps été faite par de jeunes hommes, mais des politiques ambitieuses de responsabilité sociale des entreprises (RSE) ont été instaurées dans toutes les entreprises. C’est aussi une question d’image et d’attractivité du métier qui se joue.
L’enjeu de la mixité sociale est aussi très important. Beaucoup d’associations de quartier visent à apprendre un métier à des jeunes des cités, via les jeux vidéo, pour les ramener vers le marché de l’emploi. Cette mixité est à terme très bénéfique pour la qualité des productions.
L’association Women in Games France a été un déclencheur, en proposant de nombreuses actions de formation et de sensibilisation. Beaucoup de femmes n’ont désormais plus peur de s’exprimer. Dans nos conférences, nous favorisons la parité, et nous mettons en avant les femmes entrepreneuses, qui créent parmi les meilleurs jeux vidéo au monde.
Une charte est désormais signée par nos adhérents. Nous restons une petite équipe, sans pouvoir de police, mais, sur nos 250 adhérents, nous n’avons pas constaté de dérives. De plus, des formations sur la lutte contre les violences sexistes, organisées par le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC), sont désormais obligatoires pour obtenir des subventions publiques.
En ce qui concerne les heures supplémentaires, nous ne nions pas qu’il y ait pu avoir des problèmes, des abus et une absence de prise en compte du bien-être des salariés. Cela est révolu. La médiatisation de la question a sensibilisé les équipes et a changé la donne. De plus, notre méthode de production est maintenant organisée autour d’un soft launch, qui permet des lancements de jeux en douceur. Le schéma de production est différent, la pression diminue sur les équipes. Enfin, les heures supplémentaires ne sont réalisées que sur la base du volontariat.
M. Nicolas Vignolles. – Plus de 30 000 jeux vidéo sont produits : c’est un continent extrêmement divers, un univers. Certains jeux, à l’esthétique extrêmement sophistiquée, demandent six ou sept ans de production ; d’autres jeux sont très casual, pour le temps d’un trajet ; les jeux de plateaux se situent entre les deux.
La violence est présente dans les jeux vidéo, mais comme dans un film de Stanley Kubrick. Cette violence déchire parfois au sein même des équipes et des communautés de joueurs, notamment quand elle est considérée comme gratuite, mais non quand elle fait sens, car inscrite dans un récit très construit. Les jeux vidéo sont multiples : certains vous invitent à vous promener dans les pyramides d’Égypte ou dans la nef de Notre-Dame. Continuons le dialogue, sans porter un regard trop caricatural. Regardons le jeu vidéo avec la même exigence que les autres domaines culturels.
J’en viens à la concentration et à l’arrivée massive de capitaux. La France et l’Europe doivent comprendre qu’il ne faut pas rater cette opportunité, notamment en matière industrielle. Entre un major installé et une logique de prédation de la part d’un groupe qui n’est pas du domaine du jeu vidéo, faisons la part des choses. L’enjeu est de garder des actifs en France et de rester attractifs : nos talents, notre école d’algorithmie et de mathématiques et notre école d’animation sont des atouts de taille. Si le crédit impôt recherche (CIR) jeu vidéo, qui représente 50 à 60 millions d’euros, est pérennisé, c’est un millier d’emplois qui sont soutenus.
Le rapport de Laurence Farreng sur le jeu vidéo et l’e-sport sera très probablement adopté début novembre au Parlement européen : c’est un signal fort d’accélération.
Nous menons un grand travail sur les encadrants avec France Esports. L’e-sport rassemble désormais des joueurs aux dons exceptionnels ; on se rassemble pour les voir s’affronter dans des jeux comme League of Legends. Partout sur le territoire, des associations rassemblent ces passionnés. Nous aidons France Esports pour structurer ce réseau, et le ministère des sports et France Esports ont signé une convention pour aller en ce sens. Le Président de la République a dit qu’il souhaitait développer l’attractivité du secteur. Par exemple, les passionnés de Counter-Strike s’affronteront en 2023 à l’Accor Arena.
Mme Samantha Cazebonne. – Comment travaillez-vous avec l’éducation nationale pour encadrer les outils numériques ? Comment abordez-vous la question du temps d’écran et quelles sont vos relations avec le monde de l’éducation et de la pédagogie ? Travaillez-vous ensemble ou ne faites-vous que cohabiter ?
Mme Julie Chalmette. – Cela dépend des jeux vidéo eux-mêmes. Pour les jeux vidéo éducatifs, oui, le dialogue existe ; mais, en tant qu’industrie, les relations avec l’éducation sont difficiles à mettre en œuvre, car les professeurs sont souvent assez réticents. Cependant, nous constatons que certains professeurs utilisent des jeux vidéo dans leurs cours, par exemple pour découvrir les pyramides égyptiennes.
M. Julien Villedieu. – Cela relève d’initiatives individuelles de la part des professeurs. Nous sommes vus comme des industriels, alors que notre objectif est bien plus de participer à l’éducation aux écrans et d’aider les parents à mieux gérer la pratique des enfants.
Mme Julie Chalmette. – Je regrette qu’il n’y ait pas plus de dialogue, alors que le jeu vidéo est un vecteur d’éducation et de formation très important, par exemple pour guider les jeunes vers les métiers du numérique et de la programmation. Certaines associations enseignent le code par le biais du jeu vidéo. Je pense d’ailleurs que la programmation devrait devenir une matière scolaire à part entière.
Mme Sonia de La Provôté. – Quel est l’intérêt du pass Culture pour le domaine des jeux vidéo ?
M. Julien Villedieu. – C’est une très bonne initiative, à laquelle nous avons souscrit dès le début. Cependant, des problèmes d’ingénierie financière se posent pour le déployer dans notre secteur.
J’en viens au modèle Freemium. Les contenus additionnels payants sont une pratique ancienne. Sur les téléphones portables, ce modèle est très répandu, et il est parfois difficile de se désinscrire ; or se désinscrire reste facile pour les jeux vidéo. Nous essayons avant tout de responsabiliser et d’informer les joueurs. Nous mettons en place des limites de dépenses, nous envoyons des messages d’alerte et pouvons par exemple bloquer des comptes.
