- Mercredi 5 octobre 2022
- Enjeux du développement des véhicules électriques - Audition de représentants de la direction générale de l'énergie et du climat du ministère de la transition énergétique, de l'Avere-France, d'Enedis, de Stellantis, de Renault et de RTE
- Projet de loi de finances pour 2023 - Demande de saisine pour avis et désignation de rapporteurs pour avis
- Audition de M. Clément Beaune, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports
Mercredi 5 octobre 2022
- Présidence de M. Jean-François Longeot, président -
La réunion est ouverte à 10 h 15.
Enjeux du développement des véhicules électriques - Audition de représentants de la direction générale de l'énergie et du climat du ministère de la transition énergétique, de l'Avere-France, d'Enedis, de Stellantis, de Renault et de RTE
M. Jean-François Longeot, président. - Mes chers collègues, mesdames, messieurs, je suis heureux d'ouvrir cette première réunion de commission de la session ordinaire 2022-2023 par une table ronde consacrée aux enjeux liés au développement du véhicule électrique.
Vous le savez bien, le secteur des transports est le premier secteur émetteur de gaz à effet de serre en France, puisqu'il représente 32 % des émissions. Le mode routier, qui comprend à la fois les véhicules légers et les poids lourds, est responsable de plus de 90 % de ces émissions.
C'est pourquoi nous nous sommes dotés d'objectifs ambitieux pour les réduire en limitant également les émissions de particules fines. L'article 73 de la loi d'orientation des mobilités, modifié par l'article 103 de la loi « Climat et résilience », prévoit ainsi la fin de la vente de voitures particulières neuves émettant plus de 123 grammes de dioxyde de carbone par kilomètre d'ici à 2030.
À l'échelle européenne, le texte sur la régulation des émissions de CO2 des automobiles est en cours de discussion. Le Conseil de l'Union européenne s'est notamment prononcé en faveur de l'interdiction, à partir de 2035, de la vente de véhicules neufs à moteur essence ou diesel.
Dans ce contexte, le véhicule électrique constitue un important levier de décarbonation du transport routier. D'après une étude de 2017 réalisée par la Fondation pour la nature et l'homme et la Fondation européenne pour le climat, en lien avec l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), en France, les émissions de gaz à effet de serre induites par la fabrication, l'usage et la fin de vie d'un véhicule électrique seraient 2 à 3 fois inférieures à celles des véhicules essence et diesel.
Cet impact climatique du véhicule électrique dépend néanmoins de nombreux autres facteurs, comme le mix énergétique, l'efficacité des modes de production des véhicules, les capacités de recyclage, ainsi que l'extraction des métaux nécessaires à la fabrication des batteries, avec des pollutions générées dans d'autres pays. Nous aurons sans doute l'occasion de revenir sur ce point important.
En outre, et à l'heure du déploiement des zones à faibles émissions mobilité (ZFE-m) en agglomération, les véhicules électriques présentent l'avantage de ne pas émettre de polluants atmosphériques en roulant. Ils ne sont, à ce titre, pas concernés par d'éventuelles restrictions de circulation.
Les ventes de véhicules électriques ont ainsi fortement progressé ces dernières années. D'après l'Avere-France, dont nous recevons le délégué général, la mobilité électrique connaît une forte dynamique, avec plus de 174 000 véhicules électriques immatriculés au cours de l'année 2021.
Pour autant, le développement des véhicules électriques soulève d'importantes questions.
Pour y répondre, nous avons le plaisir d'accueillir des représentants de RTE, d'Enedis, de l'Avere-France, de Stellantis, de Renault et de la direction générale de l'énergie et du climat (DGEC).
Je me permettrai seulement d'évoquer quelques questions, avant de vous laisser la parole pour un propos liminaire à l'échange avec les membres de la commission.
Ma première question concerne la capacité du réseau électrique à accueillir la montée en puissance rapide du nombre de véhicules à recharger dans les prochaines années. RTE, le gestionnaire du réseau de transport d'électricité, a publié en 2017 un bilan prévisionnel, confirmé par une étude de 2019, qui montre que le système électrique sera en mesure d'accueillir le développement du véhicule électrique. Monsieur Bonnet, pourriez-vous nous indiquer si ces prévisions sont susceptibles d'être révisées compte tenu des risques de pénurie que nous rencontrons dans le contexte de crise actuelle ?
J'en viens ensuite au déploiement des bornes de recharge, qui est l'une des conditions sine qua non du développement de la mobilité électrique. L'objectif de déployer 100 000 bornes de recharge ouvertes au public à la fin de l'année 2021 n'a pas encore été atteint, puisque seuls 53 000 points de recharge avaient été installés au 31 décembre 2021.
Je m'adresse à présent aux représentants d'Enedis et de l'Avere-France : pourriez-vous dresser un état des lieux de la situation à la fois des bornes de recharge publiques et privées, en précisant aussi les différents types de points de recharge ? Pourriez-vous également préciser quels sont, d'après vous, les obstacles à lever pour accélérer leur déploiement ?
Le processus de fabrication des véhicules électriques est aussi source de nombreuses interrogations. Les objectifs sont ambitieux ; certains d'entre eux sont d'ailleurs déclinés dans le contrat stratégique de filière. Aussi, et ma question s'adresse plus particulièrement aux représentants de Renault et de Stellantis, nous souhaiterions savoir, d'une part, si les constructeurs estiment être en capacité de produire un grand nombre de véhicules électriques à court terme et, d'autre part, quelles problématiques sont spécifiques à la fabrication de ces véhicules, mais aussi à leur recyclage. En particulier, pourriez-vous faire un point sur la question de la production des batteries ?
Le déploiement à grande échelle du véhicule électrique suppose, enfin, une certaine acceptabilité s'agissant de l'offre de véhicules, leur autonomie, le maillage du territoire en infrastructures de recharge et le coût de la recharge, mais aussi le prix d'achat du véhicule lui-même. Il s'agit d'une question absolument cruciale, puisque le prix d'un véhicule électrique reste, à ce stade, supérieur à celui d'un véhicule thermique. La prime à la conversion et le bonus écologique permettent de diminuer ce surcoût. En parallèle, le rapporteur du projet de loi « Climat et résilience », Philippe Tabarot, soutenu à l'unanimité, avait souhaité créer un prêt à taux zéro pour l'acquisition de véhicules peu polluants, prêt qui figure désormais à l'article 107 du texte. En outre, le projet de loi de finances pour 2023 prévoit le lancement d'un « leasing social ». Pourriez-vous, monsieur David, en détailler les modalités et, plus globalement, revenir sur les modalités d'aides à l'acquisition de véhicules électriques ?
Je cède à présent la parole à nos intervenants, pour un propos liminaire de quatre minutes, afin que chacun fasse le point, dans son domaine de compétence, sur les enjeux du développement du véhicule électrique et les éventuelles difficultés rencontrées quant à son développement.
M. Jean-Philippe Bonnet, directeur adjoint au pôle stratégie, prospective et évaluation de RTE. - RTE, le Réseau de transport d'électricité, assure l'exploitation du réseau à haute et très haute tension et garantit l'équilibre entre l'offre et la demande à tout moment en matière d'électricité.
Que se passera-t-il si nous avons, demain, 5 millions, 10 millions ou 35 millions de véhicules électriques en circulation ? Le système électrique sera-t-il en mesure de satisfaire la demande en électricité ?
Il faut répondre à ces questions sous l'angle de l'énergie, mais aussi de la puissance.
Nous avons publié, en 2019, une étude approfondie et rassurante sur cette question, réalisée en collaboration avec l'Avere-France. Pour autant, cette enquête se limite à l'horizon 2035. Nous avions travaillé sur des scénarios de 7 millions et de 16 millions de véhicules légers électriques en circulation. Dans ces conditions, l'énergie totale à mobiliser apparaissait relativement modérée par rapport aux 500 térawattheures de notre consommation totale d'électricité.
Pour ce qui concerne la puissance, nous avons soulevé quelques mises en garde. En effet, si on laisse s'installer les habitudes de recharge dites « naturelles », on pourrait devoir faire face à des pics de puissance relativement importants, de l'ordre de 6 à 8 gigawatts, soit 15 % à 20 % de la puissance appelée sur le réseau. Pour autant, nous sommes convaincus que des systèmes simples permettraient de lisser fortement ces appels de puissance. Je pense en particulier aux systèmes heures pleines et heures creuses, bien connues aujourd'hui de nos concitoyens qui utilisent des chauffe-eaux.
Nous avons également considéré que, si des dispositifs de pilotage fins, voire des dispositifs permettant aux véhicules de restituer l'électricité au réseau, étaient mis en place, ceux-ci pourraient fournir 1 à 2 gigawatts de puissance au moment où le réseau en aurait besoin.
Nous avons aussi étudié la question des grands départs en vacances, qui pourraient entraîner des appels de puissance importants. Ils seraient gérables, en été et même pendant Noël, bien qu'en période hivernale la situation soit un peu plus compliquée mais pas insurmontable.
Ces analyses ont été réactualisées dans le rapport publié en 2021 sur les « futurs énergétiques », qui s'efforce de dresser le tableau d'un système électrique totalement décarboné à l'horizon 2050, avec 36 millions de véhicules électriques légers. Nous avons imaginé que les véhicules lourds pourraient également être électrifiés, ce qui nécessiterait une puissance importante, de 80 à 100 térawattheures, ce qui représenterait la moitié de la hausse des besoins en électricité envisagés à cet horizon pour l'ensemble des activités de notre pays.
S'agissant des enjeux de flexibilité, ils sont variables en fonction des choix qui seront faits sur le mix de production. Nous devrions compter sur une automatisation plus poussée des véhicules électriques, pour qu'ils profitent des périodes de production des énergies renouvelables et apportent une contribution au bon fonctionnement du réseau. Si la part de nucléaire était importante, les besoins de flexibilité seraient moindres.
En ce qui concerne les risques de pénurie, la crise que nous connaissons ne remet pas en cause les orientations du rapport car celui-ci envisage un système électrique français totalement décarboné, avec une sortie des énergies fossiles dans tous les secteurs d'activité. Or la volatilité actuelle des prix du gaz ou du pétrole montre que cette voie est un impératif de souveraineté énergétique.
Par ailleurs, les difficultés rencontrées par le parc nucléaire français étaient d'ores et déjà soulignées dans ce rapport, qui concluait à l'urgence à prendre des décisions en la matière.
Les besoins éventuels d'adaptation du réseau de transport se traiteront dans le cadre du dialogue habituel de coordination entre Enedis et RTE. Pourraient surgir des questions ponctuelles concernant, par exemple, les aires d'autoroute, avec des besoins de puissance importants nécessitant des infrastructures spécifiques : nous en discutons avec les concessionnaires autoroutiers.
Je pense également aux projets de gigafactories de fabrication ou de recyclage des batteries, qui auront besoin de puissances importantes. RTE est en contact avec les opérateurs de ces usines pour en assurer le raccordement.
M. Pierre de Firmas, directeur du programme mobilité électrique d'Enedis. - Je compléterai ce qui vient d'être dit sur la capacité du réseau en insistant sur le volet de la distribution d'électricité. Il y a déjà aujourd'hui en France environ 1 million de véhicules électriques rechargeables. À travers nos enquêtes qui vont être publiées dans les prochains jours, nous avons une vision assez complète des habitudes de recharge, et nous constatons que 89 % des possesseurs de véhicules électriques n'ont pas eu besoin d'augmenter la puissance de leur abonnement pour alimenter leur point de charge à domicile. Ils « logent » donc naturellement le temps de recharge en l'absence d'autres usages de l'électricité dans leur habitation, la nuit ou pendant les heures creuses. Toutefois, cette situation concerne très majoritairement les foyers français vivant en maison individuelle. Il est en effet plus compliqué en habitat collectif, qui abrite 44 % des ménages, de trouver des solutions de recharge.
À l'horizon 2050, si l'on ne faisait rien, le pic de consommation qui atteint, à l'heure actuelle, un maximum de 80 gigawatts les soirs d'hiver vers 19 heures, pourrait augmenter de 12 %. Toutefois, avec le pilotage de la recharge - pour l'essentiel en utilisant les heures creuses -, on réduirait à zéro cette augmentation du pic de consommation d'électricité.
Enedis, comme tous les gestionnaires du réseau de distribution public en France, a un rôle central. En effet, tous les véhicules électriques rechargeables - dont nous estimons le nombre à 17 millions en 2035 - auront besoin de points de charge, qui devront être connectés, directement ou indirectement, au réseau de distribution. Ce dernier devra fournir l'énergie nécessaire au moment où elle est demandée, avec la puissance nécessaire.
Nous sommes donc au centre de l'enjeu d'électrification du transport. Pour Enedis, la transition écologique et la décarbonation de l'économie constituent deux enjeux majeurs, avec le raccordement des producteurs d'énergies renouvelables au réseau de distribution et l'électrification des usages, principalement du transport.
On parle très souvent des bornes accessibles au public qui sont des maillons importants mais minoritaires de l'infrastructure à déployer. En effet, l'essentiel de l'équipement se fait en milieu privé, puisque 88 % des personnes de notre panel d'enquête ont indiqué qu'elles rechargent leur véhicule presque exclusivement à domicile.
Nous estimons qu'au printemps 2022, le nombre de points de charge - publics ou à domicile - a dépassé le million dans notre pays.
Les principaux enjeux de l'équipement en infrastructures de recharge concernent le résidentiel collectif, segment identifié de longue date par les pouvoirs publics. La difficulté est liée à la décision, par l'assemblée générale des copropriétaires, d'un investissement qui n'intéressera, au départ, qu'une minorité d'entre eux. Aujourd'hui, un dispositif, qui vient d'être précisé par décret, permet à la copropriété de choisir non seulement une solution privée mais aussi une solution publique préfinancée. Cette dernière permet de réduire à zéro euro le reste à charge pour la copropriété ; par la suite, le financement sera assuré par les seuls copropriétaires qui décident de se raccorder.
Par ailleurs, le second frein important à l'adoption du véhicule électrique est la peur de la « panne sèche ». Pour que les longs trajets puissent se faire sans problème, nous avons mis en place une première phase d'équipement de 400 aires de services d'autoroute, qui arrivera à son terme l'année prochaine. Je précise que la montée en puissance prévue à l'avenir pour ces aires d'autoroute ne nécessitera pas de travaux pharaoniques.
M. Clément Molizon, délégué général de l'Avere-France. - L'Avere-France réunit 230 adhérents : des constructeurs automobiles, des énergéticiens, des installateurs, opérateurs et fabricants de bornes de recharge. Au-delà de notre qualité d'association professionnelle, nous sommes également pilotes et porteurs, depuis 2016, d'un programme de certificats d'économies d'énergie, qui finance des infrastructures de recharge et mène des actions de sensibilisation et d'information auprès du grand public.
Le développement de la mobilité électrique est lié au constat de l'urgence climatique. Cela permet de réduire à la fois les émissions de CO2, les nuisances sonores et la pollution de l'air. La dynamique est enclenchée puisqu'au niveau européen, au cours du deuxième trimestre, près de 10 % des immatriculations ont concerné des véhicules électriques. En France la part de marché de l'électrique, avoisine 17 % des véhicules vendus. Au total, le parc français atteint 995 594 unités, en incluant les véhicules hybrides.
S'agissant du déploiement des bornes de recharge, la dynamique est également forte. Au 30 septembre 2022, on comptait 71 630 points de recharge ouverts au public, soit une augmentation de près de 50 % au cours des douze derniers mois, soit autant qu'entre 2016 et 2020.
Aujourd'hui, en France, 90 % des recharges sont dites « normales », c'est-à-dire d'une puissance inférieure à 22 kilowatts. Toutefois, on observe le développement important - avec un triplement depuis le début de l'année 2022 - de la recharge rapide et ultrarapide, supérieure à 150 kilowatts, en particulier grâce à l'équipement des autoroutes. D'ici la fin de l'année, notre objectif est d'équiper 100 % des aires de services en recharge rapide dans le prolongement du chiffre de 60 % qui a été atteint cet été.
Nous nous sommes par ailleurs livrés à un exercice de prospective afin de quantifier nos besoins à moyen terme : d'après la revue de littérature que nous avons faite, entre 175 000 et 215 000 points de recharge ouverts au public seraient nécessaires à l'horizon 2025, et entre 330 000 et 480 000 à l'horizon 2030. Il faudra y ajouter entre 48 000 et 65 000 points de recharge destinés au transport lourd, camions, bus et utilitaires légers.
Quatre axes principaux doivent être explorés dans les prochaines années pour s'assurer que la mobilité électrique puisse répondre aux enjeux : premièrement, éviter la fracture sociale en accompagnant une réduction des coûts, pour rendre la mobilité électrique accessible au plus grand nombre ; deuxièmement, développer massivement la recharge publique et privée - sachant que 90 % des recharges ont lieu à domicile ou au travail ; troisièmement, informer et sensibiliser les particuliers et les professionnels ; quatrièmement, accélérer l'électrification du transport lourd et de la logistique urbaine, en lien notamment avec le déploiement des zones à faibles émissions mobilité.
Mme Sandrine Bouvier, directeur du programme mobilité électrique Enedis de Stellantis. - L'électrification est probablement la brique la plus importante pour l'avenir du groupe Stellantis et pour la mobilité future de nos clients. C'est un axe majeur de développement durable.
Avec notre plan stratégique « Dare Forward 2030 », nous nous engageons à la neutralité carbone en 2038 avec deux objectifs principaux : une réduction de notre empreinte carbone de 50 % et, surtout, la totalité de nos ventes de véhicules particuliers neufs en 100 % électrique en Europe d'ici à 2030, soit cinq ans avant l'échéance fixée par la Commission européenne. Cet engagement « plein pot » dans l'électromobilité implique une transformation profonde.
La batterie d'un véhicule électrique représente environ 40 % de son prix. C'est la raison pour laquelle nous avons très tôt investi dans des gigafactories, afin de produire ces batteries en France, en Allemagne et en Italie, les investissements afférents s'élevant à plus de 7 milliards d'euros. Grâce à notre joint-venture ACC (Automotive Cells Company), située à Douvrin, dans les Hauts-de-France, nous commencerons la production dès la fin 2023. En cohérence avec notre fort ancrage en France, nous disposerons ainsi d'une gigafactory de technologie française qui fabriquera les cellules nécessaires à la sécurisation de notre chaîne de valeur.
Nos investissements et prévisions d'investissement en matière d'électrification et de softwares s'élèvent à plus de 30 milliards d'euros entre 2021 et 2025. Nous souhaitons par ailleurs sécuriser notre approvisionnement en matériaux critiques ; d'où la conclusion de différents partenariats et, par exemple, l'entrée au capital de l'entreprise Vulcan, qui développe des projets d'extraction en Allemagne et, peut-être, demain, en Alsace.
Au-delà de la mise en oeuvre de notre plan stratégique, notre groupe asseoit son leadership dans la transition énergétique du marché français. Pour preuve, depuis janvier 2022, Stellantis est numéro 1 de l'électrification en France, avec 31 % de parts de marché des véhicules particuliers et utilitaires légers en 100 % électrique et hybrides rechargeables.
Un Français sur cinq, motivé par le coût du carburant et le souhait de faire des économies, se déclare prêt à sauter le pas du véhicule électrique, mais 74 % de nos clients français se disent freinés par l'importance du prix d'achat et l'autonomie limitée. Face aux problèmes d'accessibilité de ces véhicules, de l'accompagnement des clients et de la maîtrise du coût de l'énergie, nous avons lancé, cet été, une offre innovante avec un loyer modéré, de 110 euros par mois, puis une facturation à l'usage pour les clients éligibles à la prime à la conversion. C'est aussi pourquoi une fiscalité avantageuse aide à accélérer cette transition énergétique.
Aux enjeux financiers s'ajoutent les enjeux technologiques. Je citerai l'hybride rechargeable, qui nous semble la technologie de transition parfaite pour transformer les usages, et l'hydrogène, qui alimente nos fourgons électrifiés de taille moyenne. Nous avons déjà lancé des véhicules à pile à combustible pour nos marques Peugeot, Citroën et Opel et lancerons plus de 60 modèles 100 % électrique d'ici à 2030 en Europe.
Je soulignerai enfin l'importance des infrastructures : il faut densifier la couverture du territoire en stations d'hydrogène, couvrir les zones blanches en bornes publiques, continuer à promouvoir la wallbox, qui permet de programmer la recharge rapide aux heures adéquates, et accompagner plus fortement les copropriétés ainsi que les bailleurs sociaux.
Cette électrification est un défi pour Stellantis, mais aussi, plus largement, pour notre pays et pour l'environnement. Stellantis a investi en quatre ans 2 milliards d'euros dans son appareil industriel français pour réaliser cette transformation, avec l'aide des régions et de l'État et l'appui de l'ensemble de ses salariés. Nous devrons, en effet, demain, être capables de commercialiser ces véhicules électriques à des prix comparables à ceux des véhicules thermiques, afin d'offrir à nos clients des solutions de mobilité propres, sûres et abordables.
M. Nicolas Tcheng, chargé d'affaires publiques de Renault. - Je m'inscris dans la parfaite continuité de tout ce qui vient d'être dit.
