Mardi 7 décembre 2021
- Présidence de M. Stéphane Piednoir, président -
La réunion est ouverte à 16 h 05.
Audition de Monsieur Julien Goupil, fondateur de l'association Empreintes citoyennes
M. Stéphane Piednoir, président de la mission d'information. - Mes chers collègues.
Pour notre première audition, nous accueillons avec plaisir Julien Goupil, fondateur de l'association Empreintes citoyennes, que je remercie très sincèrement d'avoir répondu à notre sollicitation afin de partager son expérience avec nous.
À l'attention de Julien Goupil, je précise que notre mission est composée de 21 sénateurs, parmi lesquels 19 sénateurs titulaires et 2 suppléants, provenant de tous les groupes politiques et de différentes commissions. Le rapport de cette mission -- qui sera, je l'espère, assorti de nombreuses recommandations -- devrait être rendu public au début du mois de juin 2022, avant les élections législatives.
Je rappelle également que cette audition fera l'objet d'un compte rendu écrit, qui sera annexé à notre rapport, et que son enregistrement vidéo sera accessible sur le site du Sénat.
Cette mission d'information a été mise en place par le Sénat afin de réfléchir aux enjeux actuels de la citoyenneté, alors même que les récentes élections ont été marquées par des taux d'abstention extrêmement préoccupants, particulièrement chez les jeunes, et que la cohésion de notre Nation se heurte à de nombreux défis.
Dans ce contexte, les politiques mises en place à l'attention de la jeunesse pour former et éduquer les citoyens de demain sont au coeur de nos préoccupations.
De plus, nous sommes tous convaincus que l'échelon territorial est décisif pour la formation et la sensibilisation des futurs citoyens à la chose publique et pour encourager leur engagement. Ce sera un axe très important de notre travail.
Je suis heureux que nous inaugurions ces travaux avec une association aussi engagée que la vôtre sur les problématiques qui nous intéressent.
En effet, Empreintes citoyennes privilégie essentiellement l'action au niveau territorial pour développer l'engagement des citoyens et oeuvrer dans le sens d'un rapprochement entre les citoyens, les institutions et leurs élus. Ce choix ne peut que rejoindre les préoccupations -- et je dirais même l'ADN -- du Sénat.
Il y a trois ans très exactement, le 7 décembre 2018, en pleine crise des gilets jaunes, Empreintes citoyennes prenait l'initiative d'organiser les assises « Villages et villes citoyennes », qui se sont tenues à Paris. L'objectif était de définir des critères et des leviers pour la création du futur label « ville citoyenne ». Nous entrons donc, avec cette audition, dans le vif du sujet de notre mission d'information.
Avant de vous donner la parole pour présenter l'action d'Empreintes citoyennes, Henri Cabanel, rapporteur, va vous poser quelques questions.
M. Henri Cabanel, rapporteur. - Je m'associe aux remerciements du président et je souligne, moi aussi, l'intérêt d'ouvrir nos travaux par une expérience associative aussi riche que celle d'Empreintes citoyennes.
Je connais bien Julien Goupil, puisqu'il m'a fait l'honneur de me nommer « ambassadeur de la citoyenneté ». En outre, nous avons travaillé ensemble sur l'enquête réalisée auprès des élus de l'Hérault, dont je vous ai communiqué les résultats il y a une semaine, lors de la réunion constitutive de notre mission.
J'aimerais que Julien Goupil nous parle tout d'abord de l'origine de cette association et des circonstances de sa création. Comment est-elle montée en puissance ? Quels sont ses adhérents, ses missions et ses méthodes de travail ?
Diverses évolutions conduisent aujourd'hui à s'interroger sur la définition de la citoyenneté. Une crise de confiance altère depuis des années les relations entre les citoyens et les élus. L'abstention s'aggrave. Des formules permettant une consultation directe des citoyens et leur association à la décision se développent. Parallèlement, l'engagement associatif suscite un intérêt certain, du moins dans des domaines qui motivent tout particulièrement les jeunes tels que l'action humanitaire et le développement durable. Diverses formes d'engagement sont proposées à la jeunesse, notamment dans le cadre du service civique. Pour vous qui êtes un « praticien de la citoyenneté », qu'est-ce qu'un citoyen aujourd'hui, selon vous ?
La définition du mot citoyen indique que ce dernier est une personne majeure de nationalité française. Comment partager les valeurs de la République avec les personnes qui ne répondent pas à ces critères ?
Je vous cite : la commune est « l'espace naturel du citoyen ». Pourquoi cette conviction ? Comment Empreintes citoyennes la met-elle en pratique concrètement ? Quel est le lien entre la citoyenneté et le territoire ? Comment travaillez-vous avec les élus ?
Pour avoir travaillé avec des élus et des associations citoyennes, je peux dire que la sincérité est fondamentale dans toute démarche de consultation. Or, parfois, ces démarches relèvent plus de la communication politique que d'une conviction sincère. J'aimerais votre avis sur ce point.
Sur le site Internet de votre association, un « réseau des territoires citoyens » est proposé aux collectivités. Pouvez-vous en dire plus sur cette initiative ?
