Mardi 22 février 2022
- Présidence de M. Christian Redon-Sarrazy, président -
La réunion est ouverte à 15 h.
Audition de M. Emmanuel Chiva, directeur de l'Agence de l'Innovation de Défense (AID) (sera publié ultérieurement)
Le compte rendu relatif à ce point de l'ordre du jour sera publié ultérieurement.
Mercredi 23 février 2022
Audition de MM. Manuel Tunon De Lara, président de France Universités et Alain Fuchs, président de l'Université PSL (Paris Sciences & Lettres)
M. Christian Redon-Sarrazy, président. - Messieurs les Présidents, mes chers collègues, en premier lieu, je vous prie de bien vouloir excuser l'absence de Madame Vanina Paoli-Gagin, rapporteur de cette mission d'information, dans l'incapacité d'être parmi nous aujourd'hui.
Nous recevons Monsieur Manuel Tunon de Lara, président de France Universités, ainsi que Monsieur Alain Fuchs, président de l'Université Paris Sciences & Lettres (PSL).
France Universités est une association loi 1901 rassemblant les dirigeants exécutifs des universités et des établissements d'enseignement supérieur et de recherche. Forte de 116 établissements membres, elle porte la voix et les valeurs des universités au sein des débats publics.
En prévision des élections présidentielle et législatives, France Universités a publié des recommandations visant à refaire de notre pays une grande nation scientifique, au service de l'éducation et de la société. Dans ce document, vous insistez sur la nécessité d'un engagement stratégique en faveur de la recherche et de l'innovation qui passe, au-delà d'un investissement massif dans l'enseignement supérieur, par une clarification dans l'organisation nationale de la recherche, des rôles d'orientation stratégique et d'agences de moyens et d'opérateurs. Ce document dresse également un constat alarmant sur l'état de la recherche dans le domaine de la santé en France. Il insiste enfin sur l'urgence à restructurer le pilotage de la recherche et l'innovation en biologie-santé, en redéfinissant notamment les rôles de l'Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale (INSERM) et des universités, ainsi qu'en augmentant massivement les financements dans ce domaine.
Au-delà de vos fonctions en tant que président de France Universités, vous êtes professeur de pneumologie. En votre qualité de président de l'Université Bordeaux 2, vous vous êtes fortement engagé pour que cette université fasse partie, en 2011, des trois premiers lauréats du label Initiative d'Excellence (IdEx) du premier Programme Investissements d'Avenir (PIA) et reçoive en 2016 les 700 millions d'euros de dotations l'accompagnant, avec la labellisation définitive de l'IdEx. Aujourd'hui, l'Université Bordeaux 2 représente 54 000 étudiants, 6 000 agents, 8 écoles doctorales ainsi que 88 laboratoires.
La naissance suivie de la confirmation de l'initiative d'excellence de l'Université PSL fut plus complexe. Elle fut toutefois confirmée en 2020. Aujourd'hui, l'Université PSL regroupe neuf membres : Chimie ParisTech, l'École nationale des chartes, l'École normale supérieure, l'École pratique des hautes études, l'ESPCI Paris, l'Institut Curie, MINES ParisTech, l'Observatoire de Paris et l'Université Paris Dauphine. Y sont également associés le Collège de France, le Conservatoire national supérieur d'arts dramatiques, le Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris, l'École des hautes études en sciences sociales, l'École française d'Extrême-Orient, l'École nationale supérieure des arts décoratifs, les Beaux-Arts de Paris, l'Institut de Biologie Physico-chimique, la Fondation Edmond de Rothschild, l'Institut Louis Bachelier et La Fémis.
Cette université représente 17 000 étudiants, 2 900 enseignants-chercheurs, 140 laboratoires, 200 conseils européens de la recherche (ERC), 10 laboratoires d'excellence (LabEx), 8 équipements d'excellence (EquipEx), 5 instituts Carnot, 50 start-ups par an et 3 000 partenaires industriels. Quant à son président, il fut auparavant pendant sept ans président-directeur général du CNRS.
Nous sommes particulièrement heureux de vous accueillir, car vos parcours respectifs nous laissent penser que la question qui nous occupe aujourd'hui, à savoir les raisons pour lesquelles la France peine à transformer l'essai d'innovation, vous est certainement familière et guide quotidiennement vos actions.
Je vous propose de prendre la parole durant quinze minutes, chacun à votre tour. Je laisserai ensuite mes collègues s'exprimer. Enfin, il serait intéressant que cette audition s'achève sur des propositions d'amélioration de votre part.
M. Manuel Tunon de Lara, président de France Universités. - Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Sénateurs, nous sommes reconnaissants de pouvoir nous exprimer sur ce sujet.
J'ai effectivement occupé le poste de président d'université durant quatorze ans, et suis désormais depuis plus d'un an président de France Universités.
