Jeudi 6 octobre 2022
- Présidence de M. Stéphane Artano, président -
Audition de M. Jean-François Carenco, ministre délégué auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer, chargé des outre-mer
M. Stéphane Artano, président. - Mes chers collègues, à l'occasion de l'ouverture de la session parlementaire 2022-2023, nous accueillons ce matin Jean-François Carenco, ministre délégué chargé des outre-mer, afin de faire un point sur la politique du Gouvernement pour les territoires ultramarins. C'est la première fois, monsieur le ministre, que notre délégation a l'honneur de vous recevoir dans vos fonctions actuelles. Nous vous remercions vivement d'avoir répondu à cette invitation.
Nous étions hier soir dans l'hémicycle pour le débat relatif à la place des outre-mer dans notre stratégie maritime, sujet sur lequel nos collègues Annick Petrus, Philippe Folliot et Marie-Laure Phinera-Horth ont réalisé un remarquable rapport ayant donné lieu à des échanges constructifs. L'idée est de jeter ensemble les bases de la prochaine stratégie maritime et de permettre que les outre-mer soient mieux associés à sa préparation et à sa mise en oeuvre. Mon prédécesseur, Michel Magras, avait coutume de dire que les outre-mer ont besoin d'une vision claire, d'un engagement solide et, surtout, de réalisations concrètes.
Monsieur le ministre, nous attendons, en premier lieu, que vous nous livriez ce matin votre vision et vos engagements pour nos outre-mer. Il y a quelques jours, vous avez commencé à dessiner devant les députés votre feuille de route en vue d'un renouveau pour l'outre-mer. Mme la Première ministre a annoncé, pour sa part, une réunion interministérielle sur les outre-mer d'ici six mois. Nous souhaitons naturellement vous entendre sur ces annonces et avoir des précisions sur ces perspectives. Comme il s'agit d'un échange, nos collègues pourront aussi vous faire part d'un certain nombre de préoccupations sur la situation dans nos territoires et sur l'état des relations entre l'Hexagone et les outre-mer, tel qu'il s'est exprimé dans les urnes.
La présente audition s'inscrit également dans le prolongement de travaux récents ou en cours de la délégation. Parmi ceux-ci, je veux insister sur la politique du logement outre-mer, qui a fait l'objet, l'an passé, d'un rapport très approfondi de nos collègues Guillaume Gontard, Micheline Jacques et Victorin Lurel. Le sujet reste pour nous une priorité tant les besoins sont criants.
Autre sujet : la gestion des déchets, sur laquelle Gisèle Jourda et Viviane Malet préparent un rapport. Ce service public de base, indissociable de la qualité de vie et de la santé publique, dysfonctionne dans nos territoires. Aux enjeux classiques de gouvernance et de financement s'ajoutent des facteurs aggravants, tels que l'habitat informel, l'isolement géographique ou la rareté du foncier. Nos outre-mer nous semblent encore loin d'atteindre les objectifs de « zéro déchet » et de l'économie circulaire, avec toutes les conséquences que cela implique.
À l'approche du débat budgétaire, j'appelle aussi votre attention sur le travail de fond réalisé par nos collègues Teva Rohfritsch et Georges Patient au nom de la commission des finances, portant notamment sur le financement de l'État en outre-mer et le fonds exceptionnel d'investissement. Nous serons évidemment attentifs à la traduction concrète des ambitions affichées par le Gouvernement.
Enfin, M. le président du Sénat, Gérard Larcher, a installé hier le groupe de travail sur la décentralisation, auquel sont assignés trois objectifs principaux : les finances locales, la déconcentration et la différenciation. J'aurai l'honneur de rapporter les travaux que notre délégation engagera la semaine prochaine sur l'évolution institutionnelle en outre-mer. Notre mission est double : faire un tour d'horizon des souhaits d'évolution institutionnelle dans les territoires ultramarins ; mûrir la réflexion sur une révision des dispositions constitutionnelles relatives aux outre-mer à l'occasion du prochain cadre institutionnel de la Nouvelle-Calédonie.
Sur ce point, monsieur le ministre, vous avez évoqué, lors de votre audition à l'Assemblée nationale, la mise en oeuvre de groupes de travail par le Gouvernement sur la même thématique. Il serait intéressant de connaître votre feuille de route, votre calendrier et la méthodologie que vous allez engager.
La délégation a sollicité, depuis le mois de juillet dernier, l'ensemble des collectivités d'outre-mer sur la base des travaux menés par Michel Magras en 2020 sur la différenciation. Avec la co-rapporteure, Micheline Jacques, nous commencerons les auditions la semaine prochaine, afin de pouvoir présenter d'ici à la fin de l'année nos conclusions sur les évolutions possibles. Celles-ci doivent avant tout répondre aux besoins de nos concitoyens et des collectivités dans le pilotage des politiques publiques.
Je précise que la présente audition fait l'objet d'une captation vidéo retransmise en direct sur le site internet du Sénat et qu'elle sera consultable en vidéo à la demande.
M. Jean-François Carenco, ministre délégué auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer, chargé des outre-mer. - Merci de m'accueillir. Nous nous connaissons désormais : j'étais hier en séance publique pour débattre de la place des outre-mer dans la stratégie maritime nationale, sur laquelle vous avez rédigé un excellent rapport. J'ai pris l'engagement - et je le tiens - de recevoir un par un tous les parlementaires de l'outre-mer.
Je présente mes excuses à ceux qui m'ont déjà entendu, mais il est toujours bon de faire résonner le message auquel je crois. Celui-ci doit ricocher dans les moindres recoins de nos institutions, afin qu'il devienne aussi commun que le son des cloches de l'église au milieu du village. Ce message est le suivant : les outre-mer sont non pas une charge, mais une chance pour la France. Et la France est non pas une contrainte, mais une chance absolue pour l'outre-mer. Il s'agit d'être fusionnel. Pour que cette réalité soit visible dans le quotidien de nos compatriotes de ce que j'appelle désormais « l'Archipel France », de Maripasoula à Tahiti, de Mamoudzou à Saint-Pierre, de Fort-de-France à Nouméa, de Pointe-à-Pitre à Wallis, il nous faut créer de la valeur économique, culturelle - c'est l'un des moteurs de l'action -, sociale, sortir des immobilismes, renouer le dialogue, co-construire les solutions concrètes. Tel sera mon leitmotiv. De grands rapports peuvent situer les enjeux, mais derrière, il faut des actions concrètes au quotidien.
Pour ce faire, le Président de la République et la Première ministre ont choisi de rattacher les outre-mer au ministère de l'intérieur. J'ai entendu dire à l'Assemblée nationale que c'était une catastrophe. Il ne s'agit pourtant ni d'une punition ni d'une relégation ; il est question, au contraire, de remettre les outre-mer au troisième rang protocolaire dans le Gouvernement, de démultiplier l'action, de gagner les arbitrages, de rétablir les départements et régions d'outre-mer (Drom) et les collectivités d'outre-mer (COM) dans le périmètre ministériel des collectivités, de la citoyenneté, de l'ordre public, de la sécurité intérieure, des libertés publiques, de l'administration territoriale de l'État, de l'immigration, de l'asile et de l'intégration.
L'objectif est bien de remettre les outre-mer sur un pied d'égalité avec les autres régions de l'Hexagone. Cet attelage me semble efficace, mes réunions interministérielles avec Gérald Darmanin se résumant à un coup de fil. Nous sommes forts de l'appui d'un ministère comptant 300 000 agents ! Néanmoins, les outre-mer ont des enjeux spécifiques, que ne connaît pas la France continentale : insularité, éloignement, plus grande précarité d'une partie de la population, vulnérabilité climatique plus forte que sur les côtes hexagonales. C'est pourquoi je veux y dédier ma force, mon énergie et mon expérience.
