- Mardi 16 novembre 2021
- Projet de loi ratifiant les ordonnances prises sur le fondement de l'article 13 de la loi n° 2019-816 du 2 août 2019 relative aux compétences de la Collectivité européenne d'Alsace - Examen des motions et amendements de séance
- Projet de loi de finances pour 2022 - Missions « Cohésion des territoires », « Relations avec les collectivités territoriales » et « Plan de relance » - Crédits relatifs à la politique des territoires - Examen du rapport pour avis
- Mercredi 17 novembre 2021
- Projet de loi de finances pour 2022 - Crédits relatifs à la transition énergétique et au climat de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » et de la mission « Plan de relance » - Examen du rapport pour avis
- Projet de loi de finances pour 2022 - Crédits relatifs à l'aménagement numérique des territoires de la mission « Économie » et de la mission « Plan de relance » - Examen du rapport pour avis
- Projet de loi de finances pour 2022 - Crédits relatifs aux transports aériens - Examen du rapport pour avis
- Question diverse
- Projet de loi de finances pour 2022 - Audition de M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué auprès de la ministre de la transition écologique, chargé des transports
Mardi 16 novembre 2021
- Présidence de M. Jean-François Longeot, président -
La réunion est ouverte à 9 h 30.
Projet de loi ratifiant les ordonnances prises sur le fondement de l'article 13 de la loi n° 2019-816 du 2 août 2019 relative aux compétences de la Collectivité européenne d'Alsace - Examen des motions et amendements de séance
Les avis de la commission sur les amendements de séance sont repris dans le tableau ci-après :
La réunion est close à 9 h 40.
- Présidence de M. Jean-François Longeot, président -
La réunion est ouverte à 13 h 50.
Projet de loi de finances pour 2022 - Missions « Cohésion des territoires », « Relations avec les collectivités territoriales » et « Plan de relance » - Crédits relatifs à la politique des territoires - Examen du rapport pour avis
M. Jean-François Longeot, président. - Mes chers collègues, nous entamons aujourd'hui l'examen de notre premier avis budgétaire sur le projet de loi de finances pour 2022, consacré aux crédits relatifs à la cohésion des territoires, rapportés par notre collègue Louis-Jean de Nicolaÿ.
C'est le début d'une séquence qui comprendra l'examen de neuf rapports pour avis, que les rapporteurs budgétaires de notre commission examineront cette semaine et la suivante. Cette année, l'ambition est de traduire budgétairement les engagements pris dans la loi « Climat et résilience », afin de donner aux opérateurs les moyens d'accélérer la transition écologique et d'impulser une trajectoire qui respecte les engagements internationaux de la France. Le budget doit refléter les choix qui ont été pris par le législateur : c'est une nécessité démocratique que d'inscrire les crédits nécessaires à la mise en oeuvre des ambitions environnementales renforcées par nos rapporteurs et le Sénat au cours de l'examen de cette loi et de l'accord obtenu en commission mixte paritaire après neuf heures de débat.
Les rapporteurs pour avis ne manqueront pas de relever si les moyens budgétaires sont bien à la hauteur des ambitions.
La maquette budgétaire devient chaque année plus complexe et rend plus difficile l'analyse budgétaire. Cette année encore, outre la mission « Écologie, développement et mobilité durables », une partie des crédits consacrés à l'écologie sont intégrés au sein de la mission « France relance » et au sein de la mission « Investir pour la France de 2030 », qui remplace la mission « Investissements d'avenir ». Le plan France 2030 a fait couler beaucoup d'encre et résulte d'un amendement surnommé par une députée « l'amendement le plus cher de la Cinquième République ».
Si l'on peut en comprendre la logique, cet éparpillement conduit à une diminution de la lisibilité et de la clarté des crédits consacrés à la transition verte.
Pour la seconde année, le Gouvernement a présenté l'impact environnemental du budget dans le cadre d'un « jaune budgétaire ». Il ressort de cette analyse que moins de 8 % des dépenses ont un impact favorable sur l'environnement et que 2 % d'entre elles ont un impact négatif. Près de 92 % des dépenses sont jugées neutres : cela indique que l'évaluation est encore très lacunaire et que de nombreuses dépenses échappent à la méthodologie et sont jugées neutres ou sans impact. Si cette cotation environnementale est une grille de lecture intéressante, elle demande à être perfectionnée et affinée. C'est d'autant plus important que cette méthodologie pourra être reprise par les collectivités territoriales qui souhaitent mieux évaluer l'impact de leurs dépenses et, ainsi, créer des effets d'entraînement vertueux.
Je vous propose sans plus tarder de laisser la parole à notre collègue Louis-Jean de Nicolaÿ pour qu'il nous présente son rapport pour avis consacré aux politiques des territoires. Je salue la présence de Bernard Delcros, rapporteur spécial de la commission des finances.
M. Louis-Jean de Nicolaÿ, rapporteur pour avis sur les crédits relatifs aux politiques des territoires de la mission « Cohésion des territoires », de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » et de la mission « Plan de relance ». - Comme chaque année, je vous présente mon rapport sur deux programmes de la mission « Cohésion des territoires », les programmes 112 et 162, et sur le compte d'affectation spéciale (CAS) consacré au « financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale » (FACÉ), qui est stable, comme les années précédentes, ainsi que sur le programme 119 de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », qui porte les crédits de dotations importantes pour nos territoires, notamment la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) et la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR).
Cette année, en accord avec le bureau de notre commission, j'ai également inclus dans le champ de mon avis les crédits du programme 122 de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », qui regroupe notamment les crédits dédiés au soutien des collectivités face à des événements climatiques exceptionnels. Une dotation pour faire face aux conséquences de la tempête Alex dans les Alpes-Maritimes figure sur ce programme, à hauteur d'environ 300 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE), qui seront attribués par différents canaux et complétés par des subventions du fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM) et du fonds de solidarité de l'Union européenne.
Une fois n'est pas coutume, je suis partagé à la lecture du projet de loi de finances pour 2022.
D'un côté, on y trouve des éléments de stabilité. Je pense, pour le programme 112, à la stabilité de la subvention pour charges de service public de l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) et au maintien de l'enveloppe de 20 millions d'euros dédiés au soutien à l'ingénierie de projet pour 2022. En 2021, l'enveloppe de 20 millions d'euros sera totalement consommée et 750 projets des collectivités ont pu être accompagnés, contre 125 en 2020, avec l'enveloppe de 10 millions d'euros prévue précédemment.
Je pense également à la hausse de 8 millions d'euros pour soutenir le déploiement du programme « France Services », pour un total de 36 millions d'euros en 2022. Il faut également ajouter la contribution des deux fonds nationaux alimentés par les opérateurs du programme - La Poste, Caisse nationale de l'assurance maladie (CNAM), Caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV), Direction générale des finances publiques (DGFIP) ou encore Pôle emploi -, qui conduit peu ou prou à doubler l'enveloppe globale.
Avec 1 800 structures labellisées au 1er novembre 2021, l'objectif du Gouvernement d'arriver à 2 500 structures labellisées d'ici fin 2022 devrait être atteint : 70 % des maisons France Services se trouvent dans les territoires ruraux et environ 95 % de la population totale en métropole est à moins de trente minutes d'une telle structure - nous espérons que ce taux passera à 100 % fin 2022, conformément à la prévision du Gouvernement. Je pense qu'il faudra poursuivre ce programme et actualiser l'indicateur de performance pour encore rapprocher les services publics de la population.
Les 19 millions d'euros nouveaux budgétés sur le programme pour la mise en oeuvre de mesures de l'Agenda rural concernant à titre principal le programme « Petites Villes de demain » et les volontariats territoriaux en administration (VTA) et les 9 millions d'euros supplémentaires qui financeront des actions des onze pactes de développement territorial conçus depuis 2019 pour répondre aux difficultés spécifiques de certains territoires - Ardennes, Creuse, Nièvre, Châlons-en-Champagne... - sont également de bonnes nouvelles.
En outre, le déploiement des contrats de relance et de transition écologique (CRTE) se poursuit : 142 protocoles restent à engager sur les 844 périmètres identifiés en concertation avec les élus. L'enjeu sera ensuite d'assurer une bonne coordination localement avec les crédits des contrats de plan État-région (CPER).
Enfin, les dotations d'investissement que sont la DSIL et la DETR sont stables depuis 2019, à un niveau important d'environ 1,8 milliard d'euros, auxquels s'ajoute une DSIL exceptionnelle de 337 millions d'euros pour 2022 sur le programme 119.
Voilà pour les éléments de stabilité.
D'un autre côté, le niveau du programme 112 pour 2022, avec une hausse des autorisations d'engagement (AE) de 20 % et une hausse de 4 % des crédits de paiement (CP) par rapport à 2021, correspond en fait au rattrapage du niveau de 2020, conformément à l'engagement pris par Mme la ministre.
Il n'y a donc pas de révolution : il s'agit d'une simple priorisation des crédits.
Je regrette encore une fois la disparition de la prime d'aménagement du territoire (PAT). À ce jour, nous manquons de recul pour évaluer l'effet du programme « Territoires d'industrie » par rapport à celui de la PAT. Il faudra s'y pencher lors du prochain budget.
Ensuite, entre les crédits du plan de relance, les transferts en gestion, les fonds de concours, les différents périmètres des CPER et des accords de relance régionaux, il est toujours aussi peu simple de s'y retrouver.
S'agissant de la consommation des crédits du plan de relance, certains ont été « rapatriés » en gestion 2021 et pérennisés au sein des programmes classiques et d'autres demeurent inscrits dans la mission « Plan de relance ». Si l'on ajoute les 115 millions d'euros en AE et 45 millions d'euros de CP qui ont été votés en 2021 dans le cadre du plan de relance et qui alimentent des actions du programme 112, on arrive à une augmentation de 21 % en AE et de 3 % en CP entre 2020 et 2021. Pour 2022, en ajoutant les 100 millions d'euros d'AE et les 76 millions d'euros de CP du plan de relance au programme 112, on parvient à une hausse de 8 % en AE et de 15 % en CP par rapport à 2021 en considérant le même périmètre.
Ce niveau de 315 millions d'euros environ en AE et CP correspondant aux politiques du programme 112, en incluant les crédits du plan de relance, devrait, à mon sens, être le niveau « de croisière » de ce programme, compte tenu de l'importance des politiques financées pour nos territoires.
Par ailleurs, annoncer des montants importants est une bonne chose mais encore faut-il que les crédits soient effectivement consommés. L'État a annoncé qu'il apporterait environ 30 milliards d'euros à la nouvelle génération de CPER, dont 8,5 milliards d'euros au titre du plan de relance mais il faut aussi consommer les crédits restants pour la précédente génération de CPER.
Les restes à payer du programme 112 s'élèvent ainsi à 210 millions d'euros pour les anciens CPER, 60 millions d'euros pour la PAT et 40 millions d'euros pour d'autres dispositifs.
En outre, compte tenu des AE du plan de relance non couvertes à date par des CP, des financements seront nécessaires dans les prochaines années pour achever la relance et nous devrons alors vérifier que ces crédits serviront bien à financer les actions que nous avons validées en 2021 lors de l'examen du premier plan de relance.
La lisibilité est donc difficile à plusieurs égards et les crédits du plan de relance gagneraient à être rapatriés de façon claire sur les programmes de droit commun.
Autre remarque, s'agissant du programme 162, qui connaît une hausse légère, de 5 % en CP et de 18 % en AE, pour un montant global toujours situé entre 40 et 50 millions d'euros par an, je m'interroge encore sur la pertinence du maintien d'un tel instrument autonome, qui regroupe des actions dont le dynamisme est très variable.
Je regrette, à cet égard, que l'action relative à la reconquête de la qualité des cours d'eau en Pays de la Loire ne bénéficie que de 700 000 euros depuis deux ans, alors qu'il faudrait massivement accompagner les agriculteurs dans leur transition et que seulement 11 % des masses d'eau régionales apparaissent en bon état selon les éléments transmis par le ministère de l'intérieur.
L'État attend de la région un effort plus important mais, sur ce sujet difficile, la région des Pays de la Loire a besoin d'être soutenue de façon plus volontariste par l'État.
Le programme 162 offre une souplesse de gestion aux préfectures pour assurer des politiques territoriales ciblées mais sa lisibilité et sa sincérité sont entachées par des transferts en gestion entre plusieurs ministères et par la grande diversité des politiques concernées.
Enfin, si je me réjouis de la stabilité du budget de l'ANCT, je m'inquiète de l'érosion des crédits du Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema), lequel concourt puissamment à l'efficacité de l'agence, comme nous l'avons rappelé lors de l'audition de Madame la ministre. Faire monter en puissance l'ANCT est une bonne chose, mais il faut préserver les financements de ses partenaires, sans quoi son efficacité sera réduite.
Avant de conclure, je souhaite évoquer un sujet cher à notre commission : je veux bien sûr parler des zonages de soutien à l'attractivité et au développement économique de nos territoires ruraux ou en difficulté, en particulier des zones de revitalisation rurale (ZRR).
Conformément à l'annonce effectuée par Jacqueline Gourault devant notre commission la semaine dernière et relayée par la presse spécialisée, le Gouvernement a donné un avis favorable à un amendement du groupe Modem qui procède à la prorogation de sept zonages pour un an supplémentaire par rapport au terme prévu par la loi de finances pour 2021, jusqu'au 31 décembre 2023. Cet amendement, qui a été adopté par les députés, constitue désormais l'article 29 D du PLF pour 2022.
Nous l'avons dit, cette prorogation est un motif de satisfaction. D'ailleurs, le Sénat l'a toujours défendue dans son esprit, en sachant pertinemment que le Gouvernement ne proposerait pas de réforme globale du système des zonages, que ce soit sur les critères de classement ou sur les dispositifs financiers associés au bénéfice du classement.
Mais l'espoir était permis, d'autant plus que le Gouvernement disposait des excellentes propositions du rapport fait au nom de notre commission et de la commission des finances par nos collègues Bernard Delcros, Frédérique Espagnac et Rémy Pointereau.
La prorogation des zonages et en particulier des ZRR est un motif de satisfaction si l'on s'inscrit dans une logique de stabilité mais d'un motif de déception si l'on raisonne en termes d'efficacité, de meilleure prise en compte de la ruralité et de prévisibilité pour nos territoires.
Plus d'une commune sur deux devra encore attendre au moins un, voire deux ans avant de connaître le nouveau cadre dans lequel elle pourra attirer des entreprises et des habitants au service de son développement.
Nous sommes quelque peu démunis aujourd'hui face à la non-action du Gouvernement sur ce sujet, qui renvoie l'aboutissement d'une réforme à la prochaine législature. Et, dans le cas où une réforme serait proposée rapidement après les élections de 2022, le Sénat ne disposerait pas de ses propres éléments et scenarii de réforme pour contre-expertiser et coconstruire la réforme avec le Gouvernement, quel qu'il soit.
Comme nous l'avons déjà évoqué l'an dernier, peut-être pourrions-nous envisager de réaliser une étude sur la seule partie de notre rapport relative aux critères de classement. Ce sujet relève du champ de compétences de notre commission, car ces critères avaient été définis par l'article 52 de la loi de 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, dont le président Larcher était à l'époque le rapporteur au Sénat. Nous pourrons en reparler ensemble quand la poursuite de nos travaux sur l'aménagement du territoire aura été structurée.
En attendant, je soutiens la prorogation qui nous sera proposée dans le PLF 2022 et qui constitue, je le rappelle, le quatrième gel du classement ZRR des communes. Pour la suite, le système du critère principal et des critères secondaires alternatifs proposés par notre rapport me paraît parfaitement adapté à l'objectif d'une réforme des ZRR.
Voici, mes chers collègues, les principaux éléments que je souhaitais partager avec vous sur ce PLF 2022. Je ne vous proposerai pas d'amendement, comme vous pouvez vous y attendre.
Compte tenu de l'ensemble des éléments, réserves et demi-déceptions que je viens d'évoquer tant sur le fond que sur la forme, et malgré des moyens importants pour 2022, je propose à la commission de s'abstenir sur le vote des crédits des programmes 112 et 162 et du CAS « FACÉ » de la mission « Cohésion des territoires », due à la réserve particulière que j'ai exprimée sur le programme 162. Pour les programmes 119 et 122 de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », je vous propose également d'émettre un avis d'abstention.
M. Bernard Delcros, rapporteur spécial de la commission des finances. - Monsieur le président, monsieur le rapporteur pour avis, je vous remercie de m'avoir associé à cette réunion. Je vais vous apporter le regard de la commission des finances sur les programmes 112 et 162.
Il est vrai que les montants des crédits affectés à ces programmes ne sont pas très élevés : un peu moins de 300 millions d'euros, auxquels s'ajoutent tout de même 931 millions d'euros d'avantages fiscaux, avec notamment les ZRR, et 110 millions d'euros au titre du plan de relance - ces derniers crédits figurent dans la mission « Plan de relance », mais sont en fait gérés par le programme 112, pour des questions de cohérence.
En revanche, ces crédits concernent des sujets centraux pour la ruralité et ont un effet levier sur des crédits inscrits dans d'autres missions.
S'agissant de l'ANCT, dont le montant des crédits est maintenu à 61 millions d'euros, je note une avancée depuis un an ou deux sur la question du soutien à l'ingénierie dans les territoires ruraux, que nous réclamions depuis très longtemps. Aujourd'hui, grâce à l'ANCT, un soutien à l'ingénierie se met progressivement en place dans les territoires. Celui-ci prend deux formes : l'aide fournie par des bureaux d'étude spécialisés, financés par l'État dans le cadre du marché à bons de commande, et l'ingénierie interne, dont je mesure l'importance en tant qu'ancien président d'une petite intercommunalité rurale, à travers les chargés de projet du programme « Petites villes de demain », les conseillers numériques « France Services », les chargés de mission « Fabrique de territoire », les volontaires territoriaux en administration (VTA).
L'ANCT accompagne l'ensemble de ces programmes. Cette avancée importante conforte l'ingénierie des collectivités rurales. En revanche, la question de la pérennité de ces soutiens, qui reposent sur des contrats à durée déterminée, se posera évidemment très rapidement.
Rémy Pointereau, Frédérique Espagnac et moi-même avons demandé une prorogation supplémentaire des ZRR lorsque nous avons rendu notre rapport. Elle était importante, parce que l'on ne saurait décider dans la précipitation du dispositif qui succédera aux ZRR.
Il est nécessaire d'effectuer un travail de fond sur les écarts qui existent souvent entre les objectifs théoriques et la réalité de leur déclinaison dans les territoires, ce qui demande du temps.
Il faudra surtout réaliser des simulations à partir des nouveaux dispositifs, l'application concrète conduisant parfois à des effets contraires aux objectifs recherchés, comme on l'a vu avec l'ancien projet de réforme de la dotation globale de fonctionnement (DGF).
Quoi qu'il en soit, le dispositif est prorogé par le PLF jusqu'à la fin 2023. C'était nécessaire, d'autant que le travail parlementaire risque d'être assez perturbé en 2022... J'ajoute que la prorogation des ZRR vaut pour les 4 000 communes qui ne remplissent plus les critères définis par la réforme de 2015 : il était important que ces communes qui ne sont plus labellisées « ZRR » puissent continuer à bénéficier des dispositifs en attendant la suite.
Pour ma part, je considère que le programme 162 « Interventions territoriales de l'État » (PITE) reste un bon outil. En menant des contrôles budgétaires sur le terrain, s'agissant des algues vertes en Bretagne et du marais poitevin, je me suis aperçu qu'il permettait de donner au préfet de région des moyens financiers en provenance de différents ministères, à travers une enveloppe identifiée qui lui laisse la main pour organiser une concertation dans des territoires où existent souvent des antagonismes et des conflits d'intérêts extrêmement importants. Cela permet une cohérence dans l'action.
En revanche, je souscris totalement à ce qu'a dit le rapporteur pour avis sur la valeur de l'autorisation parlementaire que l'on donne à ces crédits : elle est tout à fait relative, puisqu'environ la moitié des crédits dépensés proviennent de transferts en gestion en cours d'année - parfois même assez tard dans l'année. C'est regrettable.
Je vais proposer à la commission des finances d'émettre un avis favorable à l'adoption des crédits, les programmes qui nous concernent répondant pour beaucoup aux demandes que nous avions formulées. Cependant restent quelques sujets pour l'avenir.
Quid de la pérennisation de l'ingénierie mise à disposition des territoires ? Si, demain, les territoires que nous avons aidés pendant trois ans sont privés de cette ingénierie, nous régresserons. Ce sujet devra être mis sur la table.
Pour ce qui concerne les maisons « France services », se posent deux difficultés. Premièrement, l'exécutif a fixé l'objectif d'une maison France Services par canton, mais ce curseur n'est pas forcément le bon, car, avec l'agrandissement des cantons, ces derniers comportent souvent plusieurs bourgs-centres. Ce point mérite d'être étudié. Deuxièmement, 30 000 euros sont alloués chaque année au fonctionnement des maisons France Services, qui connaissent une montée en gamme, mais qui doivent aussi assumer des missions que l'État leur a transférées - je pense notamment à la réforme des trésoreries. Il faudra revenir sur ce transfert de charges.
Enfin, sur les CRTE, je rappelle que le principe d'un contrat est de donner de la visibilité financière aux élus sur la planification des programmes. Or la façon dont ils se déclinent, au moins dans certains départements, ne permet aucune visibilité. Nous devrons y revenir.
Mme Martine Filleul. - Nous voterons contre l'ensemble de la mission « Cohésion des territoires », au regard de la modestie des moyens mis à la disposition des territoires et de l'importance des besoins. Je pense aux maisons « France Services » mais également à l'ANCT : les trois équivalents temps plein (ETP) supplémentaires ne nous semblent pas à la hauteur de la progression que nous attendions de l'agence.