Nous savons que les jeunes ont été particulièrement concernés par l'abstention lors des derniers scrutins, ce qui montre en quelque sorte un « désengouement » pour la politique, alors que les chiffres montrent une certaine appétence pour d'autres formes d'engagement. Quelles en sont, selon vous, les causes ? Comment faire de l'éducation citoyenne un enjeu réel ? Pouvez-vous nous donner des exemples concrets d'actions d'Empreintes citoyennes spécifiquement destinées aux jeunes ?
Enfin, l'engagement associatif est un élément décisif de l'engagement citoyen, qui peut concerner des étrangers résidant dans notre pays. Effectivement, certains s'investissent dans la vie associative. Or la citoyenneté renvoie au droit de vote. Selon vous, comment s'articulent aujourd'hui la citoyenneté et la nationalité ?
M. Julien Goupil, président et fondateur de l'association Empreintes citoyennes. - Je vous remercie de votre invitation et de la considération que vous portez à cette notion de citoyenneté. L'existence de cette mission d'information donne le sentiment que la citoyenneté redevient un sujet politique -- et non pas politicien.
Je travaille sur des sujets relatifs à la citoyenneté depuis une vingtaine d'années. On m'a appelé au début de mon engagement « l'éolienne », c'est-à-dire celui qui proposait du vent, alors que j'avais la conviction que la citoyenneté constituait une notion fondamentale pour notre société et ses défis. Nous constatons que chacun possède sa propre vision de la citoyenneté et ses propres éléments de langage. Pourtant, cette notion doit reposer sur des bases communes et être fédératrice.
Je dispose d'une formation de communicant. J'ai débuté ma carrière au sein d'un cabinet ministériel, en qualité de chargé des relations presse puis de chargé de communication, principalement au ministère de la santé. Notre communication était évidemment destinée aux citoyens. Qu'il y ait une distance entre le citoyen et cette communication nationale m'a paru évident. J'ai assez rapidement souhaité me rapprocher des citoyens et de ce dialogue citoyen dont je considérais qu'il passait par les collectivités territoriales.
Dans un premier temps, j'ai fondé l'agence de communication citoyenne Proxité pour aller vers les élus et les collectivités territoriales afin d'installer ce nouveau rapport aux citoyens. Mais créer une agence de communication suppose par exemple de répondre à des appels d'offres et de rédiger des cahiers des charges, ce qui ne permet pas la liberté de parole.
Ainsi, en parallèle, j'ai souhaité fonder l'association Empreintes citoyennes avec deux convictions fortes. La première est que la commune constitue le berceau, la colonne vertébrale et la fabrique de la citoyenneté. Comment peut-on permettre aux élus et aux maires d'en prendre conscience ? La seconde conviction est que la commune ne peut pas être isolée et qu'on a besoin d'aller du local au national. Comment imaginer des solutions permettant de répondre à cette préoccupation ?
La citoyenneté est en crise de pratique et de sens. Cette crise entraîne parfois des réactions. Je suis interpellé par l'émancipation, ces derniers temps, du principe de démocratie participative. Je ne revendique qu'une seule démocratie : la démocratie représentative. Je ne sais pas à quoi correspond la démocratie participative au regard des textes. En revanche, le fonctionnement de la démocratie représentative me semble difficile sans participation citoyenne et sans dialogue citoyen.
En effet, représenter nécessite d'être au plus près des préoccupations et des usages de ceux que l'on représente. L'invention du terme de démocratie participative semble naître du constat de la difficulté de faire fonctionner la démocratie représentative et de la distance qui s'est creusée entre représentants et représentés. Notons que nous ne parlons ici que de la participation citoyenne, qui constitue à mes yeux une forme d'engagement citoyen.
Une petite formule anime l'association : « C'est en citoyennant que l'on devient citoyen. » En effet, il ne faut pas décréter et chercher à imposer une forme de pratique citoyenne et d'engagement citoyen. Au contraire, chaque citoyen doit être invité à faire vivre ce principe selon ce qui lui tient à coeur. Certains entreront en citoyenneté par le biais de la consommation responsable tandis que d'autres y entreront par le biais de la participation citoyenne ou d'un engagement bénévole dans une association.
À mes yeux, la citoyenneté a deux jambes : la jambe républicaine et la jambe démocratique. Selon les définitions de la citoyenneté, ses piliers sont la civilité, le civisme et la solidarité. Le citoyen doit donc être civil, civique et solidaire. En outre, afin d'avancer, le citoyen doit s'appuyer sur sa jambe démocratique et sa jambe républicaine. Cette notion enveloppe les principes et les fondamentaux qui constituent notre pays et notre Nation.
Je suis souvent quelque peu contrarié par les nombreuses initiatives visant, pour renforcer la citoyenneté, à apporter des solutions aux difficultés actuelles, sans véritablement chercher à inspirer. Je crois que la citoyenneté peut être un statut qui inspire et fédère l'ensemble des résidents de France. Ces constats sont à l'origine de la mise en place de l'association.
La citoyenneté est une notion extrêmement vivante, comme le prouvent des exemples très contemporains tels que le droit de vote des femmes en 1944, qui montre que la citoyenneté peut s'adapter. N'oublions pas qu'il y a seulement deux siècles, seuls les plus de 25 ans, avec une certaine rémunération, étaient considérés comme des citoyens. Ne pas interroger la notion de citoyenneté, c'est donc presque l'abandonner.