Pour ce faire, Gérald Darmanin m'a assigné une feuille de route, que je viens de remettre au président Artano. Je pourrai la détailler lors de nos échanges.
Premièrement, nous devons répondre concrètement aux préoccupations quotidiennes des citoyens. Sans cela, c'est la cohésion sociétale qui risque de vaciller. Je pense à la vie chère, à l'eau, au chlordécone, au logement, à la santé, etc. Au-delà des philosophies globales, sur lesquelles des désaccords peuvent apparaître, il nous faut sans attendre mener un certain nombre d'actions concrètes avec les services du ministère et en lien avec les administrations des autres ministères.
Deuxièmement, il faut renforcer l'ambition républicaine pour les habitants des territoires ultramarins, par eux et grâce à eux. Cela passera par un effort sur la sécurité, l'immigration, la formation et l'éducation.
Troisièmement, il est nécessaire de favoriser la création de valeur, afin de donner un avenir à la jeunesse ultramarine. Cela passera par la culture, mais aussi par la transformation des modèles économiques outre-mer, le renforcement de la production agricole locale, la transition énergétique, les nouveaux contrats de plan et la planification des investissements requis, à hauteur de 30 milliards d'euros.
Quatrièmement, il est indispensable d'agir pour l'adaptation, la différenciation, la responsabilisation des acteurs, ainsi que sur les normes françaises et européennes.
À tout cela s'ajoute le réflexe législatif outre-mer. Cela relève de votre compétence, et non de celle de l'exécutif, même si je m'efforcerai d'inclure des propositions dans les projets de loi. Chaque texte doit contenir une possibilité d'adaptation pour les outre-mer. C'est ainsi que nous progresserons.
Enfin, il convient de favoriser l'insertion et le rayonnement européen et international des territoires dans leur bassin géographique. Les outre-mer sont une chance pour la France, mais également pour l'Europe. Depuis le départ de nos voisins d'outre-Manche, nous sommes les seuls à avoir cette capacité avec notamment les Pays-Bas.
Cette feuille de route s'inscrit dans la démarche que le Président de la République a résumée et annoncée lors de la réunion de travail avec les élus ultramarins le 7 septembre dernier à l'Élysée. Il s'agit de trouver les voies d'une action publique plus efficace face aux problèmes du quotidien de nos compatriotes ultramarins. La Première ministre, vous l'avez rappelé, tiendra un comité interministériel sur les outre-mer d'ici à six mois pour acter une première série de décisions. À l'issue de ce travail, il sera possible d'évaluer les besoins d'évolution institutionnelle. Ceux-ci devront s'appuyer sur les principes déjà évoqués - l'adaptation, la différenciation et la responsabilisation -, pour permettre un développement économique plus ambitieux et un rayonnement plus efficace de chaque outre-mer.
Dans cette optique, le travail avec les élus, en particulier avec les parlementaires, sera essentiel. Personnellement, je ne me sens pas soumis à l'opinion publique. Je ne crois pas aux indignations numériques et je ne me fie pas aux débats des chaînes d'information. Je crois en la démocratie représentative, c'est-à-dire au dialogue entre le Gouvernement et les parlementaires.
Je sais que votre délégation entamera la semaine prochaine une étude sur l'évolution institutionnelle des outre-mer. Dans l'esprit du Gouvernement - je pense que vous en êtes d'accord -, cela ne peut être que la résultante de travaux sur une plus grande efficacité de l'action publique. Une autre étude est en cours sur les déchets ; nous y répondrons. Chacun de vos rapports sert à enrichir la réflexion de mes conseillers et à tracer les voies de la réflexion, puis de l'action. Je souhaite y contribuer et m'en inspirer. De votre côté, vous pouvez toujours interroger les services de la direction générale des outre-mer (DGOM).
Dans notre démocratie représentative, le Sénat sera au coeur du renouveau des outre-mer, tant sur la compétence que sur la simplification. Oui, je compte sur votre aide et votre soutien. Adolphe Thiers disait : « La République est le gouvernement qui nous divise le moins. » Faire vivre la République dans tous les territoires, dans toutes les îles de « l'Archipel France », c'est bien l'ambition républicaine que nous devons avoir pour nos outre-mer. Rassembler et passer à l'action, c'est ce que je veux faire avec vous.
M. Stéphane Artano, président. - Merci, monsieur le ministre.
Mme Annick Petrus. - Nous le savons tous, la question du logement outre-mer, dans des espaces contraints, est au centre des attentes et des préoccupations de nos populations. Le logement, besoin fondamental, figure généralement parmi le premier poste de dépense des familles. Malheureusement, en l'absence d'antenne de l'Insee, le territoire de Saint-Martin se trouve dans un angle mort depuis quinze ans. Aussi, faute de données précises, il apparaît très difficile de disposer d'un panorama exhaustif des caractéristiques du logement. Cependant, les logements saint-martinois présentent des singularités et vulnérabilités spécifiques. Ces faiblesses structurelles ont été amplifiées par les effets du cyclone Irma survenu voilà cinq ans.
Nous sommes une collectivité d'outre-mer relevant de l'article 74 de la Constitution depuis 2007. Nous avons récupéré les compétences de l'urbanisme, de la construction, de l'habitation et du logement en avril 2012. La situation du logement social à Saint-Martin est singulière, entre identité et spécialité législative. Le logement est une compétence de la collectivité, alors que le social relève du droit commun national. Par conséquent, Saint-Martin ne dispose plus, depuis 2012, des dispositifs financiers nationaux d'aide à la pierre, tels que la ligne budgétaire unique (LBU). La collectivité ne bénéficie pas non plus des dispositifs financiers octroyés par l'État au titre de la rénovation de l'habitat insalubre (RHI). Elle n'est pas davantage éligible aux dispositifs mentionnés dans le cadre des plans logement outre-mer. En revanche, elle bénéficie toujours des allocations logement, même si Saint-Martin n'a toujours pas pu s'approprier cette compétence au sens large.
Eu égard à l'importance du travail à accomplir dans le recensement et l'élaboration de textes, la collectivité aurait dû solliciter les services de l'État. Or le transfert de la compétence logement n'a pas du tout été compensé par l'État. Il en résulte un déficit de logement social et intermédiaire, notamment pour loger les fonctionnaires. Pour ma part, je reste convaincue que nous devons refonder les cadres d'action de la politique du logement à Saint-Martin avec l'aide de l'État, par le biais de conventionnements sur les programmes spécifiques.
Enfin, il pourrait être possible de bénéficier, à l'instar de la collectivité de Saint-Pierre-et-Miquelon, de crédits d'État au titre de la RHI. En insistant sur l'angle de la santé publique, de compétence étatique, la problématique du logement insalubre à Saint-Martin justifierait un effort supplémentaire de l'État et l'attribution d'une dotation. Monsieur le ministre, l'État est-il prêt à nous accompagner sur ce dossier crucial pour la population saint-martinoise ?
M. Georges Patient. - Monsieur le ministre, vous aimez souvent faire référence à « l'Archipel France ». Le dictionnaire définit ainsi un archipel : « Ensemble d'îles relativement proches les unes des autres. La proximité se double le plus souvent d'une origine géologique commune, en général volcanique. » Ce n'est pas du tout le cas de la Guyane, qui n'a pas d'origine volcanique, se trouve sur le continent et s'étend sur une grande superficie. La Guyane devrait donc être traitée à part.