Renault a déjà dix ans d'expérience dans le véhicule électrique et dispose d'une gamme assez complète, de la citadine aux utilitaires. En 2021, le groupe a présenté un nouveau plan stratégique intitulé « Renaulution », avec l'ambition de faire de Renault, dès 2030, une marque 100 % électrique pour les véhicules particuliers. Sachez que toutes nos marques sont embarquées dans cette dynamique : Alpine, par exemple, va devenir 100 % électrique, et certains véhicules seront produits dans notre usine historique de Dieppe.
Je vais brièvement décliner nos trois axes prioritaires : ancrer en France une production décarbonée de véhicules électriques et la valeur ajoutée associée dans nos territoires ; développer des services innovants de nouvelles mobilités électriques ; améliorer en permanence le bilan environnemental du véhicule électrique, avec un effort particulier dans le recyclage des batteries.
Premier axe : avec Stellantis et les représentants de la filière, la Plateforme automobile (PFA), nous voulons favoriser l'écosystème autour du véhicule électrique. Nous avons ainsi conçu un grand pôle baptisé ElectriCity afin d'y produire tous nos nouveaux véhicules électriques de marque Renault - je citerai la nouvelle R4 et la nouvelle R5, mais aussi la Mégane E-Tech, assemblée à Douai, dont le moteur provient de l'usine de Cléon, près de Rouen, et le châssis de l'usine du Mans. C'est une belle réussite tricolore ! Nous avons annoncé l'implantation dans ce pôle ElectriCity d'une gigafactory en partenariat avec Envision.
Tout ceci implique une reconversion très ambitieuse de nos usines et beaucoup de dialogue social. Nous avons mis en place des campus pour anticiper les besoins en formation, accompagner les transformations des métiers et développer de nouvelles compétences, en partenariat avec la filière et avec les pouvoirs publics. Nous développons également, en Île-de-France, des activités liées à l'hydrogène, via notre coentreprise Hyvia.
Deuxième axe : les services de nouvelles mobilités. Nous avons créé une marque dédiée, Mobilize, qui propose des services de mobilité alternatifs à la possession de véhicules, ce qui accroît le partage et les taux d'utilisation de ces derniers. Un service d'autopartage, Zity, est déjà en libre-service dans les rues de Paris. Ces dispositifs nécessitent de s'adapter aux spécificités de chaque territoire et de travailler au plus près des besoins avec les pouvoirs publics, auxquels nous demandons plus de lisibilité, surtout pour la généralisation des ZFE-m. J'ajoute que la marque Mobilize se déploie aussi dans le domaine de l'énergie : nous accompagnons les particuliers, les entreprises et les collectivités locales pour choisir les solutions de recharge les plus efficaces.
Troisième axe : améliorer en permanence le bilan environnemental des véhicules électriques. Nous y travaillons sur l'ensemble du cycle de vie des produits et le bilan est d'ores et déjà positif. Notre objectif est de réduire de 20 % d'ici à 2024-2025, et de 35 % en 2030, l'empreinte carbone de la batterie de la R5 par rapport à l'actuelle batterie de la Zoe, véhicule électrique historique de Renault. Nos nouvelles batteries sont conçues dès l'origine pour être facilement réparables, réutilisables et recyclées. Nous reconvertissons l'usine de Flins, qui produit actuellement la Zoe, pour l'organiser entièrement vers l'économie circulaire. Nous développons des activités de seconde vie liées aux batteries. Pour avoir été pionniers en matière de véhicules électriques, nous récupérons aujourd'hui des batteries de Zoe vieilles de dix ou quinze ans : peu de constructeurs ont cette chance. Or ces batteries conservent au minimum 75 % de leur capacité de charge, donc une valeur extrêmement importante, après une vie entière dans un véhicule. Nous les réutilisons avant de les recycler, par exemple dans des bateaux électriques ou en faisant du stockage stationnaire. Toujours à Flins, nous développons des activités de réparation et de démantèlement des batteries : nous avons signé des partenariats en ce sens avec de grandes entreprises françaises, notamment Veolia, avec l'objectif, en 2030, de réutiliser 80 % des matériaux des batteries dans une filière de production de nouvelles batteries.
Nous développons donc une gamme de produits et de services destinés à répondre à un maximum d'usages et de situations territoriales. La production de véhicules électriques s'organise également dans une logique d'écosystème. J'insiste sur un point : poussons les entreprises à renouveler leurs flottes car celles-ci permettent, ensuite, la création d'un marché d'occasion pour les particuliers.
M. Olivier David, chef du service climat et efficacité énergétique de la direction générale de l'énergie et du climat du ministère de la transition énergétique. - Mon propos s'inscrira dans le droit fil des interventions précédentes. De nombreux acteurs, gestionnaires de réseau, constructeurs, collectivités, sont mobilisés pour le développement de la filière du véhicule électrique. L'enjeu est important, puisqu'il y va de l'atteinte de nos objectifs climatiques. La neutralité carbone en 2050 implique la fin de l'utilisation des énergies fossiles, en particulier de l'essence et du diesel, aujourd'hui utilisés majoritairement dans les véhicules.
On observe un très fort développement du véhicule électrique : au mois de septembre, plus de 15 % des immatriculations en France relèvent de l'électrique pur ; chaque mois, le nombre de véhicules électriques neufs immatriculés augmente par rapport à l'année précédente, alors même que l'on constate une baisse globale du nombre de véhicules immatriculés.
Le droit de l'UE est un facteur majeur de cette évolution. Un règlement européen oblige les constructeurs automobiles à des objectifs contraignants d'émission des véhicules neufs. Le nouveau règlement en cours de discussion, adopté par le Conseil et par le Parlement, fait actuellement l'objet d'un trilogue : il prévoit la fin du véhicule thermique en 2035.
Pour accompagner ce développement, l'État met en oeuvre une série de dispositifs d'aide, à commencer par les aides à l'achat d'un véhicule électrique, bonus et prime à la conversion.
Le bonus est ouvert à tous les ménages sans conditions de revenus. Il s'élève à 6 000 euros pour l'achat d'un véhicule dont le prix est inférieur à 47 000 euros, à 2 000 euros pour l'achat d'un véhicule dont le prix est situé entre 47 000 et 60 000 euros. Ce dispositif rencontre un franc succès : plus de 170 000 bonus ont été versés en 2021, déjà 150 000 en 2022.
La prime à la conversion consiste dans le versement d'une aide supplémentaire pour la mise au rebut d'un véhicule ancien, Crit'Air 5, 4 ou 3. L'objectif est d'accélérer le renouvellement du parc roulant. Ce dispositif a aussi une vocation sociale : si tous les ménages sont éligibles à une prime à la conversion de 2 500 euros pour l'achat d'un véhicule électrique, la prime monte à 5 000 euros pour les ménages des deux premiers déciles et pour les gros rouleurs. Là encore, le succès est au rendez-vous : depuis son lancement en 2018, près de 850 000 primes à la conversion ont été distribuées. Le projet de loi de finances pour 2023 prévoit d'allouer 1,3 milliard d'euros à ces dispositifs d'aide à l'achat.
Il existe aussi un prêt à taux zéro destiné aux ménages les plus modestes, mesure figurant dans la loi « Climat et résilience » et qui entrera en vigueur en janvier 2023. Vous avez voulu que cette disposition s'applique pour une durée expérimentale de deux ans ; le décret d'application couvre toutes les possibilités ouvertes par la loi : il sera ouvert à tous les ménages modestes habitant et travaillant dans une zone à faibles émissions. Je citerai, pour compléter ce tableau, un dispositif de microcrédit réservé aux ménages précaires et un crédit d'impôt concernant l'acquisition et la pose d'un système de charge pour véhicule électrique, égal à 75 % du montant des dépenses et limité à 300 euros.
Un mot du soutien aux bornes, qui s'organise autour de trois grandes priorités : le développement des bornes ouvertes au public, via le programme de certificats d'économie d'énergie Advenir, celui des bornes en copropriété, et enfin le déploiement d'un réseau de bornes de recharge rapide sur le réseau routier national - les crédits du plan de relance ont permis d'équiper toutes les aires de services de bornes de ce type, pour un budget total de 200 millions d'euros, et le plan France 2030 consacre 300 millions d'euros à la poursuite de cet effort.
M. Olivier Jacquin. - Je poserai cinq questions.
Premièrement, quid du « couperet » de 2035 et de la fin du thermique, sachant qu'avec les technologies électriques actuelles il n'existe pas de solution permettant une autonomie acceptable et satisfaisante ? La seule option consiste à fabriquer des véhicules très lourds, ce qui est une aberration absolue si l'on se réfère aux lois de la physique et au fameux E=mc2... Une start-up a même imaginé des chariots avec batterie additionnelle pour les trajets autoroutiers ! N'aurait-il pas mieux valu, tout en donnant une forte priorité à l'électrique, préserver un peu de thermique pour certains usages ? Un bouquet de solutions incluant le biogaz ou l'hydrogène vert - je souligne qu'il s'agit d'hydrogène fabriqué avec des énergies renouvelables - aurait pu être plus efficace que ce couperet.
Deuxièmement, mes chers collègues, je vous invite à lire l'excellente interview, publiée dans Le Parisien, des PDG de Stellantis et de Renault. Une réponse de Carlos Tavares sur la question du bilan carbone et du poids des véhicules m'a en particulier intéressé : lorsqu'il était jeune ingénieur, raconte-t-il, les voitures du segment B pesaient 800 kilogrammes ; aujourd'hui, les mêmes voitures pèsent 1,6 tonne ! S'est-on posé la question de savoir si l'écorce terrestre était capable de fournir 800 kilogrammes de plus par véhicule ? J'évoquerai à ce propos une visite que j'ai faite récemment à l'École des mines de Nancy : un chercheur m'a présenté un dispositif pédagogique numérique développé à l'attention du monde politique, des chercheurs et des citoyens. Il vise à faciliter la prise de décision pour optimiser la sélection des produits en tenant compte de la rareté des métaux stratégiques utilisables pour la fabrication des batteries.
Troisièmement, je souhaite que nous fassions un point sur la task force sur la transition énergétique du transport de marchandises, trop souvent oubliée dans les débats.
Quatrièmement, je souhaite également interpeller les constructeurs quant au poids des véhicules. On assiste au développement de scooters électriques, de vélos hybrides - qui utilisent l'énergie musculaire - ou de microvéhicules électriques nommés « intermédiaires » par le chercheur Frédéric Héran. Or aucun des grands constructeurs ne semble vouloir aller dans ce sens, tant le modèle économique du SUV, lourd par définition, est profitable.
Cinquièmement, si le leasing social est mis en oeuvre de façon à permettre à de nombreux ménages modestes de changer de motorisation, cela entraînera une forte hausse de la demande. Comment comptez-vous y répondre ? Il est évident qu'il ne sera pas possible de faire acheter des SUV électriques à 100 euros par mois...
M. Philippe Tabarot. - Je commencerai par poser une question à l'ensemble des intervenants. Nous nous sommes dotés d'un objectif ambitieux de développement des véhicules électriques ; c'est un défi pour vos filières, qui suppose de se réinventer et de développer de nouveaux approvisionnements et réseaux de distribution. L'Europe et la France ont fixé des objectifs dans un contexte différent de la situation actuelle. Nous devons désormais faire face à d'importantes hausses du coût de l'électricité, à des craintes de pénuries et à de fortes tensions concernant certains matériaux comme les semi-conducteurs. Eu égard à ces difficultés, l'objectif de fin de vente des véhicules thermiques vous paraît-il toujours pouvoir être atteint ? Faut-il faire ou non évoluer cette trajectoire ? Je souhaite que vous puissiez répondre sans détour à ces interrogations.
J'adresserai ensuite à M. David une question plus spécifique sur l'aide à l'acquisition des véhicules électriques : l'an dernier, nous nous avions lutté - et je pèse mes mots - pour conserver dans le projet de loi « Climat et résilience » la disposition portant création d'un prêt à taux zéro pour l'achat d'un véhicule propre. Cette disposition s'appliquera pendant deux ans, ce qui nous paraissait déjà insuffisant au moment de la réunion de la commission mixte paritaire sur ce texte, et le plafond de ressources choisi pour pouvoir en bénéficier nous semble toujours inadapté. À l'époque, le Gouvernement s'était opposé à cette proposition, tout comme la majorité à l'Assemblée nationale, mais nous avions obtenu gain de cause. Certains députés souhaitent maintenant étendre le champ de ce prêt à taux zéro avec le soutien du Gouvernement. Nous ne pouvons que nous réjouir de cette volte-face : les temps changent !
Sur le leasing social, avez-vous des précisions à nous communiquer ? En effet, depuis l'annonce du Gouvernement, personne n'a pu nous dire comment le dispositif allait fonctionner, à qui il doit bénéficier et s'il répond aux besoins de nos concitoyens.
M. Olivier David. - Le règlement européen, dans sa version en cours de discussion, prévoit la fin de la vente des véhicules thermiques en 2035, et je précise que les véhicules à hydrogène sont inclus dans la liste des véhicules à zéro émission. À l'heure actuelle, tel que le règlement est rédigé, ce sont les émissions instantanées à l'échappement qui sont prises en compte, mais il nous semble que la perspective d'une production de carburants à zéro émission nette - c'est-à-dire sur l'ensemble du cycle du produit - du type biocarburants ou carburants verts, devrait aussi être prise en considération. Dans cette perspective, la France s'est battue, au Conseil, pour que ce règlement soit assorti d'une clause de revoyure, et l'a obtenue pour 2026. La Commission devra donc faire des propositions en vue d'un élargissement du champ des véhicules qui pourraient être utilisés après 2035.
La Task force automobile est le groupe réunissant l'ensemble de la filière au sein de Mobilians et l'État dans le cadre du contrat stratégique de filière prévu jusqu'à fin 2022. Des réflexions sont en cours pour l'élaboration d'un nouveau contrat.
Le leasing social est évidemment un sujet compliqué. Il fait l'objet de très nombreux travaux au sein de l'État, mais aussi avec l'ensemble des parties prenantes, notamment les constructeurs automobiles et les loueurs, l'objectif étant d'ouvrir l'accès à un véhicule électrique pour moins de 100 euros par mois aux Français les plus modestes. Le dispositif est en cours de calage, avec un gros point d'attention pour l'État, à savoir que 100 % de ces véhicules doivent être fabriqués en France. Il s'agit d'éviter que le leasing social contribue à accélérer l'importation de véhicules électriques en provenance de Chine.
Mme Sandrine Bouvier. - La question a été posée de la fin de la motorisation thermique et du diesel. Notre président a longtemps plaidé pour que le choix des technologies ne soit pas imposé aux constructeurs. Néanmoins, la réglementation européenne nous place aujourd'hui dans une trajectoire 100 % électrique et nous serons au rendez-vous de cette réglementation. Avec une technologie comme l'hybride rechargeable, nous aidons à faire cette transition en permettant de combiner l'accès aux ZFE-m et la possibilité d'effectuer des trajets routiers plus longs en cas de nécessité.
Quant aux solutions alternatives, nous continuons d'innover et d'explorer, notamment en équipant des véhicules électriques de piles à combustible pour en faire des véhicules à hydrogène légers, avec une recharge (« refuel ») beaucoup plus rapide que la recharge électrique.
Enfin, pour évoquer des problématiques très urbaines, Citroën a mis au point un petit véhicule urbain appelé Ami, qui rencontre un véritable succès. Par ailleurs, la marque Peugeot a lancé des vélos et des scooters électriques. Nous considérons donc que le besoin vient du client et que nos productions de mobilité légères doivent répondre à leur demande.
M. Nicolas Tcheng. - Je rejoins tout à fait ce qui a été dit : nous prenons acte de ce qui a été voté pour 2035. M. Jacquin a soulevé la question de l'autonomie et c'est un sujet qui peut être abordé de plusieurs façons. On peut effectivement empiler et alourdir les batteries mais tout notre effort porte plutôt sur l'amélioration de la charge rapide. La nouvelle Mégane, par exemple, permet jusqu'à 470 kilomètres d'autonomie et, avec une charge rapide, elle peut satisfaire la plupart des usages. Par ailleurs, les batteries coûtent cher, y compris pour l'usager. Le poids du véhicule est également un enjeu majeur, comme vous l'indiquez, et ce paramètre est systématiquement pris en compte par les constructeurs automobiles, car il a un impact direct sur la consommation d'un véhicule thermique et sur l'autonomie d'un véhicule électrique. Je rappelle aussi que l'augmentation du poids des véhicules est un sujet complexe : il n'est pas seulement imputable aux batteries, mais aussi à de nombreux éléments comme les dispositifs de dépollution ou ceux qui sont imposés par des normes de sécurité routière ; on peut également mentionner le système avancé d'aide à la conduite (ADAS), etc.
Comme Sandrine Bouvier l'a souligné, nous développons des petits véhicules et Renault a été assez novateur dans ce domaine avec la « Twizy ». Nous construirons d'autres véhicules de ce type et ce n'est donc pas un segment que nous abandonnons, bien au contraire, puisque Renault a aussi une Twingo électrique et développera bientôt une R5 à un prix abordable.
Vous avez également évoqué le transport des marchandises. Nous examinons très attentivement ce sujet, en particulier dans nos approvisionnements - « supply chain » - pour décarboner nos moyens de production. Depuis 2015, Renault a ainsi diminué de 15 % ses émissions de CO2 liées au transport de marchandises. Notre objectif est de porter ce chiffre à au moins 30 % d'ici 2030.
M. Clément Molizon. - S'agissant de l'autonomie des véhicules, je rappelle qu'en moyenne, les Français parcourent 30 kilomètres par jour mais il faut aussi prévoir les déplacements de plus longue distance, notamment lors des départs en vacances. Aujourd'hui, 60 % des modèles de véhicule ont une autonomie de plus de 300 kilomètres. Le déploiement de la recharge rapide sur les grands axes routiers facilitera les pauses toutes les deux heures pour recharger son véhicule et en même temps se conformer aux préconisations de la sécurité routière.
Le transport routier de marchandises est effectivement un enjeu majeur puisqu'en Europe, les camions représentent 2 % des véhicules mais 22 % des émissions de CO2. Une task force s'est réunie à de nombreuses reprises au cours des deux dernières années, avec, en matière de décarbonation, une feuille de route prévue par l'article 301 de la loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets. Plusieurs groupes de travail poursuivent leurs délibérations sur les différents segments : mobilité, transport de marchandises, transport de voyageurs, utilitaires légers, engins. Un groupe de travail a également été créé afin d'identifier la disponibilité de chaque énergie, l'idée étant de s'assurer que nous puissions effectivement répondre aux enjeux de la mobilité lourde et identifier les besoins à l'horizon de 2025.
La question des minerais est essentielle. Le rapport Varin de janvier 2022 sur la sécurisation de l'approvisionnement en matières premières minérales est très instructif. Je vous invite également à consulter le numéro 26 de la revue Géosciences du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), qui traite de ces questions. Il est important de ne pas passer d'une dépendance à l'autre. C'est pourquoi les constructeurs développent des solutions sur le territoire français pour s'assurer que le traitement des minerais non disponibles en Europe - même s'il existe certains gisements qui pourraient y être exploités - ne se fasse plus à l'étranger et pour capter sur nos territoires plus de valeur ajoutée.
Par ailleurs, aujourd'hui, les batteries ont une durée de vie de dix à quinze ans, avec une seconde vie de même durée pour le stockage. Pour l'instant, il y a peu de batteries à recycler puisque les flottes de véhicules électriques sont récentes, mais le recyclage permettra de réutiliser leurs composantes en minerais.
M. Éric Gold. - Ma question s'adresse à M. David. La loi d'orientation des mobilités prévoit la possibilité pour les collectivités locales et les intercommunalités de réaliser des schémas directeurs de développement des stations de recharge pour véhicules électriques, en lien avec les acteurs de la mobilité du territoire. Ce dispositif leur donne un rôle de chef d'orchestre du développement de l'offre de la recharge afin d'aboutir à une offre coordonnée entre les maîtres d'ouvrage publics et privés. Ces schémas permettent-ils réellement un déploiement homogène sur le territoire des infrastructures de recharge ?
Une autre difficulté concerne les secteurs sauvegardés ou protégés. Je pense aux exigences architecturales qui ne sont pas toujours compatibles avec les nécessités techniques liées à l'implantation des bornes. Il est difficilement envisageable de cacher une borne pour respecter les prescriptions architecturales, le risque étant que celle-ci ne soit pas identifiable par l'utilisateur. Les panneaux signalétiques et les marquages au sol sont également remis en cause dans les périmètres architecturaux. Au niveau administratif, la déclaration préalable apparaît ainsi comme une contrainte non négligeable. Ne faudrait-il pas faciliter les démarches d'installation pour favoriser un maillage cohérent sur l'ensemble du territoire ?
M. Jean-Michel Houllegatte. - J'ai participé le mois dernier à l'inauguration du plus grand site français de points de recharge pour les voitures électriques, avec 500 bornes installées par une filiale d'EDF, Izivia, sur le parking des salariés du centre nucléaire de production d'électricité de Flamanville, dans la Manche. On ne peut que se féliciter du développement du réseau de bornes de recharge. Néanmoins, afin d'équilibrer les appels de puissance, un système de « foisonnement » se met en place, si bien que les propriétaires de véhicules n'ont plus, d'une certaine façon, la main sur le planning de recharge.
