- Mercredi 17 novembre 2021
- Projet de loi de finances pour 2022 - Crédits « Livre et industries culturelles » - Examen du rapport pour avis
- Projet de loi de finances pour 2022 - Crédits relatifs à l'audiovisuel et compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public » - Examen du rapport pour avis
- Projet de loi de finances pour 2022 - Crédits « Jeunesse et vie associative » - Examen du rapport pour avis
Mercredi 17 novembre 2021
- Présidence de M. Laurent Lafon, président -
La réunion est ouverte à 9 h 5.
Projet de loi de finances pour 2022 - Crédits « Livre et industries culturelles » - Examen du rapport pour avis
M. Laurent Lafon, président. - Mes chers collègues, notre ordre du jour appelle ce matin l'examen des avis budgétaires consacrés aux crédits alloués au « Livre et aux industries culturelles », aux sociétés de l'audiovisuel public par le biais du compte de concours financier dédié à leur financement ainsi qu'à la « Jeunesse et à la vie associative » au sein du projet de loi de finances pour 2022.
Je cède immédiatement la parole à Julien Bargeton pour nous présenter son avis sur les crédits consacrés au « Livre et aux industries culturelles ».
M. Julien Bargeton, rapporteur pour avis du programme « Livre et industries culturelles ». - Monsieur le président, mes chers collègues, le champ des industries culturelles représente près de 15 milliards d'euros de chiffre d'affaires par an.
Secteur important économiquement donc, mais également politiquement, dans le meilleur sens du terme. Le soutien à ces secteurs d'excellence fait largement consensus entre nous. J'y vois pour ma part deux raisons :
- la première est symbolique, puisque la culture dont nous parlons ici se vit au quotidien, avec la musique, les films, le jeu vidéo, et donc touche chacun de nos concitoyens. Il ne serait donc pas envisageable, en quelques sorte, que la puissance publique détourne les yeux, comme d'autres pays l'ont fait avec les résultats sinistres que nous connaissons, et laisse ainsi libre cours à une concurrence internationale féroce qui verrait sombrer ce qui nous est si cher, l'exception culturelle ;
- la seconde raison relève d'une approche plus pragmatique : les industries culturelles françaises s'exportent, sont reconnues, et participent positivement de notre rayonnement comme de notre économie. La France dispose d'une littérature mondialement reconnue depuis des siècles (encore aujourd'hui, la France domine le classement des prix Nobel avec 15 récompenses), de studios de jeux vidéo qui font référence et d'une création musicale variée et admirée sur toutes les scènes de la planète.
Dès lors, les crédits que nous adoptons sont autant un investissement en notre force créatrice qu'une dépense ! Ces sommes sont destinées à permettre aux différents secteurs de s'adapter et de conserver leur position. L'engagement de 263 millions d'euros du plan de relance dans la musique et le livre, prouve je crois suffisamment l'intérêt de l'État pour ces secteurs.
J'en viens maintenant à la présentation à proprement parler des crédits.
La crise sanitaire a frappé à des degrés divers les industries culturelles. Le cinéma, qui fait l'objet d'un rapport distinct de Jérémy Bacchi, a payé un très lourd tribut à la crise, tout comme le spectacle vivant. A contrario, le secteur de l'édition a plutôt enregistré des résultats moins mauvais que ce que nous pouvions craindre l'année dernière, la musique enregistrée a stagné, et le jeu vidéo a fortement progressé.
Je vais tout d'abord évoquer le secteur du livre.
Vous vous rappelez certainement de la présentation alarmiste que j'avais pu faire l'année dernière. À l'époque, les librairies avaient été contraintes de fermer de nouveau et toute la profession craignait de perdre les ventes de fin d'année. Un an plus tard, où en est-on ? Au lieu de la catastrophe annoncée, le marché n'a diminué « que » de 2,36 %. Ce n'est certes pas une bonne nouvelle, mais c'est honnêtement inespéré par rapport aux prévisions de l'époque. Encore faut-il établir une distinction entre les maisons d'édition, les plus petites et spécialisées ayant comparativement plus soufferts, de même que les librairies de taille plus modeste.
Comment peut-on expliquer cette surprenante résilience du secteur ?
J'avance deux explications.
La première est l'ampleur du soutien public, qui n'a pas fait défaut pendant la crise. D'un montant de 66,5 millions d'euros, il a essentiellement bénéficié aux libraires, qui ont pu améliorer l'attractivité de leurs magasins, se lancer dans le click and collect et expérimenter la livraison à domicile, préfigurant la novation tant attendue par eux qui devrait très prochainement voir le jour, je parle bien entendu de l'article 1er de la proposition de loi de notre collègue Laure Darcos, dont Céline Boulay-Espéronnier était rapporteure. Nous pouvons être légitimement fiers du travail accompli dans notre commission par nos deux collègues et je peux vous assurer que toute la chaine du livre en est très satisfaite.
La seconde explication tient à ce que la crise a révélé de l'attachement des Français aux librairies. Vous vous rappelez du débat stérile sur la nature « essentielle » de ces commerces. La vérité est que, dès que les libraires ont pu ouvrir, les clients ont afflué, ce qui a permis de sauver une année pourtant bien mal engagée.
Le prix Goncourt de l'année dernière, L'anomalie, d'Hervé Le Tellier, s'est ainsi écoulé à plus d'un million d'exemplaires, devenant la deuxième meilleure vente de l'histoire de cette distinction derrière l'Amant de Marguerite Duras.
Pour résumer, entre soutien des pouvoirs publics, soutien du public et, bientôt, remise à plat des conditions de concurrence avec les plateformes, je crois que l'avenir de la filière du livre s'annonce nettement meilleur qu'escompté !
Je vais maintenant évoquer brièvement la Bibliothèque nationale de France (BnF).
Brièvement, non pas en raison de son poids budgétaire, qui représente, avec 224 millions d'euros, 65 % des crédits du programme, ni de l'intérêt que nous lui portons, mais parce que les problématiques sont sensiblement identiques d'une année sur l'autre. L'institution est toujours confrontée à une équation budgétaire complexe. L'État lui permet d'assurer son fonctionnement et participe même à ses projets, mais dans des proportions insuffisantes pour lui permettre de planifier sereinement ses travaux d'entretien de près de 100 millions d'euros d'ici 2027, et de mener une politique plus ambitieuse. J'ai le sentiment que ce qui fait défaut de part et d'autre, c'est la visibilité, et c'est une question générale dans les relations qu'entretient l'Etat avec les opérateurs.
Je souhaite vivement que le contrat d'objectif et de performance discuté cette année permette précisément d'offrir cette visibilité. Un dernier mot sur le sujet : je regrette la stagnation du très beau projet de numérisation des collections de presse de la IIIe République, et j'espère sincèrement qu'il pourra être mené à bien avant que les collections ne soient irrémédiablement dégradées. La ministre ne s'est pas engagée outre-mesure lors de son audition de la semaine dernière.
En ce qui concerne la musique, la profession est divisée en deux mondes. Alors que le spectacle voyait son chiffre d'affaire s'effondrer de 80 % en 2020, la musique enregistrée a connu une stabilisation à 781 millions d'euros de chiffre d'affaires. Après avoir failli disparaitre au début des années 2000, cette industrie s'est progressivement redressée, avec un nouveau modèle économique fondé sur le streaming, qui représente maintenant 70 % des revenus, en hausse de 17,9 % en 2020.