M. Jean-François Longeot, président. - Il me semble difficile, pour ma part, de voter contre les crédits, compte tenu notamment des avancées sur les ZRR, dont la prolongation jusqu'en 2023 n'était pas du tout gagnée, ce qui suscitait de l'inquiétude sur nos territoires.
M. Didier Mandelli. - Nous sommes défavorables à l'adoption des crédits et le groupe Les Républicains souhaite aller au-delà de l'avis d'abstention proposé par le rapporteur pour avis.
En conséquence, la commission a émis un avis défavorable à l'adoption des crédits des programmes 112 et 162 de la mission « Cohésion des territoires », du compte d'affectation spéciale « Financement des aides aux collectivités rurales », des programmes 119 et 122 de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » et des crédits relatifs à la politique des territoires de la mission « Plan de relance ».
La réunion est close à 14 h 15.
- Présidence de M. Jean-François Longeot, président -
Mercredi 17 novembre 2021
Projet de loi de finances pour 2022 - Crédits relatifs à la transition énergétique et au climat de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » et de la mission « Plan de relance » - Examen du rapport pour avis
M. Jean-François Longeot, président. - Nous poursuivons nos travaux sur le projet de loi de finances pour 2022 (PLF 2022) par l'examen de l'avis portant sur les crédits relatifs à la transition énergétique et au climat.
M. François Calvet, rapporteur pour avis. - J'ai ce matin le plaisir de vous présenter, pour la deuxième année consécutive, l'avis « Transition énergétique et climat » portant principalement sur les crédits des programmes 174 et 345 de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », ainsi que sur les crédits associés relevant du plan de relance : il aborde des sujets aussi divers que le développement des énergies renouvelables, la rénovation énergétique des bâtiments, ou encore la qualité de l'air. Je vous présenterai d'abord les principaux points qui ont retenu mon attention lors des auditions et des travaux préparatoires que j'ai menés. Si vous avez des questions, je serai heureux de vous apporter, dans un second temps, quelques éléments de réponse.
Je commencerai par aborder les énergies renouvelables.
Les crédits qui leur sont dédiés connaissent une évolution très hétérogène : si les crédits dédiés à la chaleur renouvelable sont stables, ceux consacrés au développement du biogaz sont en très forte hausse - en raison de la croissance soutenue de la filière méthanisation. Les crédits affectés à l'électricité renouvelable sont quant à eux en très forte baisse, du fait de l'augmentation du prix de marché conduisant mécaniquement à une baisse du soutien public. Cette baisse s'élève à 640 millions d'euros dans le PLF 2022 par rapport à 2021. Une baisse des engagements de long terme en cas de maintien durable des prix à un niveau élevé pourrait être observée, bien qu'il soit pour l'heure difficile de prédire l'évolution du marché de l'électricité.
Concernant le rythme de développement, les années passent et les constats se ressemblent, malheureusement : la France continue d'accuser un retard important sur ses objectifs. Fin 2020, seulement 19 % de notre énergie était produite à partir de sources renouvelables, loin de la cible de 23 % fixée par le droit européen. Au regard des objectifs à fin 2023 fixés par la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE), le rythme d'avancement est toutefois très hétérogène selon le vecteur énergétique et les types d'énergies renouvelables considérés.
En matière d'électricité renouvelable, si le rythme de développement de l'éolien terrestre est proche de celui nécessaire à l'atteinte des objectifs, celui du photovoltaïque est pour sa part éloigné de la trajectoire prévue. Les enjeux sont donc très différents pour l'éolien terrestre et pour le solaire : pour le premier, l'heure est à la poursuite du déploiement, dans le respect toutefois de l'acceptabilité de nos concitoyens. Un plan d'acceptabilité de l'éolien vient d'ailleurs d'être annoncé par la ministre. Pour le solaire, il nous faut à tout prix accélérer : c'est le sens du plan présenté par la ministre il y a quelques jours, qui reprend d'ailleurs certaines dispositions adoptées et améliorées par notre commission lors de l'examen de la loi « Climat et résilience » du 22 août 2021. Je pense notamment au renforcement de l'obligation d'installation de panneaux photovoltaïques sur les toitures d'entrepôts, d'hangars ou de parkings, avancée par le Sénat à 2023.
En matière de gaz renouvelable, l'objectif fixé par la PPE à échéance 2023 devrait être atteint, voire dépassé.
En matière de chaleur renouvelable, le
développement de l'ensemble des filières
- biomasse, pompes
à chaleur, géothermie profonde, solaire thermique, réseaux
de chaleur et de froid - est à ce stade largement insuffisant pour
atteindre les objectifs de la PPE. Si la France veut se donner une chance de
combler son retard en matière d'énergie renouvelable, de nouveaux
leviers devront tout particulièrement être mobilisés sur la
chaleur. Diverses mesures ont été engagées en 2021
pour renforcer le Fonds Chaleur. Le plan de relance a également permis
d'accroître les moyens en faveur de la chaleur renouvelable dans les
secteurs industriel, agricole et tertiaire. Mais cela n'est pas suffisant, ce
dont convient d'ailleurs le ministère de la transition écologique
que j'ai auditionné. C'est pourquoi, en collaboration avec Pascal
Martin, rapporteur pour avis sur les crédits relatifs à la
prévention des risques, je vous proposerai ce matin d'adopter un
amendement tendant à augmenter les moyens du Fonds Chaleur de 350
à de 450 millions d'euros pour 2022, afin de permettre de
financer l'ensemble des projets actuellement en file d'attente. D'après
certaines informations que nous avons obtenues, l'État pourrait pour
partie satisfaire cette demande en augmentant les moyens du Fonds Chaleur.
J'évoquerai dans un deuxième temps le financement de la rénovation énergétique des bâtiments, qui a connu un tournant important à l'occasion de la loi de finances pour 2021 avec l'extension de MaPrimeRenov' à l'ensemble des propriétaires occupants ou bailleurs, quels que soient leurs revenus, ainsi qu'aux copropriétés pour les travaux réalisés dans les parties communes. Le dispositif est majoritairement sollicité par des ménages modestes et très modestes (64 %), là où le crédit d'impôt transition énergétique (CITE) - qui préexistait à MaPrimeRenov' - était majoritairement capté par les revenus plus élevés. De ce point de vue, la réforme engagée a porté ses fruits. La loi de finances de l'an passé avait surtout consacré une véritable montée en puissance du dispositif, avec plus de deux milliards d'engagements mobilisés pour 2021. Ces crédits seront pérennisés en 2022 ; c'est une excellente nouvelle dont nous pouvons nous satisfaire. Les chiffres qui nous ont été fournis attestent d'ailleurs d'un plébiscite du dispositif par les Français. Depuis le début de l'année, ce sont ainsi 600 000 dossiers qui ont été déposés, niveau bien supérieur à l'objectif initial de 400 000 à 500 000 dossiers. L'Agence nationale de l'habitat (ANAH), qui gère cette prime, semble avoir mis en place les moyens adéquats pour traiter cet afflux : Selon les informations que l'ANAH nous a transmises, le temps moyen de traitement des dossiers complets transmis par les demandeurs est de 5 jours. Le temps moyen de traitement pour les dossiers complets incluant les retours de l'ANAH et les contrôles sur place au paiement est de 11 jours.
Ces constats positifs ne doivent pas éclipser certaines interrogations quant à l'efficacité de la prime. Comme la souligné un récent audit de la Cour des Comptes, aucun gain de consommation énergétique minimal n'est requis pour l'obtention des aides et la vérification de la qualité et de l'efficacité des travaux n'est pas assurée. Je souscris donc à la préconisation de la Cour d'évaluer plus finement les gains énergétiques de MaPrimeRénov', d'autant plus que 86 % des travaux soutenus constituent des mono-travaux, peu susceptibles d'améliorer significativement l'efficacité énergétique du bâtiment. Le Haut conseil pour le climat avait préconisé dans son rapport de novembre 2020 de supprimer d'ici trois ans les aides aux gestes individuels pour MaPrimeRénov' et de n'offrir que des aides conditionnées à l'atteinte d'un niveau de performance et au recours à une assistance à la maîtrise d'ouvrage. Cette piste devra nécessairement être envisagée pour s'assurer de l'efficience de l'aide publique à la rénovation. Je rappelle que les travaux de rénovation énergétique permettent aux Français d'alléger leur facture énergétique, dans des proportions parfois importantes, dans un contexte où les prix de l'énergie augmentent considérablement.
J'en viens maintenant au troisième sujet : celui de la pollution de l'air, à l'origine d'environ 50 000 décès par an dans notre pays. Plusieurs procédures contentieuses ont été engagées contre la France pour dépassements chroniques des normes de qualité de l'air dans plusieurs agglomérations. Notre pays a été condamné au niveau européen par la CJUE et par le Conseil d'État, avec le versement par l'État d'une astreinte de 10 millions d'euros.
Cette surveillance est assurée par 19 associations agréées de surveillance de la qualité de l'air (AASQA), disposant d'un réseau d'environ 650 stations de mesure réparties sur le territoire. Elles sont financées de manière tripartite par l'État, les collectivités territoriales - certaines s'étant toutefois retirées du financement des AASQA - et les entreprises, qui peuvent déduire des montants de taxe générale sur les activités polluantes appliquée aux émissions polluantes (TGAP-Air) dont elles sont redevables les contributions qu'elles leur versent, dans la limite de 171 000 euros ou à concurrence de 25 % des cotisations de taxe dues. Afin de compenser la baisse des contributions des entreprises consécutive à la crise sanitaire, la loi de finances pour 2021 avait augmenté la subvention versée par l'État aux AASQA de 18 à 32 millions d'euros. Le PLF 2022 consacre une enveloppe de 23 millions d'euros, actant une augmentation de 5 millions d'euros du budget par rapport au niveau pré-crise sanitaire, ce dont nous pouvons nous réjouir. Cette subvention de l'État ne résout pas toutefois à plus longue échéance la problématique du financement des AASQA, affectées par la diminution structurelle des contributions des entreprises, résultant notamment de la baisse de leurs émissions polluantes. Cette diminution des contributions des entreprises met en péril l'autonomie des AASQA. Pour faire face à cette érosion des recettes, notre commission avait adopté, lors du PLF 2021, un amendement, approuvé par le Sénat, visant à relever le plafond de déductibilité des contributions des entreprises de 171 000 à 250 000 euros, et le taux maximum de déduction de 25 à 50 %, afin d'inciter les entreprises à augmenter leurs versements. Je vous proposerai d'adopter à nouveau cet amendement, en espérant qu'il reçoive cette année un écho favorable du Gouvernement.
Il me reste enfin à aborder deux sujets de gouvernance que notre commission connaît bien.
D'une part, je vous proposerai de soutenir à nouveau l'amendement que le Sénat avait adopté en première lecture de la loi « Climat et résilience », à l'initiative de notre commission, visant à affecter une part de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) aux intercommunalités et aux régions ayant respectivement élaboré des plans climat-air-énergie territoriaux (PCAET), des schéma régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (SRADDET) ou un schéma régional climat air énergie (SRCAE). Les collectivités jouent un rôle de plus en plus important en matière de transition écologique et climatique. Il serait logique qu'une part croissante des recettes de l'État finance ces compétences.
D'autre part, je vous proposerai d'adopter un amendement
visant à accroître les effectifs du Haut conseil pour le
climat (HCC) afin de lui permettre de jouer pleinement son rôle
d'expertise auprès du Gouvernement et du Parlement. Cette position,
déjà exprimée l'an passé, a été
confortée par les travaux préparatoires de la loi
« Climat et résilience » et son contenu. Je vous
rappelle notamment le choix fait par le Gouvernement de confier à un
cabinet de conseil privé, le Boston Consulting Group, et non au
HCC, la charge d'analyser la compatibilité des réformes
engagées depuis le début du quinquennat, et en particulier du
projet de loi, avec l'Accord de Paris et la Stratégie nationale bas
carbone (SNBC). Il est regrettable que des crédits aient
été dépensés pour financer un organisme de conseil
privé
- dont le climat n'est pas le coeur d'expertise - plutôt
qu'une instance publique spécialisée en la matière !
Je rappelle également que la loi « Climat et
résilience » confie à la Cour des comptes la mission
d'évaluer l'application de la loi, le HCC n'intervenant malheureusement
qu'en appui.
Notre demande formulée l'an passé a été pour partie entendue par le Gouvernement, qui a décidé d'augmenter les moyens du HCC de 4 équivalent temps plein (ETP). Je note toutefois que ces moyens ont été compensés pour partie par une baisse des effectifs du ministère de la transition écologique. Surtout, nous restons loin des 24 ETP dont dispose l'équivalent britannique du HCC. C'est pourquoi je vous proposerai un amendement permettant de doubler l'effort consenti par le Gouvernement, en prévoyant 4 ETP supplémentaires.
Malgré ces réserves, je vous proposerai un avis favorable sur ces crédits.
M. Ronan Dantec. - Je remercie le rapporteur. Nous soutenons les amendements proposés et allons voter avec enthousiasme en faveur de ce rapport.
Concernant le HCC, il faut en effet renforcer ses moyens et mieux l'associer à l'élaboration de la décision publique. Par ailleurs, nous avons appris lors de la COP26 à Glasgow que les différents conseils climatiques européens allaient se fédérer ; cela permettra d'avoir une vision plus systémique des politiques publiques climatiques mises en place en Europe.
Concernant le fléchage d'une part de la TICPE vers les collectivités territoriales, je regrette que notre commission ne se soit pas battue davantage pour conserver la disposition lors de la commission mixte paritaire sur la loi « Climat et résilience ». Je pense que le Gouvernement n'était pas très loin de lâcher. Nous allons à nouveau voter en faveur cette disposition dans le cadre de ce PLF, comme nous l'avons fait de manière unanime lors des discussions budgétaires précédentes. Il faut maintenant trouver un compromis avec l'État à ce sujet, par exemple en fléchant d'abord uniquement sur les petites intercommunalités.
M. Pascal Martin. - Je souhaite appuyer les propos du rapporteur concernant les AASQA, dont on connaît l'importance pour notre politique de qualité de l'air. J'ai également eu l'occasion de les auditionner dans le cadre de mon avis budgétaire. Je confirme qu'ils manquent cruellement de moyens.
ATMO Normandie était financé il y a quelques années par les collectivités territoriales, ce n'est plus le cas dans quatre départements, à l'exception de la Seine-Maritime. Il est regrettable que certaines collectivités territoriales se soient retirées, d'autant plus que les financements requis sont modestes au regard du budget des départements. Pour les raisons évoquées par le rapporteur, certaines entreprises qui participaient au financement ne le font plus. Je souscris donc totalement aux propos du rapporteur, concernant le soutien à apporter au financement des AASQA.
Mme Angèle Préville. - Nous partageons les constats du rapporteur. MaPrimeRenov' s'est beaucoup développée, mais cela ne garantit pas l'amélioration de l'efficacité. Nous avons proposé de conditionner le versement de la prime à l'atteinte d'un certain niveau d'efficacité ou à la réalisation d'une rénovation globale. Nous n'avons pas été entendus.
Nous déplorons également l'insuffisance des aides face à la hausse durable des prix de marché de l'énergie. Nous déplorons enfin le maintien des aides fiscales en faveur des énergies polluantes.
Concernant la pollution de l'air, on constate un manque de moyens pour gérer les données. Il va falloir diminuer cette pollution, car elle est responsable de milliers de décès par an. Je pense que nous n'avons pas réellement commencé à mettre en place des mesures significatives pour diminuer cette pollution de l'air.
Pour ces raisons, nous voterons contre l'adoption des crédits relevant de cet avis budgétaire.
M. Guillaume Chevrollier. - J'aimerais également revenir sur MaPrimeRenov', dispositif que la population s'est appropriée. La question de l'efficacité se pose toutefois, comme le rapporteur l'a souligné. 86 % des travaux soutenus constituent des mono-travaux. L'aide peut avoir un effet économique positif sur le secteur du bâtiment mais dans le contexte d'urgence climatique, il faudrait que l'aide ait aussi un impact sur le climat. Il faudrait qu'on puisse mesurer précisément l'impact sur des rénovations et orienter les aides sur la rénovation de l'enveloppe globale du bâtiment. Sans cela, l'impact de la prime sur l'efficacité sera limité, ce qui pourrait entraîner une contestation de la part de nos concitoyens.
Le dispositif mérite toutefois d'être stabilisé. Par le passé, il y a eu une multitude de mesures de soutien, ce qui faisait que nos concitoyens, particuliers et professionnels, étaient perdus.
Il me semble donc en résumé que le dispositif doit être stabilité et rendu plus efficient.
Je salue enfin la proposition d'accroître les moyens du Fonds Chaleur.
M. Gilbert Favreau. - Les PCAET sont des documents de planification parfois incomplets. C'est le cas dans mon département qui supporte un nombre important d'éoliennes. J'attire votre attention sur la nécessité de bien compléter les PCAET, notamment concernant le développement des énergies renouvelables, ce qui n'est pas le cas dans chaque intercommunalité.
Le SRADDET de la région Nouvelle-Aquitaine ne prévoit quasiment rien sur la maîtrise de l'implantation des parcs éoliens, ce qui est très inquiétant au regard de la grande disparité de déploiement entre les territoires.
M. Didier Mandelli. - Je rappelle que la commission mixte paritaire de la loi d'orientation des mobilités (LOM) avait échoué sur la question du financement par une part de TICPE des intercommunalités qui prendraient la compétence d'autorité organisatrice de mobilité, que nous avions soutenu au Sénat.
Par ailleurs, le fait d'avoir imposé le recours à une assistance à maîtrise d'ouvrage (AMO) pour les rénovations effectuées dans le cadre de MaPrimeRenov' par les copropriétés, et par les particuliers dans le cadre du programme Habiter Mieux de l'ANAH, a permis de moraliser les actions de rénovation énergétique des bâtiments.
On constate toutefois que certains dossiers prennent du retard. Certains bénéficiaires sont en attente forte pour pouvoir engager les travaux. Cela est dû à un recul de l'éco-délinquance, qui correspond à une situation où certaines sociétés réalisent des devis frauduleux pour pouvoir bénéficier de la subvention publique. Le fait que les devis soient analysés par une commission a permis de limiter ces pratiques frauduleuses. C'est une évolution vertueuse, qui peut toutefois freiner le traitement des dossiers. Certains dossiers prennent du retard également parce que les AMO ou les bénéficiaires ne sollicitent par systématiquement les certificats d'économie d'énergie (CEE) qui contribuent pourtant à abaisser le reste à charge. Dans mon territoire, j'ai proposé à Action Logement de réaliser des avances en anticipant l'aide issue des CEE, ce qui permet de déclencher plus rapidement les travaux.
M. François Calvet, rapporteur pour avis. - Je partage l'ensemble des propos qui viennent d'être tenus.
Je précise que la loi « Climat et résilience » va imposer l'inscription d'objectifs de développement des énergies renouvelables dans les SRADDET.
Il me semble que nous devons continuer à pousser pour qu'une part de la TICPE soit versée aux intercommunalités et aux régions ayant respectivement élaboré un PCAET ou un SRADDET. Cela est essentiel pour faire avancer la transition écologique dans nos territoires.
Concernant MaPrimeRenov', il faut que nous arrivions à mesurer les gains d'efficacité énergétique permis.
Mme Marie-Claude Varaillas. - MaPrimeRenov' est un dispositif important, notamment dans un département comme le mien où il y a un bâti très ancien.
Nous avons toutefois des difficultés découlant de la baisse de personnels dans les directions départementales des territoires (DDT), ce qui conduit à des retards dans le traitement des dossiers. Notre département a donc dû recruter des instructeurs pour rattraper ce retard, qui était considérable. Il nous reste maintenant à résoudre la question du reste à charge, qui peut être cruciale pour les ménages modestes.
J'aimerais également aborder la question des bailleurs sociaux. Nous avons vécu les impacts des variations de TVA, les effets de la réduction du loyer de solidarité - qui a divisé par deux l'autofinancement des bailleurs sociaux - la suppression de la taxe d'habitation, la suppression des aides à la pierre, qui ont cassé la dynamique des HLM.
De plus, nous regrettons la baisse des effectifs dans la mission « Écologie ». Nous sommes passés de 36 212 à 35 865 ETP entre la LFI 2021 et le PLF 2022, soit une diminution de 1,4 % du plafond d'emplois. Des opérateurs comme Météo France, le Cerema, l'IGN perdent chacun plusieurs dizaines d'emplois. Au niveau régional, les DREAL sont vidées de toutes substances et perdent encore 23 ETP. Les directions interdépartementales des routes sont à nouveau affaiblies et seront probablement transférées aux collectivités territoriales, dans le cadre du projet de loi 3DS. Quant à l'OFB, il ne bénéficie d'aucune création de postes. Il n'y a que 1 900 agents au niveau national, chargés de constater et de sanctionner les atteintes à l'environnement. Ces éléments ne nous satisfont pas du tout.
M. François Calvet, rapporteur pour avis. - J'approuve vos remarques sur les personnels.
La question des HLM ne relève pas du périmètre de cet avis budgétaire.
Concernant les délais de traitement des dossiers de rénovation des bâtiments, selon les chiffres que nous a fournis l'ANAH, 98 % des dossiers complets déposés sont traités dans les 15 jours ouvrés pour l'engagement et 83 % pour le paiement.
M. Jean-François Longeot, président. - Nous passons maintenant à l'examen des amendements.
M. François Calvet, rapporteur pour avis. - L'amendement n° I-395 vise à assurer le financement des AASQA, qui sont financées de manière tripartite par l'État, les collectivités territoriales et les entreprises, lesquelles peuvent déduire des montants de taxe générale sur les activités polluantes appliquée aux émissions polluantes (TGAP-Air) dont elles sont redevables les contributions qu'elles leur versent, dans la limite de 171 000 euros ou à concurrence de 25 % des cotisations de taxe dues.
