Jeudi 23 juin 2022
- Présidence de Mme Marie-Laure Phinera-Horth, secrétaire -
Étude sur la gestion des déchets dans les outre-mer - Table ronde sur la responsabilité élargie des producteurs (REP)
Mme Marie-Laure Phinera-Horth, présidente. - Au nom du président Stéphane Artano, qui vous prie de l'excuser - il est actuellement à Saint-Pierre-et-Miquelon, mais il s'associe à nos travaux en visioconférence -, j'ai le plaisir d'accueillir ce matin les participants à cette table ronde consacrée aux filières à responsabilité élargie des producteurs (REP).
Cette table ronde s'inscrit dans le cadre de l'étude de la Délégation sénatoriale aux outre-mer sur la gestion des déchets dans les territoires ultramarins, dont les rapporteures sont Gisèle Jourda et Viviane Malet. Je salue également la présence de nos collègues membres du groupe d'études du Sénat sur l'économie circulaire, présidé par Marta de Cidrac.
Comme vous le savez, les filières REP sont des dispositifs fondés sur le principe selon lequel les producteurs, c'est-à-dire les personnes responsables de la mise sur le marché de certains produits, doivent financer ou organiser la prévention et la gestion des déchets issus de ces produits en fin de vie.
On considère souvent que la France est l'un des pays ayant le plus recours à ce dispositif. Pourtant, on ne peut que constater l'absence ou la faiblesse de ces filières dans nos outre-mer. Comment expliquer ce décalage ? Quelles sont les conséquences en matière de tri et de recyclage ? Comment accélérer la mise en place de telles filières, en tenant compte de nos spécificités territoriales ?
Pour répondre à toutes nos interrogations et surtout à celles de nos deux rapporteures, nous allons entendre successivement Arnaud Humbert-Droz, président exécutif de Valdelia ; Maxime Vesselinoff, directeur conseil d'Ecosystem, accompagné d'Alexis Blanc, responsable des opérations outre-mer, ainsi que de Chloé Brumel-Jouan, directrice des relations institutionnelles ; sur la valorisation des déchets agricoles, Pierre de Lépinau, directeur général d'Agriculteurs, distributeurs, industriels pour la valorisation des déchets agricoles (Adivalor) ; Guillaume Arnauld des Lions, délégué général de l'association pour la plaisance éco-responsable (APER) ; André Zaffiro, directeur général de Cyclevia et Yannick Jegou, président de Dastri, accompagné de Laurence Bouret, déléguée générale. Enfin, nous achèverons ce premier tour de table avec Stéphane Murignieux, président de l'Institut de la transition écologique des outre-mer (Itedom).
Je demanderai d'abord aux deux rapporteures de bien vouloir formuler leurs questions, sachant qu'une trame a été adressée aux intervenants afin de leur permettre de préparer cette réunion. Puis, les représentants des éco-organismes auront la parole, dans l'ordre que je viens d'énumérer et chacun pendant environ cinq minutes, pour un premier tour de table. Enfin, je donnerai la possibilité à ceux de nos collègues qui voudront intervenir de le faire à leur tour, y compris en visioconférence.
Mme Gisèle Jourda, rapporteure. - Cette table ronde réunit de nombreux acteurs de la filière REP, ainsi que Stéphane Murignieux, de l'Itedom, qui pourra nous apporter un regard transversal sur ce sujet.
Avec ma collègue, nous avons souhaité entendre des filières REP très diverses, aussi bien par leur ancienneté ou leur taille que par la nature de leurs déchets. Au préalable, je prie les filières qui n'ont pas été conviées de bien vouloir nous excuser : la France compte trop de filières pour pouvoir les réunir toutes autour d'une même table ; nous avons dû faire des choix.
Ce matin, l'objectif de l'audition n'est donc pas de dresser un panorama exhaustif des REP outre-mer, mais de dégager quelques constats et enseignements à partir des expériences diverses de vos filières. D'ailleurs, certains d'entre vous en gèrent plusieurs.
Un questionnaire vous a été transmis, qui vous donne la trame de nos principales interrogations, afin de guider votre exposé.
La semaine dernière, nous avons auditionné Citeo, l'éco-organisme historique en quelque sorte, et l'association Amorce. Ces deux auditions ont été très riches et ont mis en évidence des visions très contrastées et critiques sur le bilan et l'efficacité des REP dans les outre-mer. Nous souhaitons donc, avec l'audition de ce jour, aller plus loin dans l'exploration de certaines pistes esquissées la semaine dernière.
Toutefois, en premier lieu, je souhaiterais obtenir des réponses précises sur le niveau d'engagement financier de vos filières dans les outre-mer, ainsi que des données sur l'importance des gisements estimés, le taux de collecte et le taux de recyclage ou de valorisation, en comparaison des chiffres hexagonaux.
Je souhaiterais également connaître le montant des contributions versées par les metteurs sur le marché ultramarin depuis plusieurs années, du moins pour ceux d'entre vous qui ont une certaine ancienneté.
Je souhaiterais enfin que vous dressiez un premier bilan de la loi de 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire, dite « loi Agec », qui fait peser des contraintes renforcées sur les filières REP dans les outre-mer. En résumé, le rattrapage est-il en cours ? Quels moyens nouveaux ont été concrètement déployés par vos organismes ?
Mme Viviane Malet, rapporteure. - À la suite de ma collègue Gisèle Jourda, je relève que les auditions de Citeo et de l'association Amorce la semaine dernière ont été particulièrement instructives. Le retard, pour ne pas dire l'échec, des REP dans les outre-mer est flagrant, à tel point que l'on peut s'interroger sur le modèle même des REP à la française, du moins dans les outre-mer. Je souhaiterais donc avoir votre avis sur plusieurs propositions chocs, afin de faire avancer les filières REP dans nos territoires ultramarins.
En premier lieu, que pensez-vous de l'idée consistant à expérimenter dans les outre-mer des cahiers des charges comportant des objectifs chiffrés contraignants de collecte, de recyclage, voire de prévention ? Ces objectifs seraient assortis de pénalités très incitatives, à définir. Naturellement, ils seraient adaptés à la réalité de chaque territoire.
En second lieu, afin de lutter contre les dépôts sauvages ou les décharges illégales, quel système proposeriez-vous pour prendre en charge leur coût d'élimination ? Ce coût pèse actuellement quasi-intégralement sur les collectivités, et il est très rare de retrouver le responsable. Nicolas Garnier, délégué général d'Amorce, a suggéré par exemple lors de son audition de baisser à une tonne, au lieu de 200 tonnes actuellement, le seuil à partir duquel la filière REP, principalement en cause, doit prendre en charge le coût d'élimination d'un dépôt sauvage. Qu'en pensez-vous ? Avez-vous d'autres propositions à formuler pour une responsabilisation accrue des filières REP outre-mer ?
M. Arnaud Humbert-Droz, président exécutif de Valdelia. - Merci de votre accueil.
Depuis 2013 et la mise en place de la filière REP, nous sommes confrontés à des performances faibles ou négatives sur les territoires ultramarins. Quels dispositifs pourrions-nous mettre en oeuvre, conjointement avec les collectivités locales, l'État et les éco-organismes, pour faire en sorte que les territoires ultramarins deviennent un enjeu pour les filières REP ? Pour nous, chez Valdelia, les territoires ultramarins font partie du territoire national. Nous y avons donc une ambition tout aussi importante que dans l'Hexagone. La preuve : depuis 2013, nous investissons régulièrement dans ces territoires, mais avec des résultats assez médiocres, dont nous sommes extrêmement insatisfaits.
