Jeudi 21 juillet 2022
- Présidence de M. Stéphane Artano, président -
Étude sur la gestion des déchets dans les outre-mer - Table ronde Pacifique
M. Stéphane Artano, président. - Mesdames, messieurs, chers collègues. Après un déplacement dans le bassin Indien ainsi que des tables rondes consacrées à la Guyane et aux Antilles, nous abordons ce matin les rivages du Pacifique dans le cadre de notre étude sur la gestion des déchets dans les territoires ultramarins.
Nos deux rapporteures, Gisèle Jourda et Viviane Malet, qui effectuent un travail d'investigation considérable, ont déjà collecté beaucoup de données grâce aux questionnaires que les collectivités nous ont retournés. Soyez sûrs qu'il en sera tenu le plus grand compte et nous sommes très reconnaissants pour le temps et l'attention que les responsables locaux y ont consacrés.
Pour compléter ces informations et donner la parole aux autres acteurs de terrain, nous allons nous tourner ce matin successivement vers Wallis-et-Futuna, la Polynésie française, et la Nouvelle-Calédonie.
Je tiens à saluer chaleureusement tous nos intervenants, en présentiel et en distanciel, pour avoir répondu à notre invitation et accepté ce format élargi qui a l'avantage de croiser les expériences et de permettre d'identifier à la fois les points communs et les spécificités.
La présente audition doit vous permettre de mettre en avant de manière synthétique vos difficultés et vos priorités sur votre territoire.
Compte tenu du décalage horaire, nous allons commencer par Wallis-et-Futuna, représenté par M. Paino Vanai, président de la commission du développement, des affaires économiques et du tourisme de l'Assemblée territoriale.
M. Paino Vanai, président de la commission du développement, des affaires économiques et du tourisme de l'assemblée territoriale de Wallis-et-Futuna. - Monsieur le président, mesdames, messieurs. Le traitement des déchets est assuré par les circonscriptions de Wallis-et-Futuna et le territoire, par le biais du service de l'environnement. Nous n'envisageons pas de confier cette mission à une entreprise privée puisque nous ne disposons pas des moyens nous permettant d'assumer une concession. En outre, le privé ne dispose pas de toutes les compétences nécessaires pour assurer convenablement le traitement des déchets.
Les ressources de la collectivité sont insuffisantes. Nous proposons de réaliser des économies à la source pour réduire le coût du traitement des déchets.
À Wallis-et-Futuna, nous avons mis en place un système appelé écotaxe qui permet de collecter tous les contenants supérieurs à 200 millilitres de volume. Ce dispositif mis en place en 2017 semble assez efficace puisqu'il nous a permis de récolter une enveloppe de 53 millions de francs CFP en 2021. Nous pouvons solliciter la population afin d'obtenir une collecte efficace des déchets.
En plus de cette taxe locale, nous souhaitons également développer le secteur du recyclage.
Concernant les dispositifs d'aide financière nationaux et européens, nous bénéficions de l'intervention de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), qui nous aide dans certains volets du traitement des déchets, et de l'aide du fonds exceptionnel d'investissement (FEI) qui permet de nous équiper en matériel de collecte et de traitement, d'améliorer nos centres d'enfouissement technique et d'initier quelques opérations de recyclage. Nous souhaitons que ce dispositif soit pérennisé dans le temps afin que nous puissions finaliser les projets de valorisation de nos déchets.
Nos capacités d'ingénierie restent limitées car nous sommes un petit territoire. Nous sollicitons donc l'aide de l'Ademe pour recruter une assistance technique extérieure pour nous aider à finaliser nos projets.
La coopération régionale et la mutualisation des territoires du Pacifique existent déjà grâce au Programme régional océanien de l'environnement (PROE), mettant en place des programmes régionaux de partenariats, notamment par le biais de l'Agence française de développement (AFD), qui aide les territoires du Pacifique à améliorer la collecte et le traitement des déchets. À Wallis-et-Futuna, nous n'aurons pas les moyens de rentabiliser une installation pour la valorisation.
Wallis-et-Futuna compte des dépôts et décharges sauvages, surtout sur l'île de Wallis où la collecte des déchets a débuté tardivement et où les habitants utilisaient les lacs de cratère pour jeter leurs déchets. Depuis, des petits centres d'enfouissement ont été construits et permettent de traiter ces déchets. Peu à peu, nous réalisons un travail de récupération et de nettoyage de ces nombreuses décharges sauvages.
Depuis une dizaine d'années, nous avons mis en place une taxe sur les produits dangereux. Toutefois, le produit issu de cette taxe n'est pas suffisant pour assurer la collecte et le traitement convenable de ces déchets. Ainsi, le territoire complète le coût car ces déchets sont exportés en Nouvelle-Calédonie, qui gère la suite du traitement, sans doute en Australie ou en Nouvelle-Zélande. Les huiles usagées, les batteries et les piles sont généralement exportées une fois par an, en fonction des quantités récoltées.
Concernant les mesures incitatives, le dispositif d'écotaxe permet la récupération des contenants de plus de 200 millilitres. Nous souhaitons étendre ce dispositif à l'ensemble des produits importés, afin d'encourager les populations à rapporter les emballages de ces produits.
Nous élaborons une stratégie de gestion des déchets 2025-2035, qui vise à limiter la pollution à la source, dans le cadre de la « Trajectoire outre-mer 5.0 » et de ses objectifs concernant le « zéro déchet ». Nous espérons finaliser cette stratégie dans les délais.
La mise en place d'un petit centre d'enfouissement a permis d'effectuer un tri, notamment des véhicules, des morceaux de ferraille et des objets électroménagers comme les réfrigérateurs ou les congélateurs. En effet, depuis peu, ces objets sont mis à la disposition dans les centres d'enfouissement technique pour qu'il soit possible de récupérer certaines pièces dans le cadre de la réparation d'équipement. Cette démarche débute et nous ne sommes pas encore pleinement opérationnels. Nous souhaitons mettre en place une petite déchetterie pour rassembler l'ensemble des éléments pouvant encore être utilisés. Le territoire doit s'équiper afin d'offrir aux populations des endroits pour récupérer ces pièces.
Un appel d'offres est publié chaque année pour l'exportation des déchets dangereux, auquel répondent généralement des sociétés de Nouvelle-Calédonie. Les huiles, batteries et piles sont exportées, dans le respect de la Convention de Bâle.
Nous disposons d'un incinérateur permettant de traiter les déchets hospitaliers contaminants.
À Wallis-et-Futuna, grâce à l'écotaxe, nous ne voyons plus d'habitants jeter des canettes au bord des routes. Le dispositif a permis de nettoyer l'île. En outre, nous constatons un effet sanitaire car les contenants jetés dans la nature pouvaient favoriser le développement des larves, notamment de moustiques à l'origine de la dengue. Le bilan de l'écotaxe est donc extrêmement positif. Nous souhaitons l'étendre à l'ensemble des produits importés afin de disposer de ressources et sensibiliser la population au traitement des déchets.
M. Stéphane Artano, président. - Je vous remercie de ces précisions. Je cède la parole à nos deux rapporteures Gisèle Jourda et Viviane Malet.
Mme Gisèle Jourda, rapporteure. - Cette opération d'écotaxe locale est à saluer. Toutefois, quels moyens mobilisez-vous pour agir contre les décharges sauvages ?
Par ailleurs, la piste de déchetterie permettant de récupérer des objets usagés semble intéressante.
Je vous remercie de vos réponses, qui nous permettront d'avancer sur ces thématiques plus spécifiques.
Mme Viviane Malet, rapporteure. - Je vous remercie de vos propos très clairs. Pouvez-vous nous donner quelques précisions supplémentaires sur la gestion des centres d'enfouissement ? Quel est leur nombre ? Connaissent-ils une saturation ? Envisagez-vous d'en construire d'autres ?
Par ailleurs, stockez-vous les véhicules hors d'usage (VHU) ? Si j'ai bien compris, vous avez mis en place un appel d'offres avec la Nouvelle-Calédonie afin de les éliminer. Avez-vous un grand nombre de VHU ? La plateforme de stockage nécessite-t-elle un impact foncier important ? Qu'en est-il du transport et des coûts ?
M. Paino Vanai. - La plupart des décharges sont anciennes, hormis quelques-unes récemment créées. Nous souhaitons effectuer beaucoup de sensibilisation, nécessaire dans notre pays, pour éviter que les habitants continuent à jeter leurs ordures n'importe où. Si le dépôt de déchets dans la nature se comprenait auparavant, nous avons aujourd'hui la possibilité de les envoyer dans les centres d'enfouissement technique.
Parmi les volumes envoyés au centre d'enfouissement, 53 % sont d'origine privée, ce qui vient compléter la collecte publique.
Nous essayons d'isoler les VHU dans un coin du centre d'enfouissement mais nous ne sommes pas encore tout à fait équipés et ils sont, pour le moment, disposés sur le sol. Nous souhaitons créer des plateformes d'accueil de ces VHU. Grâce au FEI, nous avons acquis une presse permettant de réduire les volumes. Nous disposons d'un conteneur de dépollution des véhicules qui permet d'enlever les polluants avant de passer à la phase de compression.
Avec l'AFD et le PROE, nous travaillons dans le cadre du programme Swap sur la valorisation de déchets métalliques. Nous avons été retenus grâce à notre système d'écotaxe pour expérimenter la valorisation, au niveau local, des déchets métalliques. Nous avons déjà quelques pistes pour valoriser, notamment localement, les produits aluminium, tels que les canettes, qui représentent un volume important. Si l'étude confirme la possibilité de valoriser ces déchets, nous pourrons le faire localement.
M. Stéphane Artano, président. - Je vous remercie de nous avoir apporté votre éclaircissement sur la gestion des déchets à Wallis-et-Futuna.
Pour l'état des lieux en Polynésie française, nous avons à présent le plaisir d'accueillir le président du Syndicat pour la promotion des communes de Polynésie française (SPCPF) Cyril Tetuanui - également président de la communauté de communes de Havai (îles Sous-le-Vent), chargé de la gestion des déchets -, qui est accompagné d'Ivana Surdacki, directrice générale du SPCFP, et Teva Guillain, directeur général des services.
