- Mercredi 1er décembre
2021
- Traitements anti-covid et pharmacovigilance sur les vaccins anti-covid - Audition de Mme Christelle Ratignier-Carbonneil, directrice générale de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé
- Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à l'accompagnement des enfants atteints de pathologie chronique ou de cancer - Examen du rapport et du texte de la commission
- Proposition de loi visant à assurer la revalorisation des pensions de retraites agricoles les plus faibles - Examen du rapport et du texte de la commission
- Désignation d'un rapporteur
Mercredi 1er décembre 2021
- Présidence de Mme Catherine Deroche, présidente -
La réunion est ouverte à 9 h 30.
Traitements anti-covid et pharmacovigilance sur les vaccins anti-covid - Audition de Mme Christelle Ratignier-Carbonneil, directrice générale de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé
Mme Catherine Deroche, présidente. - Nous entendons ce matin Mme Christelle Ratignier-Carbonneil, directrice générale de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), au sujet des traitements anti-covid et de la pharmacovigilance sur les vaccins anti-covid.
Cette audition fait l'objet d'une captation vidéo en vue de sa retransmission en direct sur le site du Sénat. Elle sera consultable en vidéo à la demande.
Avec cette audition, la commission reprend ses travaux de suivi de la crise sanitaire en traitant d'un sujet pour lequel la plus grande transparence est de mise : la pharmacovigilance.
Comme tous les médicaments, les vaccins sont des produits actifs qui peuvent avoir des effets secondaires. Comme pour tous les médicaments, les bénéfices et les risques doivent être rigoureusement évalués. Même lorsque la balance penche clairement en faveur du vaccin, la crainte des effets secondaires peut conduire à l'hésitation vaccinale, voire au refus de la vaccination.
Le vaccin AstraZeneca a ainsi pu être associé à des cas de thrombose, qui ont conduit certains pays à y renoncer en tout ou partie, et les vaccins à ARN à des cas de cardiopathie. Une première étude portant sur 32 millions d'adultes vaccinés en Angleterre a mis au jour quatre rares complications neurologiques, tout en soulignant que l'infection par le covid peut aussi se traduire par de telles complications.
Cette audition a donc pour but de faire clairement le point sur ce sujet, sur la méthode utilisée et sur les résultats obtenus.
Son second sujet est celui des médicaments. Des anticorps monoclonaux ou des cocktails d'anticorps monoclonaux sont disponibles pour les formes graves. Ils sont en cours d'évaluation par l'Agence européenne du médicament (EMA). Plus prometteurs, des médicaments antiviraux pourraient aussi être disponibles. Pourriez-vous également faire un point sur les outils médicamenteux susceptibles d'être utilisés dans cette épidémie ?
Mme Christelle Ratignier-Carbonneil, directrice générale de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé. - L'ANSM est également chargée des dispositifs médicaux de diagnostic in vitro, mais je centrerai mon propos sur les items présentés par Mme la présidente, en commençant par les vaccins.
Je suis accompagnée de Caroline Semaille, directrice générale adjointe en charge des opérations de l'ANSM, et de Céline Mounier, directrice de la surveillance, qui, le cas échéant, pourront compléter mes propos. Je précise que l'ensemble des directions de l'agence sont particulièrement impliquées dans la surveillance des vaccins et des traitements.
Nous avons eu une chance historique : disposer de vaccins dans des délais courts. Les premières autorisations de mise sur le marché (AMM) conditionnelles ont été octroyées il y a un tout petit peu plus d'un an. Dans ce cadre, nous sommes extrêmement présents. Par le biais de l'ANSM, la France est notamment corapporteur pour le vaccin Pfizer-BioNTech. En effet, l'EMA est une agence de coordination s'appuyant sur l'expertise de l'ensemble des agences nationales, dont l'ANSM.
L'efficacité des vaccins a été établie à la fois par les essais cliniques ayant permis leur autorisation par l'EMA et par des données en vie réelle. C'est un volet important de la surveillance. Il y a un peu plus de trois ans, nous avons créé un groupement d'intérêt scientifique, le GIS EPI-PHARE, associant l'ANSM et la Caisse nationale d'assurance maladie (CNAM). Il s'agit d'un pôle d'expertise publique dédié à l'épidémiologie des produits de santé et à la pharmaco-épidémiologie.
Dans ce cadre, nous disposons du système national des données de santé (SNDS). Cette base est la plus importante au monde : elle recueille l'ensemble des données de santé de tous nos assurés sociaux. Grâce à ce dispositif, nous avons établi l'efficacité en vie réelle des vaccins, notamment à ARN messager, et en particulier pour ce qui concerne les formes graves et les décès. Cette étude très robuste porte sur plus de 22 millions de personnes présentes sur le territoire national - 11 millions de vaccinés et 11 millions de non-vaccinés. Elle a prouvé l'efficacité des vaccins, qui réduisent les formes graves de plus de 90 %, notamment chez les personnes de plus de 50 ans.
Nous suivons l'évolution de l'efficacité des traitements de manière très précise, au fil de l'eau - ainsi avons-nous mis en lumière l'efficacité à cinq mois - et en fonction des différentes classes d'âge.
D'autres données internationales, israéliennes ou américaines, ont une volumétrie un peu moindre : à ce jour, les données françaises sont celles qui présentent la plus grande ampleur.
En parallèle, nous avons mis en place un dispositif de surveillance renforcée dès le début de la campagne de vaccination, grâce auquel nous marchons sur deux jambes.
La première jambe, c'est la pharmacovigilance. À l'échelle nationale, le réseau des 31 centres régionaux de pharmacovigilance (CRPV) assure un maillage très fin. Les CRPV sont implantés dans les établissements de santé, donc au plus près du terrain. Ce dispositif de surveillance renforcée permet de suivre en temps réel l'ensemble des signalements effectués par les professionnels comme par les personnes vaccinées.
Cette organisation est rendue possible par la mobilisation des 22 experts CRPV et des rapporteurs présents dans ces centres, spécialisés par type de vaccin. Ainsi, chaque cas déclaré est analysé.
Nous avons aussi mis en place des comités de suivi entre les CRPV et l'ANSM, lesquels donnent lieu à une communication circonstanciée et totalement transparente sur le site internet de l'agence.
Dès décembre 2020, nous nous sommes engagés à une transparence totale quant aux effets indésirables, qu'ils soient qualitatifs ou quantitatifs. C'est un gage de confiance pour nos concitoyens, dont il faut garantir, autant que possible, l'adhésion à la vaccination.
À ce jour, plus de quarante communications ont été réalisées, soit une tous les quinze jours. Dans un effort de pédagogie, le site de l'agence présente à la fois un bref point d'information, qui se veut le plus didactique possible, une fiche de synthèse, détaillant un peu plus les points marquants pour chaque vaccin, et les rapports de pharmacovigilance, documents beaucoup plus volumineux réalisés par les experts des CRPV. Ces rapports analysent en toute transparence l'ensemble des effets indésirables.
Un très grand nombre de personnes ont été vaccinées : à travers le monde, plus de 4,5 milliards de doses de vaccins ont été injectées. Nous disposons donc d'un quantum d'informations extrêmement important. Ainsi, nous pouvons détecter des effets indésirables rares que les essais cliniques n'ont pas permis d'identifier. C'est tout le sens du principe régalien de pharmacovigilance.
Ce système de pharmacovigilance en vie réelle est indispensable. C'est grâce à lui qu'en lien avec nos partenaires européens et internationaux nous avons mis au jour des phénomènes très rares de thrombose atypique provoqués par les vaccins à adénovirus. Très rapidement, des études et des préconisations de conduite à tenir ont suivi, pour investiguer et surtout prendre en charge les patients. Les myocardites constituent un autre sujet, pour ce qui concerne les vaccins à ARN messager. C'est là tout le travail de la direction de la surveillance et des CRPV, mené selon les étapes suivantes : signalement, établissement de la typologie, détermination d'une éventuelle imputabilité au médicament, puis élaboration des mesures adéquates.
Une fois tous les éléments identifiés à l'échelle nationale, le partage est assuré à l'échelle européenne avec les autres agences nationales. Notre organisation est assez spécifique - tous les États membres ne disposent pas d'un maillage territorial si fin - et elle nous permet de détecter le plus tôt possible les effets indésirables.
La seconde jambe, c'est la pharmaco-épidémiologie. Nous sommes à même d'identifier les personnes vaccinées et leur comportement de soins : ont-elles connu des hospitalisations, reçu des soins en médecine ambulatoire ou des traitements médicamenteux particuliers ?
Ainsi, le risque de myocardite a été mesuré pour les différents vaccins à ARN messager. La question a fait l'objet d'une communication très récente d'EPI-PHARE. Ces informations sont une aide à la décision tout-à-fait précieuse. Par exemple, c'est sur cette base que l'ANSM a préconisé de réserver le vaccin Moderna aux plus de 30 ans. On commence par détecter un signal, on constate un effet indésirable, on mène l'investigation et les études pharmaco-épidémiologiques permettent de déterminer la conduite à tenir.
Ces deux dimensions sont complémentaires pour orienter les investigations et pour aider à la gestion et à l'utilisation de ces médicaments, le tout en assurant la transparence. C'est un moyen pédagogique de lutter contre la désinformation, le tout en relation avec les associations de patients et les professionnels de santé.
Nous collaborons au quotidien avec les CRPV, qui analysent les déclarations et réalisent des focus particuliers sur certaines populations, comme les jeunes âgés de 12 à 17 ans ou les femmes enceintes.
Mme Céline Mounier, directrice de la surveillance de l'Agence nationale de la sécurité du médicament et des produits de santé. - La sous-déclaration d'effets indésirables est récurrente en pharmacovigilance. À la mi-novembre, néanmoins, nous atteignons 110 000 déclarations d'effets indésirables rien que sur les vaccins contre la covid, contre 45 000 tous médicaments confondus pour une année normale. Nous sommes donc très largement informés sur tous les effets des vaccins.
De plus, habituellement, les déclarations sont à 90 % faites par les professionnels de santé. Pour ces vaccins, la proportion de déclarations effectuées par les patients atteint 40 %. De façon similaire, la proportion de cas graves est plus faible parmi les déclarations relatives aux vaccins que pour l'ensemble.
Je précise que, en pharmacovigilance, la gravité est analysée au regard de critères objectifs, comme la survenue d'une hospitalisation ou d'un décès, mais aussi plus subjectifs, avec l'effet médical lui-même, tel qu'il est jugé par le professionnel de santé. Les effets graves déclarés sont ensuite analysés par les centres de pharmacovigilance pour s'assurer d'un lien effectif avec le vaccin.
