Lundi 14 février 2022
- Présidence de M. Bernard Jomier, président -
La réunion est ouverte à 17 heures.
Organisation de la prise en charge des soins non programmés et des soins urgents - Audition des docteurs Patrick Pelloux, président de l'Association des médecins urgentistes de France (Amuf), Serge Smadja, secrétaire général de SOS Médecins France et président de SOS Médecins Paris, et Olivier Richard, chef de service du Samu des Yvelines
M. Bernard Jomier, président. - Nous procédons cette après-midi à une audition commune sur l'organisation de la prise en charge des soins non programmés et des urgences.
Je suis heureux d'accueillir les docteurs Patrick Pelloux, président de l'Association des médecins urgentistes de France (Amuf), Serge Smadja, secrétaire général de SOS Médecins France et président de SOS Médecins Paris, et Olivier Richard, chef de service du Samu des Yvelines, département retenu parmi les vingt-deux territoires d'expérimentation du service d'accès aux soins (SAS).
Depuis le début de nos travaux, une question revient de manière récurrente : celle du grand nombre de patients qui se présentent aux urgences de l'hôpital alors qu'ils auraient pu relever d'une autre prise en charge, qu'il s'agisse des soins urgents ou, plus largement, des soins non programmés. Nous en avons discuté avec des chefs de service des urgences, mais aussi des représentants de médecins de ville exerçant sous forme regroupée ou coordonnée.
Au regard de l'importance de ce sujet, nous avons souhaité aujourd'hui revenir plus spécifiquement sur cette problématique avec des représentants de la médecine d'urgence et de SOS Médecins, structure de médecine de ville particulièrement concernée par la permanence des soins et les soins non programmés.
Cette audition est diffusée en direct sur le site internet du Sénat. Elle fera l'objet d'un compte rendu publié.
Avant de céder la parole à notre rapporteure, Catherine Deroche, je vous rappelle qu'un faux témoignage devant notre commission d'enquête est passible des peines prévues aux articles 434-13, 434-14 et 434-15 du code pénal.
Conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête, M. Patrick Pelloux, M. Serge Smadja et M. Olivier Richard prêtent successivement serment.
Mme Catherine Deroche, rapporteure. - Depuis le début de nos travaux, beaucoup de nos interlocuteurs soulignent le caractère insatisfaisant du recours respectif aux soins primaires, d'une part, à l'hôpital, de l'autre. En effet, l'hôpital est conduit à prendre en charge des patients qui n'ont pu recourir à la médecine de ville ou ont préféré se rendre d'emblée dans un service d'urgence.
Ce phénomène ne tient pas seulement à l'érosion de la permanence des soins ambulatoires. On l'observe aussi hors des horaires de permanence des soins, en particulier en raison de difficultés d'accès à des consultations non programmées. La démographie médicale est bien sûr un facteur aggravant.
Il est donc nécessaire de trouver des solutions pour redresser la permanence des soins ambulatoires. À ce titre, les enjeux sont sans doute assez différents en soirée, le week-end ou en nuit profonde. Il faut également parvenir à clarifier ce qui relève des urgences et des besoins de soins non programmés, l'objectif étant que le recours à l'hôpital cesse de s'imposer comme solution par défaut. C'était en partie l'objet du pacte de refondation des urgences, qui débouche notamment sur la mise en place des SAS.
C'est sur tous ces points que nous souhaitons vous entendre.
Dr Patrick Pelloux, président de l'Association des médecins urgentistes de France. - Il s'agit, pour nous, d'une audition très importante. En effet, nous avons suivi vos travaux et nous tenions à vous dire combien la situation est difficile pour ce qui concerne la permanence des soins.
Ces difficultés ne datent pas d'hier. Dans un rapport présenté en 1989 devant le Conseil économique et social, le professeur Steg avait souligné le problème des urgences et son travail avait fait bouger les lignes ; mais tout a été détruit en 2002. D'une certaine manière, l'obligation de faire des gardes en ville structurait le dispositif. De plus, chaque établissement de santé devait assurer un accueil d'urgence. Or tout cela a été supprimé, sans solution de substitution. Concomitamment - on le constate dans tous les pays, où l'on assiste à la flambée des urgences -, plus vous fermez de lits d'hospitalisation, plus la fréquentation des urgences augmente. On aboutit donc à une déstructuration.
Madame la rapporteure, vous soulignez avec raison le facteur de la démographie médicale. En médecine, mieux vaut faire un métier sans contraintes comme les gardes de nuit et les astreintes du week-end. Il est très difficile de vieillir dans nos métiers, qu'il s'agisse de la médecine d'urgence ou des autres métiers de la permanence des soins, comme la chirurgie et l'anesthésie, qui eux aussi impliquent des gardes.
Or, comme par hasard, qu'a-t-on oublié dans le Ségur pour rénover le système de santé ? La permanence des soins et les métiers à gardes.
Je dédouane d'emblée le Gouvernement. Le cabinet du ministre de la santé me l'a confirmé, le Gouvernement avait l'intention de valoriser la permanence des soins et les gardes dans les hôpitaux. Mais les syndicats de praticiens hospitaliers s'y sont opposés, préférant créer un échelon supplémentaire pour toutes les autres disciplines. De ce fait, il n'y a pas de valorisation du travail de nuit. En conséquence, la permanence des soins subit un désengagement profond et constant.
Cette situation a conduit à la publication, il y a quelques mois, d'un décret autorisant la fermeture des services d'urgence et des services mobiles d'urgence et de réanimation (Smur) en cas de problèmes organisationnels. C'est bien le cas, du fait du désengagement qu'entraîne le manque d'attractivité. Nous avons fait le point avant de venir devant vous : ces derniers jours, quelque soixante-dix services d'urgence et de Smur ont fermé leurs portes faute de médecins.
En découlent des problèmes majeurs : dès lors qu'une structure ferme la nuit, la charge est reportée sur les autres. Or tous les services d'urgence sont déjà saturés.
En outre - c'est à mon avis ce qui, avec le temps, permettra d'inverser la tendance -, ces problèmes suscitent un certain nombre de plaintes, par exemple lorsqu'une personne en train de faire un infarctus vient aux urgences et trouve porte close. Inutile de vous dire que de telles situations sont très mal vécues par la population... Des manifestations d'usagers ont d'ailleurs lieu tous les jours devant les structures dont les services d'urgence subissent ces fermetures.
Bref, la méthode choisie est mauvaise. La seule personne à même de savoir si elle a raison ou tort de venir aux urgences, c'est le malade. Ce n'est pas mon interprétation, c'est celle des juges. À cet égard, la jurisprudence est constante.
On ne savait pas comment imposer un certain nombre d'outils, comme la téléconsultation - Serge Smadja reviendra sur la fin de la visite à domicile. On ne savait pas comment tordre le cou à leurs opposants : on a profité de la crise du covid. Mais la téléconsultation donne également lieu à des plaintes : on a constaté un certain nombre de décès après des téléconsultations, faute d'un bon diagnostic. À coup sûr, la jurisprudence va faire mal.
En résumé, on constate une désorganisation profonde du système. Faute d'une rénovation pérenne, qui suppose un certain nombre d'obligations, les déserts médicaux s'étendent : au-delà des campagnes, les villes sont désormais touchées. Dans certains arrondissements de Paris, il est impossible de trouver un médecin se rendant, de nuit, au domicile du malade. Beaucoup de personnes n'ont même pas de médecin traitant : les praticiens installés ne prennent plus de nouveaux patients, du fait de la saturation du système. On déplore donc une inadéquation entre les besoins de la population et les moyens.
Dr Serge Smadja, secrétaire général de SOS Médecins et président de SOS Médecins Paris. - SOS Médecins, c'est 63 associations en France et 1 300 médecins. Nous recevons plus de 6 millions d'appels par an, qui donnent lieu à environ 4 millions d'actes - 2,8 millions de visites à domicile et 1,2 million de consultations. Nous couvrons à peu près 65 % de la population.
Nous avons noué d'importants partenariats avec les services publics. Nous sommes interconnectés avec le Samu dans le cadre de partenariats formalisés depuis 2005 aux échelles nationale et locale, grâce aux déclinaisons qu'assurent les associations. Nous avons aussi des partenariats avec Santé publique France, à qui nous adressons quotidiennement nos données d'activité. Ce faisant, nous participons à la veille sanitaire en temps réel. SOS Médecins France, c'est même la première base de données ambulatoires.
Nous travaillons avec les services de police et de gendarmerie. Nous intervenons dans les commissariats, au titre des gardes à vue ou encore pour établir les certificats d'ivresse publique et manifeste. Nous sommes sollicités lors des découvertes de cadavre. Avec un certain nombre d'associations, nous intervenons dans les prisons.
Nous travaillons aussi avec les acteurs privés, notamment les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) et certaines compagnies d'assistance médicale.
Nous fonctionnons 24 heures sur 24 - je le souligne, car c'est de moins en moins à la mode -, 7 jours sur 7. Notre matériel nous permet d'éviter autant que possible l'hospitalisation : électrocardiogrammes, lecteurs de glycémie, bandelettes urinaires, etc. De plus en plus, nos médecins pratiquent l'échoscopie au chevet du patient : c'est précieux pour détecter certaines pathologies urgentes.
Au fil du temps, nous avons diversifié notre réponse. Historiquement, SOS Médecins, c'est la visite à domicile et elle reste notre ADN. Pour nous, la visite à domicile demeure la principale réponse aux demandes de soins - j'y reviendrai. Nous avons aussi développé la consultation et, de manière plus timide, la téléconsultation - j'y reviendrai également.
Nous mutualisons nos moyens humains et techniques. Depuis notre apparition, il y a cinquante-cinq ans, nous n'avons cessé d'améliorer nos outils, qui sont désormais digitalisés. Pour un patient, le canal téléphonique n'est plus le seul moyen de joindre SOS Médecins : nous avons développé des applications informatiques de demande de soins.
Peu de médecins viendront devant vous pour dire que tout va bien, qu'il s'agisse des urgences ou des soins non programmés. La cause principale de ces dysfonctionnements, ce sont évidemment les problèmes de démographie médicale.
On rappelle souvent combien le système hospitalier souffre, et c'est tout à fait juste. Mais on parle beaucoup moins de la médecine ambulatoire et de la médecine de ville. Ainsi, quand on égrène les chiffres des contaminations quotidiennes du covid, on raisonne comme si les patients concernés, ils ont été jusqu'à 500 000, allaient tous se faire soigner aux urgences : heureusement que ce n'est pas le cas ! Pour beaucoup de pathologies, la médecine de ville prend en charge la majeure partie des patients. Tous les cas n'exigent pas une hospitalisation ou, a fortiori, une admission en réanimation.
Si la médecine de ville ne fait pas mieux, c'est d'abord parce qu'il n'y a pas assez de médecins, du fait d'une baisse terrible de l'attractivité des métiers. On a de moins en moins envie de faire ce que nous faisons. On a de moins en moins envie de travailler la nuit ou le week-end. Or, quand la médecine de ville est débordée, la situation de l'hôpital s'aggrave encore.
La politique tarifaire des actes a déséquilibré l'offre. Quand le périmètre retenu est le bon, la téléconsultation peut répondre aux demandes de soins, mais il ne faut pas passer d'un extrême à l'autre. La téléconsultation ne saurait être la réponse à tout, qu'il s'agisse des déserts médicaux, de la démographie médicale ou des urgences.
Surtout, si le médecin est rémunéré de la même manière qu'il soit chez lui, devant son ordinateur dans son canapé, ou qu'il gravisse les étages à quatre heures du matin pour se rendre chez une personne âgée en décompensation, personne ne voudra plus aller au domicile des malades. Il faut faire attention à ne pas trop déséquilibrer l'offre tarifaire. À l'inverse, il faut conserver une forme d'incitation : c'est peut-être terre à terre, mais c'est une réalité.
De même, prenons garde à la bureaucratisation du
système. C'est bien de créer des systèmes
coordonnés de soins ; c'est très bien que les
médecins travaillent en réseau
- c'est intellectuellement
imparable et personne ne peut a priori le critiquer. Mais il ne faut
pas surfinancer le fonctionnement administratif au détriment des
médecins qui sont au chevet des malades et qui font les actes. Il ne
faut pas qu'en définitive certains médecins se
spécialisent dans l'administratif. In fine, on n'ira pas plus
voir les patients à domicile.
Aujourd'hui, la complémentarité entre la ville et l'hôpital n'existe pour ainsi dire pas. Le covid a donné lieu à un certain nombre de balbutiements : on a commencé à se rapprocher, à réfléchir à des protocoles communs de prise en charge pour les patients pouvant rentrer chez eux avec de l'oxygène ou des anticoagulants. Bien sûr, il faut développer ces actions, mais on ne peut pas se contenter d'initiatives locales ou individuelles. Il faut formaliser ces dispositifs, les organiser - sans pour autant les rendre obligatoires : pour les médecins libéraux, ce sera toujours un gros mot ! -, pour que les uns et les autres puissent et veuillent se connaître.
D'ailleurs, cet effort est à l'oeuvre. Le pacte de refondation des urgences prévoyait que l'on adresse directement les personnes âgées dans les services sans passer obligatoirement par l'interne de garde : c'est un bon moyen de soulager un tant soit peu les urgences. De même, il faudrait pouvoir accéder au plateau technique des urgences directement par un médecin de ville, sans passer par le médecin de garde.
Pour nous, la visite à domicile reste essentielle pour appréhender dans sa globalité la réalité sociale et familiale des patients comme pour maximiser le virage ambulatoire, dont on parle depuis si longtemps.
Pour un grand nombre de pathologies urgentes ou invalidantes, le patient ne peut pas se déplacer. En cas d'épidémie, le fait de rester chez soi contribue à limiter la transmission de la maladie. La visite à domicile est également source d'économies, car elle évite des transports en ambulance par les pompiers ou par le Samu. Il est stupide et navrant de mobiliser un camion de police pour conduire aux urgences une personne placée en garde à vue ; et je ne parle pas du coût de prise en charge des urgences - la visite à domicile limite les hospitalisations.
Or la visite est domicile est en danger. J'ai déjà évoqué la politique tarifaire en abordant la téléconsultation. On ne forme pas assez les étudiants pour cette prise en charge spécifique et l'on ne fait rien pour aider les médecins au titre de cet acte, plus pénible qu'une consultation. J'ajoute que, dans Paris, les problèmes de circulation et de stationnement, on n'en peut plus.
M. Bernard Jomier, président. - Évitons de dériver...
Mme Véronique Guillotin. - Cela compte !
Dr Olivier Richard, chef de service du Samu des Yvelines. - L'épidémie de covid a durement touché la médecine de ville et la médecine hospitalière. Mais elle nous a aussi conduits à travailler ensemble, ce que nous faisons depuis de nombreuses années dans le département des Yvelines.
On dénombrait 10 millions de passages aux urgences en 1996. On en comptait 22 millions en 2018. L'augmentation annuelle du nombre d'admissions est de 3,5 %. Le nombre d'appels au Samu est passé de 24 millions en 2013 à 29 millions en 2018.
Très concrètement, dans les Yvelines, le nombre de dossiers de régulation médicale a bondi de 120 000 en 2000 à 262 000 en 2021. Dans le même temps, le nombre de dossiers pour la permanence des soins au titre de la régularisation libérale est passé de 50 000 à 130 000.
À l'évidence, il se passe quelque chose dans la société : on observe un glissement des missions de la médecine d'urgence vers des problématiques sociétales et médico-sociales touchant les patients chroniques.
S'y ajoute, parmi les éléments contextuels, l'enjeu d'accessibilité aux soins. Dans un rapport publié en 2018 et traitant de l'accessibilité potentielle localisée (APL), la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees) montre qu'en France plus de 5 millions de patients n'ont pas accès aux soins. Plus précisément, ces habitants ont accès à moins de 2,5 consultations par an. Un grand nombre de régions sont touchées - Centre-Val de Loire, Auvergne-Rhône-Alpes, Bourgogne-Franche-Comté, Île-de-France, Antilles-Guyane et Corse.
En Île-de-France, 18 % des patients n'ont pas accès aux soins. On pourrait imaginer que cette région bénéficie d'une forte densité médicale ; mais, comme le souligne l'union régionale des professionnels de santé (URPS) d'Île-de-France dans une enquête publiée fin 2020, 27 % des médecins libéraux partant à la retraite n'y sont pas remplacés.
Entre 2020 et 2030, nous allons passer de 6,4 millions à 8,6 millions de Français de 75 ans et plus, avec une charge de soins nécessairement plus importante.