Le domaine hypercasual s’est beaucoup développé, et se fonde sur des modèles publicitaires, ce qui a pour mérite de ne pas faire porter la dépense sur les joueurs.
Enfin, l’abonnement se développe, comme pour les séries. De plus en plus d’opérateurs proposent des abonnements qui permettent de jouer de manière illimitée, ce qui pose d’autres questions.
M. Laurent Lafon, président. – Je vous remercie pour vos interventions ; et à tous je recommande Assassin’s Creed Unity, dont certaines scènes se passent au Palais du Luxembourg !
Cette audition a fait l’objet d’une captation vidéo disponible en ligne sur le site du Sénat.
La réunion est close à 11 h 10.
- Présidence de M. Laurent Lafon, président -
La réunion est ouverte à 16 h 45.
Audition de Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre des sports et des Jeux olympiques et paralympiques
M. Laurent Lafon, président. – Madame la ministre, c’est la deuxième fois que nous échangeons avec vous, puisque vous étiez déjà venue au Sénat le 1er juin dernier, avec le ministre de l’intérieur, pour évoquer les événements survenus au Stade de France lors de la finale de la Ligue des champions. Nous aurons l’occasion de vous auditionner à nouveau le 2 novembre sur les crédits de votre ministère, dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 2023. L’audition de ce jour vise à vous donner l’occasion de présenter votre feuille de route, au-delà de la loi de finances.
Nous nous réjouissons que le ministère des sports soit redevenu un ministère de plein exercice. C’était une attente forte de notre assemblée. Quelles sont vos priorités, à moins de deux ans du début des Jeux olympiques et paralympiques (JOP) de Paris 2024, dans un contexte qui ne cesse d’évoluer et face aux difficultés nouvelles ? Je pense bien évidemment aux conséquences du conflit en Ukraine sur notre économie, c’est-à-dire à l’inflation, mais aussi aux questions de sécurité.
Nous auditionnerons la semaine prochaine le ministre de l’intérieur, avec nos collègues de la commission des lois, mais nous souhaiterions connaître votre sentiment sur ce point dès aujourd’hui, car il ne nous semble pas que toutes les leçons des événements du Stade de France aient été tirées en matière de réorganisation. Pourriez-vous nous préciser le contour du projet de loi sur lequel travaillent votre ministère et la délégation interministérielle aux Jeux olympiques et paralympiques 2024 (Dijop), projet qui concerne certaines mesures techniques relatives à la préparation des JOP ? Quel sera le périmètre de ce texte et son calendrier ?
Nous aborderons aussi des points d’actualité, par exemple les tensions au sein du Comité national olympique et sportif français (CNOSF) et des fédérations de rugby ou de football, qui nous préoccupent beaucoup.
Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre des sports et des Jeux olympiques et paralympiques. – Mesdames et messieurs, je vous remercie pour votre invitation. Je peux ainsi vous présenter les enjeux principaux qui occupent le ministère des sports : la gouvernance du sport, les JOP, l’inscription du sport dans notre société. Les citoyens ont besoin de trouver dans le sport une source d’épanouissement, de confiance et d’émancipation, c’est essentiel.
La création de l’Agence nationale du sport (ANS) en 2019 a mis en lumière le rôle central du pilotage de l’État. Les collectivités territoriales jouent aussi un rôle crucial en matière d’équipement.
Mon propos aura trois temps : premièrement, les conditions de réussite des très grands événements sportifs, comme les JOP et la coupe du monde de rugby de 2023 ; deuxièmement, les axes prioritaires pour la fortification du modèle sportif en France ; troisièmement, la dimension sociétale de l’impact de la pratique sportive.
Le premier enjeu est donc de réussir ce grand événement que sont les JOP, en réunissant un carré magique d’exigences.
Premièrement, l’organisation se doit d’être parfaite. En matière de sécurité, les enjeux sont immenses, ne serait-ce que pour réussir la cérémonie d’ouverture. Nous aurons besoin de 22 000 agents au pic des manifestations. En matière de transport, il faudra véhiculer 800 000 personnes quotidiennement. En matière logistique, des prestations de restauration, d’hébergement et d’accueil de qualité sont attendues. Notre organisation doit se fonder aussi sur l’exemplarité écologique : nous voulons réduire par deux nos émissions carbone, faire des premiers jeux écologiques une véritable signature et soutenir un grand nombre de projets à impact positif et en faveur de la protection de la biodiversité. Enfin, la maîtrise de nos budgets s’impose. Les Jeux doivent financer les Jeux, en absorbant les impacts de l’inflation. C’est au cœur de l’acceptabilité sociale de cet événement.
Deuxièmement, nous devons aider nos athlètes à atteindre leurs meilleures performances, grâce à un accompagnement technique, médical et mental, pour qu’ils soient au rendez-vous. Depuis l’été, nous constatons de bons résultats, lors des championnats d’Europe à Munich, en cyclisme, ou en escrime lors des championnats du monde en Égypte.
Troisièmement, il nous faut faire de ces Jeux une fête pour tous les Français et susciter un véritable engouement. Les JOP seront marqués par de grands moments comme le relais de la flamme et, au delà, de faire vivre dans les territoires le label Terre de Jeux. Nous commençons également une montée en puissance des actions scolaires – la semaine olympique et paralympique aura lieu dans les écoles en avril prochain.
Quatrièmement, nous voulons laisser un héritage utile et durable pour le pays. Sur le plan matériel, la Seine-Saint-Denis, département le plus pauvre de France, concentre 80 % des sommes investies par la Société de livraison des ouvrages olympiques (Solidéo). Nous pourrons ainsi léguer à ce département 4 000 logements, dont 40 % de logements sociaux. L’héritage immatériel, lui, implique de faire vivre le sport à tous les âges, en travaillant sur les équipements et le design actif, pour un environnement plus propice au sport, et en faisant du sport un moteur de l’insertion professionnelle.
Le deuxième grand enjeu est de fortifier notre modèle sportif.