Enfin, une grande partie de ces effets graves correspondent à des symptômes pseudo-grippaux, comme des céphalées ou de la fièvre. On observe aussi de l'hypertension artérielle ou des myocardites. Vous retrouverez la liste de ces effets graves dans le résumé des caractéristiques du produit, qui font aussi l'objet d'une analyse au niveau européen. Ainsi, c'est là que sont mentionnées les thrombocytopénies immunitaires thrombotiques pour les vaccins à adénovirus comme celui d'AstraZeneca. Je précise toutefois que ces effets n'ont été mentionnés que dans peu de déclarations et que le lien avec le vaccin n'est pas certain.
M. René-Paul Savary. - Par exemple, quels vaccins sont à l'origine de myocardites et dans quelle proportion ?
Mme Christelle Ratignier-Carbonneil. - Je rappelle que nous sommes à 110 000 déclarations sur 100 millions d'injections, tous vaccins confondus. Les 80 millions d'injections du vaccin de Pfizer ont été suivies de 68 000 déclarations. Le Spikevax de Moderna a été injecté 11 millions de fois pour 15 000 déclarations. Le Vaxzevria d'AstraZeneca, pour 8 millions d'injections, a été suivi de 27 000 déclarations. Enfin, le vaccin de Janssen, qui a été injecté 1 million de fois, a fait l'objet de 1 000 déclarations.
Environ 500 cas de myocardites ont été détectés, uniquement sur les vaccins à ARN messager, dont 375 pour le vaccin de Pfizer et une centaine pour celui de Moderna. Cet effet est reconnu, le lien avec le vaccin est possible et on n'a pas retrouvé ce cas avec ceux qui sont basés sur les adénovirus.
La grande majorité des myocardites détectées, y compris au niveau européen, a connu une résolution favorable. La fréquence semble plus importante pour Moderna que Pfizer. Cela a été préfiguré par une étude scandinave, et l'étude EPI-PHARE met en évidence cette différence, d'où la recommandation de la Haute Autorité de santé (HAS) de n'utiliser le Moderna qu'à partir de 30 ans. En effet, les hommes et les personnes âgées de 18 à 29 ans sont surreprésentés dans les victimes de myocardites.
Bien sûr, nous suivons l'évolution des chiffres en permanence. Plus de 52 millions de personnes ont reçu un schéma vaccinal complet et nous avons beaucoup communiqué sur les déclarations. Un total aussi élevé n'est donc pas surprenant et témoigne du bon fonctionnement de la déclaration.
Mme Florence Lassarade. - Rapporteure de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) sur la stratégie vaccinale, j'ai mené beaucoup d'auditions sur la fragilité des vaccins, dont le Cominarty, notamment durant leur transport et leur conservation. Or cela ne semble plus poser problème, ce qui est surprenant eu égard aux précautions prises au départ. Quelles procédures de contrôle qualité attestent de la régularité des produits ?
Par ailleurs, en tant que pédiatre, je m'interroge sur la vaccination des enfants de plus de 5 ans en situation de fragilité. Dispose-t-on de comparaisons avec ce qui se passe à l'étranger ? La vaccination a été décidée pour les adolescents avec peu de recul, en se basant sur seulement 3 000 cas.
Mme Pascale Gruny. - Comment travaillez-vous avec l'EMA ? Celle-ci ralentit-elle une prise de décision que vous souhaiteriez plus rapide ? Les Français semblent vouloir plus d'Europe, alors que la santé n'est pas une compétence européenne. Dans ce contexte, voyez-vous l'Europe comme un frein ou une chance ?
J'ai la même préoccupation que Florence Lassarade sur la vaccination des enfants.
Par ailleurs, la presse régionale rapporte que, à Amiens, 83 personnes ont reçu un vaccin périmé. Avez-vous eu de tels retours ?
Enfin, parmi mes proches, une personne s'est trouvée en insuffisance respiratoire après la vaccination. Est-ce un cas isolé ?
Mme Michelle Meunier. - Il y a quelque temps, j'ai lu votre signalement de vigilance sur les complications gynécologiques occasionnées par le vaccin ; pouvez-vous nous en dire plus ? Comment pouvons-nous rassurer les femmes, notamment pour la troisième dose ?
M. Jean-Luc Fichet. - Où est passé le vaccin d'AstraZeneca ?
Mme Catherine Deroche, présidente. - Pour compléter la question de M. Fichet, y a-t-il un suivi spécifique des populations qui auraient été vaccinées avec un vaccin qu'on n'administrerait plus ?
Mme Christelle Ratignier-Carbonneil. - Les règles de stockage des vaccins à ARN messager ont effectivement changé. Initialement, ils devaient être conservés à - 80°C, mais, au fur et à mesure de la transmission de données à l'Agence européenne du médicament, nous avons pu établir - la France était corapporteur sur cette question - qu'ils pouvaient être conservés à - 20°C, puis à - 4°C. C'est ce qui a ouvert la voie à une offre en ambulatoire, auprès des médecins de ville, des pharmaciens d'officine, des infirmiers ou des kinésithérapeutes.
Avant d'être distribués, les lots de vaccins, comme ceux de médicaments issus du plasma, doivent faire l'objet non seulement d'un contrôle qualité par l'industriel, mais aussi d'un contrôle d'un organisme public libérateur de lots. L'ANSM est l'un de ces organismes. Lorsqu'un lot est libéré, il peut être utilisé dans toute l'Union européenne, en vertu d'une reconnaissance mutuelle.
Vous m'interrogez sur la vaccination des enfants. La stratégie vaccinale relève non pas de la compétence de l'ANSM, mais de celle de la HAS. L'autorisation du vaccin Pfizer vient effectivement d'être étendue aux enfants entre 5 et 11 ans, qui pourront recevoir une dose de 10 microgrammes, contre 30 pour les adultes. Des essais ont en effet permis à l'Agence européenne du médicament de délivrer cette autorisation.
La HAS a autorisé hier cette vaccination en recommandant de vacciner en priorité les enfants fragiles, c'est-à-dire sujets au diabète, à l'insuffisance rénale ou atteints de trisomie 21, cette pathologie étant en tête des facteurs de risque de survenue d'un covid sévère.
Quel recul avons-nous sur la vaccination des enfants au niveau mondial ? Les États-Unis ont commencé à la pratiquer en masse, puisque 1,5 million d'enfants de 5 à 11 ans y ont été vaccinés, sans que l'on rapporte d'effets indésirables particuliers. Chez les 12-17 ans, ces effets étaient comparables à ceux que l'on observe chez les adultes et jeunes adultes. Israël a aussi commencé la vaccination des 5-11 ans. Nous disposons donc d'un recul en matière de pharmacovigilance.
Covid ou non, nous travaillons plusieurs fois par jour avec l'Agence européenne du médicament. Tous les produits innovants, notamment en hématologie, en infectiologie, en virologie ou en neurologie, relèvent de sa compétence. Elle agit comme une grande instance de coordination, qui s'appuie sur les expertises sanitaires des agences nationales.
Celles-ci sont représentées tant au comité des autorisations, le Committee for Medicinal Products for Human Use (CHMP) qu'au comité de sécurité, le Pharmacovigilance Risk Assessment Committee (PRAC). Des réunions régulières sont organisées, auxquelles s'ajoutent des réunions exceptionnelles, nombreuses depuis le début de la pandémie. L'ensemble des agences nationales y débattent d'une autorisation ou d'un signal de sécurité. De 80 à 90 % de notre travail au quotidien se fait ainsi toujours en anglais.
Est-ce un frein pour la prise de décision ? Je ne le crois pas. Sur la vaccination, cela a permis de fédérer les évaluations. En dehors de la compétence de l'agence, l'acquisition mutualisée des doses a été une bonne chose.
La France a une position particulière au sein de l'Agence. Sa voix compte, notamment lorsqu'elle est rapporteur ou corapporteur. Sa compétence en pharmacovigilance est reconnue : son maillage territorial est presque unique - elle partage cette particularité avec l'Espagne. Nos collègues européens ont donc une attention toute particulière lorsque la France fait un signalement.
Les stratégies de vaccination relèvent de la compétence nationale. En France, c'est la HAS qui est compétente. Des évaluations au niveau européen ont mis en évidence le lien entre les vaccins à adénovirus et la survenue de thromboses atypiques, effet indésirable très rare, mais très grave. Les stratégies ont été établies par les États en fonction des classes d'âge. En France, la Haute Autorité a réservé ces vaccins aux plus de 55 ans. D'autres États ont pu choisir de fixer la limite à 50 ou à 60 ans.
Ces vaccins à adénovirus - AstraZeneca ou Janssen - sont effectivement beaucoup moins utilisés maintenant. Le choix de les réserver aux plus de 55 ans est lié non pas à un risque de thrombose inférieur, mais à un rapport bénéfice-risque différent : l'âge étant un facteur de risque majeur de développer un covid sévère, le risque de thrombose, toujours présent, passe au second plan.
Mais il a été compliqué d'obtenir l'adhésion de la population ; ils ont donc été très peu utilisés. Le vaccin Janssen devait être administré en une seule dose, ce qui pouvait être un élément positif. Mais, grâce aux données dont nous disposions, nous savons désormais qu'il est nécessaire de le compléter par une deuxième dose de vaccin à ARN messager.
Comme vous l'indiquez, nous avons eu des déclarations en pharmacovigilance d'erreurs médicamenteuses liées à l'utilisation d'un lot périmé. Jusqu'à il y a peu, il fallait systématiquement reconstituer le vaccin ; il a donc pu y avoir des erreurs au cours de cette opération. Lorsqu'une telle déclaration nous remonte, nous regardons avec le centre régional de pharmacovigilance ce qu'il faut faire et choisissons ou non de revacciner les personnes, après un test sérologique. Nous incitons les soignants à la plus grande vigilance sur ces questions, notamment le respect des temps de conservation respectifs à - 20 ou à - 4°C.
Vous m'interrogez sur un cas d'insuffisance respiratoire. Il y a eu 110 000 déclarations : je ne les connais pas tous par coeur ! Tous les quinze jours, nous faisons une communication sur les signaux qui émergent, ceux qui sont en discussion, ceux qui sont confirmés. Cela permet de compléter la liste des effets indésirables répertoriés.
Mme Céline Mounier. - Pour l'insuffisance respiratoire, nous avons cette vigilance, mais ce n'est pas un signal potentiel. Nous partagerons sur ce point avec nos collègues européens.
Mme Christelle Ratignier-Carbonneil. - S'agissant des troubles menstruels, nous avons reçu quelques centaines de signalements de patientes vaccinées avec Pfizer et Spikevax de Moderna, les vaccins AstraZeneca et Janssen ayant été réservés aux plus de 55 ans. Nous avons mis en place une réunion avec le Collège national des gynécologues et obstétriciens de France (CNGOF) afin d'analyser ces premiers cas. Les échanges que nous avons eus avec les professionnels de santé sont rassurants, car ces troubles sont résolutifs et, la plupart du temps, de très courte durée. Pour tous ces vaccins à ARN messager, nous ferons un point à la mi-décembre concernant l'évolution quantitative et qualitative. À ce stade, il n'y a pas d'éléments particuliers d'inquiétude à avoir, sachant que, depuis le mois de juillet, où la vaccination a été ouverte aux plus de 18 ans, le nombre de personnes potentiellement concernées a augmenté. La confirmation de ces données, que nous espérons, sera déterminante pour la conduite à tenir.
