Mercredi 1 juin 2022
- Présidence de M. Laurent Lafon, président, et de M. François-Noël Buffet, président -
La réunion est ouverte à 17 h 00.
Incidents au Stade de France le 28 mai 2022 – Audition de M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur, et Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques
M. François-Noël Buffet, président. – Monsieur le ministre, Madame la ministre, chers collègues,
Laurent Lafon, président de la commission de la culture, est retenu hors de cette salle contre sa volonté, mais s’exprimera en visioconférence.
Samedi soir dernier, de graves incidents, qui n’ont heureusement pas fait de blessés graves, se sont produits en marge de la finale de la Ligue des champions, qui opposait, au Stade de France, les équipes de Liverpool et du Real Madrid : la gestion de cet événement a été qualifiée de « scandaleuse », voire de « honte nationale » par un certain nombre de responsables politiques.
C’est donc à la fois pour comprendre ce qui s’est passé, pour démêler les responsabilités des différents intervenants et pour en tirer les enseignements qui s’imposent que nous avons souhaité vous entendre conjointement.
Vous vous êtes tous deux déjà exprimés publiquement, mais les explications fournies font encore l’objet de critiques fortes, notamment de la part de personnes présentes sur les lieux.
Premier point : concernant les causes des incidents, vous avez incriminé, dès samedi soir, je vous cite, « des milliers de supporters britanniques, sans billet ou avec des faux billets », qui auraient « forcé les entrées et, parfois, violenté les stadiers ». Cela est toutefois contesté, notamment par des officiers de la police de Liverpool présents sur place. Nombre d’observateurs ont noté, au contraire, le calme des supporters britanniques, qui aurait contribué à l’absence d’incidents graves. Les services de renseignement de la préfecture avaient-ils mal anticipé l’attitude de ces supporters ?
Vous avez également évoqué tous deux un phénomène massif de faux billets, de l’ordre de 30 000 à 40 000. Depuis lors, l’Union européenne des associations de football (UEFA) a indiqué que seuls 2 800 billets avaient été identifiés comme falsifiés lors du passage des portiques, ce chiffre pouvant d’ailleurs être gonflé par des problèmes techniques. Comment ces fraudes – qui seraient donc bien plus limitées qu’annoncé – auraient-elles pu jouer le rôle déterminant que vous leur prêtez dans les incidents de samedi soir ? Par ailleurs, la presse s’est fait l’écho d’une note de renseignements de la division nationale de lutte contre le hooliganisme vous alertant, dès le mercredi 25 mai, de possibles risques liés à des billets falsifiés et à la présence de nombreux supporters sans billet. Cette alerte a-t-elle été dûment prise en compte ?
Autre point : la gestion du préfiltrage à l’arrivée du RER D, notamment des files en nombre insuffisant et un manque de personnel, alors que le dispositif était fluide à la sortie du RER B, qui était en grève ce jour-là. Il ne s’agissait pas d’une circonstance imprévue : les organisations syndicales de la ligne B avaient fait état, dès le mardi 24 mai, de leur intention de perturber le déroulement de la finale de la Ligue des champions en cessant le travail. Dans ces conditions, comment expliquer que le dispositif n’ait pas été adapté en conséquence, et que les moyens n’aient pas été redéployés à la sortie du RER D, par lequel sont arrivés une majorité de spectateurs ?
D’aucuns ont enfin évoqué l’intrusion de riverains du Stade de France, ainsi que des agressions et des vols de spectateurs à la fin du match, sans que l’on en sache beaucoup plus. Pouvez-vous préciser le nombre d’arrestations, de poursuites et de plaintes liées à cet événement ? Combien de procédures, avec quelles suites ? La plupart des personnes arrêtées auraient été des sans-papiers : est-ce le cas et si oui, comment l’expliquez-vous ?
Deuxième point : la question de la responsabilité des différents intervenants, notamment des services placés sous votre responsabilité, Monsieur le ministre de l’intérieur.
Le rapport que vous a adressé le préfet de police, au soir du 29 mai, exonère la police de toute responsabilité. L’organisation de la Ligue des champions relève certes de la responsabilité de l’UEFA, mais c’est la préfecture de police qui est pointée du doigt, notamment pour son usage qualifié de massif et d’indiscriminé des gaz lacrymogènes, ayant touché des familles, des enfants, des personnes de bonne foi munies de billets valides et qui, pour certaines d’entre elles, n’ont jamais pu entrer dans le Stade de France.
Il est essentiel que vous nous apportiez des explications circonstanciées sur le schéma d’intervention des forces de l’ordre retenu pour cet événement, notamment sur les consignes en matière d’usage des gaz lacrymogènes et la répartition des missions entre les agents de la direction de la sécurité publique et les unités de forces mobiles (UFM). D’après la presse, la doctrine d’usage en la matière pourrait être modifiée en prévision des grands événements sportifs à venir l’année prochaine et l’année suivante. Est-ce le cas ?
Par ailleurs, certains journalistes auraient été contraints de supprimer des images qu’ils avaient prises des événements. Ces faits sont-ils avérés ? Des consignes en ce sens ont-elles effectivement été données aux forces de l’ordre ? Et si tel est le cas, comment les justifier ?
S’agissant de l’intrusion de jeunes riverains et des exactions qu’ils auraient commises à l’issue du match, comment expliquer qu’ils n’aient pas été repérés en amont par les forces de police et que des dispositions particulières n’aient pas été prises pour sécuriser les sorties du Stade de France à la fin du match ?
Enfin, la France a déjà accueilli, par le passé, des manifestations sportives de cette ampleur, sans qu’elles donnent lieu aux débordements dont, malheureusement, le monde entier a été témoin samedi soir. Notre pays accueillera la finale de la coupe du monde de rugby l’année prochaine et les jeux Olympiques l’année d’après. Comment faire pour que ces débordements ne se reproduisent pas ?
M. Laurent Lafon, président. – Je vous prie d’excuser mon absence de cette salle : je suis soumis à l’isolement pour un test positif au covid. Je remercie à mon tour pour leur venue M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur, et Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques – que je félicite pour sa nomination et que notre commission aura l’occasion de recevoir bientôt.
Comme l’a indiqué le président de la commission des lois, la gravité des faits qui se sont déroulés samedi, à proximité immédiate de Paris, dans le futur stade olympique, ne pouvait nous laisser indifférents. Une compétition prestigieuse entachée, des milliers de personnes empêchées d’accéder au stade, certaines molestées, des actes de délinquance en grand nombre. Le Sénat devait remplir son devoir de contrôle à deux ans des jeux Olympiques et Paralympiques à Paris.
Nous avons de nombreuses questions à vous poser, mais l’une d’elles s’impose, à mon sens : ces incidents étaient-ils prévisibles et donc évitables ?
Nous devons comprendre les échanges entre l’État, l’UEFA, le consortium du Stade de France, la RATP et la SNCF. Deux événements ont eu un effet important sur l’organisation du match : la grève sur le RER B, connue depuis plusieurs jours, et la fausse billetterie identifiée par la division nationale de lutte contre le hooliganisme (DNLH) dans une note en date du 25 mai, soit trois jours avant la finale.
Le 13 novembre 2021 – il y a donc seulement six mois – le match France - Kazakhstan avait été délocalisé au Parc des Princes, car des travaux étaient programmés sur la ligne B du RER et le risque de saturation des autres moyens de transport avait été considéré comme trop important. La grève de la RATP sur cette ligne a eu des effets similaires. Un report de la finale a-t-il été envisagé et le risque de saturation bien évalué ? À défaut de pouvoir reporter la rencontre, des mesures exceptionnelles auraient-elles pu être envisagées comme la réquisition de conducteurs sur la ligne B, la régulation des flux en amont de la ligne D, à Paris-Nord ou l’organisation de transports alternatifs par bus ? Comment avez-vous essayé de prévenir ce risque prévisible de saturation ?
Concernant l’accès au stade, vous avez indiqué que le club de Liverpool avait demandé l’établissement de billets papier que vous avez jugés aisément falsifiables. Pourquoi ne pas avoir exigé de l’UEFA l’établissement de billets électroniques infalsifiables ? Là encore, le risque était identifié et, pourtant, rien ne semble avoir été fait.
Je laisserai mes collègues vous poser d’autres questions, mais je ne saurais éluder l’inquiétude qu’a suscité chez nombre de sénateurs cet échec de samedi dernier quant à l’organisation des jeux Olympiques à Paris en 2024. Quelles leçons allez-vous en tirer ? Organiser la finale de la Champions League avait valeur de test. L’originalité revendiquée des Jeux de Paris tient à ce que l’événement se déroule autant dans les rues que dans les stades, avec un immense rassemblement populaire. Je pense, en particulier, à la cérémonie d’ouverture, qui doit rassembler plusieurs centaines de milliers de personnes le long de la Seine. N’est-il pas nécessaire de réfléchir à un format plus raisonnable pour éviter un nouveau fiasco qui entacherait la crédibilité de notre pays ?
M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur. – C’est avec le souci de la transparence et un profond respect pour la représentation nationale que nous prenons la parole devant vous. Le Gouvernement n’a rien à cacher et se réjouit de pouvoir expliquer ce qui s’est passé samedi soir. Une fête du sport a été gâchée et nous regrettons des débordements, parfois inacceptables. Pour les fans de football, dont je suis – j’ai été arbitre pendant de longues années –, c’est une blessure dans notre fierté nationale. Avons-nous évité le pire ? Oui. Aurions-nous pu anticiper davantage ? Sans doute.
Je regrette les critiques dont ont été la cible les fonctionnaires de la République qui sont sous ma responsabilité : c’est au ministre de répondre aux parlementaires et aux médias. Seuls les lâches se défaussent sur leurs subordonnés. Ma confiance pour les personnes que j’ai l’honneur de commander depuis deux ans est complète. Comme le disait le président Mitterrand, il n’est point d’honneur sans difficultés.
La finale devait se tenir à Saint-Pétersbourg, mais la situation géopolitique a conduit à ce qu’elle soit organisée dans un autre pays. La France s’est portée candidate pour accueillir cet événement dont la responsabilité relève de l’UEFA et de la Fédération française de football. Il faut habituellement dix-huit mois pour organiser ce type d’événements ; la France l’a fait en trois mois.
Une grève de la RATP a été annoncée quelques jours auparavant, ce qui a déplacé de nombreux spectateurs vers le RER D, où le flux de voyageurs a été trois fois et demie plus important que lors de la finale de la Coupe de France, quelques jours auparavant, pourtant classée plus dangereuse par la division nationale de lutte contre le hooliganisme.
La gare du RER B est pour ainsi dire faite pour acheminer des spectateurs au Stade de France, avec des sorties et un espace plus vastes. Celle du RER D a un cheminement plus étroit, avec un goulet d’étranglement sous l’autoroute, tout particulièrement pour l’accès aux tribunes britanniques, où ont eu lieu les débordements.
Quel était le dispositif de sécurité ? Pas moins de 6 800 policiers et gendarmes et quelques dizaines de pompiers avaient été mobilisés ; c’est l’événement sportif qui a le plus mobilisé d’effectifs depuis que je suis ministre de l’intérieur.
Dix UFM, chacune forte de quatre-vingts policiers des compagnies républicaines de sécurité (CRS) ou gendarmes mobiles, ont été déployées dans le périmètre du Stade de France, à la suite de la note de renseignement qui prévoyait plusieurs centaines de détenteurs de faux billets et de très nombreux supporters anglais venus à Paris sans billet, encouragés par l’entraîneur de Liverpool lui-même.
Deux « fan zones » ont été installées, l’une cours de Vincennes, pour 40 000 supporters anglais, l’autre à Saint-Denis pour ceux du Real Madrid. Aucune des deux, qui ont accueilli jusqu’à 50 000 personnes dès 14 h, n’a connu de débordement majeur.
L’aéroport Charles-de-Gaulle a été sécurisé, une grande majorité de supporters espagnols ayant emprunté des avions affrétés, contrairement aux supporters anglais. Même chose pour les Champs-Élysées, qui servent souvent de lieu de rendez-vous. Des UFM ont également été déployées dans Paris, notamment dans les gares ou les stations Châtelet-les-Halles et Nation.
S’agissant de la Seine-Saint-Denis, Monsieur le président de la commission des lois, nous avions déployé 326 effectifs de sécurité publique – à ne pas confondre avec les presque 6 000 effectifs d’ordre public. Il faut comparer ces 326 policiers en tenue, en civil ou en brigade anticriminalité (BAC) aux 164 qui avaient été déployés pour la finale de la Coupe de France. Pour une manifestation comptant, en principe, le même nombre de spectateurs, nous avons doublé les effectifs. Pour répondre clairement à votre question : il y avait suffisamment d’effectifs de forces de l’ordre pour cet événement.