Nous constatons régulièrement que le sujet est principalement abordé sous l'angle de la rémunération et de l'investissement des éco-organismes. Pour notre part, nous investissons plus sur les territoires ultramarins que ce que nous percevons en éco-contributions. Le problème ne réside donc pas dans la capacité financière d'investissement, mais dans la philosophie, que nous devons faire évoluer ensemble.
L'objectif d'une filière REP, c'est bien de développer une économie circulaire territorialisée. Je me rends une fois par an outre-mer pour juger de l'avancement des travaux et m'assurer que les acteurs politiques et nos facilitateurs locaux, qui sont en place depuis 2015, sont bien dans une démarche constructive. Je constate que nous sommes confrontés dans chaque territoire à un manque probant de dispositifs et de capacités de collecte, mais aussi et surtout de traitement. Partout, nous sommes confrontés à une politique qui ne nous permet pas de développer localement des dispositifs de traitement durables.
Par exemple, en Martinique, le syndicat martiniquais de traitement et de valorisation des déchets (SMTVD) nous empêche régulièrement de déployer des dispositifs de collecte, tout simplement parce que nous faisons face à des grèves à répétition. Vous pourriez objecter que, d'un point de vue financier, nous pourrions charger des conteneurss et les ramener dans l'Hexagone. Mais la philosophie des filières REP est de développer une économie circulaire locale. En effet, le déchet a la capacité de créer des emplois locaux, non délocalisables, avec à la clef un dispositif de formation pour les personnes les plus éloignées de l'emploi.
Nous souhaitons construire l'avenir des territoires autour de quatre sujets qui nous importent.
Tout d'abord, il faut un changement de regard. L'État, les collectivités territoriales et les éco-organismes doivent construire ensemble des plans pour disposer d'outils de traitement adaptés aux territoires. Ces outils seront situés sur place et leur taille sera adaptée à celle de chaque territoire. L'État dispose d'un certain nombre de dispositifs pouvant nous permettre d'atteindre la rentabilité avec de tels outils, notamment la dotation générale de décentralisation. Par exemple, Valdelia souhaite atteindre un taux de recyclage important dans l'ensemble des territoires, et nous n'y arrivons pas, parce que nous ne disposons pas des outils idoines. Nous pourrions changer l'orientation de notre visibilité en passant d'un objectif de recyclage important à un objectif de valorisation énergétique...
À La Réunion, une usine de fabrication de combustibles solides de récupération (CSR) a été construite, mais nous n'avons pas de consommateurs ! Aussi, le CSR ne trouve pas de débouchés, parce que nous n'avons pas été jusqu'à la fin du parcours politique - alors que l'usine a été cofinancée par les collectivités territoriales et l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe).
Un deuxième sujet qui nous importe est la mutualisation. L'idée de multi-REP est une philosophie que Valdelia souhaite développer dans les territoires ultramarins. En Guadeloupe, par exemple, nous avons un projet d'usine de recyclage du bois. La filière du mobilier ne suffit pas, et nous nous positionnons donc sur la filière des produits et matériaux de construction du secteur du bâtiment (PMCB) pour atteindre un volume suffisant.
Une question plus difficile est celle de l'implication des collectivités locales. La loi Agec donne la possibilité d'élaborer des plans régionaux ambitieux. Les collectivités territoriales doivent nous permettre de construire avec elles, avec l'Ademe, avec les services de l'État, des outils de traitements locaux et durables.
Le dernier axe est un axe majeur sociétal. Il s'agit du réemploi et de la réutilisation, qui permettent d'accompagner les personnes éloignées de l'emploi vers des métiers de menuisier, chaudronnier, tapissier... Les plans régionaux d'économie circulaire doivent comporter systématiquement des dispositifs d'aide au réemploi. Par exemple, à La Réunion, nous accompagnons une association, que nous formons ici en métropole, pour qu'elle puisse déployer sur le terrain des dispositifs de réemploi et de réutilisation. Nous travaillons d'ailleurs avec la collectivité territoriale, qui met à la disposition de cette association un local de bonne qualité.
Mme Chloé Brumel-Jouan, directrice des relations institutionnelles d'Ecosystem. - Merci de nous recevoir.
Ecosystem est le plus vieil éco-organisme collectant des équipements électriques et électroniques, ménagers comme professionnels. Voilà de nombreuses années que nous intervenons outre-mer, puisque nous y sommes depuis 2008. Notre éco-organisme opère dans la totalité du territoire, sans se limiter à l'Hexagone. Nous assurons la continuité de service absolument partout. La question financière nous semble moins cruciale que la partie opérationnelle de nos collectes.
Nous collectons 13 000 tonnes de déchets d'équipements électriques et électroniques sur l'ensemble des territoires. Nous sommes très proches outre-mer des ratios métropolitains, et nous y organisons un fort développement du réemploi, qui est très encouragé depuis longtemps, notamment sur l'île de La Réunion et en Martinique. La transformation de la filière est donc déjà en cours.
Les problématiques que nous rencontrons sur les territoires sont plutôt celles de l'acheminement. Outre les problématiques techniques sur le terrain, comme les grèves, nous sommes confrontés au traitement de volumes parfois insuffisants pour alimenter un outil industriel. C'est là qu'interviennent les transports maritimes, souvent retardés par la question des notifications, qu'il faut parfois six ou neuf mois pour obtenir, ce qui conduit à augmenter les capacités de stockage sur place et pose le problème de l'évacuation des déchets. De plus en plus de compagnies maritimes refusent d'embarquer les déchets et pratiquent des tarifs parfois exorbitants.
Vous avez évoqué la planification. Les plans stratégiques et les plans d'action de collecte d'Ecosystem alimentent les plans de prévention et de gestion des déchets. Le dernier en date a reçu en 2021, conformément à la loi Agec, un avis favorable de notre comité des parties prenantes.
M. Alexis Blanc, responsable des opérations outre-mer d'Ecosystem. - Ecosystem est opérationnel depuis 2008 dans les territoires ultramarins. Notre politique a toujours été de développer des filières locales de traitement et de valorisation des déchets. C'est pourquoi nous avons construit à La Réunion et en Guadeloupe deux unités de traitement avec des opérateurs locaux, qui nous permettent aujourd'hui de traiter une partie de nos flux sur ces territoires.
Pour les autres territoires, nous n'avions pas suffisamment de volume pour créer des unités de traitement ; nous avons donc fait le choix de ramener l'ensemble des produits sur l'Hexagone afin de nous assurer de la qualité et du suivi du traitement jusqu'au produit final. Il est vrai qu'à Saint-Pierre-et-Miquelon, par exemple, nous aurions très bien pu envoyer les produits au Canada, en Guyane ou au Brésil. Nous n'avons pas fait ce choix, car nous voulons nous assurer que la filière soit respectée jusqu'au bout.
Nous avons mis en place différentes actions adaptées aux territoires locaux. C'est ainsi que, à La Réunion, nous collectons les déchets de Mafate par hélicoptère, ou qu'en Guyane, nous organisons des collectes par pirogue dans les zones isolées. Nous déployons donc des moyens spécifiques à chaque territoire. C'est encore certainement insuffisant sur certains territoires très isolés. Mais nous atteignons quasiment les mêmes chiffres de collecte sur les territoires ultramarins que dans l'Hexagone. Les deux exceptions sont Mayotte et la Guyane, où les infrastructures locales sont moins développées et les conditions de collecte plus compliquées.