Je rebondis également sur les propos de Jean-Philippe Bonnet et de Pierre de Firmas : les véhicules électriques, en particulier avec les smart grids, vont devenir des réservoirs énergétiques en réinjectant sur le réseau la charge résiduelle en période de pointe pour recharger en heures creuses. Je ne conteste pas le bien-fondé de cette démarche, mais cela nous fait basculer dans un autre monde. J'en veux pour preuve l'arrêté ministériel du 22 septembre dernier, qui fait beaucoup parler de lui et donne pouvoir aux gestionnaires des réseaux publics de distribution d'électricité de désactiver la charge des ballons d'eau chaude pendant la période de onze heures à quinze heures trente, et ce sans concertation. Le lissage risque de se faire de façon arbitraire, par le biais des technologies numériques. Quels dispositifs d'information, d'association ou d'appropriation avez-vous prévus pour accompagner ces propriétaires de véhicules électriques qui vont contribuer au lissage et réinjecter sur le réseau le surplus de charge lorsqu'ils seront rentrés le soir à leur domicile ?
M. Joël Bigot. - On assiste effectivement à un très fort développement du véhicule électrique. À l'heure de la planification écologique, pouvez-vous nous préciser le rôle de l'État dans le déploiement équilibré des bornes de recharge sur l'ensemble du territoire ? C'est un vrai enjeu en Centre-Val de Loire ou en Pays de la Loire que je connais bien. Cette dernière région ne compte que 86 points de recharge pour 100 000 habitants, ce qui est très en deçà de la moyenne nationale. Comment assurez-vous une répartition équilibrée du réseau sur l'ensemble du territoire ? Portez-vous une attention particulière aux territoires peu denses afin de garantir l'égalité territoriale et un maillage intelligent ?
À l'heure actuelle, c'est un véritable stress pour recharger son véhicule électrique ; lorsque l'on dépasse une certaine distance, on ne connaît pas les limites du voyage.
Par ailleurs, les constructeurs ont beaucoup parlé de recyclage des batteries et d'économie circulaire, mais je ne vous ai pas entendu parler de « rétrofit ». Dans un contexte de pénurie de métaux annoncé par M. Jancovici, il pourrait s'agir d'une initiative intéressante. Est-ce toujours d'actualité ?
M. Guillaume Chevrollier. - Les propos des intervenants traduisent une situation du véhicule électrique plutôt satisfaisante, même si les coûts d'acquisition restent élevés malgré les dispositifs mis en place. Avez-vous des propositions pour améliorer les ventes et permettre une baisse des coûts de production ? Les aides sont-elles suffisantes ? Sont-elles bien ciblées ?
S'agissant des minerais, les Chinois sont aujourd'hui leaders en matière de production de véhicules électriques et fabriquent les trois quarts des batteries lithium-ion. Ils contrôlent plus de la moitié des capacités de transformation et de raffinage du lithium, du cobalt et du graphite. Selon l'Agence internationale de l'énergie, les besoins en lithium sont importants et la situation sera critique dans les prochaines années. Quelle est la stratégie européenne ou française sur ce sujet ? Pouvez-vous également nous dire un mot des recherches concernant les batteries produites sans lithium et sans cobalt ? Les gigafactories françaises sont-elles mobilisées sur cette question ?
M. Jacques Fernique. - Le secteur industriel des constructeurs et des équipementiers a déjà perdu beaucoup d'emplois - avec une diminution de 40 % dans le Grand Est depuis 2007. Il semble établi que la production de voitures électriques est nettement moins intensive en emplois que la production de véhicules thermiques. L'an dernier, un rapport important de la CFDT et de la Fondation pour la nature et l'homme a conclu que seule la transition accélérée en France permettrait de maintenir durablement les savoir-faire, les productions, donc les emplois. Ses auteurs en appellent à un grand dialogue social, industriel et sociétal pour construire un scénario positif, à l'image de nos voisins allemands. Comment pensez-vous réussir cette transition de l'électromobilité tout en évitant les trop lourds impacts sociaux en termes d'emplois ?
Mme Angèle Préville. - Je suis élue du Lot, un département très rural. Je signale qu'à l'occasion du congrès des maires qui s'est tenu au Palais des congrès de Cahors vendredi dernier, plusieurs élus ont eu du mal à recharger leur véhicule électrique. La recherche d'une prise de branchement a été pour eux un stress important. Comment assurer un maillage correct et équitable des bornes sur le territoire ? Il ne s'agit pas seulement des habitants des territoires ruraux, car beaucoup d'entre eux rechargent leur véhicule exclusivement à leur domicile mais aussi, par exemple, des citadins qui partent en vacances. La mobilité ne sera assurée que s'il y a des bornes partout où on en a besoin.
Par ailleurs, les maires ont témoigné que le coût de la recharge est très variable d'une borne à l'autre : le prix d'une recharge peut même être supérieur au coût d'un plein d'essence classique ! Dans ces conditions, compte tenu de leur prix d'achat élevé au départ, comment développer le recours aux véhicules électriques pour diminuer les gaz à effet de serre ?
M. Didier Mandelli. - Ma question porte sur l'amont et sur l'origine de l'énergie utilisée - je pense aux énergies renouvelables. Le projet de loi relatif à l'accélération de la production d'énergies renouvelables vient d'être déposé sur le Bureau du Sénat. Dans la mesure où 88 % des utilisateurs sont en résidence individuelle, ne pourrait-on imaginer une offre globale - un « package » associant constructeurs et installateurs de bornes - lors de l'acquisition d'un véhicule électrique qui favoriserait l'autoconsommation d'énergies renouvelables ? C'est peut-être une piste que nous pourrions explorer dans ce texte. L'autoconsommation est un élément important qui pourrait constituer une réponse aux futurs besoins du réseau.
M. Olivier David. - De nombreuses collectivités se sont saisies de la possibilité offerte par les schémas directeurs d'installation des infrastructures de recharge. La majorité des schémas sont réalisés au niveau départemental, grâce à un appui très fort des autorités organisatrices de la distribution d'énergie (AODE). Beaucoup de schémas sont en cours d'élaboration ; six seulement sont approuvés mais d'ici la fin de l'année, plus de la moitié d'entre eux seront validés.
L'État s'est engagé à mettre en place un maillage extrêmement resserré de bornes de recharge rapide sur le réseau routier national. Cela concerne les autoroutes, mais aussi les voies rapides non concédées. Il existe également un dispositif d'aides au niveau local, qui finance actuellement 30 % de la borne. On est dans une dynamique de développement simultané des véhicules électriques et des bornes. Il faudra bien entendu repérer les zones blanches et prévoir un système d'aides spécifiques pour pouvoir les couvrir. Toutefois, globalement, nous assistons à un développement très fort des bornes sur l'ensemble du territoire, en milieu urbain mais aussi en milieu rural.
M. Pierre de Firmas. - Je propose de compléter les réponses sur le schéma directeur relatif aux infrastructures de recharge de véhicule électrique (IRVE). Le gestionnaire de réseau est un acteur important dans l'établissement de ces schémas, que nous accompagnons. Ce qui est intéressant dans cette démarche, c'est qu'elle permet de partager les scénarios de développement de la mobilité électrique avec les collectivités. Nous y intégrons aussi l'initiative privée - je pense ici aux plans de déploiement sur les parkings d'hypermarchés, etc. En effet, c'est aussi une composante très importante pour parvenir à un maillage harmonieux sur l'ensemble du territoire. Il y a, certes, des zones blanches, mais, dans l'ensemble, le mouvement est très bien parti.
Une incitation a été mise en place en faveur du schéma directeur : les coûts de raccordement au réseau des bornes de recharge installées dans ce cadre sont pris en charge à hauteur de 75 %.
M. Houllegatte a évoqué les smart grids. Cette possibilité de pilotage de l'énergie est effectivement une caractéristique très intéressante de la mobilité électrique. Mais, pour relativiser le cas du ballon d'eau chaude qui a été cité, ce n'est pas parce qu'il est pilotable que le réseau de distribution doit en assurer la conduite. Vous avez cité un arrêté récent, mais il s'agit de circonstances tout à fait particulières. En tout état de cause, le vehicle-to-grid (V2G), qui désigne le caractère bilatéral de la connexion d'un véhicule électrique avec la possibilité de réinjecter de l'énergie dans le réseau, s'inscrit dans un avenir un peu plus lointain. Certains véhicules sont déjà compatibles et des expérimentations se font ici et là, mais nous n'en sommes pas encore à l'industrialisation de ce procédé.
M. Jean-François Longeot, président. - Pour compléter votre propos, nous avons procédé, dans mon département, en partenariat avec le syndicat d'énergie et la région, au maillage territorial. Le prix de la recharge dépend du syndicat d'énergie et ces derniers ont donc un rôle important à jouer car il ne faudrait pas que les tarifs excèdent ceux d'un plein d'essence.
M. Jean-Philippe Bonnet. - Je note que vous avez mis sur le même plan la possibilité pour un véhicule de réinjecter de l'électricité dans le réseau et celle de déconnecter le signal heures creuses sur les chauffe-eaux cet hiver. Bien sûr, ce sont deux mécanismes qui permettent d'agir sur la demande. Pour autant, je signale que les deux logiques sont totalement différentes. En ce qui concerne les chauffe-eaux, il s'agit de valoriser la flexibilité : il y a un gain collectif à pouvoir lisser les appels de puissance. En ce qui concerne les véhicules, l'idée est de rémunérer les propriétaires pour le service rendu. Nul n'imagine sérieusement de le faire sans l'accord du propriétaire : ce serait purement et simplement du vol !
Nous souhaitons développer cette possibilité, qui permet à des propriétaires de retirer de la valeur de leur voiture en stationnement, s'ils estiment cela compatible avec l'usage qu'ils en font. À l'inverse, couper les chauffe-eaux relève des mesures d'urgence, dans une situation de crise énergétique : cela serait mis en oeuvre en cas de véritable nécessité.
On met en balance, d'un côté, la restriction temporaire et surmontable d'un usage limité à l'eau chaude et, de l'autre, la coupure totale d'électricité qui serait préjudiciable à un certain nombre d'usagers.
M. Clément Molizon. - Nous rejoignons vos propos sur la nécessité d'assurer un maillage du territoire aussi homogène que possible, et de répondre aux besoins des habitants, des travailleurs ainsi que des touristes. J'apporterai cependant deux nuances.
Premièrement, il ne faut pas considérer le seul nombre de points de recharge, mais aussi prendre en compte la puissance installée. Ainsi, la Bourgogne-Franche-Comté compte quatre fois moins de points de recharge que la région la mieux dotée, à savoir l'Île-de-France ; cependant, en puissance installée, cela ne représente qu'une différence d'un à deux. Cela s'explique par le fait qu'en Île-de-France, de nombreux points de recharge lents ont été installés pour répondre aux besoins spécifiques de personnes qui n'ont pas de place de stationnement à domicile.
Deuxièmement, dans les territoires ruraux, la part de maisons individuelles est plus importante et, par conséquent, les capacités de recharge sont plus grandes. Depuis dix ans, nous réunissons dans le cadre d'un cercle des collectivités électromobiles, avec une bonne partie des syndicats d'énergie des communes et métropoles : ces acteurs de terrain souhaitent développer des recharges rapides, notamment à des endroits stratégiques comme les lieux touristiques, plutôt que des nouveaux points de recharge. Tel est l'intérêt des schémas directeurs : donner une vision locale du déploiement de la recharge.
À propos du défaut de borne de recharge au Palais des congrès de Cahors que vous avez mentionné, vos élus trouveront à mon avis une solution d'ici à 2025. En effet, la loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d'orientation des mobilités prévoit à cette date l'équipement des parcs et des bâtiments non résidentiels. D'ici là, les centres commerciaux, notamment, ont prévu des déploiements importants.
Je vous sais très attentifs aux besoins des territoires et tous nous font remonter, en lien avec les schémas directeurs, la difficulté à intégrer les opérateurs privés. Par « opérateurs privés », j'entends des acteurs tels que les centres commerciaux et supermarchés. Si ces derniers mettent en place un nombre important de bornes, l'intérêt pour la puissance publique locale d'en déployer à proximité est bien entendu limité. Organiser un tel dialogue reste cependant difficile et les syndicats d'énergie souhaitent avancer sur ce sujet.
Concernant l'emploi, nous avons partiellement participé aux travaux de la Fondation pour la nature et l'homme et de la CFDT. Les besoins seront importants en installateurs de bornes de recharge. D'autres métiers, au-delà du secteur automobile, vont être nécessaires. Il faudrait s'interroger le plus tôt possible sur la mise en oeuvre de moyens permettant d'assurer formations et reconversions.
Pour revenir sur la question du coût, les cartes sont rebattues à l'heure actuelle en raison de l'inflation et des difficultés d'approvisionnement. En dehors de cette conjoncture, il était estimé que l'équité prix serait atteinte autour de 2027 entre les véhicules électriques et thermiques. Des études comme celles de l'UFC - Que Choisir montrent que l'électrique est déjà plus rentable que le thermique après trois à quatre ans d'utilisation, grâce au coût de l'énergie. Le problème actuel est que les opérateurs de recharge, notamment publics, voient leurs coûts de fourniture triplés. Certains ont des contrats qui n'arriveront à échéance que l'an prochain, d'autres y sont confrontés dès à présent. On anticipe, du fait de cette crise conjoncturelle, une augmentation des coûts sur certains réseaux de 20 % à 50 %. Cela ne remet pas en cause la mobilité électrique sur le long terme ni sa rentabilité : la recharge à domicile coûte 2 euros pour cent kilomètres, contre 12 euros pour le thermique. Quand bien même cet écart demeure important, nous vous invitons à réfléchir à un accompagnement des opérateurs, en particulier des bornes de recharge publiques et de copropriété, qui ne bénéficient pas du bouclier tarifaire.
M. Nicolas Tcheng. - L'usine de Flins est entièrement dédiée à prolonger la durée de vie des véhicules et de leurs composants. Cela comprend la réparation des batteries, leur démantèlement, des activités de seconde vie... Dans le cadre de ces activités, déjà opérationnelles, le rétrofit de véhicules est en projet.
Je signale qu'il est compliqué d'être rentable sur le rétrofit de véhicules particuliers : quelque soient les efforts consentis, cela coûte extrêmement cher et il est peu rentable de transformer un véhicule assez ancien qui a perdu de sa valeur. Il est par conséquent opportun de cibler certains véhicules, par exemple des utilitaires spécialement aménagés, et en particulier ceux qui rencontrent des difficultés à accéder à des zones à faibles émissions mobilité. Pensons aux artisans disposant d'un camion transformé de manière onéreuse, comme les camions frigorifiques : nous pourrions ainsi les électrifier.
Sur le thème de l'emploi, la production d'un moteur électrique n'a effectivement rien à voir avec celle d'un moteur thermique : les compétences sont totalement différentes. L'enjeu, énorme, est donc celui de la reformation de nos salariés, pour laquelle Renault a lancé le dispositif ReKnow University, et, au-delà, de nos partenaires. Il est prévu d'atteindre les 10 000 reformations d'ici à 2024 et 2 600 ont déjà été réalisées, grâce aux campus sur nos usines, notamment à Flins.
Un des sujets majeurs pour créer à nouveau de l'emploi est de ne pas en rester à l'assemblage des véhicules en France, mais d'y localiser la valeur ajoutée. À cet égard, le véhicule électrique représente de nombreux gisements de création de nouvelles filières : électronique de puissance, batteries... Cela relève de la haute technologie et nous souhaitons développer ces métiers de pointe autour de nos usines.
Mme Sandrine Bouvier. - Je mentionnerai nos diverses actions pour abaisser le coût des véhicules. Ainsi, nous déployons des offres innovantes sur des petits véhicules comme la Peugeot e-208 ou l'Opel Corsa-e, pour aider nos clients à entrer dans cet univers. Nous proposons également au client, par exemple avec la Fiat 500 électrique, de choisir le format de leur batterie en fonction de leur besoins et d'arbitrer entre le poids et l'autonomie qu'ils souhaitent.
Le coût de la recharge est élevé dans certains cas ponctuels, comme sur l'autoroute. Il ne faut pas oublier que cela existait déjà avec le thermique : un plein sur autoroute a toujours été plus coûteux. Nous tâchons d'accompagner nos clients pour qu'ils disposent d'une solution de recharge adapté et notre coentreprise qui s'appelle « Free2Move eSolutions » et qui leur propose un accès à l'ensemble des bornes en leur permettant de choisir une solution conforme à leur besoin. S'ils ne sont pas pressés, ils peuvent choisir une solution peu coûteuse ; ils peuvent sinon se tourner vers une option plus chère, selon l'urgence de leur déplacement.
Quant aux énergies renouvelables, nous disposons de 22 hectares de panneaux photovoltaïques à Sochaux, qui nous permettent d'alimenter 10 % des besoins de l'agglomération : ils attestent de l'engagement de notre groupe dans le verdissement.
M. Hervé Gillé. - Aujourd'hui, les constructeurs produisent moins de véhicules et gagnent plus d'argent : cela traduit une montée en gamme, qui génère des plus-values plus importantes. La production de véhicules d'entrée de gamme suscite cependant l'inquiétude : des petits modèles urbains, thermiques, ont été abandonnés. Que pouvez-vous nous dire du développement de petits véhicules électriques urbains, notamment de modèles ne nécessitant pas de permis de conduire, comme les voiturettes ?
Par ailleurs, comment la planification est-elle à l'heure actuelle inscrite dans les schémas directeurs comme les schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (Sraddet) ? Comment la cristalliser et la traduire en une politique de ressources et de besoins au niveau des schémas de cohérence territoriale (SCoT) ? La réflexion en matière de planification territoriale est-elle partagée par les collectivités ? Existe-t-il une vision commune quant à la montée en puissance de l'électrique, qui nécessite un renforcement des réseaux, lequel est à la charge des collectivités ? Pourriez-vous également développer la problématique du « stockage tampon » ?
Enfin, il existe différentes catégories de bornes et d'abonnements, ce qui soulève, du fait de la multiplicité des fournisseurs, un problème de portabilité financière : il est difficile de passer d'un abonnement à un autre, et, sans abonnement, les tarifs sont moins intéressants. Pourriez-vous nous en dire davantage sur ce point ?
Mme Marta de Cidrac. - En tant que sénatrice des Yvelines, je m'intéresse particulièrement aux implantations de Stellantis et Renault, mais j'élargirai ici mes interrogations aux outre-mer.
Le marché de la voiture électrique représente environ 16 % des ventes : ce chiffre est encore faible, mais le développement sera exponentiel, avec le basculement vers le tout-électrique d'ici à 2035 en Europe. Aussi, il me semble important d'aborder le problème des déchets, en particulier dans nos territoires ultramarins. Leurs contraintes sont les mêmes que sur le continent européen au niveau de l'exportation de ces déchets, mais aussi de la recyclabilité - ne serait-ce que de la batterie -, qui n'est pas prise en charge localement. Il suffit de penser au poids environnemental de ces déchets à La Réunion. Au-delà des discours, quelle masse critique peut-on atteindre dans ces territoires ?
Stellantis et Renault développent-ils une réflexion au sujet de ces territoires ultramarins ?
Quelle est, monsieur David, la stratégie du Gouvernement concernant ces régions ultrapériphériques ?
M. Cyril Pellevat. - Je souhaite mettre en garde contre les risques qui pèsent sur notre tissu industriel du fait de la montée en puissance des voitures électriques, en particulier sur le décolletage, pratiqué majoritairement par des entreprises situées dans la vallée de l'Arve, dans mon département de la Haute-Savoie. Selon une étude, sollicitée par la plateforme automobile et réalisée par le cabinet Alix Partners, les industries de l'automobile perdront, en quelques années, 15 % à 30 % de leur effectif de production, ce qui représente, dans le scénario le plus pessimiste, jusqu'à 90 000 emplois. La transition vers l'électrique permettra dans le même temps d'en créer entre 8 000 et 11 000, à condition de former les salariés et de monter en compétence. La plateforme automobile s'inquiète du sort de certaines filières, dont le décolletage, l'emboutissage et la fonderie, qui sont des métiers dépendant fortement du marché automobile. Je rappelle que les voitures électriques nécessitent huit fois moins de pièces de décolleté qu'une voiture thermique. La contribution des fournisseurs français à la fabrication d'éléments et de pièces de motorisation pourrait ainsi diminuer de plus de 10 %, le risque étant de délocaliser les productions dans des pays aux coûts plus compétitifs.
Un plan de diversification, bienvenu, à destination du secteur du décolletage a été mis en place l'année dernière par le ministère de l'économie : il faudra résolument poursuivre l'accompagnement tant de la filière que de la recherche et développement des entreprises du secteur afin de poursuivre la diversification.
La DGEC inclut-elle ces considérations dans ses travaux en matière de développement des véhicules électriques ? Travaille-t-elle de concert avec le ministère de l'économie à ce sujet ?