En outre, vous nous avez renvoyé la balle, en disant que, en tant que législateurs, c'est nous qui devrions, lors de l'examen de chaque texte, prévoir les adaptations nécessaires. Lorsque l'on nous renvoie à des ordonnances, ce n'est pas si évident...
Enfin, le sujet de l'octroi de mer, qui figure dans la feuille de route du Gouvernement, n'apparaît pas encore dans le projet de loi de finances pour 2023. Mais les journalistes s'y intéressent. L'État est-il prêt à lui substituer la somme de 1,2 milliard d'euros qui est dévolue aux communes ? L'autonomie sera-t-elle garantie si la taxe est remplacée par une TVA ?
M. Jean-François Carenco, ministre délégué. - La Guyane est-elle une île ? La forêt amazonienne est-elle plus facile à traverser qu'un océan ? Je ne le crois pas et, dès mon plus jeune âge, on m'a appris que ce territoire était quasiment une île.
M. Georges Patient. - On parle d'ailleurs de l'île de Cayenne !
M. Jean-François Carenco, ministre délégué. - La Guyane est entourée par une mer verte, aussi difficile à franchir qu'une mer bleue.
Sur l'octroi de mer, les réformes éventuelles doivent être prises avec une grande prudence. Cette taxe fournit des recettes à la région et aux communes. C'est un outil de politique économique majeure. On n'a pas assez insisté sur cette capacité à orienter, protéger, échanger. Le Gouvernement est favorable à une réflexion collective, des adaptations, des différenciations et des évolutions si nécessaires. Peut-on éluder l'électrification du parc de véhicules ou la taxation des carburants ? Il convient de regarder l'ensemble des autres recettes qui font vivre ces collectivités. Oui, il nous faut accepter de mettre le sujet sur la table, mais prenons garde de toute hâte en la matière.
Les décisions faisant suite au dîner du 7 septembre sont prêtes et seront cosignées par le ministre de l'intérieur et par moi-même. La prudence est de mise, car la fiscalité dans son ensemble doit être négociée. L'enjeu principal de l'octroi de mer est de créer de la valeur économique et écologique.
Pour ce qui est des ordonnances, l'habilitation est possible. Cette adaptation permanente n'est pas simple : je dois le rappeler à ceux qui écrivent les projets de loi et appeler les parlementaires à la vigilance. Des adaptations peuvent être réalisées par voie législative partagée, et d'autres directement par le pouvoir exécutif sur place. Cette idée progresse, mais il faut poursuivre sur cette voie.
Il existe 173 000 logements dans les DROM. Première satisfaction : le volume de la LBU disponible pour le ministère des outre-mer progresse, et surtout l'intégralité de l'enveloppe est désormais consommée, voire au-delà. Ainsi, 225 millions d'euros ont été votés en 2021, 235 millions en 2022, et 239 millions en 2023. Une catégorie de logements très sociaux a été créée, avec un reste à charge plafonné à 150 euros.
Ces avancées s'inscrivent dans le cadre du plan logement outre-mer (Plom). Nous veillons à introduire des équivalences de normes dans le Plom 2 afin de favoriser l'utilisation de produits de construction locaux. Les logements de plus de deux ans sont également éligibles à MaPrimeRénov'. Il est aussi temps de procéder à la réhabilitation des logements privés. Les besoins en la matière sont immenses.
Je compte sur le dynamisme accru des acteurs du monde HLM, que je recevrai prochainement. La Caisse des dépôts et consignations (CDC) et Action Logement - entre autres - doivent jouer leur rôle d'aménageurs et de constructeurs.
Je vous informe aussi qu'Action Logement a confirmé que quelque 400 millions d'euros n'ont pas été consommés au titre de la période 2017-2022. Cette somme, destinée à financer des prêts, sera reportée sur la période 2022-2028 sans que cela diminue les autres engagements en faveur du logement social ; elle s'ajoute ainsi à la LBU et aux dispositifs de défiscalisation.
Le foncier constitue également un problème commun à tous les territoires d'outre-mer.
Le Plom 2 contient des avancées normatives importantes. Je salue l'action de la direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages (DHUP) à cet égard. Nous avons également pour objectif de faire évoluer certaines normes européennes.
À Saint-Barthélemy, la location d'un studio coûte 2 000 euros par mois. Malgré la majoration salariale, les fonctionnaires ne peuvent pas assumer une telle charge. J'aborderai cette question lors de mon prochain déplacement dans l'île.
À la Guadeloupe, à la Martinique et à Saint-Martin, les terrains appartenant aux agences des cinquante pas géométriques doivent être rétrocédés aux collectivités territoriales en 2025, à la suite d'un accord conclu entre les différentes parties. D'ici là, un travail important doit être mené. Chaque zone sera cartographiée afin de déterminer les logements qui seront maintenus par dérogation et ceux qui seront détruits. Dans ce dernier cas, il convient de prévoir le relogement des personnes concernées : tel est l'objectif du report de cette procédure à l'année 2025.
À Saint-Martin, l'activité de l'un des opérateurs doit être confortée. L'île n'est pas éligible à tous les dispositifs. Une délégation de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru) s'est récemment rendue sur place afin d'approfondir son action dans ce territoire. Je précise que les interventions en ingénierie de l'Anru peuvent être financées par l'Agence française de développement (AFD), après un examen du dossier par la DGOM.
Mme Marie-Laure Phinera-Horth. - Ma première question porte sur l'orpaillage. Un article de l'ordonnance réformant le code minier prévoit désormais d'attribuer des sites exploités illégalement à des opérateurs légaux par une procédure administrative simplifiée. Je pense que cette mesure est susceptible d'être efficace. Toutefois, ce nouvel article n'est toujours pas appliqué, faute de décret d'application. Monsieur le ministre, quand ce décret paraîtra-t-il ?
J'en viens à la situation des étudiants. En 2013, les lycéens et les étudiants guyanais ont manifesté pour la création d'une université autonome, qui a vu le jour en 2015. Pourtant, les étudiants dépendent toujours du centre régional des oeuvres universitaires et scolaires (Crous) de la Guadeloupe. Vous imaginez aisément les difficultés qu'ils peuvent rencontrer au quotidien... Une université de plein exercice mérite un Crous autonome.
Mme Nassimah Dindar. - Ma question porte sur l'énergie. Nous disposons déjà d'un mix énergétique à La Réunion. Il existe une prime d'installation en faveur de l'énergie solaire dans l'Hexagone, mais ce n'est pas le cas à La Réunion. Je le déplore.
Je souhaite que des Assises de la transition énergétique puissent être organisées, territoire par territoire. Ce serait l'occasion pour les opérateurs, les collectivités et l'État de se pencher sur cette question.
Vous avez également abordé le sujet - essentiel - du logement dans les outre-mer. Nous disposons de la LBU, de dispositifs de défiscalisation et des aides visant à améliorer l'habitat. Les bailleurs ont beaucoup agi, mais les fonds régionaux d'aménagement foncier et urbain (Frafu) sont insuffisants pour répondre aux besoins. Or la zone de l'océan Indien a non seulement besoin de sécurité, mais aussi de développement.
Les collectivités jouent leur rôle. Le conseil départemental de La Réunion consacre ainsi 23 millions d'euros à la rénovation des logements anciens. Pas moins de 22 000 logements sont dans un état très dégradé à La Réunion. Certes, les moyens financiers existent, mais une meilleure cohérence des dispositifs de rénovation serait souhaitable.
Mme Victoire Jasmin. - Je souhaite attirer votre attention sur les difficultés des transporteurs à maintenir ou à contracter une police d'assurance. Plusieurs de leurs représentants m'ont fait part de leurs inquiétudes à l'occasion du colloque de l'Union nationale des organisations syndicales des transporteurs routiers automobiles (Unostra).