Tout d’abord, consolider notre modèle sportif d’excellence exige d’accompagner au mieux nos 15 000 sportifs de haut niveau. Ensuite, nous devons valoriser un sport engagé, qu’il faut rajeunir et féminiser. À ce titre, la loi du 2 mars 2022 instaure la parité au niveau des équipes dirigeantes. De plus, nous avons besoin d’un modèle sportif robuste, doté des bons niveaux de ressources, notamment sur le plan humain. Cadres techniques et sportifs doivent être bien répartis dans les territoires, dans une logique d’équité. Notre sport se doit d’être responsable, d’un point de vue éthique, pour prévenir notamment toute forme de violence. Il doit aussi être responsable dans sa transition écologique. La charte des 15 engagements écoresponsables permettra de faire évoluer les grands événements sportifs vers un modèle durable. Enfin, nous devons bâtir un sport influent, qui porte haut nos valeurs françaises et européennes, en créant des traits d’union entre amateurs et professionnels. Je viens de relancer la French Sport Touch, instance de coordination qui vise à améliorer l’impact de notre pays à l’échelle internationale, pour soutenir nos entreprises et leur savoir-faire et promouvoir une meilleure présence de nos nationaux dans les instances internationales du sport.
J’en viens au troisième enjeu, à savoir faire pénétrer notre sport au cœur de la société, dans un continuum éducatif. Nous généralisons les 30 minutes de sport dans les écoles primaires. Nous œuvrons actuellement pour instaurer deux heures supplémentaires de sport pour les collégiens dans le temps périscolaire, en synergie avec l’éducation nationale et les collectivités territoriales, les mouvements sportifs et les parents d’élève. Nous allons aussi élargir le Pass’Sport vers les étudiants ; il sera ainsi étendu à deux millions de jeunes. Nous développons aussi la pratique sportive étudiante au sein des universités. J’ai lancé une mission, avec Sylvie Retailleau, pour voir comment lever les freins à la pratique étudiante. Seulement 20 % des étudiants font du sport, alors que 70 % indiquent vouloir exercer une pratique sportive régulière.
En matière de sport-santé, le coût de la sédentarité, pour les finances publiques, s’élève à 17 milliards d’euros. Avec François Braun, nous continuons les expérimentations, par exemple pour lutter contre l’obésité chez les enfants, avec la campagne « Retrouve ton cap ». Dans les milieux professionnels, seulement 13 % des salariés peuvent pratiquer une activité sportive. Nous voulons atteindre un ratio de 25 % dans deux ou trois ans, initiative portée avec les représentants syndicaux. Nous œuvrons enfin pour une extension du sport sur ordonnance et l’extension des maisons sport-santé (MSS) dans les territoires. Avec François Braun, nous voulons inscrire la dimension d’activité physique dans les bilans de santé gratuits aux différentes étapes de la vie.
En matière d’inclusion, il faut revaloriser le rôle de nos centres sportifs. Les contrats d’engagement jeune (CEJ) et l’apprentissage doivent jouer un rôle moteur en la matière, ou encore le service civique, que nous voulons mobiliser pour préparer les JOP.
Pour réussir ce triptyque, la gouvernance du sport se doit d’être impeccable. C’est le sens des efforts de mon ministère. Nous avons toutes les cartes en main pour matérialiser notre ambition de faire de la France une nation plus sportive. Grâce à la conjugaison de tous nos efforts sur les territoires, nous ferons que 1 plus 1 égal 3, et que le sport devienne véritablement fédérateur.
M. Jean-Jacques Lozach. – Madame la ministre, je vous adresse toutes nos félicitations pour le retour d’un ministère des sports de plein exercice.
Nous vous auditionnerons sur le budget, je passerai donc sous silence un certain nombre de questions.
La Coupe du monde de football au Qatar est une aberration. Les bonnes questions auraient dû être posées en 2010. Face à ce délire environnemental et financier, nous craignons de voir les populations se détourner des grands événements sportifs. Et je ne parle pas de l’attribution des Jeux asiatiques d’hiver à l’Arabie saoudite ! Autre interrogation : en matière de diplomatie sportive, au regard de la tragédie ukrainienne, le monde sportif a-t-il été à la hauteur ?
Depuis 2019, beaucoup a été fait pour réorganiser le sport et donner une impulsion, dans la perspective des JOP. Cependant, de grandes institutions sont traversées par des dysfonctionnements très importants ; certes, il nous faut relativiser la situation, car seules quelques fédérations, bien que très médiatiques, sont touchées. Toutefois, s’agit-il de défaillances individuelles, ou devons-nous reprendre la réflexion sur la gouvernance générale, par exemple en matière de formation des dirigeants et de transparence ?
La forme en groupement d’intérêt public (GIP) a été mise en question par le rapport de la Cour des comptes sur l’Agence nationale du sport. Que pensez-vous de ce rapport ?
Le mouvement sportif manifeste déjà des inquiétudes pour l’après 2024, car une décélération budgétaire est prévue dès 2025. La création de 5 000 équipements de proximité est prévue d’ici à 2025, mais quid de la rénovation des équipements existants, dont un quart n’ont jamais été modernisés, alors qu’ils ont plus de quarante ans ?
Dans la continuité de la loi de mars dernier, quelle est la place du ministère dans le plan Vélo et mobilités actives, aux côtés du ministère des transports ?
L’Institut national du sport, de l’expertise et de la performance (Insep) a indiqué une chute du nombre de pratiquants de 15 %. Cette tendance se confirme-t-elle ?
M. Michel Savin. – Depuis votre arrivée au ministère, vous avez eu à gérer des événements et des dysfonctionnements très graves, ceux du Stade de France. De plus, vous faites face à des affaires judiciaires et des faits divers, dans le football et le rugby, à des agressions au sein de l’équipe de France féminine de football, ou encore à des secousses au sein du comité olympique. L’image du sport est abîmée ; ce n’est pas la meilleure façon de promouvoir le sport.
Je souhaite vous remercier pour votre écoute et votre implication concernant le programme de construction des équipements de proximité. Le dispositif a ainsi été ouvert à toutes les collectivités.
Que comptez-vous faire à la suite du rapport de la Cour des comptes sur l’ANS ? Comment rendre plus efficaces les conférences régionales et les conférences des financeurs ? Ces structures sont mal identifiées. Il faut clarifier les missions de l’agence, pour que les acteurs se sentent mieux impliqués. Le ministère doit dessiner des perspectives plus concentrées, pour que les dossiers avancent plus vite.