À Mayotte, par exemple, nous n'avons aucune installation classée protection de l'environnement (ICPE) digne de ce nom. Nous travaillons donc étroitement avec la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (Dreal) à la création d'une plateforme multifilières, dont l'objectif serait de disposer d'une solution de regroupement et de traitement de déchets sur Mayotte.
Sur chaque territoire, nous cherchons à être proactifs et à trouver des solutions locales avec des opérateurs locaux afin de valoriser et de maximiser recyclage et valorisation des déchets.
Mme Chloé Brumel-Jouan. - Nous sommes extrêmement investis sur le réemploi et la création d'emplois locaux non délocalisables. Il n'y a pas que la partie relative à la gestion des déchets, il y a aussi le réemploi. Nous soutenons des activités d'Emmaüs depuis longtemps à La Réunion et nous avons des projets de collecte de téléphones mobiles à la Martinique, ainsi que plusieurs zones de réemploi en déchetterie avec de nouvelles conventions en cours.
Il n'y a pas de contribution spécifique aux territoires ultramarins. Les éco-contributions sont les mêmes, quels que soient les territoires concernés. Pourtant, les investissements que nous réalisons sont largement supérieurs à nos coûts dans l'Hexagone. Nous accomplissons des missions d'intérêt général, nous sommes agréés par l'État et nous déployons toute notre énergie à faire en sorte que chaque Français puisse bénéficier de la même qualité de service quel que soit son lieu et d'habitation.
Mme Gisèle Jourda, rapporteure. - Nous comprenons bien que l'aspect financier n'est pas le coeur du sujet et que vous êtes des organismes à but non lucratif. Pour avoir présidé une association à but non lucratif pendant des années, je sais que cela n'empêche pas de construire des indicateurs financiers, pour donner une idée des budgets et de ce à quoi ils correspondent.
Pouvez-vous nous donner une idée des engagements financiers dont vous parlez et de leur retour sur investissement ? Dans les finances d'une association, cela compte.
Mme Chloé Brumel-Jouan. - Le coût à la tonne est deux fois et demie plus élevé en outre-mer qu'en métropole. Il n'y a pas lieu de s'interroger sur les coefficients de majoration : on y consacre l'argent nécessaire ; plutôt qu'une pénalité, ce sont des solutions adaptées aux territoires qui vont améliorer la collecte. Il faut développer des plateformes interfilières et construire ensemble des unités industrielles fonctionnelles et performantes. Ces territoires nous imposent de fortes contraintes géographiques, ne serait-ce que pour trouver un emplacement adéquat à proximité des ports.
Financièrement, il est très difficile de chiffrer et flécher les contributions : on peut évaluer les mises en marché des producteurs d'outre-mer, mais c'est plus compliqué pour les produits importés. Nous vous donnerons par écrit les éléments chiffrés dont nous disposons.
Mme Viviane Malet, rapporteure. - J'aimerais aussi connaître le montant des sommes versées à votre organisme depuis le début de son activité.
Mme Chloé Brumel-Jouan. - Je répondrai à cette question dans la suite de notre discussion.
M. Pierre de Lépinau, directeur général d'Agriculteurs, distributeurs, industriels pour la valorisation des déchets agricoles (Adivalor). - Vous me donnez l'occasion de vous présenter l'état d'avancement de la filière française de gestion des déchets d'agrofourniture dans les départements d'outre-mer. Cette filière, mise en place dans l'Hexagone dès 2001, repose sur l'engagement des agriculteurs, qui trient à la ferme, des distributeurs, qui collectent, et des metteurs en marché, qui financent le système. Nous sommes l'écosystème agricole le plus performant au monde en matière de gestion des déchets : plus de 90 % des déchets collectés sont recyclés.
Nous intervenons outre-mer depuis 2005. Il s'est d'abord agi d'appuis ponctuels à des opérations pilotes. Ensuite, avec le soutien du ministère de la transition écologique et de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), des études ont été menées dans chaque collectivité pour mettre en place des opérations pérennes de collecte. Cela a abouti, il y a quatre ans, à l'instauration d'organisations mutualisées de collectes. À la différence de l'Hexagone, il existe en Martinique, en Guadeloupe et à La Réunion un organisme juridique local unique chargé de mutualiser ce travail, ce qui offre une visibilité accrue à notre action.
Aujourd'hui, nous sommes dans une dynamique de progrès. Une comparaison globale entre outre-mer et Hexagone n'est pas pertinente, car cette dernière connaît de grandes disparités de performances : certains départements d'outre-mer n'ont pas à rougir de la comparaison avec certains départements métropolitains.
Nous sommes la dernière filière REP non réglementée, reposant sur un principe de responsabilité partagée. Dans les outre-mer comme dans l'Hexagone, aux acteurs locaux l'organisation de la collecte, à l'organisme national la prise en charge des déchets jusqu'à leur traitement final.
La dynamique récente la plus notable outre-mer est la réduction de la consommation, notamment de produits phytosanitaires : le plan Écophyto donne des résultats spectaculaires. L'usage de plastiques se réduit également, notamment pour l'empaillage des cultures maraîchères, où ils sont largement remplacés par du papier ou des films biodégradables. Cela entre dans le cadre du plan stratégique national de la nouvelle Politique agricole commune (PAC), avec des mesures agro-environnementales et climatiques (MAEC) spécifiques pour les outre-mer, permettant d'accompagner la transition vers des pratiques moins génératrices de déchets.
Nous assistons à un développement important de la collecte en Guadeloupe, en Martinique et à La Réunion, où les taux de collecte dépassent 50 %. La situation reste compliquée en Guyane et à Mayotte, où l'agriculture est moins professionnelle et où les volumes de déchets restent trop modestes pour une démarche spécifique. Comme nos collègues, nous appelons donc à une collecte totalement mutualisée, avec des plateformes de transit multi-déchets.
Par ailleurs, jusqu'à présent, le recyclage était impératif ; or pour recycler, il fallait rapatrier en métropole. Cette exigence est amenée à évoluer. Nous sommes inquiets quant à la pérennité des transports maritimes entre outre-mer et Hexagone : la CMA-CGM a récemment annoncé un arrêt total des transports de déchets plastiques. Or les territoires d'outre-mer ne produisent pas les volumes de déchets suffisants pour rendre viable une unité industrielle de recyclage.
Dès lors, soit l'État accepte de réquisitionner les compagnies pour imposer la continuité territoriale en la matière, soit il faudra rechercher des solutions locales, en revenant sur la politique du tout-recyclage au profit d'une valorisation énergétique des déchets sur place, comme cela se fait déjà à Saint-Barthélemy. Cela requiert du courage politique, mais c'est du bon sens : ces déchets peuvent représenter une importante source d'énergie pour des territoires qui en manquent cruellement. Ajoutons que le coût et l'impact écologique du transport maritime sont énormes !
M. Guillaume Arnauld des Lions, délégué général de l'Association pour la plaisance éco-responsable (APER). - Notre éco-organisme est jeune : la filière REP des bateaux de plaisance et de sport n'est agréée que depuis mars 2019. Cette filière est aussi de taille modeste : ce marché représente en France un volume de 10 000 unités par an. Les entreprises adhérentes à notre organisme représentent entre 86 % et 92 % des mises sur le marché. C'est aussi la première filière REP au monde pour les bateaux de plaisance. Elle a un fonctionnement très spécifique du fait de la nature des produits traités - les bateaux de plaisance - et de leur environnement réglementaire et fiscal : chaque déchet est traité individuellement, sans possibilité de massification. Le coût de traitement à la tonne est donc bien plus élevé que dans d'autres filières. À l'échelle nationale, un peu plus de 5 000 bateaux ont été déconstruits depuis fin 2019, soit environ 6 000 tonnes de déchets.