Mme Corinne Imbert. - Merci pour les réponses que vous avez déjà apportées à nos interrogations. La pharmacovigilance est bien au coeur de vos préoccupations. Cette organisation spécifique renforcée avait-elle été mise en place par le passé ? Vous a-t-elle obligé à mobiliser des moyens financiers supplémentaires ? Au vu du bon fonctionnement du système, vous n'avez pas dû rencontrer de difficultés particulières ; mais j'aimerais vous entendre sur ce sujet.
Ce modèle français de pharmacovigilance renforcée s'applique-t-il au niveau européen ?
À partir de quel stade les effets indésirables au regard du nombre d'injections réalisées peuvent-ils être considérés comme notables ? Des effets nouveaux sont-ils surveillés en ce moment ?
Mme Jocelyne Guidez. - Aujourd'hui, nous ne sommes pas tous égaux en matière d'immunité et d'effets secondaires de la vaccination. Or la troisième dose s'impose pour bénéficier du passe sanitaire.
M. Jean Sol. - La désinformation s'amplifie au fil des jours, en particulier sur les réseaux sociaux, et semble constituer un frein à la vaccination. L'un de vos objectifs est de lutter contre ce phénomène. Quelles pistes concrètes avez-vous mises en place pour y remédier ? Pour ce qui est des effets indésirables, j'ai le sentiment qu'ils sont sous-déclarés. Partagez-vous cet avis ? Quelles sont les actions mises en oeuvre pour inciter les professionnels et les patients à déclarer ces éventuels effets et à les faire remonter ? Disposons-nous aujourd'hui d'assez de recul sur les effets indésirables de la troisième dose ?
Mme Annick Jacquemet. - Ma question rejoint celle de Jocelyne Guidez sur les dosages d'anticorps. Des médecins disent qu'il n'existe aucune corrélation entre le dosage des anticorps et la protection vaccinale. Des études en cours permettront-elles d'établir ce lien ? Quels éléments sont invoqués pour dire qu'un vaccin perd de son efficacité au bout de quatre à cinq mois ?
M. Olivier Henno. - Merci pour toutes ces informations.
Je m'interroge sur l'efficacité des traitements. Leur développement ne risquerait-il pas d'avoir un effet négatif sur l'avancement de la vaccination, en renforçant les réticences de certains de nos concitoyens ?
M. Daniel Chasseing. - Les 110 000 effets indésirables recensés correspondent à un cas pour 1 000. Est-ce différent de ce qui se produit lors de la mise sur le marché d'un nouveau médicament ? Enfin, 500 cas de myocardites ont eu une issue favorable, avez-vous dit. Pouvez-vous nous indiquer le pourcentage d'effets non favorables ?
Mme Christelle Ratignier-Carbonneil. - La surveillance renforcée est assez inédite et porte sur tous les dispositifs médicaux. Nous avions déjà mis en place une forme de transparence au moment de la mise en place de l'obligation vaccinale des enfants de moins de 2 ans, avec la remise d'un rapport annuel. La pharmacovigilance des médicaments classiques fait déjà l'objet à l'heure actuelle de rapports, et les travaux du comité scientifique permanent Surveillance et pharmacovigilance sont mis en ligne sur le site de l'Agence, dans un souci de transparence et de promotion de la déclaration.
Oui, ce modèle est français. Les autres États européens, hormis l'Espagne, ne sont pas encore dotés d'une organisation territoriale. De plus, les dispositifs reposent sur une granularité de l'information différente. Pour autant, tous mes homologues se sont engagés dans cette démarche de transparence et de partage des éléments concernant la surveillance, très demandée par les populations. Sur la pharmaco-épidémiologie, peu d'États européens peuvent, comme nous, s'enorgueillir d'une expertise publique leur permettant de regarder ce qu'il se passe « en vie réelle » pour tous les assurés sociaux.
À partir de quel seuil un effet indésirable peut-il être considéré comme notable ? En pharmacovigilance, nous travaillons moins sur le quantitatif que sur le qualitatif. Si la pharmaco-épidémiologie permet de savoir combien de personnes ont reçu l'injection, la pharmacovigilance repose au contraire sur de la déclaration spontanée, donnée par essence moins objective sur le plan quantitatif. Je peux prendre des décisions et des mesures d'urgence, comme la suspension d'un médicament, sur la base d'un ou deux signalements si la situation l'exige. Les thromboses atypiques et les myocardites concernaient au départ de rares cas. Mais, même si leur nombre est infime, c'est le caractère atypique des symptomatologies qui a interpellé les cliniciens, les pharmacovigilants, l'ANSM et les acteurs européens, et suscité une réaction rapide de notre part. C'est toute l'expertise humaine et clinique des centres régionaux de pharmacovigilance et de l'ANSM qui est indispensable.
Oui, des crédits supplémentaires ont été nécessaires pour renforcer les moyens des 31 CRPV et de l'ANSM en vue de gérer l'afflux de ces signalements. Pour ce faire, nous avons reçu des dotations supplémentaires à hauteur de 2 millions d'euros, toujours disponibles à la fin de 2021. Nous avons ainsi pu recruter de nombreux professionnels de pharmacovigilance, mais il faut continuer en ce sens avec la campagne d'injection de la troisième dose.
Selon les données EPI-PHARE, cinq mois après l'injection du vaccin, l'efficacité est de 90 %, celle-ci se mesurant en fonction des hospitalisations et des décès. L'évolution de l'immunité n'est pas égale selon les personnes, mais il est recommandé de se soumettre à une troisième dose. En effet, les données internationales montrent que, globalement, au-delà de cinq mois, l'efficacité diminue. Nous n'avons pas à ce stade de corrélat réel de protection qui nous permettrait de dire que la personne est encore protégée ou non. Le principal critère reste les formes sévères et graves. La situation est compliquée pour les patients immunodéprimés, qui réagissent mal aux vaccins. Certains ne répondent pas du tout, d'autres sont pauci-répondeurs, c'est-à-dire faiblement répondeurs, sans que l'on sache à quoi cela correspond en termes d'immunité.
M. René-Paul Savary. - Il n'existe donc pas de corrélation entre le taux d'anticorps circulant et l'efficacité de ces anticorps. Il faut faire repasser ce message. Se pose maintenant le problème du passe sanitaire, car en fonction de la sérologie, le vaccin est refusé.
Mme Catherine Deroche, présidente. - Cette notion est encore à l'étude.
Mme Christelle Ratignier-Carbonneil. - Aujourd'hui, la réponse est binaire, car cet élément fait encore défaut.
J'en viens à la désinformation. Nous nous sommes particulièrement mobilisés pour la transparence, avec un dispositif de communication renforcée par le biais du nouveau site internet de l'ANSM. En outre, notre présence sur les réseaux sociaux, notamment sur Twitter et LinkedIn, est de plus en plus importante pour atteindre le grand public. Nous avons aussi nombre d'échanges avec les parties prenantes, professionnels de santé et patients, qui sont de réels relais de nos communications. Je pense au Collège de la médecine générale, à l'ensemble des sociétés savantes et des associations de patients, à la presse écrite, radiophonique et audiovisuelle, qui favorisent la démultiplication de nos informations. Il s'agit de capter immédiatement l'attention du lecteur, qui peut ensuite approfondir sa recherche.
Pour ce qui est des effets indésirables de la troisième dose, nous n'avons pas d'éléments spécifiques concernant des événements atypiques qui dépasseraient des symptômes pseudo-grippaux ou des douleurs au point d'injection, mais nous suivons cela de très près.
L'exercice de communication est important et ne doit pas donner lieu à une compétition entre la vaccination et les traitements. Les anticorps monoclonaux sont un outil supplémentaire, mais ils ne doivent pas susciter au sein de la population une réticence à l'égard de la vaccination.
On dénombre effectivement 110 000 cas d'effets indésirables sur 100 millions d'injections, sans atypies, et répartis entre 75 % d'effets non graves et 25 % d'effets graves, contre 40 % pour les médicaments. Pour les myocardites, en grande majorité, l'évolution est favorable, mais souvent nous ne disposons pas des informations sur la gravité des symptômes. D'après les données EPI-PHARE, pour l'ensemble des personnes vaccinées, l'évolution de ces cas de myocardite s'est révélée favorable, notamment en termes de durée d'hospitalisation. Nous suivrons à plus long terme l'état de santé des personnes qui ont été vaccinées par les vaccins à ARN messager ou à adénovirus.
Mme Catherine Deroche, présidente. - Avez-vous établi des comparaisons avec l'incidence des myocardites sur la population générale ?
Mme Christelle Ratignier-Carbonneil. - Nous vous enverrons l'ensemble de nos réponses écrites. L'excès de cas de myocardites s'élève à 3 par million après la première dose du vaccin Pfizer, à 27 après la deuxième dose, et à 132 pour la deuxième dose du vaccin Moderna. Cet effet indésirable présente très clairement un lien avec le vaccin. Ces données ont pour objet d'adapter les actions.
Mme Annie Delmont-Koropoulis. - Que sait-on du vaccin Sanofi-Pasteur avec adjuvant à base de protéine recombinante ? Arrivera-t-il bientôt ? Est-il susceptible d'être considéré comme une dose de rappel potentielle ?
Mme Christelle Ratignier-Carbonneil. - Le vaccin Sanofi-Pasteur fait l'objet d'une évaluation en continu auprès de l'Agence européenne du médicament. Les premiers éléments devraient être présentés d'ici à la fin de l'année, plus probablement au début de l'année prochaine. Il s'agirait d'une autorisation de mise sur le marché en rappel, ce qui paraît assez logique, car la population européenne est majoritairement primovaccinée.
Mme Annie Delmont-Koropoulis. - Le vaccin de Sanofi pourra-t-il offrir une alternative mieux acceptée pour les enfants ?
Mme Christelle Ratignier-Carbonneil. - L'autorisation qui a été demandée concerne les adultes uniquement et vaut pour les rappels de vaccin. D'autres vaccins sont en cours d'évaluation, comme Novavax.
Mme Catherine Deroche, présidente. - L'Inserm a publié un livret intéressant, intitulé Fake news santé. Il a également lancé l'outil Canal Détox sur son site web, qui répond à des questions précises sur les vaccins.
Mme Christelle Ratignier-Carbonneil. - Je signale qu'un dossier spécial sur la covid figure sur le site ansm.sante.fr, qui reprend tous les éléments que je vous ai livrés sur les vaccins, qu'il s'agisse de la manière dont fonctionne un vaccin à ARN messager ou de précisions sur les traitements et les tests diagnostiques. N'hésitez pas à le consulter.