Très peu de compagnies acceptent d'assurer les transporteurs de marchandises et de passagers. Pis encore, l'une des compagnies refuse de reconduire les polices d'assurance arrivant à leur terme. C'est le cas en Guyane notamment. Je précise que mes interlocuteurs n'ont connu aucun sinistre pouvant justifier une telle attitude.
Les assurances sont très chères. J'avais déjà soulevé ce problème lors de l'examen du projet de loi portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat. Faute d'assurance, les transporteurs se trouvent désormais dans l'illégalité. Des emplois directs et indirects sont menacés. Monsieur le ministre, pouvez-vous intervenir auprès des compagnies concernées ? Je précise qu'une seule compagnie offre ce type de services dans les Antilles.
Je veux également vous interroger sur l'emplacement des éoliennes dans les territoires d'outre-mer. Nous connaissons des problèmes de foncier à la Guadeloupe. Sur la Basse-Terre, les sols sont pollués par le chlordécone, tandis que la Grande-Terre compte de nombreux projets agricoles visant à atteindre la souveraineté alimentaire. Or l'implantation d'éoliennes est prévue sur le territoire de nombreux groupements fonciers agricoles (GFA). Certes, la souveraineté énergétique est un sujet important, mais nos territoires sont exigus. Bien sûr, je suis favorable à la transition énergétique de nos territoires, mais il faut aussi manger. Les agriculteurs sont vent debout contre l'installation d'éoliennes sur des surfaces auparavant consacrées à l'agriculture. Nous devons apaiser la situation en privilégiant un développement harmonieux de l'agriculture et des éoliennes.
Les sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (Safer) des outre-mer ne disposent pas de terrains en nombre suffisant pour utiliser les dotations prévues par l'État. Elles rencontrent aujourd'hui de graves difficultés. Ces problèmes se situent au carrefour du développement économique, de la qualité de vie et de la vocation agricole de la plupart de nos territoires.
Mme Lana Tetuanui. - Je tiens à remercier l'État pour l'aide alimentaire accordée à la Polynésie française. J'y associe mon collègue Teva Rohfritsch. Notre action a permis d'aboutir à ce résultat important pour les Polynésiens.
Je souhaite aborder la question de la feuille de route consacrée aux nombreux problèmes des outre-mer. Je regrette la multiplication des réunions à ce sujet ; pourquoi ne pas organiser une rencontre réunissant l'ensemble des acteurs autour d'une même table ?
J'aborderai les questions budgétaires lors de l'examen du projet de loi de finances.
Je souscris pleinement aux propos tenus par mes collègues. J'ai toutefois le sentiment que les Polynésiens sont plus résilients : nous avons engagé de nombreuses actions en vue d'améliorer les conditions de vie dans les outre-mer.
Je déplore la complexité administrative de nos territoires, qui sont gérés soit par un conseil départemental, soit par une collectivité spécifique. Pourquoi, en 2022, ne pas envisager un débat consacré à une réforme institutionnelle qui ferait converger ces statuts vers un même ensemble ?
Monsieur le ministre, quid de la demande récurrente de prorogation du système d'aide à l'investissement fiscal dans les collectivités du Pacifique ? L'État participera-t-il de nouveau au financement de la convention relative à nos comptes sociaux ? Le président Édouard Fritch s'est récemment déplacé à Paris à ce sujet.
M. Jean-François Carenco, ministre délégué. - Madame la sénatrice, la réunion du 7 septembre faisait suite à l'appel de Fort-de-France. Elle ne concernait pas les territoires de l'océan Pacifique, à l'égard desquels le Gouvernement ne fait bien sûr montre d'aucun mépris.
Tous les territoires d'outre-mer sont concernés par les dispositifs de défiscalisation pour le logement. Nous menons une réflexion globale à ce sujet avec les cabinets de Bruno Le Maire et de Gabriel Attal. Nous nous opposons à la budgétisation de ces dispositifs : si cette mesure était adoptée, nous devrions nous battre chaque année pour fixer le montant de la ligne budgétaire unique (LBU). Le débat est en cours.
Nous souhaitons recentrer le « dispositif Girardin » vers l'investissement productif afin d'éviter les défiscalisations de confort. Je souhaite mener ce débat avec les parlementaires et tous les présidents de collectivité. Notre priorité va à la création de valeur économique. Nous devons mener ce travail ensemble.
Comment peut-on équilibrer les comptes de l'assurance maladie avec un nombre si réduit de cotisants et d'assurés, alors que l'espérance de vie augmente et que les soins sont de plus en plus coûteux ? Monsieur Artano, à Saint-Pierre-et-Miquelon, vous avez fait un choix clair : avoir votre propre système. Les autres collectivités, et c'est normal, font appel à la solidarité nationale. Pour autant, pourrait-on envisager la création d'un système propre, au sein du régime général ? Quand j'ai évoqué cette idée devant des parlementaires polynésiens, ils ont fait part de leur étonnement. En tout cas, je la soumets à réflexion, et j'en ferai part aux élus de Saint-Barthélemy la semaine prochaine.
La meilleure façon de lutter contre l'orpaillage illégal et, partant, de protéger l'environnement et de lutter contre la délinquance qui y est liée est de promouvoir l'orpaillage légal. Le décret d'application devrait être pris avant le 1er janvier 2024. Dès l'année prochaine, une première expérimentation sera réalisée sur des friches. Il nous faut aussi travailler sur la fiscalité, l'activité aurifère devant représenter une ressource importante pour la collectivité territoriale de Guyane.
Que la Guyane dispose d'un Crous autonome ne me semble pas absurde, compte tenu des distances. Toutefois, cette question relève de la compétence de ma collègue ministre de l'enseignement supérieur, que je saisirai.
Sur le photovoltaïque et les questions énergétiques, seule La Réunion a fait approuver sa programmation pluriannuelle de l'énergie, cependant que Saint-Pierre-et-Miquelon nous a transmis la sienne.
Quelques rappels sont nécessaires. Les outre-mer ne manquent pas d'énergie, contrairement à la métropole. À côté du développement des énergies renouvelables, je reste attaché au maintien de moyens de production lourds, de préférence utilisant des biocarburants liquides, destinés à ne servir qu'en cas de besoin, par exemple dans le cas où un incident affectant une unité de production classique entraînerait un risque de coupure. En Guyane est attendu le jugement définitif sur le permis de construire de la centrale du Larivot. En attendant, les prix augmentent...
Il faut développer le photovoltaïque, l'éolien ou des moyens de production d'énergie plus originaux, comme l'hydrogène photovoltaïque. À cet égard, les outre-mer peuvent être des laboratoires. Je ne suis pas très favorable à des mesures de défiscalisation en faveur du photovoltaïque et d'autres énergies renouvelables. Soit le promoteur d'un projet d'énergie renouvelable soumissionne un appel d'offres de la Commission de régulation de l'énergie (CRE), auquel cas cet avantage fiscal serait pris en compte dans la fixation du tarif, soit il se positionne directement sur le marché, où les prix pratiqués, plutôt élevés, ne justifient pas une mesure de défiscalisation. Les tarifs proposés par la CRE dans ses appels d'offres ou ses contrats de gré à gré, sont calculés de manière à permettre aux opérateurs de « gagner leur vie ». La CRE fixe librement le niveau de rémunération des capitaux investis.
J'en viens au logement : 92 % des vacances concernent le parc privé. L'Agence nationale de l'habitat (Anah) doit mieux prendre en compte les outre-mer.