Permettez-moi de retracer le déroulé précis de la soirée. À 18 h 45, alors que de nombreux spectateurs arrivaient sans incident, une bagarre éclate sur le barrage de la passerelle de l’Écluse et deux tentatives d’intrusion sont signalées dans un parking de VIP et dans le village de l’UEFA au nord de la « fan zone ». La police intervient très vite et treize individus sont interpellés, en particulier ceux qui avaient tenté de pénétrer sur le parking.
Jusqu’à 18 h 45, les arrivées sont importantes. Par la ligne 13, cela se fait sans difficulté. Mais, entre 19 h et 19 h 45, les pressions deviennent très importantes dans le goulet étroit entre la gare du RER D et l’endroit où a lieu le préfiltrage : la préfecture de police y a dénombré jusqu’à 15 000 personnes.
Le Stade de France a décidé, depuis la dernière finale de la Coupe de France, d’expérimenter le préfiltrage en prévision de la coupe du monde de rugby, en plaçant des stadiers – qui étaient 1 600 en tout contre 1 300 pour ce dernier match – bien en amont. Cela s’était très bien passé la première fois.
Rappelons que ce ne sont pas les services de police qui contrôlent les billets, même si des gendarmes mobiles avaient été placés en appui des stadiers pour ne laisser passer personne sans billet valable.
La Fédération française de football pourrait vous le confirmer, c’est le club de Liverpool qui a demandé que soient vendus des billets papier, alors que tous les billets, avant la finale, étaient des billets électroniques. Sur les 20 000 billets auxquels ils avaient droit, Madrid en a demandé très peu en papier, tandis que Liverpool les a demandés quasi intégralement sous ce format.
Monsieur le ministre de l’intérieur brandit deux billets.
M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur. – Voici deux billets papier : l’un vrai, l’autre faux. Les stadiers ont un stylo chimique qui permet de distinguer les deux en raturant un carré situé au verso.
Ce préfiltrage n’a posé de problème que pour les supporters britanniques arrivés par le RER D et se rendant dans les virages qui leur étaient réservés : d’après les équipes de la Fédération française de football et du Stade de France, entre 57 et 70 % des billets étaient faux, souvent à l’insu des personnes les ayant achetés, tant ils sont ressemblants. De nombreux autres n’avaient pas de billet.
Il faut distinguer deux types de fraudes qui ont fait l’objet d’un signalement par le préfet de police au parquet de Bobigny. Certaines personnes ont acheté à la sauvette pour 50 livres de faux billets grossiers qui auraient pu leur permettre – s’il n’y avait pas eu de préfiltrage – de passer les contrôles avant le tourniquet où le QR-code doit être lu. D’autres ont acheté, en toute bonne foi, pour 800 à 1 200 euros, des billets très ressemblants sur des sites frauduleux ou dans des bars où l’on vend des billets officiels. C’est à ces derniers que se rapporte le chiffre de 2 700 donné par l’UEFA.
C’est ce qui explique, avec la grève du RER B, qu’il soit arrivé trois fois plus de personnes par le RER D que d’habitude, et qu’elles se soient massées dans un passage étroit devant les stadiers, qui devaient faire face à ce grand nombre de faux billets. C’est cette accumulation qui a conduit aux débordements.
Côté espagnol, alors qu’il y avait en théorie le même nombre de supporters – 20 000 –, il n’y a eu aucun faux billet et les spectateurs ont pu entrer sans aucun problème.
Lorsque le préfiltrage a été levé pour des raisons d’ordre public, les supporters ont tenté de scanner aux tourniquets 2 889 faux billets. D’après Orange, prestataire de la connectique des contrôles, plusieurs billets ont été dupliqués des centaines de fois – jusqu’à 750 et 744 fois pour deux d’entre eux, avec le même numéro de place. Comme, dans la confusion, des gens sont entrés sans contrôle, il y a eu des témoignages sur les réseaux sociaux de personnes à qui la même place a été attribuée. Je vous transmettrai bien sûr tous les documents que je vous présente ici.
Mais revenons au premier problème : 15 000 personnes qui s’agglutinent, y compris des femmes, des enfants et des personnes à mobilité réduite, dans le passage sous l’autoroute. Le préfet de police prend alors la décision de lever le filtrage pour éviter des écrasements et les bousculades. C’est cette décision qui a permis d’éviter les drames que nous avons déjà connus dans ce genre de situations.
À 19 h 45, soit une heure et quart avant le coup d’envoi, les 15 000 personnes accumulées, plus ceux qui arrivent encore par le RER D, se retrouvent devant le Stade de France et se précipitent vers les barrières. Devant le nombre très important de personnes – 5 à 6 000 – qui poussent les portes d’urgence conçues pour céder à 300 kilos, le préfet de police décide de rapatrier les gendarmes mobiles qui encadraient le préfiltrage et les sorties du RER D de l’autre côté des grilles pour éviter des écrasements, des intrusions et l’envahissement du terrain qui aurait empêché le match de se tenir. C’est ce qui explique la délinquance sur le mail : il n’y a pas ou plus de forces de police présentes.
Ce chiffre de 2 800 faux billets repérés aux tourniquets des trois portes par lesquelles devaient entrer 20 000 supporters anglais, représente plus de 10 % du total – et chacun a vu les images montrant des personnes, dont le billet ne fonctionnait pas, passer au-dessus ou en dessous du tourniquet, et qui ne sont pas comptées.
Sur le mail, les effectifs procèdent alors à des opérations de maintien de l’ordre ; à la fin de la première mi-temps, il n’y a plus de difficultés. À la fin de la seconde, alors que Liverpool a perdu, l’évacuation se passe sans problème. Chacun retourne aux transports dans lesquels se produisent des actes de délinquance, car l’ordre public n’est plus assuré entre le stade et le RER D. Aucun problème dans les « fan zones », sinon, à Nation, où un tenancier de restaurant demande l’intervention de la police contre des supporters avinés qui dévastent son établissement.
Comment arrive-t-on à 30 à 40 000 spectateurs de plus que les 75 000 que peut contenir le Stade de France ? Nous n’avons jamais dit que toutes ces personnes avaient un faux billet, mais que certains n’en avaient pas et que d’autres avaient un faux.
Pour ceux qui ne croient pas la préfecture de police, nous avons d’autres sources. La Fédération française de football a indiqué officiellement que si l’UEFA avait édité 75 000 billets, on avait constaté la présence de 110 000 personnes aux abords du stade de France : 79 200 personnes ont pris les transports en commun selon la RATP et la SNCF ; 21 000 sont venues en bus affrétés ; 6 000 sont arrivées en taxi ou par des véhicules avec chauffeur, selon les chiffres des diverses compagnies ; 4 100 ont emprunté leur véhicule particulier, d’après le comptage dans les parkings. Cela aboutit, à 5 000 personnes près, à nos chiffres.
Nous regrettons à ce propos de n’avoir pu utiliser les drones pour disposer de meilleures images. D’après nos chiffres, 27 000 personnes ont pris la ligne 13, 37 000 le RER D – ce qui est démesuré par rapport au chiffre habituel –, 6 500 ont pris la partie du RER B gérée par la SNCF à partir de Paris-Nord et 10 500 la partie gérée par la RATP. Cela fait déjà 80 000 personnes ayant pris les transports publics. Si l’on compte les taxis, les VTC, les cars, les bus et les véhicules particuliers, on arrive à un chiffre entre 109 000 et 117 000, soit 34 800 ou 42 800 de plus que les 75 000 que peut contenir le Stade de France.
Soit ils sont entrés de manière surnuméraire, soit ils ont été expulsés, soit ils ont été bloqués au préfiltrage. Ceux qui n’ont pas réussi à entrer dans le stade ont dû s’en éloigner rapidement, car la 4G n’y fonctionne pas très bien et il leur était ainsi difficile de suivre le match depuis leur téléphone portable.
Certains se demandent ce que sont devenues ces 35 000 personnes en plus. Eh bien, la SNCF indique que, dès 22 h 52, soit peu après la fin de la mi-temps, de nombreux supporters reprennent les transports, et notamment le RER D. En effet, le coup d’envoi a été décalé, et le déroulement du match aussi jusqu’à la fin du match. Cela a d’ailleurs été une prouesse pour les deux entreprises de transports publics de parvenir à adapter les circulations de trains aux horaires changeants de la soirée.
Dès 22 h 45 – ou 22 h 52 d’après la SNCF –, selon des images de vidéoprotection que je ne peux vous fournir pour des raisons de protection des libertés, mais que vous pourrez sans doute vous procurer, les quais du RER, notamment de la station La Plaine-Stade de France, étaient pleins de maillots rouges.
Malheureusement, la SNCF a dû faire venir très rapidement des trains qui, dès 22 h 52, repartaient à Paris dans des conditions très différentes de celles d’un match normal - en général, tout le monde attend la fin du match pour partir...
Je ferai un comparatif avec la finale de la Coupe de France, organisée quelques jours auparavant, plus dangereuse a priori que la finale de la Champions League selon la division nationale de lutte contre le hooliganisme. Sans faire injure aux sénateurs des départements concernés, chacun sait que certains clubs de supporters des deux clubs de football qui se sont opposés en finale de la Coupe de France posent des problèmes très importants. Nous avions mis l’accent sur l’ordre public et très peu d’incidents se sont déroulés, alors qu’il y avait plus de billets vendus que pour la finale de la Champions League.
Pour la finale de la Coupe de France, il y avait 162 policiers de sécurité publique contre 326 pour la finale de la Champions League et 810 membres des forces de l’ordre chargés de l’ordre public pour la première, contre 1 170 pour la seconde. Lors de la finale de la Coupe de France, il y a eu zéro agression contre les forces de l’ordre, contre dix lors de la finale de la Champions League, et zéro stadier blessé contre dix, dont un très gravement. Trois plaintes ont été déposées à l’occasion de la première contre trente-cinq lors de la seconde. On a dénombré vingt et une interpellations lors de la première, contre quatre-vingt-une lors de la seconde, dont vingt-neuf aux abords immédiats du Stade de France. La moitié de ces personnes, dont certaines ont été interpellées pour avoir sauté par dessus les grilles, étaient des citoyens britanniques. On en dénombre aussi parmi les cinquante-deux personnes interpellées hors du stade, notamment sur un parking. Sur quatre-vingt-une interpellations, on recense vingt-cinq étrangers hors Union européenne. Sur Paris et la Seine-Saint-Denis, cent-cinq interpellations ont été réalisées, conduisant à soixante-treize gardes à vue. Je veux rappeler ici que le ministre de l’Intérieur ne décide pas des poursuites judiciaires.
Que pouvons-nous faire immédiatement, notamment vis-à-vis des personnes flouées et de ceux qui, citoyens britanniques ou espagnols, n’ont pu déposer plainte ? Je proposerai qu’à partir de lundi, ils puissent le faire dans leur pays. Je dépêcherai des policiers français à Madrid et, je l’espère, à Liverpool, sinon à Londres, et nous proposerons une plateforme informatique en espagnol et en anglais, ainsi que des lettres de plainte déjà rédigées dans ces langues, pour pouvoir répondre à chacune des plaintes. Monsieur le président de la commission des lois, nous vous communiquerons les résultats des dépôts de plainte.
Le parquet de Bobigny s’est saisi des faits de faux billets, édités de manière massive et industrielle, je le maintiens. Je constate à ce propos que l’UEFA diligente elle-même une enquête sur ce sujet. D’autres pays ont tout loisir de mener également des enquêtes. Je n’en ai pas connaissance, mais nous serions au rendez-vous de la coopération si tel était le cas.
Évidemment, nous tirerons des leçons pour l’avenir - la ministre des sports y reviendra.
Pour ce qui relève de l’ordre public, qu’avons-nous mal fait ? Nous avons sans doute sous-estimé le nombre de policiers ou l’action de sécurité publique. Nous n’avions pas prévu que la situation dégénérerait et qu’il faudrait lever les barrages d’ordre public, ce qui livrait une partie de l’espace entre le RER D et le Stade de France, comptant peu de policiers, à un certain nombre de personnes qui, profitant de la confusion, ont commis des violences. Il faut prévoir beaucoup plus de policiers de sécurité publique. Chacun voit qu’un policier d’ordre public casqué et équipé n’est pas là pour intervenir contre des actes de délinquance. Certains l’ont fait, et je les en remercie, mais ce n’est pas leur travail ni la réglementation. Nous tirerons toutes les conclusions nécessaires pour le match France-Danemark, pour lequel la quasi-intégralité des billets sont électroniques, ainsi que pour les matchs et autres compétitions futurs.
La ville de Saint-Denis et la préfecture de police de Paris doivent disposer de caméras de vidéoprotection sur l’ensemble du RER D menant au Stade de France. Actuellement, ce sont surtout la ligne 13 du métro et le RER B qui sont vidéosurveillés. Dont acte. Je mettrai des moyens dès le mois prochain pour équiper l’ensemble de cet axe.