Nous sommes particulièrement inquiets face à la crise qui secoue le comité olympique.
Des dizaines de milliers de volontaires seront mobilisés lors des JOP. La question de la requalification de leur activité en contrats de travail se pose à nouveau, comme pour l’Euro de football. Il serait fâcheux de nous retrouver dans la même situation. Il nous faut des réponses claires, afin de rassurer tout le monde.
Concernant la lutte contre les violences sexuelles, votre récente tribune est excellente, mais qu’allez-vous proposer ?
Enfin, je souhaite rappeler l’exigence du respect de la laïcité dans toutes les manifestations sportives.
Je termine par le sport-santé : que pensez-vous de la prise en charge de l’activité physique adaptée par la sécurité sociale ? Prendre en charge le bilan, c’est bien, mais il faut aller plus loin.
M. Claude Kern. – Les territoires qui accueillent les épreuves des JOP sont inquiets. Beaucoup doivent faire face au financement de la mise aux normes de leurs équipements. Les coûts augmentent. Comment allez-vous aider les collectivités ? Par exemple, en Polynésie française, la construction d’une tour de contrôle pour les épreuves de surf a vu son coût passer de 1 à 3 millions d’euros. L’héritage sera réussi si la situation des collectivités ne se dégrade pas davantage.
La violence dans les stades est une préoccupation constante. Quelle est votre réflexion sur le sujet ? Envisagez-vous des dispositions législatives ? L’ambassadeur du Japon en France nous a indiqué que les autorités japonaises ont recouru à la reconnaissance faciale, et il nous a conseillé d’en faire de même lors des Jeux de Paris. Qu’en pensez-vous ?
En matière de gouvernance, le rapport de la Cour des comptes constate qu’il n’y a ni mutualisation des moyens ni coordination des politiques du sport, par exemple entre privé et public. Quelle gouvernance rationalisée imaginez-vous ?
Pour ce qui concerne la gouvernance territoriale, les conférences régionales du sport et les conférences du financement fonctionnent mal, car leur périmètre est trop large. Une meilleure prise en compte des besoins des élus locaux est nécessaire.
Une grande loi sur le sport, attendue depuis longtemps, pourrait voir le jour. Le sport est une grande cause nationale, nous voulons du concret.
M. David Assouline. – Concernant les JOP, comment tenir face à l’inflation, qui n’est pas que conjoncturelle ? L’enjeu est de taille, il faut éviter le fiasco. La facture est souvent trop salée et les citoyens adhèrent de moins en moins à ces événements. Vous avez proposé que les collectivités financent les deux tiers des ouvrages, et l’État le tiers restant. Comment avez-vous établi un tel ratio ? Deux solutions existent pour faire face à ces coûts : faire ce qui est prévu, et donc dépenser trop, ou réduire nos attentes.
Le deuxième enjeu des JOP, pour susciter l’adhésion – voyez par exemple les revirements de l’opinion japonaise –, est de comprendre les inquiétudes des Français. Les images du football en France laissent penser que notre pays est gangréné par le racisme ; s’ajoutent les affaires qui agitent les fédérations. Il faut taper fort, pour contrer le racisme dans les stades. Que comptez-vous faire ?
En 2016, j’ai produit, à la demande du Gouvernement – obligé de réviser son décret de 2004 – un rapport sur la diffusion en clair des événements sportifs majeurs. Je n’ai pas perdu de temps, et ai réalisé 50 auditions, un énorme travail ! Lorsque j’ai publié mon rapport, les deux ministres ont affirmé qu’ils mettraient en œuvre presque toutes mes propositions. Ce gouvernement est passé et, depuis lors, trois ministres des sports, trois ou quatre ministres de la culture… Quand ce décret va-t-il être publié ? Demain, me dit-on, mais cela fait six ans que je l’attends. Le précédent décret est caduc. Il fallait organiser une enquête publique, ce qui a été fait : 95 % de mes propositions sont validées par l’ensemble des acteurs. Ce sujet est d’autant plus important à la veille des Jeux olympiques et paralympiques. Regarder un sport à la télévision est devenu un luxe. Or il faut démocratiser le sport, favoriser le handisport et impliquer les citoyens dans les Jeux olympiques.
Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre. – Je vous remercie de ces riches questions.
Nous nous interrogeons, avec la Dijop, sur la probable nécessité d’avoir recours à un projet de loi olympique et paralympique. Nous n’avons pas encore pu déterminer le calendrier d’examen. Ce texte sera ramené au strict nécessaire, et comportera des mesures sanitaires, notamment des mesures techniques autorisant des médecins étrangers à délivrer des soins et des prescriptions à l’intérieur du village des athlètes, ou l’extension à la Polynésie française des règles relatives au dopage. Nous devrons faciliter certains travaux d’aménagement et de simplification administrative.
Enfin, il existe un enjeu de sécurité : pour mieux gérer les flux et anticiper les éventuelles perturbations dans les transports en commun, nous aurons recours à des algorithmes anonymisés pour faciliter les dispositifs de vidéoprotection.
Nos relations avec le Qatar sont un sujet qui continuera d’être au cœur de l’actualité. La décision d’organiser cette compétition a été prise dans un autre contexte, en 2010, par la FIFA (Fédération internationale de football association). Désormais, notre regard est différent, et nous ne choisirions plus les mêmes critères. J’espère que la Nation sera le plus fortement possible derrière l’équipe de France, tenante du titre, et que nous pourrons utiliser cet événement comme levier pour défendre les droits humains et écologiques. C’est le sens des échanges que j’ai pu avoir récemment avec Amnesty International. Des fédérations européennes échangent avec la FIFA pour créer un centre d’accueil des travailleurs migrants et même un fonds d’indemnisation pour les travailleurs victimes. Le capitaine Raphaël Varane et Antoine Griezmann ont porté un brassard « One Love », symbole fort contre toutes les discriminations.
Il reste encore beaucoup à faire pour les droits humains au Qatar. La législation a évolué positivement en 2018 et en 2020, mais ces engagements doivent être tenus et amplifiés : je pense à l’instauration d’un salaire minimum, la suppression de la kafala – tutelle sans protection des travailleurs –, la meilleure connaissance des droits des travailleurs, la maîtrise de leur destin et de leur capacité à quitter le pays ou leur entreprise.
