- Mardi 23 novembre 2021
- Projet de loi de finances pour 2022 - Mission « Travail et emploi » - Examen du rapport pour avis
- Projet de loi de finances pour 2022 - Mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » - Examen du rapport pour avis
- Projet de loi de finances pour 2022 - Mission « Travail et emploi » - Audition de Mme Élisabeth Borne, ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion
- Jeudi 25 novembre 2021
Mardi 23 novembre 2021
- Présidence de Mme Catherine Deroche, présidente -
La réunion est ouverte à 9 h 30.
Projet de loi de finances pour 2022 - Mission « Travail et emploi » - Examen du rapport pour avis
Mme Catherine Deroche, présidente. - Nous examinons ce matin les crédits de la mission « Travail et emploi ».
Mme Frédérique Puissat, rapporteur pour avis de la mission « Travail et emploi ». - Dans la version initiale du projet de loi de finances (PLF), les crédits demandés pour la mission « Travail et emploi » s'élevaient à 13,5 milliards d'euros, soit un niveau équivalent à la loi de finances initiale (LFI) pour 2021. Le texte qui nous parvient de l'Assemblée nationale prévoit une enveloppe de 14,7 milliards d'euros pour la mission, soit une augmentation de 1,3 milliard, qui résulte de deux amendements du Gouvernement pour financer le contrat d'engagement jeune et le plan de réduction des tensions de recrutement.
Une augmentation aussi significative des crédits en cours d'examen du texte, qui s'accompagne de l'introduction de dispositifs nouveaux, nuit à la bonne information du Parlement.
Au-delà de la seule augmentation des moyens alloués aux politiques de l'emploi, il convient d'apprécier la pertinence des dispositifs qui seront ainsi financés, dans un contexte économique et social qui s'améliore, mais demeure encore fragile, compte tenu des évolutions incertaines de la situation sanitaire.
À l'occasion de l'examen du projet de loi de finances pour 2021, j'exprimais de vives inquiétudes sur la situation de l'emploi, qui semble finalement s'améliorer plus tôt que prévu. Alors qu'il atteignait 8,9 % au troisième trimestre 2020, le taux de chômage en France hexagonale est retombé à 7,9 % au troisième trimestre 2021, soit son niveau d'avant la crise. Il pourrait même, selon l'Institut national de la statistique et des études économique (Insee), retrouver d'ici à la fin de l'année le niveau atteint en 2008, soit 7,6 %.
Ce contexte permettra de limiter en 2022 les dépenses d'indemnisation des demandeurs d'emploi supportées par l'État, qui seraient identiques au montant prévu l'an dernier, soit 2,3 milliards d'euros. Les comptes de l'Unédic devraient ainsi redevenir excédentaires dès 2022. Son endettement demeure toutefois préoccupant, s'établissant à 64,7 milliards d'euros en cette fin d'année, dont 19,4 milliards sont imputables aux mesures d'urgence.
Les moyens accordés à Pôle emploi connaissent des évolutions contradictoires, ce qui complique notre tâche pour évaluer les ressources dont disposera l'opérateur en 2022. Ses moyens diminuent de 85 millions d'euros en raison de la baisse de la subvention pour charges de service public, conformément à la trajectoire de maîtrise de ses dépenses, mais Pôle emploi bénéficiera aussi d'un soutien exceptionnel de 175 millions d'euros issus du plan de relance. Ses effectifs réels doivent baisser de 500 équivalents temps plein (ETP), mais Pôle emploi devrait aussi procéder à 600 recrutements nets pour assurer le déploiement du nouveau contrat d'engagement jeune. Au total, ses moyens devraient donc être relativement stables.
Dans ce contexte de reprise d'activité, le Gouvernement a engagé un plan de réduction des tensions de recrutement pour les années 2021 à 2023, doté de 1,4 milliard d'euros, ce qui me semble utile pour accompagner le développement de l'emploi dans certains secteurs éprouvant des difficultés de recrutement. Ce plan permettra de renforcer la formation des salariés et des demandeurs d'emploi, en particulier ceux de longue durée. Un amendement du Gouvernement abondant les crédits de la mission à hauteur de 689 millions d'euros a été adopté à l'Assemblée nationale pour financer les actions de ce plan en 2022.
Un autre marqueur de l'amélioration de la situation de l'emploi se trouve dans l'extinction du dispositif d'activité partielle de longue durée, qui était financé au titre des mesures d'urgence. L'Assemblée nationale a adopté deux articles additionnels, rattachés à la mission, afin d'assurer une transition entre ces mesures exceptionnelles et le droit commun de l'activité partielle. L'article 56 vise à pérenniser des dérogations au dispositif d'activité partielle mis en oeuvre depuis le début de la crise, afin d'y inclure certains salariés qui n'étaient pas éligibles. L'article 59 prolonge d'un an l'éligibilité au dispositif d'activité partielle des salariés d'entreprises n'ayant pas d'établissement en France, mais cotisant au régime d'assurance chômage. Je crois que nous pouvons soutenir ces deux dispositifs pour accompagner la reprise progressive de l'activité.
J'en viens aux dispositifs destinés à favoriser l'insertion dans l'emploi des personnes en difficulté.
En matière de contrats aidés, le Gouvernement avait pris la décision de les transformer en « parcours emploi compétences » (PEC) dans le secteur non marchand et de les abandonner dans le secteur marchand. Avec la crise sanitaire, le retour des contrats aidés dans le secteur marchand pour les jeunes de moins de 26 ans - les contrats initiative emploi Jeunes - pouvait se justifier. Ils étaient d'ailleurs financés par le plan de relance, signe qu'ils devaient être mis en oeuvre à titre exceptionnel. Toutefois, la mission « Travail et emploi » prévoit 50 000 nouveaux contrats aidés dans le secteur marchand en 2022, ce qui contredit les orientations du Gouvernement, alors que l'activité reprend.
Je suis satisfaite que les moyens alloués au secteur de l'insertion par l'activité économique et au soutien de l'emploi des personnes handicapées progressent en 2022. À cet égard, la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel a prévu l'expérimentation des entreprises d'insertion par le travail indépendant (EITI). Ce dispositif sera financé par une enveloppe de 5,74 millions d'euros en 2022 et l'article 58, rattaché à la mission, prévoit de prolonger cette expérimentation jusqu'en 2023. Je crois que nous pouvons soutenir cette mesure pour que l'expérimentation, freinée du fait de la crise, se déploie pleinement.
L'accompagnement renforcé des jeunes vers l'emploi devait se traduire, dans le PLF initial, par une hausse des financements alloués à la garantie jeunes, afin d'accompagner 200 000 bénéficiaires supplémentaires l'année prochaine pour un montant de 596,8 millions d'euros. En parallèle, il est prévu que les missions locales soient soutenues à hauteur de 601 millions d'euros et que les écoles de la deuxième chance accueillent 15 500 jeunes en 2022, avec un budget de 24 millions d'euros.
Ces moyens devraient être redéployés pour financer le nouveau contrat d'engagement jeune (CEJ), annoncé par le Président de la République le 3 novembre. Quelques jours plus tard, l'Assemblée nationale a adopté un article additionnel, l'article 57, rattaché à la mission, afin de créer ce contrat dans le code du travail, en remplacement de la garantie jeunes.
Il constituerait ainsi une sorte de garantie jeunes au contenu renforcé et aux conditions d'éligibilité assouplies, en s'adressant aux jeunes de moins de 26 ans qui sont durablement sans emploi ni formation ou qui rencontrent des difficultés d'accès à un emploi durable. Il prendrait la forme d'un accompagnement intensif de 15 à 20 heures par semaine, en contrepartie de l'engagement et de l'assiduité du bénéficiaire, qui pourra percevoir une allocation allant jusqu'à 500 euros par mois, sous conditions de ressources. Il serait mis en oeuvre par les missions locales, Pôle emploi et des organismes publics ou privés proposant des services d'insertion et de formation, et pourrait être proposé à compter du 1er mars 2022.
Le Gouvernement estime que 400 000 jeunes pourraient en bénéficier, dont ceux qui bénéficient de la garantie jeunes, qui basculeront vers un CEJ au 1er mars.
Un amendement de crédits a été adopté pour abonder la mission à hauteur de 550,8 millions d'euros. Ces moyens complètent ceux qui sont prévus pour les dispositifs qui seront remplacés par le CEJ, de telle sorte que 2,6 milliards d'euros seraient consacrés à ce contrat en 2022.
Proposer en quelques jours un dispositif d'une telle ampleur, qui mobilisera plus de 2 milliards d'euros, par un amendement du Gouvernement ne permet pas la bonne information du Parlement. Ce dispositif n'a fait l'objet d'aucune étude d'impact, ses contours et son contenu restent à définir. Les opérateurs ignorent encore comment les jeunes seront répartis entre Pôle emploi et les missions locales. Au cours des auditions, nombreux étaient ceux qui ne percevaient pas bien si le CEJ allait ou non remplacer la garantie jeunes, preuve que cette mesure a été décidée dans la précipitation.
Je considère que nous ne pouvons pas approuver un dispositif qui nous est proposé dans ces conditions. En outre, je tiens à rappeler que des moyens considérables ont été alloués, à juste titre, pour soutenir l'emploi des jeunes pendant la crise : accompagnement renforcé, aides à l'embauche, etc. Proposer une mesure nouvelle sans effectuer un bilan de ces mesures et de leurs effets sur l'emploi me paraît prématuré. Je vous proposerai donc d'émettre un avis défavorable sur l'article 57.
Au titre des dispositifs destinés à développer l'emploi et les compétences, le projet de loi de finances 2022 propose de poursuivre l'expérimentation des emplois francs pour aider à l'embauche dans les quartiers prioritaires de la ville : 163,5 millions d'euros seront ainsi consacrés à ce dispositif en 2022, pour la conclusion de 36 000 nouveaux contrats. Si le dispositif semble monter progressivement en charge selon le ministère du travail, les résultats obtenus en 2018 et 2019 se trouvaient en deçà des objectifs. Comme je vous l'indiquais l'an dernier, je suis donc réservée sur la pertinence de cette expérimentation, qui devrait faire l'objet d'une évaluation prochaine.
La dynamique en faveur de l'apprentissage, enclenchée par la loi du 5 septembre 2018, n'a pas pâti des effets de la crise, puisque, après la signature de 368 000 contrats en 2019, ce sont 495 000 contrats qui ont été conclus en 2020. Le Gouvernement estime que 388 000 contrats pourraient être signés en 2022.
Pour supporter cette dynamique, les crédits d'intervention pour le développement de l'alternance s'élèvent à 1,47 milliard d'euros pour 2022. L'enveloppe allouée à la compensation des exonérations de cotisations sociales pour les employeurs d'apprentis progresserait de 58 % en 2022. En outre, l'aide versée aux entreprises de moins de 250 salariés embauchant un apprenti de niveau inférieur ou égal au baccalauréat serait financée à hauteur de 505 millions d'euros, pour 208 000 nouveaux contrats éligibles en 2022. Le soutien des écoles de production serait aussi renforcé, avec une enveloppe de 7,5 millions d'euros consacrée à leur financement.
Ces orientations me semblent positives et permettent d'accompagner le développement de l'apprentissage dans notre pays. Je suis toutefois plus inquiète s'agissant du système de financement de l'alternance. L'opérateur France compétences connaît depuis sa création d'importantes difficultés financières. Il devrait afficher un déficit de l'ordre de 4 milliards d'euros en 2021, partiellement comblé par des crédits issus du second projet de loi de finances rectificative pour 2021, à hauteur de 2 milliards d'euros. Il conviendrait donc de s'interroger sur la viabilité du financement de l'apprentissage, dans un contexte de forte croissance, afin d'opérer les ajustements nécessaires.
En matière de développement des compétences, le plan d'investissement dans les compétences (PIC) joue un rôle important, mais la lisibilité des financements qu'il regroupe est toujours très limitée. Je rappelle que le PIC est doté de 13,6 milliards d'euros sur la période 2018-2022 afin d'accompagner 2 millions de personnes vers l'emploi et d'améliorer le système de formation professionnelle.
Les moyens rassemblés au sein du PIC pour 2022 s'élèveraient à 3,032 milliards d'euros. Ils permettraient notamment, au-delà de la formation, de renforcer les actions de formations proposées par Pôle emploi ou encore d'accompagner plus de 30 000 jeunes en prépa-apprentissage en 2022. De manière plus discutable, le PIC contribue aussi au financement de dispositifs pérennes d'accompagnement, à l'image de la garantie jeunes. Des dispositifs sont ainsi à la fois financés par le PIC et par le plan de relance, ce qui ne permet pas de retracer aisément les moyens qui leur sont alloués.
Des dispositifs de soutien à l'emploi continuent ainsi d'être financés par la mission « Plan de relance », dont le programme 364 « Cohésion », qui comprend des crédits relevant de la politique de l'emploi. Ils seraient en nette diminution par rapport à 2021, en raison de l'extinction progressive de dispositifs qui ont été mis en oeuvre du fait de la crise sanitaire : activité partielle de longue durée, aides exceptionnelles à l'apprentissage, « emplois francs + », aides à l'embauche de travailleurs handicapés.
L'instauration de ces mesures a été pleinement justifiée par les circonstances exceptionnelles de la crise sanitaire et leur extinction progressive me semble opportune dans un contexte de reprise économique. Il convient donc que les dispositifs pérennes de soutien à l'emploi et à la formation professionnelle prennent le relais afin d'accompagner les employeurs, sans fragiliser la reprise de l'activité. Une évaluation des effets de ces dispositifs sur le marché du travail sera nécessaire afin d'en tirer des enseignements pour les politiques de l'emploi, compte tenu des moyens considérables qui ont été déployés.
J'aborderai enfin le financement des politiques de soutien au dialogue social, à la santé au travail et consacrées au fonctionnement des administrations mettant en oeuvre la politique de l'emploi.