France Universités regroupe la totalité des 74 universités, soit 200 000 agents et 1,6 million d'étudiants. Il s'agit de la première force de recherche et d'innovation, intégrant plus de 3 000 laboratoires de recherche, 92 000 enseignants (dont 57 000 enseignants-chercheurs), 75 000 doctorants et 265 écoles doctorales. Ces universités contribuent au développement de l'innovation, par le biais de dépôts de brevet, de la création d'entreprises ou encore de la participation aux projets détectés par les Sociétés d'Accélération du Transfert de Technologies (SATT).
Les universités françaises ont également fait une entrée rapide et remarquée (certainement liée à une reconfiguration du paysage) parmi les leaders de l'innovation. En effet, treize universités françaises apparaissent cette année dans les classements mondiaux. Le classement de l'agence Reuters, s'appuyant sur le nombre d'universités dans le top 100 européen, place la France, avec 21 universités, en troisième position, juste derrière l'Allemagne et le Royaume-Uni. Huit universités françaises apparaissent dans les cent premières mondiales, dont six IdEx ainsi que les universités de Lyon et de Montpellier. Il est ainsi possible de comparer ces positions à celles des pays les plus innovants, tels que la Corée, le Canada, le Danemark, la Finlande, le Luxembourg, les Pays-Bas ou la Suède.
Les questionnements autour de l'innovation française m'amènent à différentes réflexions.
Premièrement, il apparaît que certaines auditions, dans le cadre de cette mission d'information, ont fait état du nombre de rapports produits dans le domaine de l'innovation. Or ces rapports intègrent des recommandations récurrentes qui ne sont pas prises en compte, depuis longtemps, à commencer par celui de Christian Blanc, publié en 2004. Votre présente approche est néanmoins différente.
Deuxièmement, l'une des difficultés (à laquelle j'ai parfois été confronté en tant que président d'université) réside dans le fait que, en France, l'innovation est considérée par tout le monde comme un centre de ressources et non comme un centre de dépenses. Ainsi, l'État, les opérateurs - les SATT, qui doivent être rentables, sont considérées avec étonnement par les étrangers -, les organismes de recherche ou encore les universités privilégient plutôt le terme de « valorisation » au détriment de l'innovation. Cette situation, qui peut s'expliquer par un sous-financement des structures, peut être à l'origine de certains dysfonctionnements rencontrés.
Troisièmement, on a laissé d'installer une organisation de la recherche très complexe, qui n'est pas lisible pour les acteurs ; c'est parfois le cas à l'étranger, dans une certaine mesure, sans doute, mais les fonctions respectives de chacun sont confuses : quelles sont les orientations stratégiques nationales ? Qui organise les financements et les programmations ? Qui effectue les recherches ? Divers dispositifs se sont de surcroît greffés à cette organisation et complexifient le paysage.
Quatrièmement, enfin, une incompréhension de la définition même de la recherche fondamentale, par les décideurs à la fois publics et privés, est à noter. La place occupée par le doctorat est en effet souvent discutée. La recherche fondamentale, guidée par la curiosité scientifique, est souvent opposée à une recherche appliquée. Cette incompréhension entraîne alors une complexité de mise en place d'une organisation globale en faveur de l'innovation.
Par conséquent, les universités ne parviennent pas toujours à construire des écosystèmes suffisamment attractifs pour le milieu industriel. Le classement européen dont je faisais mention plus haut ne positionne pas la France en tant que pays disposant d'un environnement attractif.
À ce titre, il me semble que l'université est en mesure d'apporter trois choses : la relation à l'entreprise, la formation, les environnements d'innovation.
S'agissant des relations avec les entreprises, l'université a su progresser en proposant une dimension de formation aux intérêts convergents et en travaillant sur l'anticipation sur les nouveaux métiers. Il convient à présent de renforcer les dispositifs de partenariat existants. Les universités soutiennent le développement des instituts Carnot, des laboratoires communs (LabCom) ou encore des incubateurs. Par ailleurs, il faudrait adapter les approches à la taille des entreprises et à leur stade de croissance. S'agissant des grandes entreprises, une mutation est en train de se faire, notamment concernant la capacité à gérer des projets plus collaboratifs de recherche et aux thématiques plus larges, fondées sur l'innovation ouverte. C'est à encourager. Toutefois, c'est plus difficile avec les petites et moyennes entreprises, qui ne disposent pas toujours des ressources nécessaires à la collaboration. Il me semble néanmoins que l'ancrage territorial des universités doit amener à diverses réflexions.
La formation liée à la recherche est une force de l'université. Celle-ci peut former les étudiants qui se destinent au monde de l'entreprise dans le domaine de la recherche et former à l'innovation les étudiants qui s'orientent vers la recherche. Je ne reviens pas sur le concept de doctorat, sur lequel il est pourtant nécessaire d'insister puisque ces futurs chercheurs sont également de futurs décideurs. Leur place dans l'entreprise et dans la prise de décision publique sera ainsi essentielle à la compréhension du système de recherche et au développement de l'innovation. Il s'agit de futurs entrepreneurs. Il faut augmenter le nombre de Conventions Industrielles de Formation par la Recherche (CIFRE) et en proposer des variantes.