Nous ne nous connaissons pas mais nous avons tous un point commun dans cette salle, celui d'être un citoyen. Ce point commun nous permettra de toucher l'intérêt général en nous obligeant à dépasser nos identités sociales, culturelles et cultuelles.
La citoyenneté est un concept qui reste philosophique et, en tout cas, très éloigné d'applications concrètes pour de nombreuses personnes. Au début de la vie de l'association, lorsque je parlais de citoyenneté, je voyais bien une forme de distance et un questionnement chez les élus. Mon prisme est aujourd'hui celui de l'engagement citoyen. En effet, la citoyenneté pour la citoyenneté n'a pas beaucoup de sens car elle demeure conceptuelle.
Nous oublions souvent que les élus de la République sont avant tout des citoyens engagés : l'élection constitue une forme d'engagement.
Durant la Révolution française, on parlait de citoyens actifs : peut-être devrions-nous parler de citoyens acteurs. Peut-être aussi faudrait-il que la définition du citoyen renvoie non plus seulement à un statut, mais à des actions que les citoyens peuvent mener. Nous pourrons effectuer l'inventaire des formes d'engagement citoyen qui sont aujourd'hui possibles.
Ma conviction que la commune est l'espace naturel du citoyen résulte des expériences que j'ai vécues. Mon engagement a débuté à Rambouillet, dont je suis originaire, lorsque j'étais âgé d'une quinzaine d'années, avec la réalisation d'un journal pour les 15-25 ans, puis l'organisation d'un convoi humanitaire lors du conflit au Kosovo. Ces initiatives me nourrissaient ; elles m'ont permis de nombreux apprentissages et de nouvelles rencontres. Cet engagement citoyen s'est révélé à l'échelle locale.
L'association a publié ce matin les résultats d'une enquête conduite en 2021 auprès de maires sur la citoyenneté. Nous notons le constat des maires que la citoyenneté devient une compétence des territoires, et plus précisément des communes. J'évoque bien les territoires car une coopération doit s'installer entre les différents niveaux territoriaux (commune, intercommunalité, département et région).
Un petit réflexe de citizen washing existe, qui consiste à tout passer à la lessiveuse citoyenne afin de se donner bonne conscience. Cette méthode engendre souvent des retours de bâton car elle crée plutôt de la frustration et des crispations. Nous entrons alors dans un cercle qui est loin d'être vertueux.
Nous devons tout d'abord considérer que la commune est l'espace naturel du citoyen et qu'il faut favoriser les coopérations avec les autres niveaux de territoire. Ainsi, nous évitons qu'une région, un département, une intercommunalité ou une commune organise la participation citoyenne dans son territoire sans égard pour ce qui a lieu au sein des autres niveaux territoriaux. Dès lors que la ville est l'espace naturel du citoyen, comme l'indique l'étymologie, les autres niveaux territoriaux peuvent s'appuyer, en cas de consultation, sur les communes plutôt que de lancer leur propre communication et leurs propres dispositifs.
L'action de notre association naît d'un questionnement : comment accompagner les communes dans ce rôle d'émancipateur de la citoyenneté ? L'association ayant été fondée en 2014, il convient de laisser un mandat pour trouver une solution. Notre association voulait travailler avec des territoires extrêmement volontaires sur ces sujets et se rendre sur le terrain afin d'expérimenter des initiatives. L'objectif était, à partir de 2020, de formuler des propositions concrètes et structurantes.
La première étape de l'aventure de l'association Empreintes citoyennes est née ainsi, avec une consultation nationale sur la définition du citoyen et, surtout, de la ville citoyenne. La consultation a été distinguée par le prix de la démocratie, ce qui a été source d'une profonde satisfaction. Souhaitant déterminer les grands principes fondant la ville citoyenne, nous avons identifié très rapidement deux critères : être une ville compréhensible et transparente. Après la phase de consultation débutée en 2014, nous avons commencé à effectuer des expérimentations dans certaines communes dès 2018-2019. L'année 2020 a marqué le début de la consolidation. En raison de la crise sanitaire, nous avons pris un peu de temps pour déployer cette démarche en 2021.
M. Henri Cabanel, rapporteur. - Comment ces communes ont-elles été choisies ?
M. Julien Goupil. - Nous ne les choisissions pas. Nous les rencontrions dans les différents colloques ou espaces où nous étions présents. Des affinités ont pu naître. Je pense évidemment aux communes telles qu'Hazebrouck, Jouars-Pontchartrain ou Angers, très investies sur ces sujets. Le territoire angevin est assez dynamique et nous y sommes très présents.
Notre idée était tout simplement de proposer une démarche. Samedi dernier, j'étais présent à Loire-Authion, où nous avons organisé un forum « ville citoyenne ». Cet événement est la conséquence de notre démarche.
Lorsqu'un maire a pris des engagements à l'occasion de sa campagne et souhaite organiser la participation citoyenne, les autres élus peuvent être un peu plus réservés sur cette question, craignant qu'une telle démarche se retourne contre eux. Or la participation citoyenne peut créer les conditions de l'engagement citoyen à l'échelle de la commune.