Nous devons aussi anticiper les afflux très importants et non prévus, qu’il s’agisse d’un attentat, d’une panne ou d’un incendie, en prévoyant un dispositif d’urgence particulier contre l’insécurité publique.
Concernant l’ordre public, soyons clairs : les décisions prises ont sauvé des vies. Il y a eu des gestes inappropriés et disproportionnés d’un certain nombre de policiers ou de gendarmes mobiles. Deux signalements ont été faits à l’Inspection générale de la police nationale (IGPN). J’ai évidemment donné instruction à celle-ci de les étudier. Les Espagnols et les Anglais pourront également saisir l’IGPN. J’ai personnellement constaté deux utilisations de gaz lacrymogène contraires aux règles d’emploi et j’ai demandé des sanctions au préfet de police vis-à-vis des responsables des forces de l’ordre concernés.
Cependant, alors que plus d’une dizaine de milliers de personnes se pressaient, même s’il y avait parmi elles des spectateurs se rendant au stade « en bon père ou en bonne mère de famille », pour éviter un écrasement, les policiers et les gendarmes, dans l’urgence et sur ordre de leur hiérarchie, ont utilisé des moyens de dispersion. Ces moyens étaient-ils adéquats ? Manifestement, l’expérience montre qu’ils méritent d’être très largement revus. J’ai donc demandé dès maintenant l’étude de règles d’emploi différentes – le préfet Cadot y travaille par ailleurs. Les CRS et les gendarmes mobiles n’avaient pas d’autres moyens de disperser la foule, sinon des grenades anti-rassemblement et des lanceurs de balles de défense (LBD), ce qui n’était pas du tout proportionné.
Le gaz lacrymogène a permis de sauver un certain nombre de personnes de l’écrasement. Il a aussi causé de gros dégâts, notamment sur des enfants. J’ai vu les images, comme vous. Je voudrais présenter très sincèrement mes excuses pour cette utilisation disproportionnée. Des sanctions seront prises. Je vous les communiquerai, si vous le souhaitez, monsieur le président de la commission des lois. Je tiens à votre disposition l’ensemble des documents et répondrai à toutes vos questions.
Je précise que la note de la DNLH n’envisageait pas de milliers de faux billets. Elle prévoyait tout d’abord que des personnes tenteraient de pénétrer par ruse dans l’enceinte sportive en utilisant par exemple des uniformes de stewards, du personnel de l’UEFA, du personnel médical ou des agents de nettoyage. Ce n’est, fort heureusement, pas arrivé, mais nous nous y étions préparés. Elle prévoyait ensuite que, comme cela avait pu être constaté lors des précédentes finales jouées par le club de Liverpool – je rappelle que nous n’avons eu aucun problème avec les supporters madrilènes ou d’autres – plusieurs centaines de supporters anglais – et non plusieurs milliers – tenteraient de pénétrer dans le stade en forçant les tourniquets et les différentes portes d’accès. En réponse, nous avions prévu la « fan zone » et le surnombre de policiers d’ordre public.
Je vous dois la vérité : il y a eu un dysfonctionnement puisque cette note de la DNLH n’a pas été transmise à la préfecture de police, contrairement à ce qui se fait lors des autres matchs. Je multiplie les réunions pour savoir ce qui s’est effectivement passé. C’est un dysfonctionnement du ministère, même si cela n’aurait pas changé grand-chose puisqu’il n’avait pas été prévu des milliers de personnes. Toutefois, il est évident que le préfet de police, qui est garant de l’ordre public à Paris et en petite couronne, aurait dû connaître cette note.
M. François-Noël Buffet, président. – Merci, monsieur le ministre.
Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques. – Je suis honorée d’être devant vous aujourd’hui, pour la première fois devant le Parlement, en ma qualité de ministre des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques, même si j’aurais aimé que cela se produise dans des circonstances plus positives. Ma démarche, avec le ministre de l’intérieur, est celle d’une transparence la plus complète possible.
Je commencerai par exprimer à nouveau nos regrets vis-à-vis des personnes dont la soirée a été gâchée samedi, et des 2 700 supporters de Liverpool qui avaient acheté des tickets valides et qui ont été privés de ce beau match.
Je m’inscris dans une démarche de responsabilité. C’est pourquoi, dès lundi matin, j’ai réuni l’ensemble des parties prenantes pour analyser les incidents, établir les responsabilités de chacun et tirer les enseignements qui s’imposent : l’UEFA, en tant qu’organisateur de cette compétition, la Fédération française de football, qui détenait certains pans de responsabilité en délégation de l’UEFA, le consortium Stade de France, gestionnaire de l’enceinte, et, du côté de l’État, la préfecture de police, la préfecture de Seine-Saint-Denis, la DNLH et la mairie de Saint-Denis, collectivité hôte du match. Je retiens de cette réunion de retour d’expérience et d’analyse une convergence de vues et d’interprétation sur ce qui s’est passé. Certes, nous avions tous des points d’observation différents, complémentaires, mais nous nous sommes assurés que rien n’était incohérent. Comme souvent dans pareille affaire, il y a eu une forme de conjonction de circonstances, de faits, quelque chose qui a entraîné un processus dynamique et exponentiel, chaque pas franchi amplifiant les difficultés rencontrées de manière croissante, pour reprendre les mots des responsables du Stade de France. Je retiens aussi de cette réunion la cause racine : la proportion extrêmement élevée de faux billets, peut-être inédite et difficilement prévisible.
La DNLH, dont je n’ai pas non plus reçu la note en amont, prévoyait qu’environ 50 000 supporters anglais seraient présents dans la capitale sans être détenteurs de billets. Trois formes de difficultés étaient mentionnées : la première était la possession de faux billets. La deuxième était la tentative de pénétrer par ruse dans l’enceinte sportive, en utilisant par exemple des uniformes de stewards, de personnel de l’UEFA, de personnel médical ou d’agents de nettoyage. Notons que cela n’a pas été constaté. La troisième était le risque de voir plusieurs centaines de supporters anglais tenter de forcer les tourniquets et les différentes portes d’accès. La proportion très forte de faux billets n’était pas mentionnée.
La finale a été organisée en trois mois et l’identité des finalistes n’a été connue que le 4 mai. Or les supporters de Liverpool ont une spécificité très forte. Le temps d’adaptation à leurs techniques, aux risques spécifiques qu’ils présentent, était malheureusement très compté.
Le ministre de l’intérieur ayant été formidablement exhaustif, je ne reviendrai pas sur tous les éléments. Mais l’un d’eux est capital : la perception d’une incohérence entre ces 30 000 à 40 000 supporters sans billet ou munis de faux billets et les 2 800 faux billets scannés aux ultimes portes de contrôle signalés par l’UEFA. Nous avons essayé de décortiquer au mieux cette arithmétique. Les enquêtes du parquet de Bobigny et de l’UEFA nous donneront des éléments plus précis. Toutefois, je voudrais partager avec vous non une incohérence, mais au contraire une cohérence, en sept points.
Premier point : les 30 000 à 40 000 supporters évoqués étaient soit sans billet soit munis de faux billets, la proportion de chacun de ces deux groupes étant difficile à établir. Les supporters sans billet ont été largement tenus à l’écart de la première zone de filtrage. Les données d’affluence dans les transports en commun montrent bien un volume très important de retour de ces supporters avant même la fin du match. Ce premier ensemble de supporters sans billet était vraisemblablement important.
Deuxième point : la première zone de filtrage a rempli son objectif de rejet d’un certain nombre de détenteurs de faux billets, grâce aux stylos chimiques. L’ensemble des témoignages sont concordants : on a recensé entre 55 et 70 % de faux billets dans cette première zone de filtrage. Au début, l’UEFA, alertée par les stadiers, eux-mêmes surpris, ne croyait pas à ces statistiques et s’est demandée si les stylos chimiques n’étaient pas défectueux. Ils en ont même apporté d’autres aux stadiers.
Troisième point : seules les premières zones de filtrage aux portes X, Y et Z ont été relâchées. Aux autres portes, elles ont continué d’agir. D’ailleurs, les données de la Fédération française de football montrent que 33 % des faux billets détectés relèvent d’autres portes. Cette première zone de filtrage a donc continué à fonctionner tout au long de la période de contrôle sur une partie significative du stade. La zone de filtrage des portes X, Y et Z n’a été relâchée que de 19 h 39 à 19 h 54, puis rétablie jusqu’à ce que, vers 21 h, les stadiers quittent progressivement leur poste.
Quatrième point : après cette première zone de filtrage, les forces positionnées près des portes X, Y et Z ont pu écarter à leur tour un certain nombre d’individus sans titre d’accès valide.
Cinquième point : devant les tripodes, les agents de sécurité vérifient de nouveau les billets de manière visuelle, ce qui leur permet d’écarter les fraudes les plus évidentes, et ils vérifient l’exactitude de la porte d’entrée.
Sixième point : les 2 800 billets irréguliers scannés ont été repérés après ces cinq étapes.
Enfin, septième point : le Stade de France a établi que, malgré ces six étapes progressives, quelques centaines de spectateurs sans billet ou sans billet valide ont réussi à pénétrer dans l’enceinte du stade.
Ces étapes successives établissent en réalité une cohérence forte entre les 30 000 à 40 000 supporters évoqués au début et les chiffres des tripodes fournis par Orange à l’UEFA. C’est un élément important de la confiance en notre analyse.
Je m’inscris dans une démarche de responsabilité tournée vers l’avenir. Nous avons pris quatre décisions majeures : la première a été de réclamer une compensation pour les 2 700 supporters de Liverpool qui n’ont pu assister à ce match alors que leurs billets étaient valides. Nous avons demandé que cette compensation soit rapide et individualisée.
La deuxième a été de demander à l’UEFA une enquête très approfondie sur l’ensemble des failles constatées et notamment sur le point très sensible de la billetterie. L’enjeu est de comprendre comment cette fraude a pu être possible dans de tels volumes, avec quelles mécaniques et quelles complicités.
La troisième a été de demander au préfet Cadot, délégué interministériel aux grands événements sportifs (Diges), de rassembler de la manière la plus exhaustive possible les analyses de toutes les parties prenantes, dans un rapport public qui vous sera transmis, messieurs les présidents.
La quatrième, avec Gérald Darmanin, a été de renforcer le pilotage des grands événements, notamment à risques.
Nous allons devoir nous améliorer dans cinq directions. Premièrement, dans la gestion des flux, au sortir des transports publics, a fortiori lors de grèves, avec une capacité renouvelée à gérer des plans de secours, des itinéraires de délestage, des replis bien coordonnés. Nous devrons améliorer le barriérage au Stade de France, mieux l’adapter à la pression des spectateurs, optimiser la gestion de la zone de premier filtrage avec des aménagements matériels et des moyens humains bien calibrés, une juste répartition des responsabilités entre agents de sécurité et forces de l’ordre, et sans doute la piétonisation de certaines voies d’accès pour éviter les croisements de flux antagonistes entre piétons et véhicules, qui créent une dangerosité particulière.
Deuxièmement, nous devons améliorer la communication et la signalétique, avec une meilleure information des voyageurs, tout particulièrement des supporters, dans les transports en commun.
Troisièmement, en matière de sécurité, nous devons nous interroger sur les conséquences concrètes pour les forces de l’ordre du contrôle d’un dispositif parfois très vaste, avec un enjeu majeur de coordination entre nos forces de sécurité intérieure et les agents de sécurité privée, mais aussi avec une attention particulière sur la filière des agents de sécurité privée. Ce sont des métiers en tension qui exigent une formation de qualité et qui seront cruciaux pour nos prochains événements.
Quatrièmement, nous devrons mieux anticiper la lutte contre la délinquance pour garantir la sécurisation générale de nos grands événements.
Cinquièmement, nous devons améliorer la billetterie avec une utilisation plus systématique de la billetterie électronique, en travaillant sur la blockchain et la cybersécurité, et en renforçant nos techniques de prévention de la fraude. Ce n’est pas spécifique à la France et une coopération européenne ou internationale sera nécessaire en matière de renseignements.
Je partage avec vous ces pistes de travail et ces premiers enseignements, sur lesquels le préfet Cadot reviendra. Mais il ne faut jamais oublier que notre pays a une longue tradition de réception de grands événements. La Ryder Cup, en 2018, avait réuni 270 000 spectateurs de 90 nationalités. Le championnat masculin de handball de 2017 a réuni 540 000 personnes. Le championnat féminin de handball s’est également tenu sans difficulté. La Coupe du monde féminine de football en 2019 a rassemblé 1,2 million de spectateurs ; Roland-Garros, en ce moment, accueille 40 000 spectateurs au quotidien.