Mme Nicole Bonnefoy. - Je souhaite d'abord mettre en avant les problèmes de raccordement au réseau dans mon département, la Charente, où de nombreux chantiers de panneaux photovoltaïques sont à l'arrêt à cause de transformateurs déclarés saturés par Enedis. J'ai encore reçu ce matin un courrier en provenance d'un porteur de projet de centrale photovoltaïque : les projets éoliens étant prioritaires, la durée de raccordement au réseau pour une telle centrale facile à mettre en place est de... sept à dix ans ! La colère gronde au sein de ces territoires qui produisent des énergies renouvelables sans obtenir la capacité de se raccorder dans des délais corrects.
Ensuite, que pensent les constructeurs de l'avis tranché de Jean-Marc Jancovici, lequel estime que nos ressources en métaux, comme le nickel, ne suffiront pas à convertir l'ensemble du parc automobile ? De plus, au regard de notre dépendance aux métaux rares, la filière automobile française aura-t-elle les moyens de lutter contre la concurrence chinoise qui s'apparente à un véritable dumping social et environnemental ?
Enfin, les constructeurs s'attaquent-ils à la lutte contre l'émission de microparticules issues de l'usure des pneus ? Une étude récente démontre en effet que les pneus émettent 1 850 fois plus de particules que l'échappement, ce que nous soulignions avec Rémy Pointereau dans le rapport d'information intitulé Transport de marchandises face aux impératifs environnementaux.
Mme Martine Filleul. - Avec ma collègue Christine Herzog, j'ai rédigé un rapport d'information relatif à la logistique urbaine durable, au nom de notre commission. Les personnes que nous avons alors rencontrées nous ont signalé l'impossibilité, à court et à moyen terme, de se procurer des véhicules propres dans la catégorie des véhicules lourds. Dans quels délais aboutiront les groupes de travail chargés de se pencher sur ce problème ? La difficulté à construire des batteries adaptées à ces véhicules se confirme-t-elle ?
M. Fabien Genet. - Une part de plus en plus importante de nos concitoyens souhaite participer à la transition écologique et énergétique, même s'ils émettent des doutes face à l'avancée à marche forcée au niveau européen, au moment même où il est difficile de garantir l'approvisionnement en électricité et des coûts acceptables.
Je reviens, en tant qu'ancien président du syndicat départemental d'énergie de Saône-et-Loire, sur les réseaux de bornes de recharge : pouvez-vous nous préciser les efforts réalisés en direction de l'habitat collectif ? Pouvez-vous nous en dire davantage sur les plateformes, afin que chaque usager puisse savoir quelle est la borne la plus proche ?
Nous attendons toujours les opérateurs privés, censés fournir une offre de recharge au niveau national : on nous avait garanti leur déploiement lorsque, il y a quelques années, nous avions envisagé de déployer des bornes de recharge dans mon département. Si le privé renonce à s'engager, doit-on s'inquiéter de l'équilibre économique d'ensemble ?
Développez-vous une réflexion sur la possibilité de disposer de batteries additionnelles, par exemple lorsqu'il s'agit de partir en vacances ?
Du fait de la mécanique simplifiée de la voiture électrique, quelles sont les conséquences envisagées sur le réseau des garagistes et sur les coûts de réparation ?
M. Louis-Jean de Nicolaÿ. - La Commission européenne envisage d'interdire le plomb. Or d'après nos auditions, 80 % du plomb est utilisé par les batteries des véhicules électriques : pourrait-il être remplacé ?
Je reste assez pessimiste sur la trajectoire qui nous conduit à l'obligation totale de rouler en voiture électrique et presque rassuré de savoir que je serai mort d'ici là ... (murmures de sympathie).
Mme Laurence Muller-Bronn. - Le développement des voitures électriques se fonde sur l'extraction de métaux rares comme le lithium tandis que nos idéologies liées à la transition mettent en avant nos responsabilités accrues. Or le lithium contamine les cours d'eau, tout comme l'air, et son acheminement se fait grâce à des supertankers en provenance de pays lointains, ce qui accroît notre dépendance. Il faut noter que des recherches de ce minerai sont déployées en France, notamment en Alsace, dans le Bas-Rhin, où je suis élue.
Pour extraire une tonne de lithium, sachez qu'il faut 6 millions de litres d'eau, ce qui correspond, pour un kilo de lithium, à 6 000 litres d'eau. Pour arriver aux 3 800 tonnes par an, à terme, il nous faudra donc un peu plus de 23 milliards de litres d'eau... Pourtant, la question de l'eau sera rapidement un problème environnemental majeur. Quel est donc, de ce point de vue, l'intérêt de vouloir passer au tout-électrique ? S'agit-il réellement d'une protection de l'environnement, alors que la décarbonation issue du fonctionnement des véhicules ne sera pas suffisante pour compenser les nuisances provenant des méthodes d'extraction et de transport ?
M. Olivier David. - Un mot sur les territoires ultramarins, qui sont une priorité dans le cadre du développement du véhicule électrique, avec des problématiques spécifiques à chaque territoire. Des réflexions sont conduites dans le cadre de l'élaboration conjointe par l'État et les collectivités des programmations pluriannuelles de l'énergie.
Dans ces territoires, le véhicule électrique peut jouer un rôle extrêmement important, en raison de l'absence de déplacements de très grande distance. Il existe des dispositifs d'aide spécifiques, en particulier des bonus à l'achat plus élevés pour tenir compte du coût plus important des véhicules. Un travail important est mené avec EDF-SEI (Systèmes énergétiques insulaires) pour essayer d'intégrer le véhicule électrique dans ces réseaux de petite taille.
En ce qui concerne la logistique urbaine, nous avons largement évoqué les voitures électriques, mais se développent également les véhicules utilitaires légers (VUL) et les poids lourds électriques. Au Salon de Hanovre, les constructeurs ont présenté des poids lourds électriques qui couvrent l'ensemble de la gamme, y compris des camions de plus de 44 tonnes qui ne sont pas autorisés en France. La mobilité électrique n'est donc pas nécessairement réservée aux voitures. En France, un système d'appel à projets a été mis en place pour soutenir le développement des poids lourds électriques, qui nécessitent des bornes particulières, situées en général sur le réseau de transport, avec de fortes puissances. Le segment des poids lourds électriques est en phase de décollage : le décalage par rapport aux véhicules est d'environ cinq à dix ans.
M. Jean-Philippe Bonnet. - Mon collègue d'Enedis a évoqué le fait que des bornes étaient installées chez des particuliers sans augmentation de puissance. Dans la région Nouvelle-Aquitaine, la préfète a demandé à Enedis et RTE de préparer le réseau à accueillir 14 gigawatts de puissance - l'équivalent de 16 réacteurs nucléaires - d'énergies renouvelables à un horizon de dix ans, ce qui nécessite des investissements importants.
Je note que le problème n'est pas la durée des travaux puisqu'il suffira de 18 mois à deux ans pour construire un nouveau poste source avec Enedis. L'objectif fixé par la préfète doit, en revanche, être traduit dans un schéma : deux années sont nécessaires pour mener la concertation préalable ainsi que l'évaluation environnementale et faire valider le schéma. On pourrait croire que les projets inscrits dans ce schéma sont ensuite dispensés de toute procédure : ce n'est pas le cas, car il faut refaire une concertation publique et une évaluation environnementale pour chacun des projets. On estime que des projets de poste source ou de ligne à haute tension nécessitent cinq ans de procédures et deux ans de travaux, ce qui nous conduit à une durée totale de sept ans. Il est donc important de ne pas sous-estimer la lourdeur de conception des infrastructures et la longueur des procédures.
Pour finir sur une note plus positive, sur la question du stockage tampon, je voudrais signaler un projet très intéressant développé dans les Hautes-Alpes par un syndicat d'énergie accompagné financièrement par RTE. Il consiste à coupler une station de recharge de véhicules électriques de trois ou quatre bornes avec une ombrière solaire et un stockage tampon réalisé à partir de batteries de seconde vie, ce qui permet de tirer profit de nombreuses configurations. Quand il y a du soleil, on peut alimenter directement les voitures ; en l'absence de voiture à recharger, l'électricité est stockée ; aux heures pleines, au lieu de tirer sur le réseau, les batteries servent à recharger les véhicules qui ont besoin d'électricité.
Ce type d'expérimentation me semble intéressant à généraliser chez les particuliers.
M. Pierre de Firmas. - Je reprends à mon compte de nombreux propos tenus par M. Bonnet.
Le cas de la Charente est heureusement très particulier. Les demandes de raccordement soulèvent des difficultés d'adaptation du réseau, lesquelles sont sans doute dues à un manque d'anticipation.
Le développement des énergies renouvelables conduit à une véritable révolution de la structure même du réseau. Nous disposons de 2 300 postes sources, à l'interface du réseau de transport et du réseau de distribution. À l'horizon 2050, 60 à 70 % de ces postes seront dimensionnés non plus en fonction de la demande d'énergie, comme cela a toujours été le cas, mais de leur capacité à absorber l'injection des productions locales. Cette capacité d'absorption doit ensuite « remonter » au niveau du réseau de transport, ce qui nécessite parfois de lourds travaux d'adaptation des réseaux à tous les niveaux de tension.
Sur l'autoconsommation, on voit bien l'intérêt de coupler et de synchroniser la recharge d'un véhicule électrique avec la production d'énergie renouvelable au moment où elle se matérialise. L'usage d'ombrières entre midi et 14 heures sur les parkings d'entreprise permet par exemple de recharger des véhicules électriques.
Le résidentiel collectif est un véritable enjeu : aujourd'hui, environ 2 % des copropriétés sont équipées en infrastructures de recharge. Diverses solutions sont disponibles, ce qui est une bonne nouvelle : nous espérons qu'elles permettront de débloquer le problème de l'équipement. La copropriété peut confier l'installation à un opérateur privé, ou elle peut confier au gestionnaire du réseau public de distribution le soin de prolonger celui-ci dans le parking privé. Des possibilités de préfinancement existent : ne pas avoir à assurer un financement immédiat (up front) devrait - en tout cas, nous l'espérons - complètement changer la donne.
M. Clément Molizon. - La portabilité financière, que nous appelons l'interopérabilité, consiste à permettre le rechargement lors d'un déplacement, avec passage d'un réseau à un autre. Deux modalités sont offertes au client : soit une recharge à l'acte, par carte bleue ou plus souvent avec un QR code et une application ; soit une recharge par le biais de la carte d'un opérateur de mobilité, qui permet d'être reconnu de réseau en réseau.
Cette interopérabilité est obligatoire en France depuis janvier 2017. Cette obligation n'a pas encore pu être totalement respectée car près de 15 000 points de recharge, sur les 70 000 en activité aujourd'hui, avaient été installés avant cette date. Le programme de financement Advenir doit permettre de moderniser ces points de recharge afin d'assurer l'interopérabilité. Rappelons que les syndicats d'énergie avaient déployé de façon précoce des réseaux de recharge afin de rassurer les premiers utilisateurs, notamment en bénéficiant du programme d'investissements d'avenir (PIA) de l'Ademe jusqu'en 2016.
S'agissant des véhicules utilisés pour la logistique, je rejoins les propos d'Olivier David : les constructeurs de poids lourds ont presque tous aujourd'hui des stratégies d'électrification de leur gamme, avec des perspectives de ventes de 50 % de leurs modèles en électrique d'ici à 2030. Cela concerne non seulement les petits poids lourds, mais également des véhicules qui permettront d'avoir une autonomie de 500 kilomètres et d'être rechargeables en 45 minutes, ce qui permettra de couvrir le fret sur de plus longues distances.
Pour l'habitat collectif, les observations du représentant d'Enedis sont également pertinentes. Les habitants des immeubles collectifs, qui bénéficient d'un droit à la prise, doivent pouvoir recharger leurs véhicules mais, surtout dans les copropriétés de 10 à 20 places, il faut absolument réfléchir et prévoir des déploiements importants afin de s'assurer de la bonne adéquation avec le système électrique. Pour réaliser ces équipements, il faudra fixer des obligations pour ces bâtiments et dresser un calendrier. Des incitations sont prévues : le programme Advenir couvre 50 % des coûts, et il existe des dispositifs de préfinancement, d'accompagnement des opérateurs privés, ou d'achat de l'infrastructure.
En ce qui concerne les plateformes, différentes applications permettent de savoir où se situent les bornes de recharge et de prévoir un trajet en fonction du modèle du véhicule, de la puissance au départ et de celle souhaitée à l'arrivée. Je ne pense pas qu'il y ait une volonté de mettre en place un monopole en la matière ; les applications développées par les constructeurs et autres acteurs fonctionnent très bien.
Enfin, sur les réseaux privés, les syndicats d'énergie ont déployé de façon précoce des réseaux de recharge. Aujourd'hui, énormément d'acteurs privés sont présents dans ce secteur, en particulier sur les autoroutes ou à proximité ainsi que sur les parkings de centres commerciaux. L'essentiel des 38 000 points de recharge installés depuis l'an dernier l'ont d'ailleurs été par des réseaux privés - les collectivités étaient impliquées dans la préparation des schémas directeurs et déploieront des points de recharge l'année prochaine.
Mme Sandrine Bouvier. - En complément, je rappelle que dans le cadre d'un partenariat sous forme de joint venture, Stellantis a lancé le projet Atlante pour développer des bornes de recharge rapides, des ombrelles photovoltaïque et des solutions de stockage.
En ce qui concerne le lithium, sa récupération et son recyclage consomment moins d'eau que son extraction : c'est une piste pour l'avenir. Nous avons moins d'expérience que Renault sur le recyclage, mais cette voie est très importante pour le groupe Stellantis. Nous explorons notamment la piste du lithium géothermal à bas carbone avec notre partenaire Vulcan.
Par ailleurs, il est exact de dire que le poids de nos véhicules s'est accru ces dernières années. La rentabilité de notre entreprise nous a permis, en contrepartie, de consentir des investissements de grande ampleur dans les territoires, de financer la transformation de nos sites industriels ainsi que la recherche et le développement vers la transition énergétique, et de chercher des solutions durables.
Pour autant, le groupe Stellantis n'abandonne pas la production de petits véhicules. En témoignent la voiture sans permis Ami dont le prix est inférieur à 20 euros par mois, et la Fiat 500 qui est leader du segment A et rencontre un grand succès car elle correspond à une véritable demande de nos concitoyens.
Enfin, la diminution du coût de l'entretien des véhicules est une bonne nouvelle pour les consommateurs : elle contribue à faire diminuer ce que nous appelons le total cost of ownership (TCO), qui rend le véhicule électrique financièrement plus intéressant pour nos clients.
M. Nicolas Tcheng. - Dans les outre-mer, les deux constructeurs Renault et Stellantis, qui sont très présents, ont financé les filières de récupération des véhicules hors d'usage même si, pour l'instant, il y a encore peu de véhicules électriques en fin de vie dans ces territoires.
Néanmoins, nous rencontrons des difficultés car les batteries étant considérées comme des déchets, nous ne parvenons pas à les rapatrier en France pour les recycler. Je vous propose de travailler sur ce sujet pour nous aider à débloquer la situation et à améliorer cette filière.
Un mot sur le recyclage du lithium : le sujet est fondamental et nous permettra de réduire notre dépendance à l'égard des pays étrangers.
Enfin, Renault développera également des petits véhicules mais je veux surtout souligner que la montée en gamme est essentielle pour notre industrie : le nouveau plan stratégique de Renault se résume par la formule : « du volume à la valeur ». Nous sommes conscients de l'empreinte écologique de notre industrie et du fait que la traditionnelle production de masse de véhicules n'est sans doute plus un modèle d'avenir. Nos efforts consisteront donc à rénover nos véhicules, améliorer leur durabilité, développer des services d'autopartage et monter en gamme. De nombreux intervenants se sont interrogés sur la filière automobile française et le postulat fondamental est que pour mieux partager la valeur ajoutée, il faut en créer. C'est en montant en gamme que nous y parviendrons et que nous serons moins concurrencés sur le segment des voitures qui viennent de très loin.
Mme Nicole Bonnefoy. - Vous n'avez pas répondu à ma question sur la pollution aux microparticules liée au freinage ou à l'abrasion des pneumatiques.
M. Nicolas Tcheng. - Je ne suis pas un spécialiste du sujet, mais il me semble que cette question est liée au poids des véhicules. Or les véhicules électriques sont plus lourds, ce qui entraîne davantage d'émissions de particules lors du freinage.
Nous prenons en compte cette question, et nous essayons de développer des modules de freinage qui émettront moins de particules fines. Néanmoins, il faut rappeler que l'on constate une amélioration par rapport au thermique puisque le moteur électrique permet de freiner en récupérant de l'énergie
Je vous transmettrai des précisions écrites sur ce sujet.
Mme Laurence Muller-Bronn. - Je souhaiterais également avoir une réponse à ma question sur le bilan de l'extraction des métaux rares, et notamment du lithium, qui pollue les sols, l'air et les eaux.
Partant de ce constat, je peine à trouver dans le véhicule électrique la solution adéquate à la problématique globale de la transition écologique et de la décarbonation.
Mme Sandrine Bouvier. - Madame Bonnefoy, nous vous communiquerons également des données concernant le lithium.
S'agissant du bilan économique et environnemental d'ensemble de la filière du véhicule électrique, notre président lui-même n'a pas manqué de soulever des interrogations. Je rappelle que nous nous sommes lancés dans la transition énergétique pour des raisons réglementaires et, comme les autres acteurs, nous n'avons pas la réponse permettant de prendre en compte toutes les données sous-jacentes.
M. Pierre de Firmas. - Je ne suis pas un spécialiste de l'extraction du lithium et des dommages à l'environnement qu'elle pourrait occasionner, mais l'urgence climatique se traduit par la nécessité absolue d'atteindre la neutralité carbone en 2050 : sur ce point, le véhicule électrique a un avantage incontestable sur le véhicule thermique. Sur le fond, la transition vers l'électrique ne fait pas débat, surtout dans un pays comme le nôtre où le mix énergétique est déjà très décarboné. Néanmoins, il reste vrai que cette industrie utilise des procédés polluants.
M. Nicolas Tcheng. - Je précise qu'il y a plusieurs façons d'extraire le lithium. Mme Bouvier a cité Vulcan et il existe différents projets pour essayer d'extraire le lithium de la façon la plus décarbonée possible.
Ces procédés sont pris en compte dans nos trois priorités : sécuriser nos approvisionnements de lithium, sécuriser les prix et extraire ce métal de la façon la plus responsable possible.
J'ajoute que le bilan CO2 du véhicule électrique est sans aucun doute positif. En France, un véhicule électrique permet de diminuer les émissions de 80 % sur l'ensemble du cycle de vie, y compris la production de la batterie.
Le recyclage est fondamental pour limiter le bilan environnemental de l'extraction : c'est la raison pour laquelle nous y travaillons avec autant d'acharnement, s'agissant en particulier du lithium.
M. Jean-François Longeot, président. - Merci de votre participation à cette table ronde.
De nombreux défis subsistent, en matière d'extraction de matériaux, de recyclage des batteries, d'économie circulaire... Les véhicules électriques émettent certes beaucoup moins d'émissions de gaz à effet de serre, mais soulèvent de nouvelles interrogations sur leur mode de production.
Nous devons également réfléchir à la façon d'accompagner les personnes qui devront changer de véhicule pour accéder aux zones à faibles émissions mobilité - une question sur laquelle Philippe Tabarot avait fait une proposition et sur laquelle nous avons eu une longue et difficile commission mixte paritaire lors de la discussion de la loi « Climat et résilience ».
Nous nous sommes fixé des objectifs en matière d'émissions de gaz à effet de serre et, à présent, chacun d'entre nous doit essayer de trouver les meilleures solutions d'y parvenir.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible -''' en ligne sur le site du Sénat.
Projet de loi de finances pour 2023 - Demande de saisine pour avis et désignation de rapporteurs pour avis
M. Jean-François Longeot, président. - Nous devons désigner nos rapporteurs pour avis sur le projet de loi de finances pour 2023.
Le Bureau de la commission qui s'est réuni le 21 septembre dernier, a reconduit, d'une part, la répartition des avis budgétaires entre les groupes de la majorité sénatoriale et les deux groupes d'opposition numériquement les plus nombreux et, d'autre part, le périmètre d'examen de nos avis, sur la base de neuf avis budgétaires, qui seront à nouveau regroupés en quatre tomes thématiques.
La discussion budgétaire devrait débuter au Sénat le 17 novembre prochain pour la première partie et, sous toutes réserves, à partir du 24 novembre pour les crédits inscrits en seconde partie.
En conséquence, je vous propose que la commission se saisisse pour avis sur la première partie du projet de loi de finances pour 2023 pour les dispositions thématiques qui entrent dans son champ de compétences, ainsi que sur les crédits des missions « Cohésion des territoires », « Direction de l'action du Gouvernement », « Écologie, développement et mobilité durables », « Économie », « Plan de relance », « Recherche et enseignement supérieur » et « Relations avec les collectivités territoriales » et, le cas échéant, sur les articles non rattachés de la seconde partie dans la mesure où seraient concernés des sujets sur lesquels la commission serait compétente.