Madame Jasmin, sur les éoliennes, je veux apporter plusieurs précisions : d'abord, les élus ultramarins demandent que les commissions de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF) se montrent plus souples ; ensuite, les agriculteurs ne sont pas obligés d'accepter l'implantation d'une installation sur leur terrain ; enfin, ils perçoivent une compensation financière. Cela étant, les îles ont des contraintes propres, entre les règles environnementales, la production agricole et la production énergétique. Les élus locaux feront comme ils veulent.
Mme Victoire Jasmin. - Le fonctionnement des CDPENAF est différent de ce qu'il est en métropole. Cela, les élus ne le comprennent pas.
M. Jean-François Carenco, ministre délégué. Chaque fois que je rencontre un élu, il se plaint des CDPENAF, qui les empêcheraient de mener à bien des projets !
Mme Victoire Jasmin. - Ici, ce sont les services de l'État qui décident ! Les élus ne comprennent pas ce « deux poids, deux mesures ».
M. Jean-François Carenco, ministre délégué. - Je vais examiner ce point et vous répondrai, madame la sénatrice.
S'agissant de l'offre assurantielle, question réelle et lancinante, j'ai rencontré hier la Fédération française des sociétés d'assurance, et nous devrions très prochainement disposer d'une étude dressant précisément la liste des assureurs actifs et des risques assurés dans chacun des territoires. La situation n'est pas trop mauvaise s'agissant de l'assurance individuelle, mais il faut plus d'opérateurs. Dès lors que je disposerai de cette étude, nous étudierons les conditions permettant de maintenir une offre assurantielle. Il faut que nos assureurs restent présents sur l'ensemble du territoire et ne résilient pas des contrats sans motif sérieux. On ne doit pas retirer la possibilité de s'assurer pour des raisons « politico-alcooliques ».
Madame Jasmin, sur les SAFER, je vous répondrai ultérieurement.
Mme Micheline Jacques. - Je m'exprime tout d'abord en tant que rapporteur de l'étude menée par notre délégation sur le logement social dans les outre-mer. Nous préconisions l'organisation d'Assises de la construction ultramarine, notamment en vue d'une acclimatation des normes. Y êtes-vous favorable, monsieur le ministre, et pourrons-nous compter sur une indispensable implication interministérielle à cet effet ?
La caisse de prévoyance sociale de Saint-Barthélemy affiche un excédent de plus de 20 millions d'euros. J'attends avec impatience le rapport du Gouvernement prévu par la loi 3DS. Ces résultats tiennent principalement à la bonne santé économique de l'île.
M. Teva Rohfritsch. - J'ai eu le plaisir d'accueillir Cyril Tetuanui, président du Syndicat pour la promotion des communes de Polynésie française (SPC-PF), lequel porte un projet d'adaptation du code général des collectivités territoriales (CGCT), à l'imitation de la Nouvelle-Calédonie, qui dispose de son propre code des communes. Avec ma collègue Lana Tetuanui, nous préconisons plutôt de maintenir le droit commun, tout en insérant éventuellement dans le CGCT un titre propre à la Polynésie afin de tenir compte des particularités géographiques de ses communes - je pense au cas des communes associées. Un projet de texte nous sera transmis dans le courant du mois de novembre. Je souhaiterais avoir votre avis sur ce sujet.
Le 4 octobre, j'ai présenté en séance publique le rapport de la mission d'information sur l'exploration, la protection et l'exploitation des fonds marins. Nous avons eu des échanges fructueux avec votre collègue Hervé Berville. La Chine, les États-Unis et la Russie ont pris une certaine avance dans l'exploration de ces fonds marins. Notre rapport conclut qu'il est prématuré de se lancer dans leur exploitation, dans la droite ligne de la position exprimée récemment par le Président de la République à Lisbonne. Si la France dispose d'une avance en matière de recherche et d'innovation, elle doit consolider son tissu industriel et rattraper son retard dans l'exploration des fonds marins.
Notre zone économique exclusive se trouve, pour 97 % de sa surface, dans nos outre-mer. Ce doit être l'occasion pour nous de mieux connaître la colonne d'eau, les grands fonds. Les collectivités du Pacifique, à cette fin, devront certainement conclure des partenariats.
Les drones sous-marins méritent également tout notre intérêt.
Dans le cadre de cette mission d'information, le secrétariat d'État à la mer a été notre interlocuteur. Mais, compte tenu de la place des outre-mer dans cette problématique, envisagez-vous un travail coordonné avec celui-ci et le secrétariat général de la mer pour tout ce qui les concerne ?
Enfin, une déclinaison ultramarine des appels à projets lancés dans le cadre de France 2030 est-elle envisageable ? Un premier appel à projets a été récemment lancé, portant sur les matériels nécessaires à l'exploration de ces grands fonds.
M. Dominique Théophile. - Le projet de loi relatif à l'accélération de la production d'énergies renouvelables prévoit un tarif réduit pour les consommateurs habitant à proximité des centrales solaires et des parcs éoliens. À la Guadeloupe, la centrale géothermique de Bouillante, d'une capacité de plus de 12 mégawatts, ne serait pas concernée par cette disposition, alors que ses riverains sont soumis aux mêmes contraintes. Aussi, nous souhaitons que le texte soit modifié sur ce point.
Concernant les contrats de redressement en outre-mer (Corom), créés sur l'initiative de nos collègues Cazeneuve et Patient, seules trois communes de la Guadeloupe en ont bénéficié. Je demande que Grand-Bourg de Marie-Galante et Sainte-Rose en soient également bénéficiaires.
J'en viens aux 50 pas géométriques. Les agences compétentes sont financées, au premier chef, par la taxe spéciale d'équipement, dont le produit s'établit en moyenne à 1,5 million d'euros. Or cette enveloppe diminue chaque année depuis 2015, alors que la loi Climat et résilience a accru les missions des agences. Il faut mettre un terme à cette érosion pour qu'elles puissent mener à bien leurs missions, qui doivent s'achever en 2025.
Mme Vivette Lopez. - Il y a quelques années, notre délégation a consacré un rapport aux normes du bâtiment et des travaux publics (BTP) outre-mer. Certaines normes françaises ou européennes ne sont pas applicables dans tous les territoires ultramarins. Certains bureaux d'études et laboratoires disposent de solutions dédiées, notamment pour lutter contre les termites, qui, outre-mer, n'ont rien à voir avec ce que l'on connaît en métropole. Toutefois, la mise en oeuvre de ces solutions est très laborieuse, car elle exige l'accord de Bruxelles, et coûte excessivement cher. Il faut remédier à cette situation.
J'appelle également votre attention sur la vie chère, problème considérable outre-mer sur laquelle il nous faut travailler et lutter contre la vie chère. J'ai pu le constater à La Réunion. Les ouvriers locaux, qui ne bénéficient pas de primes de cherté de vie, ne comprennent pas que les fonctionnaires venant de métropole reçoivent de tels compléments de revenus. Que proposez-vous à cet égard ?
M. Jean-François Carenco, ministre délégué. - Halte aux mensonges : il n'y a pas d'explosion des prix outre-mer. La « croissance exponentielle des prix » est une expression journalistique tout à fait exagérée. Le niveau de vie outre-mer est un véritable sujet, mais les mots ont un sens et, pour agir concrètement, il faut commencer par caractériser les phénomènes le plus précisément possible.
Madame Lopez, l'inflation est à peu près la même dans l'Hexagone et dans les outre-mer. Néanmoins, j'en conviens, elle frappe des personnes dont le niveau de vie est beaucoup plus faible. Il nous fait y travailler afin de lutter contre la vie chère.