Par ailleurs, la formation à l'entrepreneuriat me semble essentielle. L'université est un vivier de talents. Certaines grandes réussites industrielles ont hébergé ces étudiants talentueux, qui avaient accédé à la culture entrepreneuriale. Ce concept se développe actuellement en France par le biais de missions d'immersion en entreprise, par exemple. Il conviendrait à présent de poursuivre dans cette voie pour proposer aux étudiants de bénéficier d'une réelle culture d'entreprise.
Enfin, l'attractivité des campus d'innovation est à travailler. Une récente analyse sur le sujet, basée sur un échantillon européen, a été effectuée. La proposition qui en découlait mentionnait l'intérêt à organiser les campus d'innovation autour des universités. En effet, ces dernières concentrent la majorité des laboratoires de recherche et des infrastructures, réunissent les écoles et les organismes de recherche, et bénéficient des dispositifs de partenariats avec les entreprises. Elles sont ancrées dans le territoire tout en ayant une tête à l'international. Enfin, elle n'a pas d'intérêt commercial. Les iDex et les I-SITE émergent, qui doivent devenir plus attractifs.
L'innovation doit dorénavant devenir un objectif stratégique et prioritaire pour l'État, pour les dirigeants. Il convient de construire un environnement attractif et adapté à cette stratégie, en en simplifiant l'organisation. Il faudrait ainsi une seule direction de la recherche : en tant que président d'université, j'ai dû coordonner mon action avec la direction de la recherche de l'université, celle du CNRS, celle de l'INSERM. Peut-on encore se permettre de ne pas mutualiser nos moyens pour organiser la recherche et l'innovation ? Ces structures se retrouvent très souvent en compétition pour de mauvaises raisons. Il est aujourd'hui indispensable de simplifier l'organisation, et d'intégrer davantage les dispositifs du PIA (parfois conçues comme des structures autonomes financièrement, alors que leur futur dépend de leur environnement académique, notamment pour les ressources humaines). Cette situation nécessite donc une plus forte décentralisation ; c'est pourquoi nous militons pour un acte II de l'autonomie, qui permette à l'université française de rejoindre les standards européens.
Mon analyse conduit à de nombreuses propositions :
- Une clarification des missions : qui décide de l'orientation stratégique nationale ? Qui finance ? Qui programme ? Qui réalise ?
- Un alignement du financement des universités françaises, qui sont sous-financées, sur les standards internationaux, dans le domaine de la recherche au long cours, qui produit le vivier de l'innovation ; l'université est dans une position très fragile et la LPR a commencé à renforcer le financement de la recherche ;
- Une responsabilisation des établissements, par le biais de contrats d'objectifs et de moyens établis avec l'État (afin d'effectuer une évaluation a posteriori des actions pour réorienter éventuellement les financements et les objectifs) ;
- La mise en place d'une seule tutelle et d'un seul gestionnaire des laboratoires (la compétition interne entre tutelles est un handicap majeur au fonctionnement général).
Avant de terminer, je vous recommande la lecture d'un récent rapport de l'Union européenne des universités, qui traite du rôle des universités en région dans l'innovation.
M. Alain Fuchs, président de l'Université Paris-Dauphine (PSL). - Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, merci de cette invitation.
Vous avez donné une liste assez longue de nos établissements et partenaires. Je me permets de préciser que l'Université PSL est un établissement public expérimental (EPE), et qu'elle dispose aujourd'hui d'un périmètre fixe de neuf établissements et de deux établissements associés. L'autonomie importante des écoles associées dans une université représente un modèle nouveau à l'échelle de la France (mais plus commun au niveau international).
Il a fallu du temps pour que nous obtenions la labellisation IdEx. L'objectif de l'Université PSL, au même titre que celui des EPE, est de devenir un grand établissement reconnu à l'international. Nous avons déjà intégré certains classements mondiaux, tels que ceux de Shanghai (considéré à tort, à cause d'une forme de paresse journalistique, comme l'unique classement international) ou de Times Higher Education, qui est très influent et dont le classement des universités de moins de cinquante ans est paru il y a quelques jours et place l'Université PSL en première position.
Par l'antériorité de nos composantes, nous sommes considérés à la fois comme une jeune et une ancienne université. Je ne partage pas forcément cet avis. Nous sommes une université construite avec des briques anciennes, cela ne veut pas dire que chaque brique constituait seule une université.
Les questionnements que vous soulevez sont très importants. Les politiques de recherche et d'innovation, et de transfert des connaissances de la recherche vers des résultats industriels tangibles sont fondées sur deux illusions tenaces. La première est que l'invention et l'innovation se décrètent, qu'il suffit de fixer des priorités par le haut et de consacrer de l'argent, parfois beaucoup, pour que des changements de culture et de mentalités s'opèrent. La deuxième illusion présuppose que ces évolutions peuvent se réaliser rapidement (le temps d'un mandat électif) ; c'est une grande illusion.