Si vous en êtes d'accord, seraient donc désignés rapporteurs pour avis pour l'examen du projet de loi de finances pour 2023 sur les crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » : un trio de rapporteurs thématiques sur les transports, M. Philippe Tabarot, pour analyser les crédits des transports ferroviaires, fluviaux et maritimes, Mme Évelyne Perrot, pour nous livrer son analyse sur les crédits alloués aux transports aériens, et M. Olivier Jacquin, pour les transports routiers ; sur la thématique de la prévention des risques, M. Pascal Martin ; sur la thématique de la biodiversité, M. Guillaume Chevrollier, pour l'analyse des crédits alloués au paysage, à l'eau et la biodiversité et à l'expertise en matière de développement durable et à la météorologie ; et sur le thème de l'efficacité énergétique, M. François Calvet, pour la transition énergétique et le climat.
Seraient en outre désignés rapporteurs pour avis : sur les crédits de la mission « Cohésion des territoires », M. Louis-Jean de Nicolaÿ, pour ce qui concerne les politiques des territoires ; sur les crédits de la mission « Économie », M. Jean-Michel Houllegatte, pour ce qui concerne l'aménagement numérique du territoire ; et sur les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur », M. Frédéric Marchand, pour ce qui concerne la recherche dans le domaine de l'énergie, du développement et de la mobilité durables.
Par ailleurs, je vous indique que les crédits de la mission « Plan de relance », de même que les articles de la première partie et de la seconde partie (articles non rattachés) du projet de loi de finances pour 2023 feront l'objet, comme ce fut le cas l'année dernière, d'un examen thématique traité par chacun des rapporteurs.
Enfin, je vous propose - en tant que de besoin, si les débats à l'Assemblée nationale le rendaient nécessaire - de nous réserver la possibilité d'une saisine pour avis complémentaire de toute mission sur laquelle il serait indispensable que notre commission porte une appréciation, dès lors que certains crédits entrent dans notre champ d'analyse et d'expertise.
Il en est ainsi décidé.
La réunion est close à 12 h 55.
La réunion est ouverte à 16 h 30.
Audition de M. Clément Beaune, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports
M. Jean-François Longeot, président. - Nous avons le plaisir de recevoir pour la première fois le ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports, pour échanger sur les priorités du nouveau Gouvernement en matière de transport, à l'aube de ce quinquennat.
Nous avons appris la semaine dernière le départ - certains ont parlé de « débarquement » - de Luc Lallemand de ses fonctions de président-directeur général de SNCF Réseau. Si le communiqué de presse du ministère de l'économie préfère plus sobrement évoquer « une nouvelle étape dans la feuille de route de SNCF Réseau », cette situation ne fait que renforcer nos inquiétudes quant aux insuffisances du contrat de performance entre SNCF Réseau et l'État qui, dans sa version actuelle, ne permettra tout simplement pas de concrétiser nos objectifs de développement du ferroviaire. Pourriez-vous nous préciser, monsieur le ministre, si cette nouvelle feuille de route sera adossée à des moyens supplémentaires pour le gestionnaire d'infrastructure ?
Au-delà du seul transport ferroviaire, quelles sont les priorités de votre ministère en ce début de quinquennat ? Les investissements nécessaires en matière d'infrastructures sont colossaux, le Conseil d'orientation des infrastructures (COI) évoquant d'ailleurs un « mur d'investissements » de 200 milliards d'euros pour les dix prochaines années. Dans ce contexte, seriez-vous favorable, soit à réviser la trajectoire de la loi d'orientation des mobilités (LOM) - nous arrivons bientôt au terme de la première tranche de dépenses (2019-2023) - soit, comme l'a évoqué Jean-Pierre Farandou devant notre commission en réponse à une question de notre collègue Olivier Jacquin, à travailler à l'élaboration d'une loi de programmation des infrastructures ?
Le transport aérien, qui a connu d'importantes difficultés cet été, est confronté au défi de sa transition écologique. L'Agence de la transition écologique (Ademe) a publié la semaine dernière un rapport présentant trois scénarios décarbonation. Parmi les cinq leviers identifiés, le recours aux carburants durables est une piste privilégiée. Pourriez-vous nous dire où en est le projet de développement d'une filière française de production et comment surmonter la concurrence des usages de ces carburants ?
Si nous saluons l'augmentation des moyens affectés au programme consacré aux infrastructures et services de transport dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2023, nous souhaiterions obtenir des précisions quant à leur affectation. Pourriez-vous nous éclairer sur ce point et nous indiquer les principales orientations de ce budget pour les différents modes de transport ?
Par ailleurs, pourriez-vous nous en dire plus sur les modalités précises du nouveau dispositif de « leasing social », dont l'objectif est de rendre accessible la location de véhicules électriques. Notre table ronde de ce matin a révélé que des obstacles demeuraient à un déploiement à grande échelle de ces véhicules. Quelles sont vos pistes de réflexion en la matière ?
Enfin, où en sont les travaux de la task force relative à la transition énergétique du transport routier de marchandises, dont nous attendions initialement les résultats à l'été 2021 ?
M. Clément Beaune, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports. - La question des mobilités est une préoccupation importante du prochain budget, au carrefour de nombreux débats actuels : pouvoir d'achat, sobriété, économie d'énergie et, sur le long terme, transition énergétique, les transports représentant 30 % des émissions de gaz à effet de serre de notre pays et à peu près autant en termes de consommation d'énergie. Il s'agit d'un défi, mais aussi d'une chance, puisque ce secteur est un des vecteurs de nos efforts de sobriété aujourd'hui, mais surtout de nos transformations en matière de transition écologique demain.
Sur l'orientation générale des politiques publiques en matière de transport, je porterai trois grandes priorités dont le projet de loi de finances est un premier reflet. La première est la modernisation et de la régénération de notre réseau ferré. Le transport ferroviaire est la colonne vertébrale de la mobilité verte et son socle est le réseau. Nous avons parfois tendance à ne pas voir les difficultés ou, à l'inverse, à sous-estimer nos investissements collectifs. Si nous n'avons pas à rougir en la matière, par rapport à nos voisins européens, nous avons une difficulté spécifique : l'âge de notre réseau. Un réinvestissement important a eu lieu ces dernières années, de moins de 2,5 milliards d'euros par an, nous sommes passés à un contrat de performance de 2,9 milliards d'euros par an sur les dix prochaines années. Il s'agit d'un changement majeur, quand on sait qu'il y a quinze ans, nous n'investissions que 1 milliard d'euros par an dans notre réseau ferré. Nous sommes donc en train de rattraper notre retard, même si, sans doute, nous devons aller encore plus loin et plus vite. Cette évolution est en partie retracée dans le budget de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afitf), qui sera voté en fin d'année.
S'agissant de SNCF Réseau, ce qui compte, au-delà de la question des personnes, est celle des moyens et de leur mobilisation. Cela étant, il était important d'ouvrir un nouveau chapitre. M. Luc Lallemand a mené un effort de rétablissement financier très important. Au moment où nous devons réinvestir encore davantage, déployer le contrat de performance et mettre en place une nouvelle programmation, il était souhaitable, dans la relation avec les régions notamment, de donner une nouvelle impulsion à la tête de SNCF Réseau. M. Chabanel, qui sera sans doute bientôt désigné formellement président, est un des meilleurs connaisseurs de notre réseau ferré.
Notre deuxième axe porte sur les transports du quotidien, qui recouvrent des réalités territoriales diverses et qui ne sont pas réservés aux grandes agglomérations et aux grandes villes. Il faut assumer, en revanche, que nos priorités devront varier selon la nature du territoire et les besoins de mobilité. Dans les grandes agglomérations, les transports publics, ferrés en particulier, sont évidemment prioritaires. Un certain nombre de lignes - en particulier les lignes d'équilibre du territoire comme Paris-Clermont-Ferrand ou Paris-Orléans-Limoges-Toulouse (Polt) - sont aussi, d'une certaine façon, des transports du quotidien. Elles représentent des liaisons économiquement vitales que nous devons rénover.
Dans les zones plus rurales et enclavées où une offre de transports publics similaire à celle des grandes agglomérations n'est pas envisageable, nous devons aussi assumer que la voiture fasse partie des solutions. En France, 85 % des déplacements se font par la route, pour les loisirs comme pour le travail. Cette réalité ne disparaîtra pas d'un coup de baguette magique. Nous ne devons pas cibler la voiture en tant que telle, mais la voiture individuelle et polluante, ce qui implique le passage au véhicule électrique.
À cet égard, le dispositif de leasing social, dont les premiers crédits sont bien prévus dans le PLF, et les dispositifs existants qu'il complète - prime à la conversion, bonus-malus - sont essentiels pour favoriser la démocratisation du véhicule électrique, notamment dans les zones rurales. J'aimerais que l'on change cette perception selon laquelle le véhicule électrique serait une solution réservée aux privilégiés et aux centres-villes. Il doit être à l'avenir une solution essentielle pour les ménages modestes et dans les zones rurales qui ne disposent pas de transports publics suffisamment denses.
J'insiste par ailleurs sur la priorité transversale de la décarbonation. Cette préoccupation doit « irriguer » tous nos modes de transport. Elle implique certes des changements d'usage et le report modal, notamment de la voiture individuelle et polluante vers des modes de transport plus propres chaque fois que possible, mais il y a aussi, au sein de ces modes - l'automobile ou l'aviation par exemple -, un potentiel de décarbonation.
Décarboner, ce n'est pas éliminer des modes de transport, c'est aussi verdir des modes de transport qui, aujourd'hui, contribuent à nos émissions de gaz à effet de serre. Nous n'allons à l'évidence supprimer ni la voiture ni l'avion - j'y tiens, en tant que membre d'un Gouvernement qui porte une politique industrielle -, mais nous devons changer nos usages, verdir notre industrie et nos appareils et établir des règles internationales et européennes qui poussent à la décarbonation. J'insiste : tous les modes de transport contribuent à la décarbonation, même si le report vers le ferroviaire est une des solutions clés à notre nécessité de transition écologique.
J'en viens aux chiffrages. Vous le savez, il n'est pas facile de restituer l'effort budgétaire global en matière de transport, s'agissant d'une compétence partagée. L'effort de l'État lui-même n'est pas retracé dans le seul programme budgétaire 203 consacré aux transports. Cet effort d'ensemble est évalué à 12 milliards d'euros dans le PLF pour 2023. Il s'agit d'une augmentation importante de 15 % par rapport à 2022. Sur ces 12 milliards d'euros, plus de la moitié sont alloués aux transports ferroviaires et collectifs. De plus, dans le programme 203, les trois quarts des crédits sont consacrés au ferroviaire, notamment au financement des ressources du réseau. Pour être complet, il faut ajouter à ces 4,1 milliards d'euros du programme 203 les 3,8 milliards d'euros prévus dans le budget de l'Afitf. Par rapport à la trajectoire prévue par la loi d'orientation des mobilités, la Première ministre a bien voulu accorder dans ce PLF une augmentation de 150 millions d'euros en crédits de paiement, dont la première action sera un complément de financement pour la modernisation du réseau ferroviaire, au-delà du contrat de performance.
Il faut encore ajouter à cet effort près de 1 milliard d'euros alloués à la Société du Grand Paris pour des infrastructures de transport en Île-de-France, 250 millions d'euros consacrés, au-delà des ressources budgétaires, à Voies navigables de France, un budget de l'aviation civile qui atteint 800 millions d'euros, principalement pour le contrôle et la sécurité aériens, et un effort de 500 millions d'euros qui se poursuit, notamment à travers le Conseil pour la recherche aéronautique civile (Corac), pour financer la recherche et l'innovation. Citons également les 400 millions d'euros d'avances consenties au projet Charles-de-Gaulle Express.
Il faut ajouter enfin 1,3 milliard d'euros pour les moyens consacrés au verdissement du parc automobile, qui regroupent le bonus-malus, la prime à la conversion et les premiers crédits qui seront déployés en 2023 au titre du dispositif de leasing social, dont les paramètres ne sont pas encore arrêtés.
Vous m'interrogez ensuite sur l'horizon de déploiement d'une filière de production de carburants propres dans le domaine de l'aviation. Pour avoir une filière, il faut un signal clair montrant la réalité du besoin et de la demande. Nous savons aujourd'hui que le faible développement des carburants durables d'aviation (CAD ou SAF en anglais) s'explique par une production insuffisante en amont. En réalité, nos avionneurs sont capables d'atteindre des taux d'incorporation très élevés et les compagnies aériennes n'y sont pas opposées, même si les coûts sont plus importants, parce qu'elles en voient bien la nécessité.
À l'échelle européenne, nous discutons d'un texte intitulé Refuel EU Aviation, qui fixera pour 2025, 2030 et au-delà, des cibles d'incorporation communes à tous les États européens et à tous les aéroports. Nous devrons sans doute revoir à la hausse les cibles qui seront fixées - probablement 6 % pour 2030 - afin de donner aux producteurs un signal sans lequel ils ne se lanceront pas dans un effort industriel et massif de production. En tout état de cause, le reste de la filière est prêt, qu'il s'agisse des avionneurs comme des aéroports, qui sont disposés à déployer les infrastructures nécessaires à ces carburants.
S'agissant enfin de l'actualisation de la programmation, le Conseil d'orientation des infrastructures (COI), dont font partie madame et messieurs les sénateurs Herzog, Tabarot et Dagbert, rendra un rapport, probablement avant le début du mois de décembre, qui servira de base à la définition d'une nouvelle programmation pluriannuelle. Nous aurons besoin à l'évidence d'une actualisation de la programmation. Le Gouvernement n'a pas encore arrêté sa position quant à la forme - nouvelle loi d'orientation ou pas - qu'elle pourrait prendre.
Le rapport du COI enclenchera aussi le travail très attendu sur le volet mobilité de la nouvelle génération de contrats de plan État-Région (CPER). Nous devons sans tarder ouvrir les négociations qui déboucheront, je l'espère, sur une signature au plus tard à la fin du premier semestre 2023. En attendant, il n'y aura pas d'année « blanche ». Les projets engagés seront maintenus et les financements des CPER en 2023 ne seront jamais inférieurs au niveau qui a été programmé et exécuté en 2022. Nous avons en effet besoin de donner une visibilité satisfaisante à nos partenaires, en particulier aux régions.
M. Philippe Tabarot. - Nous sommes nombreux à demander des moyens supplémentaires pour nos infrastructures, notamment ferroviaires, face au sous-investissement chronique qui va encore s'accroître, si vous ne revoyez pas le contrat de performance signé avec SNCF Réseau au moment de l'élection présidentielle. Dans le même temps, l'Italie annonce 120 milliards d'euros d'investissements et l'Allemagne 86 milliards en dix ans. Vous aurez beau changer de président de SNCF Réseau chaque année, si vous ne lui donnez pas les moyens supplémentaires pour régénérer et moderniser notre réseau, rien ne changera.
Je reconnais que l'exercice est difficile, mais nous aimerions comprendre les montants supplémentaires que vous parvenez à dégager dans le projet de loi de finances en faveur des infrastructures ferroviaires. S'il vous plaît, ne nous répondez pas seulement, comme à l'Assemblée nationale, que vous attendez les travaux du Conseil d'orientation des infrastructures pour livrer votre analyse. Vous connaissez très bien les priorités de SNCF Réseau. Vous savez très bien qu'il faut des investissements pour éviter la fermeture des 9 000 kilomètres de petites lignes sur notre territoire, pour remédier aux ralentissements sur près de 5 000 kilomètres ou encore pour mettre en place le système européen de gestion du trafic ferroviaire (ERTMS), de préférence avant la Lituanie afin d'éviter de porter le bonnet d'âne européen. Le mur d'investissement est effectivement devant nous et si nous tergiversons, nous allons le prendre de plein fouet.
Enfin, sur la question du financement des transports, je souhaite savoir quel Clément Beaune s'adresse à nous. Est-ce celui qui a dit aux régions de France, à Vichy, qu'il allait partager avec elles le versement mobilité (VM) ou celui qui, à Lyon devant le Groupement des autorités responsables de transport (GART), a affirmé aux autorités organisatrices de mobilité que le VM était sanctuarisé à leur profit ?
M. Olivier Jacquin. - Je souscris aux propos de Philippe Tabarot sur le contrat de performance.
Sur France information, le 23 septembre dernier, vous disiez refuser la hausse des tarifs des péages au niveau de l'inflation proposée par les autoroutiers, sur la base des contrats de concession, préférant une option à seulement 5 %. Pouvez-vous nous dire où en sont les négociations et quels sont les termes précis du débat ? Cette moindre hausse se fera-t-elle en échange d'un allongement de la durée des concessions, qui est une ligne rouge absolue exprimée par notre commission d'enquête sénatoriale ? Plus généralement, où en sont les réflexions gouvernementales sur l'avenir des concessions, une fois que les contrats seront arrivés à leur terme ?
Par ailleurs, les régions avaient jusqu'au 30 septembre 2022 pour notifier leur volonté de transfert de routes, dans les conditions prévues par la loi dite « 3DS ». La région Grand Est a délibéré en ce sens le 23 septembre dernier, mais a souligné le manque d'éléments, notamment financiers, dont elle dispose pour valider définitivement cette démarche. Nous sommes en effet toujours en attente de la publication de l'ordonnance relative à l'écotaxe prévue dans la loi « Climat et résilience ». Où en est sa rédaction et quelles sont les modalités qui ont été retenues ?
Quatrième question : est-il envisageable d'allonger les durées d'expérimentation des transferts afin que les régions bénéficient de cette ressource pour stabiliser financièrement l'opération ?
Je n'évoquerai pas la thématique du leasing social car, malheureusement, vos réponses ne permettent pas de préciser les modalités essentielles des dispositifs prévus. Je peux le comprendre, mais j'y tenais beaucoup, car cette idée géniale a été portée par une autre candidate pendant la campagne présidentielle et opportunément reprise par Emmanuel Macron.
Sur le ferroviaire, j'aurai trois questions. Tout d'abord, j'ai bien noté que vous souhaitez attendre le rapport du COI pour décider de l'opportunité d'une nouvelle loi de programmation. Pourriez-vous être plus précis, notamment sur le sous-investissement chronique chez SNCF Réseau et dans le réseau ? Indépendamment d'une loi de programmation, un effort substantiel est nécessaire.
Ensuite, le Sénat avait voté, lors de l'examen de la loi Climat et contre l'avis du Gouvernement, la baisse du taux de TVA sur les billets de train à 5,5 %. Avez-vous changé de position ?
Une question plus locale, enfin, sur ce volet ferroviaire. Le TGV direct Nancy-Lyon via Dijon a été supprimé en 2018. Une alternative via Marne-la-Vallée a été créée, mais a subi le même sort du fait de la crise covid et la ligne n'a jamais été rétablie. Le Gouvernement a publié il y a quinze mois un rapport sur les trains d'équilibre du territoire, qui a démontré la nécessité de rétablir une liaison directe de jour et de nuit entre Nancy et Lyon via Dijon : pouvez-vous nous faire un point d'étape des suites données à ce rapport et particulièrement sur la desserte sud de Nancy, le nouveau pacte ferroviaire de 2018 n'obligeant plus la SNCF à reprendre ce service sous la forme TGV selon les indications transmises par Jean-Pierre Farandou ?
Mon dernier thème porte sur le versement mobilité (VM). Êtes-vous favorable à l'instauration d'un versement mobilité à taux réduit dans les espaces peu denses qui en sont dépourvus, afin de leur permettre de se doter d'une ingénierie et de développer des solutions de transport, comme le préconise mon rapport d'information de janvier 2021 sur les mobilités dans les espaces peu denses en 2040 fait au nom de la délégation sénatoriale à la prospective et comme le Sénat l'avait voté unanimement dans la LOM ?
Enfin, alors que vous comptez supprimer à nouveau 8 milliards d'euros d'impôts dans le PLF sans contrepartie, ne serait-il pas opportun de faire contribuer, en petite compensation de cette suppression, l'ensemble des entreprises au versement mobilité, en abaissant, voire en supprimant le seuil d'assujettissement ? Cela permettrait d'augmenter l'enveloppe et de distribuer du VM aux régions sans pénaliser les intercommunalités, tout en développant l'offre de mobilité là où elle existe déjà.
Mme Évelyne Perrot. - J'aimerais connaître votre positionnement vis-à-vis du secteur aérien, qui est tenaillé entre des tendances contradictoires. Pendant la crise sanitaire, j'avais évoqué plusieurs fois le désir sous-jacent de « voyage de revanche » et c'est exactement ce qu'on a pu constater cet été. Or, en Europe et aux États-Unis, les opérateurs avaient réduit la voilure pour survivre financièrement et ils ont connu ensuite de sérieuses difficultés de recrutement. En tout cas, cette pression de la demande a été le principal facteur de la hausse du prix des billets d'avion, qui s'explique également par la montée du prix du kérosène.
En sens contraire, on perçoit un frein sociétal et environnemental, ainsi que des décisions européennes dont la complexité se résume à une augmentation de la taxation du carbone. Les filières biocarburants sont trop balbutiantes dans notre pays. Où en sommes-nous par rapport à nos voisins européens et aux États-Unis ? Je rappelle que l'Allemagne développe le captage de CO2 pour en faire du carburant et que les avions aux États-Unis fonctionnent de plus en plus à l'huile usagée.