Pour le Gouvernement de la Polynésie, nous saluons Cédric Ponsonnet, directeur des ressources marines, Ryan Leou, chargé d'affaires à la direction de l'environnement et Jerry Biret, conseiller technique environnement du ministre de la culture, de l'environnement et des ressources marines.
Pour la Fédération des associations de protection de l'environnement (FAPE), nous avons le plaisir d'accueillir Jason Man, vice-président.
Enfin, le MEDEF Polynésie française (MEDEF PF) est représenté par Thierry Chansin, président de la Chambre syndicale des entrepreneurs du bâtiment et des travaux publics (CSEBTP) ; Marc Stuhlfauth, président, Ella Camart, Charles Egretaud et Cyril Rebouillat, membres de la COMIDD ; Cyrille Bachelery, directeur de la société Technival, et Benoît Sylvestre, directeur de la société Enviropol.
Je vous cède la parole pour des propos liminaires.
M. Cyril Tetuanui, président du Syndicat pour la promotion des communes de Polynésie française (SPCPF). - Monsieur le président, mesdames les rapporteures. Les déchets constituent un problème en Polynésie française. Avant 2004, les communes étaient compétentes pour la collecte des déchets et, depuis 2004, le traitement des déchets leur a également été transféré. Le transfert des seules compétences, et non des moyens, est vraiment problématique. Rappelons que la Polynésie est un territoire vaste comme l'Europe, qui compte plusieurs archipels.
Avant 2004, le pays a investi dans des centres d'enfouissement techniques, pour l'île principale de Tahiti. Cependant, dans les autres îles, le nombre de centres d'enfouissement techniques est insuffisant puisqu'on en dénombre deux dans les îles Australes et deux dans les îles Marquises. Sur le reste des îles des communes de la Polynésie française, aucun investissement n'a été effectué par le pays avant 2004.
En tant que président de la communauté de communes des îles Sous-le-Vent, je constate que nous rencontrons un problème de moyens concernant le traitement des déchets, contrairement à la collecte. Le souhait du président de la communauté de communes que je suis est de restituer cette compétence au pays. En effet, ce dernier possède les moyens financiers et fonciers pour construire des centres d'enfouissement techniques.
Concernant la partie technique, je laisserai M. Teva Guillain approfondir nos réponses au questionnaire que vous nous avez transmis.
M. Teva Guillain, directeur général des services du Syndicat pour la promotion des communes de Polynésie française (SPCPF). - Monsieur le président, mesdames, messieurs. La communauté de communes Havai est la troisième communauté de communes de la Polynésie française, après celle des Marquises et celle de Terehçamanu, nouvellement créée à Tahiti. Elle regroupe six communes, soit 25 000 habitants dont environ 7 000 usagers abonnés au service de la collecte de traitement des déchets. Quarante agents, répartis sur quatre îles, travaillent au service de la collecte à l'aide d'une dizaine de camions à ordures ménagères. La collecte ne constitue plus notre principal problème.
Nous remercions le pays et l'État d'avoir financé, à travers le contrat de projet, de nouveaux engins à la hauteur des problèmes de collecte que nous pouvions rencontrer.
Toutefois, nous sommes confrontés à une grande difficulté concernant le traitement des déchets. Depuis 2004, le pays nous a transféré la compétence à travers la modification de la loi organique, sans que cela s'accompagne d'un transfert de moyens. Surtout, concernant le stockage des déchets, nous avons hérité d'un transfert, de la part des communes, de dépotoirs sauvages historiques. Des déchets sont stockés à même le sol et polluent la nature, les lagons et les rivières. Malgré les efforts que nous avons pu fournir avec l'aide de nombreux bureaux d'études spécialisés dans la gestion des déchets en Polynésie et une instruction datant de 2018, nous n'avons toujours pas reçu l'autorisation d'exploitation et de construction d'un centre d'enfouissement technique à Raiatea.
Cette problématique a très récemment été complexifiée par la fermeture d'un dépotoir. Nous sommes en phase de recherche d'un autre dépotoir, en attendant que nous puissions disposer d'un centre d'enfouissement technique - a priori en 2026.
Ce dossier est tellement lourd en investissements, aussi bien sur le plan financier que technique, que le transfert de la compétence de traitement vers le pays constitue peut-être une bonne idée. Nous pourrions au moins être davantage accompagnés et autorisés à exploiter les centres d'enfouissement techniques.
Une enquête publique devrait débuter en août, et la population pourra y formuler ses doléances. La commission des installations classées se réunira pour donner son avis.
En outre, si un projet évalué à 1 milliard de francs CPF (soit 8,380 millions d'euros) est lancé, la communauté de communes ne dispose pas de moyens financiers proportionnels. Si elle peut bénéficier d'une aide de l'État et du pays à hauteur de 60 % par le biais du contrat de développement, ainsi que d'une prise en charge de 20 % par l'Ademe, 20 % seront encore à la charge de la communauté de communes, ceci avant l'emprunt de l'AFD.
M. Stéphane Artano, président. - Merci. Nous avons bien noté la demande des communes d'un transfert de cette compétence de traitement au pays.
Je vous propose de passer maintenant au gouvernement de Polynésie.
M. Jerry Biret, conseiller technique environnement du ministre de la culture, de l'environnement et des ressources marines. - Selon les derniers chiffres du syndicat Fenua Ma - qui regroupe toutes les communes de Tahiti et Moorea-Maiao, hormis une, et couvre environ 200 000 habitants -, en 2021, 301 kilos de déchets sont produits par habitant et par an, ce qui est trop pour nos îles mais peu par rapport aux quantités produites dans les pays continentaux.
Lorsque nous recherchons une méthodologie de traitement à l'étranger, la réponse est souvent : « vous ne produisez pas assez de déchets pour nous ». Cette faiblesse des gisements de déchets, notre dispersion et notre éloignement géographique constituent tous les ingrédients d'une gestion particulière et contraignante.
Nos 118 îles sont réparties sur un territoire aussi grand que l'Europe. Les contraintes de transport et de récupération de ces déchets, pour les ramener à Papeete, sont immenses.
En novembre 2021, l'assemblée de Polynésie a voté une déclaration sur la gestion des déchets en Polynésie française, plaçant le pays dans une démarche de « zéro gaspillage ». Nous travaillons depuis, avec l'ensemble des partenaires (les communes et les entreprises), pour essayer de trouver des solutions fiables, viables, pérennes et supportables pour traiter l'ensemble de nos déchets.
Concernant le mode de gouvernance, la répartition des compétences est issue de la loi organique portant statut d'autonomie de la Polynésie française et du Code général des collectivités territoriales tel qu'il est applicable en Polynésie. Les communautés de communes rencontrent des difficultés pour prendre ces dépenses en charge. Toutefois, cette répartition est inscrite dans une loi organique.
Nous sommes bien accompagnés par tous les dispositifs existants, notamment en matière d'investissements. Néanmoins, la question du coût de la collecte et du traitement des déchets devient très prégnante pour les communes du fenua. Par exemple, nous avons l'obligation d'exporter nos déchets à l'étranger une fois qu'ils sont traités à Papeete. Or nous constatons une augmentation très importante du coût des transports internationaux, ce qui est aujourd'hui problématique pour un territoire qui reste malgré tout isolé et dépendant des liaisons maritimes.
Par ailleurs, la faiblesse des gisements de déchets que nous produisons nous empêche de mettre en place des technologies de traitement fiables, viables, pérennes et supportables pour les administrés.
Nous aurons toujours besoin de ces dispositifs d'aide financière, justement pour tenter de trouver les meilleures solutions de traitement de ces déchets et, éventuellement, d'aider les communes et le pays sur toute la partie fonctionnement, qui devient très importante.
Le renforcement des capacités d'ingénierie est toujours utile et indispensable puisque les techniques et les difficultés évoluent.
Concernant la chaîne de traitement, le tri des déchets a été lancé dans les années 2000 en Polynésie française, avec le syndicat Fenua Ma. Depuis 22 ans, les populations, notamment de Tahiti et Moorea, trient leurs déchets recyclables alors qu'il n'existe pas de texte réglementaire sur le sujet. En 2021, le taux de captage des déchets recyclables, pour le syndicat Fenua Ma, était de 53 % et près de 70 % pour la communauté de communes Havai.
Dans le cadre de la mise en place du tri des déchets dans les années 2000, des infrastructures ont été construites, parmi lesquelles un centre d'enfouissement technique et un centre de recyclage et de tri, pour le syndicat Fenua Ma, dans l'île principale de Tahiti. Ces infrastructures aident les plus grosses communes à traiter les déchets. En outre, quelques centres d'enfouissement techniques sont répartis dans les îles.
En revanche, nous ne pouvons pas construire de centre d'enfouissement technique dans toutes nos îles car ces infrastructures coûtent extrêmement cher en investissement et, surtout, en maintenance et en utilisation.
Le pays prépare un schéma directeur de gestion des déchets en Polynésie française, actuellement étudié par les services techniques de la direction de l'environnement. Lorsque ce texte sera finalisé au niveau technique, il sera partagé avec l'ensemble de nos partenaires, parmi lesquels le SPCPF, les entreprises et les associations. Nous travaillerons donc tous ensemble sur ce schéma directeur pour fixer notre stratégie de gestion des déchets durant les années à venir. Des stratégies d'économie circulaire et des créations de recycleries et ressourceries seront envisagées dans ce texte, qui devrait être publié assez rapidement.
Nous envisageons également d'interdire certains produits à l'importation, tels que les batteries au lithium, extrêmement difficiles à recycler. Je ne dis pas que l'interdiction d'importation de ce type de produit sera décidée mais nous envisageons toutes les solutions possibles pour les entreprises et pour le traitement des déchets particulièrement difficiles à traiter en Polynésie française.
Dans le cadre de ce schéma directeur, nous travaillerons également sur les filières à Responsabilité élargie du producteur (REP). La réglementation de la Polynésie française prévoit déjà la responsabilité élargie des producteurs. Il nous reste à mettre en place toutes ces filières REP, parmi lesquelles certaines nous semblent très intéressantes et ont déjà fait l'objet d'un travail, qui se poursuivra avec les partenaires afin de rédiger un texte acceptable et applicable par tous, le plus facilement possible.