Je veux souligner la qualité de la gouvernance, avec la délégation interministérielle aux grands événements sportifs, la délégation interministérielle aux jeux Olympiques et Paralympiques (Dijop), l’instance de coordination nationale pour la sécurité des jeux et de la Coupe du monde de 2023, avec le préfet Ziad Khoury et l’ensemble de ces personnes extraordinairement mobilisées pour travailler sur toute la sûreté qui concourra à la bonne organisation de nos événements.
En conclusion, nous tirerons toutes les leçons. C’est peut-être la sportive en moi qui parle : ces événements nous poussent à progresser, à nous remettre en question là où c’est nécessaire et à réunir toutes les conditions pour faire de nos grands événements des succès sportifs mais aussi les fêtes populaires que les Français sont en droit d’attendre.
Mes pensées vont aussi aux Britanniques. Je réitère mes regrets vis-à-vis des supporters privés de match et je les appelle à la compréhension des difficultés que nous avons rencontrées. Dans son rapport sur les événements de la finale de l’Euro en juillet 2021 entre l’Italie et l’Angleterre, la baronne Louise Casey parle d’un échec collectif à anticiper les risques, de 17 brèches dans le dispositif de sécurité, d’une période de confusion allant d’une heure et demie avant le coup d’envoi jusqu’aux tirs au but, de concentration de foule, de chute de barrières. Elle évoque des attaques d’une violence sans précédent contre les policiers et les stewards. Souvenons-nous de tout cela.
J’ai bien entendu été sensible à l’appel du club de Liverpool. Nous avons besoin de comprendre le trafic et la désorganisation, qui a peut-être tranché avec l’encadrement du Real Madrid vis-à-vis de ses supporters. Cela ne retire rien au fait que Liverpool est un grand club avec un grand coach et de grands joueurs.
Soyez persuadés de notre mobilisation la plus totale pour faire du match France-Danemark de vendredi soir une bien meilleure expérience.
M. Michel Savin. – Je tiens tout d’abord à remercier les présidents Lafon et Buffet pour l’organisation rapide de cette audition.
Les images vues par 400 millions de téléspectateurs sont catastrophiques et incompréhensibles.
Je ne reviendrai pas sur les faits. Monsieur le ministre, je voudrais évoquer votre communication : dès le samedi soir, depuis le PC de sécurité du stade, vous avez rapidement tweeté que les incidents ayant entaché cette finale étaient uniquement de la faute des milliers de spectateurs anglais sans billet ou avec de faux billets. Vous avez par la suite affirmé que 30 000 à 40 000 spectateurs anglais sans billet ou avec de faux billets étaient massés devant le stade. S’y ajoutent logiquement les 10 000 supporters de Liverpool munis de vrais billets mais qui, à 21 h, n’étaient pas encore entrés dans le stade. Si l’on se base sur ces affirmations, cela signifie qu’entre 20 h et 21 h, entre 40 000 et 50 000 supporters anglais, soit plus de la moitié de la capacité totale du stade, étaient devant l’équipement sportif. Le problème, Monsieur le ministre, c’est que cette foule immense, personne ne l’a vue ! Ce chiffre de 30 000 à 40 000, c’est le vôtre. Pas une image, pas un témoignage de policier ou de journaliste ne corroborent votre étrange récit. La SNCF a fait savoir publiquement dans la presse qu’aucun flux particulier ou plus important que d’habitude n’avait été enregistré dans l’autre sens, après le début du match. Où sont donc passés tous ces gens ? Comme vous le demande le Président de la République, et par souci de transparence et de crédibilité de la parole gouvernementale, Monsieur le ministre, détaillez les sources officielles vous permettant de formuler de telles affirmations. Transmettez-nous rapidement l’intégralité des documents officiels.
De multiples dysfonctionnements ont conduit à ce fiasco en mondovision : grève du RER B mal anticipée, problèmes de pilotage du filtrage, ratés dans le contrôle des billets... Ces dysfonctionnements appellent des réponses rapides.
À aucun moment dans votre conférence de presse de lundi, monsieur le ministre, vous n’avez évoqué les 300 à 400 jeunes qui ont tenté, certains y sont parvenus, de pénétrer sans contrôle dans le stade en débordant les stadiers. Ces bandes ont ensuite agressé et détroussé les spectateurs à la chaîne, avec une violence inouïe parfaitement décrite dans la presse internationale et visible sur quantité de vidéos. Les méfaits de ces bandes de jeunes ont-ils eu un effet sur le chaos de cette soirée ? Votre stratégie de communication ciblée quasi uniquement sur les supporters anglais a-t-elle pour objectif d’éviter d’évoquer ces actes de délinquance ?
Enfin, vous avez souligné que la France avait eu seulement trois mois pour organiser cet événement majeur qui, d’ordinaire, exige douze mois de préparation. Ces contraintes étaient connues quand le président Macron est intervenu personnellement auprès de l’UEFA pour accueillir ce match qui devait avoir lieu à Saint-Pétersbourg. Monsieur le ministre, avez-vous été consulté par le Président de la République pour l’organisation de cette finale en France ?
M. Jérôme Durain. – Merci pour la quantité d’informations transmises. On a bien compris ce qui s’est passé. Cherchons maintenant à comprendre pourquoi cela s’est passé. Se sont conjuguées beaucoup d’impréparation et d’improvisation. On assiste à un festival de défausses assez peu fair-play sur les supporters, le club anglais, les grévistes, les détenteurs de faux billets, alors que c’est nous qui avons marqué un but contre notre camp puisque l’essentiel des défaillances sont de coordination, de filtrage, de gestion des flux, de note non lue ou non transmise. En voulant organiser à la hâte cette manifestation, nous avons sans doute eu les yeux plus gros que le ventre.
N’y a-t-il pas un problème de conception dans notre maintien de l’ordre public ? Ce n’est pas nouveau : après les gilets jaunes, on pensait que des leçons avaient été tirées. Manifestement, non ! Le préfet de police a-t-il dépêché les bonnes unités sur place ? Pourquoi la fameuse note de la DNLH n’a-t-elle jamais été lue ? La délégation interministérielle aux grands événements sportifs et la préfecture de police se parlent-elles ?
Quelle a été la coordination opérationnelle entre les flux issus des RER D et B ? Pourquoi n’y a-t-il pas eu de réorientation plus tôt ? Pourquoi n’est-on pas intervenu contre les délinquants qui dépouillaient les supporters ?
Est-il vrai que le dispositif de sécurité et d’accès au stade était expérimental ? Est-on sur une nouvelle organisation ? J’en veux pour preuve la publication d’un arrêté préfectoral qui permet de fermer les commerces, ce qui n’avait jamais été le cas jusqu’à présent. A-t-on testé à la hâte, sans préparation, un nouveau dispositif pour un événement aussi important ?
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. – Grâce à ce que tout le monde appelle « le fiasco de samedi soir », le monde entier a pu découvrir que la Seine-Saint-Denis n’était pas la Californie sans la mer, contrairement à ce que disait le Président de la République récemment. Je ne me réjouis pas de ces images qui, à travers le monde, ont détérioré la réputation de la France.
Le Stade de France a ouvert fin 1998. La France a changé depuis. Lorsque le Président de la République a proposé que la France accueille la finale de la Ligue des champions dans les délais que l’on sait, pourquoi, Monsieur le ministre, n’a-t-on pas créé un comité de pilotage réunissant tous les acteurs concernés par cette manifestation ? Je vous ai beaucoup écouté. Vos propos ont beaucoup choqué. Pourquoi un tel déni de ce qui s’est réellement passé ? Pourquoi ne pas dénoncer la réalité et présenter des excuses aux Espagnols et aux Anglais ?
Avez-vous renoncé à restaurer l’ordre public partout dans notre pays ?
M. Jean-Jacques Lozach. – Nous sommes là pour comprendre ce qui s’est passé samedi soir et savoir qui est responsable de quoi. Il y a eu des dysfonctionnements, des débordements, de l’imprévoyance, surtout quand on prend connaissance a posteriori de la note de la DNLH du 25 mai. On a très peu évoqué l’information défaillante des personnes concernées.
Monsieur le ministre, avez-vous la certitude que le Gouvernement s’est donné tous les moyens, notamment humains, pour que la soirée se déroule comme une fête paisible tout en respectant le cahier des charges imposé par l’UEFA, en lien avec la Fédération française de football ? L’image du pays se trouve ternie par cet événement.
L’estimation des 30 000 à 40 000 personnes sans billet ou avec des billets frauduleux a mis le feu aux poudres. Quand on fait le lien avec l’absence de toute garde à vue pour intrusion ou faux billet par le parquet de Bobigny, on est dubitatif.
En songeant aux grands événements sportifs internationaux (GESI) à venir, ne tombons pas dans les amalgames. Il est évident que la sécurité de la finale de la Ligue des champions entre le Real Madrid et Liverpool n’a rien à voir avec celle des épreuves olympiques de canoé-kayak ou de tir à l’arc ! Néanmoins, il faut tirer les enseignements de ce qui s’est passé. Envisagez-vous de réformer globalement la doctrine française de stratégie sécuritaire pour ce type d’événements, afin de sortir d’une image de tout-répressif ?
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. – J’aurai deux questions, et autant de demandes.
Monsieur le ministre, quid de la coordination qui a été mise en place en amont de la rencontre entre les différents services concernés, consortium du Stade de France, RATP, FFF, etc. ? Les comptes rendus des réunions préparatoires sont-ils disponibles ? L’épisode de la « note fantôme » montre que le travail collectif s’est avéré difficile...
Par ailleurs, après vous avoir écouté longuement, nous ne savons toujours pas où sont passées les 30 000 personnes qui sont censées avoir causé cette situation. Vous avez malicieusement regretté de n’avoir pas eu de drones à votre disposition ; mais vous aviez des caméras de vidéosurveillance et un hélicoptère survolait la zone. Il doit être possible d’avoir connaissance des images qui ont été filmées...
Les Français ont l’impression que vous leur racontez des « carabistouilles ». Montrez ces images et nous pourrons voir précisément quels furent les flux de personnes ce soir-là. Je rappelle que la fan zone anglaise était pleine : 40 000 Anglais étaient donc dans le XIIe arrondissement ! Ils ne pouvaient être à la fois sur le cours de Vincennes et autour du Stade de France.
M. Claude Kern. – J’irai à l’essentiel : ce qui m’intéresse, c’est l’avenir. À l’aune des événements catastrophiques de samedi soir, ce qui m’inquiète, en tant que corapporteur, avec David Assouline, de la mission d’information relative à la préparation des jeux OIympiques et Paralympiques de 2024, c’est la question de la sécurité. Il va falloir assurer la sécurité des sportifs, des organisateurs, des officiels, des personnalités, des journalistes, de supporters en très grand nombre, et cela sur différents sites à la fois, sans parler de la cérémonie d’ouverture. La situation sera donc autrement plus complexe à traiter.
Je suppose que cette question a été évoquée avec le comité d’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 (Cojop) et avec le Comité international olympique (CIO). J’espère qu’elle le sera à nouveau.
Envisagez-vous une nouvelle procédure ? Quels seront les acteurs associés à cette réflexion ?
M. David Assouline. – La France est un grand pays d’accueil d’événements sportifs. Il nous revient à nous aussi de défendre cette image et ce savoir-faire. En 2016, nous avons organisé le championnat d’Europe de football : c’est comparable, puisqu’il s’agit du même sport, à ceci près qu’il s’était agi d’accueillir beaucoup plus de monde et sur une période beaucoup plus longue... De surcroît, nous vivions à l’époque une vague d’attentats terroristes. Or, à l’exception des événements survenus à Marseille, l’organisation fut parfaite – j’ajoute que les acteurs impliqués étaient à peu près les mêmes qu’aujourd’hui, l’UEFA notamment.
Le savoir-faire de nos fonctionnaires et de tous ceux qui contribuent d’une façon ou d’une autre au bon déroulement de ce genre d’événements – je pense aussi aux personnels hôteliers ou aux éboueurs – n’est pas en cause. La question qui se pose est bien plutôt une question de pilotage conjoncturel d’un événement dont la nature ne diffère pas de celle d’autres événements que, par le passé, nous avons su organiser. Cette fois, ça n’a pas marché.
J’en viens donc à la question qu’a posée M. Durain, celle de la doctrine de maintien de l’ordre. La gestion d’un tel événement ne relève pas seulement du maintien de l’ordre : il s’agit d’accueillir des familles et des gens qui viennent pour faire la fête. N’y a-t-il pas eu, au cœur de la façon dont vous avez appréhendé l’événement, une identification implicite des supporters de Liverpool à des hooligans ? Si tel est le cas, vous ne vous êtes pas mis en position de gérer des masses populaires venues faire la fête. Dès que des pressions ont eu lieu, la réaction a été celle qui prévaut face à des délinquants ou à des hooligans, et qui a prévalu ces dernières années lors de nombreuses manifestations revendicatives encadrées par la préfecture de police de Paris.