Les crédits consacrés à la santé et à la sécurité au travail, à la qualité et à l'effectivité du droit, et au dialogue social progresseraient de 4,2 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2021. Cette hausse permettra, à titre principal, d'accompagner la mise en oeuvre de la loi du 2 août 2021 pour renforcer la prévention en santé au travail : accompagnement des entreprises dans la mise en place du document unique d'évaluation des risques professionnels (Duerp), mise en place des nouvelles offres des services de prévention et de santé au travail, coûts transitoires induits par la fusion des associations régionales pour l'amélioration des conditions de travail (Aract) au sein de l'Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail (Anact).
Par ailleurs, les crédits demandés au titre des dépenses de personnel et de ressources humaines des services de l'État mettant en oeuvre la politique de l'emploi augmenteraient de 2,3 % par rapport à la LFI pour 2021, en raison de la hausse du plafond d'emplois de 370 équivalents temps plein supplémentaires pour 2022. Cette hausse permettrait de renforcer des services fortement sollicités depuis le début de la crise, notamment au niveau déconcentré.
Au total, je crois que nous pouvons partager les orientations retenues au titre du soutien à la formation professionnelle, qui s'inscrivent dans la continuité des actions que nous avons approuvées pour le développement de l'alternance et des compétences.
L'extinction progressive de dispositifs exceptionnels me paraît également aller dans le bon sens, dans le contexte économique actuel.
En revanche, les choix opérés en matière de soutien des personnes rencontrant des difficultés d'insertion professionnelle, qui s'illustrent par la création soudaine du contrat d'engagement jeune, me paraissent hasardeux et davantage fondés sur la volonté de marquer le dernier PLF du quinquennat par un dispositif nouveau que sur sa réelle nécessité. Ces orientations me semblent donc discutables, tant sur la méthode que sur le fond.
C'est pourquoi je vous propose d'émettre un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission et à l'article 57 créant le contrat d'engagement jeune.
Je vous propose d'émettre un avis favorable sur les trois autres articles - articles nos 56, 58 et 59 - rattachés à la mission.
Mme Annie Le Houerou. - Ce budget n'est pas facile à appréhender tant en raison des jeux de passe-passe opérés par le Gouvernement entre les crédits de la mission et ceux du plan de relance, que de l'introduction, par voie d'amendement, sans évaluation, de nouveaux dispositifs.
En dépit de leur hausse de 3 %, les crédits de la mission restent inférieurs à ce qu'ils étaient lors de la première année du quinquennat. Pôle emploi a ainsi vu sa subvention pour charges de service public baisser de 1,3 milliard d'euros durant le quinquennat. De plus en plus, l'organisme est financé par les chômeurs eux-mêmes du fait de la contribution de l'Unédic, alors que la réforme de l'assurance chômage rapportera 2,3 milliards d'euros d'économies et que plus de 1 million de chômeurs verront leurs indemnités baisser. Si le chômage baisse globalement, le chômage de longue durée, qui touche particulièrement les plus de 55 ans, augmente. Le taux d'emploi des 55-64 ans ne s'élève qu'à 55 % en France, soit 6 % de moins que la moyenne en Europe. Dans ces conditions, relever l'âge de départ à la retraite n'aboutirait qu'à un jeu de vases communicants entre les caisses de retraite et l'Unédic. Le service public de l'emploi doit être financé par l'État, et non par les allocataires.
Après avoir réduit de manière draconienne le nombre d'emplois aidés au début du quinquennat, fragilisant le tissu associatif, mais aussi les hôpitaux, le Gouvernement a été obligé de réviser sa politique pour faire face à la crise sanitaire, en créant de nouveaux contrats aidés dans le secteur marchand, à rebours de ce qui avait été fait au début du quinquennat.
Le PIC voit son budget baisser, alors que l'année 2022 doit correspondre au fonctionnement à plein régime du dispositif. Cette baisse, couplée à la diminution de 5 % des crédits dédiés au développement de l'emploi, conduit à une diminution des crédits du programme « Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi » de 11 %.
L'apprentissage se développe, mais la proportion d'apprentis de niveau inférieur ou égal au baccalauréat diminue, s'élevant seulement à 40 %. Les apprentis post-bac ne relèvent pas de l'État, mais grèvent les comptes de France compétences à hauteur de 1 milliard d'euros, menaçant l'équilibre à long terme de cette structure.
On constate la création d'une nouvelle action relative au renforcement de la prévention en santé au travail, en lien avec la récente réforme de la santé au travail. Sans cela, les crédits destinés à cette fin auraient baissé de 9 %.
La création du contrat d'engagement a résulté d'une annonce de dernière minute. Un accompagnement des jeunes était annoncé depuis le début de l'année. On attendait une garantie jeunes universelle. Mais le dispositif a été maintes fois reporté, et finalement le CEJ est introduit par voie d'amendement dans ce texte. Toutefois, le flou persiste : combien de jeunes seront-ils concernés ? Pour quelle durée ? Ce revenu se substitue-t-il à la garantie jeunes ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - Merci à notre rapporteur, qui a réalisé un travail remarquable pour démêler l'écheveau des crédits relatifs au travail, à l'emploi, à l'apprentissage. Il faut se demander, lorsque l'on étudie ces sujets, comment la politique nationale s'articule avec l'action des régions, qui travaillent beaucoup sur l'apprentissage et l'emploi, et celle des départements, compétents pour l'insertion.
Alors que nous avions pu avoir quelques inquiétudes concernant le financement des structures d'insertion par l'activité économique, on n'entend plus de critiques ; nous avons eu gain de cause pour les financements. Les contrats aidés sont même parfois plus nombreux qu'auparavant. Les structures ne se plaignent pas, en tout cas, d'un manque de financement de la part de l'État.
En ce qui concerne l'apprentissage, le bilan national est plutôt très bon. En dépit d'un léger recul parfois, dans des régions qui étaient très en pointe, on observe une réelle dynamique.
Certains auraient souhaité un revenu de solidarité active pour les jeunes. Le texte prévoit un contrat d'engagement. En dépit de la différence d'appellation, il s'agit bien d'une forme de soutien renforcé à l'égard des jeunes pour les accompagner vers l'emploi ou une formation. Certes, on peut déplorer une certaine improvisation, mais je m'abstiendrai : je ne peux pas voter contre une mesure d'accompagnement de la jeunesse. Nombre d'entreprises recherchent des salariés ; le problème est le manque d'adéquation entre les postes proposés et les qualifications. Il faut donc résoudre ce problème d'ajustement entre l'offre et la demande. Une évaluation des mesures d'urgence aurait sans doute été souhaitable, mais elle semble difficile à réaliser après deux années de covid.
Je déplore toutefois un manque qui concerne l'action en faveur des territoires d'outre-mer, où le taux de chômage des jeunes est colossal. Ces territoires mériteraient un effort renforcé. Le CEJ ne suffira pas. Il faut développer l'innovation en s'appuyant sur le tissu économique local, soutenir les initiatives des entrepreneurs, etc. Je voterai pour les crédits de la mission, mais m'abstiendrai sur le CEJ.
Mme Cathy Apourceau-Poly. - Il y aurait beaucoup à dire sur cette mission. Le Gouvernement ne sait plus sur quel pied danser : après avoir supprimé les contrats aidés, il en recrée d'autres. On s'y perd... Le CEJ concernera 400 000 jeunes. Initialement, le Gouvernement prévoyait une enveloppe de 2 milliards d'euros pour 1 million de jeunes : finalement, le budget est divisé par 4, et le nombre de jeunes divisé par 2 !
Comment le Gouvernement va-t-il faire pour s'adresser aux jeunes éloignés des missions locales, notamment ceux qui sont en rupture avec les institutions ? Je pense qu'il aurait plutôt dû renforcer Pôle emploi, qui voit une nouvelle fois ses crédits baisser cette année, de 85 millions d'euros - soit une diminution de 262 millions d'euros depuis 2018.
L'Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) va, pour sa part, connaître une nouvelle restriction du nombre de ses emplois, avec 200 emplois en moins cette année.
Je pense que, lorsqu'on lance une telle mesure, il convient de renforcer les structures qui peuvent agir concrètement sur les territoires.
Mme Chantal Deseyne. - On jongle avec les milliards. C'est très bien de prévoir des dispositifs d'accompagnement et d'insertion dans le monde du travail pour les jeunes, mais tout pourrait se régler en amont, au niveau de l'éducation nationale et de l'orientation !
La mise en place de ces dispositifs démontre l'insuffisance de l'éducation nationale. Nos parents et nos grands-parents, qui étaient en classe unique, savaient tous lire, écrire et compter, et trouvaient à travailler. L'éducation nationale ne remplit plus son rôle. Je rappelle que 15 % des enfants de sixième ne maîtrisent pas la lecture.
Mme Jocelyne Guidez. - Aujourd'hui, tous les jeunes des outre-mer - je parle surtout de la Martinique et de la Guadeloupe - les quittent faire leurs études et ne reviennent pas.
Ceux qui restent n'ont pas de diplôme. Un grand nombre souffrent d'addictions... Il est difficile de les amener vers un métier, et le service militaire adapté (SMA) ne suffit pas.
Il faut faire en sorte que ces jeunes qui partent faire des études en métropole reviennent pour apporter des solutions.
Mme Frédérique Puissat, rapporteur pour avis. - Je rappelle que la commission des finances a défendu la même position que celle que je vous propose.
En 2021, la mission « Travail et emploi », c'était 14 milliards d'euros. Le plan de relance y a ajouté 10 milliards d'euros ; ce n'est pas rien !
Madame la rapporteure générale, il est vrai qu'il n'y a pas eu d'évaluation et que la situation est compliquée, on a ainsi renforcé tous les dispositifs. La crise a été l'occasion de voir ce qui fonctionnait et ce qui ne fonctionnait pas. On a constaté, sur le terrain, qu'il y avait des difficultés de recrutement partout.
Les mesures nouvelles augmentent un certain nombre de lignes, puisque le plan de réduction des tensions sur le recrutement, objet d'un amendement à l'Assemblée nationale, vise à rajouter 600 millions d'euros pour la formation des salariés et 800 millions d'euros pour celle des demandeurs d'emploi. Certes, l'urgence justifiait qu'on le mette en place. Mais fallait-il abonder le fonds national de l'emploi (FNE) ou d'autres dispositifs ?
Avant même d'avoir tiré le bilan des 10 milliards d'euros supplémentaires, le Gouvernement crée le contrat d'engagement afin de répondre à la demande de la partie de l'hémicycle qui voulait un RSA jeunes.
Mme Monique Lubin. - Tout à fait !
Mme Frédérique Puissat, rapporteur pour avis. - Tout cela n'est pas sérieux. Il y va de 2 milliards d'euros !
Je vous invite à consulter le rapport de la commission des finances sur cette mission, qui dresse une comparaison entre le contrat d'engagement et la garantie jeunes, sachant que l'on ne sait pas toujours pas avec certitude comment le premier va se substituer à la seconde... Cela pourra nous aider en vue de l'audition de Mme la ministre de ce soir.
Madame la rapporteure générale, tout le monde souhaite que les jeunes puissent s'insérer. Mais quel message envoie-t-on, en tant que parlementaires, à nos populations ? Les dispositifs sont nombreux, et les chefs d'entreprise n'y comprennent plus rien. Il n'est pas très sérieux de supprimer un dispositif pour en recréer un autre, sans avoir tiré parti de ce qui a pu être fait dans le cadre du plan de relance, sans étude d'impact, sans savoir si ce sont 400 000 jeunes qui seront effectivement concernés - le champ du dispositif pourrait être un peu plus large. À cet égard, je rejoins ce qu'a dit Chantal Deseyne sur notre système d'apprentissage.
Au-delà, je m'interroge sur les contrats aidés, dont nous n'avons pas non plus tiré le bilan. Je sais qu'il n'y a pas d'unanimité à leur sujet. Dans mon département, les contrats aidés dans les secteurs marchands marchent mieux que dans les secteurs non marchands. Faut-il les développer ? Tant que nous ne disposerons pas d'évaluation, nous ne saurons pas si l'argent public est utilisé à bon escient.
Mme Monique Lubin. - Exactement !
Mme Frédérique Puissat, rapporteur pour avis. - C'est pourquoi je n'ai pas rejeté le principe des contrats aidés dans le secteur marchand. J'appelle à une évaluation pour voir si ces contrats permettent effectivement aux jeunes qui en sont signataires de mieux s'insérer sur le marché du travail.
La situation de l'apprentissage me fait penser à une cocotte-minute : on a refermé le couvercle, et on attend que les élections aient lieu... Le déficit de l'agence France compétences, dont je rappelle qu'elle vient juste d'être créée, peut s'expliquer ; il sera partiellement comblé avec 2 milliards d'euros qui ont été votés dans le second projet de loi de finances rectificatives pour 2021. Il n'empêche qu'il devrait encore atteindre 4 milliards d'euros à la fin 2022 ! Autrement dit, nous sommes structurellement en déficit sur l'apprentissage, ce qui va se traduire par une baisse des coûts-contrats, donc un appauvrissement des centres de formation d'apprentis (CFA) sur nos territoires. Posons-nous les bonnes questions. Je trouve dommage que le Gouvernement, qui a créé France compétences, n'ait pas été en mesure, même si la crise est passée par là, de réajuster ce dispositif avant la fin du quinquennat pour répondre à une attente dont on savait qu'elle allait exploser. Personne n'est opposé aux contrats d'apprentissage ; il faut juste que nous ayons la capacité de les financer !
S'agissant des outre-mer, j'avoue que je connais peu la nature des populations concernées. En revanche, je sais qu'il existe de nombreux dispositifs de défiscalisation, qui, en règle générale, rallient les sénateurs d'outre-mer de toutes les tendances politiques. En particulier, le plan de relance a amélioré le financement des contrats d'apprentissage. Une piste aurait été de continuer sur cette voie.
La commission émet un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission « Travail et emploi », ainsi qu'à celle de l'article 57, qui lui est rattaché.
La commission émet un avis favorable à l'adoption des articles 56, 58 et 59 rattachés.
Mme Catherine Deroche, présidente. - Je rappelle que le bureau de la commission a décidé de lancer une mission sur France compétences.
Projet de loi de finances pour 2022 - Mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » - Examen du rapport pour avis
M. Jean Sol, rapporteur pour avis. - Les crédits de paiement de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » s'élèvent à 27,6 milliards d'euros pour 2022, après 26,2 milliards d'euros en loi de finances initiale pour 2021, soit une hausse de plus de 5 % - ou de 3 % à périmètre constant.