Par ailleurs, dans nos territoires, la sensibilité de nos concitoyens aux nuisances sonores aériennes s'est accrue. Estimez-vous que la réglementation française est d'ores et déjà assez sévère ou êtes-vous favorable à l'idée de légiférer pour accroître les pouvoirs de l'autorité indépendante de contrôle des nuisances aéroportuaires et améliorer la vélocité des procédures ? Certains se demandent si le silence des voitures électriques permettra de réconcilier l'automobile avec les « autophobes », mais pour l'aviation, l'électrification n'est envisageable que pour les tout petits appareils.
Je souhaitais aussi aborder la question médiatique des jets privés. On en compte, d'après les chiffres dont je dispose, moins de 200 immatriculés en France, mais je rappelle que, juridiquement, cette notion est floue, voire inexistante, mais qu'on retrouve la césure entre les partisans de l'interdiction-taxation et ceux du verdissement.
Mme Nicole Bonnefoy. - Mon intervention concerne deux alertes. La première est le report, depuis les autoroutes vers les réseaux secondaires, des poids lourds en transit, qui trouvent ainsi un moyen de ne pas payer les autoroutes et de profiter d'un réseau secondaire non adapté à leur gabarit mais gratuit et parfois plus court. C'est le cas par exemple en Charente, mais également dans de nombreux autres départements. J'ai évoqué la question à plusieurs reprises avec votre prédécesseur. Notre commission a fait plusieurs propositions opérationnelles et nous avons déposé une proposition de loi prévoyant la mise en oeuvre d'une cartographie nationale des « itinéraires de fuite », la consultation des acteurs concernés sous l'égide du préfet pour trouver sur le terrain les leviers de réduction des nuisances, le renforcement du pouvoir des élus, avec la création de dispositifs nouveaux de réduction des zones de réduction des nuisances sur le modèle des zones à faibles émissions mobilité (ZFE-m), l'interdiction des poids lourds sur les routes nationales ou départementales lorsqu'il y a à proximité une autoroute, le retour de l'écotaxe, etc. À ce jour, rien de sérieux n'a été partagé ni proposé. Je vous demande donc solennellement, monsieur le ministre, d'entendre le Sénat et d'accepter de mener une expérimentation, par exemple sur la route nationale 10 (RN10), pour tenir compte de la réalité et surtout apporter les bonnes réponses.
Ma deuxième alerte concerne le transport scolaire. Pouvez-vous nous confirmer la position du Gouvernement sur la règle du transport assis des élèves dans les transports en commun ? Face à la pénurie de conducteurs, certains souhaitent revenir sur cette règle en mettant les enfants dans des bus plutôt que dans des cars, ce qui permettrait de diminuer les besoins en personnels de conduite. Au moment où des enfants ont été grièvement blessés dans un accident dans la périphérie de Laval parce qu'ils étaient illégalement debout dans un bus, revenir sur la règle du transport assis serait un retour en arrière très dommageable. Par ailleurs, nous attendons la circulaire conjointe de la direction générale des infrastructures, des transports et des mobilités (DGITM) et de la délégation à la sécurité routière (DSR) pour rappeler le texte applicable et l'esprit de la loi.
Mme Marta de Cidrac. - Les récents incidents sur les RER B et D, en pleine canicule, suscitent une profonde inquiétude sur la capacité de la France à accueillir des millions de spectateurs à l'occasion de la coupe du monde de rugby de 2023 et des Jeux Olympiques de 2024, en plus des usagers quotidiens.
L'État se doit d'être aux côtés d'Île-de-France Mobilités et d'animer le dialogue interrégional en matière de transport, d'autant plus que les besoins financiers sont importants. Je pense en particulier à l'articulation entre les régions Normandie et Île-de-France. Cette dernière subit la suppression de trains directs, opérés par la région Normandie, entre Mantes-la-Jolie et Paris Saint-Lazare. Le volet transport du nouveau contrat de plan État-Région, absent du CPER initial, comprendra-t-il un engagement financier ambitieux du Gouvernement et le Gouvernement compte-t-il s'engager dans le dialogue interrégional des transports aux côtés des régions volontaires ?
Par ailleurs, la LOM a prévu une révision des normes sur les nuisances sonores liées au transport ferroviaire qui tienne compte de la fréquence des passages, de même que l'établissement de normes en matière de pollution vibratoire. Les transports du quotidien comme les grandes lignes sont concernés et nous avons tous, dans nos circonscriptions, des exemples en la matière. Comptez-vous bâtir une véritable politique publique assortie de moyens dédiés ? Où en sont les mesures d'application prévues aux articles 90 et 91 de la LOM et vont-elles voir le jour ?
M. Jacques Fernique. - Les objectifs de doublement de la part modale du ferroviaire nécessitent, selon M. Farandou, un effort de 100 milliards d'euros sur quinze ans. De notre capacité à moderniser et à digitaliser notre réseau dépend notre insertion dans l'Europe ferroviaire de demain. Il faut pour cela faire bien plus que le simple maintien en l'état du réseau. Or on le sait, le contrat de performance, même s'il remonte le curseur, ne permettrait même pas d'atteindre le strict minimum.
Vous avez approuvé l'objectif global sur les quinze ans à venir. C'est un chemin exigeant sur lequel nous devons nous engager dès cette année et qui doit être planifié sur la base d'une loi de programmation. Comment comptez-vous nous mettre sur le chemin d'un nouvel essor ferroviaire, qui laisse enfin derrière lui ce sous-investissement chronique ?
Par ailleurs, je m'interroge sur la viabilité et la pertinence du projet de liaison ferroviaire Lyon-Turin. Ses impacts sur la ressource en eau pourraient être - les premiers percements le laissent craindre - d'une gravité difficilement tolérable. Ne faudrait-il pas, dans ces conditions, s'assurer de la conformité du projet à la loi sur l'eau ? Ensuite, vous avez évoqué des coûts sous-estimés, au moment où vous semblez pencher vers le scénario d'accès le plus cher et alors que le financement européen sur lequel vous comptez tant ne semble pas garanti.
M. Gérard Lahellec. - Je vous remercie d'avoir rappelé que le ferroviaire était la colonne vertébrale de la mobilité verte. Nous partageons majoritairement cette opinion. Je ne reviendrai pas longuement sur le départ inattendu de M. Lallemand : peut-être a-t-il été difficile pour lui de promouvoir le contrat de performance, mais comme le dit votre communiqué, on retiendra de lui ce qu'il a fait de bien...
Il faut maintenant se tourner vers l'avenir. Nous avons besoin d'une grande ambition budgétaire. Permettez-moi de vous dire que dans ce contexte compliqué, vous avez, monsieur le ministre, une chance inouïe : vous disposez d'une majorité politique pour faire plus et pour faire mieux. Je me réfère là aux rapports qui ont été publiés par le Sénat, à ceux qui ont été produits au moment de la préparation de la loi « Climat et résilience », et à bien d'autres encore. Il y a donc une majorité politique qui soutient une ambition publique pour le développement du ferroviaire. À cela s'ajoute le fait que l'ancien Premier ministre est aujourd'hui président de l'Afitf. C'est tout de même un atout pour le développement des transports et leur financement. De plus, je me suis laissé dire que vous aviez l'oreille attentive du Président de la République...
Par conséquent, au regard de toutes les propositions qui ont été formulées, il ne dépend plus que de vous de mettre en oeuvre cette ambition publique autour de laquelle un consensus politique a été exprimé dans notre pays. Êtes-vous prêt à vous saisir de ce consensus dynamique pour faire en sorte que le ferroviaire affiche une ambition nouvelle de développement ?
Mme Denise Saint-Pé. - Si nous sommes conscients depuis longtemps, au Sénat, de l'impératif de la transition écologique, cette dernière est devenue encore plus pressante avec les manifestations extrêmes du changement climatique que nous avons tous constatées cet été. Pour cela, il nous faut entre autres décarboner les transports, secteur responsable d'environ un tiers des émissions de CO2 en France.
Si des investissements massifs dans le ferroviaire sont nécessaires, l'État fait cependant face, en la matière, à deux injonctions très lourdes : il faut rénover les lignes existantes pour favoriser les trains du quotidien, sans renoncer pour autant à l'ambition de développer les lignes à grande vitesse. Le risque, évidemment, est qu'à vouloir poursuivre ces deux objectifs, on n'en atteigne aucun. Le Gouvernement pense-t-il être en mesure de concrétiser ce « en même temps » ? Si oui, comment ? En ce qui concerne plus particulièrement mon territoire, pouvez-vous m'en dire plus sur l'avancement du Grand Projet du Sud-Ouest (GPSO) ?
M. Étienne Blanc. - Nous sommes un peu surpris que vous n'ayez pas spontanément abordé la question du financement du Lyon-Turin. Ce dossier est pourtant absolument essentiel, d'abord parce que l'Europe vient de prendre un acte d'exécution, en se plaignant un peu du retard pris par la France, ensuite parce que nous manquons à nos engagements internationaux, notamment vis-à-vis de l'Italie, qui prend de l'avance sur nous. Les collectivités territoriales ont fait, sur l'initiative du préfet de région, un choix très clair sur les tracés, sur les tunnels et sur les modalités de réalisation de cette liaison. Nous aimerions donc vous entendre sur les engagements du Gouvernement, le montant des financements et surtout sur les délais.
M. Clément Beaune, ministre délégué chargé des transports. - Monsieur Tabarot, je vous rassure, il est toujours bon d'avoir quelques idées avant même de recevoir, aussi éclairant soit-il, le rapport du COI. Je réaffirme les priorités données en premier lieu aux réseaux puis aux transports du quotidien. Les projets ERTMS et de commande centralisée du réseau (CCR) nécessitent des investissements massifs, pour lesquels nous solliciterons des financements européens et j'ajoute que ces innovations génèrent des économies de dépenses.
Pour sa part, le contrat de performance entre l'État et SNCF Réseau ne mérite pas tant d'indignité. Il comporte un investissement inédit depuis quatre décennies de 2,9 milliards d'euros par an sur dix ans. On peut toujours dire qu'il faut aller plus loin, mais il s'agit d'un effort sans précédent qui permettra au moins, si on le fournit pendant dix ans, de stabiliser l'âge du réseau. En cela, il représente une rupture avec la tendance de dégradation préoccupante à l'oeuvre depuis de longues années.
À cet égard, j'insiste à nouveau : nous ne sommes pas un pays de sous-investissement ferroviaire. Nous devons être collectivement fiers de consacrer au transport ferroviaire un investissement tout à fait comparable et même supérieur à celui de beaucoup de pays européens. Les comparaisons fiables ou récentes sont assez rares, mais en matière d'infrastructures publiques, la France est encore très au-dessus aujourd'hui de ses voisins allemands, espagnols ou italiens. Il est vrai que l'âge de notre réseau est très supérieur à celui de nos voisins et je souligne qu'il faut cibler les investissements les plus massifs sur ce réseau vieillissant.
Au-delà des montants, la véritable question réside dans la façon dont nous mobilisons ces moyens, collectivement et dans la durée. Par nature, le secteur ferroviaire est celui du temps long et des projets de grande dimension. Or nous éprouvons de grandes difficultés à assurer un pilotage et des financements garantis sur le long terme.
Globalement, tous modes confondus, il me semble que c'est dans les domaines où l'on a réussi à créer une garantie de financement sur le temps long qu'on obtient les meilleurs résultats. Nous pouvons débattre des concessions autoroutières, mais force est de constater que, indépendamment des questions sur la répartition de la valeur entre le concédant et le concessionnaire, le réseau autoroutier est bien entretenu alors que le réseau routier national a souffert de coups d'accordéon budgétaires dus à l'absence de garanties de financement pluriannuel. On le constate également dans le secteur de l'aéroportuaire : si nous avons des infrastructures aéroportuaires d'assez bonne qualité, c'est parce que nous avons aussi des régulations pluriannuelles qui permettent les investissements.
S'agissant des petites lignes ferroviaires, l'ancien Premier ministre Jean Castex a pris des engagements : huit protocoles ont été signés entre l'État et les régions et chacun doit y prendre sa part. Les régions qui ne l'ont pas encore fait, comme la région Auvergne-Rhône-Alpes, peuvent changer d'avis et je le souhaite. Ces huit protocoles représentent un engagement important à hauteur de 5,7 milliards d'euros, qui porte sur 6 300 kilomètres de lignes sur un total de petites lignes identifiées de 9 000 kilomètres. Il s'agit donc d'un vrai réaménagement et certaines d'entre elles s'inscrivent dans les transports du quotidien, en ce qu'elles peuvent faciliter des liaisons qui aujourd'hui ne se font pas.
Pour mobiliser des financements dans la durée, les sociétés de projet, si elles ne sont pas la panacée, restent néanmoins une piste à creuser, qui, de plus, est cohérente avec les orientations de la LOM. Elles représentent non pas un démembrement, mais une garantie de financement à long terme. Ainsi, en dépit des difficultés, nous n'aurions pas autant avancé en Île-de-France dans la construction de quatre nouvelles lignes de métro, si nous n'avions pas créé une société dédiée, la Société du Grand Paris, qui dispose d'une ressource affectée et garantie dans la durée.
De même, pour certaines lignes à grande vitesse - Grand Projet du Sud-Ouest (GPSO), ligne nouvelle Provence-Alpes-Côte d'Azur (LN PCA), ligne nouvelle Montpellier-Perpignan (LNMP) - des sociétés de projet se mettent en place, qui auront une ressource locale affectée. C'est une bonne idée, qui garantit des financements. Dans la mesure où la présence d'une ligne à grande vitesse crée de la valeur pour les entreprises, il n'est pas anormal qu'il existe une contribution locale, qui de plus est ciblée.
La grande vertu du rapport du COI sera de mettre sur la table de manière objective et « oecuménique » une liste de priorités. Sur la base de ce rapport, une nouvelle programmation sera établie. Il reviendra à la Première ministre d'arbitrer dans les prochaines semaines si cette programmation prendra une forme législative ou non.
Monsieur Tabarot, j'ai noté votre remarque amicale à propos du versement mobilité. Je n'ai pas l'habitude de tenir un double discours et s'il y a eu malentendu, je le regrette. J'ai dit à vingt-quatre heures d'intervalle au Groupement des autorités responsables de transport (GART) et à Régions de France, premièrement qu'il fallait sécuriser le versement mobilité - ce n'est pas possible et pas le moment de le réduire ou d'imaginer un autre dispositif -, deuxièmement que je n'excluais pas un débat, d'ici à la prochaine loi de finances, sur le versement mobilité dans son ensemble. Un tel débat porterait sur la fixation des seuils - même si personnellement, je ne suis pas favorable à ce qu'on les abaisse - ou encore sur sa répartition, en fonction par exemple des efforts de transition écologique fournis par les collectivités. Je n'ai pas de réponse définitive aujourd'hui ; le débat parlementaire viendra en temps voulu, mais je suis ouvert à ce qu'on mène ce chantier de réflexion.
Pour être très clair, je n'ai pas annoncé de changement, au bénéfice des régions, de la répartition du versement mobilité. Vous aurez d'ailleurs remarqué que le PLF ne contient pas de réforme du versement mobilité. À titre personnel, je suis un grand défenseur de sa sécurisation.
Monsieur Jacquin, sur les autoroutes, je n'ai pas tout à fait dit qu'il ne fallait pas respecter la formule prévue par les contrats, mais que, en fonction du niveau de l'inflation qui sera connue au début de mois de novembre, nous saurions ce que donne le résultat du calcul. Compte tenu du niveau de l'inflation atteint cet été, nous aurions pu aboutir à des hausses très élevées de 7 à 8 % qui me paraissent insoutenables. Si les hausses devaient être plus modérées, nous discuterions avec les sociétés d'autoroute, mais je n'ai pas annoncé de nouveau cadre contractuel ni cité de chiffre cible pour les augmentations de tarifs.
En revanche, je mène une discussion avec les sociétés d'autoroutes pour examiner tous les leviers que nous avons pour éviter des hausses trop brutales. N'oublions pas que nous sommes dans un contexte de forte inflation et de « vérité des prix ». Même avec des mesures très puissantes - nous mettons en oeuvre les plus puissantes d'Europe -, nous aurons des augmentations des prix énergétiques de 15 % à la rentrée, là où nos voisins ont déjà subi en 2022 des hausses de 75 % ou plus de 100 % parfois dans certains pays. Il faut donc trouver un équilibre entre la prise de conscience du contexte inflationniste et des mesures de protection, qui ont toujours un coût in fine.
Sur la loi « 3DS », j'ai échangé avec le président Rottner et je vous rassure : la région Grand Est n'est pas la seule collectivité à avoir émis un certain nombre d'interrogations et de réserves. Dans sa grande sagesse, le législateur a prévu une période de trois mois de discussion entre les services de l'État et les collectivités concernées pour apporter des éléments techniques sur les coûts d'infrastructure lorsque des travaux importants sont engagés. Aux termes de la loi, c'est au ministre des transports qu'il appartient de dire ce qui est transféré ou pas, avec ensuite une phase de mise en place d'une durée de deux ans.
Je ne reviendrai pas en détail sur la problématique de SNCF Réseau, pas plus que je ne vous ferai d'annonces sur une trajectoire que nous définirons d'ici au début de l'année prochaine. Pour 2023, en revanche, nous donnons un petit coup de pouce ou plutôt un signal : il y a le contrat de performance mais aussi les 150 millions d'euros ajoutés au budget de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFIT), dont une partie importante sera allouée, je l'espère, à notre réseau ferroviaire. Ce sont des montants modestes, mais complémentaires aux 2,9 milliards d'euros précités et qui donnent, je le souhaite, la direction pour la suite de la programmation.
Sur la TVA à 5,5 %, ma réponse sera plus diplomatique. Ma conviction est que nos moyens financiers doivent être avant tout consacrés à l'offre - réseau de qualité, rames rénovées, trains nombreux et disponibles - plutôt qu'à la demande. Cela ne veut pas dire, notamment à court terme, dans une période d'inflation et d'enjeux de pouvoir d'achat, qu'on ne doive pas réfléchir à des mesures pouvant encourager l'usage des transports publics. Nos amis allemands ont mis en place le fameux billet à 9 euros. Je ne pense pas que ce soit la meilleure mesure coût-efficacité en termes de report modal. Il s'agit d'une mesure essentiellement sociale - c'est important -, mais dans un pays où le transport public en général est beaucoup moins subventionné qu'en France et où il s'est effondré pendant la covid. J'ajoute d'ailleurs que cette mesure est provisoire : comme me l'a indiqué mon homologue d'outre-Rhin, l'Allemagne réfléchit à un dispositif de soutien aux transports publics qui serait d'une ampleur bien inférieure à celle du billet à 9 euros, qui coûte tout de même 1 milliard d'euros par mois au contribuable allemand.
L'expérience espagnole, que nous observons avec attention, me paraît plus intéressante. Pendant quatre mois, l'Espagne expérimente une très forte réduction, voire la gratuité des abonnements. Pour ma part, je ne suis pas fermé à des mesures sur la demande. Elles sont toutefois coûteuses - il faut donc se montrer raisonnable et responsable - et, d'une manière plus structurelle, nous devons vraiment concentrer nos efforts sur l'offre de transport.
Quelques mots à présent sur la desserte. Je ne m'étendrai pas sur l'historique que vous connaissez bien : il y a eu des « compensations », avec des offres TER et TGV qui ne sont pas satisfaisantes. Sans vous faire de fausses promesses, je suis ouvert à la discussion pour que nous trouvions des solutions.
Sur le versement mobilité, je crois avoir donné ma philosophie : la question des taux et de leur différenciation peut faire partie de la discussion générale qui est envisagée.
Madame Perrot, il y a eu en effet cet été une très forte volonté de voyage - « revenge travel » comme disent les spécialistes - et une reprise importante du trafic aérien ou ferroviaire qui sont effectivement à l'origine de la forte hausse des prix. Cela a occasionné des perturbations et j'ai demandé à la direction générale de l'aviation civile d'établir un plan d'action très concret, en lien avec les compagnies aériennes et les infrastructures aéroportuaires, en termes d'indemnisation ou encore d'information des voyageurs pour éviter les incidents qui ont pu être observés. Je le signale tout de même, car c'est la mobilisation de notre secteur qui l'a permis : les aéroports français ont connu des perturbations bien moindres que les aéroports d'Amsterdam ou de Londres, où les annulations de vols se sont comptées par milliers.
Quels sont aujourd'hui nos leviers pour décarboner l'aviation ? Je crois d'abord à l'innovation et à l'investissement. En la matière, les choses ont déjà bien avancé et je veux le souligner. J'inaugurais l'autre jour le centre de recherche chez Safran : nous avons des moteurs qui, d'une génération à l'autre, peuvent réduire leur consommation de carburant de 20 % par décennie.
Pour alimenter ces motorisations plus économes, les carburants propres sont également une solution majeure. Plus globalement, les solutions propres pour l'aviation sont intéressantes, même si, vous le savez mieux que moi, les degrés de maturité sont très différents sur l'hydrogène ou sur l'électrique, qui concerne peut-être les petits, mais sans doute pas les gros avions à court terme.