M. Stéphane Artano, président. - Merci. Je cède désormais la parole aux représentants du MEDEF Polynésie.
M. Charles Egretaud, membre de la Commission Développement Durable. (COMIDD) du MEDEF. - En tant qu'entreprise, nous devons faire face à la gestion des déchets. Les exutoires dont nous disposons dans l'exercice de nos métiers sont extrêmement hétérogènes. Certaines îles sont bien équipées, avec une bonne collecte et des exutoires, tandis que d'autres îles ne peuvent pas gérer les déchets. Nous sommes obligés de les exporter vers Tahiti.
En Polynésie française, les modes de gouvernance et la répartition des compétences sont parfois incompréhensibles car les acteurs institutionnels sont multiples. Je suis également directeur d'un bureau d'études qui travaille beaucoup sur la gestion des déchets, les schémas, les systèmes d'interdictions ou encore les filières REP. Je dirais même qu'il est caricatural qu'un seul groupe industriel tente de faire face à la production de déchets. De plus, plusieurs institutions - de l'État, du pays ou des communes - sont donneurs d'ordre et décideurs, rendant parfois la compréhension difficile.
L'existence de dispositifs d'aide financière est incontestable puisqu'en dix ans, je ne me souviens pas d'avoir travaillé sur une étude sans cofinancement de l'Ademe ou encore de l'AFD. Toutefois, je ne sais pas si ces financements sont suffisants et répondent à tous les besoins.
Concernant le renforcement de la capacité d'ingénierie, nous rencontrons des problèmes basiques, parmi lesquels la très grande difficulté à disposer d'exutoires sur un territoire très vaste qui abrite des communautés variant d'une trentaine de personnes à une centaine de milliers de personnes sur l'île de Tahiti. Nous connaissons donc un panel de problématiques excessivement large et très complexe. Certaines îles sont facilement reliées par des bateaux tandis que d'autres sont toujours desservies par baleinières ou par des quais extérieurs à une fréquence mensuelle.
La Direction Régionale de l'Environnement (DIREN) a produit des inventaires des décharges illégales, malheureusement très nombreuses en Polynésie française. La plupart des dépotoirs municipaux sont illégaux car non contrôlés et gérés en fonction du bon vouloir des habitants d'une île.
La qualité de vie et l'économie sont satisfaisantes à l'échelle du Pacifique, ce qui nous conduit à produire en grand nombre des biens de consommation très variés, et donc des déchets de nature tout aussi variée, difficiles à traiter.
Le pays a d'ailleurs lancé quelques études sur l'interdiction de certains objets superflus, comme les sacs plastiques cabas, les pailles ou la vaisselle à usage unique. Il existe une réelle volonté d'agir à la source afin de soulager des filières ayant beaucoup de difficultés à exister.
Un très vaste débat existe sur les mesures incitatives en faveur du tri. Au-delà des problèmes techniques, la gouvernance et le consentement de ce coût posent également question. Le consentement à payer et le recouvrement me semblent manquer dans ce qui est exposé. En effet, la gestion des déchets coûte très cher dans les communes. En outre, la plupart des communes n'assurent pas un recouvrement complet. Les études que nous avons conduites montrent que les chiffres varient entre 10 et 70 % de recouvrement. Une incitation économique au niveau des communes et des opérateurs manque donc complètement.
Les dispositifs d'incitation pour les entreprises sont inefficaces car il est trop facile pour ces dernières de se débarrasser gratuitement des déchets de façon illégale, ce qui est malheureusement aussi le cas de certains opérateurs publics, comme les communes.
Des expériences très intéressantes sont actuellement menées concernant les recycleries et ressourceries, notamment sur l'île de Bora Bora avec laquelle nous travaillons sur une déchetterie dont la première vocation est la mise en place de ressourceries, de réparation, de recyclage et de remise en état des biens. Ces expériences restent encore malheureusement un épiphénomène et un échantillon de ce qui pourrait être fait en Polynésie française, ce qui est foncièrement regrettable.
Le débat a été ouvert concernant les filières REP. Il a également été ouvert au MEDEF puisque les entreprises seront bien sûr les premières concernées. S'inscrire dans ce dispositif et être responsabilisé constitue une volonté très forte de la part des entreprises. Dans le sigle REP, la responsabilisation est la notion qui plaît le plus aux entreprises.
M. Stéphane Artano, président. - Je cède maintenant la parole aux représentants de la Fédération des associations de protection de l'environnement (FAPE).
M. Jason Man, représentant de la Fédération des associations de protection de l'environnement (FAPE). - Je représente une fédération regroupant des associations de protection de l'environnement, plus ou moins spécialisées sur la question des déchets. Nous effectuons surtout de la sensibilisation sur la réduction des déchets auprès de la population, dans les écoles ou lors d'événements durant lesquels nous tenons des stands. En outre, nous sensibilisons les entreprises privées ou le gouvernement sur ce même thème.
Nous expliquons que la quantité de déchets que nous produisons est liée à la très grande part de nourriture importée, qui engendre des déchets difficiles de traiter. Notre axe stratégique est donc d'encourager à limiter l'importation et à produire localement notre nourriture.
Nous agissons et accompagnons le gouvernement autant que nous pouvons sur ces leviers de sobriété. Nous l'avons notamment accompagné concernant l'acceptation, par la population, de la fameuse loi d'interdiction des sacs plastiques.
Mme Lana Tetuanui. - Cette table ronde porte sur les déchets au sens large du terme et concerne donc à la fois les déchets sur terre et les déchets dans les océans. Une grande campagne a notamment été lancée concernant la perliculture marine.
Je ne me gênerai pas pour évoquer devant mes collègues rapporteures les déchets dits « toxiques », pour ne pas dire « polémiques ». Parler de la Polynésie française nécessite de parler de la dépollution des atolls de Hao et de Moruroa. Mesdames les rapporteures, je tiens à ce que ce sujet figure dans le rapport. Outre les déchets ménagers, qui relèvent des compétences communales, nous devons évoquer les déchets dits « toxiques » dont la gestion revient à l'État. Les déchets contaminés par les essais nucléaires nous collent à la peau et constituent l'épine dans les chaussures des Polynésiens que nous sommes.
M. Stéphane Artano, président. - Merci. Je cède la parole aux deux rapporteures.
Mme Gisèle Jourda, rapporteure. - Chacun connaît ma sensibilité sur ce qui est lié aux pollutions. Sur ces territoires, les essais nucléaires ont laissé des traces. Cette question ne sera ni éconduite ni évitée dans le rapport car elle est beaucoup trop importante et engendre des répercussions tant sur les sites que sur les populations. Il nous faudra aborder ce sujet sans lunettes opaques.
Quelques intervenants nous ont parlé d'un territoire aussi vaste que l'Europe et, surtout, d'une archipélisation très étendue, pouvant à mon sens produire des problématiques d'insularités différentes au sein d'une même zone. Concernant la collecte et le traitement des déchets, j'aimerais que nous puissions disposer d'une cartographie de ces problématiques, ce qui nous permettrait de bien cibler et de personnaliser nos préconisations par rapport aux territoires.
S'agissant de la gouvernance, nous avons entendu un appel, lié au traitement et à ce qui pèse sur les communes, avec le souhait que la compétence du traitement soit transférée au pays. J'aimerais entendre l'opinion du conseiller technique du ministère quant à ce souhait.
Nous n'avons pas parlé du traitement des déchets hospitaliers et médicaux. Tout type de pollution a une incidence sur la salubrité et la santé publique.
Mme Viviane Malet, rapporteure. - Merci à tous pour vos propos.
Je souhaite savoir si le schéma directeur évoqué par le président Cyril Tetuanui impliquera les municipalités et si un plan municipal de gestion sera mis en place avec le pays sur la question des déchets. J'ai l'impression que la vision est parcellaire, avec le pays d'un côté et les communes de l'autre. Les communes semblent se débrouiller tant bien que mal. Les taxes sont mal ou très peu recouvrées, notamment en raison du pouvoir d'achat de la population. Un plan vraiment global ne serait-il pas plus efficace pour capter les subventions ?
Par ailleurs, ce plan ne devrait-il pas être l'occasion de mettre en place des mesures incitatives en faveur du tri ? Une écotaxe pourrait-elle être utile et a-t-elle été envisagée ?
Enfin, qu'en est-il des VHU, retrouvés dans tous les territoires, qui polluent et constituent des nids de moustiques et de larves ? Comment sont-ils traités, ramassés et acheminés ?
M. Stéphane Artano, président. - Je cède la parole à Cyril Tetuanui.
M. Cyril Tetuanui. - Je vous remercie de vos questions.
Concernant le traitement des déchets, le souhait du président des maires de Polynésie est que la compétence revienne au pays, comme c'était le cas avant 2004. Malheureusement, en Polynésie, un seul homme a décidé de transférer cette compétence aux communes sans consulter les élus locaux.
L'idéal est que le pays mette en place le schéma directeur en associant les communes, les collectivités, l'État et les entreprises privées. J'espère que ce schéma sera bientôt publié car nous l'attendons depuis quinze ans.
Une taxe existe en effet mais c'est le pays qui la perçoit, sans répartition pour les communes.
Par ailleurs, les ordures ménagères et les encombrants sont collectés par la commune tandis que les déchets toxiques et hospitaliers relèvent de la compétence du pays. Toutes ces compétences sont assumées dans nos petits territoires insulaires, sans moyens alloués par le pays. Établir un plan général pour l'ensemble de la Polynésie serait idéal car les moyens des communes sont trop limités.
Mme Viviane Malet, rapporteure. - Les taxes perçues par le pays font-elles l'objet d'un reversement aux communes ?
Mme Viviane Malet, rapporteure. - Vous assumez donc la collecte sur le budget principal de la commune.
M. Cyril Tetuanui. - Nous assumons nous-mêmes la collecte, de même que le traitement. Nous demandons des financements par le biais du contrat de projets mis en place entre l'État et le pays. Ces contrats constituent de bons financements mais l'enveloppe est insuffisante. Six milliards de francs CPF nous sont alloués chaque année alors que nous sommes six collectivités, devant gérer un grand nombre de compétences telles que le traitement des eaux usées et des déchets ou encore l'assainissement. Nous souhaitons donc que l'enveloppe soit plus importante par rapport à ces compétences.