Il existe de nombreuses instances de coordination territoriale : pas moins de vingt-trois dans mon département des Yvelines... Tout le monde travaille dans son coin, avec la conviction de bien faire. Il y a donc un réel besoin de coordination, pour potentialiser toute cette activité masquée, inaccessible ou illisible pour les soignants de ville.
J'aime à citer le rapport sénatorial de juillet 2017, publié par Laurence Cohen, Catherine Génisson et René-Paul Savary intitulé Les urgences hospitalières, miroir des dysfonctionnements de notre système de santé. Vous y écrivez notamment : « Les services d'urgence doivent être regardés non comme un point d'entrée défaillant dans le système de soins, mais comme un miroir grossissant des dysfonctionnements de l'ensemble de notre système de santé. Les difficultés des services d'urgence résultent de leur positionnement original, au confluent des carences de la médecine de ville et de la permanence des soins ambulatoires en amont. » Ces propos me semblent sévères pour la médecine de ville : les difficultés sont globales et il ne faut stigmatiser personne, car nous avons besoin de tout le monde. Vous écrivez d'ailleurs, un peu plus loin dans le rapport : « Il ne fait cependant pas de doute que la médecine de ville peut et doit prendre sa part des soins non programmés - non pas seulement dans le but de désengorger les urgences, mais avant tout afin d'améliorer le parcours et le suivi des patients. »
Vous estimez enfin que « l'amélioration du fonctionnement des urgences doit aller de pair avec un renforcement de l'interface entre la ville et l'hôpital, et notamment de la régulation médicale ».
C'est ce à quoi notre service travaille depuis plusieurs années. En 2019, nous avons présenté le « dispositif d'amélioration du parcours de soins pour des patients complexes ou en demande de soins non programmés urgents, sur le territoire des Yvelines, par le coexercice hospitalier et libéral ainsi que la formation des jeunes médecins ». C'était une démarche altruiste, portée par la plateforme territoriale d'appui, qui est une coordination de médecins libéraux dans les Yvelines, par l'Ordre des médecins et par le monde hospitalier.
Elle consiste à ouvrir aux soignants de ville, à travers un guichet unique, des solutions pour éviter les ruptures de parcours qui conduisent, par facilité ou par défaut, les patients aux urgences faute d'anticipation.
Ce projet ambitionne d'intégrer une plateforme de coordination ville-hôpital qui oeuvre en étroite collaboration avec les urgences et les médecins libéraux. Il y a de plus en plus de patients complexes à cause des difficultés de suivi en ville. Il faut anticiper les problèmes pour éviter les ruptures de parcours et favoriser le maintien à domicile, pierre angulaire de tout le système. Il est inutile de parler de médecine si l'on n'est pas en mesure de réorienter les patients qui ne nécessitent pas une hospitalisation vers une prise en charge en ville.
La conséquence de ce dispositif est une stabilisation du recours aux urgences. Nous ne travaillons pas à désengorger les urgences, mais à construire un parcours du patient abouti qui évite les ruptures.
Notre travail a précédé le Ségur, en particulier sa mesure 26 intitulée « Fédérer les acteurs de la santé dans les territoires au service des usagers ». C'est bien ce que nous essayons de faire, à travers une nouvelle articulation entre la ville et l'hôpital.
Les missions assurées par des structures d'urgence se sont décentrées en partie vers la prise en charge des complications des pathologies chroniques et des problèmes médico-sociaux. C'est pourquoi nous avons besoin d'une coordination pluripartenariale, plurisectorielle et pluriprofessionnelle.
Jusqu'à présent, nous avons surtout travaillé sur la médecine d'urgence, avec la problématique du soin non programmé : il fallait offrir une consultation à des personnes qui n'avaient pas accès à un médecin. Mais il faut aussi prendre en compte l'autre temporalité, celle de l'anticipation et des patients complexes, avec une organisation des soins qui ne les conduise pas systématiquement à l'hôpital, dans des services totalement débordés.
Nous avons donc choisi trois thématiques de travail : le médico-social, la gériatrie et la psychiatrie. C'est le travail en réseau, en collaboration avec les collègues de ville des autres spécialités, qui nous autorise à mettre en place une démarche centrée sur le patient.
Dans cette optique, la création des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) est une opportunité : elles fédèrent tous les acteurs, médecins, mais aussi infirmières, orthophonistes, etc. Leurs missions vont dans le même sens : améliorer l'accès aux soins, organiser des parcours de soins pluriprofessionnels, développer la prévention et la promotion de la santé, accompagner les professionnels de santé, structurer des espaces d'échanges. C'est fondamental.
Paradoxalement, la crise covid que nous avons combattue ensemble nous a fait avancer plus vite : nous avons créé les prémices d'une collaboration entre la ville et l'hôpital, en apportant des repas à domicile aux patients du covid, en leur assurant des consultations ou des téléconsultations.
Les visites à domicile sont essentielles : il faut absolument réinsuffler aux jeunes médecins l'envie de les faire. En effet, elles donnent la possibilité d'anticiper l'état d'un patient et coûtent beaucoup moins cher qu'une hospitalisation.
Nous avons eu la même démarche avec les gériatres pour les patients Ehpad, pour articuler la prise en charge entre la médecine de ville, l'hôpital, la gériatrie et les réseaux au profit du patient. Nous avons pu mener à bien cette tâche parce que nous avions identifié ces problématiques comme essentielles ; et nous avons pu avancer ensemble, parce que nous avions appris à nous connaître et à travailler ensemble.
Mme Catherine Deroche, rapporteure. - Quelle est la place du SAS dans votre organisation ?
Dr Olivier Richard. - Le SAS est d'abord, pour nous, une amélioration de la réponse pour les soins non programmés. Jusqu'à présent, les patients dont l'état n'était pas grave avaient simplement une consultation par téléphone avec un médecin de ville : en journée, les cabinets n'étaient pas accessibles.
Désormais, en collaboration avec les CPTS, les maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP) et les autres médecins du territoire, nous donnons accès à des consultations en journée pour les urgences.
M. Bernard Jomier, président. - S'agit-il seulement de consultations de médecins de ville, ou les spécialités sont-elles aussi concernées ?
Dr Olivier Richard. - Les places sont d'abord réservées pour les consultations de médecine générale ; elles seront ensuite ouvertes sur les spécialités.
La démarche est centrée sur le médecin traitant.
Mme Catherine Deroche, rapporteure. - Il prendra en charge des patients dont il n'est pas nécessairement le médecin référent.
Dr Olivier Richard. - Oui. Nous essayons avant tout de rendre le médecin traitant accessible au patient, ce qui n'est pas toujours possible avec les filtres de l'agenda informatique et du secrétariat. Le SAS rend possible cette accessibilité. Nous avons eu des mots tout à fait aimables de patients qui ont pu obtenir un rendez-vous par ce biais.
Il est également très important de travailler sur des patients qui n'appellent pas nécessairement pour une consultation ou un soin non programmé - des patients complexes relevant d'un parcours de gériatrie ou de psychiatrie. Faire collaborer la ville, les spécialistes et l'hôpital permet d'anticiper les prises en charge pour ces patients.
Ainsi, dans les Ehpad, les échanges d'informations entre la médecine de ville et les gériatres évitent un accueil inapproprié de certaines personnes âgées à l'hôpital.
Mme Catherine Deroche, rapporteure. - Je souhaitais surtout savoir comment un patient qui n'a pas de médecin traitant et qui se retrouve en situation d'urgence est pris en charge.
Dr Olivier Richard. - Le patient qui n'a pas de médecin traitant, ou dont le médecin traitant est inaccessible, est confié à un médecin du territoire qui peut le prendre en charge.
Mme Catherine Deroche, rapporteure. - Qui gère la plateforme territoriale d'appui ?
Dr Olivier Richard. - C'est une cogestion entre la médecine de ville et la médecine hospitalière, via un groupement de coopération sanitaire. La plateforme d'appui est une construction pluripartenariale coordonnée par la médecine de ville.
Dr Serge Smadja. - En matière de permanence des soins ambulatoires, la réponse est organisée au niveau réglementaire, avec un cahier des charges et un ou des médecins de garde désignés.
Auparavant, il n'y avait pas d'encadrement : on considérait qu'il appartenait aux médecins traitants de prendre en charge les urgences de leurs patients.
Mais, avec l'évolution de la démographie médicale que nous avons évoquée, les médecins traitants sont débordés. Il leur est difficile de prendre en charge les soins non programmés dans la journée. Même dans nos structures, conçues à l'origine pour les urgences et les soins non programmés, nous réalisons de plus en plus d'actes de médecine générale.
Avec le SAS, nous serons en mesure de flécher une réponse à partir de la régulation médicale conjointe de l'aide médicale d'urgente et de la médecine libérale. Nous nous en félicitons ; cependant, un soin non programmé a été défini comme une demande de rendez-vous dans les 48 heures. Or un patient qui se rend aux urgences n'attend pas 48 heures pour recevoir une réponse à sa demande de soins...
Je ne conteste pas le caractère vertueux du dispositif, mais la réponse, à domicile, à une demande de soins urgente a été oubliée.
Dr Patrick Pelloux. - Le SAS a été conçu pour absorber le Samu et devenir une grande plateforme médico-psycho-sociale, dans la vision idyllique qu'en a mon collègue le docteur Richard. Ce n'est pas le cas partout, loin s'en faut, et des centaines de millions ont été engloutis dans ce projet. Dont acte.
M. Bernard Jomier, président. - Des centaines de millions ?
Dr Patrick Pelloux. - Oui ; au moment de la recomposition des urgences, les enveloppes ont été affectées au SAS. Il faut payer l'organisation, les médecins qui y participent... Mais tout cela a été acté par la loi. Des expérimentations ont été menées, comme celle que décrit le docteur Richard. Si cela fonctionne, j'en prends acte ; mais le problème est que cela ne fait pas baisser la fréquentation des urgences.
Dr Olivier Richard. - C'est le début...
Dr Patrick Pelloux. - Pour l'instant, la fréquentation ne baisse pas parce que c'est un système très complexe. Nous souhaitons tous que les maisons communes en cogestion fonctionnent, mais il y a des rapports de force entre la médecine de ville, les hôpitaux participant au service public, les hôpitaux lucratifs, les CPTS, les maisons de santé, etc.
Il est vrai que ce système dégage des plages de rendez-vous - une sorte de Doctolib du SAS. Pourquoi pas, mais cela ne fait pas baisser la fréquentation des urgences, parce que les malades sont devenus complexes, et que l'hôpital veut désormais aller très vite.
La médecine va vers le soin ambulatoire, les opérations ambulatoires, sans se rendre compte que les gens ne se réduisent pas à un tableau Excel. Il y a de l'aléatoire, or dans tous ces systèmes, y compris les opérations ambulatoires, on n'a pas prévu, justement, que le malade ne va pas bien ; et le malade qui ne va pas bien se rend aux urgences...
Ainsi, depuis 2003 et la fin de l'obligation des gardes pour les médecins libéraux, les urgences sont devenues la variable d'ajustement de tous les dysfonctionnements.
Autre exemple, la psychiatrie. Lorsque les lois de 1992 et 1996 organisant les urgences ont été votées, un psychiatre était prévu dans chaque service. On l'a ensuite retiré, et désormais il est extrêmement difficile d'accéder aux urgences psychiatriques - sans parler de la pédopsychiatrie et de la psychiatrie des adolescents... Et lorsque ces malades se rendent aux urgences, on a recours à la sédation, faute de psychiatres, puisqu'il n'y en a plus dans certains secteurs.
Autre problématique de spécialité très pertinente pour la permanence de soins : la traumatologie, dont relèvent 50 % des malades qui viennent aux urgences. Sauf en mars 2020, lors du premier confinement, où l'on ne voyait plus arriver, à Paris, que cinq à six personnes par jour, qui se blessaient chez elles...
Jadis, la traumatologie était traitée par l'orthopédie publique, qui est désormais sinistrée : tous les chirurgiens orthopédistes sont partis vers le privé, pour l'attractivité de la rémunération et les moyens mis à disposition. C'est pourquoi les patients de traumatologie qui arrivent aux urgences sont transférés vers les cliniques privées, avec l'attente que cela engendre.
La direction générale de l'offre de soins (DGOS) avait conçu un indicateur intéressant, celui du besoin journalier en lits. Il donnait une vision mathématique : tel service d'urgence aurait besoin de vingt ou vingt-cinq lits pour fonctionner chaque jour. Mais l'indicateur n'a pas été mis en place parce qu'il aurait impliqué de rouvrir des lits, ce que l'on ne voulait pas.
Un mot sur la démographie médicale. L'obligation de faire des gardes, cette contrainte au temps, n'est plus d'époque. Lorsque la spécialité de médecine d'urgence a été mise en place, le principal syndicat représentant les internes en a tiré un argument pour refuser les gardes aux urgences. Il est extrêmement difficile de motiver les jeunes générations pour les gardes. Ainsi, on perd des heures à trouver un lit d'hospitalisation, faute de place aux urgences.
Dernier point, le SAS comme permanence de soins des Ehpad - un sujet qui a fait l'actualité ces derniers jours. La prescription par les médecins coordinateurs a été votée, mais c'est encore balbutiant. Il n'a pas accès aux dossiers médicaux. Enfin, au moment d'envoyer un Smur pour un départ, l'aide-soignante ou l'infirmière demande au médecin de faire le point sur un grand nombre de malades.
Il y a eu des expériences positives, notamment à Amiens ; mais cela reste extrêmement compliqué. On sait bien que les urgences ne sont pas une destination adéquate pour les personnes âgées Gir 1 ou Gir 2, c'est-à-dire démentes ou grabataires.
Il faut une refonte du système, mais elle ne se fera qu'avec des femmes et des hommes qui veulent s'investir dans la permanence des soins. Ils ne le feront que si c'est attractif. Or la permanence de soins est défiscalisée, pour les médecins libéraux, sur une partie de leur rémunération, ce qui n'est pas le cas pour les médecins du public. Quant à la progression de l'indemnisation, un praticien hospitalier touche deux cents euros de moins qu'un universitaire pour une garde nuit.
Au moment du Ségur, le Gouvernement voulait une égalité de rémunération pour le même travail. Cela a été refusé par les syndicats de praticiens hospitaliers, à l'exception du syndicat national des praticiens hospitaliers, anesthésistes réanimateurs (SNPHAR-E), parce qu'ils voulaient gagner un échelon.
En matière de permanence de soins, tout est lié : même si votre volonté est sincère, le SAS rénové ne se fera pas sans les femmes et les hommes. Or la contrainte au temps, le travail le week-end ou la nuit, ne sont plus acceptés par les jeunes générations - y compris pour les visites à domicile qu'évoquait Serge Smadja. Or la question est liée à celle du maintien à domicile. Il n'y a pas de solution facile.
Mme Catherine Deroche, rapporteure. - Le maintien à domicile passe par le retour des visites à domicile, qui permettent de voir le patient dans sa vraie vie, pour ainsi dire.
Qu'est-ce qui rendrait aux médecins l'envie de faire des visites à domicile, en particulier pour les personnes très âgées polypathologiques ?
La médicalisation des Ehpad est un vrai sujet. La maltraitance, monsieur Pelloux, ne concerne d'ailleurs pas que le privé. Nous allons former une commission d'enquête sur ce thème.
Faut-il revenir à une obligation de garde pour les médecins libéraux ? La région Pays de la Loire apportait son soutien aux centres de santé à la condition qu'ils participent à la permanence des soins. Notre commission a visité un hôpital de proximité à Lamballe où se trouvait une maison médicale de garde, assurée par des libéraux. Cette maison reprenait les soins non programmés qui n'avaient pu être effectués pendant la journée. Comment SOS Médecins voit-il l'organisation de ces maisons, placées à l'entrée des urgences pour éviter que certains patients n'y entrent ?
Dr Serge Smadja. - J'ai évoqué le déséquilibre tarifaire entre la visite à domicile et les autres actes. Cet été, à la demande des syndicats, la Caisse nationale d'assurance maladie (Cnam) a prévu, dans l'avenant n° 9 à la convention nationale organisant les rapports entre les médecins libéraux et l'assurance maladie, un doublement du tarif de la visite à domicile pour les plus de 80 ans en affection de longue durée (ALD) - mais quatre fois par an, et uniquement pour les médecins traitants. Comme, par définition, nous ne le sommes pas, nous en étions exclus. Sans commentaire...
De plus, nous avons diversifié notre réponse aux demandes de soins : nous avons développé des points fixes d'accueil pour les soins non programmés, à condition que les pathologies des patients le permettent et que ces derniers soient en mesure de se déplacer. Nous ne pouvons cependant pas ignorer l'aspect social des visites à domicile, en dehors de toute cause médicale : nous devons nous déplacer lorsqu'un parent élève seul trois enfants par exemple.