Développons. La culture dans le domaine de la recherche scientifique en France est historiquement marquée par une forte séparation entre le public et le privé, entre l'univers de l'enseignement supérieur et le milieu socio-économique : c'est comme ça, c'est notre héritage. Les domaines de l'enseignement supérieur et de recherche publique français se sont construits autour de valeurs de la recherche « libre » (dite fondamentale, bien que je n'apprécie pas ce terme), de l'autonomie intellectuelle de ses acteurs, du primat de la connaissance « pure » et d'une forme de rejet des applications « mercantiles ». Comme évoqué par la plupart de vos interlocuteurs durant leur audition, ces positions ont largement évolué, depuis deux ou trois décennies. Toutefois, l'évolution de la culture universitaire est lente et complexe à mettre en place.
Par ailleurs, durant de nombreuses années, le monde socio-économique s'est appuyé sur les ingénieurs de grandes écoles (écoles qui ne réalisaient alors que peu de recherche, contrairement à aujourd'hui). Enfin, l'industrie ne recherchait pas de titulaires en doctorat, comme c'est le cas de nos jours. Par contraste, l'Allemagne possède un tissu riche de PME et d'ETI technologiques, très orienté vers la recherche et le développement. Il est à noter que le tissu industriel français s'est affaibli. À titre d'exemple, les 3 % de PIB que représente la recherche en l'Allemagne sont composés de 2 % issus du domaine privé et de 1 % du domaine public. Comparativement, les chiffres de la France sont bien inférieurs.
Je l'ai dit, de nombreux changements ont eu lieu ces dernières années. Ainsi, les chercheurs sont désormais plus sensibles à la dimension sociétale et pratique de leurs recherches et à la question de l'innovation.
Nos étudiants appartiennent maintenant à la génération start-up. Le transfert de technologie n'est plus un gros mot, c'est une bonne nouvelle, mais la situation n'évolue pas aussi rapidement que nous pourrions l'espérer.
Pourquoi ces évolutions n'ont-elles pas encore produit de champions industriels de la tech, tels que les GAFAM, malgré les considérables investissements financiers du pays dans la création d'outils de facilitation de transfert (SATT, IRT-ITE, IHU...) ? Monsieur Didier ROUX, auditionné récemment dans le cadre de cette mission d'information, a fourni quelques éléments de réponse. Je cite :
« L'État a créé tout un tas d'instituts pour développer une croissance de technologie dans lesquels il faudrait mettre de l'ordre. - J'approuve ! - Les SATT sont devenues un obstacle aux transferts, avec un business model sans queue ni tête ». Et il plaidait pour une réintégration des SATT, IRT-ITE, etc. au sein des universités.
Je partage totalement son analyse.
Ces différentes structures se situent entre deux mondes : celui des universités et celui socio-économique. On a mis les SATT au milieu pour faire le travail que les universités auraient dû faire. Or, comme le remarquait Madame Susanne BERGER du MIT, dans un rapport remis à Monsieur Thierry MANDON, ce qu'il eût fallu faire, c'est enrichir l'interface directe entre ces milieux, accroître la porosité entre eux.
Il existe une croyance bien ancrée au sein de l'appareil d'État français, selon laquelle, en imposant d'en haut des outils nouveaux au service de l'innovation et du transfert de technologies et en y mettant de l'argent, parfois beaucoup, les changements se font d'eux-mêmes. Il s'agit d'une illusion, ce n'est pas le cas. L'innovation dans un domaine donné ne se décrète pas. Les changements sont essentiellement de nature culturelle et prennent du temps.
Je ne crois pas que l'évolution des mentalités doive beaucoup à ces différents outils. Si la culture du milieu de la recherche publique a changé, c'est sans doute dû à sa confrontation avec des pays plus avancés dans ce domaine (tels que les pays anglo-saxons). C'est la circulation des cerveaux et des idées qui a contribué à une prise de conscience progressive de la part de nos équipes de recherche du caractère nécessaire de l'innovation.
Les outils mis en place, à condition qu'ils soient simples et compréhensibles, facilitent bien entendu les choses. Malgré tout, les évolutions culturelles sont lentes. Nous venons de loin. Nous avons dédaigné il y a plusieurs décennies les industries naissantes de l'information et de la communication : ces actions n'étaient pas dignes du génie français. On ne se rattrape pas en quelques années. Mon message n'est pas négatif : les choses se passent, il faut être patient et continuer d'avancer.
Le Gouvernement se dote de grandes ambitions industrielles, à travers le plan d'investissement « France 2030 », par exemple. Quand Kennedy a assigné une nouvelle frontière à l'Amérique des années 1960, il s'agissait d'une démarche conquérante, tendant à dominer le monde. Quand on promet chez nous régulièrement des milliards pour une poignée de projets - on l'a fait plusieurs fois au cours de l'histoire -, c'est un effort de rattrapage. C'est du colbertisme, on aime cela et ce n'est pas un titre de gloire : création de manufactures d'État pour tenter de suivre l'effort britannique, volontarisme industriel des gouvernements du XXe siècle pour tenter d'échapper à l'emprise anglo-saxonne puis pour rattraper l'Allemagne dans les années 1970, nationalisations dans les années 1980 pour enrayer la suprématie du japon... Chaque fois que l'État a affiché une ambition de ce type, c'est à la suite de la prise de conscience d'un déclin, attribué à la défaillance de l'initiative privée et de la recherche publique. On en est encore là mais la lucidité commande de rappeler que l'État français n'a pas toujours été un innovateur très performant ; je vous renvoie au plan Calcul.