Dès lors, le développement de carburants bio ou de synthèse, et la réduction de la consommation des moteurs peuvent constituer des priorités pour baisser l'empreinte carbone. C'est l'objet du texte européen que j'évoquais et qui pourrait faire de l'Europe le premier espace au monde à se doter de ces règles sur l'incorporation des SAF (« Sustainable Alternative Fuel »). La France a d'ailleurs montré l'exemple, puisque nous sommes les pionniers dans ce domaine - avec un niveau d'incorporation certes plus limité.
S'agissant des nuisances sonores liées au trafic aérien, des pistes complémentaires existent, comme les descentes continues, mais elles soulèvent d'autres questions sur la répartition de ces nuisances. Le principe est très simple : la consommation est moindre car les moteurs sont moins sollicités et les nuisances affectent moins de personnes, mais elles sont plus concentrées pendant l'approche finale. Il faut donc traiter ces effets de répartition au cas par cas, pour tous les aéroports.
Par ailleurs, comme vous l'avez indiqué, les jets privés ne forment pas, il est vrai, une catégorie juridique précise. On sait définir en revanche ce qui relève de l'aviation privée, qui elle-même se compose d'une aviation privée commerciale et d'une aviation privée non commerciale. C'est dans le domaine de l'aviation privée non commerciale qu'il est possible de faire le plus d'efforts de modération, voire d'alignement de notre fiscalité. Ce type d'aviation bénéficie en effet aujourd'hui d'un avantage fiscal assez difficile à comprendre, le jet privé comme on l'entend dans le débat public étant moins taxé que l'aviation de loisirs. Quant à l'aviation privée commerciale, n'oublions pas qu'elle peut servir au transfert sanitaire ou permettre des recours ponctuels d'une entreprise à un moyen d'aviation qui peut être justifié : d'où l'importance de bien cibler les mesures. Notre objectif est de parvenir à un usage modéré - je n'ai jamais parlé d'interdiction - avec une taxation équitable, en particulier de l'aviation privée non commerciale.
Madame Bonnefoy, comme vous le savez, des études ont été engagées sur les difficultés de circulation sur la RN 10 par mes prédécesseurs. Il en ressort que, si nous voulions introduire des restrictions sur l'usage de la route nationale, d'une part l'effet de report sur l'autoroute serait limité et, d'autre part, nous nous exposerions à des risques juridiques. En effet, pour mettre en place une interdiction, il faut justifier de raisons environnementales extrêmement documentées, car il s'agirait d'une restriction à la liberté de circulation. Je m'engage néanmoins à vous communiquer en toute transparence le détail de ces études et à poursuivre ce travail avec vous.
Concernant les transports scolaires et l'obligation de place assise, je partage votre avis et je l'ai publiquement souligné : je ne suis pas favorable à ce qu'on revienne sur cette règle. Le GART affirme, de son côté, que des conditions de transport debout sécurisées peuvent être réunies. Je lui ai répondu que j'étais prêt à examiner une nouvelle étude scientifique sur l'accidentologie et les risques associés, mais mon sentiment très net est qu'il ne faut pas revenir sur le principe de base du passager assis. Le dernier débat parlementaire sur cette question s'est tenu - me semble-t-il - au moment de la LOM et le Gouvernement, alors par la voix d'Élisabeth Borne, avait été très clair ; je le suis tout autant.
Madame de Cidrac, les Jeux Olympiques représentent en effet un défi majeur. Il s'agira de la plus grande opération de transport en Île-de-France en temps de paix, durant laquelle 800 000 personnes seront transportées ou susceptibles de l'être quotidiennement. Cela demande un effort massif et un travail énorme de coordination. À partir du 12 octobre prochain, je réunirai un comité des mobilités qui se tiendra toutes les six semaines et qui mettra tous les acteurs autour de la table : État, opérateurs - RATP, SNCF -, Aéroports de Paris (ADP), élus et notamment la direction d'Île-de-France Mobilités (IDFM), le délégué interministériel aux Jeux Olympiques ou encore le comité d'organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques d'été de 2024 (Cojop). Un point très concret sera fait régulièrement sur le plan de transport, les voies réservées, les accès vélo, le parcours client ou usager en aéroport et dans nos transports publics, les infrastructures dédiées aux JO, etc.
Je suis prêt par ailleurs à accompagner le dialogue interrégional que vous appelez de vos voeux, notamment avec la Normandie.
Vous m'avez enfin interrogé sur les questions de nuisances sonores du ferroviaire. Je vous confirme qu'un arrêté sera pris dans les prochaines semaines pour mettre en place des expérimentations de 6 mois sur un panel de lignes existantes et de 2,5 ans sur tous les projets de construction ou de modification significatives d'infrastructure ferroviaire. L'idéal en la matière est de réaliser une analyse scientifique partagée des pics de bruit et de vibrations. Cet arrêté en définira les cadres. Enfin, sur les bruits solidiens (qui résultent de la transmission des vibrations de la voie ferrée), les travaux ont démarré et devraient aboutir courant 2023.
Monsieur Fernique, je me suis exprimé longuement hier à l'Assemblée nationale sur la question de l'eau dans le cadre du projet Lyon-Turin. C'est un fait : l'infrastructure, sur la section transfrontalière en construction, se situe dans des périmètres d'arrêtés sur l'organisation des captages. Nous serons tout à fait transparents en la matière, mais nous n'avons pas, à ce jour, identifié avec les autorités sanitaires de risque sur les captages. Je suis bien entendu favorable à des mesures de suivi régulier mais j'insiste sur le fait que toutes les procédures, y compris au titre de la loi sur l'eau, ont été scrupuleusement respectées au moment du lancement de ce projet.
Plus généralement, je le répète : je ne reprends pas à mon compte, bien au contraire, l'idée d'un sous-investissement ferroviaire.
Pour en revenir à la liaison Lyon-Turin, une deuxième étape très importante est celle des scénarios d'accès. J'ai tenu à Lyon, le 15 septembre dernier, une réunion avec les élus, les collectivités et les financeurs. Pour l'heure, l'État n'a pas choisi d'option préférentielle. Des consultations ont été menées par le préfet de région jusqu'en décembre 2021. Elles n'ont pas pu aboutir à un consensus - la Savoie ayant exprimé une opinion un peu divergente - mais l'immense majorité des collectivités ont exprimé une préférence pour le scénario dit « grand gabarit ». Trois scénarios sont donc toujours sur la table. Ce que j'ai dit le 15 septembre dernier, c'est que si telle était l'option préférentielle exprimée par une majorité de collectivités, l'État n'avait pas vocation à en choisir un autre. C'est à lui en revanche qu'il incombe de demander à l'ensemble des acteurs s'ils sont bien disposés à contribuer au financement.
En effet, il faut qu'en face de l'ambition ferroviaire, nous ayons une capacité de financement budgétaire. On se prononce souvent en faveur de projets ambitieux, jusqu'au moment où on en vient au tour de table financier. J'ai donc demandé au préfet de mener une concertation spécifique sur ce point. Ce n'est qu'une fois que cet éclairage sur les contributions sera donné que l'État prendra la décision sur le scénario des accès, de manière concertée et transparente.
Une petite musique s'est par ailleurs installée selon laquelle nous n'aurions pas les financements européens essentiels au bouclage du projet. C'est inexact. Ces derniers tardent certes à venir et je m'en suis expliqué avec la commissaire européenne, mais quel que soit le scénario retenu et quelle que soit la date, le projet bénéficiera d'un financement européen.
L'urgence n'est pas tant de respecter la date administrative de tel ou tel financement européen, que de clarifier notre choix de scénario. En tout état de cause, nous commencerons par mener des études et je rappelle que ces études pourront être financées jusqu'à 50 % par la Commission européenne, même après le 30 octobre ou le 30 novembre prochains - ces modalités de date ne sont donc pas essentielles pour dicter nos choix et notre démarche.
Monsieur Lahellec, je vous remercie de votre invitation à une ambition nouvelle de développement. Je le répète : cette ambition doit trouver son pendant budgétaire et j'ai donné quelques pistes sur les modes de financement envisageables.
Madame Saint-Pé, vous avez évoqué le « en même temps » : petites lignes d'un côté, grandes lignes et lignes à grande vitesse (LGV) de l'autre. Nous devons établir des priorités, même si c'est toujours douloureux. J'assume pour ma part ces deux priorités que sont le réseau et les transports du quotidien. Elles sont relativement larges et ne signifient pas la fin des LGV. Elles signifient en effet que, dans un pays où nous avons déjà beaucoup développé la grande vitesse, cette dernière doit sans doute être financée différemment. À cet égard, la piste des sociétés de projet me semble pertinente. Les ressources collectives payées par le contribuable doivent être plutôt affectées aux domaines qui nécessitent un effort national renforcé, notamment la modernisation du réseau. Pour le reste, je vous renvoie aux travaux du COI. Pour les petites lignes, les protocoles sont engagés et les crédits sont mobilisés au sein de l'Afitf. Je n'ai pas évoqué le fret ni les trains de nuit, sur lesquels, là encore, des engagements ont été pris et seront tenus.
M. Frédéric Marchand. - Notre pays accueillera la Coupe du monde de rugby l'an prochain et les Jeux Olympiques et Paralympiques en 2024. Or les incidents survenus lors de la finale de la Ligue des champions de football au printemps dernier ont mis en évidence la difficulté pour les opérateurs de transports de gérer les mouvements de grève déclenchés par le biais d'un préavis illimité dormant ou par la technique dite de la grève perlée. Les textes relatifs à ces pratiques sont susceptibles d'interprétations différentes. Ne conviendrait-il pas d'éclaircir la situation rapidement sur ces sujets ?
Les opérateurs souhaitent aussi allonger le délai de déclaration de 48 heures à 72 heures, et porter le délai relatif au changement de date de 24 heures à 48 heures, de manière à pouvoir informer les usagers le plus en amont possible.
Mme Angèle Préville. - Hier, j'ai pris l'avion à Aurillac pour venir à Paris. Après une heure de vol, alors que nous approchions d'Orly, on nous a informés subitement qu'il était impossible d'atterrir à cause du brouillard. L'avion a alors dû faire demi-tour et revenir à Aurillac... J'ai été fort surprise et je m'interroge sur ces pratiques, car le bilan carbone qui en résulte n'est pas neutre !
Vous avez mis l'accent sur les mobilités du quotidien. Je souligne que le vélo a un potentiel de développement important lorsque l'on sait que 60 % des trajets entre le domicile et le travail ont une distance inférieure à 5 kilomètres. Le vélo à assistance électrique connaît un grand succès car il permet également de faire des trajets de plusieurs kilomètres, même dans mon département, qui est très vallonné. La demande de vélos augmente et les magasins sont en rupture de stock.
Vous avez lancé un plan Vélo, mais dans le détail, il s'agit surtout d'appels à candidature des collectivités pour cofinancer des études, des expérimentations ou des campagnes de communication, etc.
L'essentiel est de développer des pistes cyclables dignes de ce nom pour permettre aux gens de se déplacer en toute sécurité. Envisagez-vous un grand plan de développement de véloroutes, c'est-à-dire de routes réservées aux vélos, comme il en existe en Hollande, ou alors de voies de circulation nettement séparées des autres, comme en Allemagne ? Dans le Lot, beaucoup de personnes ont acquis des vélos électriques, incitées par les aides du département, mais elles hésitent à les utiliser, car elles estiment que c'est trop dangereux.
Les appels à candidature que vous lancez sont limités à l'échelle d'un territoire. Pour créer un vrai choc d'offre en faveur du vélo, il conviendrait d'agir à grande échelle, de façon à permettre des déplacements d'un territoire à un autre. Ce serait un signal fort en faveur d'une transformation positive.
Par ailleurs, je signale que le nombre de dessertes ferroviaires du Lot diminue. Les trains de la ligne Paris-Orléans-Limoges-Toulouse s'arrêtent souvent à Brive et ne descendent pas plus bas. Je ne reviendrai pas non plus sur l'importance des trains du quotidien et des petites lignes, à l'image de la ligne Brive-Aurillac.
Enfin, dans le Lot, des citoyens ont créé une société coopérative, Railcoop, qui réunit 13 000 sociétaires - des citoyens, des particuliers et des collectivités -, avec pour objectif de développer des services ferroviaires de fret comme de voyageurs, dans le cadre de services librement organisés, et en complémentarité avec les services existants. Il s'agit tout simplement de fournir des services que n'offre plus la SNCF. Cette coopérative a déjà fait rouler des trains de fret en Occitanie et envisage de lancer une première ligne de voyageurs entre Bordeaux et Lyon, sous réserve de la finalisation de son tour de table financier. Quel regard portez-vous sur cette initiative citoyenne ?
M. Hervé Gillé. - On a l'impression de devoir résoudre la quadrature du cercle. Il faudrait trouver 100 milliards d'euros pour mener à bien tous les chantiers ferroviaires : rénovation du réseau, développement des transports du quotidien, des petites lignes, des lignes moyennes, renouvellement du matériel, etc. Nous en sommes loin, d'où la nécessité d'établir des priorités. Mais j'ai entendu dans vos propos une inflexion intéressante.
On peut s'interroger sur le caractère prioritaire du Grand projet ferroviaire du Sud-Ouest. Les incertitudes financières sont nombreuses. Son coût s'élève à 14 milliards d'euros ; l'État s'était engagé à le financer à hauteur de 40 %, mais il semble prêt à ne vouloir mettre que 4 milliards sur la table. Le ministre Djebbari avait précisé que cela ne concernait que la ligne entre Bordeaux et Toulouse, mais qu'en est-il de la ligne Bordeaux-Dax ? Comptez-vous verser la somme de 1,6 milliard d'euros qui permettrait d'atteindre les fameux 40 % ? L'impossibilité de franchir l'Espagne semble faire barrage à l'obtention d'un financement européen alors que celui-ci est attendu à hauteur de 20 % du coût du projet. L'État compensera-t-il cette part si la Commission européenne estime que ce dossier n'est pas prioritaire ? Auquel cas, mettrez-vous la priorité sur la ligne Bordeaux-Toulouse, au détriment de la ligne Bordeaux-Dax ?
Enfin, allez-vous respecter l'engagement pris par votre prédécesseur de rendre public l'avis du Conseil d'État sur l'ordonnance créant la société de projet pour le financement de GPSO ?
M. Éric Gold. - Vous connaissez les dysfonctionnements de la ligne Paris-Clermont-Ferrand et je vous remercie d'ailleurs pour votre déplacement à Clermont-Ferrand. La nécessité de recueillir l'avis de l'autorité environnementale ne devrait pas permettre d'accélérer le calendrier des travaux prévus pour améliorer les conditions de voyage. Les problèmes que je viens de citer étant communs à de nombreux territoires, nous avons besoin d'une démarche beaucoup plus ambitieuse et prospective, articulée autour d'une loi de programmation pluriannuelle du ferroviaire.
S'agissant des transports du quotidien, je souligne que les innovations fleurissent dans le champ des transports collectifs : trains-trams, trains légers, trains-bus, ou encore les trains mixtes qui transportent en même temps des voyageurs et du fret. Les territoires, en particulier les moins peuplés, recherchent des solutions pour réduire la place de la voiture individuelle et sont prêts à investir dans des dispositifs innovants, à condition d'être accompagnés et soutenus par l'État. Quelle place accordez-vous à l'innovation et à l'expérimentation pour mieux adapter le ferroviaire aux besoins de nos territoires ?
M. Guillaume Chevrollier. - Ma question portera d'abord sur l'électrification du parc automobile, qui améliorera, entre autres, la qualité de l'air dans les agglomérations. J'ai compris qu'il faudrait attendre un peu pour connaître modalités du leasing social. Les délais prévus d'entrée en vigueur des ZFE-m seront-ils tenus ?
Vous avez plus généralement évoqué la nécessité de décarboner le secteur des transports et je voudrais évoquer l'impact de la flambée du prix du gaz sur le bioGNV (Gaz Naturel pour Véhicules), dont le prix à la pompe a doublé en un an, dépassant désormais de 30 % le prix du gazole. Cette situation pénalise fortement les entreprises et les collectivités locales qui se sont engagées dans la conversion de leur flotte de véhicules vers le bioGNV. Quels mécanismes envisagez-vous afin de faire en sorte que le bioGNV conserve un prix compétitif, ce qui est extrêmement important pour soutenir la filière dans nos territoires ruraux qui sont engagés dans la transition énergétique et qui soutiennent les projets de méthanisation, comme en Mayenne par exemple ?
Enfin, les transporteurs routiers attendent des évolutions relatives à l'autorisation des doubles remorques sur certaines voies routières : cela permettrait de limiter le nombre de camions.
Mme Martine Filleul. - Je voulais vous interroger sur le report modal entre le fleuve et la route ainsi qu'entre le fluvial et le rail. Si les discours sont toujours positifs et volontaristes, les traductions dans les faits sont plus limitées. Je ne prendrai comme exemple que le canal Seine-Nord, un projet à l'étude depuis des décennies. Le projet initial comportait quatre plateformes trimodales, mais seulement deux d'entre elles seront réalisées, pour des raisons financières. C'est dommage. Quelle est votre vision du report modal et quels moyens mettrez-vous en oeuvre pour le développer ?
M. Gilbert-Luc Devinaz. - Je voudrais revenir sur la ligne Lyon-Turin, dont l'appellation est trompeuse puisqu'il s'agit justement du tronçon de la ligne qui manque et qui permettrait au Portugal d'être relié au reste de l'Europe. Les dernières évolutions dans le sens d'un rééquilibrage en faveur du rail et du fret dans l'agglomération lyonnaise me semblent intéressantes. Si nous tardons à réaliser les accès au tunnel du côté français, on prend le risque de ne pas bénéficier du cofinancement de l'Europe, à hauteur de 50 %.
Quel est l'état d'avancement du projet de contournement ferroviaire de l'agglomération lyonnaise (CFAL) ? Ce projet devrait être greffé sur la liaison entre les Alpes et la vallée du Rhône, avec un passage par la rive droite du Rhône. La SNCF indique que ces réseaux sont déjà saturés. Pourquoi n'envisage-t-on pas un prolongement de la ligne à grande vitesse (LGV) à partir de l'aéroport de Lyon-Saint-Exupéry ?
Par ailleurs, pour parvenir à l'objectif de « zéro émission nette » dans l'aérien en 2050, il faudra développer de nouveaux carburants. Seront-ils disponibles à cette date et en quantité suffisante ? C'est un pari technologique important. Cela passera aussi par un renouvellement de la flotte : le secteur aérien aura-t-il les moyens d'en supporter les coûts ? Quelles seront les conséquences sur le trafic ou sur le prix des billets ?
Puisque l'heure est à la sobriété, je ne peux pas ne pas évoquer le déplacement en avion du Paris-Saint-Germain (PSG). Lors de l'examen du projet de loi « Climat et résilience », j'avais déposé un amendement visant à soumettre les vols d'affaires aux mêmes restrictions que celles pesant sur le transport aérien de passagers. La ministre m'avait alors objecté que cela remettrait en cause la liberté d'aller et de venir ; selon elle, c'était comme si on interdisait la voiture individuelle quand une alternative en transport en commun est possible ; mais c'est un petit peu ce que nous mettons en place avec les ZFE-m... On doit encourager fortement les gens à privilégier les transports en commun et cela justifie certaines restrictions. Que comptez-vous faire pour réglementer les vols privés et faire en sorte que tous les Français participent à l'effort de réduction des émissions et aux économies d'énergie ? Il ne faudrait pas que les uns portent des cols roulés pendant que les autres font voler leur jet privé !
M. Fabien Genet. - Je vous remercie pour votre leçon d'anatomie des transports et permettez-moi de prolonger cette métaphore. Un mot d'abord sur les « poumons » puisque les transports sont une source de pollution atmosphérique majeure. Une modification des directives européennes sur la qualité de l'air devrait être annoncée et l'Organisation mondiale de la santé (OMS) préconise de réduire considérablement les taux de concentration des différents polluants. Quelle est la position de la France en la matière ?
Vous avez également présenté la modernisation du réseau ferroviaire comme la « colonne vertébrale » des mobilités. Je ne reviendrai pas sur la « sciatique » que connaît la ligne Clermont-Ferrand-Lyon et me bornerai à déplorer que le potentiel de la ligne TER entre Paray-le-Monial et Lyon soit sous-exploité, en raison d'aménagements insuffisants : l'absence de zones d'évitement et de permanences aux postes d'aiguillage limite en effet la circulation à seulement quatre allers-retours quotidiens avec la métropole lyonnaise, ce qui pénalise les usagers des transports en commun. J'espère donc, monsieur le ministre, que, sur ce sujet, nous n'en resterons pas à l'os !
M. Jean-Michel Houllegatte. - Comme nous le savons, le ferroutage constitue une réponse efficace à l'exigence de décarbonation du transport routier ; pourtant il reste marginal. Des initiatives ont certes été prises, notamment sur les axes qui relient Calais à l'Italie, et Calais à l'Espagne. L'armateur Brittany Ferries développe aussi un projet entre le port de Cherbourg et la gare de Mouguerre, près de Bayonne ; de plus un accord-cadre a été signé avec la SNCF. Néanmoins je doute un peu de la capacité de la SNCF à réaliser les aménagements ferroviaires en temps et en heure. Le Gouvernement prévoit-il de lancer de nouveaux appels d'offres pour développer de nouveaux services d'autoroutes ferroviaires ? De quels moyens de contrôle peut-on se doter pour apprécier si les engagements pris par les différents partenaires sont respectés ?