Je ne nie pas l'intérêt des points fixes d'accueil, qui constitue l'une des pistes de diversification de l'accès aux soins, mais nous nous battons pour le maintien de la visite à domicile, non seulement parce que nous adorons cette pratique, mais aussi parce que nous sommes attachés à la défense de ce service médical rendu particulier.
Dr Olivier Richard. - Les patients nous contactant pour des besoins moins urgents ne devraient pas attendre quarante-huit heures, mais plutôt douze heures.
Je souscris aux propos qui ont été tenus : les visites à domicile sont fondamentales. Celles-ci doivent être revalorisées : il est inadmissible que leur montant soit fixé à 35 euros. Certes, les patients souffrant d'une ALD bénéficient de quatre visites annuelles de leur médecin traitant à domicile. L'investissement des médecins pratiquant les visites à domicile doit être récompensé. Il en va de même pour le travail de nuit des médecins et des infirmières.
Chaque jour, une dizaine de patients ne se rendent pas aux urgences, car ils ont obtenu un rendez-vous auprès d'un médecin de ville. Les pratiques évoluent progressivement.
Auparavant, nous travaillions par silo et par spécialité. Or le département représente un échelon plus pertinent : les médecins apprennent à se connaître et constituent des réseaux utiles. Toutefois, la revalorisation des visites à domicile et des gardes de nuit est indispensable et elle ne doit pas être limitée à quelques centimes d'euros.
Nous devons mieux négocier le tournant de la médecine ambulatoire, dont chacun reconnaît l'intérêt. Quelque 8,4 millions de personnes âgées de plus de 75 ans auront cependant besoin de lits d'hospitalisation polyvalents.
Dr Patrick Pelloux. - Depuis les commissions d'enquête sur le covid-19, le nombre de lits en réanimation, essentiel pour prendre en charge les patients arrivant aux urgences dans un état grave, n'a pas augmenté, contrairement aux engagements du Gouvernement. Certes, le ministre de la santé a récemment annoncé la création de 1 500 à 2 000 lits de réanimation, mais encore faut-il des médecins ! Or des combats acharnés ont cours entre des universitaires sur la possibilité de former 100 médecins-réanimateurs chaque année, contre 76 actuellement. En tout état de cause, je pense que 150 médecins spécialistes seraient nécessaires. Sans l'apport des praticiens étrangers, notre système s'effondrerait.
Les urgences font partie de la permanence des soins. Tous les malades se présentant aux urgences ne s'inscrivent pas dans une démarche de soins consumériste : il est illusoire de croire qu'on pourrait les diriger facilement vers d'autres services.
La télémédecine représente sans doute un progrès, mais comment établir un diagnostic sans examiner les malades ? Prenons garde à ne pas développer une médecine à deux vitesses avec, d'une part, les gens aisés capables de s'offrir une consultation, et, d'autre part, les personnes plus modestes, qui devront se contenter de la télémédecine et des infirmiers en pratique avancée. C'est un danger majeur. Nous ne devons pas nous tromper dans les solutions à apporter aux problèmes des urgences, qui, in fine, ne feraient qu'aggraver les maux de l'ensemble du système.
Mme Laurence Cohen. - Les problèmes liés à la permanence des soins sont tous imbriqués : il est impossible de traiter séparément les problèmes de l'hôpital, des urgences et de la médecine de ville. Je fais mienne la mise en garde du Dr Pelloux : certaines solutions pourraient en fait aggraver les choses.
Il faut bien sûr revaloriser les visites à domicile et le travail de nuit.
J'ai récemment échangé avec le Dr Maurice Raphaël, qui exerce aux urgences de l'hôpital du Kremlin-Bicêtre, dans mon département. Ce dernier m'a expliqué avoir dû annuler ses vacances pour effectuer des gardes à l'hôpital. Je comprends mal la différence de traitement entre les praticiens hospitaliers et les médecins de ville, dont on se demande encore s'ils doivent faire des gardes. Je suis favorable à la suppression du décret Mattei : les difficultés et les obligations doivent reposer sur tous les médecins, et pas seulement sur une poignée de professionnels.
Si l'on veut poursuivre le développement du virage ambulatoire, le nombre de personnels paramédicaux doit être fortement développé afin d'accompagner les patients à leur sortie de l'hôpital.
Les centres de santé jouent aussi un rôle important dans la permanence des soins. Ils sont susceptibles d'attirer les jeunes professionnels, qui aspirent à travailler en équipe et à pratiquer des horaires de travail convenables.
Mme Véronique Guillotin. - J'ai moi-même exercé la médecine à une époque où les médecins participaient à la permanence des soins et effectuaient des visites à domicile, même la nuit. Tout n'était pas parfait : certaines visites de nuit étaient, par exemple, injustifiées. Le filtrage téléphonique et la coordination qui ont été instaurés depuis lors vont dans le bon sens.
Toutefois, les visites à domicile doivent être sanctuarisées. Comment donner l'envie aux jeunes médecins de les pratiquer de nouveau ? Le problème restera entier tant que ceux-ci seront aussi peu nombreux : il est impossible de se rendre au domicile des patients quand les médecins pratiquent déjà 50 actes à leur cabinet. Le renforcement de l'attractivité passe sans doute par une revalorisation des actes : selon vous, quel serait un tarif attractif pour les visites à domicile et les visites de nuit ?
La télémédecine représente un outil moderne pour les médecins faisant partie d'équipes coordonnées. Si elle peut être utile dans certains cas précis, elle ne saurait remplacer systématiquement le contact avec les patients.
Ne faisons-nous pas face à un problème de formation ? Hormis le manque de médecins, quelles sont les causes d'un tel changement dans les pratiques de la médecine de ville ? Des modules spécifiques de formation pourraient être créés pour redonner le goût de la médecine de famille.
M. Bernard Jomier, président. - Avant de vous rendre la parole pour que vous puissiez répondre à nos collègues, je remarque que vous aboutissez largement à la même analyse, malgré quelques différences d'appréciation. Le manque de médecins est la question essentielle. Les nouvelles stratégies d'organisation seront toujours mises en échec par cette pénurie.
De plus, vous plaidez tous pour une revalorisation de la permanence des soins ambulatoires (PDSA), des gardes et des visites à domicile.
Enfin, la question de la coordination des acteurs reste entière. Pourquoi les SAS rencontreraient-ils plus de succès que les tentatives précédentes ? Un changement de culture est-il réellement à l'oeuvre ?
Dr Serge Smadja. - Je suis réservé sur le retour à l'obligation des gardes pour les médecins libéraux. Il faut non pas créer des obligations, mais renforcer l'attractivité du métier et donner envie aux jeunes médecins de s'engager.
Dr Patrick Pelloux. - À l'hôpital, les médecins doivent assumer de nombreuses obligations.
Dr Serge Smadja. - Je reconnais qu'il s'agit peut-être là d'une forme d'injustice : l'attractivité de l'hôpital doit être renforcée. Chacun connaît les difficultés - voire les drames - auxquelles doivent faire face les médecins des urgences.
Toutefois, introduire des obligations est incompatible avec l'exercice de la médecine libérale, même si je comprends l'intérêt porté à ces propositions. Il en va de même pour la liberté d'installation des médecins et pour l'obligation d'installation dans les zones sous-dotées. Ce sont des sujets difficiles.
Il est délicat de définir la valeur pécuniaire d'une visite à domicile. Il convient plutôt de réfléchir à l'équilibre des rémunérations. Le soir et le week-end, la différence entre une visite à domicile et une consultation dans une maison médicale de garde est de 3,50 euros seulement. De même, dans la journée, le montant d'une visite à domicile est de 35 euros, contre 25 euros pour un acte simple au cabinet. C'est le déplacement du médecin qui doit être majoré.
Dr Patrick Pelloux. - Je suis favorable à la réintroduction des gardes pour les médecins de ville, à condition que celle-ci s'accompagne d'un contrat d'objectifs et de moyens. La population ne comprend pas cette désorganisation et cette inégalité prévalant non seulement dans certaines zones rurales, mais aussi dans les villes, à l'image de la Seine-Saint-Denis.
Des obligations statutaires s'imposent aux praticiens hospitaliers : même si c'est parfois difficile à vivre, je n'en suis pas malheureux.
Les revalorisations sont nécessaires. Pour une garde, le praticien hospitalier gagne 200 euros de moins qu'un universitaire. Cette situation, qui perdure depuis des années, est anormale.
En outre, pourquoi les médecins libéraux et les infirmiers bénéficient-ils d'une défiscalisation plus importante de leur rémunération issue des permanences de soins que les praticiens hospitaliers ? Cet avantage, obtenu par Roselyne Bachelot lorsqu'elle était ministre de la santé, avait ensuite été oublié. Nous devons revenir à une culture de l'égalité, ce qui suppose de remettre à plat le système, en examinant les rémunérations de tous les acteurs.
Madame Guillotin, vous avez évoqué à juste titre la question de la formation. À cet égard, je ne suis pas d'accord avec la position des doyens et des universitaires : les internes et les externes doivent pouvoir être formés non pas uniquement dans les centres hospitalo-universitaires (CHU), mais aussi dans les hôpitaux généraux. Soutenir que nous ne pourrions pas former davantage d'étudiants en médecine en France au motif que les CHU et les centres de stage seraient en nombre insuffisant est une aberration. On marche sur la tête : la ville d'Orléans vient de signer un protocole d'accord avec la faculté de médecine de Zagreb, en Croatie, pour engager une coopération de formation d'étudiants, à Orléans.
Il est extrêmement difficile de coordonner les actions, tant les systèmes vivent en autonomie totale depuis des années. Je me réjouirais du succès des formules de coopération ; cependant, je n'ai toujours pas compris qui dirigeait les SAS. À l'hôpital, il convient d'abandonner la culture des pôles, issue de la vision de l'hôpital-entreprise, et de revenir à la cellule structurelle du monde hospitalier : les services.
Mme Catherine Deroche, rapporteure. - L'audition des doyens des facultés de médecine de Tours et de Reims a montré que la situation évoluait peu à peu : certains doyens envisagent la formation en dehors des CHU.
Dr Patrick Pelloux. - Pas tous !
M. Bernard Jomier, président. - La situation parisienne n'est d'ailleurs pas le meilleur exemple en la matière.
Dr Olivier Richard. - Les centres de santé peuvent représenter une solution aux problèmes évoqués : il ne faut fermer aucune porte.
Les urgences sont en situation de souffrance, car elles souvent submergées par des flux incontrôlables. Or on ne peut pas fermer la porte des urgences : il faut donc prévoir leur organisation non pas au vu de leur activité moyenne, mais en fonction de leur pic d'activité - nous devons être en mesure de répondre à 90 % des situations. Les ratios de soignants par nombre de malades doivent être revus et les effectifs adaptés aux besoins.
Les revalorisations sont certes importantes, mais les questions financières ne sont pas le seul problème de l'hôpital. La revalorisation passe aussi par une meilleure qualité de vie au travail : parfois, les aides-soignantes demandent la création d'un poste supplémentaire, afin qu'elles puissent accomplir correctement leurs tâches. C'est le coeur de la mission de service public : les organisations doivent être repensées afin d'offrir un soin de qualité, empreint d'humanité.
M. Bernard Jomier, président. - Tous les personnels que nous avons entendus ont exprimé le même souhait : retrouver du sens à leur métier en regagnant de la qualité au travail.
Dr Olivier Richard. - La situation est extrêmement critique. Il faut réenchanter l'hôpital public, afin que ceux qui y travaillent ne souhaitent pas en partir et - soyons fous ! - que ceux qui l'ont quitté reviennent y travailler avec plaisir.
Dr Patrick Pelloux. - En 2008, la commission pour la libération de la croissance française, présidée par Jacques Attali, et dont le rapporteur était Emmanuel Macron, voyait dans le secteur médico-social un gisement d'emplois. Rien n'a été fait depuis.
Malgré des revalorisations salariales importantes, quelque 1 200 postes d'infirmières sont à pourvoir au sein de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP). La situation est similaire dans tout le pays.
Nous faisons face à une spirale sociale infernale : plus les effectifs sont réduits, plus les défections sont à prévoir. Des stratégies salariales et un accompagnement quotidien sont nécessaires. Quelques hôpitaux ont créé un service de conciergerie pour leur personnel ; ces initiatives, très innovantes, doivent être reproduites. Sans cela, les situations que nous connaissons aujourd'hui se multiplieront. Aujourd'hui, en France, des services d'urgences et des Smur ferment chaque soir par manque de personnel : c'est profondément inégalitaire et scandaleux !
M. Bernard Jomier, président. - Je vous remercie pour votre contribution aux travaux de notre commission d'enquête.
La réunion est close à 18 h 30.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
Mercredi 16 février 2022
- Présidence de M. Bernard Jomier, président -
La réunion est ouverte à 16 h 30.
Audition de M. Thomas Fatôme, directeur général de la caisse nationale d'assurance maladie
M. Bernard Jomier, président. - Mes chers collègues, nous reprenons nos travaux en recevant cet après-midi Monsieur Thomas Fatôme, directeur général de la Caisse nationale d'assurance maladie (Cnam).
On associe souvent le rôle de l'assurance maladie à la médecine de ville, puisque l'hôpital relève de la DGOS et des ARS. Il n'en reste pas moins que l'assurance maladie est malgré tout le financeur numéro 1, et de loin, de l'activité hospitalière, même si ce financement est globalisé.
Par ailleurs, l'assurance maladie contrôle, en lien avec les ARS, le codage et la facturation effectués par les établissements.
Une raison supplémentaire de vous entendre, Monsieur le directeur général, porte sur le fait que les difficultés de l'hôpital sont également liées - nous l'avons vu depuis les travaux de cette commission d'enquête -, à des dysfonctionnements ou des défauts d'organisation globaux de notre système de santé. Il est loin le temps où l'assurance maladie n'était que le payeur. Elle est à présent un des principaux organisateurs de notre système de santé, au travers de ses différentes actions, que ce soit en termes d'amélioration de l'accès aux soins, de l'organisation des parcours et de l'optimisation des moyens, par une recherche de la qualité des prises en charge.
Cette audition est, comme d'habitude, diffusée en direct sur le site internet du Sénat. Elle fera l'objet d'un compte rendu qui sera publié.
Avant de passer la parole à notre rapporteure, Catherine Deroche, je dois vous rappeler, Monsieur le directeur général, que vous êtes devant une commission d'enquête et qu'un faux témoignage est passible des peines prévues aux articles 434-13, 434-14 et 434-15 du code pénal. Je vous invite donc à prêter serment de dire toute la vérité, rien que la vérité, en levant la main droite et en disant je le jure.
Conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête, M. Thomas Fatôme prête serment.
Mme Catherine Deroche, rapporteure. - Merci Monsieur le directeur général de votre présence à cette audition. Comme l'a dit le Président, vous avez un regard global sur le fonctionnement de notre système de santé, qui est très largement financé par l'assurance maladie, plus encore s'agissant des soins hospitaliers que des soins de ville.
Nous souhaitons donc connaître votre analyse sur la situation actuelle du système hospitalier et les facteurs de tension, propres à l'hôpital ou liés plus globalement au système de santé, qui affectent la prise en charge des patients et le fonctionnement des établissements.
Nous évoquons très largement, depuis le début de nos travaux, les interactions entre la ville et l'hôpital. Lundi encore, à propos des urgences et des soins non programmés, nous évoquions l'importance de la visite à domicile, notamment pour les personnes âgées.
L'organisation de la permanence des soins, la prise en charge des soins non programmés, l'optimisation des parcours, en amont de l'hôpital ou au retour à domicile, la pertinence des soins, sont autant de sujets qui sont en lien avec les difficultés de l'hôpital.
Enfin, beaucoup de nos interlocuteurs appellent à refonder, à l'échelle territoriale, l'organisation des soins, en associant tous les acteurs autour d'une mission de service public garantissant aux populations une prise en charge adaptée, avec des variations dans ce que l'on entend par cette mission de service public à l'échelle territoriale.
Ce sont les différents sujets que nous souhaitons évoquer avec vous. Je compléterai par des questions, après vos propos.
M. Bernard Jomier, président. - Monsieur le directeur général, je vous propose de prendre la parole pour une dizaine de minutes environ, puis la rapporteure et nos collègues pourront vous interroger.
M. Thomas Fatôme, directeur général de la Caisse nationale d'assurance maladie. - Merci Monsieur le Président. Je suis accompagné de Julie Pougheon, directrice de l'offre de soins à la Caisse nationale d'assurance maladie.