Mme Vivette Lopez. - Pourquoi les fonctionnaires bénéficient-ils de primes de vie chère, et non les autres salariés ?
M. Jean-François Carenco, ministre délégué. - Si vous voulez déposer une proposition de loi tendant à supprimer la surrémunération des fonctionnaires outre-mer : « Bon courage ! ». Je pense que tous les parlementaires seront d'accord.
L'enjeu, ce sont les graves insuffisances du tissu économique ultramarin. Pour assurer des salaires décents outre-mer, il faut une révolution culturelle pour favoriser la création de valeur : c'est cela, la vraie réponse.
À la fin de ce mois s'achèvera l' « Oudinot du pouvoir d'achat ». Je rends hommage aux élus locaux, qui ont accepté de se pencher sur la question de l'octroi de mer pour un certain nombre de produits. Cette nécessité a fini par s'imposer : il faut agir sur chacun des termes de la formation des prix. Toutefois, la vraie solution reste de développer l'économie locale.
La question des normes est extrêmement compliquée. J'y travaille avec la DHUP dans le cadre du Plom 2. De plus, au titre de la révision du règlement européen des produits de construction prévue pour 2023, la DHUP, en lien avec la DGOM, a d'ores et déjà défendu un projet de simplification en faveur des régions ultrapériphériques (RUP) devant la Commission européenne. Il s'agit de simplifier les modalités de mise sur le marché des matériaux de construction en alternative à la norme CE. Cette proposition a été validée par la Commission en mars 2022. Le chemin est encore long, nous en sommes à présent à l'étape du trilogue, mais c'est une première victoire.
En parallèle, le Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB) a finalisé l'étude portant sur les premiers travaux d'équivalence entre les produits certifiés CE et ceux que l'on peut fabriquer dans les territoires ultramarins. Il a établi une première liste de familles de matériaux importés. Pour faire baisser les prix, il faudrait créer un marquage « RUP », qui serait privilégié par rapport au marquage « CE ». Ce serait un moyen de faire baisser les prix de la construction. Vous le constatez, il s'agit là d'un combat titanesque : raison de plus pour le mener.
Monsieur Théophile, j'ai sollicité l'extension de la procédure de Corom. Mais, du fait de l'amélioration de leurs résultats, plusieurs communes sont exclues d'un certain nombre de dispositifs. J'ai demandé à la DGOM de se pencher sur la question : c'est un effet pervers contre lequel il faut lutter.
Vous appelez à juste titre mon attention sur les 50 pas géométriques : il est bel et bien essentiel que les agences disposent des moyens dont elles ont besoin pour établir des cartographies précises.
Quant aux nuisances provoquées par la centrale de Bouillante, il faudrait qu'une étude les caractérise clairement.
M. Dominique Théophile. - Ce travail a été fait.
M. Jean-François Carenco, ministre délégué. - Je vous invite à le communiquer rapidement au ministère de la transition énergétique. Pour ma part, je vous exprime ma satisfaction de voir l'usine de Bouillante fonctionner. L'entreprise retenue s'est bien insérée dans la commune et sur la côte ouest de Basse-Terre.
M. Dominique Théophile. - Certes, mais la capacité de production de cette usine doit être multipliée par trois d'ici à 2025. Il serait donc souhaitable que le projet de loi de finances rehausse la taxe que la société verse à la commune, dont le montant est actuellement fixé à 20 euros le kilowattheure. Je proposerai un amendement en ce sens et vous ferai parvenir les différents éléments de ce dossier.
M. Jean-François Carenco, ministre délégué. - Madame Jacques, je travaille à des Assises du logement avec mon collègue Olivier Klein et recevrai prochainement les représentants des offices d'HLM. Il faut préparer ce rendez-vous avec eux, avec les établissements publics fonciers et, bien sûr, avec le ministère du logement. Il faut surtout savoir qui l'on invite, pour que ces assises soient réellement constructives.
Mme Micheline Jacques. - Ma question portait moins sur le logement que sur l'acclimatation des normes. La Nouvelle-Calédonie a élaboré un référentiel de normes de construction, déjà mis en place dans le bassin Pacifique. Il faut dégager des normes adaptées aux spécificités ultramarines, comme le climat ou la salinité. L'application systématique des normes françaises ou européennes entraîne, elle, un surcoût.
M. Jean-François Carenco, ministre délégué. - C'est le travail du CSTB, que je vais consulter à ce propos. Mais il ne faudrait pas que de telles assises retardent le mouvement lancé.
Mme Micheline Jacques. - Elles ne le retarderont pas, au contraire !
M. Jean-François Carenco, ministre délégué. - Il me semble logique que le CSTB organise de telles assises.
Monsieur Rohfritsch, quelle est la meilleure méthode pour faire adopter l'adaptation des dispositions relatives aux communes dans le CGCT ? Je n'en sais rien !
Au sujet des grands fonds marins, on ne connaît pas grand-chose, sauf nos deux principaux compétiteurs. Je ne suis pas sûr que la Russie soit aujourd'hui en mesure de prendre position dans le Pacifique. Quoi qu'il en soit, nous devons faire preuve de la plus grande prudence. La réponse passera par la coopération internationale et par le plan France 2030. Je m'engage à vous faire le compte-rendu de mon entretien avec le nouveau secrétaire général de la mer, dont j'entends axer le travail sur cet enjeu. Je compte beaucoup sur sa détermination, et sa nomination est une bonne nouvelle. Il sera sans doute un bon interlocuteur pour votre délégation.
M. Michel Dennemont. - L'inflation, outre-mer, est beaucoup plus élevée que dans l'Hexagone. Sur l'initiative de nos collègues députés, 15 millions d'euros au titre de l'aide alimentaire ont été prévus pour faire face aux difficultés qu'elle engendre dans les départements et régions d'outre-mer. Le Sénat y a ajouté 4 millions d'euros pour les collectivités d'outre-mer. Pouvez-vous nous donner quelques tendances générales à ce titre ?
Mme Gisèle Jourda. - Je vous interroge en mon nom et au nom de ma collègue Viviane Malet. Nous sommes toutes deux rapporteures d'une étude relative à la gestion des déchets outre-mer, dont les retards sont flagrants à tous égards.
Les territoires ultramarins demandent, à l'unanimité, l'allègement de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP). Cet outil, vertueux dans son principe, est aujourd'hui perçu comme injuste. Il est même devenu un boulet pour les collectivités territoriales, car il les prive de moyens précieux au profit du budget général de l'État. Or le taux de cette taxe devrait encore augmenter au cours des prochaines années. Que pensez-vous d'un moratoire de cinq ou dix ans sur la TGAP outre-mer, selon la situation des territoires, afin d'engager le rattrapage nécessaire ? À défaut, le produit de cette taxe pourrait abonder des fonds locaux pour financer des actions en faveur de l'économie circulaire.
Je veux également vous interroger sur l'exportation des déchets. Sur ces territoires insulaires, on retrouve des stocks énormes de déchets que l'on ne peut pas évacuer et il est impossible de relancer la chaîne et d'envisager la continuation des collectes et des traitements. Or l'exportation est coûteuse et complexe juridiquement, car beaucoup de pays et de compagnies maritimes refusent le simple transit des containers. Chacun des différents dossiers de demande fait valoir des exigences différentes, et cela bloque le transport.
Un autre aspect touche aux dossiers d'aides européennes au fret pour l'exportation des déchets depuis les RUP. Ceux-ci sont très complexes à monter et ne prennent pas en compte la spécificité des outre-mer dans leur environnement régional, en particulier la possibilité d'envisager des coopérations avec des pays proches, mais qui ne sont pas membres de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).