Il n'est pas question d'abandonner ces programmes de rattrapage en R&D ; ils sont nécessaires. En revanche, si nous voulons devenir un leader dans les domaines de l'innovation et de la technologie, il faut alors réaliser que la plupart des domaines qui seront porteurs dans vingt ou trente ans n'existent pas encore. Pour paraphraser El-Mouhoub Mouhoud, « si on veut installer et garder une avance technologique, et non juste rattraper notre retard - ce qui est important - sur des sujets d'actualité, il faut favoriser les avantages compétitifs longs et donc mettre le paquet sur la recherche ». C'est de cette recherche de base, qui se porte moyennement bien, que seront issus les domaines nouveaux et disruptifs de demain.
À titre d'exemple, lorsque j'étais président du CNRS, j'ai été confronté à des « rapports de conjoncture » du CNRS ; ce sont des rapports de gros volume, très bien faits, établis tous les quatre ou cinq ans. Ils rassemblent les prévisions de chacune des sections du comité national sur les évolutions à venir de leur discipline. C'était passionnant. Il m'a semblé pertinent d'accéder aux rapports de conjoncture établis dans les années 1970 et 1980. J'ai ainsi constaté que, dans les prospectives des sections disciplinaires relatives aux mathématiques, à la physique, à l'ingénierie ou encore à l'informatique, il ne manquait pas grand-chose : seulement internet... Nos chercheurs n'avaient pas prévu un tel changement. De même, aujourd'hui, nous ne pouvons pas non plus prévoir ce qui va transformer la technologie de demain, parce que c'est invisible.
Ma préconisation est donc de marcher sur deux pieds : un fort investissement en recherche publique de base (la loi de programmation de la recherche a commencé, concernant notamment la rémunération des jeunes chercheurs, c'est un premier pas mais il en faut un second) tout en poursuivant notre rattrapage en R&D dans les domaines où nous nous sommes laissés déborder.
Par ailleurs, il conviendrait que les outils (SATT, IRT, ITE, IHU) soient placés sous la pleine responsabilité des universités de recherche intensive.
M. Christian Redon-Sarrazy, président. - Merci pour ces diagnostics sans retenue et pour ces propositions claires.
Mme Laure Darcos. - De nombreuses déceptions ont été constatées côté universitaire quant au fait que la LPR n'aille pas au-delà de la programmation de la recherche, mais avoir une projection financière importante dès les premières années était déjà difficile à obtenir.
Cette mission d'information et les prévisions qui en découlent me passionnent. Tout l'enjeu réside dans la transition entre la recherche et le transfert d'innovations. De nos jours, nous avons conscience de notre capacité à pouvoir devenir leaders sur certains secteurs en pointe, tels que le quantique ou l'hydrogène, bien qu'il soit impossible de prédire si ces domaines seront toujours d'actualité dans le futur. Néanmoins, je m'interroge : faut-il que nous poursuivions le saupoudrage sur l'ensemble des domaines ou devons-nous nous créer un grand ministère de l'industrie, de l'innovation, de la recherche et de l'énergie qui se focalise sur quelques grands secteurs et y mette le paquet ? Ou faut-il laisser faire les jeunes chercheurs, dont les travaux guideront nos décisions ?
De même, comment les universités peuvent-elles suivre les start-ups ? Comment accompagner les jeunes chercheurs sans recourir aux SATT ? Vos propos présupposent la possibilité de passer de l'université à l'industrialisation (vous seriez donc des financeurs potentiels et les interlocuteurs de Bpifrance, si l'on caricature), sans passer par ces acteurs, qui permettent d'accompagner cette étape. Or il me semble que les universités sont de grandes organisations complexes. La masse de travail à effectuer au sein des universités est déjà telle que je m'interroge sur la pertinence à gérer aussi le transfert de la technologie vers l'industrialisation.
Par ailleurs, je remarque que les jeunes chercheurs ne disposent pas forcément de compétences économiques. Le rôle des universités ne serait-il pas d'optimiser la formation entrepreneuriale des jeunes chercheurs ?
M. Manuel Tunon de Lara. - S'agissant des SATT, les universités en sont les actionnaires. Ces structures sont destinées à faire de la maturation. Elles suivent et négocient les projets entre les universités et les entreprises. Elles sont l'opérateur de l'université pour cette activité - suivi des projets, licences, etc. Il n'est pas question que l'université cesse cette mission, qui relève de son champ de compétence.
La conclusion du rapport de Madame Suzanne BERGER, de même que l'audition de M. Roux, reflète notre opinion sur le sujet. Nous souhaitons que ces missions soient intégrées à l'université. Interposer des objets entre le milieu de l'entreprise et le milieu de l'université, au lieu de faire entrer l'entreprise à l'université pour que celle-ci assure cette fonction nous semble inopportun. La critique des SATT, avec lesquelles on travaille d'ailleurs très bien et qui sont très différentes les unes des autres, consiste à déplorer la création de sociétés devant faire de la maturation et investir tout en devant, à terme, devenir rentables afin de s'autofinancer. C'est un non-sens.