Vous avez d'emblée rappelé ce que je voulais indiquer en introduction. L'assurance maladie est effectivement le principal financeur des établissements de santé, quel que soit leur statut. Près de 80 % des recettes de ces établissements proviennent de l'assurance maladie obligatoire ce qui, en effet, lui confère un rôle de payeur. Cela implique une mobilisation souvent méconnue et des travaux lourds de gestion des systèmes d'information, des systèmes de facturation et des paiements des établissements de santé.
Derrière ce rôle de payeur, vous l'avez évoqué, Monsieur le Président, on trouve aussi celui de contrôleur de la tarification à l'activité. Près de 100 000 séjours font l'objet de contrôles chaque année. Cet exercice a toutefois été assez largement suspendu depuis la crise sanitaire, pour des raisons que l'on peut comprendre aisément, a fortiori avec la garantie de financement appliquée pour 2020, 2021 et le début de l'année 2022.
Au-delà de son rôle de payeur, l'assurance maladie tâche à la fois de structurer les soins de ville. Elle s'efforce aussi d'être un acteur de parcours de soins efficaces, en amont et à la sortie de l'hôpital. Enfin, elle oeuvre à promouvoir la qualité et la pertinence des actes, sans oublier un rôle important qui consiste à fournir des analyses et des travaux, pour participer à la compréhension des évolutions de notre système de santé. C'est notamment ce que nous faisons chaque année dans notre rapport « charges et produits » sur l'évolution du système de santé.
Je ne m'attarderai pas sur une analyse approfondie de la situation de l'hôpital. Sur une longue période, il est confronté à des évolutions assez largement contradictoires, avec d'un côté le vieillissement de la population et l'impact des maladies chroniques, qui rendent le recours à l'hôpital plus important, et de l'autre des évolutions technologiques et un virage ambulatoire qui, au contraire, réduisent les durées de séjour et diminuent également le nombre de lits.
En comparaison avec les autres pays européens, nous ne sommes pas extrêmement décalés. Nous comptons globalement plus de lits que la moyenne des pays, notamment de l'OCDE, mais un peu moins de personnel soignant par lit, et on voit, comme dans d'autres pays, à la fois une réduction globale du nombre de lits et une réduction des durées de séjour, qui s'expliquent assez largement par les progrès technologiques.
Nous connaissons aussi, bien évidemment, certaines spécificités, notamment en termes d'organisation, avec les trois secteurs du public, du privé lucratif et du privé non lucratif, qui cohabitent, parfois dans des logiques complémentaires et parfois dans des logiques de compétition, mais toujours sur la base d'un financement très largement couvert par l'assurance maladie obligatoire et par les complémentaires santé.
J'essaierai de partager quatre enjeux que je perçois aujourd'hui. Les trois derniers sont liés à des actions que l'assurance maladie engage sur les thématiques que j'ai déjà quelque peu évoquées.
Le principal enjeu tourne autour des problématiques d'attractivité, notamment en matière de ressources humaines de l'hôpital, et de capacités financières à investir. De ce point de vue, et même si nous ne sommes que le financeur, je relèverai tout de même le caractère historique des décisions prises dans le cadre du Ségur de la santé. J'utilise le terme volontairement, puisqu'il y a peu de points de comparaisons dans le système de santé, et même au-delà, d'un tel mouvement à la fois de revalorisation des personnels, de soutien à la restauration de la capacité financière des établissements de santé et de soutien de leurs investissements.
Vous connaissez les chiffres. Je propose de ne pas y revenir dans le détail, avec près de 9 milliards d'euros sur les revalorisations de personnels, près de 19 milliards d'euros sur le plan d'investissement, même si ces deux enveloppes n'obéissent pas du tout à la même logique et à la même temporalité. En tout cas, en tant que financeur, je peux témoigner d'un investissement absolument considérable, pour répondre aux différents défis.
Les effets de ces mesures mettront sans doute du temps à se mesurer et je perçois qu'on les oublie parfois un peu vite ou, en tous cas, qu'on ne mesure peut-être pas suffisamment à quel point elles sont massives et doivent permettre aux établissements de restaurer progressivement leur attractivité en termes de ressources humaines et d'investir pour le présent et pour l'avenir.
J'en arrive à présent aux chantiers sur lesquels l'assurance maladie est plus directement impliquée. En tant qu'opérateur, nous essayons d'être un acteur qui pousse à la structuration des soins de ville et à renforcer leur capacité à traiter plus de patients, en amont comme en aval de l'hôpital. Nous soutenons l'exercice coordonné (maisons de santé pluriprofessionnelles - MSP, centres de santé, équipes de soins coordonnés, etc.) et la dynamique des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS). Elles sont plus de 240 à avoir signé l'accord conventionnel interprofessionnel avec l'assurance maladie et couvrent près de 30 % de la population. Il en va de même avec l'accord sur les MSP et l'accord sur les centres de santé, dont la signature devrait être imminente et qui participe du renforcement de la capacité des soins de ville à s'organiser et à prendre en charge plus de patients.
Le second volet de cette action porte sur les soins non programmés et la permanence des soins, où nous intervenons en pilotage partagé avec nos collègues du ministère des solidarités et de la santé et, sur le terrain, entre le réseau de l'assurance maladie et les agences régionales de santé. Au-delà, on trouve bien évidemment la mise en place du service d'accès aux soins, dont nous avons défini avec les médecins libéraux, au travers de l'avenant n° 9, les conditions de financement, qu'il s'agisse de la régulation ou de l'effection. C'est ce cadre financier qui permet au SAS de se déployer sur le terrain même si, bien évidemment, tout n'est pas évident.
Par ailleurs, même si le sujet est davantage à la main des agences régionales de santé et du ministère, nous sommes également partenaires de la permanence des soins ambulatoires (PDSA). La revalorisation des tarifs de la permanence des soins ambulatoires, intervenue il y a quelques semaines, se traduit par une augmentation des forfaits de près de 20 %. Je pense que cette revalorisation adresse un signal fort d'attractivité et en tout cas de soutien aux médecins mobilisés par la permanence des soins.
Le troisième volet de la structuration des soins de ville vise à augmenter le temps médical disponible et à éviter des bascules vers les services d'urgence non justifiées. C'est à ce niveau que l'on retrouve le programme d'action sur les assistants médicaux. Nous avons comptabilisé à ce jour plus de 2 700 assistants médicaux employés par les médecins libéraux, avec l'équivalent d'une file active augmentée d'un million de patients et de près de 500 000 pour les médecins traitants. Il s'agit là bien évidemment de la mesure principale, mais il ne faut pas non plus oublier tout ce qui a trait à la structuration des équipes de soins autour des médecins, comme le rôle des infirmiers Asalée (actions de santé libérale en équipe) ou celui des infirmiers de pratique avancée. Dans le même temps, il s'agit aussi de favoriser un certain nombre de délégations de tâches, ce qui nous amène notamment à négocier actuellement une nouvelle convention avec les pharmaciens, qui devrait les mettre en capacité d'assurer par exemple les rappels de vaccination, le dépistage du cancer colorectal et d'autres éléments du parcours de soins, comme la prévention des infections urinaires. Il s'agit de faciliter l'accès aux soins, de renforcer le temps médical et donc de mettre davantage les médecins libéraux en situation de prendre en charge des patients, et de diminuer les recours injustifiés à l'hôpital et aux urgences.
En complément de l'accompagnement et de la structuration des soins de ville, nous menons une action autour des parcours de soins. J'ai deux éléments majeurs à citer de notre côté. Le premier renvoie à tout ce qui touche aux programmes Prado d'accompagnement de la sortie de l'hôpital. Comme vous le savez, ces programmes se sont d'abord construits autour de l'accompagnement des femmes en sortie de maternité, organisé avec des sages-femmes libérales. Ce programme a assez profondément changé le rôle des sages-femmes libérales, augmenté leur nombre et solvabilisé leurs actions. En 2019, avant la crise, il a permis un accompagnement de sortie de l'hôpital de près de 400 000 femmes, ce qui est assez considérable. Il se déploie aujourd'hui sur d'autres types de prise en charge, notamment les sorties post-épisodes chirurgicaux, les sorties en cas d'insuffisance cardiaque ou en cas de bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO). Il s'agit pour nous d'être un acteur qui facilite la sortie d'hôpital et la mise en relation entre l'hôpital, la médecine de ville et les acteurs des soins de ville. Un certain nombre de ces programmes a trouvé leur vitesse de croisière, même s'il faut continuer à les faire évoluer.
Derrière cela, on retrouve aussi notre ambition plus large d'essayer de structurer les parcours de soins, pas seulement en sortie d'hôpital, mais aussi en amont. Nous en avons fait état dans notre rapport « charges et produits » pour 2022, autour de l'insuffisance cardiaque. Nous commençons à construire des outils pour mettre les médecins généralistes en situation de mieux accompagner les patients susceptibles d'être victimes d'insuffisance cardiaque. Nous construisons de surcroît des outils tout au long de la chaîne et de ce parcours, puisque nous voyons à quel point nous pouvons faciliter le parcours de soins, en matière de prévention comme en matière d'accompagnement. Nous pouvons sans doute mieux organiser le recours à l'hôpital, éviter les hospitalisations injustifiées et organiser la sortie.
Le troisième axe d'action de l'assurance maladie concerne la qualité et la pertinence des soins. J'évoquerai simplement différents leviers et outils, d'abord des outils d'ouverture de données et de mise à disposition des structures de soin de leur situation et de leur « performance », même si le terme n'est pas sans doute le meilleur. Je ne prendrai qu'un exemple. Comme vous le savez, nous sommes engagés sur le développement de la chirurgie ambulatoire. Cette activité répond à la fois à une attente des patients et des établissements de santé. Depuis deux ou trois ans, nous avons développé un outil appelé Visuchir, outil de data visualisation extrêmement performant de mise à disposition des établissements. Il fournit en open data aux professionnels des éléments sur leur taux de chirurgie ambulatoire, ainsi que des comparaisons par rapport à d'autres spécialités comparables ou à d'autres établissements comparables, entre départements ou entre régions. Nous tenons à développer cet outil, qui est assez largement plébiscité par les professionnels de santé exerçant ces activités.
Au-delà de l'utilisation des datas, nous soutenons le financement la qualité des soins, dans le cadre de la montée en charge de l'incitation financière pour l'amélioration de la qualité (Ifaq). Nous pensons que la diversification des modes de financement de l'hôpital, avec notamment la montée en charge des financements à la qualité, est un sujet important. Nous travaillons, en lien extrêmement étroit avec la DGOS, sur le devenir de ces indicateurs, leur enrichissement et le renforcement de leur caractère opérationnel.
Toujours autour des sujets de qualité et de pertinence des soins, j'évoquerai les dispositifs liés aux mécanismes d'accord préalable, que nous avons mis en place sur un certain nombre de prises en charge. Je citerai l'exemple très parlant de la chirurgie bariatrique, dans lequel notre pays connaissait depuis plusieurs années une augmentation extrêmement significative et même exponentielle. Nous avons mis en place cet outil d'accord préalable dématérialisé de la chirurgie bariatrique. Il a permis, je le crois, de s'assurer que les indications de réalisation de cette chirurgie et de prise en charge étaient mieux respectées. Cet outil s'applique également pour des orientations en SSR qui peuvent être injustifiées, même si cela pose souvent des sujets importants de système d'information. Ce type de démarche participe du soutien à la pertinence et à la qualité des soins.
Le dernier élément sur ce volet porte sur le contrat d'amélioration pour la qualité et l'efficience des soins (Caqes), contrat tripartite entre l'ARS, l'assurance maladie et l'établissement, qui évolue dans sa forme. Ainsi, il vise cette année à permettre un engagement partagé sur un certain nombre de thématiques, nationales ou régionales, autour de la prescription de produits de santé, de la prescription de transports et d'un certain nombre d'actes exécutés à l'hôpital, avec une forme d'intéressement qu'il nous semble intéressant de promouvoir, même si les exercices 2020 et 2021 ont été largement mis de côté, compte tenu des impacts de la crise.
Pour illustrer la mobilisation de l'assurance maladie sur les sujets qui touchent à l'hôpital ou, en tout cas, qui participent de cette prise en charge de parcours plus efficaces, je terminerai par citer le numérique en santé. Ce sujet est complètement d'actualité, puisque nous avons lancé le 3 février, sous l'égide du ministre, Mon espace santé. Cet espace vise à consolider, au sein d'un espace sécurisé numérique de santé, l'ensemble des données du parcours de soin du patient, à sa main. Il lui appartiendra évidemment de décider de partager ces données avec les différents professionnels de santé, en ville et à l'hôpital. Derrière ce projet, on retrouve évidemment la feuille de route du Ségur du numérique en santé, qui vise à assurer le partage d'informations entre acteurs de ville et d'hôpital, avec des financements importants (2 milliards d'euros). La communauté hospitalière est très engagée dans ces projets, qui doivent permettre d'assurer l'utilisation de la messagerie sécurisée et la diffusion des comptes rendus d'hospitalisation. La démarche devrait de surcroît participer à forger un parcours de soins plus fluide. Il s'agit en tout cas de l'un des objectifs que nous avons fixés à ce programme d'action.
Je termine ici mon propos introductif, en ayant le sentiment d'avoir seulement effleuré beaucoup de sujets qui touchent à l'action de l'assurance-maladie vis-à-vis de l'organisation des soins et de l'hôpital.
M. Bernard Jomier, président. - Merci Monsieur le directeur général. Madame la rapporteure, vous avez la parole.
Mme Catherine Deroche, rapporteure. - J'aimerais connaître votre appréciation sur le niveau de recours à l'hospitalisation en France. Quelle est son évolution dans le temps ? Avez-vous des comparaisons à nous fournir par rapport à d'autres pays ? Quelle est la caractéristique de la France sur ce point ?
Vous avez évoqué le programme Prado. La Cour des comptes a souligné le risque de redondance ou de mauvaise articulation avec d'autres initiatives. Où en est-on ?
Quelle est votre position sur la coexistence d'activités de l'hôpital public et du secteur privé lucratif ? Quelle est la complémentarité entre les deux ?
Vous avez évoqué les actions menées pour renforcer les prises en charge des soins non programmés. Vous avez noté l'amélioration des prises en charge pour la permanence des soins. Nous avons pris connaissance des travaux de Madame Polton sur les comparaisons avec l'étranger en matière d'attractivité dans les zones sous-denses. Comment pallier les déficits des zones sous-denses ? Il nous semble que les incitations doivent porter davantage sur l'installation que sur les gardes. De plus, il faut vraiment que les incitations financières soient très fortes, en évitant le saupoudrage. Qu'en est-il de votre action ?
Pouvez-vous nous dire combien d'assurés n'ont pas de médecin traitant déclaré ? Cela a souvent pour conséquence que ces personnes se tournent vers les espaces de soins non programmés des maisons médicales de garde ou directement vers l'hôpital.
S'agissant des assistants médicaux, ils apportent un gain de temps important pour les médecins libéraux. Nous sommes en deçà des autres pays européens sur ces dispositifs. Quel est le profil des assistants médicaux ? Selon vous, quel serait le nombre d'assistants nécessaires pour pallier la surcharge de travail, notamment celle des médecins traitants
Enfin, je voudrais évoquer l'Ondam hospitalier. N'a-t-il pas longtemps été décorrélé de l'évolution des besoins de soins ? La tarification ne correspond pas toujours au coût réel des prises en charge. La façon dont le tarif est fixé et son évolutivité restent assez floues. Quel est votre regard sur la T2A, quinze ans après sa mise en oeuvre ?
M. Thomas Fatôme. - S'agissant du niveau de recours à l'hôpital, je doute que la situation française affiche des spécificités majeures par rapport à nos voisins. Les comparaisons avec l'international doivent en outre être nuancées ou prises avec prudence, en particulier concernant l'imputation de telle ou telle organisation des soins sur la part hospitalière, sur les soins de ville ou sur le médicosocial.
Globalement, on observe une bascule assez forte, sur vingt ans, entre une hospitalisation complète qui voit son poids diminuer, et l'hospitalisation partielle, avec la chirurgie ambulatoire. C'est le premier point marquant.
Une réduction globale du nombre d'établissements et du nombre de lits s'observe aussi, en lien avec cette évolution structurelle, ainsi qu'une réduction de la durée moyenne de séjour. En France, elle était de 11,6 jours en 2004, pour passer à 8,8 jours en 2019. Cette évolution reste tout à fait comparable à ce qui se passe en Allemagne, en Italie, en Espagne ou au Royaume-Uni. Les mêmes phénomènes liés aux modalités de prise en charge s'observent.