Cet amendement vise à relever le plafond de déductibilité des contributions des entreprises de 171 000 à 250 000 euros, et le taux maximum de déduction de 25 à 50 %, afin d'inciter les entreprises à augmenter leurs versements. Cette augmentation est indispensable pour permettre aux AASQA d'assumer leurs missions dans de bonnes conditions.
La commission adopte l'amendement n° I-395.
M. François Calvet, rapporteur pour avis. - L'amendement n° I-396 vise à affecter une part de TICPE aux intercommunalités et aux régions ayant respectivement élaboré des plans climat-air-énergie-territoriaux (PCAET), des schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (SRADDET) ou un schéma régional climat, air, énergie (SRCAE) (dans le cas particulier de la région Île-de-France). Le dispositif prévoit de surcroît que les modalités d'attribution de cette part soient fixées dans le contrat de relance et de transition écologique (CRTE) conclu entre l'État et la collectivité ou le groupement concerné, la région pouvant être cocontractante des contrats avec les collectivités locales de son territoire. Cet amendement est d'autant plus important que la loi « Climat et résilience » a imposé l'intégration des objectifs de développement des énergies renouvelables dans les SRADDET.
La commission adopte l'amendement n° I-396.
M. François Calvet, rapporteur pour avis. - L'amendement n° II-36 vise à accroître les moyens du Fonds Chaleur de 350 à 450 millions d'euros, afin de permettre de financer l'ensemble des projets actuellement en file d'attente.
La mobilisation de fonds supplémentaires semble en effet indispensable au rattrapage du retard conséquent pris par la France par rapport aux objectifs de la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE).
D'après certaines informations recueillies, l'État pourrait pour partie satisfaire cette demande en augmentant les moyens du Fonds Chaleur de 50 millions d'euros.
M. Jean-François Longeot, président. - C'est une excellente initiative conjointe portée par le rapporteur et M. Martin, qui permettra de débloquer un certain nombre de dossiers.
La commission adopte l'amendement n° II-36.
M. François Calvet, rapporteur pour avis. - L'amendement n° II-34 vise à augmenter les moyens mis à disposition du Haut conseil pour climat (HCC) de 300 000 millions d'euros, enveloppe qui permettrait d'accroître ses effectifs de 4 ETP. Je rappelle que l'homologue britannique du HCC compte 24 ETP, contre 6 seulement pour le HCC français. Cela doit permettre d'éviter le recours à des cabinets privés pour analyser nos politiques climatiques, comme cela a été le cas en amont de l'examen de la loi « Climat et résilience ».
M. Joël Bigot. - Le ministère de la transition écologique a été le principal contributeur à la réduction d'ETP dans les services de l'État.
Concernant l'Ademe, je signale que des missions sont actuellement assurées jusqu'en juin prochain par des intérimaires qui ont été recrutés dans le cadre du plan de relance. On ne sait pas quel sera le devenir de ces missions après juin.
En matière de moyens humains mobilisés pour la transition écologique, on est bien en dessous de ce que mobilisent d'autres États européens. Il y a une stratégie du Gouvernement de confier à des acteurs privés des missions qui n'auront plus d'intérêt public que le nom. Je suis très inquiet à cet égard. Si le ministère de la transition écologique veut assurer une mission de service public, il doit s'en donner les moyens en mobilisant des personnes dédiés à cette mission.
M. François Calvet, rapporteur pour avis. - Concernant l'Ademe, je partage votre préoccupation. Les intérimaires ont été recrutés pendant 18 mois grâce au plan de relance, mais on ne se sait pas si ces postes seront pérennisés.
M. Joël Bigot. - Je rappelle que l'Ademe a contribué à hauteur de 600 emplois aux réductions d'effectifs sur l'ensemble du quinquennat.
La commission adopte l'amendement n° II-34.
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits relatifs à la transition écologique et au climat de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » et de la mission « Plan de relance », sous réserve de l'adoption de ses amendements.
Projet de loi de finances pour 2022 - Crédits relatifs à l'aménagement numérique des territoires de la mission « Économie » et de la mission « Plan de relance » - Examen du rapport pour avis
M. Jean-François Longeot, président. - Je demande à présent à Jean-Michel Houllegatte de nous rejoindre pour présenter son avis sur les crédits relatifs à l'aménagement numérique des territoires.
M. Jean-Michel Houllegatte, rapporteur pour avis. - Merci monsieur le Président. Mes chers collègues, je suis heureux de vous présenter ce matin mon avis sur les crédits relatifs à l'aménagement numérique du territoire. Je voudrais en préambule vous livrer une information qui a son importance : la loi visant à réduire l'empreinte environnementale du numérique promulguée le 15 novembre est parue hier au Journal officiel. C'est donc désormais la loi n° 2021-1485 du 15 novembre 2021.
Pour en revenir à cet avis budgétaire, je rappelle que ses crédits sont exclusivement inscrits dans le programme 343 « Plan France Très Haut Débit » de la mission Économie, et parallèlement, au sein de la mission consacrée au Plan de relance. Comme l'année passée, mon avis budgétaire porte principalement sur le soutien au déploiement des réseaux fixes. Néanmoins, je ferai un point sur l'avancement du New Deal mobile, qui me semble un sujet essentiel à évoquer dans le cadre des travaux de notre commission, même si le New deal ne fait pas l'objet à proprement parler d'un engagement budgétaire de l'État.
Commençons donc cette intervention par une présentation des crédits associés au déploiement des réseaux fixes sur le territoire.
Ces crédits s'inscrivent dans le cadre du plan France Très Haut Débit lancé en 2013, qui vise la couverture intégrale de la population en très haut débit fixe d'ici 2022, dont 80 % en fibre optique jusqu'au domicile, technologie ayant vocation à être généralisée sur l'ensemble du territoire en 2025. Un objectif intermédiaire de couverture intégrale de la population en « bon » haut débit (supérieur à 8 Mbit/s) a été fixé à la fin d'année 2020.
Les déploiements s'effectuent selon deux grandes zones :
- d'une part, la zone d'initiative privée, qui comprend la zone très dense, fixée par l'Arcep, et une zone moins dense dans laquelle l'initiative privée a été jugée suffisante à la suite d'appels à manifestations d'intérêt d'investissement (AMII) lancés par la puissance publique ;
- et, d'autre part, la zone d'initiative publique qui correspond à des territoires plus ruraux dans lesquels les déploiements sont réalisés par les collectivités dans le cadre de Réseaux d'initiative publique (RIP) ou par des opérateurs privés - en association avec les collectivités - dans les zones dites AMEL.
Au moment de son lancement en 2013, le plan France très haut débit ne disposait malheureusement que de 3,3 milliards d'euros dédiés au déploiement des RIP via le Guichet « France Très Haut Débit ». Ces moyens étaient clairement insuffisants pour atteindre les objectifs du plan : en 2019, 6 ans après l'ouverture du guichet, 25 départements n'avaient pas encore finalisé leur plan de financement. En février 2020, le Gouvernement avait annoncé une enveloppe complémentaire de 280 millions d'euros constituée de crédits « recyclés » à partir des premiers déploiements. Là encore, les moyens n'étaient pas à la hauteur des attentes : notre commission, appuyée par l'ensemble du Sénat, a régulièrement alerté le Gouvernement sur la nécessité de prévoir des autorisations d'engagement supplémentaires afin de couvrir les besoins de financement estimés à l'époque à 500 millions d'euros.
La crise sanitaire a marqué un tournant : les demandes émanant des territoires ont enfin trouvé un écho. D'une part, à l'initiative du Sénat, une rallonge de 30 millions d'euros a été adoptée dans le projet de loi de finances rectificative n° 3 pour 2020. Surtout, le plan de relance a prévu 240 millions d'euros supplémentaires. En cumulé, en ajoutant à ces moyens les 300 millions d'euros correspondant à des crédits dégagés sur les RIP antérieurs, ce sont 570 millions d'euros supplémentaires qui ont été mis à disposition du plan France très haut débit.
Tout cela a porté ses fruits : aujourd'hui, l'ensemble des départements - je parle au conditionnel - seraient en passe de compléter leur plan de financement pour la généralisation de la fibre d'ici 2025. Je me félicite de cette évolution qui constitue une avancée pour le développement de nos territoires et une victoire politique pour notre assemblée, engagée depuis de nombreuses années en faveur de la couverture numérique.
Je souhaite malgré tout dresser un état des lieux des déploiements et partager avec vous certaines préoccupations.
Tout d'abord, les résultats en cette fin d'année 2021 du déploiement de la fibre et du «?bon?» haut débit semblent satisfaisants :
- En 2020 et en 2021, le déploiement de la fibre a été marqué par un dynamisme «?record?» : entre 2020 et 2021, 6,2 millions de locaux ont été rendus raccordables à la fibre optique, portant à 74 % la part des locaux raccordables à cette technologie. La zone RIP a en particulier bénéficié de cette dynamique, ce qui témoigne des résultats positifs du plan FTHD. À cette tendance très positive s'ajoute un rythme soutenu d'abonnement à la fibre : 1 million d'abonnements supplémentaires ont été contractés rien qu'au cours du deuxième semestre 2021. 2021 a d'ailleurs marqué un point de bascule : pour la première fois, le nombre d'abonnements au très haut débit a dépassé celui des abonnements au haut débit, type ADSL.
- S'agissant du « bon » haut débit, l'échéance de couverture intégrale fixée à fin 2020 semble globalement respectée : selon l'ANCT, à la fin du mois de décembre 2020, la couverture en bon haut débit a atteint « quasiment 100 % des foyers et entreprises ». Comme l'année passée, je regrette toutefois l'absence d'outil de suivi dédié à cet objectif, même si la mise en ligne par l'Arcep en avril dernier de la plateforme « Ma connexion internet » - qui met à la disposition du public le débit accessible à une adresse donnée - constitue une avancée.
En revanche, les retards de déploiement persistent dans la zone AMII : je rappelle qu'il s'agit d'une zone peu dense, dans laquelle certains opérateurs avaient pris des engagements contraignants de couverture intégrale avant la fin 2020. D'après les informations que j'ai pu rassembler au cours des auditions, l'objectif n'a pas été tenu : Orange n'a rendu raccordables que 81 % des locaux des communes sur lesquelles la société s'était engagée, et ce taux est de 90 % pour SFR.
Par ailleurs, les inquiétudes que j'avais exprimées l'an dernier sur les zones très denses se confirment : le rythme des déploiements y demeure insuffisant. Un écart continue à se creuser entre des villes comme Paris et Lyon (pour lesquelles il y a une appétence des opérateurs à déployer car il y a véritablement un marché) dans lesquelles la couverture en fibre est assurée à 95 %, et d'autres comme Lille et Marseille, où la couverture n'est que, respectivement, de 53 % et 69 %, soit un niveau très inférieur à la couverture moyenne des zones très denses qui s'établit à 86 %. Je rappelle que dans ces zones, conformément à la logique établie en 2013, l'intervention financière des pouvoirs publics n'est pas permise. J'invite toutefois les pouvoirs publics à une vigilance extrême, afin que ces disparités ne se traduisent pas par de nouvelles fractures numériques dans nos territoires, et en particulier dans les territoires denses pour lesquels on considère que le problème est réglé.
Ce point sur l'avancée des déploiements étant fait, je souhaite que nous tracions des perspectives allant au-delà des strictes échéances de couverture territoriale. À mon sens, deux thématiques sont appelées à devenir prioritaires : d'une part, la qualité des raccordements et, d'autre part, la lutte contre l'exclusion numérique qui constitue d'ailleurs un volet du plan de relance.
Commençons par les raccordements : il s'agit d'un enjeu croissant. On pourrait dire que la loi de Pareto s'applique, la fameuse loi des « 80/20 » : il va rester 20 % de déploiements à faire soit à peu près 12 millions de locaux à fibrer, mais ce ne sont pas les réseaux les plus faciles. Même si à travers les RIP, les collectivités ont une stratégie de déploiement qui prévoit la complétude et qui ne s'intéresse pas à la « taille du marché », un certain nombre de problèmes vont se poser notamment sur la question de la qualité de l'exploitation des services numériques. Si je devais utiliser une métaphore tirée du secteur du bâtiment, je dirais que la hausse des moyens relatifs au déploiement des réseaux nous a permis de réaliser le gros oeuvre. Il nous reste désormais à effectuer les finitions. Sur cette problématique, je souhaite aborder trois points en particulier :
- premièrement, les raccordements finaux jusqu'à l'abonné : le recours à la sous-traitance par les opérateurs d'immeubles et parfois même à une cascade de sous-traitants serait responsable d'une dégradation importante de la qualité des raccordements finaux. Les remontées de terrain font état d'importants désordres (tels que la fixation chaotique de boîtiers ou encore des débranchages injustifiés...) qui ne sont pas acceptables compte tenu des importants moyens mobilisés et des attentes de nos concitoyens. Nous avons alerté là-dessus la Fédération française des télécoms, qui travaille à l'élaboration de nouveaux contrats de sous-traitance comportant des possibilités de mise en demeure et de sanction à l'encontre des sous-traitants peu scrupuleux responsables de ces malfaçons. C'est un sujet extrêmement important et sensible ;
- deuxièmement, j'ai quelques inquiétudes sur le financement des raccordements à la fibre dits « complexes », notamment en milieu rural lorsque les locaux ne sont pas à proximité immédiate des voies publiques. Le Gouvernement a proposé 150 millions d'euros pour les prochaines années : l'Avicca estime cette somme insuffisante, et souhaite que des moyens pérennes soient prévus à plus long terme, car la problématique des raccordements complexes ne s'éteindra pas en deux ans ;
- enfin, la question du bon adressage demeure préoccupante dans nombre de territoires ruraux et peut constituer un frein à la commercialisation des réseaux. Je souhaite que le programme « Bases Adresses Locales » lancé par l'ANCT permette rapidement d'outiller les communes dans la production de bases d'adresses précises et fiables, qui facilitent le travail des opérateurs et la vie de nos concitoyens.
A ces trois points, on peut ajouter des difficultés en matière de recrutement de main d'oeuvre qualifiée : même si des efforts en matière de formation ont été faits il y a une situation de pénurie de ceux qu'on appelle les « plombiers du numérique ». On peut dire que le plan FTHD ne peut être un succès total qu'à la condition de réussir l'étape du raccordement, dernier maillon de la chaîne du déploiement.
Enfin, alors que les déploiements avancent à bon train, il me semble que l'attention des pouvoirs publics devrait progressivement se porter également sur la question de l'inclusion numérique.
250 millions d'euros sont prévus dans le Plan de relance pour cette question, à travers trois dispositifs. L'un d'entre eux me semble particulièrement complémentaire des questions d'aménagement numérique, j'ai donc souhaité en faire un axe de mon rapport : il s'agit de l'objectif de recruter et déployer sur l'ensemble du territoire 4 000 conseillers numériques d'ici fin 2022, afin de former les personnes rencontrant des difficultés dans l'utilisation des outils numériques. Le déploiement de ces conseillers suit son cours, sous l'égide de l'ANCT : 3 732 ont déjà été recrutés ou sont en cours de recrutement ; parmi eux, 1 789 sont en cours de formation et, enfin, 590 seraient déjà en service sur le terrain. Cette dynamique est positive. Néanmoins, la lutte contre l'illectronisme nécessite des moyens pérennes, aussi je souhaite que le Gouvernement dote cette politique d'une trajectoire financière allant bien au-delà du plan de relance.
Sous le bénéfice de l'ensemble de ces observations, je donnerai donc un avis favorable aux crédits du projet de loi de finances relatifs à l'aménagement numérique du territoire.
Enfin, après avoir abordé les sujets relatifs aux réseaux fixes, il me semble nécessaire, dans un dernier temps de mon propos, de faire un point rapide sur la mise en oeuvre du New Deal mobile, bien que ce programme de déploiement des réseaux mobiles ne fasse pas l'objet d'un soutien budgétaire.
Je rappelle que notre commission a eu un rôle moteur dans la conclusion du New Deal mobile en 2018, par la pression récurrente qu'elle a exercée sur le Gouvernement sur ce sujet.
Concernant le dispositif de couverture ciblée pour lutter contre les zones blanches et la généralisation de la 4G, les résultats apparaissent très positifs :
- pour la couverture ciblée, près de 96 % des sites du premier arrêté avaient été livrés au 30 juin dernier. Quelques retards persistent, mais les résultats globaux sont en phase avec les objectifs du New Deal mobile ;
- s'agissant de la généralisation de la 4G également, les résultats sont plutôt probants : si l'objectif de couverture intégrale fin 2020 n'a pas été parfaitement tenu, on estime qu'entre 97 % et 99 % des sites mobiles sont désormais équipés en 4G. Le basculement de la 3G vers la 4G se poursuit donc, conformément aux objectifs.
Concernant le troisième axe relatif à la couverture des axes routiers prioritaires, l'objectif de couverture intégrale pour la fin 2020 semble globalement atteint : l'Arcep indique que 99 % des axes routiers prioritaires sont désormais couverts en très haut débit mobile.
Enfin, le dernier axe relatif au déploiement des solutions de 4G fixe constitue un sérieux bémol : sur les 510 sites déjà ciblés par arrêté, seuls 75 étaient en service fin juin 2021. Je rappelle que les services de 4G fixe permettent d'offrir une connexion non filaire aux territoires qui ne bénéficieront pas immédiatement de la fibre. En ce sens, leur déploiement est essentiel et indissociable de l'objectif de « bon » haut débit pour tous fixé par le plan France très haut débit et je souhaite que les opérateurs remplissent les engagements pris auprès de l'Arcep.
Voici mes chers collègues, les grandes lignes de mon avis sur l'aménagement numérique du territoire. Je vous propose donc donner un avis favorable aux crédits du plan France Très Haut Débit et aux crédits du Plan de relance relatifs au numérique.
M. Jean-François Longeot, président. - Merci Monsieur le rapporteur, je cède la parole à Bruno Belin.
M. Bruno Belin. - Merci Monsieur le Président et un coup de chapeau au rapporteur pour cette présentation fluide et très claire. Est-ce que le compte des 5 000 pylônes annoncés y est ? Sur la fibre, sait-on si on peut avoir un avancement différencié sur les territoires ? Dans le débat sur les déserts médicaux, une des solutions avancées est celle de la télémédecine. Mais pour que cela fonctionne, il faut que la fibre soit présente sur les territoires concernés. Peut-on avoir des engagements différenciés selon les territoires ? En tout cas, merci pour cette présentation très claire sur un sujet essentiel en matière d'aménagement du territoire.
M. Jean-François Longeot, président. - Je donne à présent la parole à Martine Filleul.
Mme Martine Filleul. - Je voudrais également remercier Jean-Michel Houllegatte pour la qualité de son rapport. J'ai tout compris, ce qui est vraiment une belle performance ! Mais je voudrais insister sur la dimension « exclusion numérique » pour que nous prenions vraiment conscience de la catastrophe sociale que représente l'illectronisme : un Français sur deux ne se sent pas à l'aise avec les démarches numériques. On ne mesure pas assez combien de Français se sentent abandonnés du fait de la numérisation des services publics. Et je pense que la manière dont le Gouvernement s'est emparé de cette question n'est pas complètement satisfaisante : au-delà de la question des conseillers numériques, on voit bien que la stratégie des « pass numériques », des Hubs numériques, ne répond pas à l'attente des personnes qui ont besoin qu'on aille vers eux pour les former, les sensibiliser au numérique et pour faire en sorte qu'il y ait encore un lien entre les Français et les services publics. Il faut absolument que dans notre mission d'aménagement du territoire, on prenne en compte cette mission de l'inclusion numérique.
M. Jean-François Longeot, président. - Merci, je donne la parole à Gilbert Favreau.
M. Gilbert Favreau. - On vient de parler de l'illectronisme, mais il y a un autre sujet qui préoccupe beaucoup les territoires qui ne sont pas fibrés : c'est le maintien en état du réseau cuivre d'Orange. C'est un véritable problème qui concerne la France entière : aujourd'hui, il semble qu'Orange joue un peu la montre et, que ce soit sur les réseaux que cet opérateur utilise ou ceux loués à d'autres opérateurs, il y a un déficit d'entretien majeur sur l'ensemble du réseau cuivre qui pose d'énormes problèmes dans les zones rurales où les utilisateurs n'ont ni internet ni téléphone. Il est particulier d'évoquer cette question dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances, néanmoins on ne peut laisser de côté cette préoccupation majeure de nos territoires ruraux.
M. Jean-François Longeot, président. - La parole est à Stéphane Demilly.
M. Stéphane Demilly. - Je vais reprendre les propos de Martine Filleul, avec des mots un peu différents pour parler de l'aménagement tant internet que téléphonie mobile. Quand on dit qu'il y a 98 % ou 99 % des habitants qui sont desservis par la téléphonie mobile, je suis extrêmement sceptique. Il faudrait peut-être qu'un jour, nous recevions l'Arcep pour comprendre ce qu'on entend par « desserte ». Lorsque j'étais à l'Assemblée nationale, je me souviens être allé dans des villages que l'Arcep considérait comme desservis par la téléphonie mobile, pourtant je n'avais pas de possibilité de téléphoner : s'il faut monter en haut d'un escabeau dans un grenier pour considérer qu'on est desservi par la téléphonie mobile, je trouve que ce n'est pas le bon critère d'analyse. Il serait bon qu'on puisse recevoir l'Arcep pour évoquer cette situation sur le territoire. Et le deuxième sujet qui me paraît important : c'est celui qui a été évoqué par le rapporteur, qui concerne la mutualisation. Quand un village est desservi, malheureusement, dans 95 % des cas il n'y a qu'un seul opérateur. La fameuse technique du « roaming » est plus dans la théorie que dans la pratique.