Nous échangeons avec le Qatar, à la fois en bilatéral et en multilatéral, au sein de l’Organisation internationale du travail (OIT). Celle-ci a publié fin novembre 2021 un rapport approfondi sur les victimes des différents chantiers qataris, qui relativise certaines conclusions du Guardian. Nous poursuivons ce travail pour porter la cause du respect des droits humains, de la condition féminine, des droits LGBT. Nous utiliserons la conférence de Charm-el-Cheikh, dite COP 27, pour défendre des objectifs écologiques, et sécuriser la réduction de la trajectoire des émissions de carbone sous 1,5 degré, après la COP 26 de Glasgow.
C’est un moment crucial pour l’exemplarité des grands événements sportifs internationaux et donc pour les critères présidant à leur choix. La FIFA a annoncé mieux prendre en compte les critères environnementaux. En creux, nous devons être plus résolus que jamais pour relever le défi des jeux les plus écologiques de l’histoire. Nous nous sommes engagés à diviser par deux nos émissions. C’est un chantier pour la Solidéo et le Cojo, avec des engagements de sobriété énergétique et de raccordement au réseau électrique avec l’appui d’Enedis.
Je partage le scepticisme qu’a pu générer l’annonce des Jeux asiatiques d’hiver en Arabie saoudite, avec des budgets considérables. Le moment est venu de l’exemplarité écologique. Lundi, avec la Fédération française de ski, nous avons rappelé la nécessité d’être plus sobre à l’avenir.
La France s’est investie de manière exemplaire dans une diplomatie sportive en faveur de l’Ukraine depuis le début du conflit, avec courage et clarté. Le Comité international olympique (CIO) a exclu rapidement la Russie et la Biélorussie, tout en essayant de trouver une voie pour les athlètes russes et biélorusses : ils peuvent concourir sous leur nom, sans drapeau ni hymne, en toute neutralité. Les ministres des sports ont rappelé, dans une déclaration en mars 2022, la nécessité de continuer à suspendre les représentants de ces deux pays. Thomas Bach a annoncé une contribution de 100 millions d’euros. Le CNOSF et certaines fédérations interviennent également : Roland-Garros a accordé 100 000 dollars, les Creps (centres de ressources, d’expertise et de performance sportives) accueillent une centaine de sportifs ukrainiens, et les clubs amateurs offrent des licences aux enfants ukrainiens scolarisés en France. Plus que jamais, nous devons soutenir l’Ukraine pour les JOP.
Vous avez lu le rapport de la Cour des comptes sur la gouvernance sportive : il ne m’a pas surpris au vu des diagnostics que j’avais posés à l’Insep le 18 juillet et qui se cristallisent à deux niveaux. À l’échelle nationale, nous n’avons pas tiré toutes les conclusions de la mise en place de l’ANS au sein de la direction des sports, en matière de recoupements de périmètres, de rôle dans le portage des politiques publiques. J’ai voulu en tirer toutes les conclusions : le ministère des sports doit se centrer sur l’impulsion politique et les orientations stratégiques. Il doit prendre sous sa responsabilité l’ensemble des combats régaliens, sans parler des violences, de la lutte contre le séparatisme... et mener une action d’évaluation de nos politiques publiques en ce domaine. Un protocole précise désormais que l’ANS est l’opérateur des politiques publiques de l’État et qu’elle donne une impulsion au travers de son double programme « Ambition bleue » et « Impulsion sport ». Le cadrage doit être donné par une convention d’objectifs et de gestion rigoureuse. Son président et son directeur général ont reçu une lettre de mission. Nous avons donc renforcé la « tutelle » de l’ANS, ce que j’appellerais plutôt les orientations stratégiques de l’agence. Lors du dernier conseil d’administration de l’ANS le 6 octobre, nous avons clarifié le projet commun de l’agence, pour que chaque acteur soit clair sur ses attentes et sur sa contribution au GIP.
Territorialement, il faut accélérer le déploiement des conférences régionales du sport. Cela implique de bien articuler l’étape du diagnostic et la définition de projets sportifs territoriaux, qui entraîne ensuite la mise en place de conférences des financeurs. J’ai fait le point le 30 septembre : nous avons 13 conférences régionales du sport dans l’Hexagone ; outre-mer, cela avance. Nous avons de plus en plus de projets sportifs territoriaux, mais attention à ne pas multiplier les priorités. La loi du 2 mars 2022 a défini treize thèmes d’intervention. C’est probablement trop, nous devrons nous centrer sur quelques priorités, territoire par territoire, voire cibler un projet emblématique, par exemple le sport féminin, le développement du numérique ou une meilleure utilisation des infrastructures…
M. Michel Savin. – … ou des piscines !
Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre. – Choisissons un thème et avançons pour donner confiance aux acteurs, avec beaucoup de clarté, ministère et ANS de concert, dans la perspective des JOP.
Nous avons progressé dans le programme des 5 000 équipements et investi 200 millions d’euros ; 85 millions d’euros ont déjà été dédiés à 2 000 projets localement. Nous avons simplifié l’ingénierie de ces projets, en allégeant le critère territorial, de sorte que les investissements ne soient plus uniquement centrés sur les quartiers prioritaires de la politique de la ville, les zones de revitalisation rurale ou l’outre-mer. Nous devons doter en priorité les zones les plus carencées.
L’implication de mon ministère dans le plan vélo est totale. Je me réjouis que sous l’impulsion de la Première ministre, 250 millions d’euros soient mobilisés en 2023. Le Fonds mobilité a été reconduit, et toute la filière sera accompagnée, de l’assemblage au recyclage, sans compter les services. Nous nous concentrerons aussi sur l’éducation des plus jeunes. Le savoir rouler à vélo est un objectif fondamental inscrit au cœur de notre école. Nous avons formé 160 000 enfants en primaire en 2021, et avons l’objectif de former l’intégralité d’une classe d’âge, soit 800 000 enfants, à partir de 2024. Grâce aux JOP, nous accélérerons ce plan en développant les voies cyclables et le stationnement de ces vélos, pour proposer une expérience satisfaisante du recours aux mobilités douces.