L'un des éléments sans doute les plus préoccupants est l'augmentation continue du recours aux urgences qui, malgré différents dispositifs mis en place, a du mal à être régulée. Ces venues à l'hôpital ne sont pas toujours totalement justifiées par des urgences avérées. Ce phénomène reste bien évidemment compliqué à appréhender pour un usager ou un patient.
Vous m'interrogez en outre sur les éventuelles redondances entre le Prado et les programmes d'accompagnement à domicile. Je ne crois pas que nous soyons dans une configuration d'excès d'accompagnement des parcours de soins. La Cour des comptes a évidemment bien raison de s'inquiéter de risques de redondance, mais c'est moins un excès qu'une insuffisance globale d'accompagnement et de structuration de ces parcours que l'on observe. Je crois que la Cour des comptes a plus spécifiquement porté une interrogation sur l'intervention des branches retraite et maladie pour l'aide au retour à domicile après hospitalisation (ARDH). Nous avons intégré ce point dans nos programmes d'accompagnement. Dès lors, je ne crois pas qu'on puisse parler de redondance.
A mon avis, l'enjeu porte plutôt sur la structuration du côté de la ville, notamment au travers des CPTS. Sont-elles capables de prendre en charge une partie de ce parcours de soins et de cette sortie d'hôpital ? Si c'est le cas, tant mieux, même si l'objectif n'est pas que l'assurance-maladie abandonne ce dispositif d'accompagnement. Avec les CPTS, nous tenons seulement à ce que le parcours entre la ville et l'hôpital soit fluide et qu'il n'y ait plus besoin d'accompagnement en tant que tel. C'est l'un des objectifs que nous leur fixons et l'une des raisons pour lesquelles nous les finançons, y compris sur le sujet « parcours insuffisance cardiaque ». C'est plutôt à ce niveau qu'il nous faut agir collectivement, en déterminant comment nos programmes d'action Prado peuvent continuer à se déployer, comment ils peuvent céder la place un rôle accru des CPTS, dès lors qu'elles auront maillé le territoire, qu'elles se seront vraiment structurées en interne et qu'elles auront la capacité à faire. C'est dans cette optique que nous travaillons. Si nous réussissons, alors je pense que nous aurons oeuvré efficacement pour le parcours de soins des patients.
S'agissant du rôle respectif de l'hôpital public et du secteur privé, nous nous trouvons dans une situation où se mélangent complémentarité et concurrence, et je pense pour ma part que c'est assez fructueux. Nous ne sommes pas totalement dans la concurrence, parce qu'un certain nombre de champs d'action et d'intervention sont davantage en complémentarité qu'en concurrence. Pour autant, il existe parfois aussi une concurrence. Ce mix est assez sain. Nous perdrions beaucoup à faire des choix drastiques, dans un sens ou dans l'autre. Nous avons besoin de l'hôpital public, du secteur privé, comme du secteur privé non lucratif. Tous ont leur histoire et leur champ d'intervention prioritaire. Vous savez que le privé est évidemment plus impliqué sur le MCO et notamment la chirurgie ambulatoire que l'hôpital public. Je pense que ce mix d'interventions est à conserver, en essayant de favoriser les complémentarités. Nous avons vu dans la crise covid qu'elles étaient tout à fait possibles, lorsqu'elles étaient rendues nécessaires voire indispensables, et que les différents modes d'organisation coordonnée doivent être soutenus.
S'agissant de la permanence des soins ambulatoires, vous demandez si les dispositifs que nous avons arrêtés ou que le ministère a arrêté en lien avec nous, sont suffisants ou suffisamment attractifs. C'est évidemment une question délicate. Une hausse de 20 % des forfaits reste assez substantielle. Comme vous le savez, cette activité de permanence des soins reste jugée difficile et prenante par les médecins libéraux, qui n'ont pas souhaité se réinvestir massivement dans cette activité.
Peut-être avez-vous relevé une proposition des représentants des infirmiers libéraux. Il s'agirait que les médecins libéraux ne soient pas les seuls à se déclarer disponibles pour être acteurs de cette permanence des soins, mais aussi les équipes de soins et les infirmiers. C'est une idée à creuser. Il faudra analyser ce qu'elle signifie en termes de prise en charge, de délégation ou de responsabilités. Il me semble en tout cas que cette idée mérite d'être approfondie. Il est évident que nous devons continuer à investir, à la fois pour essayer de faire du service d'accès aux soins en journée une réalité. Nous en sommes encore à un niveau largement expérimental, puisque 22 projets de SAS se déploient actuellement. En tout cas, sans doute faut-il continuer à investir sur une permanence des soins plus efficace, pour diminuer les passages aux urgences. Pour répondre directement à votre question, je pense que c'est un travail qu'il nous faut encore approfondir au cours des prochains mois.
Sur les patients sans médecin traitant, j'ai deux chiffres à partager avec vous. 6 millions de patients n'ont pas de médecin traitant, sachant que 3 de ces 6 millions n'en ont pas du tout. Les 3 millions restant sont ceux dont le médecin traitant est en cessation d'activité. Ces deux chiffres doivent évidemment être pris avec beaucoup de sérieux. Nous actionnons deux leviers à ce sujet.
D'une part, il fait partie des missions prioritaires des CPTS. Derrière les financements de l'assurance maladie se trouve en effet l'idée que la CPTS doit inclure dans son programme d'action la façon d'accompagner les patients sans médecin traitant et de convaincre les médecins de devenir le médecin traitant de ces patients.
S'agissant des assistants médicaux, l'objectif vise précisément à permettre au médecin d'organiser son activité différemment et d'accepter davantage de patients dans sa patientèle, en tant que médecin traitant. Les 2 700 assistants médicaux recrutés permettent la possible inscription de 500 000 patients auprès d'un médecin traitant. Je crois donc que nous faisons oeuvre utile dans ce programme.
Les origines professionnelles des assistants médicaux sont variées. Ce sont parfois d'anciennes secrétaires médicales, parfois d'anciens professionnels de santé. Ils n'ont parfois pas de compétences particulières. Des obligations de formation vont de pair avec les programmes. Elles sont sans doute un peu lourdes par rapport au dispositif, ce qui explique peut-être une partie des freins que l'on rencontre encore. Il en existe deux autres, qui n'appellent d'ailleurs pas de réponse évidente. Le premier tient aux locaux. Nous avons lancé un sondage qualitatif pour savoir pourquoi les médecins n'ont pas recruté d'assistant médical. La première réponse était : « je n'ai pas le local adapté pour accueillir un assistant médical ». Le deuxième sujet, pour résumer, est la peur de l'embauche, si le recrutement ne fonctionne pas au bout de deux ou trois ans, etc. Ce sont des sujets sur lesquels nous souhaitons revenir avec les médecins lors de la négociation de la future convention médicale, au deuxième semestre 2022. Il est important de tirer le bilan de ce dispositif, sachant que les médecins qui ont fait ce choix en sont extrêmement satisfaits. Ils nous l'ont indiqué. Cela a changé leurs pratiques, en leur apportant un appui considérable. Nous aimerions désormais aller plus vite et plus loin dans le déploiement. Sur la cible de 4 000 assistants médicaux à la fin de l'année 2022, nous en sommes à 2 700 La crise a freiné le mouvement, notamment en 2020. A ce jour, nous enregistrons une cinquantaine de contrats par semaine. Sans doute pourrait-on aller plus loin vis-à-vis de certains médecins, notamment les spécialistes, je pense en particulier aux pédiatres, auprès desquels nous pourrions davantage valoriser cet apport, en le faisant connaître. Beaucoup de médecins ne connaissent pas encore cette possibilité.
S'agissant de l'Ondam hospitalier, il est difficile d'émettre une vision tout à fait définitive. Au cours de la décennie 2010-2019, l'Ondam hospitalier a évolué comme la richesse nationale, ou juste en dessous, ce qui peut témoigner d'une forme de contrainte budgétaire importante, tout en rappelant que l'assurance maladie connaissait en 2010 un déficit de l'ordre de 11 milliards d'euros, ce qui était très significatif, et qu'avant la crise, en 2019 et 2020, nous étions proches de l'équilibre. Il convient donc d'étudier cette décennie à l'aune de cette situation. Sans doute le curseur entre cette contrainte budgétaire et les conditions d'évolution de l'organisation interne de l'hôpital et de son lien avec la ville n'est pas totalement étranger aux tensions que nous connaissons aujourd'hui.
S'agissant de la tarification à l'activité, il est là aussi difficile de répondre de façon extrêmement simple. Je pense qu'un système de tarification de l'hôpital doit être en mesure d'appréhender les différentes activités d'un établissement de santé, de s'adapter à l'évolution de ses charges et de son activité, d'accompagner son dynamisme et de soutenir la qualité des soins. Il existe sans doute beaucoup d'autres items qui s'attachent à cette tarification. Néanmoins, dès lors qu'on arrive à répondre à ces trois préoccupations, je pense qu'on parvient à un système de tarification cohérent. De ce point de vue-là, il faut souligner que le poids de la T2A dans les financements hospitaliers est légèrement supérieur à 50 %, ce qui signifie qu'un peu moins de 50 % correspondent à autre chose que la T2A. Il est utile de le noter. Pour tous ceux qui se souviennent de la dotation globale, je ne suis pas sûr que ce fût un système extrêmement pertinent, y compris pour accompagner les différentes activités hospitalières, voire les hôpitaux les plus dynamiques. C'est donc bien au travers d'un mix de financements que l'on peut répondre aux différents défis. C'est ce que produit notre système aujourd'hui. C'est d'ailleurs ce qui est à l'oeuvre dans les réformes du financement qui sont mises en oeuvre cette année pour la psychiatrie et l'année prochaine pour le SSR, avec un mix de financements qui conjugue des dotations liées à une forme d'activité, à la population et à la qualité. C'est un tel financement, comptant différents leviers, qui répondra aux différentes exigences.
Je terminerai en soulignant que nous disposons d'un système de tarification à l'activité dont la nomenclature est extrêmement fine et assez notoirement plus détaillée que dans d'autres pays. C'est sans doute le génie français à l'oeuvre. Même si la situation n'est pas non plus simple du côté de la nomenclature des actes techniques pilotée par l'assurance maladie, nous avons pu partager avec un certain nombre d'experts le fait que la nomenclature française de la T2A restait tout de même extrêmement détaillée. Peut-être mériterait-elle d'être un peu simplifiée. C'est un chantier compliqué.
M. Bernard Jomier, président. - J'aimerais que nous allions plus loin sur cette question, même si vous avez en partie répondu à la rapporteure. Dans votre introduction, vous avez signalé que le vieillissement de la population faisait partie des facteurs qui poussent au développement de l'activité hospitalière, tout comme le développement des maladies chroniques. Sur cette question du financement de l'activité hospitalière, la nécessité d'un mix est assez largement partagée. En revanche, on entend assez largement le point de vue que le financement à l'activité est adapté pour certains types d'activités, mais qu'il mérite certainement d'évoluer pour les pathologies chroniques ou les parcours complexes. Partagez-vous aussi ce constat ? Si oui, est-ce que vous avez mené des réflexions sur le mode d'emploi à appliquer ? On entend souvent que ce financement n'est pas suffisant et pas adapté à ces situations, mais il reste à écrire le mode d'emploi permettant de le faire évoluer positivement.
Par ailleurs, vous avez dit que nous comptions dans notre pays moins de personnels soignants par lit que la moyenne de l'OCDE. Je voudrais recueillir votre avis sur une initiative lancée dans les hôpitaux d'un État australien, le Queensland, où il a été décidé de prévoir une infirmière pour six patients. Le nombre d'infirmières a été augmenté de façon très importante. L'embauche de 167 infirmières a coûté 33 millions de dollars australiens, mais l'évaluation de cette décision a montré que cela avait permis d'économiser 255 réadmissions et plus de 20 000 journées d'hospitalisation, soit l'équivalent de 67 millions de dollars australiens. L'économie globale s'élève à 34 millions au total, en embauchant massivement du personnel soignant dans les hôpitaux. Qu'est-ce que cela vous inspire ?
M. Thomas Fatôme. - En premier lieu, il est important de rappeler que le système n'est pas statique au niveau de ses modes de financement. Or il est en train de bouger assez profondément. En effet, des réformes du financement sont mises en oeuvre pour des champs importants de la prise en charge hospitalière, les soins de psychiatrie d'un côté et les soins de suite et de réadaptation de l'autre. Leur calendrier a dû s'adapter, compte tenu notamment de la crise ou de la complexité de transformer des modes de financement assez profondément, avec ce mix que j'évoquais entre des formes de rémunération qui permettent de prendre en compte l'activité d'établissement, une forme de dotation populationnelle et une forme de financement à la qualité. Je reste succinct à chaque fois. Ce n'est pas exactement la même chose dans ces différentes réformes. Je pourrai bien évidemment y revenir.
Nous participons techniquement à ces travaux, même s'ils sont pilotés par les équipes du ministère. Nous y participons dans l'ingénierie, éventuellement par des études d'impact et dans la mise en oeuvre en aval dans les systèmes d'information. Je pense que ces réformes traduisent bien une évolution des modes de financement de l'hôpital, adaptés aux différentes formes de prise en charge. La T2A paraît adaptée pour certaines activités classiques de MCO, moins pour d'autres activités- on pense aux soins palliatifs mais aussi à d'autres modes de prise en charge. C'est le premier point que je souhaitais citer.
En outre, deuxième point, l'assurance maladie est très investie avec les équipes du ministère dans ce que l'on appelle les expérimentations de l'article 51. Ces expérimentations recouvrent notamment des travaux assez lourds, en construction, sur une tarification à l'épisode de soins pour certaines prises en charge. C'est en particulier le cas en chirurgie (la chirurgie orthopédique et la chirurgie viscérale et digestive), pour construire un mode de financement qui englobe un épisode de soins. Ces travaux très lourds ont été conçus en plusieurs phases. Nous débutons la phase 2, avec une quarantaine d'établissements de santé qui ont commencé à s'engager en octobre 2021 sur un financement effectif à l'épisode de soins. Je crois que c'est assez prometteur comme mode de financement, car il tient mieux compte de ce qui se passe à l'hôpital et de ce qui se passe en ville, avec une appréciation plus adaptée des séquences de soins.
J'en arrive à votre exemple australien. Les comparaisons internationales doivent être étudiées avec beaucoup de prudence, parce que la façon de comptabiliser les éléments peut fortement fluctuer. Nous ne comptons pas nécessairement tous de la même façon le nombre de lits ou même ce qui caractérise l'hôpital ou ce qui caractérise le médico-social. Grosso modo, nous atteignons environ 6 lits pour 1 000 habitants, là où la très grande majorité des pays se situe plutôt entre 2 et 4. Seuls les Allemands et les Japonais sont très au-dessus. Un schéma exactement inverse s'applique ensuite sur le ratio des personnels par rapport au nombre de lits. Ceux qui ont beaucoup de lits ont un ratio de personnel par nombre de lits moins élevé, car les montants finissent par s'égaliser. La France compte ainsi environ 3 ETP par lit d'hospitalisation, là où nos amis belges ou nos amis canadiens en comptent beaucoup plus. De surcroît, il faudrait aussi étudier un peu plus finement l'historique de l'organisation des systèmes de soins. In fine, je ne saurais affirmer si l'exemple australien doit être suivi. Ce sont des sujets sur lesquels l'assurance maladie dispose de leviers et d'un champ d'action relativement limités. Tout ce que je peux me permettre de dire, c'est que le débat sur le nombre de lits est devenu assez compliqué dans notre pays. En réalité, n'oublions pas que s'il y a moins de lits qu'il y a vingt ans, c'est parce que nous avons fait des progrès techniques.
M. Bernard Jomier, président. - La Cnam dispose de capacités analytiques très importantes. Malgré toutes les limites aux comparaisons, sur lesquelles je vous rejoins, n'avez-vous pas mené d'analyses pour déterminer si augmenter le nombre de personnels soignants ne pouvait pas augmenter la qualité de la prise en charge, qui réduisait la durée d'hospitalisation et des réadmissions. Disposez-vous de données qui vont dans ce sens ?
M. Thomas Fatôme. - Nous disposons de très peu d'éléments sur le fonctionnement interne de l'hôpital, car nous ne les captons pas dans notre système d'information.