Mme Caroline Semaille complétera mes propos quant aux traitements qui existent. Je me concentrerai sur les anticorps monoclonaux et les antiviraux, ainsi que sur les polyclonaux, car nous disposons d'un médicament faisant appel à ce type d'anticorps.
De manière générale, l'ensemble de ces médicaments doivent faire l'objet d'une demande d'autorisation de mise sur le marché centralisée auprès de l'Agence européenne des médicaments.
La France bénéficie toutefois d'un dispositif particulier dit « d'accès précoce », dans lequel l'ANSM intervient le plus tôt possible, bien avant que l'AMM soit délivrée, pour définir dans des conditions très précises des possibilités d'accès aux médicaments pour les patients à risque ou à très haut risque de développer des formes sévères de la maladie, les patients immunodéprimés notamment. En effet, lors de la première vague, le taux de mortalité chez ces patients était de 30 % à 40 %. Il faut donc éviter que ces derniers ne connaissent une forme grave de la maladie, en prévoyant un traitement curatif.
Nous développons aussi des molécules pour de la prophylaxie post-exposition, c'est-à-dire pour les cas contact, mais aussi pré-exposition.
Mme Caroline Semaille, directrice générale adjointe en charge des opérations de l'ANSM. - Notre arsenal thérapeutique pour le covid reste limité et est en cours de développement. Quelques molécules existent déjà. Nous disposons, d'une part, des anticorps monoclonaux et polyclonaux, qui se fixent sur la protéine Spike à la surface du virus, d'autre part, des antiviraux, qui ciblent directement le virus.
Les anticorps monoclonaux sont des traitements destinés à des patients hospitalisés ou en ambulatoire, en tout cas en milieu hospitalier, car ils nécessitent d'effectuer une perfusion à la suite de laquelle il faut effectuer une surveillance du patient pour pallier le risque d'hypersensibilité. En cas de mutation du virus, l'efficacité de ces anticorps reste incertaine.
En France, dès que nous disposons des données suffisantes et même si l'évaluation n'est pas achevée au niveau européen, le dispositif d'accès précoce permet aux industriels de déposer une demande auprès de l'ANSM avant l'autorisation de mise sur le marché centralisée.
Deux AMM centralisées ont été délivrées, le 12 novembre dernier, pour les anticorps monoclonaux. Elles concernent les laboratoires Roche et Celltrion. Un troisième laboratoire, Lilly, avait également proposé un cocktail d'anticorps, mais s'est retiré en cours d'évaluation pour des problèmes liés à l'efficacité du traitement. Ces AMM ont été accordées à la mi-novembre, mais les patients français disposaient déjà des traitements depuis plusieurs mois.
En effet, les premiers anticorps du laboratoire Lilly ont été mis à disposition via des cohortes incluant jusqu'à 800 patients dès le mois de février. Cependant, la demande d'AMM centralisée a été retirée.
Un autre cocktail d'anticorps est à disposition, en France, depuis de nombreux mois. Il s'agit de celui du laboratoire Roche, utile non seulement en curatif pour éviter les décès et réduire jusqu'à 80 % la durée d'hospitalisation des patients, mais aussi en préventif, en pré et post-exposition à la maladie. Dans le cadre du dispositif d'accès précoce, les patients français peuvent bénéficier du traitement depuis le mois de mai dernier, alors que l'AMM n'a été donnée qu'en novembre au niveau européen.
D'autres cocktails d'anticorps prometteurs existent en préventif comme en curatif ; ils sont en cours d'évaluation.
Les antiviraux comme le remdesivir du laboratoire Gilead, dont on a beaucoup parlé lors de la première vague de covid, ont été utilisés à destination des patients hospitalisés. Ils le sont désormais beaucoup moins, car ils ont une efficacité limitée, s'administrent par intraveineuse et ont des effets indésirables.
L'objectif est de disposer d'antiviraux que l'on pourrait administrer en ambulatoire, c'est-à-dire en ville, le plus précocement possible et par voie orale, pour diminuer la charge virale et l'infection.
La presse a fait état de deux antiviraux, l'un du laboratoire Merck Sharp and Dohme (MSD), l'autre du laboratoire Pfizer. Ils sont en cours d'évaluation au niveau européen. Le Molnupiravir du laboratoire Merck est le traitement le plus avancé. Il fait l'objet d'une évaluation dans le cadre du dispositif d'accès précoce. Il a aussi bénéficié d'un accès précoce au niveau européen à la mi-novembre.
Dans la presse, il est dit que l'Agence européenne des médicaments s'est prononcée alors qu'elle ne disposait que d'une analyse intermédiaire limitée aux données concernant la moitié des patients traités. Depuis vendredi dernier, nous disposons de l'analyse complète, qui a montré que l'efficacité de l'antiviral, qui était de 50 %, est passée à 30 %. Ce dernier s'administre par voie orale pendant cinq jours, le plus précocement possible, chez des patients à risque évolutif.
L'enjeu des traitements en accès précoce est que le patient puisse les prendre le plus tôt possible, c'est-à-dire hors de l'hôpital, en ville. Un mécanisme dérogatoire a donc été prévu pour ces médicaments, qui pourront être délivrés par les officines de ville, même en accès précoce. Un arrêté le précise.
Un autre traitement de ce genre est en cours d'évaluation. Pour l'instant, aucune AMM n'a été délivrée.
Le traitement antiviral de Pfizer fait l'objet d'une évaluation d'accès précoce au niveau européen. Alors que le principe de fonctionnement du Molnupiravir de Merck repose sur l'erreur et la réplication virale, puisqu'il s'agit de créer des virus non efficaces, le traitement de Pfizer est un inhibiteur de protéase, qui doit être administré en combinaison avec un autre traitement du VIH pour le booster. Les évaluations se font en accéléré dans le contexte de la cinquième vague.
Ces traitements seront réservés à des patients à haut risque de développer une forme grave de la maladie.
Mme Christelle Ratignier-Carbonneil. - Nous avons le même dispositif de surveillance renforcée, qui repose sur les centres régionaux de pharmacovigilance, avec des experts dédiés à chaque traitement. Ainsi de la dexaméthasone : l'intérêt des corticoïdes a été mis en évidence au cours de la première vague, mais ces derniers ont évidemment des effets indésirables importants. Une vingtaine de comités de suivi se sont tenus sur ces traitements, avec des points de situation disponibles sur notre site, pour faire le bilan sur leurs effets.
Mme Catherine Deroche, présidente. - Le ministre Olivier Véran avait annoncé une commande de 50 000 doses de Molnupiravir à une époque où le médicament semblait prometteur.
Mme Annick Jacquemet. - De combien de temps auront besoin les laboratoires pour adapter les vaccins à anticorps monoclonaux aux mutations du virus ?
Mme Caroline Semaille. - La production d'anticorps monoclonaux est une opération complexe, qui ne peut se faire en quelques semaines. La première question que nous devons nous poser est la baisse de la neutralisation. Nous avons demandé aux industriels de déposer les données, au niveau de la France comme à celui de l'EMA. C'est la procédure, en matière de vaccins comme de traitements : les industriels sont tenus de fournir au plus vite des données et un calendrier.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. - Qu'en est-il du médicament repositionné de l'institut Pasteur de Lille, dont les essais cliniques de troisième phase ont commencé en juin ?
Mme Corinne Imbert. - Comment expliquez-vous que l'EMA donne déjà un avis favorable sur la base de la moitié des données cliniques ? L'ANSM aurait-elle pris la même décision ? Certes, une baisse de 30 % des risques d'hospitalisation ou de décès, c'est mieux que rien.
Le cocktail d'anticorps monoclonaux de Roche est-il mis à disposition en pré-exposition ou en post-exposition, sachant qu'il est délivré en perfusion ?
Mme Caroline Semaille. - La pré-exposition est réservée aux patients à risque, qui reçoivent une injection par mois. Cet intervalle correspond à la durée de protection assurée par les anticorps monoclonaux. C'est un traitement en complément, qui apporte au patient les anticorps qu'il n'est pas en mesure de fabriquer lui-même. Des études sont en cours pour porter à six mois la durée de la protection, ce qui permettrait d'espacer les injections.
Mme Christelle Ratignier-Carbonneil. - Les patients concernés sont ceux chez qui la vaccination ne génère pas d'immunité - les transplantés, par exemple. Ils restent séronégatifs après trois doses de vaccin et présentent un très fort risque de développer une forme sévère de la covid, avec une mortalité de 30 à 40 %.
Monsieur Vanlerenberghe, un essai sur le médicament repositionné est en cours. Nous ne disposons pas encore de données.
Nous avons reçu plus de 200 demandes d'autorisation d'essai clinique sur la covid, avec une forte concentration sur la première vague. Au début, la majorité des demandes émanaient de promoteurs institutionnels et académiques, un créneau sur lequel la France est leader en Europe. Ces demandes étaient concentrées sur les antiviraux. Ensuite sont venus les promoteurs industriels, avec de nouveaux médicaments.
Pourquoi l'EMA a-t-elle accordé une autorisation d'accès précoce ? Si nous avons appris quelque chose de cette crise, c'est l'humilité. Certes, la réduction du risque est de 30 %, et non de 50 % ; mais c'est déjà quelque chose pour les patients très à risque.
Ensuite, c'est le propre de l'accès précoce que de reposer sur des données partielles. L'autorisation est délivrée lorsque nous estimons que ne pas donner accès au médicament en question engendrerait une perte de chances pour les patients concernés. Cette nuit, l'Advisory Committee de la Food and Drug Administration (FDA) a donné un avis favorable au Monulpiravir, sur la base de l'ensemble des données. Il est possible de revenir à tout moment sur l'autorisation d'accès précoce, en fonction de l'évolution des données. C'est une évaluation constante du bénéfice-risque, d'où la surveillance en temps réel de l'efficacité et de la sécurité du médicament. Le Molnupiravir ne sera pas délivré aux femmes enceintes, en raison d'un risque de mutagénicité.
Mme Émilienne Poumirol. - Dans la presse, ces antiviraux ont été présentés comme un remplacement possible du vaccin... Et le coût de ces médicaments n'était pas évoqué. Or, il pourrait s'élever à 600 ou 700 euros. Il s'agit bien de médicaments ciblés sur les patients immunodéprimés, et non destinés au grand public. Ils ne donneront pas à des pays comme le Brésil ou l'Argentine les moyens de lutter contre la pandémie. Il y a donc un enjeu important de communication : il faudra expliquer au public que ces médicaments ne remplaceront pas le vaccin.
Mme Christelle Ratignier-Carbonneil. - En effet. Un antiviral n'est pas un médicament anodin : il faut le réserver aux patients pour qui la vaccination n'a pas d'effets bénéfiques, en accès précoce comme en AMM. De plus, les effets indésirables sont sans commune mesure avec ceux du vaccin.