Mme Gisèle Jourda, rapporteure. - S'agit-il d'une enveloppe générale ?
M. Cyril Tetuanui. - En effet. Cette enveloppe concerne les compétences environnementales et n'est pas fléchée seulement pour la gestion des déchets.
M. Stéphane Artano, président. - Quel est le nombre de taxes en matière de traitement des déchets et de collecte ?
M. Cyril Tetuanui. - Je laisserai Lana Tetuanui, sénatrice de la Polynésie française, répondre à cette question car elle siège à l'Assemblée de Polynésie, où les taxes sont votées.
Mme Lana Tetuanui. - Je souhaite préciser que la fiscalité est une compétence de la collectivité de Polynésie. La taxe pour l'environnement, l'agriculture et la pêche (TEAP) est prélevée par la collectivité et inscrite aux recettes du pays. En revanche, le pays, la collectivité et l'État interviennent via la délégation pour le développement des communes (DDC) afin d'aider les communes à acheter des camions, des véhicules et du matériel technique. Je reconnais que cette aide n'est pas suffisante.
M. Stéphane Artano, président. - Cela signifie que les communes ne reçoivent aucune recette de taxes qui viennent financer le fonctionnement de leurs services.
Mme Lana Tetuanui. - En effet. J'avais demandé que les recettes des amendes émises par les agents de police judiciaire adjoints (APJA) concernant les déchets soient reversées aux communes.
Mme Gisèle Jourda, rapporteure. - Cette idée peut constituer une piste puisque nous utilisons ce procédé concernant la lutte contre les infractions routières. En effet, les amendes émises par les policiers sont redistribuées à certaines collectivités afin de servir à la réfection des routes.
Mme Lana Tetuanui. - Concernant les VHU, la collecte et le traitement relèvent de la collectivité. Des campagnes - qui, j'espère, se poursuivront - ont eu lieu sur l'ensemble du territoire de la Polynésie via un financement de l'Ademe. Le pays a prolongé une autre convention avec l'Ademe qui permet d'aider la collectivité. Le pays peut se charger de la gestion des VHU sur l'île de Tahiti. Néanmoins, dans les autres îles, ce sont les services communaux et les élus locaux sur place qui font office de collectivité, financés par l'Ademe.
M. Stéphane Artano, président. - Je cède la parole aux intervenants en visioconférence afin qu'ils répondent aux questions.
M. Jerry Biret. - Nous ne disposons pas d'une cartographie de la gestion des déchets mais il pourrait être possible de la réaliser. Nous essayerons de vous l'envoyer le plus rapidement possible pour que vous puissiez avoir une visibilité sur ces problématiques.
Vous avez raison en soulignant que la problématique liée aux déchets n'est pas forcément la même d'une île à une autre, même au sein d'un même archipel, en fonction de la distance et de l'accessibilité de certaines communes via les liaisons aériennes ou maritimes.
En tant que technicien, vous comprendrez que je ne puisse pas répondre à la question sur le transfert de compétence.
Concernant le traitement des déchets médicaux, le service public de santé en Polynésie a un réseau de collecte et de traitement spécifique. Il existe une réglementation pour la gestion de ces déchets, pris en charge par la collectivité de la Polynésie française pour tous les centres de santé dans les îles.
Le schéma territorial de gestion des déchets vise à fixer des objectifs et une stratégie au niveau territorial. Une fois que ce document sera finalisé par nos techniciens, nous souhaitons le partager avec les communes, les entreprises et les associations afin que cette stratégie territoriale puisse s'étendre à toutes les questions que chacun peut se poser. L'objectif est ensuite la rédaction de plans municipaux par les différentes communautés, pouvant s'intégrer dans ce schéma territorial de gestion des déchets.
La réalisation du schéma territorial prend du temps car ce document est difficile à rédiger et à imaginer. Toutefois, nous espérons pouvoir l'achever et le partager avec nos partenaires très rapidement.
Concernant l'écotaxe et les recettes fiscales affectées au traitement des déchets, certaines taxes sont prélevées au titre de la protection de l'environnement, telles que la TEAP et la taxe pour l'environnement et le recyclage des véhicules (TERV), censée permettre la prise en charge du traitement des VHU. Ces taxes sont prélevées par le pays et entrent directement dans le budget général de la Polynésie française. Cette taxe n'est pas affectée à la Direction de l'environnement ou fléchée vers des opérations de traitement des déchets. En fonction des objectifs et de la stratégie budgétaire du gouvernement, le produit de cette taxe est réparti sur des opérations qui, souvent, n'ont pas de lien avec l'environnement.
J'ai parlé de problématique de financement du fonctionnement, notamment pour les communes. Concernant les investissements, nous sommes largement aidés. Toutefois, nous ne recevons pas forcément beaucoup d'aide pour le fonctionnement. Surtout, le Code général des collectivités territoriales indique que les communes doivent équilibrer leurs budgets annexes consacrés au traitement des déchets par les redevances payées par les administrés. Évidemment, ce n'est jamais suffisant pour payer le coût du traitement de ces déchets. Cette problématique est donc extrêmement importante pour l'ensemble des communes. Charles Egretaud a rappelé que certaines communautés ne regroupent que quelques dizaines de personnes. Dans le cadre de ces communautés, il est impossible d'envisager la construction d'infrastructures qui pourraient traiter les déchets alors même qu'elles doivent gérer le traitement.
Concernant les VHU, les opérations sont prises en charge par la collectivité. Le syndicat Fenua Ma possède deux presses à carcasses en Polynésie française. Régulièrement, nous lançons des opérations de récupération de ces carcasses. Nous sollicitons les communes souhaitant s'en débarrasser afin qu'elles en répertorient le nombre sur leur territoire. Ensuite, le syndicat se déplace dans la commune pour traiter toutes ces carcasses, qui sont ensuite dépolluées et compressées avant d'être exportées à l'étranger, à la charge du pays. Notons que le syndicat Fenua Ma ne couvre en principe que les communes de Tahiti et de Moorea (hormis une) mais intervient de temps en temps, lorsque c'est possible, dans d'autres communes, et notamment les îles Sous-le-Vent.
Cette opération coûte extrêmement cher puisque le coût du transport de ces carcasses vers Papeete, auquel s'ajoute le coût du transport vers l'étranger, est extrêmement onéreux. Plus la distance est grande, plus les coûts augmentent. Entre 2017 et 2021, nous traitions entre 1 000 et 1 300 carcasses chaque année, sachant que ces opérations ne sont jamais suffisantes pour traiter l'ensemble des carcasses présentes dans les différentes communes où les délais d'attente sont parfois de plusieurs mois. Le syndicat peine à répondre à toutes les demandes compte tenu des moyens de déplacement et surtout des spécificités de cette problématique.
Nous réfléchissons à l'idée d'investir dans des découpes afin de traiter les carcasses sur les îles et à les réexpédier à Papeete où elles seront compressées.
Nous travaillons avec la direction des ressources marines sur les déchets perlicoles. Nous voudrions profiter du passage du bateau qui collecte les déchets perlicoles pour récupérer d'autres déchets également, y compris les carcasses de voitures. Cette opération nécessite, elle aussi, beaucoup de logistique car certaines îles ne possèdent pas de quai ou de quai protégé de la houle. Nous rencontrons donc encore de grandes difficultés de logistique à résoudre.
M. Teva Guillain, directeur général des services du Syndicat pour la promotion des communes de Polynésie française (SPCPF). - Les budgets annexes consacrés à la collecte des ordures ménagères sont déficitaires pour la plupart des communes de Polynésie française. La mise en place de redevance vise à équilibrer le budget mais n'y parvient pas. Par exemple, la loi autorise la communauté de communes Havai à récupérer une subvention d'équilibre venant du budget général pour équilibrer le budget annexe car aucune commune ne compte plus de 10 000 habitants. La redevance s'élève à 9 000 francs CPF alors que, si nous voulions vraiment utiliser le budget, nous devrions établir une redevance à 36 000 francs CPF, ce qui est hors de portée des usagers.
Avec le fonctionnement actuel et sans que nous puissions encore prendre en charge le centre d'enfouissement technique, nous sommes déjà déficitaires. Nous appelons donc à l'aide afin d'obtenir un soutien financier pour l'investissement mais aussi l'exploitation du futur centre d'enfouissement technique.
Concernant la politique de traitement des déchets par incinération et gazéification, la communauté de communes a lancé, à deux reprises, des appels à projets, dont le dernier a malheureusement été trop coûteux alors que l'offre technique était tout à fait raisonnable. Il serait intéressant de voir si le pays pourrait prendre en charge le traitement des déchets par incinération, qui coûte très cher à la collectivité.
M. Cyril Tetuanui. - Le rapport devrait également évoquer les déchets liés à l'amiante car le désamiantage est très onéreux.
M. Stéphane Artano, président. - Merci. Je propose de passer maintenant à la Nouvelle-Calédonie.
Pour la province Nord, nous entendrons Nathaniel Cornuet, directeur du développement économique et de l'environnement ; pour la province Sud, Françoise Suve, rapporteure de la commission de l'environnement, accompagnée d'un représentant de la direction du développement durable des territoires (DDDT) ; et pour la province des îles Loyauté, Chérifa Linossier, chargée de mission « développement économique et relations extérieures » au secrétariat général.
Enfin, nous écouterons les représentants de l'Association française des maires de Nouvelle-Calédonie : Pierre-Olivier Castex, chef du service environnement de la ville du Mont-Dore et Emmanuel Récamier, chef de la division de la performance des services délégués de la direction de l'espace public de la ville de Nouméa.
M. Nathaniel Cornuet, directeur du développement économique et de l'environnement de la province Nord. - La province Nord est effectivement dotée d'un schéma provincial de gestion de déchets, voté en 2012 et réactualisé après une évaluation en 2018. La période du plan de gestion actuel s'étend de 2020 à 2023. Ce plan prévoit des dépenses d'investissements à hauteur de 25 millions d'euros et fixe les objectifs stratégiques et opérationnels de modernisation de la gestion des déchets. Il constitue la base des orientations commerciales en la matière pour assurer une mise à niveau coordonnée des infrastructures de gestion dans les 17 communes que compte la province Nord.