Vous avez promis la transparence la plus totale : pourriez-vous nous donner une idée précise des consignes adressées avant l’événement aux forces de l’ordre, et des ordres donnés au moment où des tensions sont apparues ? Je pense notamment à l’usage de gaz lacrymogènes : vous tenterez peut-être de nous convaincre qu’il s’est agi d’une initiative isolée et qu’aucun ordre ne fut donné en ce sens ; ce serait un peu fort de café !
Il eût fallu considérer qu’il s’agissait d’abord et avant tout d’une manifestation sportive, festive et populaire !
M. Jean-Raymond Hugonet. – Madame la ministre, vous auriez sans doute préféré un autre baptême du feu ; je suis malgré tout heureux de vous recevoir ce soir pour la première fois et de constater que le sport a enfin un ministère de plein exercice, après avoir été traité comme la dernière roue du carrosse ces dernières années.
Pour assurer la sécurité, il faut avant tout tenir le terrain. Or, samedi soir, personne n’a tenu le terrain, sinon le milieu magique du Real Madrid. Clairement, la responsabilité de la direction de l’ordre public et de la circulation (DOPC) est engagée ; en tout cas, cette question exige des éclaircissements.
Qui était le patron opérationnel de ce dispositif ? Je rappelle qu’en 2006 s’est déroulée à Paris, devant 79 500 personnes, une finale de Champions League opposant déjà un club anglais, défait comme cette année, à un club espagnol. Nous savons faire ! C’est donc clairement un problème d’organisation. Pouvez-vous détailler devant nous les modalités d’organisation de l’événement et la nature des rapports entre DOPC, UEFA et stadiers ?
M. Olivier Paccaud. – M. le ministre de l’intérieur n’étant pas ministre des affaires étrangères, on comprend mieux le caractère peu diplomatique des propos qu’il a tenus à l’endroit de nos amis britanniques ; le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il n’a pas travaillé à l’« entente cordiale »...
Monsieur le ministre, vous avez insisté sur le fait qu’il était difficile d’organiser ce type de rencontre en trois mois. Avons-nous eu les yeux plus gros que le ventre ? Fallait-il faire ce « test » ?
Votre démonstration a reposé pour moitié, ou presque, sur la question du préfiltrage. Les lacunes semblent s’être concentrées à ce niveau. Dans l’ancien monde, le préfiltrage consistait en une multitude de petits points de contrôle. Mme la ministre a indiqué qu’il fallait peut-être mieux baliser, réorienter ; elle a parlé d’« itinéraires de secours ». Mais tout cela existait auparavant.
Visiblement, un changement a eu lieu du jour au lendemain : on a voulu tester quelque chose de nouveau. Était-ce bien adapté ?
Concernant le dispositif policier, monsieur le ministre, vous avez esquissé un mea culpa. Les effectifs étaient suffisants pour du maintien de l’ordre, avez-vous dit, mais pas pour de la lutte contre la criminalité. Vous avez donné un chiffre : 326 hommes ; c’était d’autant moins suffisant que certains autres chiffres posent question. Quid des fameux 40 000 ? Si l’on fait l’addition de tous les chiffres que vous avez donnés, on tombe sur un total de 90 000 à 100 000 Anglais sur le sol français. Ce chiffre était forcément connu la veille, voire l’avant-veille !
De deux choses l’une : soit il y avait bien 100 000 Anglais à Paris, dont un grand nombre sans billet, et c’est l’adaptation à cette situation connue qui a fait défaut ; soit il n’y avait pas 100 000 Anglais, mais bien moins, et tout simplement nous n’étions pas prêts.
M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur. – Je commencerai par deux petits rectificatifs.
Premièrement, c’est la FFF et l’UEFA qui organisaient le préfiltrage, et non le consortium du Stade de France, qui n’est en aucun cas responsable, contrairement à ce que j’ai dit rapidement par abus de langage – je m’en excuse. Deuxièmement, la DNLH a bien envoyé sa note à la préfecture de police, le 25 mai à 16 h 41 – j’ai reçu cette information pendant notre audition. Cela dit, le contenu de cette note n’aurait rien changé au déroulé des événements.
Un mot sur la communication et sur le tweet que j’ai publié le soir même. Sans aller jusqu’à authentifier ce tweet sous forme de NFT, je rappellerai ce que j’ai écrit depuis le PC sécurité du Stade de France : « Des milliers de “supporters” britanniques, sans billet ou avec des faux billets, ont forcé les entrées et, parfois, violenté les stadiers ». C’est exactement ce qui s’est passé. J’ai bien dit « des milliers de supporters », pas « des dizaines de milliers ».
Par la suite, d’autres informations sont arrivées à notre connaissance. Madame de La Gontrie, on peut discuter à l’envi de l’utilisation des images. J’ai dit en introduction que des images prouvaient le départ pendant le match de très nombreux supporters britanniques par le RER D. La SNCF évoque elle-même ce point dans la note que j’ai transmise à vos présidents. Je ne peux pas vous montrer ces images,...
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. – Ce n’est pas de ces images-là que je parle !
M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur. – ... mais je propose que le président Buffet et le président Lafon puissent les voir.
Madame de La Gontrie, vous avez combattu le Gouvernement pour empêcher les forces de l’ordre d’utiliser des caméras aéroportées dans le cadre de missions de renseignement ou de police judiciaire. Il est un peu curieux que vous déploriez aujourd’hui les conséquences d’une cause que vous défendiez...
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. – Affirmez-vous qu’il n’y a pas d’images ?
M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur. – La critique la plus fréquemment formulée est la suivante : où sont passés les milliers de supporters qui se trouvaient autour du Stade de France ? La SNCF elle-même dit que ces personnes ont quitté les abords du stade pendant la mi-temps notamment. Vos présidents pourront regarder les images qui le démontrent, prises par les caméras de vidéoprotection.
Deuxième sujet : la délinquance. Je l’ai toujours fermement condamnée. Aurions-nous pu lutter davantage contre la délinquance ? Évidemment. Pourquoi a-t-elle été particulièrement importante ce soir-là ? Je pense l’avoir expliqué : le dispositif de sécurité et ordre publics a été levé pour sauver des vies et éviter l’écrasement des personnes qui se présentaient en surnombre aux points de contrôle des billets. La décision prise par la préfecture de police a sauvé des vies ! La conséquence a en effet été de « livrer le terrain » à une délinquance dite d’opportunité, qu’il est difficile de mesurer précisément. C’est d’ailleurs pourquoi, en une formule tout à fait novatrice, nous permettons y compris aux ressortissants de pays étrangers ayant quitté le sol français de déposer plainte.
La Seine-Saint-Denis a été évoquée de façon très insultante par certains d’entre vous : depuis plusieurs jours, certains essentialisent la délinquance en jetant en pâture certaines nationalités ; ces propos, qui font écho à une campagne présidentielle que, pourtant, les extrémistes ont perdue, sont déplacés et même nauséabonds. Quand vous dites, madame Eustache-Brinio, que depuis 1998 la France et la Seine-Saint-Denis ont changé, vous faites le jeu de partis extrémistes.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. – Elles ont changé, c’est un fait.
M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur. – Permettez-moi d’être choqué par ce que vous dites. J’ai été forcé de le faire pour lutter contre les fake news, mais je n’ai pas à donner les nationalités des personnes que nous interpellons. Je vois d’ici la question suivante : quel type de Français avons-nous interpellé ? Je m’attends à tout...
Pour ce qui est des interpellations, la justice poursuit les personnes concernées. On me dit qu’aucun citoyen britannique n’a été interpellé pour intrusion ou pour détention de faux billet. C’est faux : nous avons présenté à la justice quatorze citoyens britanniques pour des faits d’intrusion. Il est normal qu’ils aient été relâchés par l’autorité judiciaire – pas par moi, je le précise ! – et aient pu rentrer chez eux. Et des personnes porteuses de faux billets ont bien été interpellées en grand nombre – la presse s’en est fait l’écho. Surtout, les policiers d’ordre public et les gendarmes mobiles n’interpellent pas les gens pour détention de faux billet ; c’est bien le stadier, agent de sécurité privé, qui constate qu’un faux billet est présenté.
Les responsables de la FFF nous l’ont dit lors de la réunion de lundi matin : on a même cru un instant que les stylos chimiques livrés aux stadiers étaient défectueux, puisque la quasi-intégralité des billets vérifiés côté britannique – trois portes seulement sur une quinzaine au total – étaient faux, si bien que les stadiers ont interrompu l’entrée des spectateurs au motif, précisément, que les stylos ne marchaient pas. Or tel n’était pas le cas : partout ailleurs, là où les billets présentés étaient vrais, les stylos fonctionnaient.
Les policiers d’ordre public n’ont certes pas interpellé les détenteurs de faux billets, parce qu’ils avaient autre chose à faire : ils avaient à gérer une foule, des enfants, des femmes enceintes, des gens venus faire la fête, comme dit M. Assouline. Si là est la faute commise par la police nationale et par la gendarmerie samedi soir, je l’assume bien volontiers : c’est une faute vénielle.
Monsieur Durain, l’organisation de cet événement n’a donné lieu à aucune expérimentation inédite. Je rappelle d’ailleurs que la billetterie et l’entrée au stade ne sont pas de la responsabilité de l’État et du ministère de l’intérieur. D’autres autorités, que vous pourrez auditionner, sont en cause.
Une nouveauté relative : décision a été prise par l’organisateur de procéder à des préfiltrages, comme lors de la finale de la Coupe de France. L’application de cette décision légitime s’est heurtée à une difficulté, une grande majorité des spectateurs optant pour le RER D, celui-ci concentrant de surcroît – pas de chance ! – l’intégralité du flux des virages anglais. Si l’on ajoute au tableau le fait que de très nombreux faux billets aient été présentés – tous en format papier, fait ô combien troublant quand l’usage est désormais partout au billet électronique... –, on comprend que le préfiltrage n’ait pas connu le même succès que lors de la finale de la Coupe de France. Ce préfiltrage a permis néanmoins d’éviter un drame : à défaut d’un tel dispositif, les intrusions auraient sans doute été massives et le terrain aurait été envahi – en d’autres termes, la finale n’aurait pas eu lieu. Ce préfiltrage organisé par la FFF était donc, me semble-t-il, une bonne mesure.
Les arrêtés pris par le préfet de police étaient nécessaires s’agissant de nos amis britanniques, à qui il arrive, comme à d’autres supporters de football, de consommer de l’alcool avant de se rendre au stade. Nous avons autorisé la consommation d’alcool dans le stade, mais non aux abords du stade, à partir de 18 h, afin d’inciter les spectateurs à entrer dans le stade et d’éviter les points de fixation à l’extérieur. Le club de Liverpool n’est pas un club comme les autres, toutes les notes de renseignement le démontrent. Souvenez-vous de la finale de la Ligue des champions organisée à Madrid en 2019 : les mêmes problèmes s’étaient posés – faux billets, dizaines de milliers de personnes massées à l’extérieur du stade –, et Liverpool était déjà à l’affiche. Peut-être aurions-nous dû anticiper davantage ce genre de difficultés... Si le club de Liverpool a de nombreux supporters formidables, il est certain, avec tout le respect que j’ai pour lui, qu’il attire aussi des hooligans – la DNLH en recense entre 50 et 100 dans sa note –, dont le comportement diffère, au hasard, de celui des supporters madrilènes. Nous y étions préparés, mais ils ne se sont pas manifestés cette fois-ci.
Madame de La Gontrie, de nombreuses réunions ont eu lieu : cinq présidées par le préfet de police, le 16 mai, le 19 mai, le 23 mai, le 25 mai, le 27 mai, et quatre organisées par le délégué interministériel aux grands événements sportifs (Diges), auxquelles le préfet de police a participé, le 4 avril, le 27 avril, le 5 mai, le 19 mai. Nous n’avons rien à cacher : les comptes rendus sont à votre disposition.
Un mot sur la « fan zone » : j’ai parlé, par abus de langage, de 40 000 supporters britanniques présents sur le cours de Vincennes ; il ne s’agit pas que de Britanniques, mais de supporters de Liverpool. Il est avéré que 12 000 supporters britanniques, en ce sens élargi, ont quitté la « fan zone » deux heures avant le coup d’envoi pour se rendre au Stade de France en transports en commun. Il n’y a donc pas d’un côté la « fan zone » et de l’autre le stade : les deux communiquent. Je rappelle au passage que le préfet de police a eu à gérer pendant trois jours la présence de supporters britanniques sur notre sol, sans difficulté particulière. Monsieur Paccaud, les chiffres de la RATP, de la SNCF et de la FFF, laquelle n’est pas sous l’autorité du Gouvernement, ainsi que les bornages de la connectique Orange, concordent dans le sens de ce que nous disons depuis le début.