Aujourd'hui, plus de 480 communes sont engagées dans notre démarche, qui part du principe d'une consultation locale sur le fait d'être citoyen dans la ville. Ensuite, cette consultation permet d'organiser un séminaire entre agents et élus afin de comprendre les préoccupations et les attentes des citoyens, puis nous commençons à définir une feuille de route et un plan d'action.
Les outils seront la conséquence de cette feuille de route et de ce plan d'action. Il n'y a pas de solution miracle. La solution est la conséquence de la consultation en amont, des préoccupations des citoyens, du principe de réalité auquel sont confrontés les agents et de la vision des élus.
À la suite de la consultation et du séminaire entre élus et agents, et lorsque nous commençons à préfigurer une feuille de route avec des objectifs très clairs et des moyens qui commencent à se dessiner, nous pouvons organiser le forum « ville citoyenne » avec les citoyens. Ainsi, nous pouvons construire un vrai plan d'action lisible, pouvant être évalué, qui est extrêmement structurant.
Les plans d'action interpellent souvent les élus, qui constatent fréquemment que la participation n'est pas une priorité chez les citoyens et que ceux-ci attendent d'autres modalités de participation. Ils peuvent être réticents à des formules impliquant de nombreuses réunions. Ainsi, par exemple, nous organisons des débats citoyens avant les représentations de théâtre, ou pendant la mi-temps de matchs de football. Il faut aller vers les citoyens afin de capter leur attention : de telles initiatives permettent d'élargir les publics. La citoyenneté et la convivialité ne doivent pas se dissocier. Il ne s'agit pas de réinventer la notion de citoyen.
Par ailleurs, nous avons décidé de créer un label car des maires nous ont interpellés en ce sens. La démarche a débuté il y a deux ans. L'aventure de la labellisation commencera en 2022, avec de premières communes labellisées. Nous essaierons de créer cette dynamique.
Le réseau des territoires citoyens permet tout simplement aux 480 communes engagées dans cette dynamique de ville citoyenne de partager leurs expériences. En notre qualité d'association, nous n'avons pas vocation à multiplier les prestations. Nous visons l'autonomisation des territoires par rapport à nos interventions. Notre rôle est de mettre à disposition des outils et des démarches. Ensuite, nous permettons à ces communes de partager leurs expériences, d'avancer et de créer un mouvement. Dans le département de Maine-et-Loire, une réflexion existe concernant un réseau des communes engagées à l'échelle départementale pour permettre ce partage d'expérience.
La légitimité des communes en matière de citoyenneté rassure certains maires, qui voient beaucoup de compétences passer du côté des intercommunalités. Or la citoyenneté est essentielle car est centrée sur l'humain. En outre, elle permet à chaque citoyen de trouver sa place dans la ville.
Le statut de citoyen n'est pas aussi inclusif que nous pourrions le croire. La France compte seulement 47,5 millions de citoyens. Nous parlons donc d'une notion mettant de côté quasiment un tiers de la population. En effet, sont citoyens les plus de 18 ans ayant la nationalité française. Rassurez-vous, je ne propose pas de dissocier nationalité et citoyenneté. Toutefois, je pense que nous pourrions imaginer un statut de citoyen de France.
Le secrétaire général de l'association, de nationalité italienne, vit en France depuis dix-sept ans et est engagé au sein de nombreuses associations. Il n'est pas citoyen. Pourtant, il l'est vraiment dans l'attitude.
À l'heure où les médias parlent beaucoup d'intégration et alors que de nombreuses crispations existent sur ces sujets, nous pourrions permettre un pacte citoyen ouvert à l'ensemble des résidents de France. Encore une fois, le vote n'est pas le sujet.
Nous avons mené une étude, au cours de laquelle nous avons demandé à 601 maires ce qui caractérise un citoyen selon eux. 28 % d'entre eux ont répondu qu'un citoyen est un individu qui respecte les biens, les lois et les personnes ; 16 % qu'il s'agissait d'une personne vivant en France ; pour 3,41 % seulement des maires interrogés, un citoyen est une personne de nationalité française âgée de plus de 18 ans.
Nous voyons bien que cette définition n'est plus partagée aujourd'hui. Si cette définition a un sens statutaire et théorique, elle ne semble plus vraiment pertinente sur un plan pratique. Un travail est peut-être à mener sur ce sujet.
Concernant l'engagement des jeunes, je suis ravi de vous annoncer que nous mettrons prochainement en place un parcours citoyen avec cinquante jeunes de Seine-Saint-Denis. Ces jeunes deviendront ensuite des compagnons de la citoyenneté, qui circuleront en France et sur le territoire pour transmettre ces valeurs et permettre que d'autres compagnons s'installent. Encore une fois, nous nous inspirons simplement de vieilles méthodes telles que le compagnonnage.
En outre, dans le département de l'Orne, nous avons réalisé un dispositif : la charte des élèves citoyens. Les jeunes réaliseront eux-mêmes cette charte dont ils seront ensuite les transmetteurs. Il s'agit encore d'une expérimentation, mais je crois profondément à l'idée de permettre à chacun, au travers de son propre engagement, de transmettre et de donner le goût de cette expérience.