Cela comprend par exemple la mise en place d'un réseau d'infrastructures de type installations de stockage des déchets (ISD) et centres de transfert et de tri (CTT) aux normes ainsi que la réhabilitation des nombreux dépotoirs.
En outre, des objectifs de réduction d'enfouissement des déchets, de tri et de valorisation ont été votés par la province Nord dans le cadre de ce plan.
Malgré un contexte budgétaire très contraint, les moyens financiers nécessaires à la mise en oeuvre effective de ce plan sont votés chaque année, ce qui confirme la priorité donnée à cette problématique par l'ensemble des élus de la province Nord.
Notre collectivité peut également compter sur l'appui technique et financier de l'Ademe dans le cadre d'un partenariat efficace établi depuis plus de dix ans maintenant. Nous pouvons également compter sur l'appui de l'État au travers des contrats de développement.
Enfin, la dispersion des populations sur le territoire provincial, les difficultés à bénéficier de ressources humaines compétentes dans un domaine en évolution constante et les évolutions sociétales à accompagner font du sujet de la gestion des déchets une thématique complexe pour laquelle l'urgence à agir impose de développer de nouveaux partenariats.
Mme Françoise Suve, rapporteure de la commission de l'environnement de la province Sud. - Le sujet des déchets et, plus largement celui de l'économie circulaire, sont au coeur de la politique de la province Sud. La gouvernance et la répartition des compétences sont compliquées en raison d'un millefeuille institutionnel.
Le gouvernement ne dispose pas de schéma territorial ni d'une politique globale en matière de gestion des déchets s'agissant de ses propres compétences. Cette compétence reste actuellement confiée aux provinces, ainsi qu'aux communes concernant la collecte et le traitement. Le cadre réglementaire de cette compétence et les mesures incitatives relèvent des provinces, à travers un schéma provincial de gestion de prévention et de traitement des déchets pour permettre de régler ce problème.
Je laisserai aux communes le soin de développer la partie collecte et traitement, qui est aujourd'hui de leur ressort.
Concernant les dispositifs d'aide financière, le contrat de développement concerne surtout des investissements dans des infrastructures, ce qui nous permet, en majeure partie, de financer des installations de stockage des déchets (ISD), des déchetteries, des points d'apport volontaire et de réhabiliter des dépotoirs, qui posent de vrais problèmes pour l'environnement et la santé.
Nous bénéficions également d'un dispositif de financement à travers un accord-cadre passé avec l'Ademe, qui devait s'achever en 2021 mais qui a fait l'objet d'un avenant car la province est aussi en discussion sur les futurs contrats de développement. Cette enveloppe d'environ 5 millions d'euros est lissée sur cinq ans.
Par ailleurs, nous recevons des aides financières plus ponctuelles, liées à des fonds sur des thématiques précises, tels que le fonds « Territoires d'innovation » et les partenariats particuliers avec l'Agence calédonienne de l'Énergie (ACE), sachant que nous bénéficions d'un financement de l'État à travers l'Ademe et d'un financement territorial.
Ensuite, nous pouvons contracter différents prêts auprès des deux bailleurs de fonds principaux qui sont l'AFD et la Banque des territoires.
Enfin, l'autre financement de taille permettant de gérer la collecte et le traitement des déchets ménagers est la redevance d'enlèvement des ordures ménagères (REOM).
Nous appelons de nos voeux la création de cette passerelle avec les autres territoires du Pacifique car nous n'avons pas de véritable schéma régional de prévention et de gestion des déchets - pas forcément sur la totalité mais sur des déchets bien particuliers qui impactent nos activités et l'attractivité de nos territoires. Nous souhaiterions en outre bénéficier de fonds dédiés, qui pourraient dynamiser notre politique en matière de gestion des déchets, et bénéficier d'une continuité territoriale en matière d'ingénierie sur l'accompagnement technique qui est aujourd'hui à la disposition des différentes collectivités en métropole. Nous voudrions également accéder aux différents appels à projets nationaux concernant le traitement et les dispositifs permettant de collecter les déchets plus facilement et rapidement.
Nous menons actuellement une opération de collecte et de valorisation des navires hors d'usage. Une expérience pilote de six mois a été menée en début d'année, montrant qu'il s'agit d'une filière viable économiquement et porteuse de création d'emplois de proximité non délocalisables. Pour passer à une échelle supérieure, nous aurions peut-être besoin de recevoir l'accompagnement de l'Association pour la Plaisance Eco-Responsable (APER) et du ministère de la Transition écologique.
La Nouvelle-Calédonie représente environ 27 000 bateaux, parmi lesquels 6 000 bateaux qui seront en fin de vie dans les dix années à venir. Ce constat nécessite de l'anticipation.
Nous agissons sur les filières problématiques par rapport au Code de l'environnement, que nous n'hésitons pas à modifier et faire évoluer autant de fois que nécessaire pour nous permettre de nous adapter aux différents contextes rencontrés en Nouvelle-Calédonie.
Enfin, il serait intéressant qu'un volet dédié aux ultramarins de l'autre bout du monde soit développé lors des Assises - qui concernent à la fois la gestion de l'eau, l'assainissement, les déchets ou encore l'énergie - car nous ne disposons pas forcément des moyens qui existent en métropole. C'est d'ailleurs peut-être parce que nous ne disposons pas de beaucoup de moyens que nous devenons plus créatifs et que l'utilisation de l'argent dont nous bénéficions est optimale.
Mme Chérifa Linossier, chargée de mission « développement économique et relations extérieures » au secrétariat général de la province des îles Loyauté. - Le millefeuille administratif est effectivement très complexe, entre les acteurs en Nouvelle-Calédonie que sont les communes, les provinces, le gouvernement et une partie étatique concernant les mouvements transfrontaliers des déchets et régionaux pour les déchets radioactifs.
Nous avons mis un certain nombre d'actions en place.
Toutefois, nous avons essayé de modifier notre Code de l'environnement et, nos délibérations ayant été retoquées au tribunal administratif, elles ont dû passer en Cour administrative d'appel. Finalement, le Conseil d'État nous a donné raison sur les délibérations que nous voulions mettre en oeuvre pour protéger l'environnement. Ce millefeuille administratif constitue donc aussi un frein du point de vue de la veille réglementaire.
Nous pourrions essayer de travailler ensemble sur une meilleure transversalité au niveau de la réglementation. La partie judiciaire et juridique ne sait pas forcément que nous pouvons faire nos propres délibérations en la matière.
L'Ademe nous apporte un très bon soutien technique et financier. En outre, des acteurs du privé, des éco-organismes, voire des associations, interviennent sur la province des îles Loyauté.
Concernant le fonds européen et la défiscalisation, nous aimerions plutôt renforcer les capacités d'ingénierie des collectivités par le biais de cofinancements, avec, notamment, l'accompagnement de nos agents administratifs provinciaux ou communaux.
Concernant la partie coopération régionale, nous aimerions qu'un état des lieux ou un diagnostic plutôt régional des territoires du Pacifique soit mené. Nous avons l'obligation de sourcing au niveau des entreprises. Un état des lieux pourrait nous permettre de trouver, dans notre région, des acteurs économiques pouvant intervenir, voire des éléments pouvant faire l'objet d'un travail bilatéral entre les pays de la région.
Un tel état des lieux manque car, si nous menons un certain nombre de travaux au Forum des îles du Pacifique, les données sont très peu partagées. La Communauté du Pacifique (CPS) mène également des études, sur lesquels nous n'avons pas forcément un accès libre pour partager nos retours d'expérience.
Les trois îles comptent beaucoup de décharges sauvages, que nous avons identifiées grâce à une cartographie. J'aime souvent dire que nous vivons la double insularité puisqu'envoyer nos déchets hors de la Nouvelle-Calédonie nécessite tout d'abord d'exporter les déchets de nos quatre îles vers la Grande Terre.
Si, jusqu'à présent, nous réalisions de l'enfouissement, nous avons constaté un impact important au niveau de nos lentilles d'eau, sachant que les Loyaltiens utilisent l'eau par captage, dans les puits ou les lentilles d'eau douce. Il devient donc urgent de disposer d'une meilleure stratégie d'évacuation de ces déchets.
Concernant la chaîne de traitement, une loi du pays interdisant l'importation de plastiques à usage unique a été votée. Nous essayons de trouver des alternatives plus environnementales à ces objets pour pallier le faible respect de cette loi, en tentant de trouver des petites niches pour travailler le bambou ou d'autres matières organiques.
L'idée que le meilleur déchet est celui qu'on ne produit pas est la philosophie que nous essayons d'adopter. Nous avons initié, en partenariat avec un grand nombre d'associations, certaines démarches en ce sens.
Concernant l'économie circulaire, nous avons mis en place des partenariats avec la ressourcerie de Nouméa, très active sur le reconditionnement des vêtements. Nous essayons là encore de nous greffer à des associations présentes sur la Grande Terre. Le coût du fret maritime ou aérien est assez important et nous aimerions travailler avec les acteurs afin de trouver des solutions.
Six filières REP sont mises en route et nous suivons le programme de l'éco-organisme Trecodec localement pour les piles et les accumulateurs usagés.
Par ailleurs, la Chambre de commerce et d'industrie (CCI) a mis en place une « charte Chantier Vert » qui n'est pas accessible alors que de nombreux travaux du BTP sont effectués sur notre territoire, générant des déchets, notamment liés à l'amiante.
Nous n'avons pas encore vraiment de solution sur cette thématique. Or, malgré les recommandations réglementaires, nous ne pouvons pas nous contenter d'une charte, qui repose sur la bonne volonté des acteurs, concernant les sanctions. Aujourd'hui, il n'existe pas vraiment d'organisme de contrôle et de sanction concernant le respect d'une bonne gestion des déchets dans nos îles. L'aspect comportemental est pourtant un axe majeur pour que les populations se rendent compte de l'intérêt de mutualiser et de protéger nos îles.
M. Emmanuel Récamier, chef de la division de la performance des services délégués de la direction de l'espace public de la ville de Nouméa. - Concernant la gestion des déchets en Nouvelle-Calédonie, la compétence est moins clairement définie que dans le Code général des collectivités territoriales métropolitain. La réglementation demande simplement aux communes de s'occuper de la salubrité. De fait, les communes se sont tout de même saisies de la collecte et du traitement des déchets en s'insérant dans les réglementations provinciales mises en place, qui donnent de grandes orientations.