Mme Catherine Deroche, présidente. - Je vous remercie. Il était important de faire le point à ce stade de l'épidémie.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à l'accompagnement des enfants atteints de pathologie chronique ou de cancer - Examen du rapport et du texte de la commission
Mme Jocelyne Guidez, rapporteure, en remplacement de M. Alain Duffourg. - Cette proposition de loi a été déposée par notre collègue députée Béatrice Descamps et adoptée à l'unanimité par l'Assemblée nationale, en première lecture, le 25 mars dernier.
Je tiens à saluer notre collègue Alain Duffourg, qui a commencé les travaux sur ce texte avant d'être contraint à l'isolement. Je le supplée aujourd'hui.
Avant d'aborder l'examen de ce texte, il me revient de vous proposer un périmètre pour l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution.
Je considère que ce périmètre comprend des dispositions relatives aux points suivants : le régime des congés des salariés et des agents publics en cas de maladie chronique ou de cancer de leur enfant ; la mise en oeuvre du projet d'accueil individualisé des enfants atteints d'une pathologie chronique ou d'un cancer dans les établissements scolaires ; la prévention des difficultés médicales des élèves lors des épreuves d'examen de l'enseignement scolaire.
En revanche, ne me semblent pas présenter de lien, même indirect, avec le texte déposé, et seraient donc considérés comme irrecevables des amendements relatifs à la prévention ou à la prise en charge des cancers pédiatriques et des maladies chroniques, à l'organisation de la médecine scolaire et aux actions de promotion de la santé des élèves, ainsi qu'au contenu des programmes scolaires.
Ce texte contient diverses dispositions visant à faciliter la scolarisation et l'accompagnement par leur famille des enfants atteints d'une pathologie chronique ou d'un cancer.
Il s'agit d'abord d'accorder un congé immédiat aux parents, sans perte de salaire ni de jours de congé annuels, pour faire face à l'annonce de la maladie chronique ou du cancer d'un enfant. Le droit en vigueur autorise déjà les salariés et agents publics à s'absenter de leur travail pour répondre à la maladie ou au handicap d'un enfant.
Concernant les salariés, la loi Travail de 2016 a introduit un droit à congé d'une durée d'au moins deux jours à l'annonce de la survenue d'un handicap chez un enfant. Ce congé est rémunéré par l'employeur et assimilé à du temps de travail effectif pour la détermination des congés annuels.
Par ailleurs, le salarié dont l'enfant à charge est atteint d'une maladie, d'un handicap ou victime d'un accident d'une particulière gravité rendant indispensable une présence soutenue et des soins contraignants bénéficie du congé de présence parentale, d'une durée maximum de 310 jours ouvrés sur trois ans. Il perçoit, pendant cette durée, une allocation journalière de présence parentale (AJPP), versée par la sécurité sociale. Comme vous le savez, ce dispositif a récemment connu plusieurs modifications.
Il existe également un mécanisme de don de jours de repos non pris, créé par la loi du 9 mai 2014, au bénéfice des salariés assumant la charge d'un enfant âgé de moins de 20 ans atteint d'une maladie, d'un handicap ou victime d'un accident d'une particulière gravité rendant indispensables une présence soutenue et des soins contraignants.
Lorsque l'état de santé de l'enfant nécessite une hospitalisation immédiatement après sa naissance, la première période de quatre jours du congé de paternité et d'accueil de l'enfant est prolongée de droit, dans la limite de 30 jours consécutifs.
Enfin, le salarié bénéficie d'un congé de trois jours par an en cas de maladie ou d'accident d'un enfant à charge de moins de 16 ans. Le parent salarié peut s'absenter en cas d'annonce de la maladie de son enfant, mais l'employeur n'est pas tenu de le rémunérer.
Les agents publics bénéficient d'autorisations spéciales d'absence liées à la parentalité et à certains événements familiaux, que la loi ne détaille pas. Le congé de présence parentale est également prévu pour les fonctionnaires, et le don de jours de repos leur a été étendu par décret.
La survenance d'une maladie chez l'enfant est un événement brutal et imprévisible, qui nécessite une réaction immédiate de sa famille. Pour les parents, qui ont besoin d'un temps d'organisation et d'appréhension de la pathologie, le travail constitue souvent le premier obstacle. Si la majorité des employeurs se montrent compréhensifs, il existe, dans cette situation, des inégalités qui justifient la création d'un congé spécifique.
L'article 1er de la proposition de loi crée donc un nouveau motif d'absence pour événement familial au bénéfice des salariés, en étendant le congé de deux jours accordé pour l'annonce de la survenue d'un handicap chez l'enfant aux cas de pathologie chronique nécessitant un apprentissage thérapeutique ou de cancer. Il consacre également le principe d'une autorisation spéciale d'absence devant être accordée aux fonctionnaires dans les mêmes cas. Un décret devra préciser la liste des pathologies chroniques concernées.
Comme les autres congés pour événement familial, celui-ci serait à la charge de l'employeur. Je considère que ce dispositif permet de combler une lacune des différents congés existants et vous propose de l'approuver.
Le deuxième objectif de ce texte est de développer les échanges entre les parents et l'équipe éducative afin d'améliorer les conditions de l'accueil de l'enfant à l'école.
Le système éducatif veille en principe à la scolarisation inclusive de tous les enfants sans aucune distinction. Ainsi, les enfants, adolescents et adultes présentant un handicap ou un trouble de la santé invalidant, ce qui comprend les pathologies chroniques et les cancers, peuvent être scolarisés au sein de dispositifs adaptés, lorsque cela répond aux besoins des élèves.
De nombreux dispositifs sont ainsi prévus : le programme personnalisé de réussite éducative, pour les élèves rencontrant des difficultés d'apprentissage, le plan d'accompagnement personnalisé, visant les élèves souffrant de difficultés scolaires durables, et le projet personnalisé de scolarisation concernant les élèves dont le handicap est reconnu par la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH) comme nécessitant un accompagnement spécifique.
En complément, un projet d'accueil individualisé (PAI), compatible avec les dispositifs que je viens de mentionner, peut être mis en place lorsque la scolarité de l'élève nécessite un aménagement en raison notamment d'un trouble de la santé invalidant. Il précise notamment les administrations médicamenteuses d'urgence, les conditions de prise de repas et des interventions médicales ou paramédicales ainsi que les aménagements nécessaires. Les principales pathologies concernées sont l'asthme, les allergies, le diabète et l'épilepsie. Viennent bien après les cancers, leucémies et tumeurs, plus rares.
Le PAI est élaboré avec le concours du médecin de l'éducation nationale ou de celui du service de protection maternelle et infantile, à la demande de la famille ou, en accord et avec la participation de celle-ci, par le directeur d'école ou le chef d'établissement. Les échanges entre parents, enseignants et médecins scolaires, nécessaires à cette élaboration, ont été récemment renforcés par une circulaire du 10 février 2021, qui prévoit des réunions d'information avec l'ensemble des parties prenantes. Il arrive toutefois que ces réunions soient insuffisamment inclusives et se tiennent dans un délai trop long, entraînant retards et incompréhensions de la part de certains professionnels, qui peuvent en fin de compte refuser de signer le PAI.
Pour répondre à ces difficultés, l'article 2 inscrit le principe de cette réunion dans la loi. Portant sur les modalités de mise en oeuvre du PAI, celle-ci devra rassembler l'élève, ses responsables légaux, le directeur ou chef d'établissement ainsi que l'enseignant ou le professeur principal. Peuvent y prendre part d'autres professionnels accompagnant l'enfant sur le temps scolaire ou périscolaire, un représentant de la collectivité territoriale compétente ainsi qu'un professionnel de santé ou de la médecine scolaire. Elle doit se tenir, si possible, dans un délai de 21 jours à compter de l'annonce du diagnostic ou en amont de l'arrivée de l'enfant dans l'établissement. L'article 2 améliore en outre l'information des enseignants grâce à une documentation ad hoc, complétant celle qui est déjà accessible sur les sites Eduscol et Chlorofil.
Le retour à l'école peut être difficile pour l'enfant, surtout lorsque son aspect physique est modifié par la maladie. Certes, des progrès considérables sont observés, notamment grâce aux 3 000 robots de téléprésence déployés en 2020 - et davantage depuis - sur toute la France. Ceux-ci seraient toutefois utilement complétés par le temps d'échange prévu à l'article 2 quater, mené conjointement par un intervenant du secteur médical ou associatif et le professeur, et organisé à la demande des parents avant le retour d'un enfant atteint de pathologie chronique ou de cancer à la suite d'une hospitalisation ou d'une absence prolongée. Les élèves de la classe seraient présents, ainsi que les parents si l'enfant en fait la demande.
Au-delà du renforcement des échanges entre les parties prenantes, il serait opportun d'améliorer l'équipement des établissements du premier degré en stylos auto-injecteurs et d'y faire contribuer les communes, le coût étant modique. Ces dispositifs, déjà imposés dans les établissements du second degré, sont très utiles en cas de réaction anaphylactique et peuvent empêcher la survenance de décès.
Un dernier volet du texte vise à améliorer les conditions d'accueil et d'encadrement des enfants atteints de pathologies chroniques par les équipes éducatives. À cette fin, la sensibilisation et la formation des enseignants constituent un levier majeur. En effet, la formation est jugée insuffisante dans ce domaine par les associations de parents. Certains enseignants peuvent en outre se montrer réticents à accueillir des enfants à besoins particuliers et à adapter leurs méthodes à cette fin.
L'article 2 bis étend donc aux maladies chroniques la formation spécifique des enseignants d'EPS sur les différentes formes de handicap. L'article 2 ter inclut les pathologies chroniques dans les formations de sensibilisation à la scolarisation des élèves à besoins éducatifs particuliers délivrées par les instituts nationaux du professorat et de l'éducation (InspÉ). Ces dispositions, qui s'appuient sur des outils existants pour combler les lacunes de la formation, me semblent appropriées.
Il serait également pertinent d'ouvrir aux enseignants chargés d'enfants malades certains modules des formations, très complètes, destinées aux enseignants spécialisés dans le cadre du certificat d'aptitude professionnelle aux pratiques de l'école inclusive.
Concernant les conditions de passation des examens, des aménagements particuliers sont déjà prévus pour les élèves en situation de handicap ou atteints de troubles de la santé invalidants. Toutefois, les centres d'examen ne sont pas toujours informés de la présence d'élèves disposant d'un PAI ni du contenu de celui-ci. Cette information est pourtant nécessaire pour savoir comment réagir en cas de crise, particulièrement probable dans les contextes de fort stress que constituent les examens.