Alors que le support physique s'effondre, à l'exception notable et probablement frappée de nostalgie des disques vinyles, les perspectives de progression sont encore importantes pour la musique en ligne :
- d'une part, seuls 12 % des français sont abonnés à un service contre 20 % aux États-Unis ;
- d'autre part, le streaming vidéo, et pour ne pas le nommer YouTube, totalise près de la moitié des écoutes, mais contribue pour 10 % seulement aux revenus. La transposition de la directive sur les droits d'auteur est un puissant accélérateur pour l'inciter à augmenter sa contribution encore trop modeste.
L'année 2022 est la deuxième année d'existence du Centre national de la musique (CNM). Son action est unanimement saluée, disons-le. En pleine urgence, il s'est trouvé responsable de la gestion de 745 millions d'euros en 3 ans alors qu'il devait initialement n'engager que 143 millions, Il faut donc rendre hommage aux personnels du CNM d'avoir été à la hauteur de la colossale tâche qui leur est littéralement « tombée dessus ».
Cela dit, cet accueil et cet enthousiasme de la profession reposent sur un malentendu que les années qui viennent vont peut-être douloureusement lever : la vocation du Centre n'est pas de dispenser des fonds publics colossaux, mais de structurer la profession, comme le rapporteur Jean-Raymond Hugonet pourra le confirmer.
Progressivement, si la situation revient à la normale en 2022 et 2023, le CNM devra retourner aux missions qui lui ont été assignées par la loi. Dans ce contexte, il me parait urgent aujourd'hui de réfléchir à ses modalités de financement, qui, clairement, et comme cela était au demeurant évoqué au moment de l'examen de la proposition de loi initiale, doivent évoluer. L'idée d'une taxation dédiée mériterait donc d'être rapidement étudiée, avec, à ce stade, deux options possibles :
- comme je l'avais proposé lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2021, une taxe à taux faible sur le matériel audio ;
- ou bien une taxe sur le streaming, solution qui aurait le mérite de faire contribuer au financement du Centre le secteur de la musique enregistrée.
Quelle que soit la solution finalement retenue, j'estime qu'elle doit être examinée rapidement, afin de donner au Centre des perspectives durables pour assurer ses missions telles que définies par la loi.
Enfin, un dernier mot plein d'optimisme sur le désormais premier secteur des industries culturelles, le jeu vidéo.
Le jeu vidéo a doublé son chiffre d'affaires depuis 2013. Il s'établit en 2020 à 5,3 milliards d'euros, avec une progression due à la pandémie de 10 % cette année.
Ces dernières années, le jeu vidéo a connu trois évolutions majeures :
- tout d'abord, une massification des joueurs. Le nombre de joueurs en France s'établit à 36,5 millions en 2020, soit huit millions de nouveaux usagers depuis 2013 ;
- ensuite, le passage à une industrie « pour adultes ». L'âge moyen du joueur français est maintenant de 39 ans, contre 21 ans en 1999. Les adultes représentent ainsi près de 90 % des joueurs ;
- enfin, l'éclatement de son modèle économique. Traditionnellement fondé sur la vente à perte de consoles et de fortes marges sur les jeux, il s'est diversifié ces dernières années. Les jeux sur mobile et en réseau sont gratuits, mais nécessitent des micro-transactions pour progresser, alors que certaines très grosses productions sont encore sur un modèle plus traditionnel en raison de leur coût, qui dépasse désormais les films à grand spectacle. Pensez que le jeu « Cyberpunk 2077 » du studio polonais CD Projekt a nécessité un budget de 330 millions de dollars !
Le jeu vidéo bénéficie d'une aide publique sous la forme d'un crédit d'impôt, d'un montant de 63 millions d'euros, comparable aux autres pays. Il est cependant régulièrement mis en cause, et je suis personnellement favorable, une bonne fois pour toute, à une mise à plat de ses mécanismes et de ses résultats, ce qui « dépassionnerait » le débat. Il en va de l'existence d'un tissu économique et créatif français extrêmement reconnu.
Je voudrais pour conclure mon propos, somme toute moins pessimiste que l'on pouvait le craindre, évoquer les conséquences différées de la pandémie, notamment pour les artistes. Les aides ont certes été nombreuses et appréciées, uniques au monde, mais elles devront probablement dans les années à venir tenir compte du puissant frein que la crise a été pour les créateurs, dont les projets ont été repoussés ou abandonnés, les revenus durement amputés, les vocations parfois découragées. C'est à eux que nous devons maintenant penser, une fois les structures confortées et prêtes à reprendre le chemin de la croissance.
Sous le bénéfice de ces observations, je vous propose de donner un avis favorable à l'adoption des crédits du programme « Livre et industries culturelles » pour 2022.
Je vous remercie pour votre attention.
Mme Béatrice Gosselin. - Le domaine des industries culturelles a subi une crise majeure et doit maintenant faire face à des défis redoutables. Le soutien de l'Etat est donc primordial et doit perdurer. Je me félicite à ce titre des hausses de crédits prévues. Elles sont essentiellement dues aux programmes immobiliers de la BnF et de la bibliothèque publique d'information (BPI) ainsi qu'à la progression des crédits du Centre national du livre (CNL), qui lui permettront de mener à bien des manifestations d'ampleur et de mieux rémunérer les auteurs de bandes dessinées. L'économie du livre a cependant été bouleversée avec en particulier un recours accru à la livraison à domicile. Nos compatriotes doivent maintenant retrouver le chemin des librairies. Je me félicite par ailleurs des huit millions d'euros du « plan bibliothèque » prévus pour l'extension des horaires d'ouverture, nous en avons bénéficié dans mon département de la Manche. Un dernier point, l'édition et la presse s'inquiètent fortement de la pénurie de papier. Le groupe Les Républicains votera les crédits de ce programme.
M. Pierre-Antoine Levi. - Nous étions très inquiets lors de l'examen des crédits l'année dernière, les industries culturelles ont certes souffert mais le soutien public a été massif. La situation semble donc s'améliorer mais nous sommes toujours menacés par un risque de recrudescence de la crise sanitaire, qui inquiète grandement le secteur culturel, je pense en particulier au rétablissement des jauges pour les festivals. Mon groupe accorde bien entendu la plus grande attention aux politiques menées en faveur de la lecture publique et de la lutte contre l'illettrisme. Je note enfin que le CNM a bénéficié de moyens à la hauteur des enjeux du secteur. J'espère que le financement se poursuivra à des niveaux suffisants. Compte tenu de l'effort des pouvoirs publics, le groupe Union Centriste votera les crédits de ce programme.
M. Jérémy Bacchi. - Le soutien de l'Etat a permis au secteur de maintenir la tête hors de l'eau. Nous sommes cependant inquiets par les baisses annoncées de crédits en 2022 qui pourraient provoquer des « trous d'air ». Je pense notamment aux librairies indépendantes, au futur du CNM et, élément nouveau, à l'envolée des coûts du papier. Pour ces raisons mon groupe s'abstiendra sur ces crédits.
Mme Sylvie Robert. - Je tiens à alerter sur la situation des bibliothèques confrontées à l'obligation du passe sanitaire. Je n'étais personnellement pas favorable à des exceptions, mais je note cependant que cette mesure sur les personnes de 12 et 18 ans semble entrainer des problèmes de fréquentation. Cela est très regrettable tant les bibliothèques sont un vecteur essentiel pour l'accès à la culture. Le CNM a joué son rôle pendant la crise et je partage l'analyse du rapporteur qui souhaite une structuration de son modèle économique. Sur la question des festivals , je précise qu'un décret paru récemment a rétabli la jauge à 100 %, avec une forte incitation au port du maque. Nous avons de ce point de vue été entendus. Pour finir, je confirme les conséquences sur le secteur de l'édition de la crise du papier.