Deux prestations représentent environ 80 % des crédits de la mission : la prime d'activité et l'allocation aux adultes handicapés (AAH). Depuis 2017, les crédits ouverts en loi de finances initiale ont augmenté de 55 % sous l'effet notamment des revalorisations de ces prestations.
Dans le contexte de la crise sanitaire, la mission a par ailleurs été fortement mobilisée pour gérer l'urgence sociale, si bien que ses crédits ont été appelés à varier fortement en cours de gestion.
En 2020, la mission a ainsi servi à financer, via deux lois de finances rectificatives, des dispositifs exceptionnels visant à pallier les conséquences sociales de l'épidémie de covid-19.
En 2021, le deuxième projet de loi de finances rectificative (PFLR) prévoit l'ouverture de 3,2 milliards d'euros de crédits de paiement, au sein d'un programme spécifique, afin de financer la mise en place de l'« indemnité inflation » de 100 euros annoncée par le Gouvernement, une mesure dont on peut douter de l'efficacité au regard de son coût élevé pour les finances publiques. Au total, 3,5 milliards d'euros de crédits de paiement supplémentaires sont demandés dans le PLFR, ce qui porterait le total des crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » à 29,6 milliards d'euros en 2021.
L'évolution du programme 304, « Inclusion sociale et protection des personnes », est marquée par une intervention croissante de l'État dans les politiques de solidarité et d'insertion. Ses crédits s'élèvent en 2022 à 13,1 milliards d'euros.
S'agissant de la prime d'activité, l'évolution la plus notable intervenue depuis sa création en 2016 reste, à la suite de la crise des « gilets jaunes », la revalorisation exceptionnelle de 90 euros du montant maximal de la bonification individuelle au 1er janvier 2019. Il en est résulté un élargissement du public éligible ainsi qu'une amélioration du taux de recours. Fin 2020, 4,58 millions de foyers bénéficiaient ainsi de la prime d'activité.
Aucune mesure nouvelle n'étant prévue pour 2022, 9,8 milliards d'euros sont demandés pour financer la prime d'activité, après 9,7 milliards d'euros en 2021. Toutefois, selon la prévision actualisée de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF), basée sur un nombre moyen de bénéficiaires en progression de 2,1 %, le besoin de financement pour 2022 s'établirait à 10,1 milliards d'euros, soit plus de 300 millions d'euros au-delà du montant inscrit dans le projet de loi de finances (PLF).
Six ans après sa mise en place, la prime d'activité, qui a pris une dimension considérable, n'a jamais fait l'objet d'un véritable bilan d'impact. Cette évaluation serait souhaitable à l'heure où le débat sur les rémunérations et leur soutien par les finances publiques prend une importance accrue.
Concernant le revenu de solidarité active (RSA), l'expérimentation d'un transfert à l'État du financement et de la gestion de la prestation sera mise en oeuvre dès le 1er janvier 2022 dans le département de la Seine-Saint-Denis. 565 millions d'euros de crédits nouveaux sont inscrits au programme 304 pour financer cette expérimentation. L'accès d'autres départements au dispositif sera limité par des critères socio-économiques, qui tiendront notamment compte du poids du RSA dans les dépenses de la collectivité.
Il convient de prêter attention à ces expérimentations ainsi qu'aux recentralisations déjà réalisées, depuis 2019, dans trois départements d'outre-mer, dans la perspective d'une prochaine réforme des minima sociaux. En effet, le projet de revenu universel d'activité (RUA), gelé par la crise sanitaire, doit prochainement donner lieu à la remise d'un rapport au Gouvernement de Fabrice Lenglart, rapporteur général à la réforme du RUA, qui doit présenter les options possibles pour cette réforme.
Au sein du programme 304, une action est spécialement dédiée aux crédits de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté. Pour 2022, 325 millions d'euros sont inscrits au titre de cette action, après 257 millions d'euros en 2021. Sur ce total, une enveloppe de 225 millions d'euros est prévue au titre de la contractualisation entre l'État et les départements. L'atteinte des premières cibles fixées dans ce cadre est censée se concrétiser en 2022, notamment en matière de prévention des sorties « sèches » de l'aide sociale à l'enfance (ASE) et de renforcement de l'accompagnement des bénéficiaires du RSA.
Par ailleurs, 100 millions d'euros, contre 56 millions en 2021, seront consacrés à des mesures hors cadre contractuel, notamment la tarification sociale des cantines, les petits déjeuners gratuits à l'école et la formation des professionnels de la petite enfance.
Cette programmation intègre également les nouvelles mesures annoncées par le Premier ministre à l'automne 2020, présentées comme un « acte 2 » de la stratégie pauvreté, en faveur notamment de la mobilité géographique des demandeurs d'emploi.
Par ailleurs, la stratégie de prévention et de protection de l'enfance 2020-2022 connaîtra en 2022 sa deuxième année de mise en oeuvre effective. Comme la stratégie pauvreté, celle-ci repose principalement sur une démarche de contractualisation qui a vocation à être déployée dans l'ensemble des départements volontaires en 2022. Les crédits demandés dans le PLF, dont le montant augmente de 115 millions à 140 millions d'euros, s'inscrivent presque exclusivement dans ce cadre.
S'agissant plus particulièrement des mineurs non accompagnés (MNA), les crédits alloués par l'État à ce titre visent depuis 2016 à alléger les charges des départements relatives, d'une part, à la phase initiale d'évaluation de la minorité et de mise à l'abri des personnes se présentant comme MNA, et, d'autre part, à la contrainte supplémentaire pesant sur l'aide sociale à l'enfance (ASE) à la suite de l'admission de jeunes reconnus comme MNA.
Au total, les crédits demandés pour 2022 au titre des MNA s'élèvent à 93 millions d'euros, ce qui représente un nouveau recul de 23 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2021.
La sous-consommation des crédits dédiés à cette politique s'explique en partie par l'impact de la pandémie de covid-19 sur le flux des arrivées de MNA en 2020 et 2021. Toutefois, la baisse des dépenses relatives à la contribution dite « exceptionnelle » de l'État à la prise en charge de ces jeunes par l'ASE résulte aussi d'un mode de calcul qui a accéléré leur contraction, alors même que l'effectif des MNA reste élevé. Le récent rapport de nos collègues Laurent Burgoa, Xavier Iacovelli, Henri Leroy et Hussein Bourgi sur les MNA a ainsi recommandé, afin d'augmenter et de sécuriser la contribution de l'État aux dépenses supplémentaires de l'ASE, de revoir son mode de calcul. Une telle réforme n'est malheureusement pas envisagée à ce jour par le Gouvernement.
J'en viens à la présentation des crédits du programme 157, « Handicap et dépendance », qui s'élèveront, en 2022, à 13,2 milliards d'euros, soit une hausse de 4,4 %. Ces crédits ont principalement pour objet de financer l'AAH, une prestation dont la nature et les évolutions continuent à faire débat et dont le pilotage par l'État n'est pas irréprochable.
L'article 51 du PLF propose une réforme du calcul de l'allocation consistant à créer un abattement forfaitaire annuel sur les revenus du conjoint du bénéficiaire. Le montant de cet abattement serait fixé par décret à 5 000 euros et majoré de 1 100 euros par enfant à charge. Ce dispositif viendrait se substituer, avec un effet se voulant plus redistributif, à l'abattement proportionnel de 20 % qui s'applique actuellement sur les revenus du conjoint. Selon la direction générale de la cohésion sociale (DGCS), cette mesure permettra à 130 000 foyers de bénéficier d'une augmentation moyenne de 120 euros par mois de leur allocation, pour un coût total estimé à 185 millions d'euros par an.
Cette mesure est préférée par le Gouvernement à la déconjugalisation de l'AAH, que le Sénat a votée, à deux reprises, dans le cadre de la proposition de loi portant diverses mesures de justice sociale. Le mécanisme proposé est toutefois loin de répondre à l'objectif de favoriser l'autonomie financière des bénéficiaires de l'AAH.
De plus, il convient de rappeler que les règles de prise en compte de la situation familiale des bénéficiaires de l'AAH ont récemment été rapprochées des règles, moins favorables, qui s'appliquent aux bénéficiaires du RSA. Ainsi, le coefficient multiplicateur pour calculer le plafond de ressources d'un allocataire en couple, égal à 2 jusqu'au 31 octobre 2018, a été réduit à 1,81.
Au total, le traitement par le Gouvernement des bénéficiaires de l'AAH en couple apparaît incohérent. Il serait en effet plus simple et plus efficace de revenir sur les précédentes mesures d'économie que d'introduire un nouvel abattement sur les revenus du conjoint. C'est pourquoi je vous proposerai de donner un avis défavorable à l'adoption de l'article 51, rattaché à la mission.
En 2022, l'AAH sera revalorisée, comme le prévoit la loi, en fonction de l'évolution des prix à la consommation. Cette revalorisation est estimée par la CNAF à 1,4 %, ce qui porterait le montant de l'AAH à 916,25 euros au 1er avril. Ce montant, à comparer au montant forfaitaire de 565 euros du RSA, tend à distinguer l'AAH d'un minimum social. Il n'atteignait cependant que 82 % du seuil de pauvreté en 2019.
Pour 2022, les crédits dédiés à l'AAH s'élèveraient ainsi à 11,8 milliards d'euros, en hausse de 5 %.
Le programme 157 contribue également à soutenir les établissements et services d'aide par le travail (ESAT), à hauteur de 1,42 milliard d'euros en 2022 à travers l'aide au poste au titre de la garantie de ressources des travailleurs handicapés (GRTH). Le nombre de places en ESAT, qui fait l'objet d'un « moratoire », est stable depuis 2013 et s'élève à environ 119 000.
Conformément aux annonces du dernier comité interministériel du handicap, plusieurs mesures d'un plan de transformation des ESAT sont prévues dans le cadre de ce PLF, notamment l'annualisation de l'aide au poste, pour un coût de 10 millions d'euros. Il convient également de mentionner la création d'un fonds d'aide à la transformation des ESAT, doté de 15 millions d'euros issus des crédits de la mission « Plan de relance ». Ces changements sont très attendus par les établissements et par les personnes concernées.
Au titre du dispositif d'emploi accompagné, l'enveloppe inscrite pour 2022 au programme 157 s'élève, comme en 2021, à 15 millions d'euros. Avec les 15 millions d'euros supplémentaires prévus sur deux ans dans le cadre du Plan de relance, les crédits demandés pour 2022 s'élèvent au total à 22,5 millions d'euros.
Ce dispositif montre des résultats positifs : 54 % des personnes accompagnées ont trouvé un emploi dans les six mois. D'après la DGCS, la totalité des crédits budgétés en 2021 pour l'emploi accompagné a été versée aux fonds d'intervention régionaux des agences régionales de santé (ARS).
Malgré la hausse des crédits, le nombre de personnes accompagnées reste en deçà des attentes et, selon les associations, le dispositif peine encore à se mettre en place sur le terrain. Afin d'atteindre l'objectif de 10 000 personnes accompagnées en 2022, son organisation évolue sous la forme de plateformes départementales ayant vocation à mutualiser les moyens et savoir-faire des acteurs du secteur médico-social et de l'emploi sur un même territoire.
Enfin, le programme 137 porte les crédits en faveur de l'égalité entre les femmes et les hommes, érigée au rang de grande cause nationale du quinquennat. Bien que ce programme n'ait pas vocation à rassembler la totalité des mesures prises par l'État en la matière, la réalité des chiffres est longtemps restée éloignée des ambitions affichées par le Gouvernement.
En 2021, les crédits dédiés à la lutte contre les violences sexistes et sexuelles ont été renforcés, pour atteindre 22 millions d'euros. Au total, les crédits de paiement du programme ont augmenté de 37 % cette année.
Pour 2022, une nouvelle action 25, intitulée « Prévention et lutte contre les violences et la prostitution », dotée de 28 millions d'euros en crédits de paiement, est créée pour donner plus de visibilité à cette politique. Pour leur part, les crédits dédiés à l'accès au droit et à l'égalité professionnelle augmentent de 17 %. Les crédits de paiement du programme s'élèveraient au total à 51 millions d'euros, en hausse de 22 %.
Au sein de la nouvelle action 25, 1,2 million d'euros supplémentaires seront attribués en 2022 à la lutte contre la prostitution. En particulier, l'enveloppe dédiée à l'aide financière à l'insertion sociale et professionnelle (AFIS) des personnes engagées dans un parcours de sortie de la prostitution (PSP) augmente pour la première fois depuis sa création, à 1,5 million d'euros, indiquant un léger décollage du dispositif. Créé par la loi du 13 avril 2016, le parcours de sortie de la prostitution s'est déployé très lentement. Au 31 janvier dernier, 567 personnes bénéficiaient ou avaient bénéficié d'un PSP et 446 personnes de l'AFIS.
Les deux autres articles rattachés à la mission, insérés par l'Assemblée nationale, sont des demandes de rapport, portant, pour l'article 52, sur l'AAH et, pour l'article 53, sur la prime d'activité.
À l'issue de cet examen, je vous propose de donner un avis favorable aux crédits de la mission, mais un avis défavorable aux articles qui lui sont rattachés.
Mme Annie Le Houerou. - Les crédits concernent principalement deux dispositifs : l'AAH et la prime d'activité.
Concernant le programme 304, on note une très légère augmentation des crédits relatifs à la protection juridique des majeurs, mais il faut savoir que le nombre de demandes explose. Or l'accompagnement par les associations évite aux personnes concernées de sombrer dans la très grande pauvreté : elles les maintiennent véritablement hors de l'eau.
L'action 11, qui concerne la prime d'activité, présente la particularité, cette année, de financer l'expérimentation de la renationalisation du RSA en Seine-Saint-Denis.
On constate une augmentation des crédits de l'aide alimentaire, ce qui n'est pas forcément une bonne nouvelle pour notre pays, car cela signifie que le nombre de bénéficiaires est en hausse.
Pour ce qui concerne l'action 17, relative à la protection et à l'accompagnement des enfants, des jeunes et des familles vulnérables, on peut regretter que le projet de loi relatif à la protection des enfants n'arrive en séance publique du Sénat que le 14 décembre prochain. Au travers du PLF, nous finançons des actions en dehors de toute vision d'ensemble.