L'article 3 prévoit donc, pour mettre fin aux disparités territoriales, rassurer les parents et garantir des conditions de passation d'examens plus sereines pour les enfants, que le PAI soit communiqué au centre d'examen lorsque celui-ci est distinct de l'établissement d'origine de l'élève. Il peut être indiqué si la présence d'un professionnel de santé est nécessaire.
La modestie est de rigueur : ce texte est un petit pas, qui s'ajoute à une série de textes ponctuels portant sur des sujets connexes. Il conviendrait d'aborder de manière plus globale le sujet de l'accompagnement des familles confrontées à la maladie grave ou à un accident de la vie d'un enfant. C'est néanmoins une avancée, qui répond même à une certaine urgence pour les associations de parents que j'ai auditionnées. Je vous propose donc d'adopter ce texte sans modification.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - Je salue le travail de Jocelyne Guidez, qui a pris au débotté le relais d'Alain Duffourg. Nous avons, depuis quelques années, beaucoup légiféré dans ce domaine, mais par petites touches, sur les aidants, les maladies chroniques, le handicap des enfants. Cette petite touche supplémentaire ne se superpose-t-elle pas à des mesures déjà prises ?
Nous avons tous eu, dans notre entourage, des familles bouleversées par la maladie d'un enfant. C'est un véritable tsunami, qui remet tout en cause, à commencer par l'implication des parents dans leur travail. Cet événement, qui n'est pas dans l'ordre des choses, engendre un très fort sentiment de culpabilité, qui se traduit dans un investissement très important des parents auprès de l'enfant. La France peut-elle donner cette flexibilité à l'entourage, aux niveaux scolaire, éducatif, professionnel, pour le laisser s'adapter à la maladie chronique, au cancer ou à l'autisme ?
Mme Jocelyne Guidez, rapporteure. - Il est vrai que nous procédons par sauts de puce. Les auditions ont néanmoins mis en évidence une réelle attente des parents : il serait difficile de voter contre ce texte, voté à l'unanimité par l'Assemblée nationale, même s'il peut être amélioré.
J'ai visité une classe où huit enfants handicapés étaient intégrés, avec une seule institutrice et une seule auxiliaire de vie scolaire. C'est tout simplement impossible.
Mme Michelle Meunier. - Mais c'est la réalité !
Mme Jocelyne Guidez, rapporteure. - En effet. Cela étant dit, je ne vois pas comment nous pourrions ne pas adopter ce texte.
Mme Émilienne Poumirol. - Merci au groupe Union Centriste d'avoir mis ce texte à l'ordre du jour. C'est en effet un petit pas. De plus, ses articles 2 et 3 relèvent du niveau réglementaire, notamment la disposition qui prévoit que la réunion du PAI doit avoir lieu « si possible » avant 21 jours.
En revanche, il est urgent de mettre en place le congé créé par l'article 1er. On peut se demander si deux jours suffisent, mais il est important de voter ce texte conforme.
Il a été estimé que la médecine scolaire ne faisait pas partie du champ du texte, mais c'est surtout de médecins scolaires que nous avons besoin pour accompagner les enfants... On ne peut qu'être favorable à la formation des équipes enseignantes.
Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain est réservé, car nous estimons qu'il faut aller vers un statut global du parent accompagnant. Il aurait pu être inclus dans le texte récemment voté sur ce sujet.
Mme Jocelyne Guidez, rapporteure. - Les deux jours de congé semblent suffire : la durée a été retenue par référence au congé accordé pour l'annonce du handicap de l'enfant. En outre, elle peut être allongée par convention collective. La modifier serait mal perçu par les partenaires sociaux.
Mme Laurence Cohen. - Je partage les remarques de la rapporteure et celles de mes collègues : nous sommes dans une période d'inflation législative, avec une série de propositions de loi qui manquent de cohérence. Une fois ce constat partagé, que faire ? Le groupe communiste républicain citoyen et écologiste votera ce texte, tout en soulignant ses nombreux manques. Il faut en particulier souligner la pénurie d'accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH), qui fait que l'école inclusive reste un voeu pieux.
En tant qu'orthophoniste, je tiens aussi à déplorer le manque de structures adaptées aux différentes pathologies des enfants.
Mme Jocelyne Guidez, rapporteure. - Je ne peux que vous rejoindre sur ce point. La situation s'est même dégradée.
Mme Frédérique Puissat. - L'année dernière, j'ai rapporté la proposition de loi permettant d'offrir des chèques-vacances aux personnels des secteurs sanitaire et médico-social en reconnaissance de leur action durant l'épidémie de covid-19. J'avais alors la même position que notre rapporteure aujourd'hui, et j'ai recommandé l'adoption d'un texte... dont les décrets d'application ne sont jamais parus ! Quelle est la place du Sénat dans ce processus ? En votant ces textes, n'alimentons-nous pas le « politique-bashing » ?
M. Xavier Iacovelli. - Merci à la rapporteure pour son avis favorable sur ce texte, que le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants considère comme un premier pas. Je regrette cependant que la commission n'ait pas eu la même position sur la proposition de loi relative aux restrictions d'accès à certaines professions en raison de l'état de santé... La commission estimait alors qu'il fallait retravailler le texte au prétexte qu'il contenait des dispositions réglementaires et des demandes de rapport. Il faudrait plus de cohérence.
Mme Catherine Deroche, présidente. - Je rappelle que nous sommes là pour faire la loi. Le Sénat a en effet choisi de modifier le texte auquel vous faites référence, et l'Assemblée nationale l'a ensuite adopté conforme : cela montre justement que le Sénat peut faire son travail !
Pour revenir à ce texte, il nous est demandé de voter des dispositions réglementaires, voire infra-réglementaires. Il est illusoire de penser que des réunions seront plus systématiquement organisées si elles sont inscrites dans la loi - avec la mention « si possible » ! Je mesure le désarroi et les attentes des familles, mais je m'abstiendrai sur les articles qui suivent l'article 1er, qui ne relèvent pas de la loi. Nous sommes là pour faire du travail législatif, et je n'apprécie pas la pression à laquelle nous sommes soumis pour voter conformes les textes venant de l'Assemblée nationale.
Mme Laurence Rossignol. - Puisque l'article 1er prévoit un décret pour fixer la liste des pathologies concernées, il serait bon que ce décret soit publié avec la même urgence qui préside au vote de ce texte.
Mme Catherine Deroche, présidente. - Oui, il faut un engagement du Gouvernement.
Mme Laurence Rossignol. - Le nouveau comité de censure de la loi, ce sont les décrets !
M. René-Paul Savary. - C'est impensable. On ne traite pas le problème en entier, on ne se pose pas la question du secret médical. On ne peut pas faire varier nos positions en fonction du vent ! Il faut des mesures globales, précises, avec des résultats. Toute la seconde partie de texte relève du réglementaire.
Il faudrait une loi pour renforcer la présence des médecins scolaires. Nous avons besoin d'humaniser les dispositifs ! Il arrive que les parents n'acceptent tout simplement pas le diagnostic de handicap de leur enfant. De plus, faciliter l'acceptation dans l'établissement scolaire est un vrai métier - celui des médecins scolaires. Ce n'est pas la loi qui va régler l'adaptation des dispositifs à l'enfant ! Je rejoins la position sage de notre présidente. Nous ne sommes pas là pour servir l'Assemblée nationale ; c'est une dérive inquiétante.
EXAMEN DES ARTICLES
Mme Jocelyne Guidez, rapporteure. - L'amendement COM-2 donne une définition précise du PAI, mais elle paraît trop extensive au regard de la définition existante, qui concerne les troubles de la santé évoluant sur longue période et nécessitant des aménagements. Avec cet amendement, toutes les pathologies chroniques, y compris celles qui ne nécessitent pas d'aménagement particulier, donneraient lieu à un PAI. C'est un alourdissement inutile.
De plus, cette disposition ne paraît répondre à aucune des questions soulevées dans le cadre des auditions que j'ai menées. C'est plutôt le manque d'échanges entre les parties prenantes qui a été déploré, manque que l'article 2 de la proposition de loi a vocation à combler.
Enfin, l'amendement fait référence à la partie réglementaire du code de l'éducation, ce qui n'est pas approprié dans un article qui appartient à sa partie législative. Avis défavorable.
L'amendement COM-2 n'est pas adopté.
Mme Jocelyne Guidez, rapporteure. - L'amendement COM-3 porte à 5 jours la durée du congé pour l'annonce d'une maladie chronique chez l'enfant. Comme je l'ai souligné en discussion générale, la durée retenue de deux jours est un équilibre satisfaisant. Avis défavorable.
L'amendement COM-3 n'est pas adopté.
L'article 1er est adopté sans modification.
Mme Jocelyne Guidez, rapporteure. - L'amendement COM-4 autorise la participation de la famille et d'un représentant d'association à la réunion portant sur les modalités de mise en oeuvre du PAI. Il précise que l'absence d'organisation de cette réunion ne doit pas constituer un obstacle à l'entrée dans l'établissement de l'élève.
La présence des responsables légaux est déjà prévue par le texte : mentionner la famille est donc inutile. De plus, la définition particulièrement large de la famille rendrait le dispositif juridiquement flou, irréaliste et donc inopérant.
Par ailleurs, l'inclusion d'un représentant d'une association d'usagers de santé paraît excessive, d'autant que l'article 2 quater prévoit déjà la possibilité d'un temps d'échange au sein de l'établissement, organisé par un intervenant du secteur médical ou associatif.
Enfin, rien n'indique que la détermination d'un délai pour tenir la réunion constitue un frein à l'entrée de l'élève dans l'établissement, d'autant que ce délai est particulièrement souple : la réunion doit se tenir, si possible, dans un délai de 21 jours à compter de l'annonce du diagnostic, ou en amont de l'arrivée de l'élève dans l'établissement. Avis défavorable.
L'amendement COM-4 n'est pas adopté.
L'article 2 est adopté sans modification.
Article 2 bis (nouveau)
L'article 2 bis est adopté sans modification.
Article 2 ter (nouveau)
L'article 2 ter est adopté sans modification.
Après l'article 2 ter (nouveau)
Mme Jocelyne Guidez, rapporteure. - L'amendement COM-5 ajoute à la liste des actions de promotion de la santé des élèves prévues par le code de l'éducation une information obligatoire relative à la vie et à la scolarité avec un handicap ou une pathologie chronique. Le texte ne comportant aucune disposition sur les missions de la médecine scolaire et la promotion de la santé des élèves, cet amendement doit être déclaré irrecevable au titre de l'article 45 de la Constitution.
L'amendement COM-5 est déclaré irrecevable en application de l'article 45 de la Constitution.
Mme Jocelyne Guidez, rapporteure. - L'amendement COM-6 réécrit l'article 2 quater, qui prévoit un temps d'échange entre la classe et un intervenant médical ou associatif avant le retour de l'enfant atteint d'une pathologie chronique ou d'un cancer, après une hospitalisation ou une absence prolongée. L'amendement prévoit le recueil du consentement de l'enfant ; il supprime la référence au cancer et prévoit que le temps d'échange peut avoir lieu au cours de la première semaine de reprise de scolarisation.