Notre rapport sur ce sujet sera rendu fin novembre, mais nous souhaitons obtenir votre avis sur ces points, qui sont les plus saillants.
M. Mikaele Kulimoetoke. - Plusieurs questions communes à tous les outre-mer ont déjà été abordées.
Tout d'abord, je souhaite l'organisation d'une mission de la commission des affaires sociales du Sénat à Wallis-et-Futuna pour préparer la conférence de santé, prévue par l'Agence de santé et la préfecture pour cette fin d'année. Ce délai me semble un peu court et je suggère que l'on prévoie la mission que j'appelle de mes voeux pour le début de l'année prochaine. J'ai saisi le président du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants (RDPI), M. François Patriat, à ce sujet, et je profite de cette réunion pour saisir le président de la délégation sénatoriale aux outre-mer.
S'agissant de l'évolution statutaire, vous l'avez dit, monsieur le ministre, vous nous recevrez - si possible un par un - pour évoquer cette question, qui est un sujet important à Wallis-et-Futuna. Cela génère un sentiment de frustration : nous sommes la seule collectivité dont l'exécutif est entre les mains du préfet. J'aurais beaucoup à vous dire à ce sujet ; l'assemblée territoriale, dans sa majorité, ne souhaite pas précipiter les choses, mais une évolution positive me semble essentielle.
Nous rencontrons d'autres difficultés. Je pense au système bancaire, par exemple. Nous avons seulement deux banques, avec deux guichets. J'aimerais faire avancer les choses, et que l'État s'implique plus sérieusement, car cette question bancaire impacte le secteur économique, victime de procédures d'ouverture de comptes très complexes, mais aussi les jeunes couples, qui peinent à emprunter pour construire.
Concernant la vie chère, j'ai évoqué, au mois d'août dernier, dans l'hémicycle, l'aide au fret, qui représenterait une avancée positive, parce que nous sommes victimes de notre éloignement. Les tarifs proposés aux consommateurs sont faramineux, même par rapport aux autres outre-mer. Je souhaite donc que cette aide au fret soit élargie à Wallis-et-Futuna.
Les déchets posent également un gros problème : nous sommes obligés de les traiter localement, mais nous n'avons pas les moyens de le faire et nous avons du mal à exporter les déchets vers l'Australie. L'État doit intervenir pour que cette question soit mieux prise en compte par ses services. Les élus sont pourtant motivés, et nous avons toujours le souci de garder sur place nos déchets.
Enfin, vous avez été saisi par l'assemblée territoriale de la question de la fonction publique territoriale, et j'invite votre cabinet et vous-même à porter un oeil bienveillant sur ce dossier. Une mission est en cours à Paris sur ce sujet ; nous aurons l'occasion d'en discuter de manière plus détaillée.
M. Jean-François Carenco, ministre délégué. - À Wallis, le système bancaire est catastrophique. J'ai demandé avant-hier un rapport au préfet, sans savoir que l'on me poserait la question aujourd'hui. Avant d'agir, je souhaite savoir ce que l'on répond à vos revendications.
Sur l'aide au fret, il faut élargir l'approche : c'est une question de prix de la desserte de Wallis-et-Futuna, pour les passagers comme pour le fret. Il faut travailler pour faire en sorte que personne n'exagère.
S'agissant des évolutions statutaires, partout, si un point est politique par excellence, c'est bien le pouvoir exécutif. Même si le problème que vous évoquez diffère des autres évolutions souhaitées par les uns ou les autres, il sera traité dans le même paquet.
En ce qui concerne les déchets, je ne suis pas convaincu que l'exportation soit toujours la bonne technique ; il faut surtout en produire moins, et les traiter de manière utile à l'endroit où ils se trouvent. Je viens d'adresser un courrier à ce sujet au préfet de Mayotte.
Vous évoquez la fonction publique. J'entends bien qu'il y a un sujet, mais nous sommes tout de même assez aidants pour vos collègues. On paie, de manière certes dégressive, mais pendant huit ans.
L'aide alimentaire a représenté 15 millions d'euros pour les Drom et 4 millions d'euros pour les collectivités d'outre-mer COM. Ils sont ainsi répartis : 2 millions pour la Guadeloupe, 150 000 pour Saint-Martin, 3,5 millions pour la Guyane, 1,9 million pour la Martinique, 2,6 millions pour La Réunion, 4,8 millions pour Mayotte, 50 000 pour Saint-Pierre-et-Miquelon, 1,8 million pour la Polynésie française, 2,1 millions pour la Nouvelle-Calédonie et 100 000 pour Wallis-et-Futuna. Nous essayons de travailler avec la Banque alimentaire pour que cette association prépare des dispositifs ciblant spécifiquement l'outre-mer.
S'agissant, enfin, de la TGAP, est-ce vraiment une bonne chose de la baisser ? Ce sont les entreprises qui la paient, et non les collectivités locales, de manière à les inciter à produire moins de déchets. Je ne comprends donc pas bien pourquoi vous souhaitez la baisser.
Mme Gisèle Jourda. - Ce qui nous est dit c'est qu'il est très difficile de mettre en place une collecte de qualité et un traitement idoine. Nous demandons donc un rééquilibrage. Viviane Malet vous en parlerait mieux que moi, elle qui a fait voter des amendements à ce sujet. Il s'agit d'un problème récurrent, notamment à La Réunion.
Mme Nassimah Dindar. - Ce sont les communautés d'agglomération qui paient la TGAP et qui la répercutent ensuite aux citoyens. Un amendement visant à baisser son taux à La Réunion de 35 % a été voté, mais c'est un acquis provisoire. Viviane Malet demande, avec les groupes Les Républicains (LR) et Union Centriste (UC), un moratoire pour les outre-mer, parce que les besoins d'investissements dans les territoires sont tellement importants, singulièrement pour les communautés d'agglomération, que cette taxe impacte les investissements à venir dans leur budget.
Mme Gisèle Jourda. - Nous demandons un moratoire, et non une suppression.
M. Jean-François Carenco, ministre délégué. - J'y suis défavorable. Il faut éviter de produire des déchets. Cette taxe cible les entreprises - c'est ainsi qu'elle est conçue. Cela fonctionne dans l'Hexagone. Je suis surpris de ce que vous me dites. Pourquoi ne pas inciter les entreprises à produire moins de déchets ? Je veux bien regarder, mais j'ai besoin d'explications.
Sur les déchets, globalement, à mon sens, ce n'est pas une solution que de les exporter. C'est parfois souhaitable, notamment pour les déchets toxiques, mais pas pour les déchets ordinaires. Travaillons sur les normes.
En effet, les aides européennes, en dehors des procédures très connues et balisées, sont très compliquées à obtenir. J'essaie, quant à moi, de ne pas compter sur elles en première approche, car les solliciter peut demander beaucoup d'énergie.
Mme Gisèle Jourda. - Les précisions que je vous apporte sur les déchets concernent surtout l'enfouissement des déchets ménagers, pas ceux des entreprises. Mes propos décrivent bien une difficulté particulière sur la TGAP.
M. Jean-François Carenco, ministre délégué. - Je vais regarder, mais je suis sceptique !
M. Stéphane Artano, président. - Je reprends ma casquette de sénateur de Saint-Pierre-et-Miquelon pour vous poser les dernières questions.