Le budget consacré à l'égalité entre les femmes et les hommes augmente. On peut s'en réjouir, puisqu'il s'agit de la grande cause du quinquennat. Pour autant, la présentation de ce budget changeant chaque année, il est difficile de suivre les crédits qui sont strictement liés à la lutte contre les violences faites aux femmes, à la prévention et à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.
Vous avez évoqué un léger décollage de l'AFIS, mais je regrette que seulement 446 personnes en bénéficient. En fait, ce dispositif n'est pas du tout adapté aux besoins des personnes qui tombent dans la prostitution. L'ambition du Gouvernement ne se concrétise pas dans les moyens attribués. Il faudra, à mon sens, fournir un effort beaucoup plus important pour permettre aux femmes et aux hommes concernés de sortir du système prostitutionnel.
Les crédits alloués à la conduite et au soutien des politiques sanitaires et sociales, qui font l'objet du programme 124, sont en baisse. Il faut s'en inquiéter. Les aides apportées au financement des ARS stagnent, en dépit du contexte de baisse sanitaire. On note également une baisse des crédits pour le fonctionnement des services, alors que les ARS sont en première ligne pour organiser la gestion de la crise sanitaire, dont nous ne sommes pas sortis et qu'il faudra accompagner financièrement.
Mme Frédérique Puissat. - Dans le cadre de notre mission d'information sur l'évolution et la lutte contre la précarisation et la paupérisation d'une partie des Français, Annie Le Houerou et moi-même avions noté qu'un tiers des départements ayant contractualisé avec l'État n'avaient pas obtenu la totalité des crédits préalablement affectés. Nous avions préconisé - c'était le sens de notre proposition n° 16 - que l'évaluation se fonde sur des indicateurs partagés État-département. Y a-t-il eu des évolutions en la matière ?
Mme Michelle Meunier. - Je souscris aux propos d'Annie Le Houerou. Rappelez-vous le nombre de signataires de la pétition sur l'AAH déposée sur le site du Sénat... Les attentes étaient très fortes. En maintenant sa position, le Gouvernement durcit le mécontentement des associations. Pour leur part, M. le rapporteur et notre collègue Philippe Mouiller ont su les écouter. En Loire-Atlantique, on n'avait jamais vu autant de personnes rassemblées sur les questions du pouvoir d'achat et de la reconnaissance des personnes handicapées que la semaine dernière : elles étaient 5 000 ! La mobilisation est énorme.
Vous connaissez notre position sur la déconjugalisation. Certains considèrent que le pas qui est fait va vers une amélioration de la situation financière des personnes handicapées, mais le sujet demeure clivant. Pour notre part, nous soutenons la demande des personnes concernées.
Comme l'a dit Annie Le Houerou, les mesures annoncées dans le cadre de la stratégie pauvreté sont à mettre en regard de l'aggravation de la crise sanitaire, sociale et économique que nous connaissons. Elles ne suffisent pas à compenser la faiblesse du reste à vivre pour les ménages les plus modestes.
En ce qui concerne la protection des enfants, nous manquons de cadre et de vision politique. Le projet de loi que nous allons examiner est bien décevant : il ne fait que colmater les lacunes des dispositifs existants. Ce n'est pas un texte structurant.
Nous souscrivons dans l'ensemble aux analyses de M. le rapporteur pour avis.
M. René-Paul Savary. - Notre rapporteur a évoqué la participation de 93 millions d'euros, en baisse, de l'État à la prise en charge des MNA. Je souhaiterais qu'il n'oublie pas de mentionner dans son rapport que les dépenses des départements s'élèvent à 2 milliards d'euros et qu'elles augmentent.
M. Jean Sol, rapporteur pour avis. - Les crédits consacrés à la protection juridique des majeurs s'élèvent à 734 millions d'euros, en hausse de 2,76 % par rapport à 2021. Cette augmentation correspond à l'accroissement anticipé du nombre de mesures de protection. Selon l'interfédération de la protection juridique des majeurs, chaque professionnel des services mandataires est chargé de 60 dossiers, ce qui est trop élevé. Les services souhaitent une augmentation plus substantielle de ces crédits afin de passer à 45 mesures par professionnel. Une étude sur le coût des mesures de protection juridique des majeurs est en cours, et pourrait aboutir, selon la DGCS, à une réforme du système de financement.
Le changement de présentation du budget consacré à l'égalité entre les femmes et les hommes vise à répondre à une demande de clarté. L'AFIS reste peu connue et répond à des besoins particuliers. Comme le relèvent les associations qui réalisent un travail formidable en dépit de moyens limités, les personnes qui sortent de la prostitution par l'insertion professionnelle ne sont pas éligibles à cette aide.
La contribution de l'État versée aux ARS pour charges de service public s'établit à 593 millions d'euros en 2022, contre 594 millions en 2021. Les renforts exceptionnels instaurés lors de l'exercice 2021 sont maintenus à hauteur d'un tiers en 2022, soit 167 ETP, pour permettre aux ARS de poursuivre leur action en matière de dépistage de la covid, de traçage des cas contacts et de vaccination. Le schéma d'emploi des ARS est rehaussé de 118 ETP, conformément au Ségur de la santé. Il faut y ajouter 25 ETP destinés à renforcer l'échelon territorial. Une enveloppe supplémentaire de 9,7 millions d'euros est également prévue pour accompagner la transformation numérique des ARS.
Madame Puissat, les difficultés que vous évoquez concernant la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté n'ont pas fait l'objet de remontées de la part de l'Assemblée des départements de France. Les indicateurs semblent mieux acceptés par les départements.
Madame Meunier, les mesures prévues dans le cadre de cette stratégie sont structurelles. Elles ne sont pas principalement de nature monétaire. Toutefois, la tarification sociale des cantines contribue à augmenter le reste à vivre des ménages modestes, même si cette mesure pourrait être amplifiée.
Enfin, nous manquons de chiffres consolidés relatifs à la prise en charge des mineurs non accompagnés. L'ADF évoquait, il y a trois ans, une somme de 2 milliards d'euros pour les départements, mais ce chiffre doit être actualisé et précisé.
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ».
La commission émet un avis défavorable à l'adoption des articles rattachés nos 51, 52 et 53.
La réunion est close à 10 h 40.
- Présidence de Mme Chantal Deseyne, vice-président -
La réunion est ouverte à 18 heures
Projet de loi de finances pour 2022 - Mission « Travail et emploi » - Audition de Mme Élisabeth Borne, ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion
Mme Chantal Deseyne, présidente. - Mes chers collègues, nous entendons cet après-midi Mme Élisabeth Borne, ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion.
J'indique que cette audition fait l'objet d'une captation vidéo en vue de sa retransmission en direct sur le site du Sénat. Elle sera consultable en vidéo à la demande.
Prévue depuis quelque temps, cette audition devait porter sur les crédits de la mission « Travail et emploi » du projet de loi de finances pour 2022, que le Sénat ne devrait pas examiner compte tenu de son vote de cet après-midi sur la première partie du projet de loi de finances. Je vous prie à cet égard d'excuser le retard de notre présidente, Catherine Deroche, retenue par la conférence des présidents qui doit organiser les travaux du Sénat.
La commission a souhaité maintenir cette audition, madame la ministre, ce budget étant la traduction d'une politique, celle de l'emploi, qui doit retenir toute notre attention.
Pour n'évoquer que trois sujets, la politique de l'emploi s'est récemment enrichie du contrat d'engagement jeune, qui doit être lancé en mars prochain et qui constitue une nouvelle tentative pour renforcer l'autonomie des jeunes.
Second sujet : la formation professionnelle. Dans son étude économique consacrée à la France parue récemment, l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) pointe à nouveau une des difficultés de notre pays en ces termes : « Les travailleurs ayant des compétences inadaptées sont trop nombreux, et leur taux d'emploi reste faible », formant ainsi le constat de l'efficacité perfectible de la formation professionnelle.
Enfin, madame la ministre, nous souhaitons évoquer avec vous le sujet du soutien des pouvoirs publics aux travailleurs à bas salaires. Ce soutien a été fortement accru ces dernières années par le renforcement des allègements généraux de cotisations sur les bas salaires, mais aussi par l'augmentation de la prime d'activité.
À l'heure où de nouvelles tensions sur les salaires se font jour, notamment dans le secteur agroalimentaire, dans un contexte de reprise de l'activité et - semble-t-il - de l'inflation, quels leviers estimez-vous nécessaire d'actionner ?
Je vous laisse la parole pour présenter vos orientations, avant de laisser la place aux échanges avec notre rapporteur, Frédérique Puissat, puis avec les commissaires qui souhaiteront vous interroger.
Mme Élisabeth Borne, ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion. - Je suis ravie de vous retrouver pour vous présenter les crédits de la mission « Travail et emploi » du projet de loi de finances (PLF) pour 2022.
Grâce aux mesures d'urgence et au plan de relance voté l'année dernière, notre économie a rebondi vigoureusement. Nous avons préservé notre système productif et nos compétences, et avons maintenu la confiance des entreprises dans l'avenir.
Selon l'Insee, l'activité vient de retrouver son niveau d'avant la crise. Depuis le début de l'été, les embauches sont à un niveau inégalé depuis plus de vingt ans. Notre pays compte aujourd'hui près de 200 000 emplois de plus qu'en décembre 2019. Qui plus est, l'Insee vient d'annoncer qu'au troisième trimestre, 67,5 % des Français âgés de 15 à 64 ans occupent un emploi, soit un niveau jamais atteint depuis 1975.
Cette reprise a fait revenir sur le marché du travail près de 175 000 personnes qui avaient momentanément ou durablement arrêté de chercher un emploi, notamment du fait de la crise.
Enfin, le chômage est d'ores et déjà revenu à son niveau d'avant-crise, alors qu'il avait explosé de plus de 25 % après la crise de 2008-2009.
L'enjeu est de conforter cette dynamique et d'investir dans les compétences nécessaires à l'avenir du pays. Au total, 17,8 milliards d'euros sont prévus pour financer les politiques de l'emploi et de la formation dans ce PLF.
Afin que la relance économique bénéficie à tous, ce budget poursuit trois objectifs : faciliter les recrutements en consolidant l'accompagnement des personnes les plus éloignées de l'emploi, bâtir un droit à la formation permettant aux actifs d'évoluer professionnellement et, enfin, investir dans les compétences de notre jeunesse pour que chaque jeune puisse trouver sa place dans la société, car pour le Gouvernement, défendre la valeur travail, c'est donner concrètement à chacun les clés de son émancipation.
Nous voulons tout d'abord renforcer la formation des personnes éloignées de l'emploi pour répondre aux besoins immédiats des entreprises. C'est tout le sens du plan de réduction des tensions de recrutement annoncé fin septembre par le Premier ministre. Ce plan représente 1,4 milliard d'euros, dont 800 millions d'euros pour les seuls demandeurs d'emploi. Ce volet doit être mis en oeuvre avec les régions, en lien avec Pôle emploi, pour mobiliser la main-d'oeuvre au plus près des besoins des entreprises.
Afin de déployer ce plan rapidement, vous avez déjà voté une partie des crédits lors de l'examen du deuxième projet de loi de finances rectificative. Le projet de loi de finances pour 2022, adopté par l'Assemblée nationale en première lecture, complète ces crédits à hauteur de 500 millions d'euros.
À travers ce plan, nous accordons une attention particulière aux demandeurs d'emploi de longue durée, car si le chômage a fortement baissé, le chômage de longue durée persiste quant à lui à un niveau encore trop élevé.
Nous avons ainsi mis en place de nouvelles primes pour inciter fortement les demandeurs d'emploi de longue durée à s'orienter vers les formations qui répondent aux besoins des entreprises et pour inciter ces dernières à recruter des demandeurs d'emploi de longue durée, notamment en contrat de professionnalisation.
En parallèle, comme l'a annoncé le Président de la République, Pôle emploi intensifiera ses contrôles. Nous voulons nous assurer que les demandeurs d'emploi recherchent activement un travail. 250 000 contrôles seront ainsi effectués sur les prochains mois, soit une augmentation de 25 %. Tous les demandeurs d'emploi de longue durée seront rappelés d'ici la fin de l'année pour leur proposer un accompagnement, une immersion en entreprise ou une formation.
Plus largement, ce projet de loi de finances renforce tous les dispositifs d'insertion destinés aux publics vulnérables. Ainsi, les structures d'insertion par l'activité économique bénéficieront d'un budget de 1,3 milliard d'euros, soit une augmentation de 150 millions d'euros par rapport à 2021. Les entreprises adaptées recevront quant à elles 425 millions d'euros d'aides aux postes. Il y a quelques jours, nous avons pu mettre en lumière l'enjeu de l'inclusion dans l'emploi à l'occasion de la semaine européenne de l'emploi des personnes en situation de handicap.
Je rappelle qu'une entreprise qui embauche un salarié en situation de handicap bénéficie jusqu'à la fin de l'année d'une aide de 4 000 euros.
Ce projet de loi de finances pour 2022 entend faciliter l'accès à la formation de l'ensemble des actifs. Notre objectif est d'abord de permettre aux personnes les plus éloignées de l'emploi de se former, pour s'insérer dans des emplois durables et de qualité. C'est pourquoi le plan d'investissement dans les compétences (PIC) bénéficiera d'un nouvel engagement de 3 milliards d'euros. Ce plan vise à rehausser le niveau de qualification des jeunes et des demandeurs d'emploi, d'une part pour sécuriser leur insertion dans l'emploi et, d'autre part, pour favoriser la compétitivité des entreprises qui les recrutent en préparant les emplois de demain.
Ce nouveau budget porte le montant alloué au PIC sur l'ensemble du quinquennat à 13,6 milliards d'euros. Nous devrions ainsi atteindre l'objectif de deux millions de jeunes ou de demandeurs d'emploi peu ou pas qualifiés supplémentaires formés sur les années 2018 à 2022.
J'ai bien noté les recommandations de l'OCDE. Je pense que nous y répondons pleinement puisque nous avons doublé l'effort de formation des demandeurs d'emploi peu ou pas qualifiés grâce au PIC.