Mme Monique de Marco. - La hausse de 5 millions d'euros des crédits du fonctionnement du CNM pourrait être insuffisante et je formule le souhait que son modèle économique soit mieux précisé. Je suis très attachée à la politique menée en faveur du livre et du développement de la lecture qui doit être une grande cause nationale. Je confirme à ce propos la baisse de fréquentation des médiathèques suite à l'obligation de présenter un passe sanitaire qui semble poser des nombreuses difficultés pour le public de 12 à 18 ans.
M. Julien Bargeton, rapporteur pour avis. - J'ai bien pris note de vos interrogations. Je crois que nous devons tous sensibiliser les pouvoirs publics à la pénurie de papier qui dépasse le seul ministère de la culture. Pour le CNM, les interrogations concernent surtout 2023, l'année 2022 étant encore marquée par l'abondance de crédits. Enfin, je réaffirme mon fort attachement à la numérisation des collections de presse de la IIIe République, dont nous connaissons l'importance primordiale dans notre histoire.
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits relatifs au Livre et aux industries culturelles au sein de la mission « Médias, livre et industries culturelles ».
Projet de loi de finances pour 2022 - Crédits relatifs à l'audiovisuel et compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public » - Examen du rapport pour avis
M. Laurent Lafon, président. - Nous poursuivons nos travaux par l'examen de l'avis préparé par Jean-Raymond Hugonet sur le compte de concours financiers intitulé « Avances à l'audiovisuel public ».
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur pour avis des crédits relatifs à l'audiovisuel et compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public ». - L'examen des crédits de l'audiovisuel public pour 2022 constitue l'occasion de dresser un rapide bilan de situation des six entreprises concernées et de l'action du Gouvernement depuis cinq ans.
D'où partions-nous ? En 2017, Netflix engrangeait déjà les abonnés par millions mais Disney + n'existait pas et Amazon Prime n'en était qu'à ses débuts.
C'est ce moment qu'a choisi Emmanuel Macron pour déclarer que l'audiovisuel public était « une honte pour nos concitoyens » et qu'il fallait changer sa gouvernance, son organisation et son offre de programmes.
Après une telle charge, on était en droit d'attendre un projet ambitieux qui allait changer la face de l'audiovisuel public au cours du quinquennat.
Qu'a-t-on vu exactement ?
Les deux premières décisions annoncées par le Gouvernement en 2018 ont concerné la mise à la diète de l'audiovisuel public avec une baisse de ses moyens de 190 millions d'euros décidée sur quatre ans et l'arrêt de France 4 et France Ô.
La dernière étape de la baisse des moyens interviendra bien en 2022 à hauteur de 17,4 millions d'euros. Deux entreprises ont eu à supporter l'essentiel de ces baisses depuis quatre ans, France Télévisions à hauteur de 160 millions d'euros et Radio France pour près de 20 millions d'euros. Ces économies n'ont pas porté sur les investissements dans le cinéma ni dans la création audiovisuelle. Elles se sont traduites par des plans de départs dans les deux entreprises qui ont été financés par l'État aux deux tiers mais qui sont encore loin d'avoir produit leurs effets sur la masse salariale, en particulier à France Télévisions. Parmi les autres leviers qui ont été actionnés on peut citer la baisse du coût du programme national et régional des chaînes de France Télévisions et des arbitrages sur les moyens de diffusion pour Radio France, France Médias Monde et TV5 Monde.
Notre commission a toujours soutenu cette volonté de mieux gérer les entreprises de l'audiovisuel public. Nous avons également apporté notre soutien à la reprise en main du chantier de la maison de Radio France ainsi qu'au plan de soutien de 70 millions d'euros adopté l'année dernière pour faire face à la crise sanitaire. Ce travail d'assainissement était nécessaire et c'est un acquis du quinquennat, probablement le seul d'ailleurs.
Car, pour le reste, c'est un sentiment de déception qui domine pour ne pas parler d'inquiétude lorsque l'on compare le rythme effréné de la transformation des médias privés et l'immobilisme de l'audiovisuel public.
Notre commission a, dès 2015, plaidé pour un regroupement de l'audiovisuel public au sein d'une holding afin, en particulier, de concentrer les moyens sur le numérique.
Il a fallu attendre la nomination de Franck Riester pour que ce projet prenne la forme d'un projet de loi qui a été abandonné en mars 2020 à la faveur de la crise sanitaire. Rien n'empêchait le Gouvernement de reprendre le cours du débat de ce texte au printemps dernier. Au lieu de cela, c'est un texte sans grande ambition portant diverses dispositions relatives à l'audiovisuel qui a été adopté par le Parlement et qui ne résout aucune des difficultés existentielles du service public de l'audiovisuel.
Certes, le débat au Sénat a été l'occasion de sauver France 4 puisque nous étions prêts à inscrire dans la loi le maintien de cette chaîne dédiée à la jeunesse et à la culture. Mais le financement de cette chaîne en 2022 n'est pas prévu et il se murmure que l'entreprise pourrait afficher un déficit pour la première fois depuis 2015.
Par ailleurs, aucun progrès notable n'a été fait sur le modèle économique de France Télévisions. Alors que les ressources commerciales de la BBC dépassent le milliard de livres sterling, celles de France Télévisions attachées à la commercialisation demeurent dérisoires malgré 500 millions d'euros d'investissement par an.
L'échec de la réforme du modèle économique de l'audiovisuel public constitue ainsi l'autre face de l'échec de la réforme de la gouvernance. Notre projet de réforme de 2015 prévoyait de moderniser la contribution à l'audiovisuel public (CAP) pour en faire une taxe universelle dont le produit aurait été réparti par la holding afin de garantir l'indépendance. Nous souhaitions également supprimer progressivement la publicité et augmenter les ressources issues des droits.
Force est de constater que la CAP ne sera pas réformée avant 2023 et peut-être même 2024 si une période de transition devait être nécessaire afin de conduire une véritable réforme. En outre les recettes publicitaires constituent toujours la seule marge de manoeuvre de France Télévisions et Radio France. Cette situation crée une grande incertitude et nourrit un certain attentisme du côté des dirigeants de ces entreprises. Peuvent-ils en particulier engager des sommes importantes dans de grandes productions qui sortiront en 2023 et 2024 ? L'absence de visibilité est difficilement compatible avec les exigences de la vie des entreprises.
Si les mutualisations engagées entre les entreprises sont mises en valeur dans les discours, j'observe qu'elles privilégient le plus souvent les fonctions support sur l'éditorial et les programmes. Quant à l'offre numérique de l'audiovisuel public, elle reste dispersée, désordonnée et, au final, décevante. Après avoir pris l'initiative de créer Salto, France Télévisions pourrait être amené à se retirer de cette offre si le rapprochement de TF1 et M6 devait aller à son terme. France Télévisions n'aurait alors plus de stratégie numérique.
Quatre ans après l'annonce du rapprochement entre France 3 et France Bleu, la ministre vient seulement d'annoncer lors de son audition au Sénat un projet d'offre commune d'ici mars 2022 mais sans préciser les moyens qui seront dévolus à cette initiative. L'absence de rapprochement des rédactions - s'il devait se confirmer - marquerait la limite du projet qui ressemblerait davantage à un agrégateur de contenus qu'a une véritable offre nouvelle et intégrée. Bien entendu, nous attendrons pour juger en espérant une bonne surprise.
Concernant l'éducation, France Télévisions et Arte ont créé deux offres concurrentes. On pourrait aussi évoquer la jeunesse où chaque acteur propose ses programmes de son côté.