En Nouvelle-Calédonie, deux secteurs sont très différents. Le secteur de Nouméa et de son agglomération a une gestion de type urbain tandis que tout le secteur plus rural connaît une dispersion et utilise des services plus petits. Dans l'agglomération du Grand Nouméa, nous sommes déjà relativement avancés en matière de gestion des déchets.
Concernant la gouvernance, des communes ont conservé la compétence liée à la collecte. Des syndicats ont été créés, notamment pour l'installation de stockage des déchets non dangereux et pour la collecte dans les communes rurales. Nous retrouverons, au sein de la gouvernance, les difficultés et les avantages de l'intercommunalité, qui permet de mutualiser de nombreux éléments mais demande aussi tout un travail de convergence des objectifs.
Une installation de stockage des déchets non dangereux se trouve dans la province Sud, et fonctionne aussi pour la province des îles Loyauté et toute la Calédonie. Nous sommes chanceux car cette installation aux normes n'est pas encore saturée et sera a priori efficace durant une dizaine d'années encore.
Nos objectifs sont la réduction de la production de déchets, qui s'inscrit dans la stratégie provinciale, et la création d'une stratégie pour gérer mieux les déchets dangereux et améliorer la valorisation, ce qui nécessite encore de nombreux progrès. En outre, une démarche de responsabilité élargie des producteurs se développe actuellement dans la province Sud et apporte un financement différent pour notre filière des déchets - ce qui n'empêche pas que les contribuables et usagers doivent aussi financer leur part et que nous ayons besoin de tous les financements externes, notamment pour tous les grands investissements.
L'agglomération de Nouméa a la chance d'avoir un budget équilibré, ce qui n'est pas le cas de toutes les communes de Nouvelle-Calédonie. D'après l'étude menée en 2019 par l'AFD, une majorité a encore besoin de la contribution des contribuables, et non pas des usagers, pour financer le service mais nous sommes globalement dans la bonne direction. Des actions sont menées mais de nombreux progrès doivent encore être réalisés en termes de valorisation. D'un point de vue technique, le Grand Nouméa se situe à la croisée des chemins. La question est de savoir si nous souhaitons continuer à développer et renforcer ce qui a déjà été initié en matière de valorisation, après un tri effectué par les usagers en porte-à-porte, ou si nous nous dirigeons vers d'autres solutions, en essayant de minimiser au maximum l'enfouissement.
Un schéma directeur intercommunal est en cours, pour lequel nous espérons voir les résultats prochainement. Ce schéma nous permet de définir des orientations pour le Grand Nouméa, qui seront aussi utilisées pour tout le reste de la province. Nous avons échangé avec La Réunion sur ce sujet et nous profitons des retours d'expériences de l'Ademe, très précieux car des investissements importants seront à faire.
Évidemment, nous espérons valoriser au maximum nos déchets. Nous rencontrons le même problème que les autres territoires : nous produisons beaucoup trop de déchets mais notre gisement de déchets valorisables est beaucoup trop faible pour développer des filières locales de valorisation réelle des déchets. Nous les exportons en partie mais cette méthode, de même que la qualité de la valorisation à l'export, posent beaucoup de questions. Des investissements importants doivent être effectués. Le mode de financement évolue, pesant plus sur les producteurs et moins sur les usagers.
M. Pierre-Olivier Castex, chef du service environnement de la ville du Mont-Dore. - Je remercie Emmanuel Récamier et mes collègues de la province Sud qui ont rappelé la difficulté causée par le millefeuille administratif sur le territoire calédonien.
La ville du Mont-Dore compte environ 28 000 habitants.
Nous avons connu une certaine modernisation de la gestion des déchets. Depuis 2000, des évolutions importantes ont permis la mise en place d'actions concrètes. La ville du Mont-Dore s'était engagée dans une politique assez active en matière de gestion durable des déchets, avec la volonté de nous détourner du mode d'élimination des déchets d'emballage par enfouissement. Cette politique a débuté avec des points d'apport volontaire, que nous avons souhaité compléter en 2012 par une collecte sélective en porte-à-porte.
La ville a effectué des investissements importants, aidés par la province Sud, pour la création d'un centre de tri et de traitement des déchets d'emballage via une société d'économie mixte qui exploite cette usine. Les objectifs stratégiques assez ambitieux que nous avions fixés à l'époque doivent aujourd'hui être revus. Certains points nécessitent un travail afin d'améliorer et d'atteindre ces objectifs stratégiques.
En matière de prévention et de gestion des déchets, le besoin de la ville est de pouvoir réduire la quantité de ces déchets ménagers. Nous avons fixé un taux de 15 % par la mise en place d'un plan d'action sur les différents types de déchets gérés par la ville. Nous disposons des exutoires pour des déchets comme les végétaux, pour lesquels nous organisons aujourd'hui un système de broyage à domicile.
Nous voulons également augmenter la performance de tri et le taux de captage des recyclables à plus de 20 %. Il est vrai que nous n'atteignons pas les taux escomptés. Nous souhaitons rendre le tri plus efficace en améliorant les systèmes, notamment de ramassage.
Il existe également des réflexions sur les différents modes de tarification. Une personne qui fait l'effort de trier paie la même redevance qu'une personne qui n'effectue aucunement le tri de ses déchets. Pourquoi ne pas introduire une taxe incitative modulée en fonction du nombre de levées ?
Surtout, nous souhaitons qu'une réflexion soit menée sur l'instauration éventuelle d'une taxe d'enlèvement des ordures ménagères (TEOM). Nos communes connaissent des difficultés quant à l'équilibre budgétaire de notre budget annexe des ordures ménagères. Nous sommes dans l'obligation d'équilibrer la dépense et la recette de ce budget annexe. Or pour un certain nombre de communes, l'équilibre est créé depuis le budget principal. Nous appelons de nos voeux un travail d'optimisation sur le coût du service des ordures ménagères en Nouvelle-Calédonie.
Concernant la réduction de la nocivité des déchets ménagers, notamment dangereux, nous constatons un certain nombre de déchets de nettoyage, d'entretien ou de travaux malheureusement encore envoyés à l'enfouissement. Des efforts importants ont été réalisés par la province Sud, avec la mise en place de campagnes ponctuelles pour permettre la collecte historique de ce type de déchets. Les communes, et notamment celle du Mont-Dore, souhaitent emprunter cette direction.
De même que Dumbéa, Nouméa et Païta, la ville du Mont-Dore a délégué la compétence traitement à un syndicat intercommunal de Nouméa en 2005. Le schéma intercommunal de prévention des déchets a été initié par ce syndicat. Il existe une vraie volonté que la gestion des déchets ait lieu dans une organisation intercommunale à même de pouvoir mutualiser et exploiter les infrastructures. Nous agissons plus ou moins dans une intercommunalité d'opportunité et nous souhaiterions agir dans une intercommunalité de projets, avec des portages de projets en commun.
Les soutiens et les aides ont été assez bien développés sur les territoires. Cependant, les communes souhaitent une avancée significative concernant la responsabilité élargie des producteurs.
M. Stéphane Artano, président. - Je cède la parole à nos deux rapporteures pour qu'elles puissent poser des questions complémentaires.
Mme Viviane Malet, rapporteure. - Merci de toutes ces précisions. Je constate une vraie volonté, sur le territoire, d'effectuer de la valorisation des déchets. Je souhaite savoir si des mesures incitatives en faveur du tri vous semblent opportunes, telles que des gratifications monétaires ou matérielles pour encourager les populations les plus éloignées aux gestes du tri.
Par ailleurs, j'aimerais avoir davantage de précisions sur la problématique des déchets toxiques et des déchets d'activités de soins à risques infectieux (DASRI).
Mme Gisèle Jourda, rapporteure. - La logique de bassin et le souhait d'un traitement des déchets à une échelle territoriale plus importante, exprimés par plusieurs interlocuteurs, ont particulièrement retenu mon attention.
Ensuite, j'aimerais davantage de précisions concernant les contaminations et l'impact sanitaire liés aux dépôts sauvages.
Enfin, le traitement des déchets médicaux n'a pas été évoqué.
M. Stéphane Artano, président. - Je cède la parole aux intervenants en visioconférence afin qu'ils répondent aux questions.
Mme Yoanne Massemin, responsable du bureau de la gestion des déchets de la province Sud. - Une société s'occupe de la gestion des Déchets d'activités de soins à risques infectieux (DASRI) en Nouvelle-Calédonie et nous disposerons prochainement d'une unité de traitement local. En outre, nous avons réglementé la filière des médicaments non utilisés l'année dernière en tenant compte de la responsabilité élargie du producteur. Ces éléments contribuent à structurer la filière de cette partie des déchets dangereux.
Concernant les autres déchets dangereux, nous menons des opérations pilotes d'évaluation de stocks historiques afin de préfigurer l'organisation de ces filières et de voir les modalités de gestion et de financement que nous pourrons mettre en place, par la voie réglementaire ou volontaire. Un éco-organisme s'est créé pour mettre en place une filière de gestion volontaire pour les produits phytosanitaires non utilisés.
Ces actions, récentes, se structurent et, a priori, nous disposerons localement d'une unité de valorisation de ces DASRI et des déchets diffus spécifiques.
Concernant les mesures incitatives pour le tri, dans la province Sud, nous avons réglementé l'année dernière la filière REP des emballages, qui devrait se mettre en place au début de l'année 2023. Des études sont en cours pour une Redevance pour l'enlèvement des ordures ménagères (REOM) incitative. De plus, une société utilise des systèmes de « rewarding », avec des rétributions par rapport à des actions dans les quartiers.
Mme Chérifa Linossier. - Effectivement, il nous est apparu indispensable d'accélérer les actions relatives aux décharges sauvages et aux lentilles d'eau. Nous avons identifié toutes les décharges sauvages et la solution était, pour l'instant, plutôt l'enfouissement. Cependant, en remédiant à un problème, un second est apparu. La compétence est partagée avec le gouvernement puisqu'elle a trait à la gestion des DASRI, des médicaments, de l'amiante et de l'eau. Un programme est en cours avec la Politique de l'eau partagée (PEP) au sein du gouvernement et nous essayons de rappeler subtilement que ce risque ne relevant pas de notre compétence, nous devons être accompagnés financièrement pour extraire ces déchets le plus rapidement possible.