Nous avons également lancé le dispositif « Transition collective », qui vise à accompagner les transitions professionnelles. Différents dispositifs, comme le PIC ou le contrat d'engagement jeune, sur lequel je vais revenir, visent à mieux accompagner dans l'emploi les jeunes qui, dans notre pays, vivent malheureusement encore trop souvent l'entrée dans la vie professionnelle comme un parcours du combattant.
Pour amplifier cette dynamique particulièrement positive, nous prévoyons de prolonger la contractualisation avec les régions jusqu'à fin 2023.
Grâce à la réforme du compte personnel de formation (CPF), nous avons donné à chacun l'opportunité d'ajuster ses compétences pour rester maître de son parcours professionnel. Avec plus de deux millions de Français inscrits depuis le début de cette année, contre 630 000 en 2019, le succès du CPF est indéniable, mais nous pouvons encore faire mieux.
Nous menons actuellement plusieurs actions pour renforcer la qualité et l'adéquation des formations, assurer la pérennité du système et responsabiliser les acteurs de la formation professionnelle. Nous venons notamment de rénover le site « moncompteformation.gouv.fr » pour mieux accompagner les actifs dans la mobilisation de leurs droits. Sa nouvelle version permet une meilleure valorisation du conseil en évolution professionnelle, service dont l'usage est gratuit et qui mérite d'être davantage connu.
D'autres voies de régulation devront également permettre de renforcer la qualité des formations et de maîtriser le coût du CPF. Le renouvellement des certifications permettra notamment d'améliorer l'adéquation des formations avec le marché du travail.
Nous voulons aussi lutter contre la fraude en interdisant le démarchage abusif dont est victime « moncompteformation.gouv.fr ». Nous envisagions de déposer un amendement sur ce PLF pour encadrer fermement la publicité autour des formations. Avec le rejet cet après-midi de la première partie du budget par votre assemblée, nous devons trouver un autre vecteur législatif pour traiter cette question.
Ces garde-fous doivent permettre de faire du CPF un outil toujours plus efficace au service de la compétitivité de notre pays.
Ces actions conjuguées permettront d'avoir, à moyen terme, un impact positif sur les dépenses de France compétences. Comme vous le savez, les recettes de l'opérateur se sont contractées sous l'effet de la crise, tandis que ses dépenses ont fortement augmenté.
Cette augmentation résulte du succès du recours au CPF, mais aussi de la dynamique exceptionnelle de l'apprentissage dans notre pays. Nous avons répondu à l'urgence en permettant le versement d'une subvention globale 2,75 milliards d'euros pour 2021. En 2022, l'état et les partenaires sociaux devront définir les modalités d'une trajectoire financière soutenable pour l'opérateur.
Enfin, ce projet amplifie le soutien sans précédent du Gouvernement en faveur de la jeunesse, avec 9 milliards d'euros déployés en 2020 et 2021. Le plan « un jeune, une solution » a incontestablement porté ses fruits. Depuis son lancement, plus de 3 millions de jeunes ont trouvé un emploi, un apprentissage, une formation ou un parcours d'insertion, si bien que le nombre de jeunes demandeurs d'emploi est au plus bas depuis 2008, alors qu'il avait bondi de 30 % à l'époque. Le taux d'emploi des jeunes est quant à lui de 32,8 %, soit son niveau le plus élevé depuis près de 30 ans.
Par ailleurs, l'apprentissage a connu un développement historique dans notre pays avec près de 526 000 contrats signés en 2020. Nous allons certainement battre un nouveau record cette année au vu du nombre des contrats reçus et en cours d'instruction par les opérateurs de compétences (OPCO).
Le projet de loi de finances pour 2022 consacre désormais 6 milliards d'euros à l'insertion professionnelle de notre jeunesse. Notre ambition pour 2022 est que chaque jeune puisse trouver son chemin vers l'emploi.
La reprise économique doit bénéficier à tous, y compris à ceux qui ne sont pas en situation de retrouver par eux-mêmes un emploi. C'est pourquoi ce projet de loi de finances propose la création du contrat d'engagement jeune, annoncé par le président de la République.
Je salue d'ailleurs son adoption par l'Assemblée nationale, le 4 novembre dernier, qui a permis de concrétiser ces annonces et de doter ce dispositif d'un cadre légal ainsi que du budget nécessaire.
Le contrat d'engagement jeune s'adressera aux jeunes de moins de 26 ans qui sont durablement sans emploi ni formation. Il s'agira d'un accompagnement individualisé d'une intensité inégalée, avec une activité de 15 à 20 heures par semaine.
Le contrat d'engagement jeune sera un contrat ouvert. Une seule condition pour en bénéficier : accepter de s'engager dans un parcours intensif vers l'emploi.
La mise en activité, qui est au coeur du contrat d'engagement, impliquera aussi la mobilisation des entreprises pour favoriser la découverte des métiers, des immersions dans un collectif de travail et des formations en alternance.
Ce ne sera pas un nouveau dispositif, mais un parcours d'ensemble qui intègre toutes les solutions qui ont fait leurs preuves dans le cadre du plan « un jeune, une solution ».
Les jeunes en contrat d'engagement bénéficieront notamment d'accompagnements globaux pour lever les freins à l'emploi liés au logement, à la santé ou à la mobilité.
Ce contrat reposera sur une logique de droits et de devoirs pour responsabiliser le jeune dans son parcours vers l'emploi avec, d'un côté, le droit à un accompagnement intensif et personnalisé et celui de percevoir une allocation jusqu'à 500 euros par mois et, de l'autre, le devoir de s'engager à suivre son parcours, notamment les immersions ou les formations proposées.
Ce contrat s'inspire de la garantie jeunes dans sa phase intensive des premières semaines, mais il maintient l'intensité tout au long du parcours. Il sera proposé par l'ensemble des opérateurs, missions locales et Pôle emploi. Il pourra même être mis en oeuvre par des acteurs tiers du service public de l'emploi, comme les associations de lutte contre la pauvreté, qui sont en mesure d'aller vers les jeunes les plus en rupture.
En complément, nous renforcerons les structures qui accueillent et remobilisent les jeunes les plus éloignés de l'emploi en amplifiant le nombre de places dans les établissements pour l'insertion dans l'emploi (Épide), les écoles de la deuxième chance ou les écoles de production. Nous souhaitons que ces établissements fassent partie des solutions mobilisées dans le cadre du contrat d'engagement jeune.
Nous nous appuierons sur toutes les forces vives de nos territoires pour le mettre en oeuvre. Je l'ai dit lors du dernier comité de suivi que j'ai présidé le mois dernier en y associant des parlementaires, des représentants des collectivités et des entreprises : nous souhaitons travailler avec tous ceux qui sont prêts à se mobiliser à nos côtés pour permettre aux jeunes de s'emparer de ce nouveau droit.
Le contrat d'engagement jeune représentera un investissement de 2,6 milliards d'euros en 2022, dont 550 millions d'euros crédités par notre amendement adopté à l'Assemblée nationale afin de renforcer l'intensité de l'accompagnement et mettre en place des actions spécifiques pour les jeunes en grande précarité. C'est une avancée majeure pour l'insertion professionnelle des jeunes dans notre pays, faisant ainsi écho aux observations de l'OCDE.
Un mot sur les enjeux de pouvoir d'achat, auxquels nous sommes très attentifs. Depuis le début du quinquennat, différentes mesures ont été prises pour améliorer le pouvoir d'achat des classes moyennes et des actifs aux revenus les plus modestes. Je pense à la suppression de la taxe d'habitation, à la suppression de certaines cotisations sociales salariales, ainsi qu'à l'élargissement et au renforcement de la prime d'activité.
Il existe aujourd'hui une situation difficile liée à la flambée des prix de l'énergie. Le Gouvernement a pris différentes mesures pour réagir à cette situation, qu'il s'agisse de l'aide exceptionnelle de 100 euros pour les près de 6 millions de bénéficiaires du chèque énergie, du gel des tarifs du gaz, du plafonnement de l'augmentation des tarifs de l'électricité ou de l'indemnité inflation, qui bénéficiera à plus de 38 millions de Français.
Il est important que les branches professionnelles, notamment celles dont les salaires minima sont inférieurs au SMIC, s'emparent de ce sujet. Mon cabinet et mes services ont engagé une discussion avec une quarantaine de branches, dont certaines ont jusqu'à huit niveaux de leur grille salariale qui se trouvent en dessous du SMIC. Le SMIC s'applique évidemment, mais les salariés n'ont aucune perspective d'évolution de leur rémunération pendant plusieurs années.
Il est très important que ces négociations puissent déboucher pour répondre aux attentes des salariés de ces branches en termes de pouvoir d'achat. C'est d'autant plus important qu'on trouve dans ces secteurs des conditions de travail qui peuvent être difficiles.
Ce projet de loi de finances poursuit trois objectifs centraux, l'égalité d'accès à l'emploi pour mieux former et accompagner les personnes plus fragiles, la formation tout au long de la vie pour permettre à tous les actifs d'évoluer et de se maintenir dans l'emploi et l'égalité des chances, afin que les jeunes les plus en difficulté trouvent réellement leur place dans la société.
Pour nous, le travail doit être un vecteur d'émancipation individuelle, de mobilité sociale et de cohésion nationale.
Mme Frédérique Puissat, rapporteur pour avis. - Madame la ministre, bien que le calendrier soit un peu particulier, vous avez accepté de répondre à nos questions et nous vous en remercions.
Tout d'abord, les crédits de la mission « Travail et emploi » ouverts en 2021 s'élevaient à 14 milliards d'euros. Nous les avons complétés avec le plan de relance à hauteur de 10 milliards d'euros. Nous avons voté l'intégralité des dispositifs, tout en craignant de voir apparaître, avec la crise sanitaire, certains publics en difficulté.
Vous l'avez dit, le nombre de demandeurs d'emploi est moins catastrophique que prévu. L'atterrissage est plutôt satisfaisant et nous pouvons nous en féliciter. Pour autant, nous avons voté des sommes considérables pour soutenir les publics les plus en difficulté.
À ce titre, disposez-vous d'éléments d'évaluation en matière d'aides ? Est-on parvenu à remplir les objectifs et comment ? Prévoyez-vous d'engager une évaluation de ces dispositifs ?
S'agissant du contrat d'engagement jeune, j'ai bien compris qu'il s'agissait d'un parcours d'ensemble et qu'il s'inspire de la garantie jeunes. Toutefois, s'y substitue-t-il ?
Par ailleurs, le nombre de jeunes concernés est évalué à 400 000. Aujourd'hui, on compte 200 000 garanties jeunes. Je ne sais si la situation du département de l'Isère, dont je suis l'élue, est identique à celle d'autres départements, mais il n'est pas toujours facile de trouver des jeunes à mettre en face de ces places. De la même façon, les places Épide ne sont pas toujours pourvues.
Comment arrive-t-on à cette estimation de 400 000 jeunes ? De quelle façon parviendra-t-on à organiser l'intégralité de ces parcours avec des partenaires multiples, comme Pôle emploi ou les missions locales ? Quel type de gouvernance va être mise en place ? L'échelon sera-t-il départemental ou régional ?
Enfin, s'agissant de l'apprentissage, le déficit de France compétences devrait être de 4 milliards d'euros à la fin de 2021. Pouvez-vous confirmer ce chiffre ? Une enveloppe de 2,75 milliards d'euros a été votée pour combler ce déficit, mais il semblerait que le déficit pour 2022 doive également s'élever à 4 milliards d'euros. Confirmez-vous ces chiffres ?
Enfin, vous avez indiqué qu'un travail allait être réalisé pour rendre cette trajectoire soutenable. Existe-t-il un calendrier précis à ce sujet ?
Mme Élisabeth Borne, ministre. - Madame le rapporteur, les dispositifs massifs qui ont été mobilisés au cours de 2021 sont de nature diverse. On peut tous être convaincus que l'activité partielle était le bon choix. Cela a permis aux entreprises de conserver leurs salariés. On l'a vu après la crise de 2008-2009, au cours de laquelle l'Allemagne avait mis en place un dispositif plus généreux que la France. Certaines de nos entreprises s'étaient alors séparées rapidement de leurs salariés, entraînant une augmentation du chômage de 25 %.
En outre, nos entreprises avaient été très pénalisées au moment où l'activité économique était repartie, les compétences n'étant plus là. Dans l'aéronautique, il faut huit ans pour former un chaudronnier. Si on n'avait pas pris en charge ces salariés au travers de l'activité partielle, certaines entreprises auraient dû s'en séparer. Elles auraient ensuite mis des années à retrouver les savoir-faire.
Nous aurons ainsi dépensé 35 milliards d'euros depuis le début de la crise en la matière. C'est un investissement en faveur des salariés de notre pays, de nos emplois et de nos entreprises.
Un autre volet de crédits exceptionnels a été mobilisé avec le plan « un jeune, une solution ». Le taux d'emploi est revenu au niveau de 1992, et le nombre de jeunes demandeurs d'emploi à son niveau d'avant la crise. Personne n'aurait parié que nous serions dans cette situation il y a un an. Ce plan a permis à plus de 3 millions de jeunes de trouver une solution grâce aux aides à l'embauche et aux 526 000 contrats d'apprentissage signés au cours de l'année 2020. C'est un record que l'on va certainement battre en 2021.
Un million de jeunes ont pu bénéficier d'un accompagnement, comme la garantie jeunes, l'accompagnement intensif jeunes de Pôle emploi ou le parcours contractualisé d'accompagnement vers l'emploi et l'autonomie (PACEA). Les contrats initiative emploi (CIE), qui soutiennent les entreprises, ont été plus mobilisés que les parcours emploi compétences (PEC), qui s'adressent aux collectivités et aux associations, ce qui a constitué une surprise pour nous.
Nous pourrons vous donner des chiffres détaillés sur l'utilisation des crédits du plan « un jeune, une solution ». Il s'agit de formations qualifiantes pour permettre à des jeunes d'accéder aux métiers de la transition écologique, du numérique, du soin. Le fait que le taux d'emploi des jeunes soit au plus haut niveau depuis 30 ans montre que ce plan a porté ses fruits.