Je ne suis pas inquiète pour le nombre de licenciés. Selon les présidents et les directeurs de fédérations, si les chiffres de 2021 ont été marqués par la crise sanitaire, toutes les fédérations font preuve de résilience et voient leur nombre de licenciés augmenter en 2022 : Éric Tanguy, président de la Fédération française de volley-ball, évoquait plus de 180 000 licenciés en 2022, après être tombé à 135 000. La fédération française de judo compte désormais 470 000 licenciés, soit presque un niveau d’avant crise. Le recours au Pass’Sport a augmenté de 45 % par rapport à l’an dernier. Ce dispositif doit absolument être utilisé par les familles en ayant besoin, qu’elles soient titulaires de l’allocation de rentrée scolaire ou de l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé (AEEH). La France se situe dans la moyenne européenne, mais avec quelques écarts sur les personnes pratiquant peu ou pas de sport. Je veux améliorer la qualité des données sur les pratiques et les pratiquants.
Le sujet des violences sexistes et sexuelles, malheureusement, fait encore trop souvent la une de l’actualité. Plusieurs fédérations doivent entreprendre leur vraie révolution culturelle et traiter ces problèmes. J’ai diligenté un audit pour la Fédération française de football (FFF), qui débutera demain.
La cellule Signal-sports, sur le site du ministère des sports, a récolté ces derniers semestres plus de 800 signalements, coordonné des enquêtes judiciaires, administratives, parfois disciplinaires et a permis que les préfets prennent 300 mesures de police administrative pour éloigner des éducateurs ou des personnes dont le profil a été source de comportements inadmissibles. Je l’ai évoqué dans ma tribune : ce combat demeure. Nous devons continuer à progresser avec l’ensemble des fédérations afin que l’engagement collectif soit irréprochable, avec une obligation de signalement. Dans le projet de loi de finances pour 2023, j’ai demandé un renforcement des effectifs départementaux dédiés au signalement pour pouvoir utiliser tous les moyens préventifs et répressifs des services départementaux à la jeunesse, à l’engagement et aux sports (SDJES). Le dialogue de gestion avec nos fédérations délégataires doit progresser. La lutte contre les violences sexistes et sexuelles est au cœur du contrat d’engagement républicain. Des audits sont notamment prévus dans les fédérations de football et des sports de glace.
Avec la secrétaire d’État Charlotte Caubel, nous lancerons une convention début 2023 sur l’enfant face aux violences dans le sport. Le sport est là pour aider les enfants à s’accomplir, en aucun cas pour permettre des violences contre les plus petits. Je ne lâcherai rien de ce combat.
Les événements footballistiques sont trop souvent émaillés de violences inacceptables dans les stades, qui nient la fête populaire. Nous devons renforcer concrètement notre arsenal. Nous améliorons la coordination avec le garde des sceaux et le ministre de l’intérieur. Nous renforcerons l’instance nationale du supportérisme, que je réunirai le 25 octobre prochain, tout en continuant à travailler sur l’efficacité des sanctions collectives, pour que les clubs forment mieux leur directeur de la sécurité et les stadiers. Nous devons progresser sur l’effectivité des sanctions individuelles. Les clubs doivent renforcer l’interdiction commerciale de stade – en plus de l’interdiction administrative. La billetterie nominative est également une solution afin de mieux tracer les détenteurs de billet. Nous serons intransigeants et éradiquerons les nouvelles formes de hooliganisme ; ce sont des personnes n’aimant ni le foot ni les stades. La Ligue de football professionnel (LFP) a commandé une étude à Alain Bauer, avec un benchmark d’analyse des régimes étrangers, afin de mieux identifier les hooligans et éradiquer de nos stades tous les actes d’incivilité et les actes de racisme ou de discrimination.
Bénévoles et volontaires sont non seulement au cœur du sport amateur, mais aussi demain au cœur de l’organisation des JOP. Nous attendons 45 000 volontaires, près de 7 000 pour les collectivités locales, dont 5 000 pour la seule Ville de Paris. Nous recrutons dès maintenant des volontaires en situation de handicap, afin de travailler sur l’inclusion sociale. La charge des volontaires sera laissée en héritage à tous les grands événements sportifs internationaux, et encadrera l’exercice des responsabilités des bénévoles – accueil, fluidité de la circulation...
En mai 2021, le ministre Olivier Dussopt a écrit aux directeurs généraux des Urssaf pour lister les avantages en nature donnés aux bénévoles et qui ne seront pas assujettis à des cotisations sociales. Cette circulaire a été déclinée en courriers opérationnels en juillet 2021. Par exemple, ils bénéficieront d’un uniforme Decathlon, auront accès à la restauration collective et à des assurances en responsabilité civile. Ce dispositif s’appliquera jusqu’au lendemain des Jeux paralympiques, le 8 octobre 2024.
Nous sommes très attachés au respect du cadre budgétaire des JOP, malgré l’inflation. La Solidéo estime son impact à 150 millions d’euros. Le Cojo est en train de l’évaluer, alors que son budget tablait sur une inflation de 1,4 % – contre 6 % en réalité. Je n’ai pas de baguette magique, mais il est nécessaire de revoir certains arbitrages et de compenser sur les recettes pour préserver l’équilibre entre les dépenses et les recettes. Nous devrons mobiliser la réserve pour aléas. Celle du Cojo, de 315 millions d’euros, sera en partie mobilisée pour compenser l’inflation.
La répartition que vous évoquez pour la Solidéo n’est pas la bonne, même si les chiffres sont en train d’être affinés avant le conseil d’administration de décembre : 96 millions d’euros de surcoût, sur les 150 millions, seraient pris en charge par l’État, contre le tiers restant pour les collectivités. Le décompte repose sur leur quote-part dans les 64 ouvrages prévus pour les JOP.
Le ministère des sports prévoit une contribution de 61 millions d’euros au titre de la prise en compte par l’État de l’inflation, afin que nous puissions être au rendez-vous des JOP. Des arbitrages budgétaires seront réalisés pour tenir notre engagement. Il n’y aura pas de contribution publique additionnelle. Près de 97 % des financements du Cojo sont d’origine privée. Dans le budget de la Solidéo de 4 milliards d’euros, seuls 1,57 million d’euros sont financés par les collectivités publiques, contre 1,17 milliard d’euros par l’État.