Aujourd'hui, 26 centres sont opérationnels en France, dont un seul dans les outre-mer, situé en Martinique et actif depuis juillet 2020. Notre développement outre-mer est freiné par nos difficultés à identifier des acteurs locaux capables de répondre à nos besoins.
Deux dossiers sont en cours d'étude en Guadeloupe ; en Guyane, un centre a reçu l'autorisation nécessaire au titre de la réglementation des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) ; l'obtention de cette autorisation spécifique pour la déconstruction des bateaux de plaisance requiert entre six et dix-huit mois, ce qui constitue un frein majeur pour le déploiement de notre filière ; ce centre devrait commencer son activité à la fin de l'année.
À Saint-Martin, nous discutons avec l'unique acteur local de traitement des déchets.
À La Réunion, un centre devrait commencer son activité au début de 2023 ; il négocie actuellement une utilisation périodique des terrains nécessaires à cette activité au vu du faible volume prévu.
À Mayotte, des discussions sont engagées, mais nous rencontrons une difficulté spécifique : les besoins sont faibles en matière de bateaux de plaisance, mais il y a en revanche beaucoup de bateaux abandonnés parmi ceux qui servent au transport de migrants clandestins ; seulement, ces bateaux ne sont pas éligibles à notre filière.
Enfin, à Saint-Pierre-et-Miquelon, nous échangeons avec l'État et le conseil territorial pour identifier un acteur capable d'assurer le démantèlement et la dépollution des bateaux, avant évacuation pour un traitement dans l'Hexagone ou ailleurs.
Il apparaît donc que la difficulté majeure outre-mer pour notre jeune filière est d'identifier des acteurs locaux capables de répondre à notre cahier des charges, puis de les convaincre de participer à cette démarche malgré des volumes assez faibles de bateaux à traiter.
M. André Zaffiro, directeur général de Cyclevia. - Cyclevia est un très jeune éco-organisme : son agrément a été obtenu le 24 février dernier. La filière que nous organisons est plus ancienne : les huiles usagées étaient déjà évacuées et traitées dans l'Hexagone depuis des années, sous la houlette de l'Ademe, d'une manière aussi efficiente que possible. Pour ces produits dangereux, les problèmes que nous rencontrons outre-mer sont plus organisationnels que financiers. Comme dans d'autres filières, notre orientation est la régénération, via un rapatriement vers l'Hexagone. L'essentiel des acteurs de notre filière sont privés - les collectivités locales sont ici marginales ; les garages représentent plus de la moitié des volumes collectés, d'autant qu'ils récupèrent les vidanges effectuées par les ménages.
Le volume collecté outre-mer représente à peine 5 % de l'ensemble des volumes traités sur le territoire national ; le coût à la tonne y est quatre à cinq fois supérieur. Nous avons toutes les peines du monde à connaître le potentiel de ces marchés : les services des douanes locaux ne donnent plus les chiffres de mise en marché, le volume des importations est très mal connu sur ce marché très diffus.
Quant au traitement, nous cherchons à développer des solutions locales. La valorisation énergétique sur place est l'une des solutions que l'on pourrait développer, d'autant que la régénération exigée jusqu'à présent requiert un rapatriement dans l'Hexagone très coûteux et écologiquement dispendieux. Cette évacuation suscite des problèmes très importants : les compagnies maritimes sont soumises à des contraintes administratives croissantes, et des stocks s'accumulent sur place dans des conditions détériorées.
M. Yannick Jegou, président de Dastri. - J'espère pouvoir vous démontrer l'équité du traitement des déchets par notre filière entre collectivités d'outre-mer et métropole. Notre éco-organisme, Dastri, collecte des déchets d'activités de soins à risque infectieux (Dasri) pour les patients en autotraitement : nous leur distribuons des boîtes de collecte, ils y mettent leurs déchets, puis les ramènent dans des points de collecte, pour que nous puissions les incinérer. Nous existons depuis dix ans ; notre activité a commencé dans les outre-mer, qui connaissent un plus fort taux de diabète - maladie fort génératrice de tels déchets - que la métropole.
Mme Laurence Bouret, déléguée générale de Dastri. - En 2017, les outre-mer représentaient 2 % des déchets collectés par nos soins, contre 5 % en 2021. En valeur, nos adhérents déclarent un peu plus de 1,3 milliard d'unités de dispositifs médicaux commercialisés, dont 66 000 unités outre-mer. J'ajoute que ces dernières sont généralement utilisées, car nous n'avons pas de délai entre la mise en marché et l'utilisation dans ces territoires.
Nous avons commencé à distribuer nos boîtes outre-mer pour prendre en compte les délais d'acheminement. Dans la même logique de discrimination positive, nous avons décidé que toutes les pharmacies d'outre-mer entreraient dans le réseau dès la mise en oeuvre du dispositif, ce qui n'était pas le cas dans l'Hexagone. Le but était de prendre en compte différentes spécificités, notamment les difficultés de déplacement.
Conformément au code de la santé, nous sommes également opérationnels à Saint-Barthélemy, où notre activité a commencé un peu plus tard qu'ailleurs, en 2018. Dans les autres territoires, elle remonte à 2013.
Sur la période du second agrément, le budget de notre éco-organisme oscille entre 8,5 et 9,8 millions d'euros. Les contributions financières demandées à nos adhérents outre-mer sont de l'ordre de 2 % et 3 %, soit 200 000 à 300 000 euros pour l'ensemble des territoires ultramarins. Nous y dépensons 150 % dudit budget. Cette charge est compensée par les territoires de l'Hexagone qui fonctionnent mieux et ont, en conséquence, besoin de moins d'actions. Nous dépensons ainsi 300 000 à 400 000 euros dans l'ensemble des outre-mer.
Notre taux moyen de collecte outre-mer est assez performant. Il s'établit à 75 %, mais ce chiffre cache de fortes disparités régionales. Notre taux de collecte est ainsi de 200 % à Mayotte, où nous collectons beaucoup de déchets de professionnels. De plus, l'écart entre la population officielle et la population officieuse de ce territoire a certainement un impact sur les données de référence.
En volume, nous sommes passés de 400 kilogrammes en 2013 à 44 tonnes aujourd'hui pour l'ensemble des territoires ultramarins-. Évidemment, les quantités sont très variables, par exemple entre Saint-Pierre-et-Miquelon et la Martinique. De même, pour les déchets dangereux, les coûts de traitement, qui varient entre 500 et 600 euros la tonne dans l'Hexagone, peuvent atteindre 4 600 euros la tonne à Saint-Martin.
Nous avons la chance de disposer d'installations de traitement dans l'ensemble des territoires. En effet, les deux modes de traitement des Dasri sont l'incinération - nous disposons d'une unité de valorisation énergétique à Fort-de-France ainsi qu'à Saint-Barthélemy - et le pré-traitement par désinfection. À ce titre, nous passons par des installations industrielles de plus petite taille, qui, schématiquement, broient et chauffent. Dès lors, nous n'avons plus à gérer le risque infectieux. Ensuite, la matière broyée est enfouie, dans des conditions qui, bien sûr, ne sont pas toujours idéales. Cette solution a du moins le mérite d'être mise en oeuvre localement.