S'agissant du contrat d'engagement jeune, je répète que nous voulons capitaliser sur ce qui fonctionne. La garantie jeunes est un très bon dispositif, qui propose un accompagnement intensif les premières semaines : on vient tous les jours en mission locale, pendant quatre à six semaines.
J'ai eu l'occasion d'échanger avec des jeunes à qui cela a redonné confiance. Ils ont pris l'habitude de se lever à nouveau tous les matins pour rencontrer leur conseiller, convenir des entreprises à contacter, passer leurs appels et faire un point le lendemain matin. Cela les remet en mouvement.
On pourra par la suite améliorer le dispositif, lorsqu'il sera devenu moins intensif, en l'enrichissant avec toutes les solutions développées. Il est très important que les conseillers des missions locales utilisent bien les autres dispositifs existants. Il faut sortir de la politique du chiffre qui peut avoir un effet pervers, qui consiste à ce que chaque opérateur souhaite « garder ses jeunes ». Nous voulons que le jeune soit orienté vers le meilleur dispositif et qu'on tire mieux parti des écoles de la deuxième chance, des écoles de production, des Épide.
Il faut que, le cas échéant, les jeunes qui ont perdu confiance et n'ont pas de projet professionnel puissent avoir des occasions d'immersion en entreprise et de découverte des métiers. Ils peuvent avoir besoin d'une remise à niveau sur des compétences de base ou sur des savoir-être. On a sur ce plan des réponses avec les prépas apprentissage ou les prépas compétences.
Nous souhaitons qu'un référent unique accompagne le jeune tout au long de son parcours, afin de lui permettre de démarrer un accompagnement en mission locale, de découvrir des métiers, de recourir à une prépa compétences proposée par l'Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA), puis d'entrer dans une formation qualifiante et de revenir dans sa mission locale pour suivre un accompagnement de préparation aux entretiens d'embauche.
Il faut que ce soit un parcours fluide, qui mobilise l'ensemble des dispositifs. C'est en ce sens que nous voulons intégrer dans cet accompagnement global, proposé par les missions locales et par Pôle emploi, l'ensemble des réponses possibles pour aider le jeune à trouver le plus rapidement possible un projet professionnel qui le motive, en le faisant bénéficier de la formation dont il peut avoir besoin.
Nous nous sommes donné la possibilité de doubler le nombre de garanties jeunes, mais on ne constate aucune file d'attente devant les missions locales. N'entrons pas dans une politique de chiffre : les jeunes qui ne retrouveront pas spontanément un emploi pourront bénéficier d'un accompagnement. On doit même aller vers les jeunes qui ne viennent pas dans les missions locales ou les agences de Pôle emploi.
Nous voulons nous appuyer sur le travail mené dans le cadre des appels à projet « 100 % inclusion » et du repérage des « invisibles », soutenu par le PIC, où l'on compte des associations formidables, comme Vitamine T, les Apprentis d'Auteuil ou des associations d'insertion par le sport. Ces structures peuvent aller chercher des jeunes, leur redonner confiance, les engager dans un parcours d'accompagnement vers l'emploi, qui doit souvent lever d'autres freins, comme l'accès au logement, des problèmes de santé ou de mobilité.
Cela suppose aussi que l'on travaille très étroitement avec les associations de collectivités, les communes, les centres communaux d'action sociale (CCAS), les maisons de quartier. Ce sont souvent les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) qui ont des réponses en termes de logement ou de mobilité. Il faut donc une gouvernance locale et non régionale, au plus près des territoires.
Cela doit donc se faire à l'échelon départemental ou infradépartemental. Les intercommunalités ont un rôle important à jouer dans ce domaine. C'est pourquoi l'Assemblée des communes de France (ADCF) est associée à cette démarche pour parvenir, territoire par territoire, à fédérer tous les acteurs qui peuvent apporter aux jeunes le meilleur accompagnement.
Le contrat d'engagement jeune prend la suite de la garantie jeunes. Il est proposé par Pôle emploi, les missions locales et des associations qui accompagnent les jeunes les plus en difficulté. L'accompagnement doit garder l'intensité des premières semaines de la garantie jeunes sur toute la durée du parcours, avec un référent unique, et multiplier les solutions qui lui sont proposées.
S'agissant de France compétences, nous devons apporter une réponse immédiate à une situation qui découle d'une baisse des recettes liées à la baisse de la masse salariale, alors même que les dépenses n'ont pas chuté. Nous sommes amenés à verser une subvention d'équilibre à France compétences pour cette année. On est passé d'un déficit prévisionnel de 1,1 milliard d'euros à 3 milliards d'euros en juin dernier.
Nous versons donc cette année 2,75 milliards d'euros. Le budget de France compétences sera présenté d'ici la fin de la semaine. Ce déficit n'aura pas disparu l'an prochain.
On devra réfléchir à l'équilibre de France compétences dans la durée. On pourra fort heureusement tabler, du fait de la reprise de l'activité économique, sur des recettes de contribution unique à la formation professionnelle et à l'alternance (CUFPA) plus importantes, mais on doit aussi mieux réguler le CPF, comme j'ai pu l'évoquer, et tenir compte de la très forte dynamique de l'apprentissage.
Ces discussions devront intervenir avec l'ensemble des partenaires, dont le Parlement, mais aussi avec les conseils régionaux et les partenaires sociaux concernés par le pilotage de cet opérateur.
M. Olivier Henno. - Madame la ministre, on ne s'attendait pas à un tel déficit de France compétences lorsqu'on a examiné en 2018 le projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel. On s'était d'ailleurs posé la question de la gouvernance pour savoir si elle était adaptée et assez souple. Nous en doutons fortement.
Le fait que l'apprentissage soit entré dans les mentalités et que le nombre de contrats soit en augmentation est une bonne nouvelle. Certes, on enregistre une baisse des recettes, mais la question du CPF apparaît assez lourde. Le CPF, tel qu'il a été conçu, accompagne-t-il vraiment mieux les salariés les moins bien formés de notre pays, conformément à son objectif ? Nous n'en sommes pas sûrs.
Quelle régulation la gouvernance permettra-t-elle ? L'idée d'un éventuel ticket modérateur, qui ferait que certaines formations deviendraient payantes, ou la question de la baisse de la prise en charge des contrats d'apprentissage, qui viendrait créer une difficulté, nous alarment.
Mme Annie Le Houerou. - Madame la ministre, vous avez évoqué les publics spécifiques. Le chômage de longue durée touche principalement les demandeurs d'emploi de plus de 55 ans. 55 % des 55-64 ans travaillent dans notre pays et leur taux d'emploi est de six points inférieur à la moyenne des pays européens. On doit donc pouvoir faire mieux - ou en tous les cas mieux prendre en charge ces publics. Qu'est-il prévu à ce sujet ?
Par ailleurs, les emplois aidés ont été quasiment supprimés en 2018. Ils font aujourd'hui une réapparition en force, avec une hausse de 8 % dans le budget. Quels sont les arguments qui vous ont conduit à réactiver ce dispositif ? A-t-il fait l'objet d'une évaluation particulière ?
Vous parlez, s'agissant de France compétences, d'une baisse des recettes et d'une augmentation des dépenses. Le développement de l'apprentissage est effectivement une bonne chose, mais l'apprentissage pré-bac a tendance à diminuer - il n'est que de 40 % -, alors que l'apprentissage post-bac représente plus de 60 %.
Les formations post-bac n'étant pas financées par l'État, c'est donc, si j'ai bien compris, France compétences qui, par son déficit, les prend en charge.
D'autre part, le contrat d'engagement jeune vient-il se substituer à la garantie jeunes ? Quelle est la durée de l'accompagnement au travers du contrat d'engagement jeune ? Quelles sont les conditions d'éligibilité ? Vous avez parlé de 500 euros maximum, mais quelles seront les conditions d'ajustement du montant de l'allocation ? Cela ne me paraît pas clair.
Enfin, les conditions d'accès aux Épide ont évolué, puisqu'ils accueillent désormais des mineurs, et plus seulement des jeunes majeurs.
Par ailleurs, ceux qui en bénéficient sont des garçons à 80 %. Je crois que c'est la même situation dans les écoles de production. Est-ce une réalité nationale ? Si c'est le cas, comme je le crois, existe-t-il des dispositions particulières pour amener les filles vers ce dispositif qui, je pense, apporte une vraie réponse à certains jeunes en très grande difficulté, à qui l'on remet le pied à l'étrier.
Mme Monique Lubin. - Madame la ministre, je ne comprends pas pourquoi vous mettez fin à la garantie jeunes. Vous dites que le contrat d'engagement jeune va prendre la suite. Va-t-il la remplacer ?
La garantie jeunes fonctionne très bien, vous l'avez dit. Vous avez décrit tout ce qu'il faut pour accompagner les jeunes, notamment les plus éloignés de l'emploi. Pourquoi remplace-t-on un dispositif qui fonctionne ? Pourquoi ne s'est-on pas contenté d'ajouter un budget pour qu'un plus grand nombre de jeunes aient accès à la garantie jeunes et pour créer des postes de conseillers à l'insertion dans les missions locales ?
En outre, le budget de Pôle emploi diminue et il est prévu que cet opérateur ait moins de conseillers, mais vous allouez des crédits pour que Pôle emploi puisse faire face à l'arrivée des jeunes qui vont postuler pour le contrat d'engagement jeune. Or les agents de Pôle emploi ne sont pas formés pour accueillir des jeunes et les amener vers l'emploi.
Il faut réaliser, avec les jeunes qui s'adressent aux missions locales, un travail extrêmement important d'acclimatation au milieu social et revoir des bases sociales. Même si cela n'a pas grand-chose à voir avec l'emploi, cela reste un préalable à l'emploi. Les conseillers de Pôle emploi ne sont pas formés pour cela, tandis que c'est le coeur de métier des missions locales. Ma crainte est que Pôle emploi recrute du personnel spécifique qui n'aura eu aucune formation préalable ou très peu pour accueillir ces jeunes. Cela s'est déjà passé pour un certain nombre de dispositifs.
Par ailleurs, il est prévu de faire appel à des structures privées. Je le dis clairement : ce peut être parfois du grand n'importe quoi !
S'agissant de la revalorisation du travail, j'ai connu dans mon département une grève très dure dans une grande entreprise agroalimentaire qui fabrique des produits de luxe. Une salariée recrutée à l'âge de 16 ans, qui a aujourd'hui 45 ans, y gagne 1 200 euros mensuels et commence à 4 heures du matin. Son travail consiste à éviscérer des canards. Est-il normal, au bout de 30 ans d'une carrière aussi pénible, de gagner 1 200 euros par mois ?
Je sais que ce n'est pas vous qui décidez de l'augmentation des salaires dans les entreprises, mais l'on s'étonne qu'un certain nombre de postes ne trouvent pas preneurs : est-ce surprenant dans ces conditions ?
Enfin, on avait à un certain moment abandonné les contrats aidés dans le secteur marchand. Pourquoi revient-on dessus, alors que celui-ci recrute ? Cela peut, selon moi, générer des effets d'aubaine plus qu'autre chose.
Mme Michelle Meunier. - Madame la ministre, lorsque le Premier ministre a annoncé une rallonge du Ségur, avant le vote du PLFSS, il vous a mentionné en ces termes : « J'ai demandé à Élisabeth Borne de mobiliser le réseau des agences Pôle emploi avec deux priorités : identifier les viviers de professionnels et proposer des formations courtes qualifiantes, que nous financerons, comme nous l'avons fait pour les Ehpad, avec des résultats, en pleine crise covid ». Il rappelle qu'une conférence des métiers de l'accompagnement social et médico-social se tiendra au plus tard le 15 janvier.
Cette conférence est très attendue. Le secteur médico-social - et pas seulement le domaine du handicap - est en grande difficulté et a besoin de visibilité. Comment allez-vous faire pour attirer des jeunes vers ces métiers et organiser cette conférence ?
M. Xavier Iacovelli. - Madame la ministre, le contrat d'engagement jeune prévu dans le projet de loi de finances est un dispositif ambitieux qui remplacera la garantie jeunes et permettra d'accompagner les jeunes de moins de 26 ans éloignés de l'emploi en leur proposant des solutions adaptées, jusqu'à 29 ans pour les jeunes porteurs d'un handicap.
Je souhaiterais vous interroger sur le déploiement de ce dispositif au profit des jeunes de l'aide sociale à l'enfance (ASE), notamment les jeunes majeurs qui, pour beaucoup, se trouvent dans une situation de précarité et rencontrent des difficultés d'accès à l'emploi et à la formation.
70 % des jeunes de l'ASE sont sans diplôme. 40 % des SDF de moins de 25 ans ont été suivis par l'ASE.
Vous en avez parfaitement conscience, puisque vous avez prévu un volet spécifique dans le plan « un jeune, une solution » consacré à la lutte contre l'isolement des personnes issues de l'ASE.
Pouvez-vous nous donner quelques éléments sur le déploiement de ce dispositif à l'égard de ce public fragile, avec des parcours de vie souvent difficiles, qui nécessitent un accompagnement spécifique et personnalisé ?
Mme Raymonde Poncet Monge. - Madame la ministre, vous avez évoqué le chiffre de 250 000 contrôles concernant les demandeurs d'emploi dans les six mois à venir. Ceci est lié à la réforme de l'assurance chômage, qui est maintenant totalement appliquée.
Que faites-vous pour les secteurs et les métiers continuellement en tension ? Que faites-vous pour évaluer la qualité de l'offre et les raisons de leur non-attractivité ? Certains secteurs proposent en permanence des contrats très courts, comme dans la restauration, à tel point que vous les avez exclus de la réforme du bonus-malus au motif qu'ils ne pouvaient proposer mieux du fait de la conjoncture.
Votre réforme avait pour objectif officiel de lutter contre les contrats courts. Où en êtes-vous en matière d'amélioration qualitative des offres d'emploi ?
J'ai bien entendu ce qui a été dit sur les négociations de branche, et j'en suis ravie. Il est temps qu'on y revienne et qu'on ne mise pas tout sur les négociations dans les entreprises. Les branches régulent la concurrence, et c'est ce qui peut permettre d'améliorer les conditions structurelles de ces métiers constamment en tension.