Je comprends l’attente et l’importance de la reconnaissance faciale, notamment après les événements au Stade de France. Mais actuellement, les dispositions législatives concernant la sécurité ne prévoient pas ces dispositifs. Nous travaillons sur des algorithmes intelligents, mais anonymisés, pour gérer les mouvements de foule dans les transports. Et même ces dispositifs de vidéoprotection devront être examinés par la Cnil et le Conseil d’État avant d’être mis en œuvre.
Monsieur Assouline, je m’engage solennellement, devant vous, à signer le décret sur les événements d’importance majeure. J’en ai parlé récemment avec le président de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom), M. Roch-Olivier Maistre. La consultation publique a été organisée entre janvier et mars 2022. Nous avons deux priorités : mieux représenter le sport féminin et le sport paralympique, notamment au travers des Jeux paralympiques. Mardi prochain, je rencontrerai la ministre de la culture sur ce sujet.
M. Laurent Lafon, président. – M. David Assouline n’hésitera pas à vous le rappeler rapidement…
M. Jean-Raymond Hugonet. – Le carré magique, cité avec insistance, c’est pour moi le football français des années 80 avec Platini, Giresse, Tigana et Fernandez.
Le 2 mars 2022, nous avons voté la loi visant à démocratiser le sport en France, qui autorisait la création d’une société commerciale pour traiter les droits d’exploitation des manifestations. Son article 51 prévoit que « les statuts de la société commerciale ainsi que leurs modifications sont approuvés par l’assemblée générale de la fédération sportive délégataire concernée et par le ministre chargé des sports. » Où en est cette structure ? Avez-vous été saisie par la LFP pour le prochain appel d’offres sur les droits télévisés du championnat de Ligue 1 ?
Mme Céline Brulin. – Les collectivités territoriales, propriétaires de 80 % du parc des équipements sportifs, font face à une explosion des coûts de l’énergie. Leur incapacité à assumer ces coûts peut avoir un impact à court, moyen ou long terme sur la pratique sportive. Plusieurs piscines ont fermé.
Le plan de sobriété énergétique, avec une baisse de deux degrés dans les gymnases et d’un degré pour l’eau des piscines, permet d’économiser seulement 7 à 10 % d’énergie. Cela ne suffira pas face à ce tsunami. Avons-nous une chance de convaincre Bercy ? Ce sera compliqué. Les rénovations ne pourront pas se faire si les collectivités n’ont pas les moyens d’investir.
Nous connaissons une crise de recrutement des maîtres-nageurs sauveteurs (MNS) pour les piscines, mais également au bord du littoral. Je vous avais interpellée, mais selon vous, l’urgence consiste à ouvrir une réflexion. Je vous cite : « parvenir rapidement à un consensus avec les représentants des salariés et des collectivités locales en ouvrant au plus vite les travaux de concertation pour prévoir une réponse provisoire à la situation d’urgence qu’a connue l’été 2022 ». Réfléchissons dès maintenant, pour préparer l’été prochain.
Mme Sabine Van Heghe. – Les déplacements des supporters des clubs de football du championnat doivent se dérouler dans de parfaites conditions de sécurité et de respect de l’ordre public. Je souligne le comportement responsable et respectueux des supporters du Racing Club de Lens, les Red Tigers, qui ont pris contact avec le préfet de région avant le derby Lille-Lens. À l’aune de cette parfaite coopération, ne pensez-vous pas que les interdictions de déplacement des supporters des clubs de football doivent rester l’exception ?
M. Bernard Fialaire. – Je me félicitais de la demi-heure d’activité physique quotidienne annoncée dans les écoles. Quelle évaluation en tirez-vous ? Selon ma petite enquête auprès d’enseignants et de parents d’élèves, la consigne est loin d’être appliquée.
Mme Elsa Schalck. – La reconstitution des ligues sportives à l’échelle de l’Alsace a été rendue possible par la loi du 2 août 2019. Nous étions nombreux à appeler à la reconstitution de ces ligues, afin qu’elles retrouvent un périmètre alsacien, plus cohérent, et adapté au monde sportif. Le 22 février, le Président de la République avait demandé de faciliter cette reconstitution. Huit mois après sa déclaration, trois ans après la loi Alsace, la situation n’a pas évolué. Devant les parlementaires de la majorité, vous vous êtes engagée à lancer rapidement la concertation. À quelle échéance les ligues sportives pourront de nouveau et, enfin, fonctionner sur un périmètre alsacien ?
M. Laurent Lafon, président. – Comment analysez-vous la crise au sein du CNOSF et quelle sera la position de l’État dans les prochaines semaines ?
Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre. – Le ministère a déjà approuvé les statuts de la société commerciale de la LFP, par le décret du 28 avril dernier, qui a aussi établi les catégories de personnes ne pouvant pas détenir de participation au capital et défini les règles en matière de droit de vote. Nous travaillons encore, avec Vincent Labrune et Arnaud Rouger, sur le second décret, qui permettra la commercialisation des droits d’exploitation et des droits audiovisuels par ladite société commerciale, indispensable au bon fonctionnement de cette société. Il faut avancer plus vite ; j’ai bon espoir que les dispositions réglementaires soient prises début 2023, mais il faut le faire dans le respect des règles de la concurrence ; nous consulterons l’Autorité de la concurrence à ce sujet dans les toutes prochaines semaines.