Mme Nadia Sollogoub. - Sur les assistants médicaux, j'ai eu un retour de médecins généralistes, qui me disent que les aides pour le financement de ces postes sont maintenues dans le temps sous condition que le nombre de patients augmente. Si on imagine que l'assistant médical permet de dégager plus de temps entre le médecin et son patient, cela ne signifie pas nécessairement qu'il peut prendre plus de patients. Pour ma part, j'habite dans un territoire rural où les médecins généralistes sont au taquet. Je pense qu'une difficulté se pose, parce qu'on a atteint une limite. Je crois que l'une des conditions posée est également de travailler en exercice coordonné, alors que les médecins qui exercent seuls pourraient bénéficier utilement d'un assistant médical.
Je suis élue lui dans le Nord de la Nièvre, sur le secteur de Clamecy. Un certain nombre de médecins généralistes ont émis une proposition pour la permanence des soins en journée, sachant que bien souvent les urgences ne fonctionnent pas dans notre hôpital de proximité, faute de praticiens. Il s'agit de s'organiser en journée pour proposer une permanence des soins, comme il en existe le soir et, chacun à leur tour, de libérer leur agenda et de se rendre disponible pour accueillir toutes les urgences que leurs collègues ne peuvent pas prendre, moyennant un forfait d'urgence. Ce système a donné lieu à une négociation de marchands de tapis avec le directeur général de l'ARS. Je comprends tout à fait. C'est le jeu de la négociation. Pour autant, il s'agit d'une proposition émanant d'un territoire, avec les moyens dont on dispose. Il faut l'écouter, parce que ces médecins ont vraiment besoin d'être entendus. Le directeur général de l'ARS a justement fait remarquer que cette proposition n'entrait pas dans le cadre négocié au niveau national. Néanmoins, les dispositions arrêtées avec les CPTS sont complexes, apparaissent comme des usines à gaz et semblent totalement illisibles sur le territoire. En revanche, si on explique clairement aux généralistes combien cela leur rapporte de se rendre disponibles une journée, alors ils sont prêts à s'engager. J'aimerais entendre votre retour à ce sujet.
Je rejoins en outre ce que disait Bernard Jomier. Il importe de tout mettre dans la balance. En effet, investir en personnels peut sembler cher, mais aussi apporter d'importantes économies en termes d'engorgement à l'hôpital.
Mme Laurence Cohen. -Autour de la table, nous sommes tous très attachés à la qualité des soins. C'est le sens de nos propositions et de nos questionnements.
Je voudrais vous interroger sur le montant versé pour les visites exécutées en téléconsultation. Lors de nos auditions, SOS Médecins nous a fait état de la situation dans les territoires, c'est-à-dire non seulement un déficit de généralistes, mais en outre le fait que les généralistes ont de plus en plus de difficultés à faire des visites à domicile, pour différentes raisons. Le représentant de SOS Médecins attirait notamment notre attention sur le fait que si les consultations en télémédecine, qui doivent bien évidemment être rémunérées, sont à un tarif trop alléchant, alors les visites à domicile risquent de ne pas se développer, car elles nécessitent beaucoup de temps et d'engagement. La Cnam a-t-elle déjà reçu des retours à ce sujet, qui est nouveau ? Avez-vous des données ?
Par ailleurs, concernant le temps d'hospitalisation, vous avez souligné qu'il était plus court, ce dont on ne peut que se réjouir, du fait des progrès de la médecine ou de la montée de l'ambulatoire. La Cnam dispose-t-elle de retours sur les réadmissions ? L'exemple australien que Bernard Jomier a cité montre bien que la prévention permet des économies à long terme. Or la France reste en retard à ce sujet.
Enfin, je tiens à creuser la piste ouverte par Catherine Deroche. Nous avons constaté qu'il y avait très peu de mécanismes de régulation des dépenses de médecine de ville et que l'Ondam hospitalier a été contraint et sous-exécuté, pour combler le déficit des dépenses de soins de ville. Pouvez-vous nous éclairer sur ce point ?
Mme Raymonde Poncet Monge. - Vous avez évoqué l'évolution de l'Ondam hospitalier de 2010 à 2019, en montrant qu'il avait suivi la richesse nationale, ce qui constituait certainement une contrainte réelle. Qu'en est-il de l'évolution de l'Ondam soins de ville ? Reliez-vous la sous-exécution de l'Ondam hospitalier, qui est tout de même un peu étonnante, au mécanisme de la T2A ? En effet, toute augmentation de l'activité est absorbée, dans le cadre de l'enveloppe fermée de l'Ondam, par la baisse de la valeur des tarifs, entraînant de façon un peu perverse une course à l'activité. Comment expliquez-vous la sous-exécution, depuis plusieurs années, de l'Ondam hospitalier, sinon sous l'hypothèse d'une compensation de ce que vous ne maîtrisez pas en termes de régulation, à savoir l'augmentation de l'Ondam soins de villeville qui, lui, est sur-exécuté ?
Bernard Jomier a souligné qu'il n'était question du nombre de lits, mais du nombre de personnes par lit. Vous avez indiqué que la situation française n'était pas exceptionnelle voire plutôt en dessous de la moyenne. Quand on réduit le nombre de lits et que l'hospitalisation partielle augmente, alors on se concentre sur le moment le plus consommateur de soins, juste avant la sortie de la personne. Ne pensez-vous pas que cela devrait augmenter le nombre de personnels par lit, non seulement parce que l'hospitalisation partielle nécessite beaucoup de logistique, mais aussi parce que ça génère un recentrage sur le moment le plus concentré en soins ? Face à cette baisse de lits, pour autant qu'elle soit totalement expliquée par l'ambulatoire et les progrès techniques, il aurait dû y avoir une augmentation tendancielle du nombre de soignants autour de ces lits.
Enfin, la question de la durée moyenne de séjour est valable pour la chirurgie mais pas vraiment et même pas du tout pour la médecine générale. Vous avez en outre évoqué la complémentarité entre le public et le privé, mais n'est-ce pas plutôt une segmentation, avec de nombreux actes réalisés dans le privé qui peuvent s'inscrire dans l'ambulatoire et la baisse des durées moyennes de séjour, alors que le public se concentre sur la médecine générale, qui n'a pas vraiment changé. Pensez-vous que les outils favorisent le privé lucratif, ou plutôt que le lucratif se coule dans les outils et segmente son activité ?
Je terminerai par l'exemple des soins critiques. Je m'étonnais dans l'une des auditions que les soins critiques étaient déficitaires, tant dans le public que dans le privé, et que le privé lucratif continuait à en faire. On m'a répondu que ce n'était pas gênant, car le privé lucratif va ensuite réaliser un acte chirurgical très lucratif. Cela leur permet de rebondir, alors que l'hôpital public rentre en médecine générale après les soins critiques et ne récupère rien du tout. Est-il normal que les deux soins critiques soient également valorisés ?
Mme Jocelyne Guidez. - Vous avez évoqué l'augmentation du recours aux urgences, sans entrer dans le détail. A l'heure actuelle, on construit de plus en plus de maisons médicales ou de maisons de santé, mais les médecins ne font pas de gardes. Comment éviter les urgences, surtout pour de la bobologie ?
Mme Catherine Deroche, rapporteure. - J'ai une dernière question. Elisabeth Hubert, présidente de la Fédération nationale des établissements d'hospitalisation à domicile (HAD), nous a indiqué que la HAD progressait mais doucement. Avez-vous des informations à ce sujet ?
M. Thomas Fatôme. - Je tâcherai d'apporter des éléments de réponse dans l'ordre, même si certains éléments se recoupent.
Dans l'avenant relatif aux assistants médicaux figure bien un engagement visant à ce que les médecins prennent en charge davantage de patients. Il s'agit à la fois de passer potentiellement un peu plus de temps avec certains patients, mais aussi d'assumer une patientèle plus importante. Honnêtement, les retours que nous avons reçus, tant quantitatifs que qualitatifs, témoignent que cela fonctionne. Ce n'est pas parce que nous sommes plus intelligents que les autres ou que nous avons inventé le système. C'est ce qui s'observe dans les autres pays dont les organisations reposent sur des cabinets dans lesquels les médecins comptent autour d'eux davantage de professionnels de santé ou des personnes qui ne sont pas loin d'être des professionnels de santé, pour accompagner leur pratique. Si l'assurance maladie finance cet appui, c'est à la fois par souci de qualité de prise en charge individuelle, mais aussi pour mettre le médecin en situation d'assumer une patientèle plus importante. Je crois que ce qui est devant nous, c'est une organisation des soins de ville, une organisation des cabinets de médecins de ville et une organisation des maisons de santé qui s'appuieront davantage sur une collaboration entre le médecin et les professionnels paramédicaux. C'est typiquement ce qu'on fait avec les psychologues, quand on prend en charge des soins de psychologie. C'est aussi pour aider le médecin traitant à prendre en charge des patients et ne pas le laisser seul. Je pense que c'est de plus en plus une équipe de soins qui se construit. Peut-être que le patient ne verra pas toujours le médecin ou qu'il le verra sur une durée plus courte, ce qui change un peu nos habitudes, du fait de prises en charge plus simples, assurées par d'autres professionnels de santé. C'est là le modèle des infirmières Asalée, un peu le modèle, d'une certaine manière, des IPA libérales, même s'il y a sûrement différents modèles d'IPA. Je propose que Madame Pougheon apporte un complément à ce sujet.
M. Bernard Jomier, président. - Veuillez prêter serment de dire toute la vérité et rien que la vérité. Levez la main droite et dites je le jure.
Conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête, Mme Julie Pougheon prête serment.
Mme Julie Pougheon, directrice de l'offre de soins de la caisse nationale de l'Assurance maladie. -S'agissant des conditions pour obtenir une aide pour l'embauche d'un assistant médical, nous sommes effectivement partis sur le principe que les médecins accompagnés étaient en exercice regroupé, avant même d'être en exercice coordonné. Ce n'est pas nécessairement un médecin isolé, mais plutôt un médecin en exercice regroupé. Il existe néanmoins un certain nombre de dérogations à cette règle, notamment dans les zones sous-denses, où elle ne s'applique pas. Là où il existe des problèmes de démographie médicale, nous avons levé cette exigence.
Par ailleurs, sur l'ensemble des autres zones, des dérogations existent si les médecins ne sont pas regroupés physiquement, c'est-à-dire s'ils n'ont pas un lieu d'exercice commun mais s'ils travaillent dans une logique de coordination, soit parce qu'ils ont des assistants partagés, parce qu'ils partagent le même dispositif de continuité des soins, ou parce qu'ils ont des lieux d'exercice qui sont proches.
La logique que nous essayons de pousser comme dynamique à travers nos différents dispositifs consiste à sortir les médecins de leur exercice isolé. Une fois cette condition remplie, ils doivent prendre l'engagement de s'inscrire dans une démarche d'exercice coordonné, qui n'est pas forcément en place au moment où ils bénéficient de l'aide, mais qui doit se concrétiser dans les deux ans. Là encore, nous appliquons une vision large de la notion d'exercice coordonné, puisque nous couvrons toutes les formes d'exercice coordonné, aussi bien les maisons de santé pluriprofessionnelles que les équipes de soins primaires ou spécialisés, que des formes plus locales, qui pourraient être reconnues par les commissions paritaires qui associent l'assurance maladie et les médecins.
Nous nous inscrivons donc dans une vision large, dans l'objectif de sortir le médecin d'une pratique isolée en cabinet, en continuant à les inciter à s'orienter vers la coordination des soins.
M. Thomas Fatôme. - S'agissant de la permanence des soins en journée, nous tâchons avec le SAS de faire ce que vous décrivez, à savoir proposer un numéro de téléphone disponible en journée pour assurer la régulation médicale. Ce numéro permet notamment aux gens qui n'ont pas de médecin traitant ou qui ne trouvent pas de rendez-vous avec leur médecin traitant de bénéficier d'un point d'appui. Cette régulation médicale permet de déterminer le niveau d'urgence et si une consultation médicale ou une visite est nécessaire, avant de déclencher une « effection », c'est-à-dire une prise de rendez-vous. C'est ce que nous voulons faire dans le cadre du SAS. C'est la raison pour laquelle nous finançons la régulation à hauteur de 90 euros de l'heure, qui est le tarif fixé dans l'avenant n° 9. Nous avons également prévu un financement à l'effection, avec à la fois des forfaits structures versés aux médecins et puis, si aucun rendez-vous n'est trouvé, une rémunération complémentaire de l'ordre de 15 euros, en simplifiant. C'est ce que les ARS essayent de déployer sur le terrain avec notre appui, et qui doit sûrement donner lieu à des adaptations territoriales, parce que cette problématique varie évidemment selon les départements.
Je précise que dans nos relations avec les CPTS, nous sommes assez souples. La CPTS reste libre d'appuyer l'organisation du SAS comme elle le souhaite, grâce aux financements de l'assurance maladie. Nous n'avons pas prescrit de modèle extrêmement précis. Nous tenons seulement à ce qu'il existe une articulation avec le SAS, sans compétition entre les organisations de soins non programmés, sinon l'assuré ne pourra pas s'y retrouver.
L'un de nos seuls points de vigilance es que nous voulons éviter de financer des formes d'astreinte ou de permanence de médecins qui « attendraient le malade ». Je caricature volontairement. Dans cette période difficile de démographie médicale, il est absurde de financer de telles périodes et de stériliser du temps médical, alors que nous avons besoin de temps médical disponible et qu'il s'agit de l'un des éléments que nous voulons pousser. C'est sur ce point que des discussions se tiennent parfois, quand les médecins libéraux demandent que nous rémunérions l'astreinte, y compris si le patient ne se présente pas. Dans la période actuelle, nous préférons les mises en commun d'information ou d'agendas, pour permettre à un régulateur de trouver des rendez-vous, plutôt que d'assigner des périodes d'astreinte à des médecins libéraux en journée. Cela ne nous semble en effet pas complètement adapté.
Madame Cohen, vous avez évoqué les sujets de téléconsultation. Il se trouve que l'avenant n° 9 a tiré les enseignements de la crise sanitaire en simplifiant un certain nombre de règles de prise en charge. La règle qui imposait de rencontrer physiquement la personne avant de pouvoir réaliser une téléconsultation a été supprimée. Les règles des zones sous-denses ont également été adaptées. Le tarif dépend ensuite du secteur d'activité des médecins. Si le médecin est en secteur 2, il peut faire une téléconsultation à son tarif de secteur 2. S'il est en secteur 1, elle sera réalisée au tarif secteur 1. Il faut être tout à fait clair. Les conditions d'exercice des professionnels ne changent pas.
De notre point de vue, la téléconsultation trouve progressivement sa place dans le parcours de soins, mais c'est encore très récent. Les téléconsultations représentent environ 5 % des consultations des médecins généralistes. Avant la crise, il y a deux ans elles représentaient moins de 0,5 %. Le taux reste faible mais n'est pas nul.
Mme Catherine Deroche, rapporteure. - Les critères n'étaient pas les mêmes.
M. Thomas Fatôme. - Les pratiques n'étaient pas les mêmes non plus, à la fois du côté des professionnels et des assurés. Il n'y avait pas de réelle connaissance de cette pratique.
Nous avons fixé un cadre conventionnel avec l'avenant n° 9, qui assouplit le dispositif, tout en fixant un certain nombre de critères de qualité. Nous préparons actuellement une charte de la qualité des téléconsultations avec les organisations syndicales, en lien avec le Conseil de l'ordre. Nous prévoyons aussi des verrous et des plafonds. Nous considérons ainsi qu'un médecin libéral ne peut pas réaliser plus de 20 % de son activité en téléconsultation. Nous pensons en effet qu'il faut conserver une part significative d'activité en présentiel, dans un fonctionnement équilibré.
Madame Cohen et Madame Poncet-Monge ont suggéré que l'absence de mécanisme de régulation sur la ville se répercutait de ce fait sur l'Ondam hospitalier. Le sujet est compliqué.
En premier lieu, il existe tout même des mécanismes de régulation, y compris a priori, des soins de ville. Les dispositifs tarifaires que l'assurance-maladie négocie avec les professionnels de santé libéraux n'interviennent ainsi qu'après un délai de six mois après leur signature, ce qui constitue généralement un délai compatible avec la construction de l'Ondam. Il a pu y avoir des périodes dans lesquelles des revalorisations non prises en compte pouvaient impacter l'Ondam. Ces périodes-là sont derrière nous, depuis maintenant un grand nombre d'années. Par ailleurs, si jamais le comité d'alerte était amené à intervenir pour faire état d'un risque de dépassement de l'Ondam supérieur au seuil d'alerte, alors les revalorisations seraient décalées.