Alors que Netflix, Disney, Amazon comptent maintenant des dizaines de millions d'abonnés en France et que deux pôles privés semblent devoir émerger autour de TF1/M6 et Canal +, l'audiovisuel public ne peut revendiquer que trois avancées à l'issue de ce quinquennat : la plateforme de podcasts de Radio France, l'offre numérique d'ARTE (qui dépasse en fréquentation celle de France Télévisions) et la plateforme numérique de France Info. C'est évidemment un bilan très insuffisant pour des entreprises qui bénéficieront en 2022 de plus de 3,7 milliards d'euros de dotations publiques. Si les directions des entreprises publiques ont évidemment contribué à cet échec en freinant trop longtemps les coopérations, c'est d'abord à l'État actionnaire qu'incombe la responsabilité de ce fiasco et il convient aujourd'hui de le rappeler.
J'en viens maintenant à la situation des différents opérateurs. Comme je l'ai indiqué, si mes interrogations portent sur la stratégie de ces entreprises et le projet que peine à concevoir pour elles leur actionnaire, il n'y a pas de craintes majeures à avoir sur leur situation. Les audiences se tiennent bien et - à part l'Institut national de l'audiovisuel (INA) dont le modèle économique dépend beaucoup de ses recettes commerciales - on peut considérer que ces entreprises ont plutôt bien traversé la crise sanitaire. Un point de vigilance concerne néanmoins la transformation des modes de production. Car l'absence de perspectives claires et le défaut d'information tend à dégrader le climat social.
La situation de France Télévisions demeure à cet égard tendue. Les effectifs ont baissé de 15 % en 8 ans alors qu'en parallèle l'offre a été enrichie. Les gains de productivité sont donc incontestables. Les résultats du plan de départs volontaires sont toutefois aujourd'hui décevants sans que l'on sache précisément si cela s'explique par la conjoncture économique et sanitaire ou l'insuffisance du ciblage.
Dans ces conditions, le moindre aléa comme la hausse des coûts peut déstabiliser l'équilibre fragile de l'entreprise. Par ailleurs, l'absence de moyens pour financer le surcoût généré par le maintien de France 4 (30 millions d'euros) comme les investissements dans Salto (48 millions d'euros depuis 2020) peuvent légitimement interroger.
Radio France devrait maintenir en 2022 l'équilibre des comptes retrouvé en 2021 après la dégradation observée en 2020 du fait de la crise sanitaire qui avait sensiblement dégradé les ressources propres (billetterie). Le plan de rupture conventionnelle collective se déroule de manière satisfaisante avec un impact positif sur la masse salariale. Son coût est estimé à 27 millions d'euros.
La trésorerie de l'entreprise sera positive à la fin 2021. Radio France réussit donc à absorber la baisse des dotations publiques grâce à son effort de transformation et cela alors même que les ressources publicitaires ont à nouveau été plafonnées à 42 millions d'euros comme le demandait le Sénat lors de l'examen du contrat d'objectifs et de moyens (COM).
Le chantier de la maison de la Radio a pris six mois de retard du fait de la crise sanitaire mais il devrait s'achever fin 2022 pour la partie historique. Le coût du chantier est évalué à 34 millions d'euros en 2022.
ARTE France devrait connaître en 2022 une baisse significative du budget de ses programmes pour absorber la baisse de la dotation publique de 0,4 million d'euros à laquelle s'ajoutera une augmentation de la contribution au GEIE, la structure commune située à Strasbourg. Depuis 2018 cette baisse des moyens s'élève à 6 millions d'euros. La masse salariale est stable depuis 2013 et ne représente que 7,4 % des charges ce qui illustre les efforts de gestion réalisés.
ARTE France souffre toujours de son absence de visibilité budgétaire alors que les Allemands ont une prévision de ressources arrêtée jusqu'à 2024. Ce contexte fragilise le lancement toujours incertain de la plateforme numérique européenne d'ARTE qui a besoin d'un financement de 30 millions d'euros.
L'INA a été sans nul doute l'entreprise la plus fragilisée par la crise sanitaire. La baisse des recettes commerciales à hauteur de 5,5 millions d'euros a occasionné un déficit de 4,5 millions d'euros en 2020. La trésorerie de l'établissement reste fragilisée. La renégociation de l'accord collectif d'entreprise fin 2020 a permis de mieux maîtriser l'évolution des charges tandis que l'entreprise a été profondément réorganisée pour tenir compte de l'évolution de ses missions. Par ailleurs le plan de départs a été mis en oeuvre de manière satisfaisante. L'ensemble de ces actions explique le retour à l'équilibre en 2021.
La bonne nouvelle concerne la coopération avec les autres entreprises de l'audiovisuel public en matière de formation continue qui semble progresser. On se souvient que l'objectif formulé dans les COM était pour le moins peu contraignant. Je me réjouis que les différents acteurs aient fait le choix de développer une expertise commune dans ce domaine.
J'en viens maintenant à notre audiovisuel extérieur.
France Médias Monde poursuit ses efforts pour rivaliser avec la BBC et Deutsche Welle avec des moyens très inférieurs. Le résultat de l'entreprise devrait être positif en 2021 tout comme en 2022. L'entreprise a donc réussi à absorber la baisse des dotations publiques à hauteur de 3,5 millions d'euros depuis 2018 dont 0,5 million d'euros au titre de l'année 2022. Le plan de départs volontaires a atteint ses objectifs et devrait permettre de faire baisser la masse salariale de 3 millions d'euros.
La présidente de France Médias Monde rappelle qu'en 2012 Deutsche Welle avait les mêmes moyens que France Médias Monde mais qu'il existe aujourd'hui un écart de 100 millions d'euros dans les moyens des deux entreprises. Cette contrainte financière pèse sur les projets de développement qui sont pourtant nombreux. Les crédits de l'Agence française de développement (AFD) permettent de développer des programmes en langues africaines. Mais certains projets qui pourraient être utiles, comme la création d'un service numérique en turc, ne peuvent pas être aujourd'hui mis en oeuvre.
Le réseau francophone TV5 Monde se porte plutôt bien selon son directeur général avec des moyens toujours stables. L'offre gratuite numérique TV5 Monde + poursuit son développement grâce à l'implication des Canadiens (14,6 millions d'euros sur 3 ans) tandis que la Principauté de Monaco devrait rejoindre les actionnaires d'ici la fin de l'année et apporter une contribution bienvenue. La nouvelle plateforme constitue un outil remarquable pour faire rayonner la culture francophone dans plus de deux cents pays avec pour enjeu de faire croître l'audience, en particulier en Afrique.
En conclusion, au terme de ce quinquennat, je regrette que les avancées promises aient laissé place au surplace, ce qui dans le secteur des médias constitue toujours un recul. Nos entreprises publiques ont montré qu'elles étaient capables de se réformer, de se transformer et d'innover. Les économies ont été faites mais elles n'ont été que trop partiellement réinvesties dans le développement et l'innovation. Autant dire que l'audiovisuel public n'a jamais été depuis 2017 une priorité. Et ce n'est pas l'absence de perspectives sur la réforme de la CAP dont le montant est à nouveau gelé en 2022 (article 16 du PLF) qui est de nature à nous rassurer.
Dans ces conditions, je vous propose de donner un avis défavorable à l'adoption des crédits du compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public » du projet de loi de finances pour 2022.
Mme Catherine Morin-Desailly. - Le diagnostic du rapporteur est sévère et juste et prolonge nos débats sur la loi Arcom. Nous regrettons que la grande loi audiovisuelle ait avorté, ce qui place aujourd'hui l'audiovisuel public en difficulté à un moment où certains proposent sa suppression. On ne peut que déplorer cette situation, compte tenu du travail réalisé par le Sénat.