Les actionnaires des SATT sont les universités, les écoles et les organismes de recherche. Ce croisement doit évidemment exister.
M. Alain Fuchs. - Toutes les grandes universités internationales sont des universités de recherche qui font de la valorisation intègrent une structure destinée à cette fin. Il n'y a pas de raison que nous ne soyons pas capables de faire la même chose. Les SATT existent, on ne va pas les supprimer, certaines fonctionnent plutôt bien ; néanmoins, le paysage a changé et leur intégration en tant que service universitaire au sein même de l'université serait logique. Certaines universités sont capables d'être au plus près de leurs laboratoires tout en faisant de la valorisation, sans l'aide des SATT. À titre d'exemple, l'Université PSL n'a pas de SATT, elle a sa propre structure de valorisation, selon le modèle Lewiner, qui fonctionne bien : on va chercher dans nos laboratoires les technologies naissantes susceptibles d'être prématurées et maturées. C'est parfaitement possible.
Par ailleurs, au risque de démarrer une polémique, quantique et hydrogène ne sont pas des sujets de demain. La R&D en technologie quantique est un sujet de demain, parce qu'on espère avoir un ordinateur quantique et l'hydrogène est aussi important, bien sûr, il faut continuer de financer ces recherches, mais, entre nous, c'est de la R&D que les entreprises devraient faire. Il est certes important de construire de grands hydrolyseurs, mais ces sujets, imposés d'en haut, ne seront pas à l'origine d'innovations majeures dans l'économie, par exemple de la santé.
Il faut donc faire l'un et l'autre. Pour accéder à des positions de leaders, pour faire émerger l'équivalent des GAFAM en Europe sur des sujets qui nous sont pour l'instant toujours inconnus, il faut investir massivement dans la recherche de base, en parallèle de la poursuite de la R&D actuelle de très haut niveau. Il ne s'agit pas de laisser les chercheurs rêvasser dans un coin, les projets de l'ERC sont des projets libres de très haut niveau et leurs retombées sont importantes.
M. Manuel Tunon de Lara. - S'agissant des formations économiques à destination des jeunes chercheurs, vous avez raison, cela fait d'ailleurs partie de nos préconisations. C'est déjà largement mis en place au niveau des doctorats. La culture de l'innovation, de l'entreprise et de l'économie est essentielle à transmettre aux doctorants, même ceux se destinant à la recherche. Allier la formation par la recherche et l'expérience d'un doctorant nous fait parfois défaut, par rapport aux pays étrangers. Par ailleurs, les grandes entreprises recherchent davantage des environnements au sein desquels la recherche fondamentale excelle. On constate que de grandes entreprises françaises se tournent vers des environnements étrangers, parce qu'elles y trouvent ces ressources.
M. Christian Redon-Sarrazy, président. - De quelle manière imaginez-vous l'évolution des structures de valorisation au sein des universités ? La notion de risque est inhérente à l'innovation ; de quelle manière ces structures parviendraient-elles à gérer ce risque ?
M. Manuel Tunon de Lara. - Ce n'est pas le laboratoire qui prend le risque. La question peut se poser pour un chercheur qui s'appuierait sur une invention pour développer un produit à l'échelle industrielle. La très grande majorité des chercheurs souhaite comprendre et expliciter les phénomènes scientifiques. Très peu d'entre eux se dirigent vers la recherche appliquée dans le but de créer et de développer une entreprise. D'après les statistiques, 2 % seulement des start-upers sont issus de la fonction publique. La majorité provient en effet des étudiants, des écoles de management, d'ingénieurs ou des universités.
Toutefois, si un chercheur souhaite se diriger vers le développement d'une start-up, des dispositifs d'accompagnement sont disponibles. Les risques engendrés par sa volonté ne touchent alors pas le laboratoire auquel il appartient, mais plutôt la structure de financement sollicitée pour ce projet. La question à se poser serait peut-être la suivante : comment susciter davantage de vocations à l'innovation parmi nos chercheurs ?
Notre vision linéaire de l'innovation (recherche fondamentale, maturation, vallée de la mort, etc.) s'estompe. On parle maintenant d'écosystème, de multidisciplinarité, d'itérations, de passerelles, conduisant à une innovation plus ouverte permettant un taux de succès plus élevé dans les opérations de valorisation.
M. Alain Fuchs. - Les SATT ne sont pas connues pour prendre des risques énormes, parce que leur modèle de base (qui a quelque peu évolué) exigeait une rentabilité à dix ans. Ces structures ont ainsi privilégié le financement de projets proches du marché.