Comme certains de nos collègues, nous avons été confrontés à des appels d'offres infructueux, notamment à Mayotte. Dès lors, nous avons dû opter pour le fret aérien en direction de La Réunion. L'opérateur local dispose d'un équipement sur place, mais il n'a pas répondu à nos sollicitations. Au plus fort de la crise sanitaire, nous avons donc dû demander au préfet de le réquisitionner. Les déchets s'accumulaient dans les pharmacies et il fallait les éliminer rapidement.
Les spécificités géographiques ont elles aussi toute leur importance. Nous assurons des transports de Dasri en pirogue sur le Maroni. À La Réunion, pour le cirque de Mafate, nous procédons par hélicoptère, voire à pied.
Récemment encore, à Mayotte, certains villages étaient bloqués et les services de l'État ne nous ont pas permis d'accéder aux pharmacies de ces localités pour assurer la collecte.
N'oublions pas non plus les problématiques climatiques. Après le passage de la tempête Irma, il n'y avait plus une pharmacie debout à Saint-Martin. Nous avons dû repartir de zéro.
Nous avons travaillé avec les caisses générales de sécurité sociale (CGSS) pour obtenir le gisement de références le plus précis possible. Nous avons mis dix ans pour obtenir des données par territoire. À présent, nous voulons disposer de données par habitant, afin d'affiner les actions à mettre en oeuvre.
Enfin, on nous a refusé la possibilité d'expérimenter outre-mer la séparation pour recyclage d'un nouveau type de dispositif médical, à savoir une petite pompe patch à insuline, fonctionnant à l'aide d'une carte électronique et de piles. Nous sommes aujourd'hui obligés de rapatrier ces dispositifs par avion, et c'est dommage. Cette activité est certes d'une ampleur modeste, mais, dans les Antilles comme dans l'océan Indien, elle permettrait d'éviter des transports vers l'Hexagone.
M. Stéphane Murignieux, président de l'Institut de la transition écologique des outre-mer. - Mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi de saluer chaleureusement nos partenaires représentants des éco-organismes. Vous avez devant vous les premiers de la classe : ce sont eux qui font le travail et je tiens à leur rendre hommage.
J'ai suivi l'ensemble de vos auditions et j'observe que beaucoup de points s'éclairent d'ores et déjà. Sur ce sujet, le Sénat est « à la manoeuvre », et je tiens aussi à saluer son action, notamment législative.
Le problème des déchets est non seulement esthétique, mais aussi sanitaire. Outre-mer, ces derniers sont des foyers de dengue, de chikungunya et d'autres maladies encore.
La gestion efficiente des déchets est donc une impérieuse nécessité, et elle va de pair avec l'économie circulaire. C'est à la fois un moyen de préserver la ressource et une formidable chance de création d'emplois, un relais de croissance pour nos territoires ultramarins.
À ce titre, la coopération régionale est nécessaire, tant dans l'océan Indien que dans la Caraïbe, mais nous nous heurtons à un problème majeur : celui du transport. Aujourd'hui, il est plus coûteux d'envoyer un conteneur de pneus usagés de Martinique en Guadeloupe que de Martinique en métropole.
J'insiste, la coopération régionale est la solution, qu'il s'agisse de la massification, de la gestion des transports ou du développement d'unités locales de recyclage, dont la technologie nous permet aujourd'hui d'abaisser le seuil, du moins pour certains déchets. En effet, tous les plastiques ne sont pas de même nature. À cet égard, je salue l'expérimentation menée par Adivalor au sujet des plastiques biodégradables, tant à La Réunion, dans les plantations d'ananas, qu'en Guadeloupe.
Je salue également la direction générale de la prévention des risques (DGPR), qui, après douze jours de négociations avec nos partenaires européens, vient d'obtenir un accord pour l'aménagement de la convention de Bâle. Nous allons enfin pouvoir assouplir les règles encadrant le transport des déchets dangereux. C'était là un véritable problème dans l'océan Indien, pour ne pas dire un point de blocage, et ce, depuis de nombreuses années.
Évidemment, nous devrons aller vers des cahiers des charges adaptés et territorialisés, car les collectivités territoriales sont les mieux à même de porter un regard aiguisé sur ces dispositions. Dans cette perspective, les uns et les autres doivent continuer à travailler avec ces partenaires incontournables.
La plateforme interfilières, qui regroupe les éco-organismes, a déjà fait une partie du travail qui lui avait été confié. Le moment est venu d'aller plus loin dans le cadre de son second cahier des charges.
Nous avons nous aussi beaucoup de mal à obtenir des données relatives aux filières REP, du fait de la structure même du marché. En France métropolitaine, c'est possible, car nous disposons de producteurs. En revanche, outre-mer, nous ne disposons que de distributeurs. Or, suivant le choix du législateur, c'est le producteur, et non le distributeur, qui verse l'éco-contribution aux éco-organismes.
Ce constat nous conduit à une question structurelle : qui doit payer l'éco-contribution ? Par exemple, le grand export en est exonéré, du moins sur un certain nombre de produits.
Il s'agit là d'un sujet partenarial, car les éco-organismes opérationnels sont les premiers désireux d'y voir plus clair. Je ne reviendrai pas sur les éco-organismes financiers, comme Citeo, qui n'est pas encore un opérateur technique. Son travail consiste à financer les collectivités territoriales. Il intervient à titre subsidiaire dans le domaine de la recherche et du développement. Au reste, nombre de ses actions sont tout à fait intéressantes.
Par ailleurs, ce qui a été souligné s'agissant des jeunes filières est très instructif. Nous allons voir arriver de nombreuses autres filières : mégots, chewing-gums, etc.
Nous avons un problème structurel dans nos outre-mer : nous n'avons pas d'opérateurs efficients, ou nous en avons peu. Les bateaux de plaisance sont traités chez celui qui déjà a du mal à gérer les flux des déchets d'équipements électriques et électroniques (DEEE) et qui voit arriver nos flux de véhicules hors d'usage (VHU). Je ne sais pas comment l'on peut fonctionner ainsi. Il y a de grandes difficultés à faire traiter localement, et ce n'est pas en allant embouteiller les microstructures que l'on va pouvoir aller de l'avant. S'il doit y avoir de nouvelles filières, il faut aussi des investissements et de la création pure de structures de traitement. L'investissement sera la clé du traitement local : il faut en passer par là. Mais rassurez-vous : il existe des soutiens, des fonds de la région et de l'Europe.
Je voudrais évoquer le stock et le passif. Nous parlons des filières à venir. On va créer une filière pneus, une filière VHU. La filière DEEE fonctionne bien, de même que la filière de mobilier professionnel. On a réussi à purger le passif, c'est-à-dire tous ces déchets qui s'étaient accumulés et qui n'avaient pas été traités.
Nous le savons, il y a aujourd'hui de 10 000 à 12 000 VHU qui sont stockés, par exemple sur des terrains privés ou sous la végétation en Guyane, et qui n'ont pas été traités. Cela appelle un débat sur les dépôts sauvages et les déchets abandonnés. Il va falloir trouver un moyen de s'attaquer à ce passif.
Je vous soumets une idée. Dans la loi Agec, nous avons obtenu qu'il y ait une part budgétaire émanant des éco-organismes pour travailler sur la problématique des dépôts sauvages et des déchets abandonnés. Peut-on imaginer un fonds mutualisé de tous les éco-organismes pour traiter cela ensemble ? Il y a quatre familles de déchets abandonnés : des pneus, les VHU, certains DEEE et des déchets verts.