M. Jean-François Longeot, président. - Je donne la parole au rapporteur.
M. Jean-Michel Houllegatte, rapporteur pour avis. - En ce qui concerne le New Deal, c'est vrai qu'il y a de l'inertie. Il faut savoir que les premiers arrêtés ont été pris en 2018 : sur ces premiers arrêtés, visiblement il n'y a pas eu de grosse difficulté dans les deux ans. Il y a eu d'autres arrêtés en 2019, 2020 et 2021. On est à l'heure actuelle, sur les 5 000 sites prévus, à environ 3 000 sites identifiés. Les arrêtés de 2019, doivent arriver à échéance au 31 décembre 2021. Les opérateurs nous font part parfois de difficultés. On a débattu récemment sur un phénomène nouveau de spéculation sur les infrastructures qui apparaît. La proposition de loi visant à réduire l'empreinte environnementale du numérique a permis d'avancer, sa promulgation est une bonne chose : des opérateurs d'infrastructures qui veulent acquérir un terrain aux fins d'y installer un pylône devront, à présent, être mandatés par un opérateur de téléphonie. Autre problématique : on constate à l'heure actuelle des pylônes qui fonctionnent avec des groupes électrogènes parce qu'ils ne sont pas raccordés au réseau électrique, c'est une aberration. Cela veut dire qu'il y a des retards considérables de la part d'Enedis pour pouvoir viabiliser ces pylônes.
Pour en revenir à la question sur l'inclusion numérique de Martine Filleul : premièrement, la technologie ne va pas régler le problème. Le problème est culturel. Il y a un piège dans lequel il ne faut pas tomber : c'est de dire que les conseillers numériques seront placés chez France Services. Généralement, ce ne sont pas les gens les plus éloignés du numérique qui s'y rendent. Il va falloir que les conseillers numériques aillent vers les personnes en difficulté. Il y a déjà des initiatives qui sont prises : des conseillers vont par exemple sur les marchés. L'autre problème sera bien évidemment celui de la pérennisation.
Concernant la question de Gilbert Favreau : sur le cuivre, je crois que vous avez tout à fait raison de citer cela. L'État a souhaité que l'effacement du cuivre, qui est prévu, se fasse selon une expérimentation. Une expérimentation se déroule dans les Yvelines dans la commune de Lévis-Sain-Nom. Au regard de cette expérience, des protocoles vont être mis en place. Peut-être que des injonctions seront également à adresser à Orange, pour rappeler que le réseau cuivre a toute son utilité et qu'il est important de continuer à s'y intéresser.
Concernant la question de Stéphane Demilly : le sujet est compliqué. L'Arcep a mis en place le site « Monréseaumobile.fr » qui permet de tester la connexion. Ensuite, il y a des technologies « in door » qui ne sont pas employées : si vous avez une box internet, et un téléphone pas forcément « dernier cri », vous avez une option permettant de téléphoner par le biais de la box. Ce n'est peut-être pas satisfaisant, mais c'est une possibilité. Les gens ne le savent pas parce que ce n'est pas activé automatiquement sur le téléphone. Ensuite, par rapport au New Deal et à l'objectif des 5 000 pylônes : peut-être faudra-t-il, une fois l'objectif atteint et après avoir fait des progrès de mutualisation - ce qui n'est pas toujours facile, il faut que les pylônes puissent être adaptés à cette mutualisation de façon à ce qu'il n'y ait pas de redondance - prévoir de nouveaux sites ou des technologies particulières pour traiter les zones blanches restantes.
M. Jean-François Longeot, président. - Merci Monsieur le rapporteur. La parole est à Eric Gold.
M. Éric Gold. - Pour compléter les propos du rapporteur et des intervenants, on peut tous être d'accord sur l'importance du numérique pour l'aménagement des territoires. Je pense qu'il faut insister sur un point qui est important pour les élus locaux : la lisibilité en matière de couverture numérique. Quand un administré vient voir un élu pour demander quand il sera fibré, on est dans l'incapacité souvent de pouvoir lui répondre et cela génère une frustration sur les territoires. En matière d'illectronisme, il ne faut pas penser que l'illectronisme est un manque de couverture numérique. Il y a un coût du matériel, un problème de formation. Dans le cadre d'une mission d'information mise en place il y a quelques temps à l'initiative du groupe « Rassemblement démocratique et social européen », nous avons entendu parler d'expériences très innovantes. On pourrait auditionner des territoires qui ont des expériences à partager, notamment en relation avec le groupe d'études « Numérique » qui est présidé par notre ancien collègue Patrick Chaize.
M. Jean-Michel Houllegatte, rapporteur pour avis. - Je voudrais compléter un point : en général dans les RIP, il y a une vision prospective et une programmation technique. C'est compliqué d'installer un réseau : il y a d'abord ce qu'on appelle un « back bone », qui constitue le réseau en dur. Ensuite, ce réseau a des ramifications, ce qu'on appelle les réseaux de collecte ou de desserte. Il faut être attentif à ce que, lorsqu'il y a un raccordement à un abonné, il y ait une architecture permettant la complétude. Que le réseau soit bien dimensionné pour, à terme, servir tout le monde. Les collectivités ont bien pris conscience de tout ça, ce n'était pas le cas au début. Normalement, dans le cadre des RIP, les calendriers de programmation de travaux sont faits, on a des cartes de déploiement des réseaux. Même si parfois, à côté, des opérateurs déploient aussi leurs propres réseaux, s'ils constatent qu'il y a un marché avec les entreprises.
M. Jean-François Longeot, président. - La parole est à Patricia Demas.
Mme Patricia Demas. - Merci Monsieur le Président. Je voulais attirer votre attention sur la résilience des réseaux, alors que les opérateurs ont parfois à faire à de grands nombres de sous-traitants en cascade ce qui met les maires en première ligne sur la qualité des travaux réalisés dans leur commune et sur la résilience des réseaux à terme. Y a-t-il un moyen de réguler ou d'avoir une charte de qualité par rapport à cette cascade de sous-traitants ?
M. Jean-Michel Houllegatte, rapporteur pour avis. - Deux choses : la première, on incite fortement l'Arcep à jouer son rôle de gendarme. On constate que l'Arcep est un peu trop conciliante. C'est une impression personnelle, mais il me semble que nous sommes désormais dans une phase de conciliation. La deuxième : les opérateurs savent que c'est leur talon d'Achille, ils ont donc fait un peu le ménage chez eux en éditant un guide de bonnes pratiques avec des protocoles. Mais on n'échappe pas à la loi du marché qui conduit à des cascades de sous-traitants.
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 343 de la mission « Économie » et des crédits relatifs à l'aménagement numérique de la mission « Plan de relance ».
Projet de loi de finances pour 2022 - Crédits relatifs aux transports aériens - Examen du rapport pour avis
Mme Évelyne Perrot, rapporteure pour avis. - J'ai le plaisir de vous présenter, pour la deuxième année consécutive, l'avis « Transports aériens », portant principalement sur les crédits du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens ».
En préambule, au moment où 255 Airbus viennent d'être commandés à notre fleuron industriel aéronautique, il convient de rappeler que la France est un des deux seuls pays au monde à pouvoir exercer un pouvoir de marché sur la moitié de la flotte mondiale et la faire évoluer vers une « mobilité verte en altitude ». Cela lui permet et même lui impose, au-delà des discours, d'agir positivement pour la planète en réussissant la décarbonation de l'aérien ou plus précisément, comme disent les ingénieurs d'Airbus, sa « défossilisation » - puisque, par exemple, les biocarburants recyclent le carbone présent dans les plantes ou les arbres. Le soutien et la déstigmatisation équitable de l'aérien sont donc un des socles de la capacité de notre pays à préserver sa souveraineté, ses emplois industriels haut de gamme, à financer sa dette - et donc ses « fins de mois » - ainsi que ses investissements de décarbonation, tout en diffusant des innovations climatiquement bénéfiques à d'autres secteurs et d'autres continents.
Je commence donc pas les crédits du budget annexe.
On nous propose, pour 2022, un total de 2,4 milliards d'euros de dépenses avec une masse salariale de 1,2 milliard d'euros pour un effectif de 10 000 personnes. Les 5 % de hausse correspondent à l'augmentation des remboursements d'emprunts.
- Les recettes, prévues en hausse, sont encore lourdement affectées par la baisse du trafic sur lequel elles sont indexées. 1,67 milliard d'euros de recettes seraient encaissées en 2022 dont 1,33 milliard d'euros de prestations de contrôle aérien - à quoi s'ajoutent 330 millions d'euros de taxe de l'aviation civile. Par rapport à 2021, l'augmentation serait de 480 millions d'euros (+ 38 %), ce qui découle d'une vision assez optimiste de la reprise du trafic aérien.
- Pour couvrir le déficit, il est prévu en 2022 d'emprunter 710 millions d'euros. Cette évolution va dans le bon sens au regard de l'endettement supplémentaire qui s'ajoute aux 1,26 milliard d'euros pour 2021 et 1,25 milliard d'euros en 2020. La dette totale du budget annexe atteint 3,3 milliards d'euros.
On a ici une conséquence mécanique de l'effondrement du trafic aérien qui a représenté, par rapport à celui de 2019, 30 % en 2020, près de 40 % en 2021, avec une prévision de 70 % pour 2022, selon la DGAC.
Les espoirs de rééquilibrage du budget reposent sur des prévisions de trafic dont les composantes - tourisme, voyage d'affaires et fret - évoluent différemment.
Selon le scénario médian d'Eurocontrol, l'année 2022 permettrait de revenir à 67 % du niveau atteint en 2019. Les 100 % du trafic aérien, correspondant aux 4 milliards de passagers de 2019, pourraient être à nouveau atteints entre 2024 et 2027 voire 2029. Trois tendances se dessinent principalement :
- des signaux encouragements, un frémissement en ce qui concerne les voyages privés ;
- une plus grande incertitude sur la reprise des voyages d'affaires qui génèrent des marges assez élevées pour les compagnies aériennes ;
- une croissance du fret aérien compte tenu de la situation de paralysie du transport maritime, engorgé et de l'explosion du E-commerce.
Outre l'enveloppe de ce budget annexe (2,4 milliards d'euros), de forts soutiens publics ont jusqu'ici permis au secteur aérien de traverser la crise la plus aiguë de son histoire.
Le Gouvernement évalue à 5,5 milliards le total des pertes des 17 compagnies aériennes de notre pays en 2020 mais aucune n'a été contrainte à déposer son bilan, à la différence, par exemple, de l'entreprise publique italienne Alitalia.
Air France a enregistré des pertes supérieures à ses concurrents en raison de la relative faiblesse de sa flotte d'avions-cargo destinés au fret mais son activité a été soutenue par la poursuite de certains vols entre l'hexagone et les outre-mer. Au-delà des dispositifs généraux de compensation, l'État français a, en 2020, accordé un soutien de 7 milliards d'euros à Air France, en garantie et en prêt, l'aide apportée à KLM par le Gouvernement néerlandais ayant été comparable. Puis, en 2021, confronté aux fonds propres négatifs d'Air France, l'État, avec 1 milliard d'euros est abondé le capital du Groupe au niveau de 28 %, sans toutefois atteindre le seuil de déclenchement d'une OPA obligatoire. L'État a aussi converti en quasi fonds propres le prêt d'actionnaire de 3 milliards d'euros accordé en 2020.
En contrepartie de cette recapitalisation, la commission européenne a imposé à Air France de rendre 18 créneaux quotidiens de décollage ou atterrissage à une autre compagnie aérienne. Les auditions que j'ai conduites ont mis en lumière que cette compensation avait affaibli la compétitivité d'Air France en confortant ses concurrents.
J'en viens à mon second axe qui vous propose de soutenir une décarbonation efficace du transport aérien et de faire un point de situation en ce qui concerne la lutte contre les nuisances sonores aériennes.
Alors que de nombreux secteurs économiques ont amorcé leur transition écologique, de manière à inscrire leur développement en conformité avec les objectifs climatiques que s'est fixé notre pays, le transport aérien a tardé à entreprendre son verdissement. Si ses perspectives de croissance sont pour l'heure remises en cause, il est cependant probable que le transport aérien retrouvera - à plus ou moins long terme, selon l'évolution de la situation sanitaire - le chemin d'un développement soutenu. Les initiatives tendant à verdir le transport aérien doivent donc être poursuivies et accrues pour assurer le respect de nos engagements climatiques.
Dans l'immédiat, la décarbonation de l'aérien passe par des économies de consommation des nouveaux appareils et l'incorporation de biocarburants.
Ces leviers ont leurs limites :
- d'une part, comme l'ont précisé les constructeurs aéronautiques entendus, alors que chaque nouvelle génération d'avion permettait traditionnellement une réduction de 15 % de la consommation de carburant, l'amélioration de l'efficacité énergétique des appareils devrait être multipliée par deux et plus pour contrebalancer les projections haussières de trafic envisagées avant la crise sanitaire ;
- ensuite, le coût des biocarburants ou des carburants de synthèse est aujourd'hui quatre à dix fois plus élevé que celui du kérosène.
Quant à l'avion à hydrogène, dont le rayon d'action se limitera probablement au court/moyen-courrier, il ne se profile qu'à l'horizon 2030-2035. Au-delà même de la problématique de la fabrication d'hydrogène liquide, le défi technologique est considérable. Pour en donner un simple aperçu, les ingénieurs d'Ariane 5 rappellent le volume considérable du réservoir : celui-ci représente les deux tiers de la hauteur du lanceur Ariane alors que le moteur de la fusée fonctionne 10 minutes. Le Gouvernement souhaite donc une mise en circulation vers 2030 tandis que les experts maintiennent plutôt l'échéance 2035.
Si elles doivent continuer à être soutenues par les pouvoirs publics, ces solutions technologiques ne suffiront donc pas, à elles seules, à relever le défi climatique posé au secteur et devront être prolongées par une régulation environnementale plus affirmée.
De premiers jalons ont certes été posés par la loi « Climat et résilience ». Ces dispositions devront nécessairement être prolongées par un approfondissement de la régulation européenne et internationale qui passera notamment par :
- une suppression progressive des quotas gratuits dont bénéficie le secteur depuis son intégration au système des quotas européens en 2012 ;
- un renforcement de CORSIA, mécanisme de compensation des émissions de CO2 de l'aviation internationale, adopté en 2016, entrant progressivement en vigueur dès 2021. La COP26, qui vient de se clore à Glasgow, n'a malheureusement pas abouti à un relèvement de l'ambition du mécanisme, comme l'avait envisagé la présidence britannique. L'Union européenne devra en conséquence s'interroger sur la pertinence d'un renforcement du marché ETS, par une intégration des vols internationaux extra-européens, exclus du mécanisme en application de la décision « stop the clock » de 2012.
Je terminerai enfin par la problématique des nuisances sonores aériennes, à laquelle je suis très sensible.
Il est regrettable que l'Autorité de contrôle de ces nuisances (l'ANCUSA) subisse une baisse de ses effectifs le PLF pour 2022 les limite à 11, contre 12 actuellement.
Dans le prolongement des remarques formulées l'année dernière lors de l'examen budgétaire, on ne peut que déplorer l'absence de compensation des pertes de taxe sur les nuisances sonores aériennes assise sur le décollage des aéronefs dont la masse au décollage excède 2 tonnes. Pour 2020 et 2021, les pertes de recettes sont estimées par la DGAC à environ 60 millions d'euros, soit plus d'une année de recettes - cette taxe étant plafonnée à 55 millions d'euros par an depuis 2016. En ajoutant le manque à gagner prévu pour 2022, le déficit sur trois ans atteindrait 82 millions d'euros. En conséquence, dans le périmètre des plans de gêne sonore qui concernent 3 millions d'habitants, un certain nombre de dossiers d'insonorisation sont prêts, en particulier dans des hôpitaux ou dans des logements sociaux, mais ne peuvent pas être financés. Je vous proposerai donc, comme l'année passée, un amendement afin que l'État compense la perte des recettes de TSNA pour les années 2020, 2021 et 2022, à hauteur de 82 millions d'euros.
Je vous propose d'émettre un avis favorable à l'adoption des crédits relatifs aux transports aériens, sous réserve de l'adoption de l'amendement que je vous ai présenté.
Je souligne enfin le sentiment général d'inquiétude qui s'est manifesté au cours des auditions, ce qui témoigne des difficultés qu'affrontent les acteurs du transport aérien, à l'exception des représentants des constructeurs d'avions qui ont été plus optimistes.
M. Gilbert-Luc Devinaz. - En premier lieu, je partage les préoccupations qui ont été exprimées à propos de l'impact des nuisances sonores sur la santé et la quiétude des riverains de nos aéroports.
En ce qui concerne la situation générale du secteur, personne ne peut nier les difficultés liées à la pandémie. Des aides publiques ont permis à nos compagnies aériennes de passer le cap, mais on doit s'attendre à des conséquences industrielles qui ne seront pas neutres pour la France. L'augmentation des redevances de navigation aérienne ne va pas faciliter un retour du trafic au niveau de 2019 dès 2024 : je ne suis pas persuadé qu'il se produise et la rapporteure a souligné l'incertitude de cet espoir de rétablissement, surtout pour les voyages professionnels ou même universitaires. Je me demande surtout s'il est souhaitable. J'ai aussi noté la réduction de la voilure des recrutements de futurs contrôleurs aériens à l'École nationale de l'aviation civile (ENAC). Vous avez également évoqué la COP 26 : sans entrer dans l'analyse de ses résultats, l'urgence climatique s'impose tout comme la nécessité d'y répondre.
En même temps, au tout récent salon de Dubaï, le secteur semble renouer avec une certaine euphorie en envisageant de multiplier par cinq, d'ici 2040, le nombre d'habitants de la planète qui vont pouvoir prendre l'avion, en tablant sur la possibilité d'utiliser les nouveaux carburants que vous avez évoqués, mais qui ne seront pas opérationnels avant 2030- 2035.
J'ai donc l'impression que nous vivons une période antagoniste entre ce qui se dit à Glasgow et du côté de Dubaï, même si je suis conscient que, pour se rendre à la COP 26, plus de 400 avions ont été utilisés ! Tout compte fait le moment n'est-il pas venu de prendre le virage de la sobriété dans le secteur aérien ? Cela va se faire dans les entreprises - j'en ai rencontré un certain nombre qui envisagent sérieusement une réduction des voyages d'affaires - et il en va de même pour les Universités ou la recherche. D'où la question de savoir dans quelle mesure le Gouvernement est prêt à accompagner le secteur dans ce sens restrictif.
M. Ronan Dantec. - Merci à la rapporteure, qui nous a apporté beaucoup d'éléments d'informations et je rejoins pleinement les propos de Gilbert Devinas : on ne va pas pouvoir faire cohabiter deux discours en même temps et le secteur aérien risque de pâtir des propos contradictoires que tiennent ses diverses composantes. Notre responsabilité politique sera, à un moment donné, de trancher et je ne crois pas un instant que le transport aérien européen - au niveau mondial, c'est une autre affaire - va pouvoir retrouver des seuils ou des niveaux de croissance d'avant crise. Ce n'est pas possible, sans quoi l'Europe ne tiendrait pas ses engagements de réduction de CO2 et aussi parce qu'il n'y a quasiment aucune perspective industrielle consistante. Cette « fable » technologique, portée par une partie du secteur aérien risque de lui porter tort et j'ajoute qu'avant de passer du prototype à la production en série, il va se passer beaucoup de temps. Par ailleurs, s'agissant des biocarburants, si on fait, par exemple, un simple calcul sur les surfaces qui seraient nécessaires pour produire de l'huile de palme, ça ne marche pas non plus : il faut le souligner. Je suis assez vif dans mes propos car je pense que tout cet affichage joue contre le secteur aérien. Celui-ci incarne, au niveau international, les contradictions de nos sociétés face à la gravité du risque climatique et c'est donc sur l'aérien qu'une grande partie de la contestation risque de se diriger. Seul un discours clair lui permettrait de s'en sortir, et pour l'instant ce n'est pas le cas. Vous avez bien dressé le panorama de toutes les stratégies qui sont présentées mais elles sont contradictoires.
Notre responsabilité politique est de sortir de la contradiction, d'abord en assumant la nécessité du transport aérien et le fait qu'il va rester émetteur de gaz à effet de serre parce qu'il n'y a pas d'alternative technologique possible dans les vingt à trente prochaines années. Nous devons ensuite faire en sorte que l'aérien compense ses émissions alors qu'il cumule un nombre inimaginable d'exonérations fiscales et sociales, ce qui aboutit à un dumping de l'État contre l'environnement et contre le ferroviaire.
Il faut donc partir de l'idée qu'une partie du transport aérien européen va rebasculer sur le rail et redimensionner les investissements sur le ferroviaire pour le rendre plus compétitif. De plus, le prix du billet d'avion doit absolument augmenter pour refléter la réalité de ses coûts. Or on voit bien, par exemple, que le dirigeant d'Air France Benjamin Smith se bat férocement contre toutes les taxes et finalement contre le fait que le transport aérien puisse être traité comme les autres, en semblant se baser sur l'idée que le secteur doit continuer de se développer. Nous devons, au contraire, accompagner le fait que l'aérien ne retrouvera pas son niveau d'avant crise et, d'ailleurs, cela facilitera la gestion des aéroports. Par exemple, à Nantes, il y a quinze ou vingt ans, j'étais seul à défendre l'interdiction des vols de nuit contre tous les représentants des milieux économiques tandis qu'aujourd'hui le consensus a été réuni : il n'y aura plus de vol de nuit à Nantes. Cela va se généraliser à l'ensemble des aéroports et on gérera ainsi le coût social que représente le bruit pour la santé.
Au niveau européen, la position est assez claire pour préférer au système de compensation CORSIA - qui est une façade - le mécanisme communautaire de plafonnement des quotas de CO2 qui portera la tonne de CO2 entre 50 et 100 euros contre quelques euros dans le CORSIA. À partir de là, le transport aérien sera plus cher, ce qui encouragera le basculement sur le rail.
Contrairement aux apparences, ce n'est pas nécessairement une mauvaise nouvelle pour Airbus parce que cela incitera au renouvellement des flottes plus économes en carburant.