La notion de prise de risques me semble inhérente à la volonté du chercheur. D'après moi, l'époque durant laquelle il fallait convaincre les chercheurs de réfléchir à l'utilité de leurs inventions est révolue. De nos jours, nos laboratoires abritent suffisamment de jeunes chercheurs d'origines différentes, de langues différentes, avec des parcours à l'étranger, pour que, s'il y a une possibilité de tenter quelque chose, cela se fait. L'image caricaturale de laboratoires aux étagères pleines d'inventions formidables mais non exploitées ne correspond plus à la réalité. Dans les laboratoires, les chercheurs - souvent des doctorants, des postdoctorants ou de jeunes chercheurs non statutaires - se posent maintenant la question de ce à quoi peut servir leur découverte.
La question des financements, après 2-3 tours de table, est en revanche extrêmement compliquée, notre pays est trop petit pour cela et les choses ne se font pas bien à l'échelle de l'Europe, mais on a beaucoup de start-up aujourd'hui. Les statistiques montrent que les start-ups se créent et gagnent des concours de créations d'entreprises, on compte de nombreux incubateurs, mais 10 ans après leur création, de nombreuses start-up végètent avec 5 ou 6 personnes, n'ont pas créé d'emplois et survivent grâce aux financements. L'un des verrous les plus importants reste le passage de la start-up à l'entreprise.
Les grandes innovations se produisent à des moments et dans des lieux inattendus, d'où l'importance de continuer à inciter les chercheurs dans leur travail. Je ne crois pas que la difficulté majeure réside aujourd'hui dans le faible nombre de créations de start-ups. Il faut que nous parvenions à la transformer en PME.
M. Christian Redon-Sarrazy, président. - Éviter leur rachat, pour celles fonctionnant sur un modèle industriel, serait pertinent.
Que pensez-vous des outils tels que les LabEx ou les IdEx ? Nous disposons de nombreuses évaluations en amont, mais peu a posteriori.
M. Manuel Tunon de Lara. - Les dispositifs du PIA 1 que vous évoquez ont été très structurants et nous ont permis (grâce à leur regard extérieur à travers un jury international) de poursuivre nos efforts, de concrétiser nos stratégies et de réaliser nos regroupements multidisciplinaires. En tant que président de l'Université de Bordeaux-2, j'ai pu constater que disposer d'une université multidisciplinaire était indispensable à la création d'un environnement de recherche et de formation favorable, similaire à ceux qu'abrite l'étranger.
L'ensemble de ces dispositifs a été évalué et suivi. Ils ont aidé considérablement à structurer l'organisation autour des universités. Toutefois, il me semble que les IRT, les SATT, les IHU, disposant d'une personnalité juridique propre, sont trop nombreux et complexifient le paysage.
S'agissant de l'évaluation plus globale, notre relation avec l'État devrait être contractuelle, afin de fixer des objectifs, de réaliser une évaluation des faits a posteriori et de pouvoir juger de la pertinence de ce soutien. Ce n'est pour l'instant pas le cas ; il s'agirait pourtant d'une solution convenant à la fois aux universités, leur permettant de disposer d'une feuille de route claire et de fixer des objectifs de recherche fondamentale et de formation, ainsi qu'au pays, puisque cela servirait ses intérêts. L'État a investi dans de nombreux projets d'universités qui se sont transformés et il est logique que cette transformation conduise à un cercle vertueux avec un retour sur investissement en termes de recherche, d'innovation et de transfert pour la société. Cela nécessite de basculer le sens du paradigme : définir d'abord le projet stratégique et seulement ensuite son évaluation, plutôt que d'avoir d'abord le financement.
Je crois que nous devrions fonctionner sur la base de contrats d'objectifs et de moyens d'une manière générale (et pas uniquement pour la recherche), correspondant à la durée d'un mandat d'un président et incluant une gouvernance autour de ces objectifs.
Je rappelle que les inventions ne se décrètent pas mais construire un écosystème propice à l'innovation est une stratégie, qui doit être construite. Or l'ensemble des universités n'en a pas les capacités et si on choisit cet objectif, cela implique de le privilégier par rapport à d'autres objectifs stratégiques, d'où l'importance de l'anticiper.
M. Alain Fuchs. - La restructuration du paysage de l'enseignement supérieur (intégrée au PIA) est une véritable réussite. On aurait pu espérer qu'avec les différents outils, les choses accélèrent plus vite du côté de l'innovation. Je pense que l'on doit être patient, parce que le chemin parcouru est considérable. Ne polémiquons pas sur les SATT ; elles existent, soit, ce n'est pas très grave. Les mentalités ont vraiment évolué. Il ne faut pas que vos auditions fassent ressortir un pessimisme, sur le mode « tout cela ne fonctionne pas », je pense que ce ne serait pas un bon diagnostic.
Sur l'évolution du paysage de l'enseignement supérieur, le PIA est une réussite éclatante. Les LabEx fonctionnent très bien, ils ont été gérés en mode projet, une grande majorité a d'ailleurs été renouvelée et est hébergée par les IdEx. Il s'agit toujours de projets, avec un contrat d'objectifs et de moyens, ambitieux et interdisciplinaires. Les EquipEx sont également de vraies réussites ; il y avait besoin d'un apport en équipements dans les laboratoires. On peut le mesurer. Quant aux IdEx, leur attractivité est plus importante, malgré la pandémie. Les universités IdEX émergent et se rendent de plus en plus visibles.