Le recueil du consentement de l'enfant est une intrusion excessive dans la vie familiale : si l'enfant est réticent à un tel temps d'échange, il peut en parler à ses parents. De plus, il paraît normal que les parents se préoccupent des conditions du retour de l'enfant dans son établissement : un refus de celui-ci peut aller contre son intérêt, et il revient plutôt aux parents d'en évaluer la nécessité.
La suppression de la référence au cancer est malvenue : cette maladie peut entraîner une dégradation particulièrement forte de l'état physique, qui justifie d'autant plus de préparer la classe au retour de l'élève.
Enfin, la participation de l'élève lui-même à ce temps d'échange contredit l'objectif d'une préparation des esprits en amont du retour de l'élève. L'enfant malade pourrait par exemple être pris à témoin au cours d'un échange le concernant, ce qui peut être douloureux. Avis défavorable.
L'amendement COM-6 n'est pas adopté.
L'article 2 quater est adopté sans modification.
Article 3
L'article 3 est adopté sans modification.
Mme Jocelyne Guidez, rapporteure. - Le texte ne contient aucune disposition relative au contenu des programmes scolaires. Même s'il s'agit d'une demande de rapport, l'amendement COM-7 doit donc être déclaré irrecevable au titre de l'article 45 de la Constitution.
L'amendement COM-7 est déclaré irrecevable en application de l'article 45 de la Constitution.
Article 3 bis (nouveau)
L'article 3 bis est adopté sans modification.
Article 4 (supprimé)
L'article 4 demeure supprimé.
Intitulé de la proposition de loi
Mme Jocelyne Guidez, rapporteure. - Avis défavorable à l'amendement COM-1, qui modifie l'intitulé du texte.
L'amendement COM-1 n'est pas adopté.
La proposition de loi est adoptée sans modification.
TABLEAU DES SORTS
Proposition de loi visant à assurer la revalorisation des pensions de retraites agricoles les plus faibles - Examen du rapport et du texte de la commission
Mme Cathy Apourceau-Poly, rapporteure. - Le statut de conjoint collaborateur prend acte de la réalité du travail non rémunéré du conjoint sur une exploitation agricole, pour permettre à ces personnes d'accéder, en contrepartie du versement de cotisations, à une protection sociale complète, quoique limitée.
La proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale à l'initiative du député André Chassaigne, visant à assurer la revalorisation des pensions de retraites agricoles les plus faibles, a été inscrite par le groupe communiste, républicain, citoyen et écologiste à l'ordre du jour de son espace réservé du 9 décembre prochain.
Compte tenu de l'impérieuse nécessité de sortir les retraités agricoles de la précarité et des délais contraints dans lesquels s'inscrit l'examen de ce texte, je vous proposerai de l'adopter sans modification.
Pour commencer, il m'appartient de vous proposer un périmètre pour l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution. Je considère qu'il comprend les dispositions suivantes : les dispositions relatives aux critères d'éligibilité et aux modalités de calcul des minima de pension de retraite servis par le régime agricole et des allocations sociales dont peuvent bénéficier les retraités des professions agricoles en cette qualité ; les dispositions relatives aux caractéristiques des différents statuts professionnels agricoles et ayant une incidence sur les droits à pension de retraite acquis par leurs bénéficiaires ; enfin, les dispositions relatives à la lutte contre le travail non déclaré dans le secteur agricole.
En revanche, j'estime que ne présenteraient pas de lien, même indirect, avec le texte déposé des amendements relatifs à la couverture des agriculteurs contre les risques maladie, maternité, invalidité, décès, famille, accidents du travail et maladies professionnelles ; aux relations commerciales entre producteurs et distributeurs de denrées agricoles et à la rémunération des agriculteurs ; à la fiscalité agricole et aux règles successorales ; au soutien à l'investissement dans le capital agricole ; à la protection des activités agricoles contre les risques naturels et les aléas climatiques ; enfin, à la promotion de modes de production respectueux de l'environnement et de la santé humaine. De tels amendements seraient donc déclarés irrecevables par notre commission en application de l'article 45 de la Constitution.
Avant la création du statut de conjoint collaborateur, le conjoint d'un exploitant agricole qui n'était pas déjà affilié à un régime de retraite au titre de son activité professionnelle était, sauf preuve contraire, présumé participer à la mise en oeuvre de l'exploitation et se voyait appliquer le statut de conjoint participant aux travaux. Ce statut prévoyait le service d'une pension de retraite proportionnelle en sus de la pension forfaitaire à la condition, pour le ménage, d'opter pour un partage à parts égales des points obtenus en contrepartie des cotisations versées par le chef d'exploitation.
Ce statut était donc le plus souvent subi et non choisi, une situation d'autant moins satisfaisante que la pension proportionnelle n'était pas de droit. Aussi le statut de conjoint collaborateur a-t-il été créé en 1999 afin de permettre aux conjoints de chefs d'exploitation ou d'entreprise agricole exerçant une activité non rémunérée sur l'exploitation ou l'entreprise d'opter pour le versement d'un minimum de cotisations sociales au régime des non-salariés agricoles. Le statut d'aide familial le permettait déjà aux autres membres de la famille de l'agriculteur âgés de plus de 16 ans, vivant sur l'exploitation ou l'entreprise et y exerçant une activité non salariée.
Le conjoint collaborateur, qui choisit donc volontairement cette qualité, bénéficie d'office d'une pension de retraite forfaitaire et d'une pension proportionnelle en contrepartie des cotisations versées par le chef d'exploitation.
Toutefois, bien qu'il ait permis de reconnaître l'activité non salariée exercée aux côtés du chef d'exploitation par des centaines de milliers de conjoints - le plus souvent, des femmes - et de leur assurer une protection sociale complète, le statut de conjoint collaborateur, comme celui d'aide familial, constitue aujourd'hui une forme de « trappe à faibles pensions ».
En effet, les assiettes servant au calcul des cotisations sociales dues à raison de l'activité des intéressés sont forfaitaires, tandis que les cotisations versées par les chefs d'exploitation sont proportionnelles à leurs revenus professionnels, avec des assiettes minimales largement supérieures aux assiettes forfaitaires des conjoints collaborateurs et des aides familiaux. À titre d'exemple, l'assiette forfaitaire de cotisations de retraite complémentaire de ces derniers est inférieure de 6 500 euros à l'assiette minimale des chefs d'exploitation.
Si ce différentiel tient compte de la faible capacité contributive de ces assurés, qui ne perçoivent pas de rémunération, il entraîne des écarts majeurs entre les pensions des chefs d'exploitation, d'une part, et celles des conjoints collaborateurs et des aides familiaux, d'autre part, qui tiennent également aux critères d'attribution des minima de pension du régime des non-salariés agricoles.
Ainsi, 90 % des 493 000 femmes retraitées du régime des non-salariés agricoles percevant une pension globale - base et complémentaire tous régimes confondus - inférieure à 1 000 euros par mois ont été conjointes collaboratrices ou aides familiales au cours de leur carrière. Quelque 63 % d'entre elles n'ont au demeurant jamais accédé au statut de chef d'exploitation.
La pension de droit direct moyenne des conjointes collaboratrices justifiant d'une carrière complète accomplie en cette qualité s'établit à seulement 570 euros par mois pour les monopensionnées, montant qui atteint 1 017 euros pour les polypensionnées.
En effet, au-delà de sa stricte influence sur les droits acquis en contrepartie des cotisations versées, le différentiel d'effort contributif par rapport aux chefs d'exploitation limite l'accès des conjoints collaborateurs et des aides familiaux aux minima de pension.
La pension majorée de référence (PMR), qui permet de porter la pension de base de l'ensemble des non-salariés agricoles bénéficiant d'une retraite à taux plein à un niveau minimal, varie en fonction du statut de l'assuré. À ce jour, pour une carrière complète au régime des non-salariés agricoles, elle s'élève à 699 euros pour les chefs d'exploitation et à seulement 555 euros pour les conjoints collaborateurs et les aides familiaux.
De plus, ces derniers ne bénéficient pas du complément différentiel de points de retraite complémentaire (CDRCO), qui permet, depuis le mois dernier, en application de la loi dite « Chassaigne 1 », de porter la pension de retraite des chefs d'exploitation à 85 % du SMIC, soit 1 035 euros par mois, pour une carrière complète accomplie en cette qualité.
Enfin, à défaut d'estimations précises, le non-recours à l'allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA) semble particulièrement élevé dans le secteur agricole en raison des craintes liées à la récupération sur succession des sommes versées. Pourtant, cette allocation, qui s'élève à 907 euros par mois en 2021, n'est récupérée que sur la fraction de l'actif net successoral excédant 39 000 euros en métropole - ce seuil, relativement bas, n'a pas été revalorisé depuis 1982 - et 100 000 euros dans les outre-mer, tandis que le montant des sommes pouvant faire l'objet d'un recouvrement est plafonné annuellement. Depuis 2011, le capital d'exploitation agricole et les bâtiments indissociables sont même exclus du calcul de l'actif net successoral. Malgré ces dispositions, le problème semble davantage relever de l'ordre du symbole, les retraités du secteur agricole ayant l'impression de recevoir l'aumône en recourant à la solidarité nationale.
Voilà les raisons qui ont conduit André Chassaigne à déposer une nouvelle proposition de loi visant à améliorer la vie quotidienne de ces femmes et de ces hommes, auxquels la Nation doit apporter son secours.
Elle contient plusieurs avancées importantes, non seulement pour les conjoints collaborateurs et les aides familiaux, mais également pour les chefs d'exploitation.
D'abord, l'article 1er supprime la prise en compte du statut professionnel pour le calcul du montant de la pension de base minimale, une différence de traitement qui se justifie d'autant moins que le montant du minimum contributif (MiCo) est le même pour tous les pensionnés du régime général, quel que soit le niveau de leur rémunération antérieure. Pour les 175 000 bénéficiaires de cette mesure, le gain moyen s'élèvera à 62 euros par mois et même à 75 euros pour les femmes. De plus, le Gouvernement s'est engagé devant l'Assemblée nationale à porter par voie réglementaire le montant de la nouvelle PMR unique au niveau du MiCo majoré, soit 705 euros par mois, contre 555 euros aujourd'hui pour les conjoints collaborateurs et les aides familiaux.
L'article 1er relève également le seuil d'écrêtement de la PMR, c'est-à-dire le niveau global de pension au-delà duquel la majoration servie au titre de la PMR est réduite à due concurrence du dépassement. Celui-ci, fixé au niveau de l'ASPA, passerait de 875 à 907 euros par mois, au bénéfice de 43 000 pensionnés.