L'avenir de la redevance reste un vrai sujet du fait de la suppression prochaine de la taxe d'habitation. Il faut éviter un basculement vers des dotations publiques qui mettraient en péril l'indépendance de l'audiovisuel public. La réforme de l'assiette n'a pas été conduite. L'offre numérique demeure dispersée. Nous avons perdu six ans sur la mise en oeuvre de l'offre numérique locale commune à France 3 et France Bleu, que le Sénat proposait dès 2015. Nous avions également souligné la fragilité du projet Salto qui se confirme aujourd'hui. Les auditions du rapporteur ont montré que tous les responsables de l'audiovisuel public considéraient le rapprochement entre France Télévisions et Radio France comme inéluctable, ce qui illustrait une évolution des mentalités. Il apparait par ailleurs important de soutenir l'audiovisuel public extérieur au moment où les tentatives de désinformation se multiplient ainsi que les actions visant à déstabiliser certains scrutin électoraux.
M. David Assouline. - Je partage la conclusion du rapporteur sur le vote ainsi que beaucoup d'éléments de son diagnostic. Je note des évolutions dans le discours puisque vous mettez en cause la baisse des crédits que vous avez soutenue. Contrairement à ce qui a pu être dit, l'audiovisuel public ne vivait pas au-dessus de ses moyens et il convient de le protéger à un moment où se multiplient les projets de concentration des médias et d'instrumentalisation à des fins politiques. Il faut préserver un audiovisuel public indépendant et libre qui concourt à l'éducation, à la création de programmes de qualité et à une information fiable. Je ne comprends pas que le Gouvernement refuse de lui donner davantage de moyens financiers car on ne peut rien faire sans moyens. Même la stagnation des moyens correspond à une baisse d'au moins 25 millions d'euros du fait de l'indexation de certains contrats et de la hausse des salaires.
Je veux défendre l'idée de la réforme de la redevance mais je constate qu'il y a une forme de frilosité sur l'évolution de son montant. Le tarif qui est de 138 euros est beaucoup plus faible que dans d'autre pays comparables puisqu'il atteint 180 euros au Royaume-Uni, 216 euros en Allemagne et 320 euros en Suisse. Il faut assumer ce débat. On sera d'accord pour élargir l'assiette mais on ne sera pas d'accord sur le niveau. Jack Ralite disait que la redevance était une forme d'actionnariat populaire puisque l'argent allait directement aux entreprises concernées, ce qui constituait une garantie d'indépendance. J'ai préparé un amendement pour augmenter de 1 euro le tarif de la contribution à l'audiovisuel public.
Mme Alexandra Borchio Fontimp. - Je voudrais d'abord féliciter le rapporteur pour la qualité de son travail, qui met en lumière avec beaucoup de justesse la situation fragile, l'immobilisme même pour reprendre ses mots, dans lequel se trouve l'audiovisuel public aujourd'hui. Vous l'avez parfaitement résumé : nous avons longtemps attendu ce projet annoncé comme ambitieux par le Gouvernement mais qui se révèle dans les faits inexistant. Le bilan aujourd'hui est très insuffisant. Le constat est unanime : l'audiovisuel public n'aura pas été une priorité lors de ce quinquennat.
Vous avez rappelé que notre commission avait pris une part active au maintien de France 4 alors que sa disparition était prévue dans le contrat d'objectif et de moyens (COM) de France Télévisions. Ma question est la suivante, monsieur le rapporteur : de votre point de vue, comment l'Etat va-t-il s'y prendre pour financer le surcoût généré par le maintien de France 4 qui, comme vous l'avez dit, est estimé à 30 millions d'euros ?
Pour aller plus loin, quand on constate la différence de modèle économique entre France Télévisions et la BBC, pouvez-vous nous donner des pistes concrètes de réforme du modèle économique de l'audiovisuel public français ?
Mme Céline Brulin. - Nous partageons le constat d'une situation d'extrême fragilité de l'audiovisuel public. Sans changements, il y a des risques de privatisation et de perte d'indépendance. Et les progrès de la défiance pourraient également menacer l'information.
On a évité la disparition de France 4 qui a pu démontrer son utilité pendant la crise sanitaire.
L'avenir de la CAP n'est pas assuré. Plus l'État affaiblit la redevance, moins la participation populaire est forte. Nous plaidons pour une revalorisation de la redevance.
Mme Monique de Marco. - Je salue la clarté de l'exposé. L'audiovisuel public n'a en effet pas été une priorité de ce Gouvernement, comme l'illustre la trajectoire budgétaire baissière. Il y a de plus en plus d'inquiétudes sur son avenir, avec l'émergence d'un mastodonte réunissant TF1 et M6. France 4 a été maintenu, mais son budget n'est pas garanti et Salto manque de moyens. Je dispose moi-même d'un abonnement qui relève d'un acte militant, tant son offre est limitée par rapport à celle des autres plateformes disponibles.
Les syndicats ont fait part de leur inquiétude concernant l'offre régionale de France 3 alors que la ministre n'a pas précisé les moyens qui seront dévolus à la nouvelle offre d'information commune de proximité attendue au premier trimestre 2022.
M. Bernard Fialaire. - J'ai les mêmes inquiétudes que mes collègues sur la redevance qu'il s'agisse de son niveau ou de son assiette. Je salue le rayonnement de notre audiovisuel à l'international avec TV5 Monde ainsi que l'arrivée de la principauté de Monaco parmi ses actionnaires qui devrait permettre d'améliorer son financement. Je serai moins sévère sur le constat car il y a eu des réductions de personnels dans l'audiovisuel public qui se sont bien passées. Il faut continuer à faire pression pour soutenir le projet de holding. Je m'abstiendrai pour saluer les évolutions concernant les structures.
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur pour avis. - Je constate que beaucoup d'entre vous ont fait part de leur frustration devant la situation que connait aujourd'hui l'audiovisuel public compte tenu notamment du travail qui avait été fait au Sénat depuis 2015. Quelle que soit notre sensibilité il y a des points sur lesquels nous pouvons trouver des compromis ; nous l'avons vu concernant le maintien de France 4. Concernant notre audiovisuel extérieur, les présidents des entreprises sont frustrés de ne pas pouvoir davantage concourir au rayonnement de notre pays. Je peux vous dire que nos collègues de la commission des finances qui examinaient ces crédits hier partagent le même constat concernant l'audiovisuel extérieur.
En réponse à David Assouline, je confirme que la majorité sénatoriale s'est associée à la trajectoire budgétaire baissière qui n'a pas fait obstacle à l'amélioration de la qualité. Ce qui manque à notre sens c'est une stratégie pour ces entreprises ainsi qu'une réflexion sur la gouvernance. La crise du covid a constitué une forme de référendum qui a vu les Français réadhérer à leur audiovisuel public.
En réponse à Alexandra Borchio Fontimp, France Télévisions ne devrait pas avoir beaucoup le choix concernant France 4, soit baisser la qualité en investissant moins dans les programmes, soit accepter de présenter un budget en déficit. Concernant l'avenir de l'audiovisuel public, il faut reprendre les propositions du rapport Leleux-Gattolin de 2015, ainsi que le contenu du projet de loi préparé par Franck Riester. Il convient également de limiter la publicité sur les antennes du service public.
En réponse à Mme Brulin, je suis d'accord concernant les risques qui pèsent sur l'indépendance, l'audiovisuel public doit être soutenu afin de continuer à proposer une information fiable.