Le sujet des piscines nous a préoccupés et mobilisés au cours des dernières semaines ; j’ai mis en place un groupe de travail dédié avec l’ensemble des acteurs concernés. Nos piscines, équipements très énergivores, ont des situations très hétérogènes. Plus de la moitié d’entre elles ont plus de 30 ans et elles peuvent représenter jusqu’à 10 % de la consommation énergétique d’une commune. Il n’y a pas de solution unique, mais un combat commun. Les économies de chauffage, principal poste de dépenses énergétiques, et la réduction de la température de l’eau d’au moins 1 degré ne suffiront pas. Il faut parvenir cet hiver à moduler les heures, les jours, les périodes de fermeture et optimiser les mutualisations entre piscines d’un même territoire. On peut aussi donner plus de souplesse aux collectivités dans l’organisation des vidanges annuelles, en lien avec les agences régionales de santé, et accompagner les gestionnaires avec les aides existantes. Plusieurs collectivités, telle la mairie de Versailles, font bénéficier les gestionnaires de tarifs négociés de manière plus avantageuse quand cela est possible. Cela vient en complément de l’aide pour les communes de petite taille qui figure à l’article 14 de la dernière loi de finances rectificative et du fonds vert qui mobilise jusqu’à 2 milliards d’euros pour les rénovations thermiques des collectivités : une partie importante des crédits est fléchée vers la rénovation énergétique de nos piscines, 30 d’entre elles ont déjà obtenu de tels financements, pour un taux moyen de réduction des dépenses énergétiques de 40 %. Il faut poursuivre dans ce sens.
Quant à la pénurie de maîtres-nageurs sauveteurs, je me souviens de votre courrier, auquel j’avais tenté d’apporter une réponse précise, tout en annonçant ce plan d’urgence. Je me suis assurée que ce groupe de travail est bien actif pour essayer de trouver au plus vite des solutions satisfaisantes à cette pénurie. Nous avons déjà pris des initiatives : dès cette année, trois autres diplômes donnent le titre de MNS. Une souplesse permet aux titulaires d’un brevet national de sécurité et de sauvetage aquatique (BNSSA) d’assurer des activités de surveillance en autonomie, mais les démarches administratives sont encore trop longues et compliquées. Je m’engage, dans le cadre de ce groupe de travail, à les simplifier, en concertation avec les employeurs et les organisations de MNS.
J’en viens aux déplacements de supporters. Ce sujet a une portée écologique, du fait de l’empreinte carbone de certains modes de déplacement. Dans le cadre du plan de sobriété énergétique que nous acterons demain avec les acteurs du sport, nous cherchons à développer le covoiturage, à offrir des avantages tarifaires aux supporters qui choisissent les transports en commun. Nous allons créer un groupe de travail avec les acteurs du sport professionnel sur la décarbonation de leurs propres déplacements. Je reconnais aussi l’importance de travailler avec les associations de supporters sur les régimes mis en place par les préfets autour de nos grandes compétitions ; des interdictions de déplacement sont très frustrantes pour les intéressés. Par un dialogue restauré, notamment dans le cadre de l’instance nationale du supportérisme, on peut créer la confiance qui nous aidera à stabiliser ces régimes.
La généralisation des 30 minutes d’activité physique quotidienne dans nos 35 000 écoles élémentaires se passe dans des conditions satisfaisantes. Les professeurs des écoles, dont je salue la mobilisation, sont à pied d’œuvre pour créer ces plages temporelles, parfois fractionnées, avec beaucoup de pédagogie et d’engagement. Je souhaite que le déploiement de ce programme soit davantage incarné par de grands sportifs, qui viendraient partager ces 30 minutes avec les enfants pour les encourager à pratiquer pour préserver leur santé et améliorer leurs capacités cognitives.
Concernant les ligues alsaciennes, nous avons récemment eu des échanges avec les parlementaires et les fédérations sportives de ce territoire, en particulier de football et de tennis, qui ont exprimé la volonté d’une meilleure reconnaissance de l’identité alsacienne. Les ligues départementales de football du Haut-Rhin et du Bas-Rhin ont déjà fusionné dans un district unique relevant de la Ligue Grand Est, ce qui n’est pas le cas du tennis. J’ai dit ma volonté d’aider les parties prenantes à se concerter pour mieux reconnaître les particularismes alsaciens. Il faut aussi travailler à la qualité de la vie quotidienne des bénévoles et des sportifs amateurs alsaciens, qui doivent parfois parcourir des distances trop longues pour les rencontres régionales. La symbolique des mots « ligue d’Alsace » est importante, mais doit être conciliée avec notre préoccupation d’éviter une dynamique de démembrement territorial. Le cadre légal est toujours celui de la loi NOTRe et de la loi relative aux compétences de la collectivité européenne d’Alsace, qui autorise les fédérations sportives et culturelles à créer des organes infrarégionaux à l’échelle alsacienne. Toutes les parties sont engagées pour que cette concertation ait bel et bien lieu au plus vite.
Enfin, la crise du CNOSF survient à un moment difficile pour le sport français, en même temps que les crises à la Fédération française de football et au comité d’organisation de la coupe du monde de rugby ; pour ce dernier, j’espère que le remplacement de son directeur général permettra de retrouver un climat social plus apaisé. J’ai une pensée pour la présidente du CNOSF, Brigitte Henriques, qui doit prendre le temps de récupérer toutes ses forces. Elle est aujourd’hui entourée d’une équipe légitime, solide et respectée, avec Jean-Pierre Siutat, la nouvelle secrétaire générale Astrid Guyart, une athlète de tout premier plan, Michel Callot, et Sébastien Poirier, qui représente le monde non olympique. Un débat se tiendra demain sur l’avenir du CNOSF, mais cet avenir est avant tout dans la livraison des Jeux. Il faut donc se rassembler et se concentrer sur le travail à effectuer, notamment le club France de La Villette, la préparation de nos athlètes, en synergie avec les fédérations et l’ANS, et les décisions à prendre au comité de pilotage « Gagner en France » pour la bonne organisation de cette préparation et l’accueil de délégations étrangères. J’ai eu des échanges avec le Comité international olympique (CIO), qui partage pleinement ce message.
M. Laurent Lafon, président. – Merci pour ces réponses précises, madame la ministre. Il était extrêmement important pour nous de vous entendre de manière détaillée sur ces sujets et les grands axes de la politique que vous souhaitez mener. Nous nous retrouverons le 2 novembre pour votre audition sur les crédits du projet de loi de finances pour 2023.
Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre. – Je veux en conclusion vous annoncer une bonne nouvelle : la confirmation des financements par Paris 2024 de la tour pour les juges des épreuves qui se dérouleront en Polynésie française ; le soutien de l’ANS est également confirmé.
Cette audition a fait l’objet d’une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
La réunion est close à 18 h 40.