Qui était responsable du dispositif ? C’est le préfet de police, qui se trouvait en salle de commandement. De notre point de vue, le moment qui promettait d’être le plus « dramatique », en principe, était l’après-match : des supporters anglais chauffés à blanc, qu’ils aient gagné ou perdu, un rendez-vous situé quelque part entre la « fan zone », le Stade de France et les Champs-Élysées. Le directeur de cabinet du préfet de police était au Stade de France. Quand je me suis rendu, avec Mme la ministre des sports, au PC sécurité du stade, j’y ai retrouvé des représentants de l’UEFA, de la FFF, des gendarmes mobiles, de la préfecture de la police de Paris, de la DOPC – je précise que, depuis la réforme de la répartition des compétences du préfet de police et des préfets de département, le préfet de Seine-Saint-Denis n’a pas la charge de l’ordre public.
M. Paccaud suggère que nous n’aurions pas prévu l’arrivée de 100 000 Anglais sur notre territoire. Nous l’avions évidemment prévue. Comme le montre l’analyse des points de filtrage de la police aux frontières, ces supporters ont privilégié la voiture et le bateau. Simplement, nous nous attendions à ce que seuls les supporters munis de billets aillent au stade, les autres se dirigeant vers la « fan zone ». Notre erreur a sans doute été de ne pas voir que les dizaines de milliers de ressortissants britanniques qui n’avaient pas de billet – sans même parler des faux billets, phénomène que nous ignorions – se rendraient pour beaucoup au Stade de France.
Concernant l’idée de créer des itinéraires de secours, vous avez tout à fait raison. L’une des petites erreurs commises par l’autorité qui commandait le barrage a sans doute été de n’accepter le détournement par le contour des voies du RER D qu’autour de 18 h 50 : il eût fallu le faire plus tôt. J’en excuse bien volontiers les policiers et les autorités de la FFF : pendant plus d’une demi-heure, les stadiers n’ont pas compris ce qui se passait. Ils ont cru que les stylos ne fonctionnaient pas et ont même temporairement arrêté de contrôler. C’est le préfet de police qui a décidé d’abord d’autoriser le contournement puis de lever le préfiltrage. À l’avenir, peut-être ces décisions devront-elles être prises immédiatement en cas de difficulté. Cela dit, en dépit de l’image donnée, nous n’avons eu à déplorer ni mort ni blessé grave.
Monsieur Assouline, vous avez parfaitement raison : il ne s’agit pas d’un match de water-polo ou de hockey sur glace. Pour ce qui est d’événements un peu plus comparables, nous venons d’organiser deux grands matchs internationaux de rugby à Marseille ; il ne s’est strictement rien passé. Ne nous tirons pas une balle dans le pied par goût de la polémique électorale. Lors du championnat d’Europe de football, en 2016, les choses se sont parfaitement bien passées – le mérite en revient à M. Cazeneuve. Pour avoir préparé une candidature à l’organisation de l’Euro, en 2012, en tant que directeur de cabinet du ministre des sports, je sais combien la France sait accueillir ce type d’événements – c’est une fierté nationale.
N’avons-nous pas fait néanmoins, en l’espèce, une erreur d’appréciation ? Accueillant Liverpool, nous accueillions des supporters qui, pour une petite partie d’entre eux, ont un certain passif : ce club pose évidemment des problèmes d’ordre public, toutes les notes de renseignement le prouvent. Le dispositif de sécurité qui a été mis en place était un dispositif d’ordre public de grande envergure ; l’erreur a sans doute été d’anticiper un hooliganisme qui ne s’est finalement pas manifesté, heureusement. En revanche, nous n’avions pas mis en place le dispositif de sécurité publique qui aurait permis de lutter contre une forme de délinquance qui, sans être structurelle à Saint-Denis – évitons les fantasmes –, s’est trouvée « aidée » – je reprends le mot du terrain – par la présence sur place, hors du stade, de dizaines de milliers de personnes étrangères, un seul RER, de surcroît, fonctionnant normalement, et de nombreux policiers d’ordre public étant forcés de quitter le terrain pour surveiller les grilles.
S’agissant de Liverpool, nous nous attendions à des problèmes dont nous pensions qu’ils viendraient de hooligans violents et de mouvements de foule. Or le problème est venu des faux billets. Nous l’anticiperons mieux la prochaine fois, sans aucune espèce de doute. Là est l’explication de ce qui s’est passé samedi soir.
Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques. – J’insiste sur la récurrence des échanges qui ont eu lieu entre l’ensemble des parties prenantes : la première réunion a eu lieu dès le 4 mars, soit quatre jours après la désignation de la France comme pays hôte de cet événement, dont je rappelle que l’organisation était placée sous la responsabilité de l’UEFA. Au total, jusqu’au jour du match, une quinzaine de réunions se sont déroulées entre l’UEFA, la FFF, le consortium du Stade de France, la préfecture de police, la Diges, le ministère de l’intérieur. Les comptes rendus de ces réunions ont été réalisés et nous n’avons aucune objection à ce qu’ils soient rendus publics.
M. Thomas Dossus. – Je rebondirai sur la question de mon collègue David Assouline. Monsieur le ministre de l’intérieur, vous avez évoqué l’usage parfois abusif des gaz lacrymogènes : 400 millions de personnes dans le monde ont vu que de tels gaz avaient été utilisés sans discernement, avec même une certaine nonchalance, en direction de supporters qui étaient en règle. Vous avez annoncé des enquêtes concernant les agents qui ont le malheur d’avoir été filmés ; dont acte.
Mais ma question porte sur l’usage global de ces gaz. Des sommations ou des consignes ont-elles été transmises aux supporters avant usage ? Le cas échéant, par quels moyens et dans quelle langue ? Notre police est-elle capable d’accueillir un public international ?
Vous envisagez vous-même un changement de doctrine en matière d’utilisation de ces gaz lors d’événements sportifs. Pourquoi se restreindre auxdits événements ? Nous observons depuis des années des abus de ce genre dans le cadre de manifestations classiques. N’est-il pas enfin temps de viser une méthode de maintien de l’ordre tournée plutôt vers la désescalade ?
Madame la ministre, lors de l’examen de la loi visant à démocratiser le sport en France, nous avions échangé avec votre prédécesseure sur la gestion, ou plutôt sur la non-gestion, des déplacements de supporters en Ligue 1 ces dernières années, et sur la multiplication des arrêtés préfectoraux d’interdiction de déplacement. Cette politique n’a-t-elle pas abouti à une perte d’expertise de nos forces de l’ordre en matière de gestion des flux de supporters ? Allez-vous engager un réel travail avec les instances, les clubs, les groupes de supporters et les autorités pour sécuriser et garantir ces déplacements ?
Mme Valérie Boyer. – Monsieur le ministre de l’intérieur, si cette affaire a pris une telle ampleur, ce n’est pas à cause des faux billets – croyez bien néanmoins que je ne mésestime pas leur impact –, mais parce que des personnes ont été agressées et détroussées. La France, septième puissance mondiale, a été le théâtre de ce que tous désormais qualifient de « fiasco ».
Après avoir ciblé les supporters anglais, vous avez déploré une campagne « nauséabonde », stigmatisant même certains de mes collègues qui se contentaient pourtant de vous poser une question. Je citerai donc les syndicats de police : « Les collègues nous ont dit qu’ils n’avaient jamais vu autant de mineurs isolés regroupés et hyperactifs. La délinquance locale était aussi présente, mais ça n’était pas dominant du tout [...]. Une chose est sûre, les pickpockets sont venus en nombre pour voler du cash, des portefeuilles, des téléphones, parfois même à des malvoyants ou à des personnes en fauteuil roulant. Selon eux, il y avait tellement de vols en flagrant délit qu’ils ne pouvaient pas interpeller tout le monde. »
Considérez-vous que les syndicats de police font une campagne « nauséabonde » ?
S’est posé, visiblement, un problème d’ordre public majeur, qui aurait dû être pointé prioritairement, en lieu et place des faux billets ou du comportement des supporters anglais – ce ne sont pas les faux billets qui agressent et qui détroussent. Comment expliquez-vous la quantité de vols et d’agressions ce soir-là, monsieur le ministre ? Le Figaro fait état d’agressions sexuelles commises au moment de ces forfaits aux abords du Stade de France. Si de telles agressions ont eu lieu, pourquoi le silence ? Si elles n’ont pas eu lieu, pourquoi ne pas le dire ?
M. Alain Marc. – Monsieur le ministre, madame la ministre, vous avez établi avec précision la chronologie des événements de la soirée. Je sais le travail remarquable des policiers et gendarmes, malgré quelques dérapages – des enquêtes ont été diligentées.
Ce qui m’inquiète, c’est la perception dégradée de la France dans le monde entier. Afin de restaurer l’image de notre pays, qui est très attractif pour les touristes comme pour les entreprises, il est impératif que les événements planétaires organisés en France en 2023 et en 2024 soient réussis.
Divers intervenants – consortium du Stade de France, UEFA, FFF, préfecture de police – avaient chacun un rôle bien précis dans des espaces bien précis. N’y a-t-il pas eu un problème avec l’autorité coordinatrice ?
M. François Bonhomme. – Une remarque sur l’expérimentation du préfiltrage : ces contrôles ne relèvent certes pas de votre autorité directe, monsieur le ministre, mais était-ce vraiment le moment d’expérimenter ? Concernant par ailleurs les billets papier, n’y aurait-il pas lieu de mener une réflexion plus approfondie sur le mode d’authentification des billets ?
Un mot, ensuite, sur l’évaluation du niveau de risque : vous avez dit que la finale de la Coupe de France relevait d’un niveau de risque supérieur. Or il n’est nul besoin d’être amateur de football pour comprendre que la finale de la Champions League, avec ses 400 millions de téléspectateurs, est un événement par nature spécifique et exige une réponse de sécurité adaptée. Quant à l’analogie avec la finale de 2019 entre Liverpool et Tottenham, je ne suis pas certain qu’elle vaille : le phénomène des faux billets n’avait pas connu cette ampleur.
Plus largement, je suis frappé de la façon dont vos analyses euphémisent la situation. Certes, ce soir, on assiste à un léger rétropédalage. Vous exprimez des regrets ; serais-je Anglais, supporter de football, aurais-je été privé d’entrer au stade en dépit de billets en règle, aurais-je été de surcroît détroussé et molesté, ce sont des excuses que j’attendrais ! Mettre le trouble sur le compte des supporters anglais de Liverpool, c’est très malvenu, surtout quand on connaît l’histoire de ce club et les mesures draconiennes qu’il a prises contre le hooliganisme.
Nous aurons beaucoup de mal à corriger l’image ternie qui a été donnée. Notre capacité à organiser de grands événements dans de bonnes conditions pose question. Avant de se tourner vers l’avenir, madame la ministre, il faut comprendre les causes de ce qui s’est passé pour rectifier le tir rapidement.
M. Jacques Grosperrin. – J’ai entendu des regrets, un très léger mea culpa, jamais d’excuses : vous refusez de reconnaître votre responsabilité dans ces événements. Certes, la responsabilité de l’UEFA est engagée, mais la rencontre se déroulait sur le sol français ! C’est le Président de la République qui a choisi, dans l’urgence, d’organiser cette finale à Saint-Denis, en trois mois au lieu de dix-huit : il eût fallu y réfléchir !
Vous avez reproché ses propos à notre collègue Jacqueline Eustache-Brinio. Mais Thierry Henry avait dit lui-même que Saint-Denis n’était pas Paris – on peut difficilement lui donner tort. Le maire de Liverpool a diligenté une enquête ; la vérité éclatera un jour.
L’intervention de police a-t-elle été adaptée et proportionnée à la situation ? Les gaz étaient prévus pour des hooligans, qui ne sont jamais apparus...
Que pensez-vous des réactions du monde entier devant la piètre image donnée de notre pays ?
Était-il nécessaire de réagir de façon aussi agressive à l’endroit de nos voisins anglais ? Vous vous défaussez sur les faux billets quand il faudrait s’excuser... Il n’est jamais trop tard !
Mme Alexandra Borchio Fontimp. – Concernant la consommation d’alcool et la vente à la sauvette aux abords du stade, l’article L. 332-4 du code du sport prohibe l’entrée dans une enceinte sportive en état d’ivresse. Pourtant, nombreux sont ceux qui, comme moi, pourront vous décrire les ventes d’alcool sauvages, les bacs de fortune, les barbecues clandestins dans des conditions d’hygiène déplorables, à l’arrivée au stade. Alors que nous sortons à peine de la pandémie, comment expliquez-vous qu’une telle vente à la sauvette soit tolérée ?
Concernant par ailleurs la lutte contre la menace terroriste, comment expliquez-vous que j’aie pu moi-même accéder au stade sans fouille préalable ? Un tel manquement ne peut qu’inquiéter.