J'appelle les éco-organismes à faire des déplacements, à venir sur place - je salue ceux qui le font déjà régulièrement - et à ne pas attendre des années pour découvrir des situations qui leur ont échappé. J'ai voyagé avec certains responsables. Mais il y en a d'autres que l'on n'a jamais vus...
Avez-vous des administrateurs ultramarins dans vos conseils d'administration ? Comment sont-ils représentés ? Ne serait-il pas nécessaire qu'il y ait des représentants soit de la distribution ultramarine, soit des producteurs ultramarins ?
Mesdames, messieurs les sénateurs, allez-vous organiser une autre table ronde, cette fois avec les représentants de la filière pneus, de la filière textile et de la filière mobilier ?
Mme Gisèle Jourda, rapporteure. - Je tiens à remercier les intervenants pour la qualité de leurs exposés, qui montre la pertinence du sujet. Ils ont à la fois dressé un constat et évoqué des pistes.
La problématique des dépôts sauvages et des déchets abandonnés dans les territoires ultramarins est au coeur de nos préoccupations. Il s'agit d'articuler les questions d'environnement et de pollution des sols et de l'eau avec celles de santé, ainsi que - on l'oublie trop souvent - d'agriculture. Nous sommes à l'intersection de ces différentes thématiques. Nous devons avancer sur l'ensemble des sujets en même temps, afin de n'avoir aucun angle mort. Et il faut nous inscrire dans une perspective européenne.
Tous ces dossiers sont sur la table de l'Union européenne. La piste d'un fonds mutualisé, que vous avez évoquée, est intéressante. La collectivité nationale doit être au rendez-vous, mais il faut aussi une volonté européenne. Le rôle des échelons locaux, notamment départementaux, a été mis en lumière ce matin.
Les problèmes les plus prégnants qui ont été soulignés sont liés à l'insularité, voire à la double ou à la triple insularité. Le fait qu'il soit moins cher et plus pratique de faire envoyer des déchets vers l'Hexagone soulève des questionnements de fond.
Je précise à l'intention de nos différents intervenants que notre délégation est paritaire : elle se compose de sénateurs à la fois de l'Hexagone et des territoires ultramarins. Lorsque nous produisons des rapports, et il y a systématiquement un rapporteur élu de l'Hexagone qui y contribue. Cela permet de montrer que le territoire national n'est pas exclusivement continental ou métropolitain. Telle est la philosophie de la Délégation sénatoriale aux outre-mer.
Mme Viviane Malet, rapporteure. - Je remercie à mon tour les différents intervenants de la qualité de leurs propos. Ils ont souligné la nécessité d'innover dans les méthodes, de travailler main dans la main avec les collectivités. Pour recycler, il faut déjà faire du tri, et ce n'est pas toujours évident.
Il faut évidemment aborder le transport. Je m'étonne qu'il soit plus cher d'aller de la Martinique à la Guadeloupe que vers la métropole. Comment font les Terres australes et antarctiques françaises (TAAF) ? Tout est acheminé à La Réunion, et cela ne pose pas de problème. C'est peut-être aussi parce qu'il s'agit d'un transport à taille humaine. Mais je pense que c'est possible.
Ne pourrait-on pas envisager une mutualisation, pour avoir des plateformes qui puissent travailler entre Mayotte et La Réunion ? Idem dans les Caraïbes. Ne peut-on imaginer, dans un souci de rentabilité, de créer des mains-d'oeuvre spécialisées sur nos territoires ?
Je m'étonne également de ce qui a été indiqué à propos des téléphones portables et des piles. Pourquoi n'y a-t-il pas eu d'autorisation ?
Mme Nassimah Dindar. - Je salue le travail de nos deux rapporteures. Les questions que mes collègues ont posées rejoignent les miennes.
J'ai bien noté que la filière devait être assurée jusqu'au traitement final. Quasiment tous les intervenants ont fait allusion à la prégnance de la problématique de l'acheminement. Que pensez-vous de l'axe de la coopération régionale ?
À La Réunion, les citoyens envoient à titre privé des containers de pneus et de carcasses de voitures à Madagascar. Comment se fait-il que les éco-organismes n'arrivent pas à organiser cela d'un point de vue institutionnel ?
Le fait que le transport soit plus cher entre territoires ultramarins que d'un territoire ultramarin à la métropole pose une vraie question. Pourtant, il y a de fortes potentialités, par exemple dans l'océan Indien ; je reviens d'une visite avec des sénateurs dans la première usine textile française à Antsirabé (Madagascar).
Il faudrait que les élus et les services de l'État fassent preuve de bon sens en articulant l'action européenne et la coopération régionale, comme cela se fait dans les pays voisins.
M. Dominique Théophile. - Le groupe CMA-CGM vient d'annoncer ce matin la reprise du transport des déchets plastiques dans les outre-mer.
Les représentants d'Adivalor ont cité l'exemple de Saint-Barthélemy pour la valorisation énergétique des déchets plastiques. Savez-vous si d'autres projets ont été ou sont à l'étude dans les territoires d'outre-mer ?
Ma dernière question s'adresse au responsable de l'Association de plaisance éco-responsable (APER) : vous avez annoncé, en juin, l'ouverture d'un centre de construction de bateaux de plaisance en Martinique. C'est aujourd'hui la société Metal Dom, basée à Fort-de-France, qui en a la charge. Si mes informations sont bonnes, des candidatures sont également à l'étude en Guadeloupe et à Saint-Martin, où vous espériez ouvrir des centres avant la fin de l'année 2020, et des discussions sont engagées à La Réunion et à Saint-Pierre-et-Miquelon.
Le blocage est-il dû à des raisons conjoncturelles liées à la crise sanitaire, ou y a-t-il un problème du côté des candidatures ?
Mme Marie-Laure Phinera-Horth, présidente. - Lorsque j'étais présidente de la Communauté d'agglomération du Centre littoral de Guyane (CACL), mes services ont beaucoup travaillé sur la question des huiles usagées. Malgré notre collaboration avec l'Ademe - chaque année, plusieurs tonnes d'huile étaient collectées dans les six communes du territoire -, il reste encore beaucoup à faire.
Ma question s'adresse à André Zaffiro : quelles sont vos propositions pour structurer cette filière sur le territoire guyanais ? Les garagistes y sont de plus en plus nombreux, et les marchands ambulants déversent leurs huiles au pied des palmiers. Ce n'est pas normal...
M. Arnaud Humbert-Droz. - En réponse à Gisèle Jourda, sénatrice de l'Aude, je souligne que l'Occitanie est également un territoire d'expérimentation pour Valdelia. En effet, nous souhaitons développer dans l'Hexagone des actions semblables à celles que nous réalisons dans les DROM-COM.
La question financière est importante. Elle revient continuellement lors de chacun de mes déplacements. Pour ce qui concerne Valdelia, la perception des éco-contributions dans les territoires ultra-marins s'élève globalement à 117 528 euros par an. En 2021, les dépenses représentaient environ 250 000 euros, dont 150 000 euros de coûts de collecte et de traitement, qui sont complétés par des frais de recherche et développement.
Comme d'autres éco-organismes, nous avons tenté en effet de mettre en place, depuis 2015, un dispositif de facilitation, qui consiste à s'appuyer sur des opérateurs locaux pour développer la collecte. La facilitation doit nous permettre d'accéder à des gisements que, toutefois - je le répète -, nous avons du mal à traiter.