En réponse à Mme de Marco, l'offre de proximité annoncée par la ministre de la culture s'apparente davantage à un agrégateur de contenus qu'à une offre nouvelle de proximité. Salto semble avoir surtout été créé pour donner le sentiment de « faire quelque chose » et France Télévisions pourrait se retrouver prochainement en difficulté concernant ce projet.
La commission émet un avis défavorable à l'adoption des crédits relatifs à l'audiovisuel et compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public ».
Projet de loi de finances pour 2022 - Crédits « Jeunesse et vie associative » - Examen du rapport pour avis
M. Laurent Lafon, président. - Nous terminons nos travaux par l'examen de l'avis préparé par Jacques-Bernard Magner sur les crédits consacrés à la « Jeunesse et à la vie associative ».
M. Jacques-Bernard Magner, rapporteur pour avis des crédits de la jeunesse et de la vie associative. - Les crédits du programme 163 « jeunesse et vie associative » s'élèvent, dans le projet de loi de finances pour 2022, à un peu plus 772 millions d'euros. Par rapport à l'année dernière, ils sont en augmentation de 11,37 %.
Au premier abord, il semble que l'on ne pourrait que s'en féliciter. Néanmoins, une analyse plus précise des crédits appelle à être beaucoup plus nuancé. Un bon budget n'est pas forcément un budget en hausse, mais un budget bien arbitré. Or, la majorité de cette hausse est absorbée par le service national universel. Mais, j'ai des doutes sur son déploiement. J'y reviendrai.
Avant d'entrer dans le vif du sujet, je souhaite attirer votre vigilance, comme l'année dernière, sur des dispositifs relevant du programme « jeunesse et vie associative » qui sont financés par la mission « plan de relance ».
28 % de la totalité des postes Fonjep, qui est une subvention à une association d'un montant de 7 164 euros, et 28 % des missions de service civique sont financés par cette autre mission. Cela pose la question de leur pérennité.
J'en reviens au programme 163.
Trois dispositifs concentrent la quasi-totalité de la hausse des crédits.
Le compte d'engagement citoyen, tout d'abord, bénéficiera en 2022 d'une augmentation de 3,5 millions d'euros. Il vise à valoriser l'engagement des bénévoles associatifs par l'obtention d'heures de formation, adossées au compte personnel de formation. Le ministère table sur une augmentation de 15 % du nombre de bénéficiaires en 2022. L'enjeu principal pour permettre son déploiement est de le faire connaître aux bénévoles éligibles.
Deuxième dispositif bénéficiant d'une augmentation de crédits : la mesure « 1 jeune, 1 mentor ». Elle a été annoncée par le Président de la République le 1er mars dernier dans le cadre du plan « 1 jeune, 1 solution ».
L'objectif pour 2022 est de permettre à 200 000 jeunes de bénéficier de ce mentorat, soit le double par rapport aux objectifs en 2021. Les crédits alloués seront importants : 27 millions d'euros.
Je crains que le mentorat mobilise beaucoup de crédits pour peu d'efficacité par rapport à d'autres actions déjà existantes. Je pense au service civique notamment, qui année après année a fait ses preuves en termes d'accompagnement des jeunes, d'insertion mais également d'engagement.
Troisième dispositif bénéficiant d'une augmentation de crédits : le service national universel (SNU). 110,05 millions d'euros sont prévus pour 2022, contre 62,26 millions d'euros en loi de finances initiale pour 2021. C'est donc une augmentation de près de 48 millions d'euros, une somme spectaculaire au regard de la dotation globale du programme ! Il s'agit de permettre à 50 000 volontaires de réaliser la première phase du SNU : le séjour de cohésion de 15 jours. Comme nous l'a indiqué la ministre lors de son audition, pour atteindre cet objectif ambitieux, trois sessions seront prévues l'année prochaine : en février, juin et juillet. C'est une première.
J'ai de nombreux doutes vis-à-vis du SNU. Les premiers concernent l'atteinte des objectifs qu'il poursuit. Il doit promouvoir l'engagement, le vivre ensemble, la cohésion nationale ainsi que la mixité sociale et territoriale.
La phase 2 du SNU - la mission d'intérêt général - a du mal à se mettre en place. Les associations sont sceptiques.
En ce qui concerne le vivre-ensemble, je pense qu'il faut agir plus tôt : à 15-17 ans, il est trop tard pour inculquer les valeurs républicaines et citoyennes.
L'objectif de mixité sociale est également loin d'être atteint : la dernière étude de l'Injep d'octobre dernier portant sur les 15 000 jeunes ayant effectué leur SNU cette année est instructive. Je salue d'ailleurs les travaux de l'Injep qui sont une source précieuse d'évaluation des politiques de la jeunesse et de l'éducation populaire.
Cette étude évoque une « mixité sociale modérée », avec une surreprésentation des enfants de « corps en uniforme ». Les jeunes en filière professionnelle sont fortement sous-représentés : seuls 11 % des participants au SNU sont issus de ces filières, alors qu'un tiers des élèves de cette classe d'âge y sont scolarisés.
Certes, 8 jeunes du SNU sur 10 indiquent avoir rencontré des personnes d'un milieu social différent pendant le séjour. Mais là aussi une analyse plus fine est nécessaire.
Pour caractériser le milieu social, les participants mettent en avant le fait d'avoir rencontré des personnes qui ont des centres d'intérêt différents des leurs, des valeurs différentes ou qui viennent d'un territoire différent.
La mixité sociale est donc perçue selon des critères principalement culturels et pas en fonction d'inégalités sociales.
Enfin, je m'interroge sur la réalité de l'objectif de mixité territoriale et de mobilité. Le budget est construit sur l'hypothèse d'un séjour de cohésion effectué majoritairement au sein de sa propre région.
Ma deuxième série de doutes porte sur l'extension du dispositif. Certes, son déploiement a été confronté à la pandémie de la covid en 2020 et 2021. Mais, on ne constate pas un engouement massif des jeunes pour le SNU. En 2021, seuls 30 000 jeunes ont transmis un dossier et entre 22 000 à 25 000 de ces jeunes sont allés au bout de la démarche. Le gouvernement arrivera-t-il à mobiliser 50 000 participants en 2022, ou bien y a-t-il une sorte de plafond de verre autour de 25 000/30 000 jeunes accueillis chaque année ?
Par ailleurs, l'étude de l'Injep apporte un éclairage instructif dans la perspective de la généralisation du SNU. 10 % des jeunes de la « cohorte 2021 » ont déclaré que leur participation leur a été imposée par leurs familles.
Le séjour de cohésion a été moins bien vécu et a entraîné une moindre adhésion pour ces « non volontaires ». 19 % se disent insatisfaits de leurs expériences et 10 % ne savent pas dire s'ils sont satisfaits ou insatisfaits à la fin du séjour.
Enfin, 60 % de ces « non-volontaires » se déclarent peu enthousiastes à l'idée de devoir effectuer leur mission d'intérêt général - la deuxième phase obligatoire du SNU.
Pour l'ensemble de ces raisons, je vous propose un amendement visant à transférer 30 millions d'euros du SNU pour la création d'un pass « colonies de vacances ». Le budget du SNU alors abaissé à 80 millions d'euros serait calibré pour l'accueil de 36 000 jeunes, soit le double du nombre de jeunes qui y ont participé en 2021. Cela permettrait d'expérimenter la session de février pour environ 12 000 à 15 000 volontaires. Nous pourrions analyser son attrait auprès des jeunes, les difficultés spécifiques qu'elle peut engendrer ou au contraire les avantages par rapport à la session de juin.