L'urgence liée à la qualité de l'eau et de nos nappes phréatiques a accéléré notre politique de gestion des déchets, qui étaient enfouis jusqu'à présent.
M. Stéphane Artano, président. - Je voudrais toutes et tous vous remercier de la qualité de vos interventions et de votre présence à cette table ronde, qui nous a permis de faire un tour très complet du bassin Pacifique en matière de gestion des déchets.
Étude sur la gestion des déchets dans les outre-mer - Table ronde Terres australes et antarctiques françaises (TAAF)
M. Stéphane Artano, président. - Sans transition, je vous propose d'aborder à présent notre seconde table ronde consacrée à la gestion des déchets dans les TAAF.
Pour parfaire notre information sur le sujet et celle de nos deux rapporteures, Gisèle Jourda et Viviane Malet, et pour compléter notre état des lieux, nous allons entendre notre collègue Christophe-André Frassa, sénateur représentant les Français établis hors de France, en sa qualité de président du groupe d'études Arctique, Antarctique et Terres australes du Sénat, et M. Charles Giusti, préfet, administrateur supérieur des Terres australes et antarctiques françaises (TAAF) que nous avons auditionné récemment sur la stratégie maritime française.
Je tiens à vous remercier très chaleureusement, cher collègue et monsieur le préfet, pour ce retour d'expérience et ces éclairages rares - et donc précieux - sur des territoires quasi-inhabités mais qui n'échappent pas au défi des déchets.
M. Christophe-André Frassa, sénateur représentant les Français établis hors de France, président du groupe d'études Arctique, Antarctique et Terres australes du Sénat. - Il s'agira pour ma part d'un simple retour d'expérience car je ne suis a priori pas un spécialiste de la gestion des déchets. J'ai pu observer, dans ces petits « cailloux » de l'océan Indien austral, un formidable travail relatif à la gestion des déchets, parce qu'aucun, que ce soient les îles Éparses, les îles Crozet, de Kerguelen, de Saint-Paul et d'Amsterdam, ne dispose de système de traitement des déchets. Loin de la première île réellement habitée, c'est-à-dire La Réunion, siège de la préfecture des TAAF, un système de tri, ou plutôt de pré-tri, des déchets a été mis en place, parce qu'en réalité, le seul camion poubelle de toute la collectivité, c'est le Marion Dufresne, navire amiral des TAAF, qui ne passe que tous les trois mois. C'est finalement une certaine discipline qui est mise en place et qui est - et j'avoue que j'ai là aussi été impressionné -, très bien consentie par tous les « hivernants » ou les « estivants » (ou les « campagnards d'été »). À Crozet, Kerguelen ou Amsterdam, la vie sur la base est organisée de la façon la plus respectueuse possible.
Pour résoudre le problème de l'éloignement - il faut 5 jours de bateau pour relier Kerguelen à La Réunion, distantes de près de 3 000 kilomètres -, les bases ont construit des hangars entiers pour trier et héberger les déchets des 47 hivernants de Kerguelen, et de la trentaine qui vit à Crozet et Amsterdam. Véritables hangars, on y descend à un degré de précision du tri qui laisserait songeuses nos communes les plus engagées dans le tri sélectif. Tout ce qui ne peut pas être détruit sur place - un système d'incinération a été mis en place - est embarqué à chaque rotation du Marion Dufresne. La discipline est forte et est assimilée par chaque personne qui vit sur la base et qui va au tri régulièrement. J'ai visité ces hangars avec les chefs de districts : ils se remplissent assez vite parce que dès qu'il y a des travaux, il y a des gravats. Parfois, ils peuvent avoir une seconde vie qui ne nécessite pas de de les évacuer vers La Réunion : ils ont servi notamment de terrassement pour la centrale photovoltaïque à Amsterdam. Mais La Réunion demeure le destinataire du recyclage ou de la destruction de déchets finaux.
Dans le tri, il y a même parfois un sous-tri pour certains déchets, les métaux, ou certains déchets d'emballages notamment. La taille des hangars nécessaire pour accueillir les déchets de la vie quotidienne d'une petite communauté sur une durée de trois mois est impressionnante.
Au-delà, il y a aussi une politique qui préconise d'utiliser des emballages recyclables, y compris sur le Marion-Dufresne, qui a une politique d'utilisation des eaux grises, se refusant, comme le font tant d'autres, à les rejeter en mer. Cet axe se trouve au coeur de notre vision pour les TAAF, puisque je suis aussi membre du conseil consultatif des Terres australes et antarctiques françaises.
Voici pour mon retour d'expérience. Les enjeux sont importants s'agissant tant d'une réserve naturelle nationale que de territoires que l'Unesco nous a fait l'honneur d'inscrire sur la liste de son Patrimoine mondial, en 2018.
M. Charles Giusti, préfet, administrateur supérieur des Terres australes et antarctiques françaises (TAAF). - La transition écologique est un axe fort de la politique des Terres australes et antarctiques françaises. Nous travaillons en ce moment à l'élaboration d'un plan « climat, air, énergie territoriale » pour les cinq districts, en partenariat avec les forces armées de la zone sud de l'océan Indien pour les îles Éparses et avec l'institut polaire français pour la Terre-Adélie.
S'agissant du traitement des déchets, nous avons élaboré un schéma directeur comportant notamment deux axes forts : la réduction à la source, autant pour les déchets matériels que pour les produits qui sont utilisés dans les territoires, l'objectif étant de réduire les effluents liquides et les pollutions éventuelles ; le stockage, qui constitue effectivement une contrainte forte dans ces bases permanentes. Comme le rappelait le sénateur Christophe-André Frassa, il y a un peu moins de 30 personnes, voire 20, en Terre-Adélie, à Dumont-d'Urville, jusqu'à une centaine à Kerguelen, mais en saison d'été seulement. Entre l'hivernage et la campagne d'été, nous doublons à peu près les effectifs et donc on est effectivement entre un peu moins de 30 à Crozet et Amsterdam et une cinquantaine en hiver à Kerguelen. Dans les îles Éparses, la souveraineté est assurée par la présence permanente de détachements de 15 à 16 personnes.
Du point de vue des déchets solides, les Terres australes (Crozet, Kerguelen, Saint-Paul et Amsterdam) représentent l'activité la plus importante des TAAF, avec environ 130 tonnes de déchets par an. Une politique de tri sélectif extrêmement fine a été mise en place de longue date. Elle est associée, pour chacun des éléments du tri, à des filières de récupération, de valorisation ou de traitement. Les superficies occupées dans ces bases sont assez larges : les déchets occupent soit un hangar complet, soit une grande partie d'entre eux.
Le schéma directeur des déchets a été élaboré à la suite d'une étude menée avec l'appui de la Banque des territoires. Le constat de départ était favorable, puisque la politique de valorisation, de récupération et de recyclage des déchets était déjà bien avancée. Nous assurons aussi le recyclage des matériaux de construction : lorsqu'un bâtiment est détruit, les résidus de construction sont concassés et réutilisés. Nous valorisons également des textiles grâce à des « friperies » qui limitent les approvisionnements en vêtements.
Le point faible est le traitement des déchets organiques. C'est pourquoi le schéma directeur prévoit deux investissements, un composteur pour Amsterdam et un digesteur pour Crozet. À l'heure actuelle, ces déchets sont incinérés avec les cartons, parfois des résidus de bois, mais l'incinération est aussi génératrice de déchets ultimes à exporter - les mâchefers - que nous souhaitons réduire. Le travail essentiel lié au schéma directeur des déchets des TAAF consiste à traiter ce sujet. À son terme, nous aurons une politique complète sur tous les types de déchets, de l'élimination, notamment des déchets organiques, jusqu'au stockage et à l'évacuation des déchets. Qu'il s'agisse des Terres australes françaises, ou de l'archipel des Glorieuses, tous classés en réserves naturelles, sans compter les îles Éparses qui le seront en 2023, nous ne conservons aucun déchet dans ces espaces protégés et il est systématiquement procédé à leur complète évacuation.
La Terre-Adélie entre dans le cadre juridique du traité sur l'Antarctique, dont l'annexe 3 régit les questions de déchets, et prévoit explicitement leur évacuation hors de la zone du traité.
La politique principale consiste à identifier des filières pour chacun des déchets, que ce soit à la Réunion pour les Terres australes ou les îles Éparses, ou en partie en Australie, pour la Terre-Adélie, puisque le port de ravitaillement logistique de ce territoire est Hobart, en Tasmanie.
Je confirme que le Marion Dufresne est le vecteur principal d'évacuation des déchets pour ce qui concerne les Terres australes, et qu'il peut l'être partiellement pour les îles Éparses. En revanche, nous nous appuyons sur l'Astrolabe pour la Terre-Adélie, qui est le vecteur logistique principal pour cette zone Antarctique, ou sur des bâtiments de la marine nationale, qui évacuent régulièrement dans les îles Éparses.
Au-delà des déchets produits localement, nous réalisons également, comme en mai et juin dernier avec l'Astrolabe, une évacuation des déchets ramassés sur les plages et les côtes, notamment des îles Éparses. Nous menons une politique de ramassage systématique des déchets, principalement plastiques, par les équipes présentes sur place, que ce soit les militaires, les gendarmes représentants du préfet, ou les agents de l'environnement.
Globalement, cette politique de gestion des déchets représente un coût de l'ordre de 150 000 euros par an, ce qui est un investissement important pour le territoire des Terres australes et antarctiques françaises.
Mme Viviane Malet, rapporteure. - Merci monsieur le préfet, et merci Christophe-André de nous avoir relaté ton expérience très fructueuse. Je m'interroge sur les déchets dangereux, notamment les mâchefers. Comment sont-ils acheminés ? Quid de l'amiante ?
M. Charles Giusti. - Nous évacuons systématiquement tous les déchets dangereux par le biais de filières spécialisées et dans des conditions de transport adaptées à chaque type de déchets. Pour l'amiante, nous faisons appel à des sociétés qui assurent à la fois les opérations de désamiantage et le conditionnement des déchets pour leur transport sur le Marion Dufresne ou l'Astrolabe s'agissant de la Terre-Adélie. Les déchets sont ensuite directement envoyés vers la métropole dans des filières spécialisées.