Nassimah Dindar, sénatrice de La Réunion, me demandait pour quelle raison des opérateurs privés parvenaient, contrairement à nous, à transporter des déchets vers des territoires voisins comme Madagascar. C'est un véritable problème. Stéphane Murignieux nous apprend ce matin que la convention de Bâle sera aménagée. Tant mieux ! Un certain nombre de questions se posent néanmoins, en termes non seulement de réglementation, mais aussi de légalité de l'enlèvement et du traitement.
Le cas des véhicules hors d'usage, c'est-à-dire des produits ferreux et non ferreux, a été traité dans l'Hexagone. Nous pouvons nous poser la question de la valeur des produits transportés et de notre responsabilité. L'exemple de l'arc Caraïbes me semble plus intéressant. Il existe sur l'île de la Dominique un incinérateur qui pourrait intéresser la filière mobilier. Or, aux termes de la convention de Bâle, ce territoire ne nous est pas accessible.
Nous devons donc travailler sur notre capacité à proposer nos produits à des pays non-membres de l'Union européenne. La société Ecosystem indiquait souhaiter rapatrier ses produits vers l'Hexagone pour une meilleure gestion. Ce n'est pas notre souhait. Compte tenu des quantités à traiter, il est peu probable que nous puissions développer un dispositif de traitement. Or il en existe à proximité, au Québec, mais nous ne pouvons y accéder, car le Canada n'est pas membre de l'Union européenne.
La création d'un fonds global est-elle une bonne idée ? Ce n'est pas la question. L'interfilière, dont je deviens le représentant, a pour objectif de développer dans les trois prochaines années la coopération territoriale pour mettre en place des dispositifs plus performants. Ne parlons pas forcément d'argent. Les exemples que nous vous avons apportés démontrent que notre implication financière est importante, voire dépasse les perceptions dans les territoires. Nos sujets sont politiques et portent sur la planification à long terme.
Pour chacun des territoires, je pourrais vous donner un exemple concret des difficultés que nous rencontrons pour développer des dispositifs de traitement locaux. En Guadeloupe, un site de traitement du combustible solide de récupération (CSR) est attendu depuis cinq à dix ans. Or le problème énergétique y est important. Essayons de mailler la question énergétique et celle de la gestion des produits en fin de vie.
La Martinique, ensuite, fait face à un énorme problème de traitement. La fameuse troisième ligne qui doit arriver au Syndicat martiniquais de traitement et de valorisation des déchets (SMTVD) n'arrive toujours pas. Cela fait dix ans que l'on en parle. D'autres structures ont été ouvertes, qui ne fonctionnent pas.
À La Réunion, une installation doit permettre de produire du CSR. Malheureusement, nous n'avons pas d'usine en capacité de consommer le CSR, si bien que l'opérateur continue à enfouir et, pis, monte un piton. C'est anecdotique, mais, entre parenthèses, cela coûte beaucoup plus cher à la collectivité.
Notre objectif commun doit donc être la planification à long terme et l'utilisation de la totalité des fonds, pas uniquement celui des éco-organismes.
M. André Zaffiro. - Je rappelle la jeunesse de notre éco-organisme, qui n'est agréé que depuis trois mois. Nous avons effectué plusieurs visites à La Réunion, une autre est programmée en Guadeloupe en juillet prochain, mais nous n'avons pas pu jusqu'ici nous rendre en Guyane.
À ma connaissance, deux opérateurs sont sur place, une filiale de E-Compagnie, basée à la Martinique, et une filiale de Veolia, qui se trouve en Guadeloupe. Ces collecteurs, qui poursuivront leur mission dans un futur proche, sont en cours d'adhésion à notre éco-organisme.
Notre investissement en Guyane comme dans l'ensemble des territoires est au moins égal à celui de l'Ademe auparavant, puisque nous consacrons plus de 50 euros par tonne à la communication envers les collectivités territoriales et que l'ensemble des moyens de collecte - hélicoptère, pirogue - sont maintenus dans les relations avec l'éco-organisme.
M. Guillaume Arnauld des Lions. - En réponse au sénateur Dominique Théophile, je confirme que le centre opérationnel de notre filière est aujourd'hui Metal Dom, qui traite des bateaux en Martinique depuis juillet 2020.
Les difficultés que nous rencontrons dans les discussions et les études que nous menons avec les autres territoires sont de trois ordres.
Premièrement, il est très difficile d'identifier et de mobiliser des opérateurs locaux qui soient capables de répondre au cahier des charges. En Guadeloupe, par exemple, aucun des deux dossiers présentés n'émane de sociétés spécialisées dans le traitement et le recyclage des déchets. Il s'agit d'entreprises du secteur nautique qui cherchent à se positionner sur cette activité, qui est très spécifique et très encadrée.
Deuxièmement, les modélisations économiques auxquelles se livrent ces entreprises aboutissent souvent à des coûts de traitement prohibitifs. Ainsi, le coût de traitement des bateaux en Martinique est actuellement trois fois supérieur au coût métropolitain, même si l'éco-organisme est prêt à l'assumer.
Enfin, troisième difficulté, une fois que les opérateurs sont identifiés et disposés à s'impliquer dans la filière, ils se heurtent aux délais d'obtention de la fameuse autorisation installation classée pour la protection de l'environnement (ICPE) particulière, qui retarde considérablement les choses.
Mme Laurence Bouret. - Madame la sénatrice, vous me demandez pourquoi nous n'avons pas obtenu l'autorisation de mener notre expérimentation. Le ministère de la santé nous l'a refusée du fait de la nécessité, pour les personnes impliquées, de séparer manuellement les piles des dispositifs médicaux. Ces piles sont utilisées à 15 % et remplacées tous les trois ou quatre jours, alors qu'elles sont quasiment neuves. Nous avions objecté que les patients procédaient déjà eux-mêmes à cette opération, et il nous semblait pertinent de la mener dans un cadre plus structuré, mais nous n'avons pas été entendus.
Mme Jocelyne Guidez. - Personne ne parle des sargasses. Considérez-vous, comme moi, qu'elles constituent des déchets ? Autrefois, on les étalait sur des terrains que les paysans mettaient spécialement à disposition. Aujourd'hui, on les enfouit dans le sable, si bien que les plages sont envahies de monticules de sargasses qui dégagent une odeur insupportable. Que faites-vous des sargasses et avez-vous l'intention de les traiter ?
M. Arnaud Humbert-Droz. - Malheureusement, les sargasses, qui sont des déchets verts, ne sont pas concernées par un dispositif REP. Il y a toutefois des actions à mener conjointement. J'insiste de nouveau sur la nécessité d'une planification territoriale de moyen et long terme, ainsi que sur l'implication de l'Europe pour nous permettre de développer des dispositifs locaux pertinents.
Mme Chloé Brumel-Jouan. - Je n'ai aucune idée du pouvoir méthanogène des sargasses, mais il existe de nombreuses pistes de méthanisation des biodéchets qui permettent d'alimenter les réseaux des concessionnaires gaziers ou de produire du gaz vert.
Aujourd'hui, nous sommes en capacité de vous indiquer le montant des éco-contributions payées par les metteurs en marché dits « producteurs outre-mer ». Cela ne veut pas dire que les tonnages en question sont restés sur le territoire : ils ont pu être exportés et on ne peut pas non plus obtenir, sans l'aide des douanes, un cumul des importations.