L'engagement des jeunes peut également être retravaillé à l'échelle d'une commune. Seuls 13 % des jeunes de 18 à 23 ans ont participé aux élections départementales. Ce chiffre est assez perturbant. La question de l'éducation à la citoyenneté et de son appropriation se pose donc. J'interviens régulièrement dans des universités, des écoles ou des Centre de formation des apprentis. Les jeunes s'étonnent de l'absence de possibilité de voter à distance via leur smartphone. D'autres jeunes formulent des réflexions sur l'abaissement du droit de vote à 16 ans.
Comment installer une culture citoyenne ? L'intitulé de la mission d'information est extrêmement bien choisi. La priorité à mon avis est de s'interroger sur les raisons pour lesquelles une personne n'est pas engagée en citoyenneté plutôt que de chercher à encourager l'engagement citoyen.
Le travail que nous entreprenons sera de longue haleine. En raison de la défiance qui s'est installée entre élus et citoyens, il faudra s'attacher à réinstaller la citoyenneté afin que cette dernière devienne un principe républicain. Nous devons demander : « Quel est ton engagement citoyen ? ». Certains répondront que leur engagement est la participation tandis que d'autres répondront que leur engagement est la consommation responsable ou encore le bénévolat.
De nombreux dispositifs existent aujourd'hui concernant l'éducation à la citoyenneté. Cette dernière est dispensée dans les écoles durant les cours d'éducation morale et civique. Les référents académiques peuvent épauler les professeurs d'histoire-géographie, qui portent cet enseignement une demi-heure par semaine.
Lorsque Samuel Paty a été assassiné, je me trouvais dans un collège d'Argentan où je parlais de laïcité. Au sein de l'association, nous avons la chance de disposer de nos outils de pédagogie, développés et éprouvés avec des territoires. Nous avons évidemment pris la décision de mettre à disposition ses outils auprès de l'ensemble des enseignants. Je remercie d'ailleurs tous les établissements qui les utilisent actuellement et qui nous font des retours afin que ces outils puissent progresser.
Toutefois, l'éducation dans le cadre scolaire ne suffit pas : en matière de citoyenneté, il faut évidemment penser en termes d'éducation globale et créer les conditions pour associer éducation scolaire et éducation populaire. En effet, l'école ne peut pas tout sur ces sujets.
Actuellement, il n'existe pas de référentiel ou de matrice précisant tous les sujets à aborder dans le cadre de l'éducation citoyenne. Certains sont portés par l'Éducation nationale tandis que d'autres peuvent être portés par l'éducation populaire. Dans nos différents dispositifs, nous voyons bien que certaines initiatives se superposent parfois car nous ne disposons pas d'une clé de répartition permettant de vérifier que l'éducation citoyenne est conduite à toutes les étapes de la vie.
L'éducation passe aussi par la pratique. Il s'agit plutôt de permettre à chacun de se mettre en exercice citoyen et, par là même, d'entretenir son éducation à la citoyenneté.
En 2014, la politique de la ville a instauré les conseils citoyens. Des conseillers citoyens ont été tirés au sort. J'ai accompagné plus de cent dix conseils dans leur composition. Mon premier constat est que ces conseillers n'étaient, pour 90 % d'entre eux, pas considérés comme des citoyens à part entière car ils n'étaient pas de nationalité française. Mon deuxième constat est que, pour des personnes n'ayant pas le droit de vote, le rôle de conseiller citoyen pouvait être source de fierté. Enfin, mon troisième constat est que dans les villes où la mise en place de conseils citoyens était une obligation, le fonctionnement de ces instances n'a pas été très fluide, générant de la frustration chez les conseillers citoyens, au point que certains d'entre eux, désabusés, se sont inscrits sur les listes d'opposition.
Je ne l'ai pas précisé, mais cela va de soi, la citoyenneté ne concerne pas que des droits mais également des devoirs : « aux actes, citoyens ! » plutôt que « aux armes, citoyens !».
Nous devons permettre aux maires d'installer une communauté citoyenne active. Les 35 000 communes sont peut-être 35 000 espaces d'intelligence sociale. Faisons en sorte que cette spécificité française nous permette de construire, à l'échelle des territoires de proximité, autant de fabriques de la citoyenneté.
Nous devons reconnaître ce rôle aux communes, et éventuellement leur en donner les moyens, mais ce n'est pas tant une question de moyens que de considération et de coopération. Les communes doivent être vues comme des espaces de débat.
La légitimité d'une décision tient à son ancrage. Une réponse à la question de la participation citoyenne pourrait se situer entre le grand débat et la convention citoyenne. Cette dernière me semble intéressante comme objet d'expérimentation, mais me donne également l'impression que l'opportunité de débattre m'a été retirée. Cette réorganisation du débat est à imaginer.
Enfin, à la veille de la présidence française de l'Union européenne, n'oublions pas que nous sommes également citoyens européens.
M. Stéphane Piednoir, président. - Je vous remercie de cet exposé très complet et enthousiaste.
Mme Marie-Pierre Richer. - Au cours de vos vingt années d'engagement, comment avez-vous vu cette déliquescence de la citoyenneté ? À quel moment est-elle apparue plus prégnante ? Quelles sont les causes de ce renversement ?