Enfin, quand allons-nous répondre à la demande du Président de la République d'évaluer la rémunération du travail en fonction de l'utilité sociale, ainsi que cela figure dans la Déclaration universelle des droits de l'homme ?
Mme Annick Petrus. -Madame la ministre, les crédits de la mission « Travail et emploi » ne m'ont pas permis de trouver de résonance particulière pour les outre-mer, et spécifiquement pour Saint-Martin, mon territoire.
À l'heure où ces territoires sont en proie à des troubles sociaux et que le chaos s'installe, rien au travers de ce budget ne me laisse espérer une quelconque amélioration.
Si cette situation économique et sociale est liée pour partie à la crise sanitaire, la question de l'emploi y est bien présente. En effet, l'accès à l'emploi et à la formation est un pilier du développement des outre-mer, avec des économies peu ou pas assez diversifiées et une trop grande dépendance à l'emploi public. Chaque territoire ultramarin affronte ses propres défis.
En dépit des mesures prises par le Gouvernement, l'accès aux différents dispositifs proposés par l'État reste très difficile pour le territoire de Saint-Martin. Je prendrai pour exemple la garantie jeunes. À Saint-Martin, 80 jeunes ont aujourd'hui recours à ce dispositif. Il leur a fallu passer d'énormes barrages, ces jeunes vivant en squat et ne possédant pas de compte en banque. On a réussi à trouver une alternative avec les comptes Nickel.
Le jeune qui, jusqu'à présent, vivait dans un squat, ne peut se vêtir décemment. Il doit se nourrir, s'habiller pour aller en formation. Une fois qu'ils ont quitté le dispositif, ils ne peuvent pas rien faire ! Si l'État met en place de nombreuses solutions, celles-ci ne s'articulent pas entre elles. Il aurait fallu qu'elles soient plus fongibles. Les jeunes en question ne savent pas quoi faire et reviennent à la case départ.
C'est, je suppose, un manque d'évaluation de la part de l'État : depuis le temps que ces dispositifs sont mis en place sur le territoire, on aurait dû avoir une remontée qui mette en lumière ces difficultés particulières.
Concernant la ressource, nous n'avons que Pôle emploi et aucune mission locale. Le personnel de Pôle emploi n'est pas forcément formé pour cela. Si, au départ, on avait trois agents à Pôle emploi, avec le déploiement du plan « un jeune, une solution », on n'en a plus que deux. Lorsque le contrat d'engagement jeune arrivera, nous n'aurons certainement plus qu'un seul agent à Pôle emploi.
Par ailleurs, j'ai été interpellée par une jeune fille de mon territoire il y a moins d'une semaine. Elle est désespérée. Cela fait deux mois qu'elle cherche une entreprise pour une formation en alternance. Elle a 31 ans et ne rentre plus dans le dispositif. Les entreprises ne jouent pas le jeu et s'arrêtent à l'âge limite du dispositif.
Quand l'État va-t-il prendre en compte la réalité des outre-mer ? Ce qui est proposé est une bonne chose mais doit être adapté, car cela ne fonctionne pas, chez moi en tout cas !
Mme Élisabeth Borne, ministre. - S'agissant de France compétences, on va devoir réguler davantage le CPF. Il doit mieux répondre à son objet et être un vrai plus dans le parcours professionnel du salarié ou du demandeur d'emploi qui y recourt.
La mise en avant du conseil en évolution professionnelle me tient vraiment à coeur. Il existe sur le site « moncompteformation » une page d'accueil qui suggère de faire appel à un de ces conseillers.
Nous voulons également examiner, à l'occasion du renouvellement des certifications, si les formations qui sont proposées apportent une réelle valeur ajoutée aux trajectoires professionnelles des salariés.
Il est clair néanmoins que le CPF permet à des publics qui en bénéficiaient peu d'y accéder. Nous sommes en total consensus sur ce point avec les partenaires sociaux : ces dispositifs permettent à plus de femmes et à des personnes moins qualifiées, notamment des employés et des ouvriers, d'accéder à la formation professionnelle, ainsi qu'à davantage de seniors. En termes de cible, le CPF répond parfaitement à son objectif.
Il s'agit de monter en qualité et s'assurer que les formations sont un plus dans un parcours professionnel. C'est l'analyse que France compétences est en train de mener sur le répertoire spécifique.
Une certification va être mise en oeuvre à partir du 1er janvier 2022 pour toutes les formations. On veut s'assurer que cela bénéficie bien aux salariés concernés.
S'agissant de la prise en charge des contrats d'apprentissage, nous n'avons pas une approche budgétaire sur les coûts-contrats. Nous avons pris le temps d'étudier les comptabilités analytiques des centres de formation des apprentis. Tous les éléments ont pu être examinés par France compétences. Les premiers résultats seront présentés au conseil d'administration de France compétences en fin de semaine. Nous reviendrons ensuite, comme le prévoient les textes, vers les branches pour les faire réagir sur les écarts entre les coûts tels qu'ils ressortent des comptabilités analytiques et ce qui avait été fixé initialement.
C'est un travail sérieux qui va être mené avec les branches, comme le prévoit la loi. C'est ainsi qu'on aura le meilleur accompagnement des centres de formation des apprentis, afin de répondre aux besoins de nos jeunes et de nos entreprises.
Concernant le taux de chômage des seniors, je vous confirme que nous nous singularisons, parmi les pays de l'OCDE, par un taux d'emploi inférieur à ce qui serait nécessaire et souhaitable, comme en matière de taux d'emploi des jeunes.
Il existe, il est vrai, des enjeux en matière de maintien dans l'emploi des seniors. Parmi les demandeurs d'emploi de longue durée, on retrouve une proportion significative de salariés seniors qui pourront bénéficier de l'accompagnement spécifique que Pôle emploi est en train de mettre en oeuvre. Il s'agit à la fois de nouvelles prestations pour prendre en compte des difficultés que le demandeur d'emploi peut rencontrer en termes de santé, de difficultés psychologiques, de remise en activité, d'immersion en entreprise, de formation.
Pour ce qui est des emplois aidés, on en comptait, en 2020, 100 000 dans le secteur non-marchand. Nous sommes montés à 160 000 contrats aidés en 2021 pour tenir compte de la crise et nous allons revenir à ce niveau de 100 000 contrats en 2022.
Cela a été une surprise pour moi : quand on avait baissé le nombre d'emplois aidés dans le secteur non-marchand, beaucoup de collectivités ou d'associations avaient estimé que nous étions allés trop loin. Elles ne se sont toutefois pas emparées des possibilités supplémentaires qui leur ont été offertes ! Ce n'est pas faute d'avoir adapté le dispositif, en répondant aux blocages sur la prise en charge du temps hebdomadaire de travail ou sur les tuteurs bénévoles. Nous avons essayé de lever les freins. Nous en avons conclu que le bon étiage devait finalement être celui de 2020.
Cependant, les contrats aidés dans le secteur marchand ont bien fonctionné. Je suis surprise, Mme Lubin, que vous soyez contre ces contrats aidés, qui existaient dans le précédent quinquennat.
Mme Monique Lubin. - Je n'ai jamais aimé les contrats aidés dans le secteur marchand !
Mme Élisabeth Borne, ministre. - En tant que préfète de région en charge de mettre en oeuvre les politiques portées par les précédentes majorités, j'ai eu à promouvoir les contrats aidés dans le secteur marchand. Cela permet d'accompagner des entreprises qui recrutent des jeunes éloignés de l'emploi.
On a eu l'occasion de mettre en oeuvre des aides à l'embauche : c'est une forme d'aide à l'embauche pour des jeunes éloignés de l'emploi. Ceci reste un dispositif utile, que l'on a souhaité reconduire pour 2022.
Concernant France compétences, le système est aujourd'hui le même concernant la prise en charge des coûts-contrats post-bac ou pré-bac. Ces coûts sont évalués par France compétences, en lien avec les branches. Avant la crise, il existait une aide unique à l'apprentissage réservée aux formations pré-bac. Depuis la crise, on a mis en place des aides de 5 000 euros pour un mineur et de 8 000 euros pour un majeur pour l'ensemble des niveaux de qualification.
Nous aurons à en rediscuter avec les partenaires sociaux. Nous avons lancé une mission conjointe avec le ministère de l'enseignement supérieur pour comprendre ce qui tire le développement de l'apprentissage dans l'enseignement supérieur, quelles formations en bénéficient et quel plus cela peut apporter aux jeunes. Il n'y a pas de baisse des contrats d'apprentissage pré-bac, mais une augmentation moins forte.
S'agissant de l'accueil des mineurs, les Épide mènent une expérimentation pour accueillir des jeunes de 17 ans. C'est une responsabilité importante dans les structures que sont les internats. Les 15-18 ans sont le coeur de cible des écoles de production, qui accueillent des mineurs.
Certes, dans certaines écoles de production, on compte plus de garçons que de filles. J'étais ce matin dans le Doubs, dans une école de métiers de l'industrie. On retombe sur le problème d'orientation, qui reste très genrée. Il y a manifestement un effort à faire en matière de mixité des métiers. D'autres écoles de production forment peut-être à des métiers très féminisés. Nous sommes attentifs à ces sujets.
Je répète que le contrat d'engagement jeune prend la suite de la garantie jeunes. On aurait pu continuer à l'appeler garantie jeunes, même si ce n'est pas la même chose et que c'est distribué par d'autres réseaux, mais cela nous a semblé pouvoir créer la confusion.
Pourquoi souhaite-t-on que ce soit proposé par Pôle emploi et les missions locales ? Les jeunes sont dans des situations différentes, et je pense pertinent de mobiliser différents réseaux pour s'adresser à des jeunes ayant des profils différents.
On pourra trouver parmi eux des jeunes qui connaissent essentiellement des freins d'accès à l'emploi que Pôle emploi est à même d'accompagner. Vous dites que les personnels de Pôle emploi ne savent pas accompagner les jeunes : je ne peux pas laisser dire cela ! L'accompagnement intensif des jeunes (AIJ) est mis en place depuis plusieurs années. L'objectif de Pôle emploi était cette année de 240 000 jeunes accompagnés, mais ce ne sont pas les mêmes jeunes que dans les missions locales ni dans les appels à projet « 100 % inclusion ».
Il est important que l'on ait toute la gamme de réponses qu'on peut apporter à des jeunes qui ont des difficultés plus ou moins importantes, qui ont besoin d'un accompagnement plus ou moins ciblé. Nous souhaitons mobiliser les réseaux de Pôle emploi, les missions locales, les associations de proximité, qui peuvent accompagner des jeunes en difficulté qui ne viennent pas spontanément dans les missions locales.
Bien évidemment, des moyens supplémentaires seront accordés aux associations qui accompagnent les jeunes exclus, aux missions locales, dont on connaît le public, et à Pôle emploi.
Pour ce qui est de l'attractivité des métiers et de la revalorisation du travail, mon ministère travaille avec la quarantaine de branches dont les salaires minima sont inférieurs au SMIC, et sans perspective d'évolution de revenus.
Nous travaillons aussi avec les branches des travailleurs de la deuxième ligne. Nous y mettons beaucoup d'énergie. Cela passe par la mise à disposition des partenaires sociaux des éléments sur la qualité de l'emploi dans ces secteurs.
Je précise que ces informations sont disponibles sur le site du ministère du travail, sur lequel vous pouvez trouver le taux de recours à des contrats courts, les durées moyennes des contrats, les niveaux de rémunération.
Nous avons partagé ces diagnostics avec les organisations patronales et syndicales, et nous essayons d'accompagner au mieux les négociations. Ce ne sont pas l'État ou le ministère du travail qui peuvent fixer les priorités en matière d'amélioration des conditions de travail dans ces secteurs. Je souhaite que les partenaires sociaux se saisissent de ces sujets.
Quelques secteurs très emblématiques sont en train de conduire des discussions, comme le secteur des hôtels-café-restaurants, pour lequel nous comptons déboucher sur un accord ambitieux, tout comme se dessine sans doute un accord ambitieux dans le secteur de la sécurité. Des discussions sont également engagées dans le secteur de la logistique.
Il est important qu'il puisse y avoir un travail pour ces branches dont les minima ont décroché et dont les conditions de travail peuvent être difficiles, afin qu'elles soient plus attractives pour les salariés, proposent des emplois de meilleure qualité et offrent de meilleurs parcours professionnels.
Nous nous sommes mobilisés pour accompagner le secteur médico-social. Pôle emploi a été également très mobilisé, comme pour les métiers en tension. J'ai demandé en début d'année à Pôle emploi d'identifier des viviers de demandeurs d'emploi qui pouvaient aller vers les métiers du sanitaire, du médico-social, des hôtels-cafés-restaurants. 200 000 recrutements ont été réalisés dans ce dernier domaine. Pôle emploi a donc vocation à identifier des demandeurs qui peuvent avoir une expérience dans ces différents secteurs et proposer des formations courtes.
Le plan de réduction des tensions de recrutement souhaite favoriser des formations sur mesure en entreprise, pour apporter le plus vite possible une réponse aux entreprises et ramener les demandeurs vers l'emploi.
Trouver comment faire revenir les jeunes vers ces métiers, c'est tout le sens de la revalorisation. Il y a certainement des enjeux en matière de conditions de travail, sur lesquelles il faut que les branches professionnelles se mobilisent.
M. Iacovelli, je vous confirme que les sortants de l'ASE, qui pouvaient accéder de droit à la garantie jeunes, sont une cible sur laquelle il faut que les missions locales se mobilisent. C'est le sens de l'accord signé entre les réseaux qui accompagnent les jeunes de l'ASE et les missions locales afin qu'elles puissent, en amont de la sortie de l'ASE, prendre contact avec les jeunes et qu'il n'y ait pas de rupture dans l'accompagnement.
Nous l'avons fait avec la garantie jeunes et nous allons continuer à le faire avec le contrat d'engagement jeune, pour assurer un parcours sans obstacle entre l'accompagnement mis en oeuvre par les départements et celui qui pourra être proposé dans le contrat d'engagement jeune.