Ensuite, il faudrait étudier finement dix années d'Ondam pour vérifier les raisons pour lesquelles les soins de ville sont allés plus vite et les soins hospitaliers sont allés moins vite que prévu. Sur un plan macroéconomique, les écarts restent tout de même minimes. En moyenne, l'Ondam hospitalier de la période 2010-2019 a atteint un taux de 2 % par an et l'Ondam de ville 2,3 % par an, dans un univers où, sur longue période, la bascule progressive des prises en charge de l'hôpital vers la ville est mécanique et naturelle. La réduction des durées de séjour fait qu'il y a davantage de transport sanitaire, davantage de prises en charge en ville, davantage de sages-femmes qui interviennent à la sortie de la maternité et davantage d'infirmiers qui interviennent à domicile, parce que les gens restent moins longtemps à l'hôpital. Cette bascule progressive d'un système hospitalier vers un système où la ville prend davantage de place est assez cohérente. C'est un mouvement que partagent tous les pays développés.
Cela rejoint ensuite la préoccupation de l'engagement que prend le Gouvernement vis-à-vis du Parlement lorsqu'il propose le vote d'un objectif de dépenses d'assurance maladie et les moyens qu'il se donne pour le faire respecter. Avant la crise, le respect de l'Ondam a longtemps été un objectif de crédibilité du Gouvernement sur le pilotage des dépenses d'assurance maladie. Cela ne me semble pas totalement anodin, quand on pense à la masse que représentent les dépenses d'assurance maladie dans le PIB et au regard des enjeux de finances publiques. C'est aussi à regarder à l'aune de ces critères.
Vous m'avez de surcroît interrogé, Madame Poncet-Monge, sur les évolutions du nombre de personnels par lit. Il est intéressant de l'étudier sur longue période. J'ai évoqué le nombre de trois ETP par lit actuellement. Il était de deux au début des années 2000. De fait, cette hausse de 50 % constitue une augmentation significative du nombre de personnels par lit.
Vous m'avez également interrogé sur les réhospitalisations. Cet indicateur est notamment suivi par l'ATIH. Les statistiques attestent d'une certaine forme de stabilité dans le poids des réhospitalisations dans l'activité de MCO. Pour notre part, nous avons fixé comme l'un des objectifs du parcours « insuffisance cardiaque » que j'ai évoqué, notamment dans l'organisation de la sortie d'hospitalisation des insuffisants cardiaques, d'éviter la réhospitalisation. C'est un point qui est bien documenté. La sortie d'hôpital d'un insuffisant cardiaque mal organisée, sans relais du médecin traitant ou d'un infirmier, est en effet un facteur important de réhospitalisation C'est donc l'un des objectifs du programme Prado insuffisance cardiaque.
S'agissant de la HAD, je crains de ne pas avoir de données détaillées sur ce sujet. Nous pourrions vous relayer ces éléments, si nous en avions.
Mme Julie Pougheon - Nous ne disposons effectivement pas de beaucoup de points de comparaison.
Nous savons que nous étions, en 2019 en France, à 6,3 % des hospitalisations de court ou moyen séjour qui correspondent à une HAD. En comparaison avec l'international, il apparaît que nous faisons partie des pays qui ont choisi de ne pas restreindre le champ d'intervention de la HAD, soit à certains territoires, soit à certaines pathologies, mais de l'ouvrir largement. C'est aussi le cas, sauf erreur, de l'Australie et de l'Espagne, alors que certains autres pays ont plutôt fait le choix de cibler la HAD sur certaines pathologies ou certains territoires. Nous affichons donc plutôt une politique favorable à la HAD, en comparaison avec les autres pays, mais nous ne disposons guère de données pour nous situer.
M. Bernard Jomier, président. - Il y a donc une politique favorable, mais un taux qui reste faible, malgré tout, en comparaison avec les autres pays. Peut-être existe-t-il des freins culturels ou au niveau de l'organisation. Je pense que c'était le sens de la question de la rapporteure.
Merci, Monsieur le directeur général, pour vos réponses.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
La réunion est close à 17 h 55.
Jeudi 17 février 2022
- Présidence de M. Bernard Jomier, président -
La réunion est ouverte à 10 h 30.
Audition de Mme Katia Julienne, directrice générale de l'offre de soins du ministère des solidarités et de la santé
M. Bernard Jomier, président. - Chers collègues, nous recevons ce matin Mme Katia Julienne, directrice générale de l'offre de soins au ministère des solidarités et de la santé.
Nous arrivons au terme des auditions de notre commission d'enquête - nous recevrons le ministre Mr Olivier Véran jeudi prochain - et nous avons entendu depuis le mois de décembre de nombreux acteurs du système de santé, hospitaliers ou non.
Ils nous ont livré leur appréciation sur les difficultés actuelles de l'hôpital et sur les facteurs - propres à l'hôpital ou parfois extérieurs - ayant conduit à de très fortes tensions que la crise sanitaire a bien entendu aggravées. Nous avons notamment évoqué la fragilisation des ressources humaines hospitalières, la question du mode de régulation budgétaire et de son adéquation à la fonction que remplit l'hôpital dans notre système de santé, à savoir répondre aux besoins des patients qui s'adressent à lui, bien souvent parce qu'il est le seul à pouvoir les prendre en charge. Nos interlocuteurs ont également largement souligné la nécessité, à l'échelle de chaque territoire, de véritablement coordonner la prise en charge des patients de sorte que le recours à l'hôpital soit plus pertinent et mieux préparé en amont et en aval.
Tous ces sujets sont évidemment au coeur de la responsabilité de la DGOS. Je vous remercie, Madame la directrice générale de votre présence aujourd'hui.
Cette audition est diffusée en direct sur le site Internet du Sénat. Elle fera l'objet d'un compte rendu publié.
Avant de passer la parole à notre rapporteure Catherine Deroche, je vous rappelle qu'un faux témoignage devant notre commission d'enquête est passible des peines prévues aux articles 434-13, 434-14 et 434-15 du Code pénal et je vous invite à prêter serment de dire toute la vérité, rien que la vérité, en levant la main droite et en disant : « je le jure ».
Conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête, Mme Katia Julienne prête serment.
M. Bernard Jomier, président. - Madame la rapporteure, vous avez la parole.
Mme Catherine Deroche, rapporteure. - Madame la directrice générale, comme l'a indiqué le président Bernard Jomier, toutes les problématiques liées au fonctionnement de l'hôpital et à son rôle dans notre système de soins ont été évoquées depuis le début des travaux de notre commission d'enquête.
À l'automne 2019, l'hôpital se trouvait dans une situation telle qu'un plan d'urgence était annoncé par le Gouvernement. La crise sanitaire a débuté quelques semaines plus tard. Depuis deux ans, l'hôpital a certes démontré sa résilience, mais les cinq vagues successives survenant dans une situation déjà tendue ont entraîné des conséquences profondes et sans doute durables. Bernard Jomier l'a évoqué, l'état des ressources humaines, médicales et surtout paramédicales est très préoccupant, avec des départs, des difficultés de recrutement, un impact sur les capacités hospitalières alors que les retards liés aux déprogrammations se sont accumulés. C'est un premier point sur lequel nous souhaitons vous entendre.
La crise a également mis en suspens la mécanique du financement de l'hôpital, que ce soit la régulation de l'Ondam hospitalier ou l'ajustement des tarifs. Mais il paraît difficile, une fois la crise surmontée, de revenir purement et simplement aux pratiques antérieures, sans tenir compte de la réalité des besoins de santé et de l'aspiration des équipes hospitalières à davantage d'autonomie. C'est un deuxième sujet de préoccupation.
Enfin, nous souhaitons également aborder avec vous les modalités concrètes d'amélioration des parcours, d'accès à des soins non programmés hors de l'hôpital et de coopération avec la médecine de ville. Beaucoup d'outils existent, mais le chantier paraît encore largement devant nous.
M. Bernard Jomier, président. - Madame la directrice générale, vous avez la parole. La rapporteure et nos collègues présents et à distance formuleront ensuite leurs questions.
Mme Katia Julienne, directrice générale de l'offre de soins au ministère des solidarités et de la santé. - Je vous remercie de m'accueillir dans le cadre de cette audition.
En 2019, avant la crise du covid, l'hôpital et le système de santé étaient déjà confrontés à trois types de difficultés.
La première concerne la nécessité d'adapter le système de santé à une évolution des besoins de santé de la population (vieillissement démographique, développement des pathologies chroniques), mais également au souhait légitime des patients d'être pris en charge de manière moins fréquente et moins durable au sein des établissements de santé et davantage à domicile. Cela implique de questionner la place de l'hôpital, des soins ambulatoires et du médico-social.
La deuxième difficulté, intrinsèque à l'hôpital, mise en exergue par le plan « investir pour l'hôpital » en 2019, renvoie à l'attractivité insuffisante du métier de soignants, au manque de reconnaissance pour les métiers du soin, à une vétusté des équipements avec leur impact sur les conditions de travail, et aux financements encore trop centrés sur l'activité.
Troisièmement, la crise du covid est intervenue. Je salue la résilience de notre système de santé, que nous devons en premier lieu à l'ensemble de nos professionnels, de santé mais pas seulement, qui y ont concouru. Si l'hôpital a été fortement impacté, l'ambulatoire et le médico-social ont également joué un rôle important. La crise a représenté un accélérateur d'évolution sur certains sujets (service d'accès aux soins - SAS - et télémédecine), mais a aussi exacerbé des tensions. Nous sommes en effet confrontés à trois enjeux majeurs.
La réorganisation de notre système de santé constitue le premier enjeu majeur. Nous avons besoin d'améliorer la fluidité des parcours, à travers le dispositif du SAS, qui permet de désengorger les urgences et de s'occuper des patients pour lesquels existent des besoins de prise en charge des soins non programmés. Le dispositif fait l'objet d'expérimentations sur dix-neuf sites pilotes. Je fonde beaucoup d'espoirs dans ce dispositif et dans son déploiement. Par ailleurs, la télémédecine a fortement évolué pendant la crise. Elle doit cependant être renforcée et prendre sa place sans pour autant se substituer aux visites à domicile et aux consultations. La télésurveillance constitue un autre enjeu pour la télémédecine, notamment pour certaines pathologies chroniques. Deux dispositifs complémentaires, les centres de santé et les maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP), permettent à des professionnels de choisir leur mode d'exercice - salarié ou libéral - et d'exercer en collectif et en ambulatoire. On compte plus de 2 000 maisons de santé. Cet effort pourra se poursuivre. De plus, les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) permettent de mieux structurer l'organisation en ambulatoire, en lien avec l'hôpital. Nous croyons également beaucoup dans le dispositif des contrats locaux de santé.
Le deuxième enjeu concerne l'attractivité pour les professionnels de santé. Premièrement, nous devons travailler à faire évoluer les compétences des professionnels. À titre d'exemple, les infirmiers en pratique avancée (IPA) sont encore insuffisants et ne sont présents que dans quelques secteurs d'activité. De toute évidence, le deuxième volet concerne la rémunération. Le Ségur a permis d'injecter des revalorisations salariales massives - près de 10 milliards d'euros - qui ont permis d'augmenter les salaires et de revaloriser les primes et les gardes. Troisièmement, la qualité de vie au travail et l'organisation interne de l'hôpital constituent des sujets plus complexes. Bien qu'un certain nombre de dispositions relèvent de l'encadrement juridique, les faits montrent que des évolutions d'organisations au sein des hôpitaux permettent tout aussi bien d'améliorer l'organisation interne de l'hôpital. Enfin, un volet très important concerne la démographie. Les estimations de l'observatoire national de la démographie des professions de santé (ONDPS) montrent que nous devons viser un objectif de progression des personnels médicaux de l'ordre de + 14 % en moyenne sur les cinq prochaines années. Nous devrons organiser notre système de santé en fonction et prendre en charge les soins des patients. L'enjeu démographique concerne également les paramédicaux, sur lesquels la crise a laissé des marques (difficultés de recrutement, abandon des instituts de formation en soins infirmiers - IFSI - par les étudiants). Certains ont quitté l'hôpital dans des proportions encore difficilement mesurables. Les établissements remontent de réelles difficultés.
Le troisième et dernier enjeu concerne les questions financières. La T2A (tarification à l'activité) occupe une place trop importante. Nous devons reprendre la réforme du financement de nos segments d'activité, qui a été retardée par la crise du covid. La réforme du financement des urgences et de la psychiatrie est déjà engagée. La réforme de l'activité de soins de suite et de réadaptation (SSR) est programmée pour 2023. Les travaux sur la réforme du financement des soins critiques doivent commencer. La demande des acteurs est forte. Les financements de l'activité dans une part plus réduite, ainsi que la responsabilité populationnelle, sous forme de dotations spécifiques, permettront de sécuriser le financement de ces segments d'activité, à l'aide d'indicateurs de qualité. L'investissement constitue également un sujet important. Le gouvernement a injecté un montant extrêmement important dans des projets de santé, dans une logique davantage territoriale et globale. La fin du comité interministériel de la performance et de la modernisation de l'offre de soins hospitaliers (Copermo) marque une évolution culturelle très forte. L'année passée, l'enveloppe de 650 millions d'euros pour les investissements du quotidien a également permis de solutionner des questions moins coûteuses mais tout aussi fondamentales pour la qualité de vie de professionnels de santé dans les établissements.
Mme Catherine Deroche, rapporteure. - Je vous remercie pour cette présentation très synthétique. Je partage votre propos concernant l'exercice coordonné des outils évoqués (CPTS, contrats locaux de santé, centres de santé, MSP).
Concernant la permanence des soins, quels sont, selon vous, les moyens disponibles afin de renforcer le SAS, notamment avec la participation de médecins, qu'ils exercent dans des MSP ou dans des centres de santé ?
Par ailleurs, nous avons hier évoqué le sujet des assistants médicaux avec le directeur général de la Caisse nationale d'assurance maladie (Cnam). Ces derniers libèrent du temps médical pour les médecins. La question de leur formation a été soulevée. Celle-ci est souvent très longue, parfois surdimensionnée par rapport aux tâches demandées. Pouvez-vous nous faire part de vos réflexions sur ce sujet ?
La tension sur les effectifs est évidente. Disposez-vous de chiffres concrets concernant l'évolution des ratios de prise en charge selon les spécialités ? Les normes d'effectifs avaient été établies à une période où les rotations de patients étaient moindres. Nous ressentons un manque d'effectifs dans certains secteurs.
S'agissant des vacances de postes, quelle est la part de supervision assurée par les agences régionales de santé et la DGOS ? De quelle manière le ministère prend-il connaissance du nombre de lits effectivement armés par rapport aux capacités théoriques ?
Concernant des financements de l'hôpital, vous avez souligné l'équilibre nécessaire à trouver entre le financement de l'activité et les autres types de ressources des hôpitaux. Cependant, la fixation des tarifs à l'activité tient assez peu compte des besoins en investissement des services pour la prise en charge du patient. Nous souhaitons entendre vos réflexions sur ce point.
Le plan d'investissement lancé fin 2019 s'élevait à 13 milliards d'euros sur 3 ans. Le Ségur de la santé s'étale-t-il bien sur 10 ans et quelle somme représente-t-il ?
Vous avez mentionné un nouveau modèle de financement avec, entre autres, la T2A. Est-ce à enveloppe constante ? Les besoins réels des établissements sont-ils pris en compte ? Est-ce lisible de multiplier les modèles de financement ?
Mme Katia Julienne. - Concernant la permanence des soins, je crois beaucoup en les vertus du SAS car nous rencontrons des difficultés de permanence des soins et un engorgement des urgences également en journée. De plus, le SAS est très bien accepté par les urgentistes et les médecins généralistes qui travaillent ensemble dans une gouvernance équilibrée. Ce dispositif permet par ailleurs de rassurer le patient et de déterminer ce qui est du ressort de l'urgence hospitalière et non-hospitalière. Combiné au développement des MSP et des centres de santé, le SAS nous permettra d'absorber un besoin de santé croissant. Une étude l'Irdes a montré que les MSP ont une capacité d'augmentation de la taille de leur patientèle. Enfin, le SAS présente un intérêt en psychiatrie : 5 SAS sur 19 ont développé cette filière.
Le sujet des ratios est extrêmement compliqué puisque peu de textes comportent des ratios obligatoires. Les ratios sont davantage des maquettes organisationnelles au sein des établissements de santé. Toutefois, la fixation des ratios dans les textes devrait se limiter à quelques spécialités (maternité, soins critiques). Ce qui n'omet pas la réflexion nécessaire à mener sur le bon niveau d'effectifs qui permet d'absorber la charge des patients dans les différentes spécialités.
M. Bernard Jomier, président. - Nous entendons votre réponse, mais ce ratio ne doit alors pas être fixé de manière détournée par des mesures comme celles prises par le Copermo dans les projets de rénovation. Dans ce cas, on aboutit non pas à des ratios réglementaires, mais à des ratios provenant d'objectifs financiers qui visent à maîtriser la masse salariale. L'intention doit être clarifiée.