Vous avez évoqué 480 communes engagées dans votre démarche. De quels types de communes s'agit-il ? Je pense que la notion de citoyenneté est plus vivante dans des communes plus petites où les élus organisent de la participation.
Dans vos propos, nous nous trouvons à la frontière entre la participation et le participatif. La limite est vraiment ténue.
Par ailleurs, ressentez-vous une approche de la citoyenneté différente en fonction des générations ? Vous avez dit que les jeunes s'engageaient plus facilement en faveur des causes qui leur tiennent à coeur. Ne pensez-vous pas que notre société fait de la citoyenneté à la fois individualiste et collective, bien que cela semble paradoxal ?
Au sein des ateliers que vous animez, parvenez-vous à capter tous les milieux sociaux ? Nous voyons bien que, souvent, lorsque les maires organisent des réunions publiques dans les communes de taille moyenne, on peut presque deviner à l'avance qui se déplacera. Comment capter les personnes qui ne viennent pas ?
M. Philippe Folliot. - Je suis impressionné par votre volontarisme et la conviction qui transparaît de vos propos au regard d'un sujet éminemment sensible, auquel nous sommes particulièrement attachés.
J'aimerais revenir sur la typologie des 480 communes avec lesquelles vous travaillez. Ces communes sont-elles représentatives ? Sont-elles essentiellement urbaines ? Y retrouve-t-on des problématiques spécifiques ? Ont-elles des quartiers sensibles ? Quelle est la part des communes rurales ?
Au regard du positionnement politique de ces communes, une sensibilité est-elle plus ou moins représentée, ou est-ce au contraire équilibré ?
Vous avez cité le chiffre de la participation des jeunes aux dernières élections départementales et régionales. Ce déphasage générationnel est très fort. Comment le percevez-vous ? Menez-vous des actions communes avec des associations locales s'impliquant sur ces questions, de manière générale et plus particulièrement dans les quartiers ? Intervenez-vous en complément ou existe-t-il une certaine concurrence ?
M. Julien Goupil. - Je suis passionné par ces sujets depuis vingt ans. Dans un premier temps, j'ai senti un éloignement, qui s'est transformé en crispation durant le mandat 2008-2014. Auprès de mes interlocuteurs, qui sont les communes, j'ai senti une montée de la défiance. Certains citoyens ne voulaient plus jouer le jeu des concertations ou avaient le sentiment que la participation était inutile.
Nous sommes partenaires de l'Observatoire national de l'action sociale (ODAS), qui mène des actions extrêmement précieuses. Cet observatoire organise la journée citoyenne dont l'association sera partenaire l'année prochaine.
Ensuite, cette défiance et cet éloignement ont laissé place à une résistance. Le sujet de la consommation et du pouvoir d'achat a été le déclencheur, même si des signaux étaient déjà visibles. Certains sont extrêmement crispés sur certains points tels que l'urbanisme ou l'environnement. Aujourd'hui, nous cultivons ce qui nous oppose. Or la citoyenneté est un élément qui nous rassemble. Les gens sont prêts à jouer le jeu lorsque nous leur parlons de citoyenneté. Nous parvenons à trouver un élément permettant de dépassionner les confrontations et de réinspirer le débat.
Par ailleurs, concernant le nombre d'habitants, les 480 communes se répartissent ainsi : 24 % comptent moins de 500 habitants, 13 % comptent entre 500 et 1 000 habitants, 35 % comptent entre 1 000 et 5 000 habitants, 12 % comptent entre 5 000 et 10 000 habitants, 8 % comptent entre 10 000 et 50 000 habitants, 6 % comptent plus de 50 000 habitants.
Installer une démarche structurante dans les grandes communes prend beaucoup plus de temps.
M. Stéphane Piednoir, président. - Ces chiffres seront à comparer avec les proportions de chacune de ces strates dans l'ensemble de la population. Les pourcentages en eux-mêmes ne signifient pas grand-chose.
M. Julien Goupil. - Ces chiffres montrent tout simplement que des villes sont engagées dans toutes les catégories de population.
Ainsi Bourges, qui compte 80 000 habitants, est une ville très engagée, de même que la petite ville de Saint-Léger-en-Yvelines, où l'on dénombre environ 600 habitants.
Concernant le déphasage générationnel, j'ai l'impression que nous avançons catégorie par catégorie. Ce déphasage est sans doute aussi la conséquence d'un modèle de gouvernance. Souvent, dans les communes dans lesquelles nous arrivons, il existe un conseil municipal des jeunes, un conseil municipal des seniors, un conseil municipal des personnes situées entre ces deux catégories ainsi qu'un conseil économique, social et environnemental. Les différents conseils nous font souvent part de leur souhait de travailler ensemble. Essayons déjà de mettre fin à ces découpages générationnels. Je ne dis pas que ces initiatives ne sont pas intéressantes, mais je pense qu'elles doivent être regroupées.