Pourquoi je souhaite créer un pass « colo » et pourquoi est-il nécessaire en 2022 ?
Le nombre de départs en colonie de vacances est en forte chute depuis une dizaine d'années. Chaque année, 160 000 enfants de moins partent en colonie de vacances.
L'année 2019 a constitué un sursaut d'intérêt, avec une légère remontée des chiffres. Mais ils se sont effondrés en 2020 en raison de la crise de la covid.
La pandémie a également fragilisé l'organisation des séjours de vacances à plusieurs égards : considérés comme vulnérables en raison de leurs âges, de nombreux bénévoles ont dû prendre de la distance par rapport à leurs activités. Cela a contribué à fragiliser les petites structures.
Les colonies ont eu également du mal à constituer les équipes de moniteurs : la covid a empêché la réalisation des formations aux BAFA (brevets d'aptitude aux fonctions d'animateur en accueils collectifs de mineurs) en 2020 et a fortement perturbé la session de printemps 2021. Les répercussions sont importantes sur un secteur déjà en tension.
La diminution du nombre de départs en colonie de vacances a également des conséquences, à moyen terme, sur le nombre de candidats en BAFA.
En effet, c'est souvent parce que l'enfant est parti lui-même en séjours collectifs de vacances qu'il souhaite passer le BAFA. Moins d'enfants qui partent, c'est un vivier de candidats potentiels au BAFA qui se rétrécie.
Or, dans le même temps, près des trois quarts des Français estiment que partir en séjour collectif est une chance pour les enfants, notamment au début de l'adolescence.
Les premiers retours concernant le dispositif des « vacances apprenantes », mis en place par le ministère de l'éducation nationale, sont positifs. Dans leur très grande majorité, les parents sont satisfaits de ces séjours. Surtout, ce dispositif a permis de toucher un nouveau public en 2021, puisque plus de la moitié des enfants et adolescents sont des « primo-partants ».
Il est essentiel de s'inscrire dans cette dynamique par la création du pass « colo ». Celui-ci permettrait à chaque enfant de CM1/CM2 de vivre une expérience de départ en séjour collectif, de découvrir le vivre-ensemble et rencontrer d'autres personnes. Ce sont autant d'objectifs qui rejoignent ceux du SNU. À mon sens, les colonies de vacances peuvent former la première étape - celle de la découverte - du parcours de l'engagement d'un jeune.
En outre, ce pass serait de nature à renforcer la mixité sociale des colonies de vacances, en déclin ces dernières années. On constate une diminution du nombre d'enfants des classes moyennes inférieures au sein de ces séjours.
Ils sont devenus trop chers pour ces familles qui ne bénéficient pas d'une aide de la CAF. De même, les enfants des territoires ruraux partent moins en colonies de vacances que ceux résidant en agglomération ou dans des métropoles.
Enfin, ouvert à l'institution scolaire, le pass « colo » pourrait également faciliter l'organisation des classes transplantées.
Cela représenterait un coup de pouce bienvenu pour l'ensemble du secteur du tourisme social, dont le modèle économique repose en temps normal sur un équilibre fragile. Il a été fortement ébranlé par la pandémie.
Comme je l'ai indiqué, les crédits du programme 163 sont en augmentation. Néanmoins, je suis sceptique sur l'utilisation de ces millions d'euros supplémentaires, qui pourraient à mon sens être mieux utilisés pour d'autres dispositifs du programme. C'est la raison pour laquelle je propose que notre commission s'en remette à la sagesse du Sénat.
Mme Elsa Schalck. - Le budget du programme 163 intervient dans un contexte difficile, avec une nouvelle année marquée par la crise sanitaire et ses conséquences sur le milieu associatif et la jeunesse. Ses crédits sont en hausse, mais celle-ci est en trompe l'oeil, dans la mesure où elle repose essentiellement sur la croissance des crédits du SNU. Lorsque les crédits de ce dispositif avaient doublé l'an passé, nous avions déjà exprimé des réserves à ce sujet puisque l'expérimentation n'avait jamais été achevée et les crédits sous-estimés en 2020.
Le rapporteur a mis en avant les deux autres mesures nouvelles de ce budget. La première est le dispositif « 1 jeune, 1 mentor ». Il est vrai que le mentorat a fait ses preuves, mais il nous est aujourd'hui très difficile de nous prononcer sur ce dispositif dont nous ignorons tout du contenu et de la philosophie. La seconde mesure nouvelle concerne les colonies de vacances, fortement impactées par la crise sanitaire.
S'agissant des associations, particulièrement touchées par la crise sanitaire, elles ont un besoin de visibilité sur leurs financements à moyen et long termes. Au 30 septembre 2021, les montants affectés au fonds pour le développement de la vie associative (FDVA) au titre de la quote-part des sommes acquises par l'État des comptes tombés en déshérence s'élevaient à 19,1 millions d'euros, ce qui constitue un apport supplémentaire de 76,4 % par rapport à la subvention directe de l'État. Pour 2022, la quote-part des avoirs inactifs récupérés par l'État est à nouveau fixée à 20 %, l'administration prévoyant la même prévision de recettes qu'en 2021. Toutefois, si ce n'était pas le cas, il nous paraitra indispensable de revoir le niveau de cette quote-part.
Les associations s'inquiètent par ailleurs du maintien du lien avec leurs bénéficiaires et leurs adhérents. Ils espèrent qu'ils seront étroitement impliqués dans la mise en oeuvre du plan « 1 jeune, 1 mentor ». Toutefois, les modalités de fonctionnement de ce dispositif sont encore floues et rien n'indique par ailleurs qu'il aura vocation à être pérennisé.
Face aux difficultés persistantes rencontrées par les associations, aggravées par la crise sanitaire, il nous apparait urgent qu'une réflexion soit lancée sur leur modèle de financement.
Je souhaite revenir sur la question du SNU. Nous ne sommes pas hostiles à l'esprit du dispositif, même s'il est sans doute regrettable qu'il ne s'applique qu'aux jeunes de 15 à 17 ans - un âge que nous jugeons tardif pour promouvoir les valeurs de la République. Nos interrogations portent plutôt sur les conditions de son déploiement.
Le nombre de jeunes concernés est encore faible par rapport au coût du dispositif. En 2021, le nombre de jeunes a décru par rapport à 2020 : alors que l'objectif du Gouvernement était de 29 000, seuls 18 000 jeunes ont pris part au SNU cette année - soit moins que les 20 000 jeunes prévus en 2020. Comme l'a indiqué le rapporteur, l'objectif de mixité sociale n'est que partiellement atteint. Le coût du séjour de cohésion est estimé à 2 140 euros par jeune, ce qui est particulièrement élevé. En l'absence d'évaluation précise de ses coûts effectifs, le passage prévu à 50 000 jeunes parait prématuré et peu réaliste.
Le SNU répond-il réellement aux attentes de la jeunesse de notre pays ? Dans ces temps de crise, s'agit-il véritablement de la priorité des jeunes, eux qui ont besoin d'être accompagnés en matière de recherche d'emploi et de stages ?
S'agissant de la jeunesse, on ne peut que déplorer le manque de lisibilité des crédits, éparpillés entre différents programmes. Cet empilement de dispositifs ne permet pas d'assurer une véritable cohérence et c'est ce qui fait défaut aujourd'hui à la politique de la jeunesse mise en oeuvre dans notre pays.
Le programme 163 est décevant et c'est pourquoi le groupe Les Républicains aurait tout à fait pu y donner un avis défavorable. Nous suivrons néanmoins l'avis de sagesse proposé par le rapporteur.