Mme Viviane Malet, rapporteure. - Les déchets dangereux ne passent donc pas par La Réunion ? C'est ce que je voulais savoir, parce qu'en ce moment, nous avons une problématique de stockage et d'évacuation des déchets dangereux.
M. Charles Giusti. - Les déchets dangereux arrivent à La Réunion, car tout passe par La Réunion, mais, à ma connaissance, les filières spécialisées, en tout cas pour l'amiante, les envoient ensuite directement en métropole.
Mme Gisèle Jourda, rapporteure. - Le personnel qui s'occupe des déchets est-il un personnel permanent ?
M. Charles Giusti. - Tout le monde est mis à contribution dans cette partie de tri et de gestion des déchets. Il y a un personnel particulier, le responsable des approvisionnements, qui organise l'évacuation des déchets, puisqu'il faut être en parfaite coordination entre les districts, les bases, tenir compte des niveaux de stockage admissibles, puisque certains déchets ne peuvent être évacués systématiquement, et puis, de leur éventuelle récupération au port d'arrivée, y compris lorsque des déchets dangereux doivent ensuite partir vers la métropole, ou éventuellement en métropole vers l'Afrique du Sud, ou vers l'Inde pour certains déchets.
L'organisation mise en place est complexe, à l'image de toute la logistique des TAAF, puisqu'elle repose sur le passage régulier de navires, en moyenne tous les 3 mois mais cela peut être beaucoup plus long, environ 5 mois en période d'hivernage.
Mme Gisèle Jourda, rapporteure. - Quel est le « plan Orsec » quand le bateau ne passe pas pendant plusieurs mois ? Tout semble parfaitement organisé, mais le dispositif n'est-il pas fragile s'agissant de territoires presque autarciques et si éloignés ?
M. Charles Giusti. - Tout est organisé, y compris la capacité de reconfiguration, étant donné l'aléa majeur que constitue la météo. En règle générale, nous avons des marges pour nous reconfigurer en fonction de l'état de la météo, et on peut ajuster éventuellement les dates d'escale à la marge, par exemple lorsque l'on s'aperçoit, lors d'une escale, que telle ou telle opération sera impossible compte-tenu des conditions météo.
Nous avons l'habitude de gérer ces aléas et les intégrons dans le dimensionnement des temps d'escale, et puis après on priorise, il y a des déchets qu'il faut évacuer plus rapidement. Le système est extrêmement organisé, c'est une logistique complexe qui nécessite une préparation extrêmement fine, mais qui dispose également d'une capacité d'adaptation en fonction des différents aléas. En priorisant et en anticipant, on évite de se trouver dans une situation critique avec des volumes de déchets qui finiraient par poser problème.
La production globale reste cependant modeste, 130 tonnes en tout pour les 3 districts austraux : environ 70 tonnes pour Kerguelen, 30 tonnes pour Amsterdam et 30 tonnes pour Crozet.
Mme Gisèle Jourda, rapporteure. - Ces territoires sont passionnants, mais quand on ne les a pas approchés, on a du mal à se faire une idée de cette organisation quasi militaire du stockage et du traitement du déchet sur des territoires vraiment très disparates.
M. Christophe-André Frassa. - Sous le contrôle du préfet, j'ajouterai que si les hangars ont été agrandis sur certaines bases, c'est précisément pour faire face à l'éventualité d'une impossibilité ou d'un retard dans la rotation, pour pouvoir stocker un peu plus de 3 mois de tri de déchets.
En outre, si à Kerguelen et à Amsterdam, on peut utiliser un chaland pour aller de la base au Marion Dufresne, à Crozet, où il n'y a pas de quai, tout se fait par rotation d'hélicoptère. Tout repose sur la météo et est donc priorisé : en premier, évidemment on décharge du bateau les vivres pour les 3 mois à venir, puis vient l'évacuation de tout ce qui doit repartir avec le bateau. J'ai été témoin de la dépendance à la météo, puisque, le jour de notre arrivée à Crozet, une tempête avec des vents à 120 kilomètres/heure a fait stopper les manipulations deux heures après notre arrivée et jusqu'au lendemain matin. Le chef de mission a dû reprogrammer certaines choses en urgence, et fort heureusement, il avait été prévu un temps plus long de séjour sur Crozet, ce qui a permis de tout réaliser.
M. Charles Giusti. - Ce qui est vrai pour les déchets est également vrai pour les livres, pour le gazole, pour le matériel médical, de manière générale pour tout ce qui peut permettre de garantir la vie, voire la survie, de ces personnes dans ces territoires extrêmement isolés. La gestion des déchets est d'une complexité particulière, mais tout ce qui est destiné à ces territoires est soumis à cet aléa et nécessite que l'on anticipe une difficulté lors d'une rotation qui obligerait à ravitailler lors d'une rotation suivante.
Concernant spécifiquement le gazole, le stockage stratégique est un élément important puisqu'il faut être en capacité de tenir quelques mois au cas où on ne pourrait pas ravitailler.
M. Philippe Folliot. - En 2016, j'ai participé à une rotation à Kerguelen et j'ai assisté à une opération qui mérite réflexion, car elle témoigne d'une vision un peu extrémiste de la gestion des déchets.
Quelques années plus tôt, une introduction de moutons avait eu lieu sur l'île Longue, juste en face de Port Jeanne d'Arc. Pour préserver l'écosystème, une clôture avait été mise en place pour séparer l'île en deux : les moutons occupaient tantôt une partie de l'île, tantôt l'autre. Pour des raisons diverses et variées, il a été décidé de mettre fin à cette expérience et les moutons ont été tués. Du point de vue de l'autonomie alimentaire, cette décision interroge, mais la logique qui prévalait était d'avoir le moins d'espèces invasives possible, d'autant que des milliers de cerfs, introduits naturellement, avaient envahi toutes les îles Kerguelen. À la différence du mouton, le cerf nage ! Mais ceci est une parenthèse.
Lorsque cette décision a été prise, il a également fallu se débarrasser de la clôture qui gênait les oiseaux. Or, il a été décidé de ramener cette clôture dans l'Hexagone ! J'ai assisté moi-même à la manoeuvre qui consistait, avec un hélicoptère, à prendre les ballots de grillage et les mettre sur le Marion Dufresne. Ensuite, ils ont été évacués vers l'île de La Réunion, mais celle-ci ne disposant pas d'une capacité de recyclage, ils ont été transportés jusque dans l'Hexagone. Très honnêtement, je m'interroge sur le bilan écologique d'une telle décision, alors que juste en face de l'île Longue, à port Jeanne d'Arc, se trouvent des milliers de tonnes de fer rouillé issus de l'ancienne base baleinière norvégienne. Il me semble qu'on aurait pu soit les stocker avec, soit les immerger : après tout, il y a des épaves à proximité et le fer n'est pas un déchet toxique à proprement parler.
À l'époque, j'avais écrit à votre prédécesseur, lui faisant un compte rendu de mission, avec quelques éléments de réflexion. J'avais alors préconisé de faire davantage appel au bon sens paysan : en l'occurrence, il aurait permis des économies tant sur le plan budgétaire qu'au niveau du bilan environnemental de l'opération.
Voilà pour cette parenthèse qui, sans être totalement dans notre sujet, s'en approche de près.
Je confirme par ailleurs que nous sommes dans des territoires extrêmes et qu'en tout état de cause, dans l'ordre des priorités, il y a la sauvegarde des personnes, puis la sauvegarde des moyens et matériels et, enfin, les déchets, qui arrivent un peu après, ce qui n'est pas illogique.
Au sein du Conseil consultatif, il y a une réelle prise en considération de la problématique, car un des objectifs relatifs aux TAAF est de profiter de leur petite taille pour en faire des modèles en matière de développement durable. Les contraintes de logistique et les aléas météorologiques complexifient cependant parfois la tâche.
Il arrive que le mieux soit l'ennemi du bien. Tentons de garder le juste équilibre entre ce qui participe d'une réduction à la source des déchets, de leur tri et récupération, et les logiques hexagonales qui ne sont pas forcément adaptées à ces territoires. En ce sens, il faut laisser au préfet la capacité d'organiser les choses au mieux et avec bon sens.
M. Stéphane Artano, président. - Merci à tous pour votre participation et pour les clarifications qui nous ont été apportées, notamment sur les flux et la manière dont sont gérées les choses.
Puisque nous concluons nos travaux pour la présente session, je vous livre quelques informations générales sur nos travaux à venir car la rentrée de la délégation s'annonce particulièrement chargée :
- le mardi 4 octobre à 21 h 30, il y aura un débat en séance publique suite aux travaux de la Mission d'information sur les fonds marins auxquels plusieurs d'entre nous ont participé, et dont le rapporteur est Teva Rohfritsch ;
- le mercredi 5 octobre à 18 heures se tiendra le débat en séance publique relatif aux conclusions du rapport de notre délégation sur la place des outre-mer dans la stratégie maritime nationale, rédigé par nos collègues Annick Pétrus, Philippe Folliot et Marie-Laure Phinera-Horth ;
- le jeudi 6 octobre 2022 à 9 heures, la délégation entendra Jean-François Carenco, le ministre délégué auprès du ministre de l'intérieur, chargé des outre-mer ;
- en octobre également, nous lancerons des auditions pour actualiser le travail initié en 2020 par Michel Magras sur la différenciation territoriale, tout en poursuivant nos auditions pour le rapport sur la gestion des déchets en vue de son achèvement, si possible, en novembre ;
- enfin, je vous rappelle que le lundi 21 novembre 2022, la délégation organisera à nouveau un après-midi d'échanges au Sénat avec les maires et élus d'outre-mer à l'occasion du prochain Congrès des maires, sous le haut parrainage du président Gérard Larcher.
J'ai également reçu plusieurs demandes, notamment de notre collègue Victoire Jasmin, sur la situation des jeunes ultramarins, et de la présidente de la délégation aux droits des femmes, Annick Billon.
Je vous propose donc que nous organisions à la rentrée un échange en vue de notre programme de travail 2022-2023 qui devra, de toute façon, être communiqué au Bureau du Sénat avant décembre 2022.