Mme Évelyne Perrot, rapporteure pour avis. - Je rejoins la logique générale de vos analyses tout en faisant observer que sur mon territoire, à 150 km de Paris, on ne dispose toujours pas d'une ligne ferroviaire électrifiée, ce qui montre la nécessité de progresser dans tous les secteurs. Par ailleurs, un certain nombre de petits aéroports risquent de devoir fermer : notre devoir immédiat, face à une telle situation, est aussi de protéger le secteur aérien. Je souligne également que les constructeurs aéronautiques sont réellement et pleinement mobilisés pour amplifier les économies de carburants et la décarbonation des flottes. Dans la situation actuelle qui est très difficile pour l'aérien, on ne peut pas se contenter de préconiser le basculement vers le ferroviaire. N'oublions pas non plus qu'au niveau mondial, deux tiers des commandes d'avions émanent des pays émergents : il est donc souhaitable que nos constructeurs d'avions, fleuron industriel de la France, puissent y répondre en livrant des appareils de plus en plus sobres.
M. Bruno Belin. - Je tiens à formuler des propos différents de mes collègues Gilbert-Luc Devinaz et Roland Dantec. En matière de transport, il y a les croyants et les pratiquants, dont je fais partie, et il y a aussi les non-croyants mais qui sont tout de même pratiquants, comme en témoigne par exemple le nombre considérable d'avions mobilisés pour se rendre à la COP26 de Glasgow.
Il y a surtout des avancées technologiques qu'on ne peut pas nier.
J'entends Ronan Dantec, je parie que dans 20 ans on n'aura guère avancé, mais qui sait où nous serons dans 20 ans... Le Président Longeot a raison : soyons optimistes !
Le premier vol long-courrier avec un avion utilisant uniquement du carburant aérien durable a été effectué entre Paris et Montréal. Telle est la réalité qu'on ne peut pas nier : personne ne sait si ce processus sera généralisé dans 5, 10 ou 20 ans mais on ne peut pas s'opposer à cette évolution vers la sobriété ; c'est comme si on était allé contre le chemin de fer au XIXème siècle...et je ne vois pas ceux qui tambourinent contre l'aviation s'engager solennellement à ne plus prendre l'avion.
La rapporteure a évoqué à juste titre le cas des petits aéroports et je souligne qu'ils ont été très utiles pendant la crise sanitaire : j'ai participé à la première évacuation sanitaire avec ma collègue du Haut-Rhin pour sauver des vies. Les dons et transplantations d'organes dépendent également souvent de la mise en oeuvre de moyens d'aviation civile.
Arrêtons d'opposer l'avion et le train et aussi de parler de dumping fiscal d'Air France car si on alourdit les prélèvements, nous savons très bien qu'il faudra augmenter les allocations, au-delà des 7 milliards de soutien qui ont sauvé cette compagnie.
Sachons exactement de quoi nous parlons : par exemple, les seuls vols restants qui ont été arrêtés à Nantes étaient ceux de la Poste. Juste une dernière remarque pour prolonger les propos de la rapporteure sur le sujet essentiel pour la santé des nuisances sonores : il faudrait prévoir des avantages fiscaux pour les personnes qui réalisent des travaux afin de s'installer à proximité des aéroports et pour les collectivités qui implantent ou gèrent des écoles ainsi que des maisons de santé.
M. Gérard Lahellec. - À mon tour de rendre hommage à la rapporteure pour l'exhaustivité et la différenciation de son approche, ainsi qu'à l'universalité des ambitions qui sont fixées.
J'ai beaucoup entendu ici parler de contradictions, mais comme le rappellent les philosophes, c'est l'état naturel des choses et ne soyons donc pas surpris de devoir les surmonter.
Jusqu'à tout récemment, j'ai présidé les commissions consultatives économiques de quatre aéroports décentralisés. Ceux-ci étaient traditionnellement à l'équilibre d'exploitation, ce qui montre que leurs gestionnaires n'étaient pas inflationnistes en matière de développement aérien : ils se sont appliqués à satisfaire un besoin d'utilité publique et ont dû relever le défi découlant de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales dite Raffarin qui a transféré ces infrastructures aux collectivités territoriales. Deux régions sont essentiellement confrontées à ces réalités : la Corse et la Bretagne, dépositaires de quatre aéroports. Aujourd'hui, ces derniers ne sont plus à l'équilibre et les concessionnaires doivent tenter de compenser les pertes de recettes : je regrette l'absence de soutien de l'État pour y parvenir. Je citerai l'exemple de l'aéroport de Dinard qui n'accueille plus de compagnie commerciale, mais assure la maintenance aéronautique d'avions de provenances diverses, ce qui génère 700 emplois locaux et dont l'activité sert l'objectif de développement durable de l'aviation. J'appelle donc à créer les conditions du retour à l'équilibre de ces contrats de concessions afin de ne pas déstabiliser cet écosystème vital pour l'équilibre de nos territoires.
M. Jean-Claude Anglars. - Je rejoins ces propos. Certains territoires ne peuvent se passer ni d'aéroport ni de liaisons d'aménagement du territoire : tel est le cas à Rodez ou dans le Massif central, en l'absence de lignes ferroviaires. Ma question porte sur le financement des charges régaliennes - sécurité, services d'incendies - qui incombent aux aéroports sous le contrôle exclusif de l'État qui doit en assurer l'équilibre. Ce financement s'opère via la taxe d'aéroport et un fonds de péréquation, avec des recettes assises sur le nombre de passagers. Or le produit de cette taxe s'est effondré en même temps que le trafic et le fonds n'est quasiment plus alimenté : comment l'État va-t-il compenser ces pertes ? Pour l'aéroport de Rodez, cela représente 500 000 euros.
M. Gilbert-Luc Devinaz. - Je vous rassure : mon intention n'est pas du tout de fustiger l'aviation et, dans ma vie professionnelle, j'ai plutôt utilisé l'hélicoptère pour des expertises de falaises et ce mode de transport conserve toute son utilité dans un certain nombre de domaines.
J'ai souhaité souligner les contradictions dans lesquelles nous sommes et me demander si nous prenons aujourd'hui les bonnes orientations pour pouvoir sauver l'aviation dans une économie compatible avec l'urgence climatique.
M. Philippe Tabarot. - J'ai presque l'impression de revenir quelques mois en arrière, au moment du débat sur la loi « Climat et résilience ». Le principal problème est aujourd'hui la pandémie qui a un impact sur tous les modes de transport en commun. Certaines compagnies ont eu la chance d'obtenir une compensation de leurs pertes ; cela n'a pas été le cas pour Alitalia, qui a constitué, un pilier du transport aérien de l'Italie.
À mon tour de souhaiter qu'on cesse de monter les modes de transport les uns contre les autres car il faut varier les réponses en fonction des besoins des territoires. À ce titre, nous avons rappelé que les liaisons d'aménagement du territoire sont indispensables, y compris, et même si cela peut surprendre, pour certaines mobilités du quotidien.
Dans la confrontation entre les modes de transports, n'oublions pas la question du coût : dans le cas de la ligne aérienne Paris-Bordeaux, ce qui m'a surtout semblé choquant c'est que l'usager puisse payer moins cher son billet d'avion que son ticket de train et nous avons pris l'initiative de demander un prix plancher pour l'aérien. Telle est la vraie question.
Enfin, les aéroports ont pris conscience de la nécessité de la décarbonation et font des avancées concrètes.
J'en termine avec une petite anecdote : lors de mon dernier voyage en avion de Nice à Paris, on nous a annoncé en cours de vol que notre appareil fonctionnait avec 30 % d'huile usagée issue de la restauration rapide dans les réservoirs, en complément du kérosène. La décarbonation fonctionne donc avec des progrès plus rapides qu'on ne croit.
M. Olivier Jacquin. - La qualité du rapport suscite une discussion passionnante et je rejoins les propos de Gilbert-Luc Devinaz. J'insiste sur le fait qu'il y a des phases et des paliers dans la lutte contre le réchauffement climatique et on ne peut pas uniquement miser sur le temps long. Il faut aussi des mesures de court terme pour décarboner ce secteur. Je fais observer que l'utilisation de l'huile de recyclage est un signal intéressant mais c'est du « greenwashing » et on sait qu'il n'y a pas de modèle économique global pour un tel procédé. De la même façon, les ressources en hydrogène vert sont limitées.
Miser sur des mutations qui auront lieu dans vingt ans ne suffit pas : je pense à mes enfants et il faut agir dès maintenant.
Mme Évelyne Perrot, rapporteure pour avis. - Je souligne simplement que de nombreux éléments suscitent beaucoup d'espoir car les constructeurs se mobilisent très fortement ainsi que les exploitants d'aéroports. S'agissant des carburants à base d'huile de cuisson, qui se développent rapidement aussi aux États-Unis, je ne souhaite tout de même pas qu'on incite nos enfants à consommer un maximum de hamburgers pour récupérer l'huile usagée...
Je pense aussi qu'il faut mieux informer les passagers avec, sur les billets d'avions, une information sur les différents paramètres de verdissement du vol et des opérations au sol. Cela favoriserait une réelle prise de conscience et je pense aussi à l'explosion des commandes du e-commerce, ce qui génère du fret nocturne.
Je me suis efforcée de vous résumer les éléments qui ressortent des auditions et qui peuvent permettre de sauver ce bel outil qu'est l'aviation.
Je mentionne enfin la nécessité de moderniser, en passant à la propulsion électrique, la flotte des petits avions utilisés dans les écoles de pilotage. Il faut aussi expliquer aux riverains qu'il ne s'agit pas d'activités de loisirs des riches touristes mais de formation des pilotes.
Là encore, il y a un déficit de communication : on a trop tiré à boulets rouges sur l'aviation. C'est un peu trop facile, dans les pays qui n'ont pas de filière de construction aéronautique, de laisser se développer le sentiment anti aérien.
M. Jean-François Longeot, président. - Nous en venons à l'examen de l'amendement présenté par la rapporteure sur la taxe sur les nuisances sonores.
Mme Évelyne Perrot, rapporteure pour avis. - Cet amendement propose que l'État compense à hauteur de 82 millions d'euros la perte des recettes de taxe sur les nuisances sonores pour les années 2020, 2021 et 2022. La mesure se traduirait par une hausse de l'action 52 Transport aérien du programme 203 Infrastructures et services de transports de la mission Écologie, développement et mobilité durables, en suggérant au Gouvernement de lever la compensation.
La commission adopte l'amendement n° II-35.
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » (BACEA).
Question diverse
M. Jean-François Longeot, président. - Nous allons à présent examiner les amendements des rapporteurs pour avis portant sur la première partie du projet de loi de finances et sur la mission « Plan de relance » ; les délais limites pour le dépôt d'amendement étant fixés avant l'examen des avis budgétaire concernés prévu lundi 22 novembre à 17 h 30.
M. Olivier Jacquin, rapporteur pour avis sur les crédits « Transports routiers ». - Je vous présente six amendements, qui me semblent faire consensus, soit parce qu'ils rappellent des signaux que nous avons déjà envoyés, soit parce qu'il s'agit de propositions de bon sens.
L'amendement n° I-410 a trait aux finances de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afitf), qui, de manière récurrente, souffre du caractère incertain de certaines des recettes qui lui sont affectées alors que l'Agence finance des infrastructures lourdes qui réclament une certaine visibilité financière.
Cette année, comme l'an dernier, la contribution du secteur aérien fait défaut et le produit des amendes radars est en sous-réalisation. Par ailleurs, Christophe Béchu nous a indiqué que les concessionnaires autoroutiers avaient décidé unilatéralement de suspendre la contribution volontaire exceptionnelle pour un montant de 61 millions d'euros.
Cet amendement s'inspire d'un amendement déjà adopté l'année dernière. Il vise à augmenter le plafond de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) qui peut être affectée à l'Afitf, afin de sécuriser ses recettes.
M. Ronan Dantec. - Je partage le souci de sécuriser les recettes de l'Afitf. Mais cet amendement conduit-il à supprimer durablement la part de la taxation Chirac vers l'Afitf, ou est-ce un ajout qui ne revient pas sur ce point ?
M. Olivier Jacquin, rapporteur pour avis. - Ce détail est important en effet : il s'agit bien de compenser cette année les recettes instables.
M. Philippe Tabarot, rapporteur pour avis sur les crédits « Transports ferroviaires, fluviaux et maritimes ». - Je vais demander à mes collègues Républicains de voter cet amendement. Je n'ai pas souhaité le déposer compte tenu du débat actuel sur la taxation des carburants.
Je confirme néanmoins qu'il ne s'agit pas d'une taxation supplémentaire de la TICPE. Il me paraît indispensable, en tant qu'administrateur de l'Afitf, d'augmenter la part affectée de TICPE. Mais cela ne signifie pas qu'il faut taxer davantage et augmenter les recettes de la TICPE dans notre pays.
M. Ronan Dantec. - L'amendement ne précise pas qu'il s'agit d'une évolution pour l'année prochaine uniquement.
M. Olivier Jacquin, rapporteur pour avis. - Il s'agit d'un plafond maximum. L'idée est de stabiliser les recettes de l'Afitf en augmentant le plafond de TICPE qui peut lui être affecté, dans le cas où d'autres recettes feraient défaut.
J'avais proposé un autre dispositif, qui consiste en une compensation automatique de ces recettes variables par de la TICPE. Il est intéressant, en termes pédagogique, de flécher le produit des amendes radar ou la contribution du secteur aérien à l'Afitf, mais chaque année l'agence rencontre des difficultés pour percevoir les recettes attendues.
La commission adopte à l'unanimité l'amendement n° I-410.
M. Olivier Jacquin, rapporteur pour avis. - L'amendement n° I-411 reprend l'idée que nous avons tous soutenue lors de l'examen du projet de loi « Climat et résilience », qui est celle d'un prêt à taux zéro pour les véhicules légers, plus ambitieux que celui qui figure à l'article 107 de la loi finalement adoptée.
Conformément à ce que le Sénat avait adopté, cet amendement avance la date de mise en place du dispositif au 1er janvier 2022, étend sa durée, et surtout, le champ des bénéficiaires est étendu au-delà des habitants des zones à faibles émissions-mobilité.
La commission adopte à l'unanimité l'amendement n° I-411.
M. Olivier Jacquin, rapporteur pour avis. - L'amendement n° I-412 vise à créer un prêt à taux zéro pour l'acquisition de poids lourds peu polluants affectés au transport de marchandises. La mission d'information relative au transport de marchandises face aux impératifs environnementaux, rapportée par Nicole Bonnefoy et Rémy Pointereau, a mis en lumière les difficultés pour les transporteurs d'accéder à des alternatives crédibles au gazole. L'offre existante est extrêmement coûteuse et le dispositif d'aides est faible. Seule une dizaine de dossiers a été examinée pour bénéficier du « bonus » à l'acquisition d'un camion électrique ou à hydrogène.
Néanmoins, les transporteurs et constructeurs estiment désormais que près de la moitié des véhicules vendus en 2030 seront décarbonés, ce qui est plutôt rassurant. Il me semble donc important de donner un signal sur cette question et d'accompagner les transporteurs dans cette voie.
La commission adopte à l'unanimité l'amendement n° I-412.
M. Olivier Jacquin, rapporteur pour avis. - L'amendement n° I-413 reprend l'amendement de Didier Mandelli adopté par le Sénat lors de l'examen du projet de loi d'orientation des mobilités, pour accompagner les petites autorités organisatrices de la mobilité (AOM), qui ont trop peu de ressources fiscales de versement mobilité.
Cette année, les collectivités ont dû faire le choix de se saisir, ou non, de la compétence mobilité. Près de la moitié d'entre elles ont pris la compétence sans qu'on ne sache lesquelles n'ont pu la prendre par manque de versement mobilité. Dans ce contexte, il est important de renvoyer le signal voté quasi-unanimement au Sénat, qui vise à doter d'une petite dotation de base versée par l'État et prélevée sur la TICPE les AOM qui sont dépourvues de base de versement mobilité.
La commission adopte à l'unanimité l'amendement n° I-413.
M. Olivier Jacquin, rapporteur pour avis. - L'amendement n° II-38 fait suite au travail mené par Michel Dagbert et Patrick Chaize dans le cadre de la mission d'information sur les ponts. Le Directeur général des infrastructures, des transports et de la mer a indiqué que le travail effectué au Sénat a eu des répercussions.
L'année dernière, nous avions augmenté le fonds d'accompagnement des collectivités sur les ouvrages d'art. Compte tenu de la bonne consommation des crédits, cet amendement propose de poursuivre la trajectoire en abondant ce fonds de 20 millions d'euros.
La commission adopte à l'unanimité l'amendement n° II-38.
M. Olivier Jacquin, rapporteur pour avis. - L'amendement n° II-39 vise à accompagner le déploiement de bornes de recharge. Sur les 100 000 bornes prévues, près de la moitié ont été installées. Néanmoins, lorsque l'on regarde dans le détail, et compte tenu du peu d'informations disponibles, de fortes interrogations subsistent sur le type de bornes mises en place. Il y a une disparité d'équipement du territoire assez considérable, sans parler du problème des copropriétés dans lesquelles il est question d'obtenir une majorité pour réaliser les travaux nécessaires à l'installation d'une borne de recharge. 60 millions d'euros sont prévus dans le plan de relance, qui pourraient en partie être affectés - et nous manquons de précisions sur ce point - aux sociétés concessionnaires d'autoroutes.
Le présent amendement, dans une logique de signal, prévoit 10 millions d'euros pour développer ces infrastructures sur le réseau routier non concédé.
M. Hervé Gillé. - S'agissant des bornes de recharge, il existe également un problème connexe : il s'agit de l'absence de portabilité en termes de paiement, c'est-à-dire qu'il y a différents opérateurs et qu'une quinzaine de cartes ou d'abonnements différents sont nécessaires pour payer. C'est un problème de fond dans le cadre d'un déploiement intelligent et équilibré sur l'ensemble du territoire.
M. Olivier Jacquin, rapporteur pour avis. - Je suis tout à faire d'accord mais c'est le début des nouvelles technologies et nous connaissons ce problème dans de nombreux domaines du numérique.
La commission adopte à l'unanimité l'amendement n° II-39.
M. Jean-François Longeot, président. - Je vais à présent à céder la parole au rapporteur pour avis sur les crédits relatifs aux transports ferroviaires, fluviaux et maritimes, notre collègue Philippe Tabarot, pour la présentation de ses amendements sur la première partie du projet de loi de finances et sur le plan de relance.
M. Philippe Tabarot, rapporteur pour avis. - Concernant l'amendement n° I-414, les armateurs ont la possibilité de compléter la propulsion principale d'un navire par un dispositif dit « de propulsion auxiliaire » plus écologique, comme la propulsion vélique ou encore l'assistance électrique par batterie.
Actuellement, ces équipements bénéficient d'un taux de déduction fiscale à hauteur de 20 %, trop faible pour avoir un réel effet incitatif. Cet amendement propose donc de soumettre l'acquisition de ces dispositifs auxiliaires à un taux de déduction fiscale de 105 %, afin d'encourager les armateurs à y recourir.
La commission adopte à l'unanimité l'amendement n° I-414.
M. Philippe Tabarot, rapporteur pour avis. - J'en viens à l'amendement n° I-415. Dans sa rédaction initiale, l'article 8 du projet de loi de finances pour 2022 prévoyait l'extension du dispositif de suramortissement vert prévu à l'article 39 decies C du code général des impôts, à une nouvelle liste de carburants, tels que le gaz naturel comprimé.
À l'Assemblée nationale, les députés ont toutefois supprimé cette liste. À la place, l'article renvoie désormais à la réalisation d'une analyse destinée à déterminer une liste de carburants ayant un impact environnemental positif sur l'ensemble de leur cycle de vie.
En pratique, ces modifications risquent de s'avérer lourdes à mettre en oeuvre et de repousser l'entrée en vigueur du dispositif à une date incertaine. Or, les armateurs ont besoin de solutions opérantes pour faire face au défi de la transition écologique et ce, dès aujourd'hui.
Je propose donc de rétablir la liste initiale des carburants qui seront éligibles au suramortissement et de permettre son application immédiate.
La commission adopte à l'unanimité l'amendement n° I-415.
M. Philippe Tabarot, rapporteur pour avis. - L'amendement n° I-416 porte quant à lui sur le transport fluvial. La loi prévoit depuis 2012 une exonération des plus-values de cession de bateaux affectés au transport fluvial de marchandises dans l'objectif de renouveler et de moderniser la flotte. Cette exonération, soumise à une condition de réinvestissement de la plus-value dans un bateau plus récent ou plus capacitaire, est aujourd'hui plafonnée à 100 000 euros par cession. Cette limitation constitue une exception par rapport aux autres pays européens concernés par le transport fluvial, notamment les Pays-Bas, la Belgique et l'Allemagne, dont le régime d'exonération ne prévoit pas de plafond.
Cet amendement vise donc à supprimer le plafond afin de favoriser le renouvellement de la flotte et d'améliorer la compétitivité du transport fluvial face à la concurrence européenne. Il tend également à améliorer sa compétitivité face à la route, dans une logique de report modal vers la voie d'eau, bien moins polluante et plus capacitaire, mais qui ne représente que 2 % de la part modale du transport intérieur de marchandises, alors même que la France compte le premier réseau de voies navigables d'Europe.
La commission adopte à l'unanimité l'amendement n° I-416.
M. Philippe Tabarot, rapporteur pour avis. - J'en viens à l'amendement n° I-417. La LFI pour 2021 a instauré un dispositif de revalorisation des actifs pour certaines entreprises, afin de les soutenir face à la crise sanitaire. Ce même texte a mis en place un mécanisme de neutralisation des conséquences fiscales de cette revalorisation, afin que la prise en compte fiscale de l'écart d'actif soit étalée dans le temps, soit sur une période de 15 ans, soit sur une période de 5 ans.