M. Christian Redon-Sarrazy, président. - Le titre de la mission d'information, qui pourrait être source d'inquiétudes, est en vérité plutôt positif. Les projets disposent en effet d'un potentiel certain et nous nous questionnons sur leur point de bascule.
S'agissant des relations entre les organismes de recherche et les universités, vous évoquez des simplifications et de tutelles. Pourriez-vous développer ?
M. Manuel Tunon de Lara. - La contribution des organismes de recherche aux progrès des universités en France est colossale. Ils ont été créés à un moment où l'on n'avait pas confiance dans l'université française, peut-être à raison. On considérait que la recherche n'était pas dans les universités. Au fil du temps, notamment grâce au système des unités mixtes (un même laboratoire abrite à la fois des organismes de recherche et des universités), le niveau de la recherche s'est élevé. Malgré tout, certaines mesures (le déficit de financements, le contexte, la complexité du paysage...) nous font craindre à tous un décrochage, un retard d'investissement.
Les difficultés rencontrées diffèrent en fonction de la typologie des organismes. D'abord, la multiplicité des tutelles implique, pour la gestion du travail quotidien au sein d'un laboratoire, la multiplication des dispositifs de système d'information, de fournisseurs, etc. S'agit-il d'un système optimal ? Non. Une multitude de préconisations a déjà été faite sur ce sujet depuis longtemps. Il faudrait réduire le nombre de tutelles, idéalement à une seule. À sa prise de fonctions, ce fut d'ailleurs la première volonté du successeur de Monsieur Alain FUCHS au poste de président du CNRS. Dans un souci d'optimisation des moyens, des fonctions support, cette organisation doit être repensée.
En outre, nous devons nous fixer des objectifs ambitieux pour l'ensemble de nos organismes de recherche. Je rappelle qu'il s'agit d'organismes parfois thématiques, disposant de plans stratégiques très aboutis et servant les intérêts du pays. Ils doivent être déclinés en fonction des universités. Il nous semble important de clarifier les rôles : qui définit l'orientation stratégique ? Ce n'est pas aux opérateurs de définir leur stratégie. Par ailleurs, il convient de séparer cette fonction de celle de financeur, du rôle des agences de financement, qui traduisent ces stratégies en programmes. Il faut enfin distinguer les fonctions d'opérateurs et de réalisation de la recherche. Nous devons rendre opérationnelle cette collaboration, en croisant organisation nationale et organisation locale. Il me semble que ce procédé doit être effectué au cas par cas, en fonction des organismes.
Prenons l'exemple de l'INRIA ; cet organisme n'a pas d'équipes mixtes, il a des équipes « projet », il a un plan stratégique défini et il implante ses instituts dans quelques universités pour décliner ce plan. Il est vraisemblable que cela pourrait être fait avec d'autres organismes thématiques. Le CNRS est à part, il embrasse l'ensemble des disciplines, mais il faut un projet stratégique, clarifiant les missions de chacun et prévoyant un fonctionnement plus opérationnel avec les universités.
M. Alain Fuchs. - L'existence d'organismes nationaux de recherche en France n'est pas une exception absolue. L'Allemagne, le Japon ou encore les États-Unis (avec les national laboratories, dépendant des ministères fédéraux) en abritent également. L'idée est qu'il doit y avoir des organismes gérant des choses importantes que les universités ne peuvent pas gérer séparément, y compris aux États-Unis, où les universités sont pourtant très fortes et très riches. Leur nécessité est donc avérée.
Le positionnement des organismes de recherche en France, notamment celui du CNRS, a été déterminant durant la période d'après-guerre et sans eux, la recherche en France n'existerait pas aujourd'hui.
Néanmoins, cela ne signifie pas que les équilibres installés doivent se maintenir. Le paysage de l'enseignement supérieur a changé et nos partenaires sont très proches - le CNRS représente près de la moitié de mes chercheurs et leur sentiment d'appartenance à l'université est très fort -, donc le paysage doit s'adapter aussi de ce côté. Le discours de l'actuel président du CNRS s'oriente d'ailleurs en ce sens, et nous pouvons nous en féliciter.
M. Christian Redon-Sarrazy, président. - Merci pour votre présence et pour vos propos fort utiles. Nous ne pouvions pas conduire cette mission d'information sans passer par cette audition.
Les premières analyses de ces semaines d'auditions font remonter des avis convergents. Je suppose que notre rapport final s'en inspirera. Nous aurions pu poursuivre cette discussion en évoquant la territorialisation des universités et la place des régions dans cette étape industrielle.
M. Alain Fuchs. - Ces sujets sont en effet passionnants. Je tiens à vous féliciter pour la création de cette mission d'information.
M. Christian Redon-Sarrazy, président. - Le mérite revient à Madame Vanina Paoli-Gagin et à son groupe politique. Nous tentons d'animer et d'enrichir cette mission.
Merci à vous.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
La réunion est close à 19 heures.