Madame la ministre, « Don’t crack under pressure », avez-vous écrit sur Twitter ce matin. C’est le titre du récit d’un sportif, pour qui les seules limites sont celles que l’on repousse. Mais c’est à la ministre, et non à la sportive, que je m’adresse : quand on exerce des responsabilités, il faut avoir conscience de ses limites !
M. Alain Richard. – Ce n’est pas la première fois qu’une défaillance de la ligne B du RER se produit avant un match important. Les Franciliens savent que cette ligne n’est pas d’une fiabilité totale, indépendamment des mouvements sociaux... Le préfet semble avoir improvisé en direct pour gérer les flux à la sortie du RER D, où se trouvaient massés des gens en trop grand nombre. C’est surprenant !
Dans le cadre des jeux Olympiques, de nombreux événements auront lieu en Seine-Saint-Denis ; il y a donc un retour d’expérience très sérieux à faire sur ce point.
Quant à la façon dont on doit traiter les agissements des pickpockets, ce sujet relève de la sécurité publique. Des effectifs plus importants qu’à l’accoutumée avaient été prévus, avez-vous indiqué, monsieur le ministre. La doctrine d’emploi des forces de sécurité publique vous paraît-elle satisfaisante là où il s’agit d’intercepter les auteurs de tels actes, donc de dissuader les pickpockets ?
Un message aux deux présidents, pour conclure : nous ne perdrions pas notre temps à recevoir dans quelques semaines le préfet Michel Cadot, quand il aura remis son rapport.
M. Éric Kerrouche. – Le préfet de police, qui disposait de trente-six unités de forces mobiles, soit environ 33 % des forces nationales, a choisi de n’en déployer que dix. Ce choix est difficilement explicable au regard de la note que vous avez évoquée. Cette stratégie a-t-elle été validée par votre cabinet ou par vous-même ?
Comment expliquer le déploiement de la brigade de répression de l’action violente, qui n’est pas adaptée à ce genre d’événement, plutôt que des CRS ? Si les faux billets peuvent en partie expliquer ce choix, il me semble tout de même qu’une telle situation témoigne d’un problème d’anticipation stratégique.
M. Jérémy Bacchi. – Depuis samedi dernier, le club de Liverpool, ses supporters, c’est-à-dire les victimes, les grévistes du RER B et les jeunes de Seine-Saint-Denis sont tour à tour accusés d’être responsables du fiasco du Stade de France.
Monsieur le ministre, vous avez parlé d’une fraude aux faux billets massive, industrielle et organisée. Madame la ministre, vous avez évoqué de 30 000 à 40 000 supporters sans billets ou munis de faux billets, soit la moitié de la capacité totale du stade. De quels éléments concrets disposez-vous pour tenir ces propos, alors que les enquêtes n’ont pas encore abouti ? Tous les observateurs présents sur place ont souligné le caractère apparemment marginal de cette fraude. Aucune des personnes placées en garde à vue ne l’a été en raison d’intrusion frauduleuse ou de détention de faux billets...
Si vos chiffres s’avéraient exacts, comment une production industrielle d’une telle ampleur, encore jamais rencontrée sur un tel événement, a-t-elle pu passer sous les radars ?
Ne pensez-vous pas nécessaire de s’interroger sur la gestion purement sécuritaire des fans de football que nous avons connue ces dernières années ? Ne faut-il pas déplorer un manque de moyens et de compétences dans la gestion de ces flux, si bien qu’il est devenu plus simple d’interdire quasi systématiquement les déplacements ? Ainsi, sur les 380 matches de Ligue 1 cette saison, 115 interdictions de déplacement ont été décrétées.
L’usage des gaz lacrymogènes par les forces de l’ordre, y compris en direction des supporters et des familles, n’est pas sans rappeler les problèmes rencontrés depuis quelques années dans la gestion des manifestations. N’est-il pas urgent de changer la doctrine du maintien de l’ordre et de privilégier une désescalade à l’usage inconsidéré de la force ? Ne serait-il pas également judicieux de mieux préparer les stadiers à la gestion de ce type de grand événement sportif eu égard aux échéances qui nous attendent ?
M. Thani Mohamed Soilihi. – Madame la ministre, vous avez évoqué l’indemnisation des supporters ayant acheté des billets de bonne foi, mais n’ayant pu accéder au stade. Pouvez-vous nous donner davantage de précisions ?
Le club de Liverpool a demandé une émission de billets papier. Aurait-il été possible de la refuser ? Si oui, qui en aurait eu le pouvoir ?
Jürgen Klopp avait appelé les supporters de son équipe à se rendre en France, même sans billet. Cet appel a-t-il pu jouer un rôle dans les défaillances constatées ?
M. Philippe Dominati. – Madame la ministre, monsieur le ministre, vous ne devriez pas vous trouver seuls face à nous tant le dysfonctionnement, ou le fiasco, de la semaine dernière concerne l’ensemble des services du Gouvernement.
Il s’agit tout d’abord d’une défaillance du système des transports d’Île-de-France, que nous dénonçons depuis des années. Nous sommes l’une des seules capitales européennes dont les transports, qui se montrent défaillants événement après événement, sont totalement gérés par l’État. Serons-nous l’otage des syndicats des sociétés de transport lors des jeux Olympiques et Paralympiques de Paris faute de la mise en place d’un service minimum ?
Je veux également souligner la nouvelle défaillance de la Fédération française de football, après l’arrêt prématuré des compétitions lors de la crise sanitaire. Le ministère des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques devrait sans doute faire preuve de davantage de fermeté à l’avenir.
Madame la ministre, le délégué interministériel chargé de rédiger un rapport sur les défaillances éventuelles n’est autre que l’ancien préfet de police et de région. À ce dernier égard, je l’avais rencontré pour évoquer l’action du Gouvernement afin de mettre en place rapidement une liaison entre l’aéroport Charles-de-Gaulle et le centre de Paris. Selon l’enquête publique, il y avait urgence à agir à l’approche des jeux Olympiques. Le Gouvernement a finalement renoncé en raison de la crise sanitaire. Vous comprenez donc que je n’attende pas grand-chose de ce rapport...
Ce qui compte maintenant, madame la ministre, ce sont les jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 et l’image de Paris. L’étude de ces dysfonctionnements nous intéresse assez peu ; ce qui nous intéresse, c’est de savoir ce que compte faire le Gouvernement pour modifier les choses à l’avenir.
Monsieur le ministre, je ne sais pas si des vies ont été sauvées samedi dernier. Vous reprenez d’ailleurs les termes de M. Castaner évoquant, devant l’Assemblée nationale, l’action de l’ancien préfet de police de Paris lors des incidents de l’Arc de triomphe. Je conçois que votre situation soit quelque peu difficile - vous êtes le huitième ministre de l’intérieur en dix ans - alors que le préfet de police reste, mais vous commencez à avoir un peu de « bouteille ». À l’aube de ce nouveau quinquennat, nous attendons de vous des réformes structurelles. Les effectifs et les moyens existent : ce sont les structures, et singulièrement celles de la préfecture de police, cet État dans l’État, qu’il faut faire évoluer.
Mme Esther Benbassa. – Les forces de sécurité intérieure ne rentrent plus dans les stades pour effectuer les contrôles, tous réalisés par des civils. La question de l’évaluation et de la mobilisation des forces de l’ordre aux alentours du stade, des gares de RER et sur les trajets retour revient à la préfecture de police. Les consignes adressées aux forces de l’ordre par le préfet étaient-elles adaptées aux circonstances ? Ne faudrait-il pas être plus réactif et plus flexible en fonction des circonstances ? Cela me semblerait plus utile que d’essentialiser les Anglais pour les réduire à des hooligans. Il n’y a pas de bons ou de mauvais spectateurs, mais des situations dont il faut savoir tenir compte.
Mme Céline Brulin. – Au-delà de la disproportion entre les moyens déployés en faveur de l’ordre public et ceux déployés pour la sécurité publique la question se pose de la nature même de la doctrine du maintien de l’ordre. Entendre qu’il était nécessaire de recourir aux gaz lacrymogènes pour éviter que des supporters ne se fassent écraser n’est pas de nature à rassurer, monsieur le ministre. Cela paraît même complètement invraisemblable !
Vous avez souligné la volonté du club de Liverpool de disposer de billets papier, ce qui vous a mis la puce à l’oreille. Mais vos services de renseignement ont-ils échangé sur cette question avec ceux de Grande-Bretagne ? Vous nous reprochez de faire peu de cas de cette affaire, mais ne relève-t-il pas de votre responsabilité de comprendre pourquoi des billets facilement falsifiables sont mis en circulation et d’y remédier ?
La question de la formation des stadiers a été mise en avant fort justement. Mais quid de leurs effectifs ? Par le passé, ils étaient bien plus nombreux. Comment répondre à la crise de recrutement que nous connaissons ?
Pourquoi ne pas reprendre certaines des préconisations du rapport d’information de Marie-George Buffet et Sacha Houlié pour mieux associer les supporters et en faire des partenaires à part entière de l’organisation des compétitions ?
Enfin, les propos tenus sur le club de Liverpool ne sont pas de nature à apaiser les choses. Il ne faut pas oublier que plusieurs de ces supporters sont des victimes...
M. Laurent Lafon, président. – Un match opposant la France et le Danemark se tiendra vendredi prochain, au Stade de France. Dans la mesure où une grève est annoncée sur le RER B, quelles mesures comptez-vous prendre pour éviter les goulots d’étranglement que vous avez dénoncés ? Quels systèmes d’amélioration de gestion des flux allez-vous mettre en place ? Où en sont vos discussions avec la RATP ?
Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques. – Nous venons de connaître un week-end assez malheureux pour le supportérisme : après nos déboires de samedi soir, nous avons tous assisté aux débordements de Geoffroy-Guichard. Nous avons globalement constaté un regain de violence cette saison dans les stades de Ligue 1, tout comme en Angleterre. Il faut s’attaquer à cette problématique avec une détermination totale.
Nous avons annoncé hier matin, avec Gérald Darmanin et Éric Dupond-Moretti, la création d’un groupe de travail conjoint. Nous voulons faire preuve d’une fermeté absolue à l’égard des fauteurs de trouble, mais nous croyons aussi au dialogue avec les associations de supporters et l’instance nationale du supportérisme. J’aurai, dans quelques jours, une session de travail avec Sacha Houlié et Marie-George Buffet et je recevrai, la semaine prochaine, l’une des premières associations de supporters. Nous enclencherons cette reprise en main ensemble, à l’échelle interministérielle, afin de lutter contre la violence dans les stades.
Nous allons examiner l’ensemble du régime de la loi du 2 mars 2022 - interdictions administratives de stade, interdictions commerciales, déplacements de supporters, sanctions disciplinaires... Nous nous pencherons aussi sur la question d’une billetterie plus nominative afin de mieux contrôler les flux. Nous vous rendrons compte de ce travail.
Le maire de Saint-Étienne, Gaël Perdriau, m’a écrit pour proposer d’associer les élus locaux à ce nécessaire travail en préparant, avec les communautés de communes et les communautés urbaines, un livre blanc pour contribuer à la réflexion que nous entendons mener avec l’ensemble des parties prenantes.
Dès le prochain concert qui aura lieu au Stade de France, nous allons tenter d’introduire une billetterie électronique avec une composante blockchain à même de garantir le caractère infalsifiable des billets.
Je le redis : nous sommes désolés des désagréments causés à ceux des 22 000 supporters anglais qui avaient des billets parfaitement réguliers. La fête a été gâchée et 2 700 d’entre eux n’ont jamais pu activer leurs billets. C’est la raison pour laquelle j’ai demandé à l’UEFA de les indemniser.
Liverpool est un très grand club et Jürgen Klopp un très grand coach. Cette équipe mérite un respect infini. Hillsborough et Heysel sont des moments de l’histoire récente de ce club qui imposent beaucoup de réserve et de dignité au moment d’évoquer les enjeux du supportérisme. Toutefois, il faut bien reconnaître cette problématique massive, organisée, de faux billets. Les supporters anglais en possession de billets valides ont d’ailleurs été les premières victimes de cette fraude. Je m’entretiendrai avec le ministre des sports britannique en tout début de semaine prochaine. Nous avons déjà évoqué ces questions avec l’ambassadrice du Royaume-Uni en France. J’adresse encore toutes nos excuses pour cette frustration.
Qui mieux que les Anglais peut savoir que ces problématiques entraînent parfois des dérives immenses ? Je ne reviendrai pas sur les propos de la baronne Louise Casey, fonctionnaire du gouvernement britannique et aujourd’hui membre de la Chambre des Lords, qui a souligné, voilà un an, les immenses difficultés éprouvées à Wembley.