Les navires exploités par des entreprises fluviales bénéficient actuellement d'un étalement sur une période de 5 ans. Or, privilégier une période de 15 ans permettrait de renforcer la solidité financière des entreprises fluviales, de rassurer leurs créanciers et, ainsi, de faciliter la conduite de leurs investissements. En outre, une telle évolution serait rationnelle au regard de la durée de vie des bateaux fluviaux qui est de 70 ans en moyenne en France.
Le transport fluvial a un important rôle à jouer dans la transition écologique de notre pays. Je souhaite donc, par cet amendement, donner une impulsion à l'activité fluviale et renforcer la compétitivité des entreprises de ce secteur.
La commission adopte à l'unanimité l'amendement n° I-417.
M. Philippe Tabarot, rapporteur pour avis. - L'amendement n° I-418 vise à réduire à 5,5 % le taux de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) applicable au transport ferroviaire de voyageurs. Je sais que d'autres collègues ont une vision beaucoup plus large, mais je souhaite vraiment dédier cette baisse de TVA au transport ferroviaire pour passer un message fort et faire du train un « bien de première nécessité ».
La commission adopte à l'unanimité l'amendement n° I-418.
M. Philippe Tabarot, rapporteur pour avis. - L'amendement n° II-37 porte sur la mission « Plan de relance » et vise à soutenir la régénération des lignes de desserte fines du territoire, autrement appelées « petites lignes ». Nous avions adopté cet amendement l'an dernier que je vous propose à nouveau cette année.
Le rapport du préfet Philizot estime que pour ne pas fermer un certain nombre de lignes, un investissement de 7 milliards d'euros est nécessaire sur les sept prochaines années. Le rythme d'investissement proposé par le Gouvernement est plus important que celui du Gouvernement précédent, mais ne suffira pas : de nombreuses petites lignes risquent de fermer. C'est la raison pour laquelle je vous propose de doubler les crédits pour tenir cette trajectoire et éviter des fermetures de lignes.
M. Olivier Jacquin, rapporteur pour avis. - Je partage tout à fait l'esprit des rapports. Il y a une inquiétude majeure sur le secteur ferroviaire concernant la situation de SNCF Réseau, dont le contrat de performance avec l'État devrait être publié sous peu, avec plus d'un an et demi de retard.
Même si des sommes importantes sont affectées à SNCF Réseau, nous ne sommes toujours pas en situation de régénérer véritablement le réseau. Dans certains évaluations, il faudrait environ un milliard d'euros de plus annuellement. Il convient d'envoyer un signal important pour sortir des incantations.
M. Jean-François Longeot, président. - La commission se saisira de ce sujet stratégique et très attendu par les parlementaires. Nous ferons des auditions sur ce sujet.
Mme Angèle Préville. - Dans le contexte de l'ouverture à la concurrence, certains acteurs commencent à se positionner et connaissent d'importantes difficultés sur l'obtention de sillons.
M. Philippe Tabarot, rapporteur pour avis. - Je connais bien le sujet, pour m'être battu cinq ans pour que les nouveaux entrants puissent entrer, contre les résistances.
S'agissant du contrat de performance, il sera important d'entendre les parties prenantes, les rédacteurs mais également ceux qui auront à l'appliquer demain.
La commission adopte à l'unanimité l'amendement n° II-37.
M. Didier Mandelli. - Je souhaiterais vous faire part de ma surprise quant au fait que le président du groupe de l'Union centriste a reproché au rapporteur pour avis sur les crédits relatifs à la politique des territoires les conditions dans lesquelles s'était déroulé l'examen de son rapport et la position qu'il avait proposée à la commission. Je regrette vivement une certaine forme d'ingérence dans le fonctionnement de notre commission.
- Présidence de M. Jean-François Longeot, président -
La réunion est ouverte à 16 h 30.
Projet de loi de finances pour 2022 - Audition de M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué auprès de la ministre de la transition écologique, chargé des transports
M. Jean-François Longeot, président. - Monsieur le ministre, nous sommes heureux de vous accueillir aujourd'hui pour échanger sur les dispositions consacrées au transport dans le projet de loi de finances pour 2022, que ce soit dans le cadre de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » ou dans le cadre du plan de relance du Gouvernement.
L'année 2021 a encore été une année difficile pour le secteur des transports. Tous les modes ont été affectés. Je pense en particulier aux transports collectifs, qu'il s'agisse de transports urbains ou ferroviaires, qui peinent encore aujourd'hui à retrouver leur niveau de fréquentation d'avant-crise, ou encore de transport aérien.
Dans ce contexte difficile, je souhaite vous interroger sur les grandes priorités du PLF pour 2022 pour le secteur des transports.
Avant toute chose, nous nous félicitons de l'augmentation globale des crédits de paiement prévus pour le programme 203, le budget annexe et le plan de relance, même si - et mes collègues reviendront sans doute sur ce point -, nous ne sommes pas totalement convaincus que les moyens déployés soient tout à fait suffisants pour atteindre les ambitions que nous nous sommes fixées.
Par ailleurs, il apparaît que ce budget, comme celui de l'an dernier, souffre d'un certain manque de lisibilité, du fait de l'éclatement des crédits entre les programmes « classiques » et les programmes de la mission « Plan de relance ». Au sein de ces programmes, le fléchage précis des enveloppes prévues laisse parfois interrogateur.
À titre d'exemple, 389 millions d'euros de crédits sont prévus par le plan de relance au titre de l'accélération des travaux d'infrastructures de transport pour des opérations aussi variées que le déploiement de bornes de recharges, la ligne ferroviaire Lyon-Turin, la régénération des voies fluviales, la mise en place de voies réservées destinées au covoiturage, ainsi que la modernisation des centres régionaux opérationnels de surveillance et de sauvetage (CROSS), mais nous n'avons pas dans les documents annexés au PLF le détail des crédits affectés à chacune de ces opérations. Peut-être pourriez-vous, monsieur le ministre, nous aider à y voir plus clair.
Plus globalement, pouvez-vous indiquer le niveau d'exécution des crédits prévus par le plan de relance en ce qui concerne les transports ?
Par ailleurs, nous souhaiterions vous entendre sur la trajectoire de recettes et de dépenses de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF). Cette trajectoire a été inscrite dans la loi d'orientation des mobilités, et nous nous réjouissons que les engagements prévus soient jusqu'à présent tenus. Néanmoins, nous constatons un double phénomène qui nous préoccupe sur l'avenir du modèle économique initialement envisagé.
D'une part, la crise sanitaire a mis en doute l'assurance pour l'AFITF de percevoir les recettes qui lui sont affectées, en particulier celles liées à la contribution du secteur aérien et aux amendes radars.
Si l'État a jusqu'à présent compensé ces baisses de recettes, n'estimez-vous pas qu'il soit nécessaire de revoir ce modèle de financement pour que des investissements aussi lourds que ceux liés aux transports n'aient plus à reposer sur des recettes incertaines ?
D'autre part, la trajectoire de la loi d'orientation des mobilités (LOM) ne correspond plus strictement à la réalité des dépenses de l'AFITF, puisque l'État a pris de nouveaux engagements relatifs au canal Seine-Nord Europe et au tunnel Lyon-Turin.
Plus récemment, et à la suite des annonces du Président de la République à Marseille, un amendement a été adopté à l'Assemblée nationale pour abonder le budget de l'AFITF. Ces pratiques posent questions : d'après vous, la trajectoire de la LOM doit-elle être révisée ?
Plus globalement, le budget pour 2022 intègre-t-il réellement toutes les dépenses liées aux dernières annonces ? Nous sommes en droit de nous poser la question. Le Haut Conseil des finances publiques a en effet qualifié le PLF 2022 d'incomplet. Qu'en est-il pour le secteur des transports ?
Je souhaite également revenir sur les récentes annonces concernant la desserte ferroviaire des ports maritimes. Il y a quelques semaines, le Premier ministre a indiqué que, dans le cadre du plan de relance du fret ferroviaire, 140 millions d'euros étaient prévus pour financer des aménagements ferroviaires dans les ports. Comme vous le savez, le développement du report modal dans les ports maritimes est une préoccupation centrale de notre commission, qui avait d'ailleurs proposé un plan d'investissement de 5 milliards d'euros sur dix ans dans le cadre du rapport d'information sur la gouvernance et la performance des ports maritimes.
Notre système portuaire a besoin d'un cap clair et surtout d'une trajectoire financière lisible. Or il me semble que l'accumulation d'annonces et de dispositifs ne permet pas aux acteurs d'avoir une visibilité suffisante sur leurs investissements à venir.
Je m'interroge sur trois points : cette enveloppe supplémentaire de 140 millions d'euros est-elle intégrée au présent budget ?
Comment va-t-elle s'articuler avec les 175 millions d'euros déjà prévus dans le plan de relance pour favoriser le report modal dans les grands ports maritimes ?
Enfin, quels projets seront financés par ces crédits, et à quelle échéance ?
S'agissant de l'aérien, on constate que le budget annexe ainsi que de nombreux opérateurs de ce secteur voient leurs recettes s'effondrer. L'endettement public et privé s'accroît donc au moment où les investissements massifs dans la transition décarbonée sont plus que jamais nécessaires.
Pouvez-vous nous indiquer quels sont les maillons les plus en difficulté de la communauté aérienne que vous prévoyez de soutenir en complétant les enveloppes du projet de loi de finances pour 2022 ?
Je ne résiste pas à l'envie de vous interroger sur le volet transport de la COP26, qui vient de s'achever à Glasgow. Des échanges auraient été engagés pour renforcer le mécanisme Corsia, mais il semblerait que rien ne soit sorti des négociations sur ce point. Pouvez-vous nous en dire plus ?
S'agissant de l'automobile, la France a refusé de rejoindre l'alliance visant à ce que toutes les ventes de voitures et de vans neufs soient à zéro émission au niveau mondial d'ici 2040 et au plus tard en 2035 sur les principaux marchés. Je note que plusieurs groupes importants - Ford, General Motors, Jaguar, Mercedes, etc. - ont rejoint cette alliance, contrairement aux constructeurs français. Comment justifiez-vous ce manque de volontarisme de notre pays ?
M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué auprès de la ministre de la transition écologique, chargé des transports. - Je commencerai par vous présenter formellement le budget avant de vous dire un mot du bilan tel qu'on peut commencer à l'établir au terme de quatre ans et demi d'action.
C'est un budget toujours en hausse, car nos ambitions pour les transports ne faiblissent évidemment pas. Nous sommes engagés dans des transformations importantes, inédites, historiques et très rapides. Je pense notamment à la décarbonation du parc automobile, à celle de l'aviation et au développement du ferroviaire et des transports du quotidien.
Le budget 2022 avoisine les 14 milliards d'euros, avec un niveau de dépenses élevé, conforme aux objectifs de la LOM et de la loi « Climat et résilience » d'août 2021.
Ce budget augmente pour chaque programme : plus 4 % pour le programme « Transports terrestres », plus 20 % pour le programme « Transports maritimes », plus 2,5 % pour l'AFITF et plus 5 % pour le budget annexe de l'aviation civile.
Dans le détail, le programme 203 consacré aux transports terrestres atteint 3,84 milliards d'euros. Le budget du secteur ferroviaire continue à être renforcé, avec 100 millions d'euros supplémentaires au profit de SNCF Réseau. Le fret ferroviaire bénéficie de 170 millions d'euros d'aides à l'exploitation pour 2021. Les engagements qui avaient été pris sont tenus et pérennisés. Il s'agit de réduire les péages pour les opérateurs, de renforcer l'aide au transport combiné, de soutenir le wagon isolé. Nous avons, il y a maintenant quelques semaines, relancé une autoroute ferroviaire entre Perpignan et Rungis, avec un soutien des opérateurs de l'ordre de 300 millions d'euros pour 2022.
S'agissant du plan d'investissement annoncé par le Premier ministre concernant l'aménagement ferroviaire dans les ports, ce sont 140 millions d'euros qui sont intégrés au plan de relance. Au total, cela représente 1,35 milliard d'euros sur quatre ans.
J'aurais l'occasion de revenir sur la politique d'investissement que nous menons dans les ports, à la fois pour renforcer leur activité et aménager le report modal en faveur du ferroviaire.
L'agence d'innovation dans les transports (AIT) bénéficie également pour sa mise en place d'un montant de 4 millions d'euros. Nous poursuivons notre politique sur les investissements aéroportuaires, et notamment la pérennisation de lignes d'aménagement du territoire, dans la dynamique de transports de proximité.
Enfin, dans le cadre du plan « Marseille en grand », ce sont 256 millions d'euros de subventions qui sont consentis pour développer le réseau de transports publics de la ville, dont 32 millions d'euros sont inscrits en 2022 et 744 millions d'euros d'avance remboursable, 100 millions d'euros étant consentis au titre de l'année prochaine.
Le budget de l'AFITF est en augmentation de 2,5 %, à hauteur de 3,47 milliards d'euros. C'est une trajectoire cohérente avec la LOM. Elle a même augmenté grâce au plan de relance. Les recettes, notamment les amendes radars, ainsi que l'écocontribution aérienne, ont manqué à l'AFITF à hauteur de 275 millions d'euros. Certainement faudra-t-il reproduire l'opération cette année, mais la trajectoire de la LOM, en tout état de cause, a bien été augmentée des montants nécessaires aux nouveaux engagements.
En 2022, en base, cela représente 2,58 milliards d'euros. Nous avons ajouté 91 millions d'euros pour le canal Seine-Nord Europe, 30 millions d'euros pour le Lyon-Turin et 32 millions d'euros pour Marseille.
Le budget de l'aviation civile s'établit à 2,38 milliards d'euros. Nous avons maintenu les grandes priorités d'investissement et de modernisation des instruments de la navigation aérienne. Pour tenir cet équilibre, le recours à l'emprunt atteindra 709 millions d'euros pour 2022, ce qui porte l'endettement global à 3,3 milliards d'euros au 31 décembre 2022. Le budget annexe amorcerait ainsi son désendettement à compter de 2023.
Pour le programme 205, nous avions engagé l'an passé des aides exceptionnelles pour Brittany Ferries. D'une manière générale, le dispositif de remboursement de la part salariale des cotisations sociales pour les lignes de transport de passagers soumis à concurrence internationale sera pérennisé pour trois ans. Il s'agit d'un soutien massif à la marine marchande, en complément de l'évolution positive du suramortissement pour les navires propres.
Ce budget bénéficie encore du plan de relance. Il permet d'apporter, en 2022, 26 millions d'euros supplémentaires pour le programme 203 en prenant en compte tous les modes. Ce sont 750 millions d'euros supplémentaires qui sont versés à l'AFITF, dont 124 millions d'euros au bénéfice des deux grands projets d'infrastructure que sont le tunnel Lyon-Turin et le canal Seine-Nord Europe. 1,6 milliard d'euros est versé à SNCF Réseau, conformément aux engagements de recapitalisation que nous avions pris l'an passé. 186 millions d'euros sont consentis à la recherche aéronautique.
Pour répondre précisément à votre question et en finir avec les chiffres, 550 millions d'euros sont consacrés à l'accélération des grands projets d'infrastructures : 175 millions d'euros pour VNF, 25 millions d'euros pour moderniser les CROSS, 50 millions d'euros pour les voies réservées, 200 millions d'euros pour le Lyon-Turin et 100 millions d'euros pour les bornes électriques.
Le plan de relance a déjà montré son efficacité. À ce jour, nous avons engagé 85 % des 6,8 milliards d'euros dédiés aux transports terrestres, hors secteur automobile. 87 % sont dédiés à la construction ou à la recherche aéronautique, soit 1,3 milliard d'euros sur 1,5 milliard d'euros budgété.
Voici pour les éléments chiffrés.
Je souhaiterais à présent vous dire un mot du bilan après cinq ans et les premières réformes.
Je ne reviendrai pas sur le système de transport que nous avons trouvé en 2017. Disons que l'essentiel de notre effort a porté sur l'entretien et la régénération du réseau ferroviaire, qui avait 30 ans en moyenne, et qui comportait de petites lignes qui menaçaient de fermer. Nous avons très largement accéléré le développement du véhicule électrique qui a, là aussi, pu bénéficier positivement des effets du plan de relance et de la crise. Nous avons engagé la décarbonation de l'aviation.
Un mot sur le nouveau pacte ferroviaire. Celui-ci trouve maintenant sa traduction concrète, notamment avec les premières lignes ouvertes à la concurrence en région PACA qui, je crois, démontre qu'il est possible d'ouvrir à la concurrence et d'améliorer le service aux usagers. Pour Marseille, c'est 75 % de trafic en plus et, entre Marseille et Nice, deux fois plus de trafic prévu. C'est donc là l'amorce d'une ouverture à la concurrence qui s'engage pour le bénéfice de l'usager.
Je répète que nous avons tenu nos engagements, s'agissant du groupe SNCF, pour la reprise de dette de 35 milliards d'euros en deux fois et pour la recapitalisation du groupe. Nous avons sanctuarisé 3 milliards d'euros d'investissements pour la régénération du réseau, tout en réinvestissant aux côtés des régions sur les petites lignes ferroviaires. Au total, ce sont aujourd'hui neuf régions qui ont signé ou qui ont délibéré, nous permettant d'engager 6 milliards d'euros sur les 7 milliards d'euros et, d'ores et déjà, de sauver plus de 6 500 kilomètres sur les 9 000 kilomètres de petites lignes qui étaient, comme chacun le sait, assez largement en difficulté.
S'agissant de la LOM, nous aurons déployé, pour le secteur automobile et la révolution électrique, un million de bornes d'ici à la fin de l'année, dont 50 000 ouvertes au public. Nous étions à 400 000 en début d'année. Nous sommes le deuxième pays européen dans ce domaine, et cette tendance s'accélère partout.
Nous aurons développé en cinq ans 13 000 kilomètres de pistes cyclables sécurisées depuis 2017. Cet effort demande évidemment à être poursuivi dans les années qui viennent. Au total, les 13,4 milliards d'euros d'investissements programmés de 2019 à 2023 nous ont, pour la première fois, permis d'afficher une trajectoire et un cap clairs. Le Conseil d'orientation des infrastructures (COI) a d'ores et déjà commencé à travailler pour préparer la future loi de programmation, suite logique qui interviendra dans le courant de l'année prochaine et qui permettra d'afficher à nouveau une visibilité sur les investissements en matière de transports.
Les textes de la loi « Climat et résilience » d'août 2021 seront tous pris d'ici à neuf mois. Nous devrons poursuivre ce travail de modernisation des transports. C'est déjà le cas avec le projet de loi 3DS actuellement débattu. France 2030 pose des jalons importants à la fois pour la décarbonation de l'aviation, la révolution autour de l'hydrogène et la poursuite du développement des véhicules électrifiés d'ici à 2030.
Ceci me permet de répondre à votre question sur la dimension internationale, et notamment la COP26, sous l'angle de l'aviation et de l'automobile.
En matière d'aviation, il a été proposé - ce qui a fait l'objet d'une déclaration et d'un débat - de porter, en tant que signataires de la COP26 au sein de l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI), un objectif de long terme pour l'aviation qui propose la décarbonation nette en 2050. Cela passe évidemment par Corsia, qui est un outil de compensation, par une meilleure articulation de ce que l'on appelle les systèmes de quotas régionaux (ETS) et surtout, à court ou moyen terme, par le développement des filières de carburant alternatif au kérosène.
Nous avons, à l'échelon français, lancé un plan de 200 millions d'euros, très largement répliqué en Europe. Cela consiste de plus en plus à employer des biokérosènes qui intègrent des huiles de cuisson usagées, des déchets agricoles et forestiers ou des e-fioul, qui sont des carburants synthétiques recombinés avec de l'hydrogène et du CO2, pour partie capté.
Il existe un très gros enjeu industriel autour de cette nouvelle activité. Il nous paraît souhaitable de porter une action résolue au niveau européen et, dans un avenir relativement proche, d'avoir une action au niveau de l'OACI pour éviter les « effets de fuites de carbone », qui seraient totalement délétères s'agissant de notre capacité collective à atteindre la décarbonation.
Enfin, s'agissant de l'automobile et de nos engagements, il faut rappeler que la France, en 2017, a été l'un des premiers pays, dans le cadre du plan Climat de l'époque, à annoncer la fin de la vente des véhicules fossiles à l'horizon 2040. Une position de la Commission européenne a été publiée le 14 juillet dernier. La France pose 2035 comme une date possible pour les véhicules électrifiés, en incluant les véhicules hybrides rechargeables. Nous aurons des discussions dans le cadre du Conseil européen avec les autres États membres, et nous verrons le compromis qui peut s'établir.
Les aides que consent la France pour accompagner l'ensemble des ménages, notamment les moins aisés, la mise en place des normes qui s'imposent et le déploiement des bornes électriques que réalise notre pays sont tout à fait inédits à l'échelle de l'Union européenne.
M. Philippe Tabarot, rapporteur pour avis. - Je souhaiterais vous parler de la forme et du manque de lisibilité du budget, et plus particulièrement du plan de relance.
Au cours de nos auditions des acteurs du secteur, j'ai eu beaucoup de mal à obtenir le détail du fléchage et de l'exécution des différents crédits. On parle de plusieurs milliards d'euros. Je fais notamment référence ici aux fameux 4,05 milliards d'euros affectés à SNCF Réseau, dont nous avons du mal à identifier l'affectation précise.
Je souhaiterais en particulier avoir davantage de précisions sur deux points. S'agissant des petites lignes ferroviaires, quels montants ont été consommés en 2021 et quels sont les montants prévus pour 2022 ?
L'an dernier, un montant de 620 millions d'euros avait été évoqué, mais j'ai cru comprendre qu'il concernait 2021 et 2022. Est-ce exact ?
Dans ce cas, nous sommes bien loin des besoins que vous avez évoqués, à la fois par rapport aux neuf conventions avec les régions dont vous avez parlé, aux 6 500 kilomètres de voies ferrées que vous voulez sauver sur les 9 000 kilomètres ou de lignes de desserte fine du territoire. Selon le rapport de François Philizot, il faut environ 700 millions d'euros d'investissement par an pour atteindre les objectifs. Nous sommes encore loin du compte !