L'engagement a totalement évolué. Auparavant, il s'inscrivait sur le long terme. D'ailleurs, certaines associations peinent à ouvrir leur conseil d'administration et sont représentées par beaucoup de fondateurs et peu de nouveaux bénévoles. Les jeunes sont, quant à eux, prêts à s'engager à court terme et sur des actions précises. Il est possible, pour une association, de mobiliser des jeunes le temps d'une action sur un sujet donné. L'engagement est plus compliqué sur le long terme.
Encore une fois, il s'agit juste d'une question de format. Puisque c'est « en citoyennant que l'on devient citoyen », un jeune qui s'engage sur le court terme peut y prendre goût. D'ailleurs, lorsque nous étions dans l'Hérault, des secouristes de France nous ont indiqué que de nombreux jeunes se sont mobilisés à la suite des attentats de 2015.
Je note l'existence d'un certain individualisme. Je crois vraiment à l'organisation d'une consultation toujours large, charge aux représentants de prendre les décisions, de savoir dire non et de prendre des décisions difficiles de temps en temps, sans chercher à flatter les individualités.
Lors des réunions publiques, c'est en effet souvent le même public qui est présent, pour la plupart des seniors et des personnes systématiquement dans l'opposition.
Le dialogue avec les personnes éloignées du débat citoyen doit être engagé d'une tout autre manière. Certains sont bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA). Avec le département de l'Orne, nous réfléchissons à l'installation de débats et d'échanges lors des réunions avec ce public. N'attendons pas que ces personnes sortent de chez elles et s'inscrivent à un atelier : cela ne fait pas partie dans leurs pratiques. Nous devons aller vers ces publics par d'autres méthodes, relais et espaces afin de leur faire constater que le débat est possible et de leur donner goût à cette participation. Un tel format ne conviendra pas à certains citoyens car ils ne seront pas à l'aise pour prendre la parole.
Lorsque j'ai fondé Empreintes citoyennes, mon intention était de faire de la citoyenneté un sujet politique. Notre principe est que nous ne pouvons pas agir sans le politique, ce qui a fait l'objet de grands débats au sein de l'association. Nous avons désigné comme ambassadeurs politiques des sénateurs et des députés de tous bords politiques - certains néanmoins ne sont pas représentés. Nous invitons à prendre la mesure de l'enjeu de la citoyenneté. Je remercierai toujours Henri Cabanel, qui a été le premier sénateur à agir avec l'association.
Nous faisons de la citoyenneté un sujet politique, mais il faut savoir aller à l'encontre des clivages. Ainsi, lorsque nous parlons de coopération, nous évoquons aussi la coopération des élus parlementaires afin que ces derniers portent les débats nationaux dans les communes. Nous pourrons ainsi montrer que la vie politique peut ne pas être politicienne. Cette citoyenneté sera nourrie d'un grand nombre de sensibilités et a besoin de cette diversité. En effet, sans diversité, la citoyenneté est un espace sans débats ni contradictions, pourtant fondamentaux pour le développement de notre esprit critique citoyen.
Le rôle de l'association est la mise en place d'une démarche avec une vraie recherche d'autonomie. Lorsque des villes engagées dans la démarche deviennent des promoteurs de cette dernière, nous sommes heureux.
Une fois que la démarche est structurée autour d'un plan d'action, celui-ci doit être mis en oeuvre par les énergies citoyennes locales. Il s'agit de s'appuyer sur les acteurs, notamment parfois sur les entreprises, actrices de la citoyenneté du fait de leur responsabilité sociétale.
Le travail qui accompagne la mise en place d'un plan d'action permet aussi aux associations de recruter des bénévoles. Surtout, avec une démarche structurante comme la nôtre et un plan d'action lisible, les acteurs associatifs locaux voient les orientations définies collectivement et disposent d'un espace au sein duquel ils peuvent jouer un vrai rôle, être utiles et participer à cet effort commun.
M. Stéphane Piednoir, président. - J'aimerais tout d'abord noter une forme de paradoxe entre la multiplicité des dispositifs proposés aux citoyens dans des domaines très différents -- tels que la responsabilité sociétale des entreprises, l'éducation morale et civique dans les établissements scolaires, les conventions citoyennes, le service national universel (SNU) ou encore le service civique -- et l'existence d'une forte abstention. Il existe une forme de rejet de la prise de décisions qui incombe élus.
J'aimerais souligner les limites du budget participatif. Évidemment, les élus ont bien conscience qu'un budget participatif ne doit pas aller à l'encontre d'un programme et d'une liste, choisis par les électeurs. Si, par exemple, votre liste d'opposition milite pour la gratuité des bus et que l'exécutif en place s'y refuse, inscrire ce point dans le budget participatif n'est pas possible. Une telle inscription serait antinomique avec la citoyenneté, qui consiste d'abord à confier les responsabilités à ceux qui détiennent la légitimité car ils sont élus et révocables au moment des élections.
Redorer tout simplement le sens du mot politique me comblerait. Cela relève peut-être d'un voeu pieux ! Le mot politique n'est pas un gros mot... Affirmer que la citoyenneté est une participation politique dans la vie de sa cité constituerait une avancée. Puisque nous avons bien vu que la commune est la pierre angulaire de cet objectif, nous pourrions penser un engagement politique, ce qui est assez proche de l'engagement citoyen.