L'article 1er bis renforce l'information des assurés au sujet des conditions d'attribution et de récupération sur succession de l'ASPA. Aujourd'hui, les caisses de retraite en informent leurs adhérents au moment de la liquidation de leur pension. Cet article prévoit également une notification durant l'année précédant l'âge d'éligibilité à l'ASPA. En effet, l'un des motifs du non-recours à cette allocation résiderait dans le décalage entre l'âge légal de départ à la retraite, fixé à 62 ans, et l'âge auquel l'assuré peut solliciter l'ASPA, soit 65 ans.
L'article 3 limite à cinq ans la possibilité d'exercer sous le statut de conjoint collaborateur, une limite qui s'applique depuis 2005 aux aides familiaux. Cette mesure, qui fait consensus parmi les organisations syndicales, contribuera à orienter les intéressés vers une activité rémunératrice leur permettant d'acquérir des droits sociaux plus étendus.
Enfin, l'article 3 bis prévoit la remise au Parlement d'un rapport relatif à l'application de l'obligation de déclaration de l'activité professionnelle régulière du conjoint sur l'exploitation ou l'entreprise agricole, prévue par la loi « Pacte » en 2019, et à la situation des conjoints d'agriculteurs dont l'activité n'est pas déclarée.
Au total, en 2022, 214 000 pensionnés, dont 67 % de femmes, bénéficieraient de ces mesures, qui s'appliqueraient autant au stock de retraités qu'au flux de nouveaux pensionnés. Les 70 000 femmes ayant accompli toute leur carrière en qualité de conjoint collaborateur verraient ainsi leur pension augmenter de 100 euros par mois en moyenne, ce qui constituerait une avancée importante.
Je tiens toutefois à rappeler que l'Assemblée nationale a supprimé trois dispositions essentielles du texte initial, abaissant le coût total de ces dispositions de 914 à 164 millions d'euros.
Première et principale suppression, l'extension aux conjoints collaborateurs et aux aides familiaux du bénéfice du CDRCO et, par conséquent, de la garantie de pension à 85 % du SMIC pour une carrière complète.
L'Assemblée nationale a également supprimé l'alignement des conditions de cumul et de majoration de la PMR sur celles du MiCo. En effet, le montant d'une éventuelle pension de réversion est déduit du montant de la PMR au régime des non-salariés agricoles, tandis qu'il s'ajoute à celui du MiCo au régime général. En outre, le MiCo est majoré pour les assurés ayant cotisé au moins 120 trimestres, ce qui n'est pas le cas pour la PMR.
Enfin, l'Assemblée nationale est revenue sur le financement de ces mesures par l'instauration d'une taxe additionnelle à la taxe sur les transactions financières au taux de 0,1 %, dont le produit était estimé à 450 millions d'euros. Si la Mutualité sociale agricole (MSA) juge le coût de ces mesures absorbable et se dit prête à emprunter, la charge qui résultera de la proposition de loi, additionnée au transfert d'une partie du produit des droits sur les alcools du régime de base vers le régime complémentaire en vue de compenser le coût de la loi « Chassaigne 1 », devrait générer un déficit de l'ordre de 94 millions d'euros pour la branche vieillesse du régime des non-salariés agricoles en 2022. Or aucune ressource n'est encore identifiée pour ramener la branche à l'équilibre, le Gouvernement renvoyant la question d'un financement au projet de loi de finances (PLF) et au projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2023. Pour mémoire, en 2020, les impôts et taxes affectées représentaient 38 % des ressources de la branche et devraient atteindre 42 % d'ici à 2025.
Malgré ces lacunes importantes, sur lesquelles nous ne manquerons pas de revenir à l'avenir, il paraît nécessaire à l'ensemble des acteurs du monde agricole de recueillir dès le 1er janvier les fruits de vingt ans de revendications syndicales en permettant la mise en oeuvre des dispositions de cette proposition de loi. Certes moins ambitieuses que ce que nous aurions souhaité, elles restent essentielles pour toutes celles et tous ceux qui ont consacré leur carrière à nourrir la France en contrepartie de rémunérations particulièrement faibles, victimes d'un choix de société en faveur de prix à la consommation les plus bas possible.
La Nation leur doit la reconnaissance, non seulement en raison de la difficulté de leur profession, mais aussi et surtout au titre de leur contribution à son développement et à sa prospérité.
C'est pourquoi je vous propose d'adopter cette proposition de loi sans modification.
M. Daniel Chasseing. - Une part importante des femmes d'exploitants agricoles touchent des pensions de 600 euros, ce qui les place dans l'extrême pauvreté. La loi « Chassaigne 1 » prévoit une garantie de pension à 85 % du SMIC, mais ne résout pas leur situation, puisqu'elle ne concerne que les chefs d'exploitation, alors que le travail de ces femmes est particulièrement dur. J'adresse donc mes félicitations à André Chassaigne, qui s'est battu pour ce texte.
M. Jean-Luc Fichet. - Il peut sembler dérisoire de parler de pouvoir d'achat, au regard du montant des retraites du monde agricole... Ce texte est une vraie avancée, après la loi « Touraine » de 2014 et la première loi « Chassaigne », qui auraient déjà dû régler la situation des conjoints collaborateurs. Il convient que les décrets d'application soient pris au plus vite. Si les choses avaient été faites en temps et en heure, la mesure serait en vigueur depuis trois ans. L'information sur l'éligibilité à l'ASPA et la limitation à cinq ans de la possibilité d'exercer sous le statut de conjoint collaborateur constituent de réelles avancées.
Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain votera ce texte.
Mme Chantal Deseyne. - Combien de conjoints collaborateurs sont-ils concernés par cette mesure ? Le statut est en voie de disparition. C'est donc une mesure onéreuse au bénéfice d'un nombre réduit de personnes. Si les conjoints n'ont pas ou peu cotisé, c'est par la volonté des chefs d'exploitation, désireux de ne pas alourdir leurs charges. Moi-même issue du milieu agricole, j'estime que l'on ne peut pas avoir le beurre et l'argent du beurre.
M. René-Paul Savary. - Il faut relativiser la portée du texte, dont le coût, comme vous l'avez souligné, a été abaissé de plus 900 millions d'euros à 164 millions d'euros, et sans recettes fléchées. Il faudra veiller à son financement dans le cadre des prochains PLFSS et PLF.
De plus, le régime complémentaire des non-salariés agricoles doit assumer le coût de la loi « Chassaigne 1 » et risque d'être déséquilibré. Soyons vigilants.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. - Je partage l'opinion de René-Paul Savary. Il fallait souligner l'extrême pauvreté de certaines familles d'exploitants agricoles du fait - il faut le dire - d'une sous-cotisation volontaire. Nous en payons aujourd'hui la facture. Cependant, la solidarité nationale doit intervenir. Les propositions portées par ce texte sont raisonnables, et le groupe Union Centriste les votera.
Il faudra aussi aborder la situation des petits artisans et des petits commerçants, qui est analogue. La facture finale devrait être importante...
Mme Laurence Rossignol. - Il y a aussi des actifs qui n'ont pas choisi de sous-cotiser.
Dans le cas des conjointes, je ne crois pas que l'on puisse parler de choix... L'argument est injuste à leur égard. La décision de cotiser davantage ou non ne leur appartenait pas.
Mme Raymonde Poncet Monge. - Les organisations syndicales ont elles-mêmes reconnu des pratiques d'évitement des cotisations sociales. Le statut de conjoint collaborateur doit être limité à cinq ans d'exercice : au terme de cette durée, il faudra soit opter pour le statut de salarié, soit choisir celui de co-exploitant, soit changer d'activité.
Mais la question des retraites des conjoints est d'abord liée à celle des revenus agricoles. Au cours des auditions, certains ont estimé que cette limitation du statut permettrait la disparition des exploitations non viables, mais ce n'est pas la vocation de ce texte que de faire le tri dans les exploitations ! Il faut que les exploitants agricoles dégagent des revenus suffisants pour rémunérer, le cas échéant, un salarié ou un co-exploitant.
Mme Cathy Apourceau-Poly, rapporteure. - Ce texte porte de premières avancées, même si nous aurions préféré que la proposition de loi soit adoptée dans sa version initiale. Ma proposition d'adopter le texte issu de l'Assemblée nationale sans modification s'explique par la contrainte de calendrier : l'espace réservé du groupe CRCE était fixé au 9 décembre. Il faut continuer à endiguer la pauvreté qui frappe les agriculteurs retraités.
Monsieur Chasseing, je tiens à rappeler que la garantie à 85 % du SMIC, dont bénéficient les chefs d'exploitation depuis novembre dernier grâce à la loi « Chassaigne 1 », ne s'applique qu'à ceux qui justifient d'une carrière complète accomplie en cette qualité. Pour les autres, cette garantie sera calculée au prorata de la durée de cotisation en tant que chef d'exploitation.
Monsieur Fichet, le ministre Laurent Pietraszewski nous a indiqué, en audition, que les décrets d'application ne seraient pas prêts à temps et que l'application de la loi, qui entrerait en vigueur au début de l'année prochaine, serait rétroactive.
Monsieur Savary, un transfert de 283 millions d'euros du régime de base vers le régime complémentaire est prévu aux termes de la LFSS pour 2022 pour compenser le coût de la loi « Chassaigne 1 ». Le régime complémentaire sera donc, pour sa part, à l'équilibre.
Monsieur Vanlerenberghe, les chefs d'exploitation paient leurs propres cotisations et celles de leur conjoint, qui ne perçoit pas de rémunération. Il est donc inenvisageable d'alourdir la charge qui pèse sur eux.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. - C'est un choix de la branche agricole, pour limiter les charges. La volonté de maximiser le revenu net peut se comprendre, mais nous en payons aujourd'hui les conséquences.
Mme Cathy Apourceau-Poly, rapporteure. - Madame Deseyne, aujourd'hui encore, la proposition de loi bénéficiera à 214 000 pensionnés, avec un gain moyen de 100 euros par mois pour les femmes ayant toujours été conjointes collaboratrices. En effet, ce statut est en déclin démographique : il y a aujourd'hui quatre fois moins de conjoints collaborateurs qu'en 1990.
Madame Poncet Monge, la CCMSA dit pouvoir identifier les conjoints atteignant la limite de cinq ans et mène déjà des contrôles d'affiliation. En ce qui concerne le respect de l'obligation de déclaration, elle dit ne pas avoir reçu d'alerte de la part de ses services. Nous y reviendrons en séance le 9 décembre.
Désignation d'un rapporteur
La commission désigne Mme Marie-Pierre Richer rapporteure sur le projet de loi n° 178 (2021-2022), adopté par l'Assemblée nationale, portant reconnaissance de la Nation envers les harkis et les autres personnes rapatriées d'Algérie anciennement de statut civil de droit local et réparation des préjudices subis par ceux-ci et leurs familles du fait de leurs conditions d'accueil sur le territoire français.
La réunion est close à 12 h 50.