Tout d'abord, je suis défavorable au développement de la voiture électrique à Saint-Pierre-et-Miquelon. Quand on sait que l'électricité produite provient exclusivement de la centrale au diesel, c'est une aberration. cela se greffe le problème du traitement des batteries en fin de vie. Aujourd'hui, il est quasiment impossible de les exporter ou de les traiter sur place. Ces enjeux sont importants pour les territoires ultramarins. Si l'on ne sait pas exporter les batteries usagées, je ne favoriserai pas la voiture électrique. Les élus locaux doivent être pragmatiques et prudents. Quand l'électricité proviendra d'énergies renouvelables et que les déchets issus des batteries trouveront des solutions, j'y serai naturellement favorable.
Le président de la collectivité de Saint-Pierre-et-Miquelon s'inquiétait du projet éolien, mené par EDF Renouvelables, qui figure dans la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE). Attention à la méthode utilisée ! Dans des territoires ultramarins où il existe des conflits d'usages et d'espaces, les opérateurs doivent privilégier une approche de long terme et prendre le temps de rallier la population. Je suis favorable à l'éolien et je ne voudrais pas que ce projet échoue. Voilà pourquoi je vous adresse ce message de prudence.
En ce qui concerne l'indemnité temporaire de retraite (ITR), le rapport d'information de nos collègues députés Stéphanie Atger, Philippe Dunoyer et Philippe Gomez a pointé du doigt les conséquences de sa suppression programmée. Des réflexions sont en cours du côté du Gouvernement. Avez-vous des perspectives à nous donner ou le dossier est-il enterré ? Si c'est le cas, on peut craindre le départ d'un certain nombre de fonctionnaires, lié à la baisse de pouvoir d'achat.
En outre, on constate à Saint-Pierre-et-Miquelon une inflation galopante : quand elle est à 5,58 % dans l'Hexagone, elle s'élève à 9,36 % dans notre territoire. C'est inquiétant pour la population. En effet, pour chauffer au fioul une maison de 90 m2 à Saint-Pierre-et-Miquelon, le coût était de 1 500 euros en 2021, de 2 500 euros en 2022, et l'on atteindra 3 400 euros en 2023 si le prix de l'hydrocarbure se maintient à son niveau actuel.
J'en reviens donc à la demande formulée par le président de la collectivité, lors de la conférence sur le pouvoir d'achat : est-il envisageable d'étudier un blocage du prix du fioul domestique à 0,65 centime d'euros ?
Une aide exceptionnelle a été mise en place pour le fioul domestique, qui est le premier poste de dépense à Saint-Pierre-et-Miquelon. Vous avez annoncé dernièrement, à l'Assemblée nationale, qu'il y aurait une évaluation du dispositif. Elle est assez simple à faire, puisque celui-ci a été conçu de manière à être intégralement consommé dans les semaines à venir. Il s'agit désormais d'anticiper, car l'hiver à Saint-Pierre-et-Miquelon peut durer jusqu'au mois d'avril et parce que l'aide ne couvre qu'à peine deux mois de consommation, uniquement pour les foyers les plus fragiles. Par conséquent, peut-on envisager de reconduire le dispositif durant plusieurs mois ?
Enfin, vous êtes intervenu au sujet de la vie chère auprès de la compagnie CMA CGM, qui dessert un certain nombre de territoires ultramarins, mais pas Saint-Pierre-et-Miquelon. Le transport de fret maritime s'y déroule dans le cadre d'une délégation de service public entre l'État et un opérateur local. Est-il envisageable, dans le cadre de cette délégation, d'imaginer un dispositif pour bloquer certains prix et indices de la délégation de service public, tout en respectant l'équilibre contractuel ?
M. Jean-François Carenco, ministre délégué. - Pourquoi ne pourrais-je pas intervenir auprès de CMA CGM ?
M. Stéphane Artano, président. - Parce que la compagnie n'opère pas à Saint-Pierre-et-Miquelon ! Mais vous pourriez toujours créer une ligne directe...
M. Jean-François Carenco, ministre délégué. - J'interviens quasiment tous les jours auprès de CMA CGM.
Un premier comité de pilotage a été mis en place avant les élections présidentielles sur l'ITR. Je dois rencontrer M. Stanislas Guerini dans les jours qui viennent, et le sujet est inscrit dans la discussion que nous aurons.
Combien d'habitants se chauffent au fioul à Saint-Pierre-et-Miquelon ?
M. Stéphane Artano, président. - Ils sont 6 000.
M. Jean-François Carenco, ministre délégué. - Le montant prévu pour l'aide exceptionnelle est de 700 000 euros, ce qui devrait permettre de passer l'année si le dispositif est reconduit. Je ne comprends pas bien votre calcul. L'augmentation du coût est couverte pas les 700 000 euros.
M. Stéphane Artano, président. - Soyons clairs, le maire de Saint-Pierre-et-Miquelon vous a rencontré à ce sujet récemment et, sur les ondes publiques, il a rapporté que « le ministre avait été étonné du montant de la demande, qui paraissait largement insuffisant ». Effectivement, elle l'est ! Ces 700 000 euros répartis sur le nombre de foyers concernés ne permettront pas aux gens de passer l'hiver.
M. Jean-François Carenco, ministre délégué. - Je suis prêt à revoir la question et je ferai ce qu'il faut.
Quant à la voiture électrique, je ne peux que vous suivre, non sans sourire, car il doit y avoir moins de 25 kilomètres de route à Saint-Pierre-et-Miquelon... Quoi qu'il en soit, l'esprit d'entreprise est très fort dans ce territoire, de sorte que le projet n'aura pas de mal à prendre forme.
M. Stéphane Artano, président. - Il n'en reste pas moins qu'il faudra pouvoir exporter les déchets qui en résulteront. Or ce n'est pas simple quand les voisins sont américains ou canadiens. L'amiante, par exemple, n'est exporté dans l'Hexagone que grâce au passage de bateaux militaires qui acceptent de s'en charger. Notre cas n'est pas unique. J'en veux pour preuve les stocks de conteneurs bloqués à La Réunion.
Qu'en est-il du blocage du prix du fioul à Saint-Pierre-et-Miquelon ? Peut-on étudier la question ?
M. Jean-François Carenco, ministre délégué. - Il est toujours possible d'étudier une question, surtout lorsqu'elle est posée par une personne compétente.
M. Stéphane Artano, président. - Poser la question est déjà une manière d'avancer.
Comme vous envisagez de venir dans notre territoire, je souhaitais vous interroger sur la possibilité de créer un pacte territorial contre la vie chère. Pour l'instant, seule la collectivité s'est positionnée aux côtés de l'État. Il me semble que l'ensemble des acteurs devraient se mobiliser. J'espère pouvoir compter sur votre impulsion, monsieur le ministre. Il faut une réponse concertée au niveau du territoire et avec l'État sur le problème de la vie chère.
M. Jean-François Carenco, ministre délégué. - Il existe déjà le bouclier qualité-prix (BQP).
M. Stéphane Artano, président. - Certes, mais d'autres acteurs peuvent contribuer à la lutte contre la baisse du pouvoir d'achat.
M. Jean-François Carenco, ministre délégué. - Chacun doit apporter sa contribution.
Pour conclure, le flot de questions est gigantesque. Certaines peuvent être surprenantes. Cela prendra peut-être du temps, mais nous tenterons d'apporter une solution à tous les problèmes. Il n'y a pas de solution miracle. La seule possible à terme, c'est la création de valeur. Tel est mon leitmotiv.
M. Stéphane Artano, président. - Nous vous remercions à nouveau, monsieur le ministre, de vous êtes rendu disponible pour cette audition. Notre délégation poursuivra ses travaux la semaine prochaine avec le lancement de son rapport sur l'évolution institutionnelle outre-mer et reprendra ses auditions sur la gestion des déchets avec une table ronde dédiée aux enjeux sanitaires.