La situation de l'emploi outre-mer mériterait sans doute un échange spécifique. L'enjeu de notre politique de l'emploi est d'accompagner ces territoires en déployant des politiques nationales, mais aussi avec des financements et des mesures spécifiques aux outre-mer.
C'est ainsi que nous avons déployé le plan ultramarin de relance pour l'emploi, qui s'adosse au plan de relance et, plus particulièrement, au plan « un jeune, une solution ». Il vise à répondre aux besoins particuliers des territoires ultramarins, avec par exemple des taux de prise en charge des contrats aidés majorés, la mise en place d'une obligation de formation par la création de parcours personnalisés pour les jeunes de 16 à 18 ans sans solution, qui s'est traduit par des appels à manifestions d'intérêt, notre opérateur en métropole, l'AFPA, n'étant pas présent outre-mer.
Le dispositif « projet initiative-jeune », qui est propre aux outre-mer, soutient la création d'activités et a pu être renforcé. Un investissement particulier est réalisé dans la formation des personnes éloignées de l'emploi au travers des pactes ultramarins d'investissement dans les compétences. Les crédits de ces pactes représentent près de 8 % de l'enveloppe totale, soit plus de 500 millions d'euros en faveur des outre-mer.
Outre les crédits du PLF, qui bénéficient aux territoires ultramarins, qui représentent environ 1 milliard d'euros en autorisations d'engagement, l'outre-mer est la région où le soutien financier de l'Union européenne est le plus élevé. 1 milliard de crédits européens a été versé sur la période allant de 2014 à 2020. Des discussions sont par ailleurs en cours sur la programmation du Fonds social européen pour la période 2020-2027 afin de rester sur ce même niveau d'engagement.
Des travaux sont menés pour améliorer le service public de l'emploi outre-mer à la suite des préconisations de la Cour des comptes. Nous avons signé une convention avec l'Agence de l'outre-mer pour la mobilité et avec Pôle emploi pour améliorer les partenariats entre les deux structures en favorisant le retour à l'emploi des résidents d'outre-mer.
Je suis parfaitement consciente que la situation n'est pas satisfaisante en matière de taux de chômage en général et des jeunes en particulier. Nous mobilisons des moyens. Les modalités de prise en charge sont renforcées, mais je reste ouverte pour avoir un échange spécifique sur la situation des outre-mer.
Mme Catherine Deroche, présidente. - Madame la ministre, je vous remercie.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
La réunion est close à 19 h 20.
Jeudi 25 novembre 2021
- Présidence de Mme Catherine Deroche, présidente -
La réunion est ouverte à 11 heures.
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 - Examen du rapport (nouvelle lecture)
Mme Catherine Deroche, présidente. - Nous examinons le rapport sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) en nouvelle lecture.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - Après la commission mixte paritaire (CMP) non conclusive du 16 novembre, l'Assemblée nationale a adopté, lundi soir, le PLFSS pour 2022 en nouvelle lecture ; elle a maintenu quelques apports du Sénat - peu nombreux, il faut le souligner -, dont vous trouverez le détail dans le rapport écrit. Je pense, en particulier, à l'extension des revalorisations du Ségur de la santé à certains personnels du secteur médico-social ; je pense également à la suppression du plafonnement de la participation de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) au financement des dépenses induites pour les départements par l'avenant 43 de la convention collective de la branche de l'aide à domicile, adoptée à l'initiative de M. Philippe Mouiller ; je pense enfin aux conditions de réalisation par les orthoptistes d'actes en accès direct, précisées par un amendement de Mme Corinne Imbert, ou encore à l'extension du droit à un capital décès aux ayants droit des non-salariés agricoles, adoptée à l'initiative conjointe de Mme Françoise Férat, de M. Henri Cabanel et du Gouvernement.
Pour autant, à mes yeux, le compte n'y est pas, loin de là. Les différences entre le texte proposé en nouvelle lecture et celui que nous avons adopté en première lecture sont considérables.
Tout d'abord, l'Assemblée nationale a rétabli l'article 23, qui approuve l'annexe B du PLFSS. Certes, ce rétablissement d'un article obligatoire d'une loi de financement est logique - ne serait-ce que pour assurer la régularité du texte -, mais il est décevant au sens où cette annexe ne prévoit toujours pas de stratégie de retour à l'équilibre des comptes de la sécurité sociale après la crise. De plus, même en tenant compte de l'amélioration de la conjoncture économique, la trajectoire financière de l'annexe B fait toujours apparaître un plateau de déficit à un niveau insoutenable à l'horizon de 2025 - environ 13 milliards d'euros - et des déficits cumulés de 135,6 milliards d'euros sur la période 2020-2025. Comment espérer apurer la dette sociale d'ici à 2033 dans ces conditions ? Cet article reste donc inacceptable, même dans sa nouvelle rédaction.
L'Assemblée nationale a également rétabli l'article 5, qui organise la prise en charge par la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades) d'investissements hospitaliers. Or, vous le savez, le Sénat s'est constamment opposé au transfert à la Cades d'une partie de la dette hospitalière, considérant, d'une part, que c'est à l'État d'assumer le coût de ses promesses, et, d'autre part, qu'on ne peut pas mélanger n'importe quoi à la dette sociale si l'on ambitionne vraiment de l'apurer un jour. Dans cette logique, le Sénat s'oppose encore davantage au financement d'investissements nouveaux par la Cades et ne pourra donc accepter le retour de l'article 5.
Par ailleurs, l'Assemblée nationale a supprimé les mesures adoptées par le Sénat afin d'améliorer l'équilibre de l'année 2021. Il en est ainsi de l'augmentation du rendement de la contribution exceptionnelle des organismes complémentaires d'assurance maladie (Ocam). Il en est de même de l'amendement prévoyant la compensation intégrale à la sécurité sociale du coût de sa subvention à l'Agence nationale de santé publique, qui a explosé pour la deuxième année consécutive - et ce, de nouveau, sans la moindre consultation du Parlement à cet effet.
De manière plus structurelle, l'Assemblée nationale a également supprimé l'article 58 bis que le Sénat avait introduit sur l'initiative du rapporteur de la branche vieillesse, M. René-Paul Savary. Je vous rappelle qu'il prévoyait la convocation d'une conférence de financement réunissant des représentants des organisations syndicales de salariés et des employeurs, ainsi que des représentants de l'État, chargés de formuler des propositions pour ramener à l'équilibre financier l'ensemble des régimes de retraite de base en 2030. Ce dispositif prévoyait également que, à défaut d'accord, des mesures paramétriques entreraient en vigueur au 1er janvier 2023, relatives à l'âge de départ, à la durée de cotisation et à l'alignement des régimes spéciaux.
Enfin, les députés ont rétabli de nombreux articles que nous considérons comme des « cavaliers sociaux », étrangers au domaine des lois de financement de la sécurité sociale (LFSS), simplement introduits dans ce texte afin de masquer l'absence d'une véritable loi « grand âge » ou d'une loi sur les professions de santé.
Je conclurai en faisant une observation particulière sur les amendements identiques à l'article 54 de la commission et de M. Jean-Marie Vanlerenberghe, qui fixaient le principe d'une détermination par la loi du montant des dotations de l'assurance maladie aux divers fonds et organismes qu'elle subventionne. La non-reprise de ces amendements est particulièrement décevante et augure mal de la possibilité d'obtenir un accord lors de la CMP sur la proposition de loi organique relative aux LFSS, ce que je ne cacherai pas au Gouvernement en séance publique.
Mes chers collègues, je considère donc que nous sommes parvenus au terme du dialogue utile entre les deux assemblées dans le cadre de cette navette. C'est la raison pour laquelle, au vu de la profondeur des divergences qui subsistent, je vous propose l'adoption d'une motion tendant à opposer la question préalable au PLFSS pour 2022.
Mme Raymonde Poncet Monge. - Nous déplorons, comme vous, ce mépris du travail effectué par le Sénat ; ce texte nous revient quasiment inchangé et l'on se demande pourquoi nous avons travaillé.
Certes, nous ne soutenions pas certains amendements que vous auriez souhaité maintenir. À l'inverse, vous n'avez pas pointé la suppression de l'amendement sur les nouvelles recettes envisagées pour la cinquième branche au travers d'une « contribution de solidarité de la finance pour l'autonomie », dont l'adoption par le Sénat nous avait beaucoup satisfaits. Une trajectoire financière correspond à des recettes et des dépenses ; or, le seul amendement permettant d'apporter de nouvelles recettes, afin de revenir à un moindre déficit, a été supprimé de ce texte. La démarche semble être de laisser filer les déficits, et demain l'on nous annoncera sans doute un retour à l'austérité.
Le cadre de la conférence de financement répond à la même logique fermée que celle qui a été fixée par le Gouvernement pour l'assurance chômage. Les données paramétriques de cette conférence ne recevront pas l'accord des syndicats. Il conviendrait d'ouvrir le cadre, en s'intéressant aux nouvelles recettes, en ne se focalisant pas sur la maîtrise des dépenses liées à l'assurance vieillesse et, plus globalement, sur les économies à réaliser.
M. Bernard Jomier. - Ce texte en nouvelle lecture correspond au texte initial qui ne nous convenait pas. La CMP n'a pas été conclusive, et nos marges d'intervention sur le texte sont absolument nulles ; nous voterons donc la question préalable.
Deux amendements étaient inclus dans le texte. Nous n'avions pas beaucoup d'illusions concernant l'amendement évoqué par Raymonde Poncet Monge, y compris dans l'optique de la nouvelle lecture au Sénat pour être honnête. Nous comprenons beaucoup moins que l'amendement sur le choix des fauteuils roulants soit rejeté par l'Assemblée nationale ; ce rejet est vraiment la marque du mépris pour nos travaux.
M. Daniel Chasseing. - On ne constate, en effet, aucune amélioration après la CMP.
L'âge prévu de départ à la retraite est sûrement celui vers lequel nous nous orienterons, à l'exception des carrières pénibles.
Concernant la suppression par le Sénat de la trajectoire pluriannuelle des comptes sociaux, il s'agit de revenir au plus vite à l'équilibre, mais n'oublions que l'épidémie de covid - 19 est encore là. Il ne faut pas diminuer les dépenses et encore moins augmenter les cotisations, car les entreprises doivent être compétitives si l'on veut davantage de cotisants à l'avenir.
À l'article 5, la reprise d'une partie de la dette hospitalière par la Cades me semble justifiée. Le pourcentage à définir peut être lié à celui du sous-financement des établissements au travers de l'objectif national des dépenses d'assurance maladie (Ondam) entre 2012 et 2017, avec un taux inférieur à 2 %, sachant que ce taux atteindra 3,8 %, hors dépenses de crise, en 2022.
Enfin, on observe un renoncement concernant la loi sur le grand âge. Je déplore, plus particulièrement encore, l'absence de prise en charge de la grande dépendance dans les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad).
Malgré cela, je ne voterai pas la motion tendant à opposer la question préalable.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - Pour répondre à Raymonde Poncet Monge, on a tous ressenti ce mépris du bicamérisme. Si l'Assemblée nationale s'était montrée plus ouverte, nous aurions pu, je crois, faire adopter davantage d'amendements. Je déplore ce mépris manifeste dès le départ, comme en témoignent les réponses successives apportées par les ministres.
L'amendement sur la branche autonomie ne satisfaisait pas la majorité sénatoriale, mais il avait le mérite d'exprimer une volonté de recherche de nouveaux financements.
Aucun effort n'est observé au sujet des recettes. Nous déplorons tous l'absence d'une loi sur l'autonomie, avec une vision globale. Sur la prise en charge de la grande dépendance notamment, certaines mesures sont utiles, mais insuffisantes, car elles ne s'inscrivent pas dans un plan plus large.
Par rapport aux marqueurs - les retraites, la trajectoire financière, etc. -, nous avons cherché une forme de constance. Il s'agit de placer le Gouvernement face à ses responsabilités, notamment concernant la réforme des retraites, qui n'a pas été menée à son terme. Quelles sont les propositions de ce gouvernement pour lutter contre le déficit programmé de la branche vieillesse ?
La majorité sénatoriale s'est toujours fixé pour objectifs de ne pas augmenter les cotisations et de ne pas diminuer les pensions. C'est le rôle des partenaires sociaux de trouver des solutions pour parvenir à un équilibre, afin que les jeunes générations n'aient pas à payer notre dette et les retraites en cours.
M. Jomier a indiqué, très justement, qu'il s'agissait du retour d'un texte équivalent ; il n'avait donc pas plus de chances de nous convaincre en nouvelle lecture.
Je respecte tout à fait la décision de M. Chasseing de s'abstenir sur la question préalable. Je comprends également sa déception concernant la prise en charge du grand âge, et salue sa détermination à toujours nous alerter sur le manque de personnels en Ehpad.
Concernant la dette hospitalière, il est hors de question que la Cades se transforme en fonds d'investissement. À titre personnel, je pense que nous devons extraire ces projets d'investissement des financements par la sécurité sociale et a priori par la Cades. Nous n'arriverons jamais à réduire la dette liée à l'assurance maladie si l'on n'envisage pas cela comme des projets d'avenir portés par l'État. Au niveau foncier, les hôpitaux lui appartiennent ; si l'on veut améliorer la prise en charge à l'hôpital, un plan général doit être mis en oeuvre.
Cette analyse vaudra également pour la proposition de loi organique relative aux LFSS ; mais là encore, nous aurons certainement des divergences avec le Gouvernement.
Mme Catherine Deroche, présidente. - Nous passons maintenant à l'examen de la motion.
EXAMEN DE LA MOTION TENDANT À OPPOSER LA QUESTION PRÉALABLE
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - Sans vous exposer de nouveau toutes les raisons qui justifient cette motion tendant à opposer la question préalable, je citerai la trajectoire financière ; la non-compensation du budget de l'Agence nationale de santé publique ; la prise en charge par la Cades d'une partie de la dette et des investissements des hôpitaux ; les montants de dotation pour les régimes obligatoires de base. Pour toutes ces raisons et d'autres encore, nous déposons cette motion.
La commission adopte la motion n° 6 tendant à opposer la question préalable.
L'ensemble des amendements devient sans objet.
La commission propose au Sénat d'adopter la motion n° 6 tendant à opposer la question préalable sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022.
La réunion est close à 11 h 20.