S'agissant du fret ferroviaire, où des efforts importants ont été consentis - il serait malhonnête de ne pas le reconnaître -, pouvez-vous nous confirmer que 15 millions d'euros seront dédiés aux autoroutes ferroviaires ?
Plus globalement, dans le secteur du ferroviaire, pensez-vous vraiment que le budget 2022 permette d'atteindre les objectifs ambitieux que nous nous sommes fixés ensemble sur la loi « Climat et résilience » d'août 2021 ? Je pense notamment aux articles 143 et 131, qui prévoient une augmentation de la part modale des voyageurs et un doublement de la part modale du fret ferroviaire d'ici 2030.
Certains chiffres sont en hausse cette année, mais le plan de relance s'apparente toujours plus à un plan de soutien, voire un plan de sauvetage, comme certains l'ont évoqué. Il manquerait en effet environ un milliard d'euros par an pour avoir un service ferroviaire à la hauteur, avec une modernisation, une régénération et une digitalisation du réseau. Je pense notamment au Système européen de gestion du trafic ferroviaire (ERTMS) et aux centres de commande dignes d'infrastructures du XXIe siècle.
Concernant les ressources de l'AFITF, je suis assez inquiet pour le futur, avec des recettes en diminution, notamment la contribution du secteur aérien mais aussi, cette année, le refus des sociétés concessionnaires d'autoroutes de s'acquitter de la contribution volontaire exceptionnelle. Vous en avez dit un mot. J'aimerais que vous nous expliquiez les solutions que vous envisagez pour garantir les 3,5 milliards de financements nécessaires chaque année.
S'agissant de l'Autorité des transports (ART), nous nous inquiétons du montant de sa subvention pour charge de service public. L'ART s'engage parfois contre son gré dans de gros contentieux. Si elle n'avait pas gain de cause, elle se mettrait gravement en difficulté sur le plan financier. Je ne voudrais surtout pas que l'ART n'ose pas, de ce fait, mener à bien sa mission et qu'elle réduise son champ d'action.
Par ailleurs, on ne peut nier les efforts très importants que vous avez réalisés en matière d'investissement, notamment sur la partie fluviale. Je m'inquiète cependant de la baisse des équivalents temps plein (ETP) de Voies navigables de France (VNF). 175 millions d'euros d'investissement figurent dans le plan de relance. Comment, en baissant cette année encore le plafond d'emplois de 30 ETP supplémentaires, VNF va-t-elle pouvoir mener toutes ses missions à bien et respecter le contrat d'objectifs et de performance que vous avez signé récemment ?
Enfin, s'agissant du domaine portuaire, comme l'a indiqué le président, nous avons du mal à obtenir des explications précises sur la ventilation des crédits du plan de relance. Là aussi, 175 millions d'euros sont prévus en matière de verdissement des grands ports maritimes.
Pouvez-vous corriger le flou de certains projets qui bénéficient ou bénéficieront de cette enveloppe ? Quels moyens allez-vous mettre en oeuvre, face aux impératifs environnementaux, pour accompagner les ports qui n'ont pas le statut de grands ports maritimes (GPM) ? Sont-ils pris en compte dans le plan de relance ?
M. Olivier Jacquin, rapporteur pour avis. - Monsieur le ministre, ma première question porte sur les transports en commun. Quels sont les secteurs qui connaissent le plus de difficultés pour retrouver un rythme normal ? Quel accompagnement l'État a-t-il prévu pour les autorités organisatrices de mobilité ?
On ne peut que déplorer une certaine insuffisance et une inégalité de traitement. Île-de-France Mobilités (IDFM) parvient à obtenir des avances remboursables substantielles, contrairement aux petites autorités organisatrices de la mobilité (AOM), qui n'ont pas créé de syndicats et qui ne sont pas puissantes, pour qui les compensations sont bien plus compliquées à obtenir.
En second lieu, vous aviez demandé à Philippe Duron un rapport sur le modèle économique des transports collectifs. On ne voit aucune traduction de ses 48 propositions dans le budget. Qu'allez-vous faire de celles-ci, dont certaines sont tout à fait innovantes ?
S'agissant de la question routière, la dégradation des chaussées se poursuit. C'est d'autant plus inquiétant que le projet de loi « 3DS » envisage des transferts de certaines sections de voiries nationales vers les collectivités territoriales. Que va-t-il advenir des compensations avec des budgets insuffisants quelques années avant le transfert ?
Je tiens d'autre part à saluer votre action concernant les ponts. Le rapport de Michel Dagbert et Patrick Chaize a eu d'importantes répercussions. On assiste maintenant à une action de l'État en faveur de son propre patrimoine et vers les collectivités territoriales, avec un programme d'expertise des ouvrages communaux qui semble plutôt bien fonctionner. Pouvez-vous nous faire un point à ce sujet ? Pour tenir le rythme, ne faudrait-il pas envisager une hausse des crédits ? Des sommes substantielles y ont été consacrées, mais bien en dessous des préconisations de nos deux rapporteurs.
S'agissant du verdissement du parc relatif aux véhicules légers et aux poids lourds, à l'heure où arrivent les zones à faibles émissions (ZFE-m), les programmes de vidéosurveillance prévus semblent patiner quelque peu. Qu'en est-il de l'évolution des modalités d'accès à la prime à la conversion et au bonus automobile, dont les modalités devraient être revues l'année prochaine ?
En matière de verdissement des poids lourds, il semble que le bonus à l'acquisition de véhicules électriques ou à hydrogène ne fonctionne pas. Quelques dizaines seulement de dossiers sont engagées. Il faut donc passer à la vitesse supérieure.
Autre point très positif : le vélo et sa révolution. Les besoins des collectivités en termes de financement ont été substantiellement accompagnés. Il semble que les moyens mis en oeuvre dans ce domaine sont déjà importants mais qu'ils n'augmentent pas suffisamment. Or nous avons des objectifs de part modale de 9 % en 2024 et de 12 % en 2030. Pour maintenir le rythme de cette belle dynamique, ne conviendrait-il pas d'augmenter par exemple le Fonds vélo ?
Enfin, votre rapport sur les trains d'équilibre du territoire (TET) a fuité dans la presse dans une version brute, non revue par votre ministère. Ce rapport extrêmement intéressant à lire préconise de lancer de nouvelles lignes transversales. Il démontre qu'il existe une clientèle non satisfaite et solvable sur un certain nombre de ces axes. Vous êtes en train de finaliser une nouvelle convention avec SNCF Voyageurs sur les Intercités. Quelle suite envisagez-vous de donner à ces propositions innovantes, qui nécessiteraient notamment l'achat de matériel neuf ?
Mme Nicole Bonnefoy, corapporteure de la mission d'information sur le transport de marchandises face aux impératifs environnementaux. - Je souhaitais vous interroger sur les mesures prévues en matière de décarbonation du transport de marchandises, sujet sur lequel s'est récemment penchée notre commission dans le cadre d'une mission d'information dont j'étais corapporteure avec mon collègue Rémy Pointereau.
Pourriez-vous nous indiquer où en est la task force en matière de transport routier de marchandises ? Quelles suites seront données à ses conclusions ?
Concrètement, quelles sont les nouvelles aides envisagées en matière de renouvellement du parc de poids lourds ? Certes, un bonus de 50 000 euros avait été mis en place pour faciliter l'acquisition de poids lourds électriques ou à hydrogène, mais près d'un an après, le constat est sans appel : une dizaine de dossiers seulement ont été instruits, sans doute faute d'offre alternative disponible et accessible. À quand une aide crédible au verdissement du transport routier de marchandises ?
Pourriez-vous nous indiquer dans quelle mesure la révision de la directive Eurovignette sera une priorité de la présidence française de l'Union européenne ? Quelles seront les positions défendues par la France ?
Enfin, permettez-moi de m'écarter un peu du sujet qui nous réunit aujourd'hui pour vous interroger une nouvelle fois sur les mesures que vous comptez prendre pour mettre fin au trafic incessant de poids lourds, extrêmement dangereux et anxiogène, en transit sur la RN 10, dans mon département ?
Un jeune homme de 27 ans a perdu la vie sur cette route l'été dernier, à cause d'un poids lourd qui effectuait un dépassement interdit. Je vous ai écrit à ce sujet et n'ai pas encore reçu de réponse. La compagne de ce jeune homme, qui était elle aussi dans la voiture, vous a écrit sans plus de succès. La situation du trafic incessant sur cette route est absolument insupportable. Nous attendons des actes.
Une pétition est en cours. Elle regroupe 9 500 signataires. Une association est en train d'être créée. Les usagers de la RN 10 n'en peuvent plus, les riverains non plus. Nombreux sont les chauffeurs routiers qui m'interpellent, compte tenu du danger que cela représente pour eux également.
Mettons-nous autour de la table pour étudier ensemble des mesures pour faire cesser ces itinéraires de fuite que les poids lourds en transit empruntent à la place des autoroutes, pourtant à proximité, pour économiser quelques euros. Malheureusement, ces comportements créent nombre de difficultés, qui ont des conséquences dramatiques sur la vie des personnes.
Des propositions ont été faites au Sénat, à travers notre rapport et sous forme d'amendements. Une cartographie nationale peut identifier ces points noirs. Ce qui se passe dans mon département a également lieu ailleurs. On peut ainsi renforcer le pouvoir des maires ou des élus pour créer des « zones à faibles nuisances » et imposer aux gestionnaires d'autoroutes des tarifs préférentiels pour inciter les chauffeurs routiers en transit à les emprunter.
Nombre de solutions sont possibles. On ne peut continuer ainsi. C'est un appel du coeur pour que nous y travaillions ensemble et trouvions des solutions, monsieur le ministre.
M. Jean-François Longeot, président. - J'ai le même problème sur la RN 83. C'est également vrai pour les départementales parallèles à une autoroute, qu'empruntent les véhicules en transit. Cela provoque des accidents et génère de la pollution. Les routiers sont pendant des jours sur les parkings du vendredi au lundi matin, avec des déchets partout alentour. Nous n'allons pas trouver la solution en un claquement de doigts, mais il serait intéressant d'organiser une table ronde.
M. Rémy Pointereau, corapporteur de la mission d'information sur le transport de marchandises face aux impératifs environnementaux. - Vous avez évoqué la trajectoire de la LOM avec, aujourd'hui, un léger desserrement concernant les lignes à grande vitesse (LGV). On reparle du Bordeaux-Toulouse, Lyon-Turin est lancée, même si l'Italie pose quelques problèmes.
Quel est votre état d'esprit à propos de la LGV, même si nous sommes tous d'accord pour estimer qu'il faut prioriser la rénovation de l'existant ? Que pensez-vous de la relance de certaines lignes comme la ligne Paris-Orléans-Clermont-Ferrand-Lyon (POCL), dont on parle depuis très longtemps ? Une tierce expertise est attendue pour connaître le meilleur tracé sur le plan économique.
Qu'en est-il pour vous en termes d'aménagement du territoire et de concurrence avec les lignes aériennes ? On sait que le train est le meilleur moyen de transport en termes de décarbonation, mais encore faut-il donner envie de prendre le train face aux problèmes de cadencement, de dessertes, de confort ou de tarifs.
La décarbonation du transport routier représente un vrai coût. Un poids lourd avec un moteur thermique représente un coût de 100 000 euros et de 300 000 euros avec un moteur électrique. Comment faire pour financer la différence, l'hydrogène n'étant pas encore tout à fait opérationnel ?
Enfin, les petits aéroports sont très utiles pour les territoires enclavés qui ne sont pas dotés d'une bonne desserte ferroviaire. Où en est la décarbonation du transport aérien ? Quelles sont les pistes ?
M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué. - Monsieur Tabarot, sur les 4,05 milliards d'euros pour SNCF Réseau, 2,3 milliards d'euros sont consacrés à la régénération afin de maintenir le niveau des 3 milliards d'euros par an sur dix ans. 1,75 milliard d'euros est consacré à l'accompagnement des grandes transformations de SNCF Réseau, notamment concernant la suppression et la sécurisation des passages à niveau et les alternatives au glyphosate.
Sur les 170 millions d'aide supplémentaire au fret ferroviaire, 65 millions d'euros ont été consacrés à la baisse des péages, 20 millions au transport combiné, 70 millions d'euros au wagon isolé et 15 millions d'euros à l'ouverture ou la réouverture d'une nouvelle autoroute ferroviaire. Nous n'avons ouvert en l'état que celle entre Rungis et Perpignan, pour un montant d'un peu plus de 5 millions d'euros.
S'agissant des petites lignes, compte tenu de l'ensemble des crédits consacrés à la fois au plan de régénération et aux contrats qui ont commencé à être passés, plus de 1 000 kilomètres de lignes environ sont d'ores et déjà rénovés. Nous aurons rénové, d'ici à la fin du quinquennat, 1 500 kilomètres sur les 9 000 kilomètres. Environ 600 millions d'euros y ont été consacrés en deux ans. Tout cela va évidemment monter en puissance. C'est l'objet des contrats passés avec les différentes régions.
J'ajoute, concernant les petites lignes, que la logique est double. Il s'agit d'abord de repositionner les acteurs en fonction du type de réseau considéré. L'État réinvestit sur les lignes les plus fréquentées, réintègre dans la trajectoire de réseau un certain nombre de lignes par région, continue de cofinancer les lignes traditionnellement cofinancées par les contrats de plan État-région (CPER) et délègue aux régions qui le souhaitent des lignes d'intérêt local, sur lesquelles de nouveaux modèles peuvent être testés.
Tout ce que nous avons entrepris sur le train léger à hydrogène, qui a fait l'objet de différents appels à projets, participe d'une innovation technologique et d'une régénération plus économe. Nous étions partis il y a deux ans sur des hypothèses d'économies de l'ordre de 30 à 40 %, comportant à la fois la régénération de la voie, l'acquisition et l'entretien des matériels roulants. Les chiffres que nous avons aujourd'hui sont plus optimistes et on nous affirme qu'on pourrait d'ailleurs atteindre des économies de 60 % à 70 %. C'est considérable. Le travail mérite évidemment d'être poursuivi. On est sur des ordres de grandeur conséquents.
Vous avez été très précis concernant ce que nous avons réalisé sur le réseau ferroviaire et ce qui nous reste à faire. Je pense que l'on peut tous, si l'on est honnête, se dire qu'on a très largement rattrapé le retard au titre des sous-investissements du passé, mais qu'un gros travail reste à faire en termes de modernisation du réseau, de digitalisation, de mise en place d'une signalisation à jour d'ERTMS niveau 2 et, demain, d'ERTMS niveau 3 sur une base satellitaire. Je remercie d'ailleurs la SNCF, qui a fait un travail très précis sur des systèmes hybrides, jusque sur la ligne Marseille-Vintimille, ce qui nous permettra d'investir pour faire évoluer demain les systèmes sans risquer l'obsolescence.
Vous avez évoqué la commande centralisée du réseau, qui me tient particulièrement à coeur. On compte aujourd'hui 2 200 postes d'aiguillage. Nous avons pris un retard conséquent au niveau européen, alors que d'autres réseaux ont été très largement rénovés. L'objectif à terme, à l'horizon 2030 par exemple, pour un coût d'investissement de 8 milliards d'euros qui n'est pas aujourd'hui financé, est d'avoir une quinzaine ou une vingtaine de postes de commande et de contrôle centralisés.
S'agissant des réseaux de trains longue distance de nuit et de jour, compte tenu des opportunités de marché, on aboutit à différents corridors. Nous allons continuer à travailler sur les différentes hypothèses.
Pour ce qui est des trains de nuit, nous avons d'ores et déjà rouvert le Paris-Nice, qui fonctionne très bien. Nous rouvrirons le Paris-Tarbes le 14 décembre et le Paris-Vienne en fin d'année. Quand l'offre est bien positionnée sur le plan commercial, notamment avec une politique de petits prix, on arrive assez vite à conquérir ou à reconquérir des populations, notamment les plus jeunes. Ceci est valable au niveau français comme au niveau européen. C'est en tout cas un constat très largement partagé.
S'agissant des ressources de l'AFITF, vous avez rappelé les difficultés rencontrées concernant les amendes radar et l'écocontribution aérienne à court terme, qui n'a pas fourni beaucoup de ressources du fait de l'arrêt ou du quasi-arrêt du transport aérien au pic de la crise de la Covid-19. Le sujet est structurel : les ressources de l'AFITF sont essentiellement assises sur la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE). C'est une cible fossile qui a donc, dans un temps moyen, vocation à diminuer, pour le dire pudiquement.
Nous avons chargé le COI d'y réfléchir, ainsi que l'administration et les corps d'inspection. C'est un sujet très structurel, qui devrait trouver des premières réponses sur le long terme.
J'ai bien noté ce que vous avez dit à propos de l'ART. Je vais me pencher sur la question.
Quant au transport fluvial, vous avez rappelé les investissements en faveur de VNF, qui s'élèvent autour de 3 milliards d'euros sur dix ans. Nous avons modulé la baisse des ETP en la ramenant de - 90 à - 30. Nous gardons cette question bien présente à l'esprit. Alors qu'on réinvestit sur les infrastructures, la digitalisation et la modernisation, il est essentiel que VNF puisse continuer à investir dans de bonnes conditions. Je crois que c'est possible cette année. Ces sujets reviendront sur le devant de la scène dans les mois et les années qui viennent.
En matière portuaire, sur 175 millions d'euros, 140 millions d'euros sont consentis au titre du fret ferroviaire et 30 millions d'euros au titre de la décarbonation des ports, donc essentiellement à l'électrification à quai.
Pour ce qui est des questions de monsieur le sénateur Jacquin à propos des AOM et du fait que nous ayons cherché à pallier les pertes de recettes d'une part, et de fiscalité d'autre part, nous avons mobilisé deux types d'instruments, d'abord des subventions puis des avances remboursables.
Les compensations des pertes de versement en faveur de la mobilité se sont établies en 2020 à 28 millions d'euros pour 61 EPCI bénéficiaires et à 35 millions d'euros pour 24 syndicats mixtes. On a eu l'occasion de débattre des sujets techniques. La gestion des avances remboursables s'élève à 566 millions d'euros pour 85 AOM bénéficiaires. Nous avons accordé à titre exceptionnel à IDFM une aide de 1,6 milliard d'euros d'acompte versée au titre des pertes de recettes 2020, compte tenu des caractéristiques particulières de son réseau.
Une nouvelle avance remboursable a été annoncée cette année par le Premier ministre de 800 millions d'euros au titre de 2021.
Les réseaux de province ont assez rapidement récupéré leur niveau de 90 à 100 % du trafic, mais le trafic observé aujourd'hui sur le réseau parisien du Grand Paris n'a pas retrouvé son rythme de croisière. Il est en décrochage léger mais réel et, de façon nous semble-t-il assez durable, au moins pour quelques mois ou quelques années. Cela pose évidemment des questions. C'est certainement l'effet du télétravail et de la métropolisation, dans un moment où on investit considérablement sur tous ces sujets.
Nous avons reçu les préconisations du rapport de monsieur Duron. Certaines sont déjà actées, je pense à l'Observatoire des prix. Il est évident que nous devrons y donner des suites plus structurelles dans les mois qui viennent. Nous présenterons certainement des propositions à ce sujet.
S'agissant de la route, le budget consenti à leur entretien est passé d'un peu moins de 700 millions d'euros au milliard d'euros par an, afin de se mettre en ligne avec les préconisations d'un rapport suisse et être au bon niveau pour tenir compte de la vétusté du réseau. Le sujet du transfert de gestion dans le cadre du projet de loi « 3DS », en cours de navette, est actuellement débattu.
On aura là un sujet structurant, car on ne peut tout à fait raisonner de façon duale - en tout cas pas à moyen ou long terme - sur les concessions autoroutières afin de repenser la nouvelle génération de concession au-delà de 2030. Cela se prépare quelques années avant. On devra donc certainement, au cours du prochain quinquennat, quel que soit le Président de la République, repenser la future génération de concessions : sera-t-elle plus multimodale ou plus régionalisée ? Aura-t-elle vocation à redresser le caractère aujourd'hui très dual du réseau routier français ?
Concernant les ponts, nous avons mobilisé 100 millions d'euros, 60 millions d'euros pour les ouvrages de l'État et 40 millions d'euros pour les ouvrages des collectivités, en portant une attention particulière aux 19 000 communes les plus fragiles qui ne bénéficient pas d'une ingénierie à même de réaliser ces inventaires.
Pour ce qui est des primes à la conversion et des bonus, nous avons d'ores et déjà distribué, au cours du quinquennat, 860 000 primes à la conversion, environ 182 000 bonus. L'objectif, à la fin du quinquennat, est d'être à 231 000 bonus électriques. Il nous faut encore trouver un bon dispositif pour les poids lourds. Il est vrai que notre prime de 50 000 euros n'a pas eu beaucoup de succès, mais cela va beaucoup plus vite que prévu. D'ores et déjà, pour les 8-10 tonnes, l'offre de camions électriques française et européenne commence à émerger.
Dans le secteur automobile, l'accélération a eu lieu très rapidement. Le vrai sujet est d'abord de faire émerger l'offre, qu'elle soit française ou européenne, et de déployer les recharges. On a un débat national et des discussions au niveau européen pour coordonner le déploiement des bornes de recharge de grande puissance pour les camions électriques, et voir comment tout cela se complète avec le plan hydrogène.
Il nous faut aussi mettre l'aide au bon niveau. Le surcoût baisse très vite. Pour les 8-10 tonnes, on n'est plus sur un triplement du coût par rapport au référentiel de prix qui existait il y a encore deux ou trois ans.
Pour ce qui est du vélo, 13 000 kilomètres de pistes ont été créés au cours de ce quinquennat.