Enfin, quid de la ligne nouvelle Paris-Normandie ? Voilà vingt ans que l'on en parle et que la première enquête publique a été menée ! Il faut trois heures et quart, voire trois heures quarante-cinq, pour aller de Cherbourg à Paris. Le Sénat a publié des rapports volumineux sur le sujet. Néanmoins la qualité du service laisse encore à désirer. Doit-on attendre des avancées, au-delà prolongement de la ligne RER Eole et du saut-de-mouton de Bezons qui permet de déconnecter le trafic de banlieue parisien du trafic des grandes lignes ?
M. Jean-Claude Anglars. - Une question ponctuelle : le Gouvernement compte-t-il soutenir le projet de la mise en 2x2 voies de la RN 88 entre Rodez et Sévérac-le-Château ? Des discussions avaient eu lieu avec votre prédécesseur et le Premier ministre sur ce sujet. J'espère que l'on pourra enfin réaliser ce chantier.
M. Daniel Gueret. - Lors de son audition devant notre commission le 14 septembre dernier, le président de la SNCF, Jean-Pierre Farandou, a confirmé que l'hydrogène vert représente une opportunité pour le train, à condition que nous soyons en mesure d'en produire massivement à un coût raisonnable et de le distribuer partout sur le territoire...
Il s'est dit confiant et envisage une possible utilisation de cette source d'énergie verte d'ici une quinzaine d'années. Dans cette hypothèse, comment synchroniser les investissements engagés pour développer l'hydrogène vert avec ceux déjà engagés dans le cadre des contrats de plan en faveur de lignes fonctionnant au diesel ? En particulier, quels seront les choix opérés en Eure-et-Loir pour les liaisons Chartres-Courtalain et Tours-Châteaudun-Paris ?
M. Rémy Pointereau. - Vous avez été déjà interrogé sur l'état de la ligne Paris-Nevers-Clermont-Ferrand lors des questions d'actualités. Je voudrais à présent vous interroger sur la ligne Polt. De gros travaux sont prévus pour moderniser cette ligne et on espérait, avec votre arrivée, une accélération de ce chantier. Malheureusement, vous avez annoncé un retard de livraison des 16 nouvelles rames Intercités prévues. Châteauroux accueillera les épreuves de tir lors des jeux Olympiques de 2024. Il serait donc opportun que l'on puisse obtenir les nouvelles rames avant cette date pour pouvoir accueillir les sportifs venus du monde entier et les spectateurs. La région Nouvelle-Aquitaine ne semble pas favorable pour des questions de financement. Des négociations sont en cours : où en sont-elles ?
D'autre part, la ligne Bourges-Montluçon est une ligne d'équilibre pour nos territoires ruraux, mais ne relève plus de la région Centre-Val de Loire. Des travaux sont prévus depuis longtemps, mais ils n'ont pas commencé... Peut-on également espérer la réalisation de la ligne à grande vitesse Paris-Orléans-Clermont-Lyon (POCL) ? Celle-ci résoudrait bien des problèmes et une tierce expertise doit être réalisée.
M. Clément Beaune, ministre délégué chargé des transports. - Monsieur Marchand, nous aurons une discussion sur le dialogue social avec les opérateurs de transport, sans doute à la fin de l'année. On ne peut pas imaginer qu'un événement comme les Jeux Olympiques ne donne pas lieu à une mobilisation générale, dans une démarche de responsabilité. Je ne suis pas sûr pour autant qu'il faille modifier notre dispositif législatif, comme le préconise l'Union des transports publics et ferroviaires. Nous en discuterons, notamment avec la RATP.
Madame Préville, je suis confus pour la mauvaise expérience aérienne que vous avez vécue. Il s'agit cependant d'un incident exceptionnel.
S'agissant du vélo, vous mettez l'accent à juste titre sur le développement des infrastructures et sur la sécurité. Pouvoir circuler sur des sites protégés et disposer de sites de stationnement sécurisés pour laisser son vélo, en gare ou chez soi, sont deux facteurs déterminants qui incitent les gens à prendre le vélo. C'est sur ces aspects que nous comptons mettre l'accent dans le cadre du nouveau plan Vélo annoncé par la Première ministre. Dans ce cadre, le Fonds mobilités actives sera doté de 250 millions d'euros en 2023, avec 200 millions pour les infrastructures et 50 millions pour le stationnement : nous sommes en train d'en définir les paramètres. Un comité interministériel du vélo a été mis en place et se réunira pour la première fois sous la présidence de la Première ministre d'ici à la fin de l'année et tous les 6 mois ensuite. Il lui appartiendra de définir les paramètres de cette nouvelle contractualisation avec les collectivités, avec l'idée d'aider celles qui ont moins d'avance ou moins de ressources pour développer des d'infrastructures sécurisées. Certaines grandes villes ont parfois pris de l'avance, parce qu'elles ont plus de moyens. Pour les plus petites collectivités des zones rurales, c'est plus coûteux. On recense aujourd'hui plus de 55 000 kilomètres de pistes cyclables et de voies vertes, contre 40 000 kilomètres en 2017, soit une hausse de 40 %. On compte aussi 19 000 kilomètres de véloroutes. Nous voulons poursuivre l'effort, en lien avec les collectivités, pour faire de la France en 2030 la première nation pour le cyclotourisme.
S'agissant de la desserte du Lot, je vous propose d'y revenir de manière spécifique ultérieurement.
Par ailleurs, Railcoop représente un modèle innovant et coopératif d'opérateur ferroviaire alternatif à la SNCF mais l'équilibre économique et financier de ses opérations est difficile à trouver, en raison de l'ampleur des besoins d'investissements. C'est pourquoi la Caisse des dépôts aide cette entreprise à boucler son financement. Railcoop a déjà manifesté son intérêt pour des lignes ouvertes à la concurrence : nous verrons si son offre est solide et crédible. Cet acteur peut devenir un opérateur complémentaire, au même titre que d'autres opérateurs étrangers. Une concurrence bien encadrée, avec des cahiers des charges définis par l'État ou les régions selon les cas, peut constituer en effet, selon moi, un facteur de développement de l'offre ferroviaire.
Monsieur Gillé, pour être honnête, je n'ai pas connaissance de l'engagement de mon prédécesseur au sujet de l'avis du Conseil d'État portant sur la société de projet pour le financement le Grand Projet du Sud-Ouest (GPSO). Après vérification, nous mettrons en oeuvre l'engagement pris au titre de la nécessaire continuité de l'État.
Sur les financements européens et plus spécifiquement sur le GPSO, il est évident qu'il est plus facile d'obtenir des allocations dès lors que le projet présente une dimension transfrontalière. Il ne faudrait pas néanmoins que le mieux soit l'ennemi du bien. Voilà un projet en cours de déploiement, financé au moyen d'une société de projet, qui va bénéficier de ses premières ressources affectées, si le Parlement en décide ainsi, dès 2023. Le projet est concret et plus mûr sur la portion Bordeaux-Toulouse. La partie d'aménagement dans l'agglomération bordelaise servira de toute façon à l'ensemble des deux branches du projet. Pour l'heure, nous n'avons pas encore de réponse européenne définitive, y compris sur la première branche. Il est évident que plus nous donnerons de garanties sur la portion Bordeaux-Dax, plus nous aurons de chances d'obtenir un financement européen élevé.
En résumé, je suis optimiste sur la mobilisation de financements européens pour le GPSO. Si les financements ne sont pas à la hauteur ou plus tardifs qu'escompté, nous rediscuterons des clés de financement, mais l'État n'a pas vocation à prendre en charge systématiquement l'intégralité du risque. Il faudrait donc que l'effort financier soit partagé, comme c'est le cas depuis le départ.
En réponse au sénateur Gold, je ne reviendrai pas sur le Paris-Clermont mais, s'agissant des transports innovants, plusieurs financements ont été mobilisés, notamment dans le cadre de France 2030 à hauteur de 200 millions d'euros. Je tiens au développement de solutions de transport terrestre innovantes, notamment en matière de transport autonome. Je citerai comme exemple une solution financée par l'Ademe dans l'Indre, qui est un cas unique de transport autonome en zone rurale et qui peut être un facteur de désenclavement.
Sur la question du leasing, nous travaillons avec Agnès Pannier-Runacher à sa mise en place d'ici à la fin de l'année. Je vous le dis franchement : la mise en oeuvre sera forcément progressive, dans l'attente d'une véritable offre industrielle française ou européenne. Ma conviction est que nous devons mettre l'accent sur les zones rurales pour ce dispositif complémentaire aux financements existants pour favoriser le passage à l'électrique.
En ce qui concerne les bioGNV, nous devons d'abord nous assurer de leur disponibilité pour les semaines et mois à venir, car nous avons quelques inquiétudes. Le bouclier énergétique qui a été annoncé par la Première ministre fera partie des solutions envisageables. Je rappelle aussi que nous avons autorisé cet été les transporteurs à répercuter le prix des énergies alternatives, y compris le bioGNV, dans le coût facturé au chargeur, pour que le rapport de force économique puisse être en partie rééquilibré.
Concernant les doubles remorques du transport routier, je dois encore me faire une opinion. Cela pourrait constituer une solution en partie écologique, à la condition de respecter les exigences de sécurité et de ne pas aggraver les risques.
Madame Filleul, je ne reviens pas sur le canal Seine-Nord que vous avez évoqué. Sur la question des plateformes trimodales, je vous apporterai des précisions, mais le Gouvernement réaffirme sa volonté de renforcement du fret fluvial, y compris grâce aux crédits budgétaires, qui ont été accentués dans le cadre du plan de relance.
J'intègre d'ailleurs dans cette réflexion toute une continuité d'ensemble incluant ports, axes fluviaux et, potentiellement, derniers kilomètres en transport routier ou autres. Une mission a d'ailleurs été confiée au préfet de région Mailhos, pour réfléchir aux connexions port maritime, fluvial, ferroviaire et routier. Un rapport sera remis d'ici à la fin de l'année sur l'axe rhodanien principalement, mais qui pourra servir de modèle réussi à généraliser. Ces interconnexions doivent être aussi renforcées dans les contrats de plan État-Régions. L'électrification des quais dans les ports fluviaux et l'aménagement de l'infrastructure fluviale pour les zones urbaines denses sont des exemples de ce que le plan de relance peut financer. Le volet fluvial du plan de relance finance aussi 175 millions d'euros d'investissements complémentaires sur la régénération des infrastructures fluviales d'ici à 2024.
J'en viens à l'intervention de M. Devinaz sur le financement européen du Lyon-Turin. Soyons clairs : en phase d'études, par principe, le droit commun européen prévoit jusqu'à 50 % de financement. La Commission européenne a dit - et cela a pu être interprété comme la fixation d'une date limite - que si nous choisissions rapidement le scénario d'accès, nous pourrions être éligibles, pour le prochain appel à projets, à 50 % de financement. Le point que la Commission européenne n'avait pas examiné de près est que, quel que soit le scénario retenu, nous ne demanderions pour les prochaines années que des financements portant sur des études. Cette majoration du taux est en quelque sorte inopérante, puisque de toute façon nous serons dans le droit commun des cofinancements à hauteur de 50 %.
Il n'y a donc pas d'urgence majeure, au regard des financements européens, à prendre notre décision sur le meilleur scénario. De toute façon, ce que nous demanderions à l'Europe, ce sont des financements d'études et les financements d'études sont éligibles aux aides à 50 %. Ce n'est donc pas tant pour l'Europe que pour nous-mêmes que nous devons prendre une décision rapide sur la question des accès. Le scénario grand gabarit, à un peu plus de 10 milliards d'euros, prend aussi en compte le financement du Contournement Ferroviaire de l'Agglomération Lyonnaise (Cfal) nord, ce qui explique d'ailleurs son montant élevé.
Monsieur Genet, je rappelle que la directive européenne sur la qualité de l'air vise à rapprocher, au fur et à mesure de ses générations, les normes de concentration vers les normes OMS. Essayons déjà de mobiliser tous les outils pour respecter les normes européennes actuelles. Quand les normes OMS se perfectionneront, le droit européen évoluera et nous ferons tout pour nous y conformer, comme nous avons essayé de le faire, notamment par la politique des ZFE-m.
Par ailleurs, j'insisterai beaucoup sur la ligne Paris-Clermont - les événements des 19 et 20 juillet derniers, avec un retard exceptionnel de près de 20 heures, étaient heureusement exceptionnels - car je crois qu'elle est très emblématique, comme d'autres, des efforts financiers qui sont engagés par l'État. Ces derniers constituent la meilleure réponse pour moderniser des lignes en difficulté, sur lesquelles on n'avait pas investi depuis quarante ans. En tout état de cause, je ferai tout pour limiter les retards industriels auxquels nous faisons face.
Sur le ferroutage, la ligne Sète-Calais devrait être déployée dans quelques mois, la ligne Sète-Valenton, début 2023 et la ligne Cherbourg-Mouguerre, fin 2024, conformément à la stratégie nationale pour le développement du fret ferroviaire. Nous devons aussi faciliter, via les CPER, la possibilité de transporter des conteneurs sur des trains afin de désengorger nos ports, comme Dunkerque ou Marseille-Fos par exemple.
En ce qui concerne la ligne Paris-Normandie, les études préalables à l'enquête publique sont en cours. Dans le séquencement, nous continuons à donner la priorité au noeud de Paris-Saint-Lazare. Il faut aussi sécuriser les financements de nombreuses infrastructures, comme la nouvelle gare de Rouen. Sur la base des travaux du conseil d'orientation des infrastructures, nous prévoirons dans la nouvelle génération de CPER des financements d'études ou de projets concrets sur la période qui commencera l'an prochain. Je sais que ce processus peut paraître un peu long, mais il convient de franchir un certain nombre d'étapes obligatoires.
J'en viens à la ligne Paris-Lyon : la première opération de rénovation de 2017 a représenté près de 45 millions d'euros, répartis entre les CPER signés avec les régions Bourgogne-Franche-Comté et Auvergne-Rhône-Alpes. La nouvelle opération de rénovation est prévue en 2025 et les études préparatoires sont en cours de financement. Le CPER constituera une étape très importante. Nous souhaitons également nous inscrire dans le cadre du protocole d'accord sur les petites lignes ferroviaires, ce qui implique que la région Auvergne-Rhône-Alpes définisse le montant de sa participation. On estime les besoins de financement des travaux, d'après les études, à 17 millions d'euros. L'État est prêt à prendre sa part, comme il l'a fait en 2017, mais le montant de sa participation n'a pas encore été défini dans la mesure où nous attendons la signature de ce protocole par la région... S'agissant des études préparatoires, l'État a octroyé un financement de 400 000 euros sur un total d'1,5 million.
En ce qui concerne la ligne Chartres-Courtalain, le besoin de financement identifié s'élève à 17 millions d'euros, dont 1,4 million à la charge de SNCF Réseau, tandis que la contribution de l'État via le CPER s'élèverait à près de 5 millions.
La RN 88 fait partie des projets que nous suivons avec attention. Une négociation va s'engager avec la région, également dans le cadre du CPER. Le département de l'Aveyron sera sans doute aussi associé au financement. En tout cas, j'ai notifié ce projet à la préfecture dans le cadre du recensement des projets du prochain volet contractuel sur la mobilité.
J'en viens aux difficultés que connaît la ligne Paris-Orléans-Limoges-Toulouse (POLT) : ici encore, les rames et le réseau sont anciens. L'État va investir avec SNCF Réseau 1,9 milliard d'euros. J'étais à Châteauroux le 22 août dernier et je ne dispose pas d'estimation précise du retard potentiel dans la livraison des nouvelles rames. Toutefois, comme pour la ligne POCL, je ferai en sorte que les retards des premières livraisons soient les plus réduits possible par rapport à la première échéance prévue en 2024. Il ne m'apparaît pas impossible que toutes les rames puissent avoir été livrées en 2026, conformément aux engagements pris. En tout cas, le retard devrait se limiter à quelques mois, et non se chiffrer en années, même si toutes les rames n'auront pas été livrées avant les Jeux Olympiques. Je veillerai à répartir équitablement les nouvelles rames entre les lignes POLT et POCL (Paris Orléans Clermont-Ferrand Lyon) pour qu'il n'y ait pas de disparités. Je vous donnerai des précisions complémentaires sur le calendrier de livraison précis d'ici à la fin de l'année après avoir communiqué avec les fournisseurs.
J'aurai aussi des échanges avec Châteauroux-Métropole pour permettre le développement d'une offre globale de transports de bonne qualité, notamment en vue des J.O., et assurer une bonne desserte de la ville.
La rénovation de la ligne Paris Orléans Clermont-Ferrand Lyon (POCL) constitue un projet de long terme, dont l'horizon s'inscrit au-delà de la prochaine décennie. Je suis prêt à ce que l'on revoie le calendrier des études, mais, quoi qu'il en soit, les échéances ne relèvent pas du court terme.
En ce qui concerne la ligne Bourges-Montluçon, dossier emblématique de la réalité de la revitalisation des petites lignes, un protocole d'accord a été signé entre l'État et la région Centre-Val de Loire, qui définit une stratégie, assortie d'un financement sur 10 ans. L'État financera les investissements de régénération de la ligne à hauteur de 90 % et les travaux commenceront en 2023. Dans la partie située dans la région Auvergne-Rhône-Alpes, les travaux coûteront 29 millions d'euros, l'État en finançant la moitié.
M. Rémy Pointereau. - Quel sera le montant total des travaux ?
M. Clément Beaune, ministre délégué chargé des transports. - Je n'ai pas le chiffre exact en tête ; je vous le transmettrai ultérieurement quand j'aurai les données précises.
M. Daniel Gueret. - Vous m'avez apporté une précision sur le contrat de plan et sur la ligne Chartres-Courtalain, mais ma préoccupation porte sur les lignes diesel qui font aujourd'hui l'objet de contrats de plan : il ne faudrait pas que, dans quelques années, elles soient menacées de fermeture, parce qu'elles sont diesel et que la SNCF aura décidé de passer au tout hydrogène.
M. Clément Beaune, ministre délégué chargé des transports. - Il n'est pas question de faire subir une forme de double peine à certains territoires : absence de soutien pour passer à de nouvelles technologies, d'un côté, et fermetures au motif que nous ne serions pas passés à de nouvelles technologies, d'un autre côté. Je suis prêt, là aussi, à étudier les modalités de financement d'une solution de type hydrogène.
Sur la question des changements de carburant dans l'aérien, trois axes permettront de rendre les modes de vol les plus propres possible. Les gros-porteurs ne sont pas concernés dans l'immédiat par l'hydrogène ou l'électrique. Nous devons donc mettre l'accent sur les carburants de synthèse et sur les biocarburants. Je redis que nous sommes le premier pays à avoir défini des normes en la matière - 1 % pour l'année prochaine. Nous sommes en train de définir des normes au niveau européen, qui devraient vraisemblablement s'établir à 6 % en 2030.
Le sujet central est que nous avons besoin de cette référence pour encourager l'émergence de l'offre. Sur les biocarburants tout particulièrement, nous aurons également besoin d'établir, dans les feuilles de route, secteur par secteur, des priorités d'usage, en priorisant les secteurs - probablement l'aviation - dans lesquels nous n'aurons pas d'alternative.
Sur les mesures envisagées à l'égard des vols d'aviation privée, des amendements ont été déposés à l'Assemblée nationale. Ils portent sur la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) en vue d'un rééquilibrage. En effet, la TICPE est aujourd'hui plus élevée pour l'aviation privée non commerciale et l'aviation de loisirs que pour l'aviation privée commerciale, ce qui est difficile à expliquer.
Deux textes sont en discussion au plan européen. Le premier - je l'ai évoqué -, sur les carburants et les fameux SAF, laissera vraisemblablement la possibilité aux États membres d'élargir le socle de règles européennes - les 6 % d'incorporation à horizon 2030 par exemple - à des petits aéroports et notamment aux aéroports d'affaires.
Le deuxième texte européen sur l'aviation, plus général, est une directive sur la taxation de l'énergie. Il prévoit la fin de l'exemption kérosène : vous savez qu'aux termes d'une convention internationale ancienne, le kérosène est exempté de taxes dans l'aviation et qu'il n'y a pas de dérogation possible, sauf pour les vols intérieurs. Si nous voulons instituer une exemption qui ait du sens et soit efficace, il vaut donc mieux la faire sur l'espace européen dans son ensemble. Ce texte, proposé par la Commission européenne, est soutenu par le Gouvernement français.
Enfin, une discussion est en cours sur le système d'échange de quotas d'émissions, dit ETS. Il pourrait donner lieu à une différenciation entre certains segments de l'aviation privée et l'aviation commerciale plus classique.
M. Jean-François Longeot, président. - Je vous remercie pour ce temps d'échange approfondi et les informations fournies que vous avez pu apporter devant notre commission.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
La réunion est close à 18 h 55.