M. Thomas Dossus. - Malgré la hausse, nous sommes défavorables aux crédits du programme 163, dans la mesure où nous contestons le principe même du SNU.
Ce dispositif, qui n'est rien d'autre qu'un ersatz de service national, ne nous apparait pas approprié pour réconcilier la jeunesse avec la République. L'émancipation de la jeunesse ne passe pas par l'uniforme ou par le drapeau. Les associations sont d'ailleurs réservées à son sujet. Nous refusons que 110 millions d'euros soient consacrés à un dispositif inefficace et contreproductif.
Nous soutenons en revanche votre proposition d'amendement relatif au pass « colo ».
M. Claude Kern. - Même si les crédits du programme 163 progressent de plus de 11 %, il y a beaucoup de réserves sur leur utilisation. Je souscris à la position exprimée par Elsa Schalck il y a quelques instants, à une nuance près. Je ne partage pas sa position sur le SNU. Je note une certaine cohérence et continuité dans la politique du SNU mise en place, même si je reconnais que l'augmentation des crédits est probablement excessive par rapport aux besoins réels.
Je regrette que le FDVA ne bénéficie pas de davantage de crédits compte tenu des difficultés rencontrées par les associations dans la période actuelle et des problèmes qu'elles ont à recruter des bénévoles.
Notre groupe suivra l'avis de sagesse proposé par le rapporteur même si, comme le groupe Les Républicains, nous aurions également pu voter contre l'adoption de ces crédits.
Mme Sylvie Robert. - La hausse des crédits est effectivement en trompe l'oeil. Nous partageons les réserves du rapporteur concernant le SNU. Une telle hausse des crédits ne se justifie pas compte tenu des obstacles à son déploiement. J'aurai l'occasion de vous en parler la semaine prochaine, mais des questions similaires se posent concernant le Pass culture, dont les crédits sont en forte hausse, mais dont l'efficacité dépendra entièrement de ses modalités de déploiement.
Nous soutenons évidemment l'idée du pass « colo », qui s'inscrit dans la continuité du pass Culture et du pass Sport.
Nous nous étonnons que les crédits de l'action 4 du programme, relative au service civique, stagnent dans la période actuelle. La crise sanitaire a renforcé le rôle joué par les jeunes en service civique. Nous jugeons ce dispositif important et appelons de nos voeux sa pérennisation, voire son renforcement, d'autant qu'il apporte une aide précieuse au fonctionnement des associations.
Le groupe Socialiste soutient l'avis de sagesse proposé par le rapporteur, sous réserve que son amendement relatif au pass « colo » soit voté.
Mme Céline Brulin. - Si l'occasion nous en est donnée, notre groupe ne votera pas ces crédits. Je partage les constats et les critiques développés par le rapporteur. Le SNU suscite effectivement des interrogations et comporte des limites ; il est loin de tenir toutes ses promesses. La politique en faveur de la jeunesse de ce Gouvernement est très marquée par des changements d'appellation qui ressemblent fort à du recyclage de dispositifs datant de l'ancien monde !
Je suis favorable au développement des colonies de vacances ; j'ai donc un a priori positif sur votre amendement. Néanmoins, les « vacances apprenantes » mises en place par le ministère de l'éducation nationale m'interpellent : l'intention est bonne, mais le dispositif ne s'apparente pas à une colonie « classique » puisque les matinées sont consacrées au soutien scolaire. Se pose d'ailleurs la question de savoir qui est en charge de ce soutien scolaire.
Je partage par ailleurs les propos de Claude Kern sur le FDVA. Les crédits consacrés sont insuffisants et leur affectation n'est pas claire. Ces fonds proviennent de l'ancienne réserve parlementaire et s'apparentent désormais à une réserve préfectorale. Beaucoup d'opacité entoure leur répartition entre milieu rural, milieu urbain et même entre départements. Notre commission ne devrait-elle pas se saisir de ce sujet pour dresser un bilan de l'attribution de ces crédits ?
M. Claude Kern. - Je vous rejoins totalement.
M. Jacques Grosperrin. - Je félicite le rapporteur pour la qualité de son travail.
Je m'interroge tout d'abord sur le rapprochement des services déconcentrés de l'État du sport, de la jeunesse et de la vie associative d'une part et de ceux de l'éducation nationale d'autre part qui s'est effectué au 1er janvier 2021. Emporte-t-il des conséquences sur le plan budgétaire mais aussi organisationnel ?
Comme Elsa Schalck, je remarque ensuite une absence de cohérence et un manque de lisibilité dans la politique menée en faveur de la jeunesse, ainsi qu'une trop faible association des acteurs locaux concernés. On a du mal à trouver un sens à l'action de ce Gouvernement qui empile les dispositifs. Le « quoi qu'il en coûte » va très loin ! Y aurait-il bientôt des élections ?
J'aurais voté contre ces crédits, si le rapporteur n'avait pas exprimé une sagesse, car nous sommes face à un millefeuille de dispositifs éducatifs.
M. Jacques-Bernard Magner, rapporteur pour avis. - On est tous d'accord sur le constat d'une multiplicité de dispositifs, qui brouille le message. Le Gouvernement saupoudre. Il n'y a plus de colonne vertébrale à ce petit budget.
Le FDVA est une ressource pour les associations. Je partage vos commentaires critiques sur les modalités d'utilisation de ce qui s'apparente bien à une réserve préfectorale. Les fonds ont tendance à être attribués aux associations qui organisent les activités les plus spectaculaires et non à celles qui en ont le plus besoin.
Tout comme vous, je suis un peu sceptique sur le dispositif des « vacances apprenantes ». Une colonie de vacances, c'est d'abord pour apprendre le vivre-ensemble et partager des activités récréatives. Il ne faudrait pas que seul ce nouveau type de colonie bénéficie de moyens. L'ensemble du secteur doit être soutenu.
Le SNU, auquel le Président de la République tient apparemment beaucoup, c'est un peu le substitut au service militaire ! Je doute que le Gouvernement parvienne à mobiliser 50 000 jeunes en 2022.
Il y a un vrai besoin de donner aux associations des lignes directrices plus fortes et de réattribuer des moyens aux colonies de vacances.
M. Laurent Lafon, président. - Monsieur le rapporteur, je vous invite à présent à nous présenter votre amendement.
M. Jacques-Bernard Magner, rapporteur pour avis. - Cet amendement vise à créer un « pass colo » pour les enfants de 9 à 11 ans, soit des classes de CM1 et CM2. L'objectif est de soutenir financièrement les familles car l'on sait que le coût d'une colonie de vacances demeure un frein important. Ce pass pourrait dans un premier temps être expérimenté auprès de 100 000 enfants, en ciblant prioritairement les cités éducatives ou les territoires ruraux éducatifs.
Mme Elsa Schalck. - Nous comprenons parfaitement votre intention. Il faut en effet que les colonies de vacances soient aidées. Néanmoins, plusieurs dispositifs sont en cours, notamment celui des « vacances apprenantes » - qui mériterait d'être explicité, et si nous en créons un nouveau, nous participons à cette superposition que nous dénonçons. Pour cette raison, nous voterons contre cet amendement.
M. Laurent Lafon, président. - Je mets aux voix l'amendement du rapporteur.
L'amendement n'est pas adopté.
M. Laurent Lafon, président. - Je mets aux voix l'avis du rapporteur qui nous propose de donner un avis de sagesse à l'adoption de ces crédits.
La commission émet un avis de sagesse à l'adoption des crédits de la Jeunesse et de la vie associative au sein de la mission « Sport, jeunesse et vie associative ».
La réunion est close à 11 h 15.