Nous avons fait du mieux possible pour monter cette compétition en trois mois. Au regard du contexte géopolitique, cette finale n’aurait pu se tenir à Saint-Pétersbourg dans des conditions décentes. Nous avons su, le 4 mai, que Liverpool serait l’un des protagonistes de ce match. Je voudrais tout de même rappeler que les conditions de jeu ont été bonnes sur le terrain, que le match a pu se jouer, qu’une coupe a pu être attribuée et qu’un champion a pu être désigné. C’est aussi de cela qu’il faut se souvenir, tout comme du bon fonctionnement des « fan zones » et de l’absence de toute violence entre supporters de ces deux très grands clubs.
Nous sommes extraordinairement mobilisés sur la question des agents de sécurité, métier si essentiel au bon déroulement des événements que nous organisons. Il s’agit d’une filière en tension. Un décret créant une spécialité événementielle spécifique dans la sécurité privée avec une formation ad hoc a été pris le 20 avril dernier. Un travail très pragmatique a été engagé avec toute la branche professionnelle, les administrations et les organisateurs sous la coordination du Dijop, le préfet Cadot, en prévision de la coupe du monde 2023 et des jeux Olympiques et Paralympiques de Paris. Nous sommes dans l’anticipation et nous menons un travail collectif pour faire en sorte que cette filière soit au rendez-vous et se montre parfaitement complémentaire des forces de sécurité intérieure et de la police municipale, le cas échéant.
Beaucoup de questions ont été centrées sur le Dijop. Notre pays compte d’immenses serviteurs de l’État, dont il fait partie. Son expérience et ses réalisations parlent pour le préfet Cadot, également délégué interministériel aux grands événements sportifs. Il était aux manettes lors des attentats de 2015 et durant l’euro 2016 : il connaît parfaitement les questions de gestion de crise et constitue une force pour notre dispositif.
Je peux comprendre que mon tweet de ce matin ait été mal perçu. Un grand événement sportif réussi a un effet de levier sur la pratique du sport. Je souhaitais éviter tout effet inverse en rappelant combien l’activité physique était nécessaire pour chacun d’entre nous. Je voulais simplement montrer que, même dans des moments de stress, je m’astreignais au devoir d’exemplarité auquel je me suis engagée en pratiquant moi-même ces trente minutes quotidiennes.
M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur. – En ce qui concerne l’emploi des gaz lacrymogènes, j’ai présenté des excuses aux personnes détentrices de billets valides ne posant pas de problème d’ordre public ou étant extrêmement vulnérables - enfants, femmes enceintes, personnes handicapées... - qui ont eu à en souffrir. J’entends que les images puissent paraître choquantes. J’y insiste : les actes disproportionnées ont pu être commis par des individualités, non par la gendarmerie nationale ou la police nationale. Des sanctions seront prises, que je communiquerai à M. le président de la commission des lois et à M. le président de la commission de la culture.
Par contre, je ne vois pas comment faire reculer une foule extrêmement nombreuse, de plus de 15 000 personnes dans le premier point de filtrage, qui s’amasse et pousse ni comment distinguer ceux des supporters ayant des billets valides de ceux ayant de faux billets, sans utiliser des moyens de dispersion, les seuls à la disposition des policiers et gendarmes, à l’exception des grenades anti-encerclement et des LBD dont ils n’ont évidemment pas fait usage.
Je veux dire une nouvelle fois qu’il n’y a pas eu de blessés graves ni de morts grâce au comportement des policiers, des gendarmes, des stadiers et de l’autorité préfectorale. Il y a eu de très nombreux désagréments, un usage parfois disproportionné de la force, j’en conviens. Des conclusions sont à tirer et des sanctions à prendre, mais le but ultime de l’ordre public est bien d’éviter tout décès ou blessures graves. On peut également rendre hommage au travail des policiers et des gendarmes de la République, ce qui a été rarement souligné.
Madame Boyer, j’ai lu comme vous ces évocations d’agressions sexuelles. À ma connaissance, aucune plainte n’a été déposée. Je veux dire une nouvelle fois aux victimes de déposer plainte et rappeler aux personnes étrangères qu’elles peuvent le faire depuis leur ville d’origine. Je demande également aux journalistes de porter les éléments à leur disposition à la connaissance de la police et de la justice.
Monsieur Assouline, je peux vous communiquer le télégramme d’instruction envoyé aux forces de l’ordre. Pour en avoir fait une lecture rapide – je ne l’ai évidemment pas validé moi-même, mais j’en endosse la responsabilité – il ne comporte rien de disproportionné.
Monsieur le président de la commission des lois, le préfiltrage a permis d’éviter l’arrivée massive de personnes sans billet valide aux portes des grilles du Stade de France et sa levée a permis d’éviter des drames. Il a bien fonctionné : à 21 h, 97 % des Madrilènes sont à leur place, contre 50 % pour les supporters de Liverpool.
On peut accuser le hasard – Dieu qui se promène incognito, comme dirait Einstein… Mais je constate qu’il n’y a pas eu de faux billets côté madrilène, ni surnuméraire, ni forçage de porte, à l’exception d’une petite échauffourée à l’angle nord…
Oui, une grande partie des supporters britanniques se sont très bien comportés, mais des milliers d’entre eux avaient de faux billets. Ça ne veut pas dire qu’il ne faut pas revoir un certain nombre de choses, mais je constate que pour le même événement avec la même grève, avec les mêmes gendarmes mobiles, avec le même préfet de police, avec le même ministre de l’intérieur, dans le même stade, dans le même pays, il y a eu des comportements différents...
Dès le lendemain se produisait l’intrusion inacceptable sur le terrain, à Saint-Étienne. Lorsque le ministre de l’intérieur interdit des déplacements de supporters, ce n’est jamais de bon gré ; je refuse, parfois, des interdictions proposées par les services, je relis chacune des décisions qu’on me propose. J’ai été moi-même très longtemps supporter dans le Nord : je vois très bien la joie et le bonheur que cela apporte. C’est toujours la division nationale de lutte contre le hooliganisme et les préfets qui proposent ce type de décisions.
Les incidents dans les matchs de football se multiplient ces derniers mois ; j’ai moi-même présidé avec le garde des sceaux une réunion voilà six mois avec la Fédération française de football sur le sujet. N’oublions pas qu’il y a encore quelques semaines, un joueur de foot professionnel a été agressé sur le terrain par des supporters. Le fan de foot que je suis le regrette, mais on ne constate pas ce problème dans d’autres sports.
Il faut être de mauvaise foi pour ne pas voir que les matchs de football, particulièrement ceux impliquant des clubs à risques, posent des problèmes, notamment concernant la vente à la sauvette, une délinquance effectivement très préoccupante. Mais le problème devrait être en grande partie réglé grâce à l’amende forfaitaire délictuelle que vous avez votée : comme pour la consommation de drogue ou l’installation illicite sur un terrain, elle permettra d’éviter la procédure longue et difficile qui a cours aujourd’hui.
Madame la sénatrice, je partage votre désappointement quant au fait qu’il n’y ait pas eu de fouille, mais au bout d’un moment, devant la foule, nous n’avons contrôlé ni les billets ni les personnes, puisqu’il fallait faire rentrer des gens dans un stade, alors que d’autres, des femmes, des enfants risquaient d’être écrasés contre les grilles.
Monsieur Richard, la ligne B ne fonctionne pas toujours très bien… Je constate d’ailleurs que, vendredi prochain – c’est sans doute un hasard si c’est aussi le jour du match France-Danemark – une nouvelle grève est prévue. Ce n’est certes pas la première fois, mais, même en cas de grève du B, le RER D n’a jamais accueilli 35 000 personnes de plus au stade. Quiconque a géré une collectivité locale, sait très bien qu’accueillir 40 ou 50 % de personnes de plus que ce qui est prévu n’est pas une mince affaire. Or la grève du RER B aurait dû générer deux fois plus de voyageurs sur le D, pas trois fois et demie plus !
Il faut peut-être prévoir désormais, lorsqu’il pourrait y avoir 40 000 personnes surnuméraires autour d’un stade, que les moyens en UFM soient revus à la hausse. À ce propos, monsieur le sénateur, ce n’est pas trente-six, mais trente-trois UFM que nous avons mis à disposition du préfet de police, soit un tiers de celles qui sont à disposition du ministre de l’intérieur. C’est effectivement mon cabinet, sous mon autorité, qui, tous les jours, valide cette répartition. J’ai moi-même reçu le préfet de police la semaine précédente pour qu’il m’explique succinctement le dispositif qu’il mettait en place ; je veux rappeler ici toute la confiance qu’il m’inspire.
Pourquoi n’y en a-t-il eu que dix sur trente-trois autour du Stade de France ? C’est qu’il en fallait quatre autour des « fan zones », deux dans les aéroports, quatre sur les Champs-Élysées, mais aussi pour la nuit, sur les aires d’autoroute, dans les transports en commun, des unités de repli en cas d’attentat ou de manifestation. Il n’était pas disproportionné d’imaginer que dix suffiraient au Stade de France – c’est toujours deux de plus que pour la finale de la Coupe de France. C’était même un peu surévalué, en réalité : ce qui nous a manqué, ce ne sont pas des effectifs d’ordre public, mais de sécurité publique.
Il faut dire aussi que la France manque cruellement d’UFM ; nous devons parfois un mois de congé aux gendarmes mobiles et aux CRS qui ont fait la Nouvelle-Calédonie, les Antilles, la présidence française de l’Union européenne, les grands événements sportifs, les déplacements des autorités. Or quinze de ces unités ont été supprimées en dix ans – mais nous proposons d’en recréer onze.
Monsieur le sénateur Dominati, la difficulté est liée à la fonction : depuis que je suis ministre de l’intérieur, on a réclamé six fois ma démission lors d’auditions au Parlement. Aujourd’hui, on ne l’a pas fait… C’est de bon augure ! Mais je sais que cela n’a rien de personnel. En son temps, l’opposition avait réclamé la démission de M. Cazeneuve lors de l’affaire de Sivens.
Quand je suis devenu ministre de l’intérieur, les syndicats de police disaient : les ministres passent, les syndicats restent. Je constate que, grâce au Président de la République, le ministre de l’intérieur est resté. J’espère que cette continuité permettra d’engager des réformes que nous appelons tous de nos vœux. Je serai toutefois moins dur que vous sur la réforme de structure de la préfecture de police…
Madame la ministre des Sports et moi-même n’organisons pas les matchs de football en France, nous ne tenons pas la billetterie, nous n’embauchons pas les stadiers, nous ne contrôlons pas les billets et nous ne touchons pas l’argent qui va avec… La responsabilité est donc à tout le moins partagée dans cette affaire.
Je fournirai à la commission tous les documents souhaités.
Madame de La Gontrie, après vérification, l’hélicoptère qui a volé au-dessus du Stade de France appartenait à l’organisateur et non aux forces de l’ordre. Nous n’avons pas d’images aériennes. N’hésitez pas à voter la prochaine loi qui donnera les moyens nécessaires au ministère de l’intérieur ! Nous n’avons pas le droit de capter de telles images, même par hélicoptère.
Sur la modernisation de l’ordre public, sur la formation de nos policiers, sur la gestion des grands événements, sur la lutte contre la délinquance, sur la lutte antidrones, sur les images que nous pourrions utiliser, sur les attaques cyber, il est évident que le Gouvernement, et le ministère de l’intérieur en particulier, a des efforts très importants à fournir pour la coupe du monde de rugby, qui rassemblera 2,5 millions de personnes, et pour les jeux Olympiques. Je propose de venir vous présenter périodiquement la modernisation réalisée en prévision de ces échéances. Élu moi-même, je crois profondément à l’intérêt des contre-pouvoirs et à l’inspiration qu’apportent la Haute Assemblée comme l’Assemblée nationale.
M. François-Noël Buffet, président. – J’ai omis de préciser que le président Kanner étant à des funérailles, il ne pouvait pas être présent cet après-midi. Ancien ministre des sports, il m’a dit à quel point il le regrettait.
Avec cette audition, nous venons de franchir une première étape vers la vérité, absolument nécessaire pour que nous puissions organiser des manifestations de très haut niveau dans les mois et années qui viennent, comme nous l’avons fait par le passé. Nous souhaitons qu’elles soient une réussite.
Nous sommes déterminés à savoir comment les choses ont été organisées et quelles erreurs ont pu être commises. C’est essentiel, dans notre fonction de contrôle du Gouvernement.
Il est nécessaire de disposer d’éléments complémentaires. Monsieur le ministre, je vous remercie de nous communiquer rapidement ceux que nous ne manquerons pas de vous demander. Nous acceptons volontiers de vous retrouver régulièrement devant la commission pour évoquer les évolutions de doctrine et les manières de faire de notre police. Nous la soutenons dans sa mission difficile mais cette mission doit être parfaitement définie et adaptée, dans notre cadre républicain.
Merci à toutes et à tous.
La réunion est close à 20 h 05.
Ce point de l’ordre du jour a fait l’objet d’une captation vidéo.