Néanmoins ces producteurs ont éco-contribué, en 2020, à hauteur de 1,5 million d'euros environ, c'est-à-dire un dixième de ce que nous dépensons chaque année dans les territoires outre-mer. En effet, pour cette même année 2020, la partie collecte et traitement de toute la filière, hors transport maritime, représente 12,5 millions d'euros. En d'autres termes, ce qui est mis en oeuvre dans les outre-mer est l'équivalent de dix années d'éco-contribution. Dans ces conditions, heureusement que nous procédons à une sorte de péréquation, que nous assurons une continuité de service et qu'on ne raisonne pas sur la seule base de l'éco-contribution fléchée des producteurs locaux, mais sur la base du service rendu à l'ensemble.
Enfin, je doute que les conteneurs à destination de Madagascar qui ont été évoqués soient fléchés avec des codes déchets. Ils relèvent probablement de ce que nous assimilons à la filière illégale. La prédation sur les déchets d'équipement électriques et électroniques (DEEE), qui contiennent des terres rares, des métaux précieux ou simplement de la ferraille, est très importante. Le fait que des opérateurs privés réussissent à envoyer des conteneurs à Madagascar nous inquiète beaucoup. Nous luttons avec vigueur contre les filières illégales, notre objectif premier étant de dépolluer et de traiter. C'est pour ces raisons que les très faibles tonnages de Saint-Pierre-et-Miquelon reviennent en métropole pour être traités.
M. Alexis Blanc. - Dans les territoires insulaires, il semble simple, de prime abord, de récupérer et de traiter sur place l'ensemble des déchets : soit ces déchets reviennent dans les filières, soit ils vont dans les décharges, soit ils restent chez l'habitant. Pourtant, l'étude que nous menons actuellement sur le gisement de La Réunion montre que la moitié seulement des produits de la filière DEEE mis sur le marché sont collectés et recyclés. Il reste donc beaucoup à faire.
Surtout, nous constatons effectivement des exportations illégales. Recherchés pour leur valeur financière, les déchets DEEE sont avant tout dangereux pour la santé humaine comme pour l'environnement. Afin de combattre les exportations illégales, une réflexion doit être menée avec les services douaniers en vue de resserrer les contrôles. Nous avons le devoir éthique de faire en sorte que les déchets envoyés vers Madagascar n'y arrivent pas, tant ils y sont traités dans des conditions insupportables.
J'ajouterai qu'il existe, dans chaque territoire ultramarin, des sites de traitement illégaux qui ne sont pas référencés au sein de la direction de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DEAL) par une installation ICPE. Or le traitement qui y est réalisé échappe complètement à la réglementation. Il constitue un danger pour l'environnement, pour le personnel qui y travaille, mais aussi pour les filières, puisque les déchets sont ensuite exportés en Afrique ou en Asie. L'État doit mettre à la disposition des DEAL et des services des douanes les moyens nécessaires pour mieux contrôler ces filières illégales.
Les départements d'outre-mer ont un besoin impérieux de coopération. C'est pour maximiser les volumes, mais aussi favoriser l'emploi local, que nous faisons ainsi traiter les déchets de Mayotte à La Réunion, ceux de Guyane et de Martinique à la Guadeloupe. Cependant, le transport maritime est problématique. Ainsi, à Mayotte, où les importations dépassent de très loin les exportations, les ports sont remplis de conteneurs vides. Nous en arrivons à cette situation ubuesque où des compagnies maritimes refusent, pour des raisons financières, de transporter des déchets.
Le besoin d'établir des lignes maritimes à coûts maîtrisés entre les différents territoires est patent. Il est tout de même incroyable de devoir envoyer les déchets produits à Mayotte vers la métropole, faute de pouvoir les expédier à La Réunion. De la même façon, il arrive que l'on renvoie dans l'Hexagone des déchets de Guyane destinés initialement à la Guadeloupe...
Je reviendrai, pour terminer, sur le manque d'infrastructures des opérateurs locaux. Ces derniers se heurtent au coût très élevé du foncier dans les outre-mer. Vous savez la difficulté de trouver des terrains. Compte tenu des faibles tonnages, les retours sur investissement sont très faibles pour les opérateurs, qui préfèrent ne pas investir, d'où le manque d'installations respectant la réglementation.
C'est la raison pour laquelle nous travaillons, à La Réunion, avec le syndicat intercommunal de gestion des déchets, au regroupement des éco-organismes au sein d'une plateforme multifilière en vue de créer ces infrastructures. Si nous ne mettons pas les moyens nécessaires pour les créer, les opérateurs locaux ne le feront pas. L'idée est qu'ils exploitent ensuite ces installations pour traiter les déchets.
Mme Marie-Laure Phinera-Horth, présidente. - Puis-je savoir si l'un des organismes ici présents s'occupe, en Guyane, des pièces anatomiques d'origine humaine (PAOH) ?
Mme Laurence Bouret. - Ces déchets font partie de ceux qui ne sont pas soumis au principe de la responsabilité élargie du producteur (REP). Ils sont gérés par l'hôpital lui-même et, souvent, sont rapportés dans l'Hexagone - ce fut le cas, avec l'aide des militaires, pour les déchets de Saint-Pierre-et-Miquelon -, faute d'installations permettant de les traiter localement.
Mme Marie-Laure Phinera-Horth, présidente. - Il fut un temps où on les enterrait dans les cimetières...
Mme Laurence Bouret. - Ces déchets peuvent être également incinérés. Cela dépend des territoires, de leurs coutumes et pratiques religieuses.
Mme Marie-Laure Phinera-Horth, présidente. - En Guyane, la majorité de la population est catholique. Quand les gens apprennent qu'on enterre des boîtes contenant des PAOH, vous imaginez que les maires ont du souci à se faire...
Mme Nassimah Dindar. - Je suis totalement favorable au renforcement de la lutte contre le transport illégal de déchets, mais moins convaincue que cela passe par un renforcement des moyens de contrôle.
Peut-on lutter contre la survie humaine ? On peut consacrer 70 millions d'euros à la surveillance de nos côtes ou au rapatriement des Comoriens qui débarquent à Mayotte. Mais nous n'empêcherons jamais les 30 millions de Malgaches de vouloir trouver les moyens de survivre et de nourrir leurs enfants. Il n'est pas étonnant, dès lors, que des conteneurs privés de matières premières soient expédiés vers Madagascar. L'île devient un dépotoir où se développent des maladies émergentes que nous devrons affronter plus tard.
Qu'on le veuille ou non, ces îles de l'océan Indien ont un destin commun. Quelles que soient les réglementations, les vies des Malgaches, des Réunionnais, des Mahorais, des Comoriens et des Mauriciens sont liées. La coopération régionale, au sens le plus large du terme, doit être pensée de manière quasiment holistique.
M. Stéphane Artano. - Merci d'avoir assuré la présidence de cette réunion, à laquelle j'ai participé à distance. Je salue la qualité des échanges intervenus : j'ai beaucoup appris ! N'hésitez pas à nous renvoyer le questionnaire que nous vous avions adressé. La semaine prochaine, notre mission d'information ira à Mayotte et à La Réunion pour une visite de terrain. Mardi, le Sénat accueillera une délégation de l'Assemblée des maires de France, qui va constituer une délégation outre-mer.
M. Stéphane Murignieux. - Nous n'avons pas évoqué les futures REP, en particulier celle qui concerne les PMCB (produits matériaux construction pour le secteur du bâtiment). Nous devons tirer les leçons du passé pour aller vers une REP opérationnelle et efficace, avec des cahiers des charges vraiment adaptés à nos territoires ultramarins, car la PMCB concernera des volumes considérables.
Mme Marie-Laure Phinera-Horth, présidente. - Merci à tous.