M. Henri Cabanel, rapporteur. - Je remercie Julien Goupil pour la précision des réponses apportées à nos questions.
La démocratie représentative est évidemment issue du suffrage universel. Ce qui nous inquiète est la légitimité de l'élection au suffrage universel quand le taux d'abstention devient extrêmement important, comme lors des élections municipales.
Lorsque votre enquête a interrogé les élus sur leur définition de la citoyenneté, les réponses ont été similaires à l'échelle nationale, et notamment dans mon département. Cependant, cette vision est propre aux élus.
Que pensent les citoyens de la citoyenneté ? Comparer les deux visions serait très intéressant.
Tout comme le président, je suis stupéfait d'entendre des élus dire qu'ils ne font pas de politique. À partir du moment où nous gérons de l'argent public et où nous effectuons des choix, nous faisons de la politique. Cela étant, il faut distinguer les convictions politiques des convictions partisanes.
Nous aurions besoin de savoir ce que représente, aujourd'hui, la citoyenneté pour le citoyen. Les élus s'accordent plus ou moins sur la vision du citoyen. Cette question est très compliquée, notamment du fait des incivilités qu'ils subissent au quotidien.
Vous avez indiqué que ce travail s'inscrit dans le temps. Pourriez-vous nous donner des précisions sur la durée envisagée ?
Mme Laurence Muller-Bronn. - Merci pour votre enthousiasme. J'ai été impressionnée par votre courage.
En tant qu'élus locaux, nous sommes passés par certaines expériences que vous avez évoquées, qui existent dans nos communes, plus ou moins grandes. Les engagements des conseils de développement, que nous devons installer dans les communautés de commune, deviennent aujourd'hui une étape obligatoire. Dans ma communauté de communes de 48 000 habitants, recruter des personnes différentes est difficile. En outre, nous mettons en place un conseil de développement au sein de la collectivité européenne d'Alsace (CeA). Les personnes qui s'inscrivent dans ces organisations se ressemblent.
Tous les conseils municipaux permettent des débats d'idées et l'organisation d'actions. Les élus locaux s'impliquent beaucoup. En Alsace, nous organisons les journées citoyennes. Des actions ont lieu dans les collèges et les communes. Les retombées de ces actions sont formidables. Néanmoins, la participation électorale n'augmente pas.
Notons tout d'abord la pression médiatique et la manipulation des idées que nous vivons. Les médias ne jouent-ils pas un rôle ? Nous avons l'impression que les médias apportent le débat politique vers les citoyens alors qu'en réalité, ils n'apportent que la polémique. L'image donnée par les médias n'est-elle pas destructrice pour la politique, dans le bon sens du terme ? On montre en effet des bagarres à un meeting : ces événements sont répétés toute la journée, dégradant ainsi l'image de l'engagement.
De plus, je me pose la question du vote électronique. L'utilisation du numérique a été imposée pour toutes les démarches. Des générations entières utilisent Internet pour de nombreuses actions de leur vie quotidienne. Les électeurs ont envie de courir le matin plutôt que de faire la queue au bureau de vote ! Ce dernier a un côté vieillot même si, en tant qu'élus locaux, nous l'aimons ainsi. Les électeurs n'en ont toutefois pas besoin ; nous pouvons d'ailleurs les rencontrer à d'autres moments, lors d'un match de football par exemple. Je ne suis pas favorable au numérique en raison du besoin de proximité. Néanmoins, pour les récents votes dans nos partis politiques, le vote à distance a été une vraie opportunité.
M. Julien Goupil. - Nous proposons de former les élus à prendre la mesure de l'engagement citoyen. Ensuite, ces élus pourront aller vers les citoyens. On ne pratique pas la citoyenneté de la même manière à Chartres, à Lille, en Alsace et à Angers car les enjeux, les causes, l'histoire, l'écosystème et la culture y sont différents. Il s'agit aussi de revendiquer cette pratique locale pour, ensuite, aller vers le national.
En accompagnant des élus sur ces sujets, j'essaie de sortir de cette question du vote et de la participation électorale. Ces éléments seront la conséquence des actions menées.
Ce travail peut être réalisé à l'échelle d'un mandat. À l'issue du mandat, nous obtiendrons l'indicateur en demandant aux citoyens comment ils pratiquent et vivent leur citoyenneté à l'échelle de la commune. La participation n'est pas le seul élément à prendre en compte. Certains citoyens diront qu'ils ne pratiquent pas leur citoyenneté et que cela relève d'un choix.
Je suis persuadé que celui qui a simplement participé à une campagne de sensibilisation pour lutter contre les incivilités, et qui a eu le sentiment que la campagne a été bénéfique, utilisera son bulletin de vote car l'action de voter reprend du sens après une telle démarche.
Je pense que les méthodes de vote doivent être rénovées mais cela ne suffira pas. Une hausse de la participation sera la conséquence d'une dynamique. Or, on ne peut pas installer cette dynamique au niveau national : comptons sur nos 35 000 communes pour faire renaître le questionnement chez les citoyens, puis viendra l'engagement et, peut-être, le vote.
L'audition se termine à 17 heures 30.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.