Mme Katia Julienne. - Concernant les données chiffrées, nous ne disposons pas de système d'information qui remonte automatiquement le nombre de postes vacants. Nous disposons d'enquêtes ad hoc auprès des établissements (lits fermés, vacances de postes). Quant aux enquêtes annuelles de la Drees, elles permettent d'établir, via la statistique annuelle des établissements (SAE), un bilan statistique et documenté des effectifs.
La question de l'évolution des effectifs constitue en effet un point fondamental, compte tenu de l'aspiration des professionnels d'articuler leur vie professionnelle et familiale. Cela renvoie à la question du financement de la masse salariale, qui représente une part importante des dépenses de l'assurance maladie.
Concernant les nouveaux modèles de financement, la T2A fait l'objet de nombreuses critiques du fait du niveau de ses tarifs (arbitrage prix/volume) et qu'elle complexifie encore le système de tarification français. Les réformes de financement doivent donc conduire à la simplification, d'où l'importance de celle concernant la maternité. Toutefois, il faut distinguer une modalité de financement et un niveau de financement. Malgré des crédits croissants, l'ensemble reste dépendant du niveau de l'Ondam, qui est voté. Nous veillons à obtenir des crédits qui permettent d'accompagner les impacts financiers de ces réformes dans le temps, pour éviter que les établissements soient perdants dans des proportions non soutenables.
Concernant la formation des assistants médicaux, la Cnam sera mieux disposée à répondre.
Mme Catherine Deroche, rapporteure. - Concernant les ratios, l'exemple du CHU de Nancy montre que le Copermo avait conditionné l'aide de l'État à la suppression de 175 lits et de 600 postes. Bien que le Gouvernement ait annoncé en mars 2021 un maintien des lits et de 300 postes, ce ratio avait était imposé par le Copermo. Or l'une des difficultés subie par le personnel est cette tension sur les effectifs, de laquelle découlent de moins bonnes liaisons entre les équipes, et un épuisement des soignants.
Mme Katia Julienne. - C'est pourquoi nous avons décidé de modifier le mode de gestion de l'investissement. Le Gouvernement a mis fin au Copermo tel qu'il existait, car vos critiques étaient largement partagées par les différents acteurs. Dans le cadre du Ségur, dont les investissements atteignent 15 milliards d'euros pour le sanitaire, il a été décidé de revoir en profondeur la gouvernance, pour qu'elle ne soit plus axée sur des critères strictement financiers. Le Conseil national pour les investissements en santé (CNIS) a ainsi été doté d'un conseil scientifique qui travaille sur des référentiels médicaux et territoriaux afin de soutenir les décisions d'investissement et d'accompagner le processus de déconcentration des décisions vers les régions, pour les investissements inférieurs à un certain montant.
M. Bernard Jomier, président. - Vous soulignez la nécessité d'adopter une logique d'analyse des besoins en santé. Le code de la santé publique confie aux ARS ce rôle d'évaluation des besoins en santé sur les territoires. Les différentes auditions menées jusqu'alors ont révélé que les acteurs de santé et élus locaux ne comprennent pas le processus d'élaboration de ces décisions, entre le recensement des besoins en santé et les arbitrages. Ce n'est en tous cas pas au Parlement que cela se passe. Les chiffres de l'Ondam nous parviennent quelques jours avant la délibération et ne sont fondés sur aucune analyse d'objectifs en santé publique dans les territoires.
Par ailleurs, les fermetures des services d'urgence et des maternités constituent des sujets récurrents, auxquels nous n'obtenons toujours pas de réponse claire. Selon la DGOS, quel serait le temps de trajet maximal acceptable entre le lieu de vie et une maternité ou un service d'urgence ?
Mme Katia Julienne. - Tout d'abord, l'analyse du besoin de santé pour l'organisation territoriale de l'offre de soins, renvoie aux autorisations et au schéma régional d'organisation que les ARS élaborent régulièrement ; ce sera le cas en 2023. Ce point rejoint votre deuxième question sur les maternités. Par ailleurs, s'agissant de l'investissement, le conseil scientifique du CNIS travaille sur les référentiels qui aideront les ARS à procéder une analyse territoriale, qui sous-tend le besoin auquel répond l'investissement d'un établissement sur un territoire. Chaque ARS travaille ensuite à partir de cette analyse des besoins afin de réaliser les schémas régionaux d'organisation de santé (SROS) et c'est sur cette base que sont délivrées les autorisations.
M. Bernard Jomier, président. - Les ARS travaillent isolément. Est-ce souhaitable ?
Mme Katia Julienne. - J'ignore la manière dont travaillent concrètement les ARS avec les uns et les autres pour l'élaboration de ces schémas. En revanche, les SROS sont indispensables pour que les ARS puissent mettre en oeuvre les autorisations. Les prochains schémas, prévus pour 2023, appliqueront l'ensemble des révisions des décrets d'autorisations en cours d'élaboration.
M. Bernard Jomier, président. - Vous êtes directrice de la DGOS, mais vous n'êtes pas en mesure de décrire le travail des ARS. Or les élus l'ignorent également. Peut-on interpréter cela comme un problème dans le partage de l'évaluation et de la décision sur la construction des choix budgétaires ? Vous n'êtes pas en situation de décrire le mode de travail des ARS et les élus ne le sont pas non plus
Mme Catherine Deroche, rapporteure. - Le SROS est-il l'émanation du projet régional de santé (PRS) ?
M. Bernard Jomier, président. - Pas nécessairement.
Mme Katia Julienne. - Le rôle de l'administration centrale consiste à construire des outils juridiques en matière d'autorisation d'organisation des soins et des outils financiers que les ARS peuvent ensuite décliner. Notre rôle est seulement de fournir une boîte à outils.
S'agissant des maternités, nous préparons un décret d'autorisation. Le temps de trajet vers les maternités peut varier d'un territoire à l'autre. Le rôle de l'administration centrale n'est pas d'imposer des règles uniformes sur tous les territoires, mais de construire des obligations minimales indispensables, puis de fournir les outils aux ARS, qui ont ensuite la liberté de les moduler. Nous avons de plus créé l'engagement maternité, qui permet la prise en charge des transports et des hôtels hospitaliers pour les femmes. De nouveau, les ARS sont en charge de déployer cet outil sur les territoires.
Mme Catherine Deroche, rapporteure. - J'entends votre argument d'adaptation territoriale. Mais s'agissant des maternités, la notion de temps est universelle. La DGOS est bien la direction de l'organisation des soins et les ARS sont en charge de mettre la politique de santé en application sur les territoires. Toutefois, la notion de projet de santé d'un territoire suppose nécessairement l'organisation des soins. Mais je n'insisterai pas davantage sur ce point.
Mme Laurence Cohen. - Je vous remercie, Madame, pour vos propos introductifs.
Concernant la démographie médicale, vous avez indiqué qu'il fallait attendre l'échéance de 2030 afin obtenir une démographie pouvant répondre aux besoins de santé, soit une hausse de 14 % des effectifs sur les cinq prochaines années, pouvez-vous confirmer cette information ?
Ma première question concerne les paramédicaux. Je souhaiterais davantage de précisions à ce sujet. Je suis étonnée que la DGOS ne disposent pas de chiffres exacts sur le déficit des paramédicaux, infirmiers, orthophonistes et autres professionnels.
Ma deuxième question revient sur les financements. Je partage le constat que la T2A a pris une trop grande place. Toutefois, je suis très dubitative concernant l'exemple que vous avez évoqué, celui de la psychiatrie. Votre proposition d'appliquer la T2A à la psychiatrie, alors que ce service y échappait jusqu'alors, me semble contradictoire. Concernant les maternités, les abus inhérents à la T2A sont évidents. Un certain nombre d'établissements affichaient un taux de césarienne très élevé, ce qui révèle un abus de pratique de ces tarifs. Pouvez-vous nous apporter plus de précisions ?
Par ailleurs, je note une contradiction concernant le temps de trajet minimum par rapport aux établissements de santé et de soins. Vous apportez de nouveau l'exemple des maternités avec la prise en charge des transports et des hôtels hospitaliers. On supprime donc des établissements de proximité qui semblent mieux répondre aux besoins, sous prétexte d'économies, tout en engageant ces nouvelles dépenses.
Les économistes de la santé ont d'ailleurs remis en cause la question du point flottant au niveau de la T2A, qui a mon sens devrait être supprimée.
Enfin, vous annoncez une révision à venir de la gouvernance et des référentiels. J'estime que nous devrions conférer davantage d'autonomie aux établissements, qui ont réellement la maitrise de la réponse aux besoins en termes de santé des populations sur les territoires. Les directeurs d'ARS sont des préfets qui prennent leurs ordres au niveau du ministère, ce qui donne l'impression d'un cloisonnement de l'administration. Au moindre problème, on crée une nouvelle agence, ce qui n'aboutit en rien à la fluidité souhaitée. Si vous souhaitez réellement remanier la gouvernance, conférez du pouvoir aux acteurs de terrain et aux établissements en lien avec les élus.
M. Jean Sol. - Madame la directrice générale, je souhaitais entendre votre avis sur la formation des infirmiers, qui ne me semble plus adaptée, et surtout sur la sélection des candidats en parcours supérieur. Je suis personnellement convaincu que la formation n'est pas adaptée au quotidien réel des jeunes infirmiers qui prennent leurs fonctions dans des établissements de santé, qu'ils soient publics ou privés.
Vous évoquiez l'importance de développer la profession des infirmiers en pratique avancée (IPA). Toutefois, la situation de terrain est très éloignée de ces déclarations d'intentions. Après deux ans d'études, ceux-ci peinent à trouver un poste en lien avec leur formation et leur rémunération est peu motivante. Il manque des arrêtés fixant les contours de leur exercice professionnel, notamment au service des urgences et en gériatrie.
L'absentéisme au sein des établissements de santé est particulièrement préoccupant. Le moment n'est-il pas venu de s'intéresser à la question et d'imaginer des solutions afin d'encourager les agents concernés à réinvestir leur poste ?
Pour quelles raisons les outils de mesure de la charge en soin ne sont-ils pas généralisés au niveau des établissements ? À mon sens, cela permettrait de mettre en adéquation les effectifs à l'activité et à la charge de travail dont souffrent nos professionnels de santé.
Mme Katia Julienne. - Concernant la démographie médicale, les travaux de l'ONDPS et de la DREES, présentés l'année dernière, ont en effet indiqué un creux pour les professions médicales jusqu'en 2030, puis d'une remontée de la démographie ensuite. Ils font également état d'une projection d'un besoin de développement des formations médicales de + 14 % en effectifs au cours des cinq prochaines années. Ces chiffres augurent des difficultés de prise en charge médicale et d'une nécessité d'adapter notre organisation pour y faire face.
S'agissant des personnels non-médicaux (PNM), nous recevons des chiffres réguliers de la Drees (nombre d'effectifs par établissements, par catégorie d'établissement, par catégorie de professionnels). En revanche, nous ne disposons pas de système d'information nous permettant de déduire le nombre de postes vacants d'où la mise en place d'enquêtes en lien avec les établissements de santé et leurs représentants. Bien que le nombre d'effectifs de PNM ait progressé, nous avons décidé d'augmenter le nombre de quotas de formations en IFSI en 2020, 2021, et 2022. Il serait utile de conduire des travaux pour les PNM similaires à ceux sur les personnels médicaux.
Il est vrai que la réforme du financement de la psychiatrie a introduit une part de financement d'activité pour le secteur public. Or ce n'était pas le cas pour le secteur privé. En psychiatrie, comme en SSR, deux modes de tarifications très différents existaient. Dorénavant, les différents compartiments de financement seront identiques dans le public et dans le privé (lucratif ou non lucratif). Je partage votre opinion selon laquelle la T2A n'est pas nécessairement adaptée à la maternité, son financement doit évoluer. Ces travaux ne sont pas encore engagés mais ils sont nécessaires.
S'agissant de la gouvernance, le niveau de décision doit en effet se rapprocher du terrain. À titre d'exemple, le relèvement des heures supplémentaires pour l'AP-HP était auparavant décidé au niveau de la DGOS. Les textes ont évolué afin que ces décisions ne relèvent plus de cette dernière. De plus, les autorisations exceptionnelles d'activité auxquelles nous avons recouru au cours des deux dernières années, ont également fait l'objet d'assouplissements. De même, la réforme des financements des compétences des ARS accroît les compétences de celles-ci. Je suis convaincue qu'il nous faut aller dans ce sens d'un transfert des compétences.
Par ailleurs, des travaux doivent en effet être engagés sur la formation des infirmiers diplômés d'État (IDE) et des IPA. Les représentants des IPA nous ont fait part des difficultés rencontrées. Nous travaillons actuellement avec eux en hôpital et en ambulatoire pour développer, déployer et accompagner le fonctionnement des IPA.
L'outil de mesure de charge en soins est intéressant s'il demeure à la main des établissements. Je ne suis pas favorable à en faire un outil national.
M. Bernard Jomier, président. - Vous avez tracé les perspectives de décentralisation et de renvoi d'un certain nombre de décisions vers les ARS. Depuis une vingtaine d'années, les lois se sont succédé, dont la dernière significative en date - la loi HPST - porte sur les instances de démocratie sanitaire. Nous avons constaté que ces dernières avaient été largement absentes pendant la crise du covid. Quel est votre regard sur la place, le rôle et le fonctionnement de ces instances ? Faut-il les modifier, les supprimer, les renforcer ? Leur rôle semble uniquement consultatif et la question de leur efficience se pose donc.
Mme Katia Julienne. - Je n'ai aucun doute sur la nécessité de les renforcer. Les résultats d'une étude Pantere (pandémie, territoire et éthique), financée par la DGOS, ont démontré l'utilité de nos espaces éthiques régionaux pour les professionnels. Il faut donc élargir ces structures aux patients et à leurs familles et renforcer leur place dans les instances ainsi que dans les travaux. À titre d'exemple, nous suivons très régulièrement le déploiement du SAS avec les représentants des urgentistes et des médecins généralistes, mais aussi des associations de patients, bien qu'aucun texte ne l'oblige. Autre exemple, la commission nationale de psychiatrie comporte une représentation très forte des associations de patients et de leurs familles. Leur participation doit devenir systématique, une habitude de travail permanente.
Mme Catherine Deroche, rapporteure. - Je vous invite, pour l'audition, à bien vouloir compléter vos propos par des chiffres et des réponses très précises.
S'agissant de la connaissance de la situation actuelle, vous nous parlez d'études sur le nombre de praticiens, sur les personnels non médicaux, etc. Je trouve étonnant, dans un pays comme le nôtre, que l'on ne sache pas quel est le niveau du personnel manquant, le flux des personnels, l'insertion professionnelle des jeunes médecins diplômés. Un tableau de bord contenant ces indicateurs devrait être régulièrement actualisé sans devoir nécessairement passer par des enquêtes spécifiques. Cela paraît un peu ubuesque. Comment se fait-il que la DGOS ne puisse pas disposer de tableaux de bord actualisés du nombre de personnels disponibles sur le terrain ?
Mme Katia Julienne. - Nous ne sommes tout de même pas dépourvus d'outils. Les travaux statistiques de la Drees sont conséquents et riches en données. Nous disposons également des enquêtes ad hoc et nous sommes en lien permanent avec les ARS, les fédérations, les conférences hospitalières et les syndicats. Ce sont des relais avec lesquels nous travaillons.
Par ailleurs, nous menons un chantier numérique de taille, qui implique l'amélioration des systèmes d'information, des remontées de données, mais aussi de la simplification pour le quotidien des professionnels administratifs et soignants. De plus, ce chantier inclut le développement d'outils de monitoring et de reporting de la qualité des soins.
Mme Raymonde Poncet Monge. - Le ministre de la santé, à la suite des indications données par le professeur Jean-François Delfraissy, a diligenté une enquête concernant le pourcentage de lits fermés temporairement à cause de la vacance de personnels. Le chiffre de 20 %, avait été contesté par la Fédération hospitalière de France. Quels sont les retours sur cette enquête.
Mme Katia Julienne. - Les résultats de cette enquête, que nous pouvons vous communiquer, sont inférieurs à ceux mis en exergue. Certains auditionnés avaient souligné la nature évolutive de ce chiffre, qui ne faisait qu'indiquer une situation à un instant t.
M. Bernard Jomier, président. - Cette audition est terminée. Nous vous remercions, Madame la directrice générale. Nous nous retrouverons le jeudi 24 février à 14 heures pour l'audition de Monsieur Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
La réunion est close à 11 h 30.