Nous avons lancé trois appels à projets depuis 2018. 350 millions d'euros sur sept ans ont été consacrés au plan vélo. 215 millions d'euros sont déjà engagés, 323 territoires en sont bénéficiaires. 553 projets ont été retenus. Cela a permis une augmentation de 30 % des pistes cyclables sécurisées en France. Un quatrième appel à projets est en cours. En cumulé, cela représente près de 600 millions d'euros d'investissement entre 2018 et 2020, soit 850 millions d'euros à l'échelle du quinquennat.
Les premiers chiffres nous montrent que l'industrie du vélo pourrait créer 78 000 emplois directs. Nous avons confié une mission au député Guillaume Gouffier-Cha à ce sujet
Je n'ai pas parlé des matériels roulants. Vous avez raison de dire qu'il s'agit d'une ressource rare. Une mission livrera ses conclusions fin décembre à propos d'une Rolling Stock Operating Company (ROSCO) de dimension européenne pour financer des matériels roulants longue distance. Nous avons voulu concevoir ce projet au niveau européen, parce que les sommes sont considérables et que le marché est structurellement européen. Fin décembre, nous disposerons de toutes les données pour l'ingénierie financière de cette ROSCO, qui aurait vocation à se déployer dans les prochaines années.
Madame Bonnefoy, s'agissant de la décarbonation du transport routier de marchandises, vous avez tout à fait raison de dire que nous n'y sommes pas encore pour ce qui est de l'offre, mais nous y travaillons. La task force s'est réunie à plusieurs reprises. Une dernière réunion doit avoir lieu dans les toutes prochaines semaines, dans l'objectif de délibérer d'ici la fin de l'année sur la bonne manière de dépenser les 100 millions d'euros à consacrer à la transition du secteur.
Le bon « triptyque » est le suivant : il convient de se mettre d'accord sur l'accompagnement de l'offre, notamment électrifiée, française et européenne, sur ce qu'on entend par le déploiement d'infrastructures, notamment en termes de puissance demandée au réseau, et de bien positionner le bonus électrique au sens large - j'y inclus l'hydrogène -, afin d'amortir le surcoût par rapport au prix actuel du marché.
Un accord est intervenu entre les trois principaux partenaires au sein de l'Union européenne sur la révision d'Eurovignette. La ratification doit avoir lieu.
Quant au sujet sur lequel vous m'avez interpellé à plusieurs reprises, un courrier est en cours de rédaction. Je vous prie de bien vouloir excuser le délai de réponse. C'est évidemment un accident dramatique. Les réponses seront apportées rapidement.
Sur le fond, j'ai déjà eu l'occasion de répondre au sujet des travaux engagés au titre des CPER de la région Nouvelle-Aquitaine. J'entends, pour le vivre aussi sur la RN 147 entre Limoges et Poitiers, que les difficultés sont nationales. Je saisis votre proposition de nous mettre autour de la table pour discuter d'une cartographie des éventuelles zones à faibles nuisances ou de tarifs préférentiels sur les autoroutes. Il faut essayer de monter cette réunion rapidement pour voir comment jeter les bases d'une réponse structurée à ce sujet.
Quant à la question de monsieur le sénateur Pointereau, l'état d'esprit du Gouvernement sur les LGV est positif. En 2017, pour faire face à la vétusté du réseau, nous avons porté l'action sur la régénération et nous priorisons, dans le cadre de la LOM, la désaturation des noeuds ferroviaires.
Le Président de la République, à l'occasion des 40 ans du TGV, a engagé un nouvel acte en faveur de la grande vitesse en France, en prenant des décisions concrètes sur les LGV Bordeaux-Toulouse, Marseille-Nice, Montpellier-Perpignan. Tout cela participe de la même logique et l'État a confirmé ses engagements à hauteur de plusieurs milliards d'euros sur ces projets, par ailleurs inscrits dans la partie programmation de la LOM.
Pour ce qui est du POCL, une étude est toujours en cours. Le COI avait, en termes de calendrier, considéré le projet réalisable dans une fenêtre lointaine, au-delà de 2040. Le COI aura certainement l'occasion de s'y replonger. L'étude se poursuit quoi qu'il en soit.
S'agissant de la concurrence entre la LGV et l'aérien, nous avons assez largement été instruit par les faits. Nous avons lancé en juillet 2017 la ligne Paris-Bordeaux. En quelques mois, elle a absorbé la clientèle qui, à 60 %, empruntait la ligne aérienne entre Bordeaux et Paris. Cela avait été également le cas quelques années avant avec le Paris-Strasbourg. Autrement dit, en cas de concurrence entre la véritable ligne à grande vitesse et l'avion, c'est le TGV qui gagne. Cela renvoie à ce que j'ai dit auparavant sur le fait de se doter, à terme, d'un réseau à grande vitesse très complet sur le territoire.
Concernant la décarbonation, nous avons souhaité préserver la desserte des aéroports de proximité, notamment au travers des lignes d'aménagement du territoire. C'est une politique qui se poursuit. Bien souvent, c'est l'attractivité même des territoires qui se joue. J'en parle en connaissance de cause.
La décarbonation des aéroports est très largement engagée autour de l'électrification des engins de piste et de différentes actions locales, au terme d'ailleurs d'un programme européen.
La décarbonation des avions, à court et moyen terme, doit recourir aux biocarburants. C'est ce qu'ont commencé à faire Total, Avril et d'autres gros acteurs français avec la technologie des huiles de cuisson usagées. On a fait voler entre Paris et Montréal un avion avec 14 % de biocarburants, plus récemment avec 30 % entre Paris et Nice, et cela continue d'augmenter. Je précise que tout ceci est inodore, incolore et parfaitement sûr.
On pense que c'est, à court terme, la solution pour satisfaire les objectifs d'incorporation des biocarburants à l'horizon 2025-2030.
La deuxième filière très vertueuse sur le plan écologique est celle recourant aux déchets agricoles et forestiers. On l'a vu notamment à Venette, dans l'Oise, et ailleurs. Ce sont des investissements assez lourds, car il s'agit d'usines de traitement chimique, mais c'est une très bonne chose pour la reconquête de nos territoires.
Il faut également compter sur les carburants synthétiques autour de l'hydrogène. Aujourd'hui, le coût triple pour les carburants à base d'huile usagée. Il est multiplié par cinq pour les carburants issus de la biomasse et par dix pour les carburants synthétiques. L'enjeu réside donc dans la massification de la production et, à l'échelle de l'Union, il faut faire appel à un soutien public conséquent pour parvenir à des prix de marché acceptables pour les usagers.
M. Jacques Fernique. - Le contrat triennal « Strasbourg, capitale européenne » cible l'objectif d'un ancrage fort de Strasbourg au réseau allemand et souhaite faire de Strasbourg une gare pivot bien intégrée au réseau des Intercity-Express (ICE), avec une connexion à Offenburg, pour relier ensuite Francfort et Karlsruhe. Strasbourg est en effet à proximité de quatre des neuf corridors européens.
Or, on ne sent pas bien la détermination réelle de la SNCF et du Gouvernement pour engager cette mutation. Certes, le train de nuit Paris-Vienne va être bientôt inauguré, mais on est encore loin de ce qui était prévu.
Les échanges récents de la SNCF avec les élus locaux sont plutôt décevants. On ne voit aucune stratégie se construire, alors que la Deutsche Bank et les Autrichiens paraissent beaucoup plus impliqués en matière de corridors européens et de trains de nuit, et l'engagement de l'État sur une connexion entre Strasbourg et l'aéroport de Francfort n'a par exemple pas progressé à ce stade.
Pour les trains du quotidien, l'Eurométropole « met le paquet » avec le Grand Est sur le projet de réseau Express métropolitain, qui est confronté à au moins trois difficultés, dont la nécessité de réhabiliter la ligne Strasbourg-Schiltigheim-Lauterbourg. C'est le maillon faible de notre étoile ferroviaire. Aujourd'hui, cet axe n'est pas en mesure de supporter un trafic supplémentaire.
Le deuxième problème vient de l'adaptation nécessaire de la gare à une augmentation du nombre des usagers quotidiens, qui va être de l'ordre de 30 % à 40 %.
Enfin, le troisième problème réside dans le coût de développement du trafic, avec des perspectives peu engageantes du côté des péages ferroviaires. Le président de la région Grand Est, monsieur Rottner, et les élus de Strasbourg viennent d'écrire leurs inquiétudes à ce sujet.
Quels engagements vont être pris sur ce dossier qui comporte de forts enjeux ? Comment le Gouvernement compte-t-il soutenir la politique ferroviaire de Strasbourg ?
Mme Angèle Préville. - Je souhaite vous interroger sur l'ouverture à la concurrence et les acteurs qui se positionnent. On le sait, la transition énergétique appelle à la décarbonation du volet transports, notre électricité étant déjà décarbonée. Il faut donc agir et doubler le fret ferroviaire en passant de 9 % à 18 %. On est encore loin du compte !
Certains acteurs, comme des sociétés coopératives et participatives (SCOP) se lancent dans le fret ferroviaire. Y a-t-il des possibilités d'accompagnement de ces acteurs courageux qui se lancent dans cette aventure, par exemple par le biais du plan de relance ?
Qu'en est-il par ailleurs de la ligne Paris-Orléans-Lyon-Toulouse (POLT) ? Le département du Lot va se trouver bien trop éloigné de l'accès à cette ligne et s'inquiète du fait que les trains ne doivent pas s'arrêter à Brive. Le Lot ne sera pas relié directement à la LGV, alors que cette ligne est très importante pour ce département. Pouvez-vous confirmer l'investissement de l'État à ce sujet ?
M. Bruno Belin. - Je suis convaincu que le XXIe siècle ne pourra se passer d'aviation. C'est à l'Europe, comme elle le fait en matière d'espace, de s'affirmer pour ne pas abandonner ce marché et celui de la formation à la Chine et au Moyen-Orient.
Je considère que les aéroports sont des sources de liberté pour les territoires et qu'ils peuvent être utiles. Si l'on veut que l'aviation civile ait un avenir et que les territoires soient desservis, il faut en donner les moyens aux aéroports.
Par ailleurs, qu'en est-il des nouvelles mesures biométriques qui doivent être prises aux frontières (EES) ? Ceci va rallonger le temps d'attente des passagers, qu'on estime à une heure et demie en période de pointe, et va aussi poser un problème de coût - 5 millions d'euros pour ADP. La question est simple : qui va payer, le contribuable ou le passager, alors qu'il s'agit d'une compétence régalienne de l'État, celle de sécurité ?
Enfin, quand les travaux sur l'axe à deux fois deux voies de la RN 147, qui nous est chère à tous les deux, vont-ils commencer ?
M. Guillaume Chevrollier. - Il faut investir afin de tenir les objectifs de décarbonation de notre économie. Vous voulez le faire dans le ferroviaire, et je souligne l'importance d'investir pour l'entretien et la régénération du réseau ferroviaire, qui en a bien besoin.
Il faut aussi, vous l'avez dit, se mobiliser pour relancer le fret. Dans la région des Pays de la Loire et dans le département de la Mayenne, nous avons un potentiel en matière de fret et besoin d'un accompagnement de l'État pour développer nos bases multimodales.
Par ailleurs, nous bénéficions d'une ligne à grande vitesse vers la Bretagne, qui passe par le beau département de la Mayenne. Actuellement, des discussions ont lieu autour des conventions de desserte ferroviaire. La SNCF ne nous garantit pas aujourd'hui de maintenir notre niveau de desserte actuelle. Il faut avoir au moins huit allers-retours de la préfecture du département vers la capitale. C'est important pour l'attractivité de notre territoire et pour accueillir de nouvelles populations de travailleurs dans nos départements.
Les collectivités locales sont mobilisées pour maintenir ce niveau de desserte. Quel soutien votre Gouvernement peut-il apporter dans ce combat ?
M. Olivier Jacquin, rapporteur pour avis. - Monsieur le ministre, vous n'avez répondu que très partiellement à un certain nombre de mes questions.
Je vous ai interrogé sur l'aide au verdissement du parc de véhicules légers. Des programmes vont évoluer en 2022 ; nous sommes au milieu du gué, et on ne sait pas du tout où l'on va, à l'heure où on lance les zones à faibles émissions mobilité (ZFE-m).
Il en va de même pour le vélo. J'ai souligné tout à l'heure l'engagement de l'État, mais pour poursuivre le rythme de cette belle révolution, ne faut-il pas augmenter le fonds qui lui est dédié ?
Concernant les sociétés de concessions autoroutières, si j'analyse votre réponse, il ne va rien se passer d'ici la fin du quinquennat. Or, mon collègue Philippe Tabarot a souligné tout à l'heure l'attitude des sociétés de concessions autoroutières vis-à-vis de l'Afitf, qui refusent de s'acquitter de la contribution volontaire exceptionnelle et toutes les questions restent posées sur le bon état du patrimoine. Cela ne me satisfait donc pas pleinement.
Concernant les TET, vous m'avez répondu à propos du train de nuit et de l'idée de créer une ROSCO de dimension européenne face à la problématique de l'offre en matériel roulant, mais une nouvelle convention sur les Intercités est en cours de finalisation avec Voyageurs. Allez-vous inscrire de nouvelles lignes TET à ce programme ?
Par ailleurs, concernant le financement des nouvelles LGV annoncées par le Président de la République, s'oriente-t-on vers un financement de type Lisea Tours-Bordeaux, qui coûte 30 % plus cher que les autres LGV en termes de sillons, ou avez-vous en tête un autre mode de financement de la part de l'État ?
Enfin, qu'en est-il de l'indemnité versée à Vinci pour l'arrêt de Notre-Dame des Landes ? Dans les couloirs, on parle de 10 milliards d'euros.
M. Hervé Gillé. - Sur la LGV Bordeaux-Toulouse, le Premier ministre a bousculé le calendrier initialement prévu dans le cadre de la loi LOM et la prise de décision politique, cette dernière devant intervenir rapidement afin qu'une ordonnance soit signée en mars pour lancer le programme.
L'État s'engage aujourd'hui à hauteur de 4,1 milliards d'euros. Comment ceux-ci sont-ils inscrits ?
Le programme s'élève à 14,3 milliards d'euros à l'horizon 2030. La part de l'État de 40 % de ce montant représente donc 5,72 % milliards d'euros. Or, cette somme prévue de 4,1 milliards d'euros est-elle à rapporter aux 5,72 % milliards ? Le plan de financement s'établit à hauteur de 40 % pour l'État, 40 % pour les collectivités locales et territoriales et 20 % pour l'Europe. Pourquoi ce différentiel entre les deux sommes ?
On espère aujourd'hui 20 % concernant le financement européen de la ligne Bordeaux-Dax via l'Espagne - même si le problème du fameux bouchon du Pays basque n'est toujours pas résolu. La négociation est lancée, mais elle n'a toujours pas abouti. Avez-vous des éléments à ce sujet ?
Il existe une pression très forte sur les collectivités locales et territoriales. Or un certain nombre d'entre elles ont déjà fait savoir que, compte tenu des financements qui sont appelés, elles ne pourront pas suivre. Que se passerait-il par rapport au calendrier si tel était le cas ?
Mme Martine Filleul. - Ma première question concerne la suppression de postes chez VNF, alors que beaucoup d'argent a été consacré pour rénover les 6 700 kilomètres de voies navigables. Toutefois, l'automatisation des écluses n'est toujours pas réalisée, et la suppression des postes empêche le fonctionnement normal de nos voies navigables. Ma seconde question concerne les ports. La mission d'information réalisée par notre commission a mis l'accent sur les investissements nécessaires pour les remettre au centre de notre économie.
Certes, 175 millions d'euros ont été consacrés à leur verdissement mais, dans le budget 2022, seuls 100 millions d'euros leur sont destinés. Des investissements pérennes réguliers et importants sont nécessaires pour changer la situation. Je crains qu'on ait eu à faire, au travers du plan de relance, à un « one shot » qui ne perdure pas dans les années à venir.
M. Ronan Dantec. - Nous allons demander aux contribuables, pour financer le tronçon Bordeaux-Toulouse, de participer directement, en plus des impôts qu'ils versent déjà aux collectivités, à travers une taxe spéciale d'équipement (TSE) votée le 10 novembre dernier.
Or, on ne sait pas grand-chose de cette TSE. Pourriez-vous nous communiquer les études préalables lancées par Carole Delga, présidente de région et maire de Toulouse ? La TSE ne porte-t-elle que sur ce tronçon ou va-t-elle aussi concerner le tronçon vers Montpellier ? Une deuxième taxe sur les bureaux est par ailleurs prévue. Il y a donc là un énorme problème de financement.
Par ailleurs, pourrait-on avoir une étude portant non pas simplement sur les coûts des alternatives, mais aussi sur la capacité de ces alternatives sur le plan quantitatif ? Je veux bien qu'on roule à l'huile de friture, mais il nous restera en tout une dizaine de vols à l'échelle européenne. Cela ne suffira pas, pas plus que la biomasse. Quant à l'huile de palme, il faudrait raser l'Indonésie et, pour ce qui est de l'hydrogène, construire on ne sait combien de réacteurs. Est-ce que l'État pourrait compléter les chiffres que vous avez évoqués par une étude sur la capacité de fournir quantitativement ces alternatives ? Ce n'est pas qu'une question de coût, c'est une question technique quantitative.
Enfin, pouvez-vous nous confirmer que la France va soutenir fermement l'Union européenne concernant l'ETS européen pour l'aviation, ce qui amènera une taxation du carbone autour de 100 euros à terme, et qu'elle n'abdiquera pas devant le système Corsia dont l'objectif est que cette taxation ne dépasse pas quelques dizaines de centimes - ou quelques dollars.
M. Frédéric Marchand. - Je voudrais revenir sur la question des alternatives aux carburants et sur la motorisation, non pour parler d'aviation, mais de voitures et de transport routier.
Dans le cadre de la préparation du PLF 2022, j'ai, s'agissant du programme 190 « Enseignement supérieur », entendu quelques-uns des acteurs les plus performants dans le domaine de la recherche française. Nous avons un écosystème de recherche sur les énergies, les carburants et les mobilités assez remarquable, puisque trois des organismes auditionnés sont parmi les dix premiers dans le classement mondial.
Quel est votre avis sur les dernières pistes suivies par l'Institut français du pétrole et des énergies nouvelles (IFPEN) s'agissant du rétrofit qui permettrait, par l'incorporation d'un boîtier électronique à la fois sur des voitures particulières, mais aussi sur des camions, de basculer de la motorisation thermique à l'hydrogène avec quelques aménagements à moindre coût par rapport à ce qui avait été annoncé ? Le rétrofit fait-il partie des pistes qui sont suivies ? Ces organismes pourront-ils bénéficier d'un soutien tout à fait mérité ?
M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué. - S'agissant des questions de monsieur Fernique sur le rail et Strasbourg, une étude est en cours pour achever le schéma directeur du réseau express métropolitain. Au-delà de la quatrième voie déjà réalisée, des voies nouvelles en gare sont envisagées. Cela permettra, dès 2023, de doubler l'offre. S'agissant de la ligne Strasbourg-Aéroport de Francfort, j'ai obtenu il y a quelques mois de mon homologue allemand son inscription dans la liste des ICE, ce qui n'était pas tout à fait gagné.
Pour ce qui est des coûts des péages, nous avons d'ores et déjà mis en place la modulation tarifaire à la demande du président de région pour la période 2021-2023. L'objectif est de trouver une logique vertueuse.
J'ai déjà répondu à la question de madame Filleul sur le report modal en disant que les investissements consentis dans les ports s'élevaient à 140 millions d'euros pour les aménager ou permettre l'intermodalité avec le mode ferroviaire.
Quant aux sociétés à statut associatif, nous avons signé l'agrément de Railcoop en tant qu'entreprise ferroviaire. Nous sommes favorables à un amendement destiné à permettre aux collectivités qui le souhaitent de monter au capital de ces sociétés à statut particulier, ce qui n'est pas possible aujourd'hui.
S'agissant de POLT, je confirme les engagements de l'État. Nous sommes à 2,4 milliards pour la partie plateforme, soit 1,6 milliards d'euros de régénération et 350 millions d'euros de modernisation. Le matériel roulant arrivera d'ici fin 2023. Il aura vocation à se déployer entre fin 2023 et 2026, pour un montant de 450 millions d'euros.
Je partage tout ce qu'a dit le sénateur Belin sur le rôle de l'aviation comme industrie d'excellence et outil d'aménagement du territoire. S'agissant de l'EES, nous avons mené avec le ministre de l'intérieur une étude pour voir comment mettre en place ce système sans perdre trop de temps. Les premières études ne sont pas satisfaisantes en termes de délais. Nous allons voir, avec les aéroports, comment minimiser les temps d'attente.
Sur l'investissement, nous avons précisé aux différents aéroports, notamment ceux de la plaque parisienne, que l'État allait investir plusieurs dizaines de millions d'euros dans l'acquisition des kiosques de préenregistrement.
En parallèle, nous discutons avec Bruxelles du report de la date de mise en oeuvre, de manière à être prêt au bon moment pour permettre une fluidité compatible avec les différents objectifs poursuivis, notamment celui de l'attractivité pour ceux qui empruntent les aéroports parisiens et français.
S'agissant de la RN 147, on parle de deux choses différentes. Des travaux ont été engagés au titre de conventions et de différents CPER. J'ai eu l'occasion de lancer une série de travaux sur les créneaux de dépassement entre Limoges et Bellac il y a quelque temps. Le bouclage financier de la déviation de Lussac-lès-Châteaux est terminé. On a, d'une manière générale, très largement engagé une discussion sur l'aménagement de l'axe Sud-Est de Poitiers autour de la déviation de Mignaloux. Ceci nous permettra de l'inclure dans la contractualisation post-2022.
Un autre projet concerne le passage à un axe autoroutier à deux fois deux voies, sur lequel nous avons avancé ces derniers mois. Nous sommes en capacité de lancer à présent une concertation avec garant en janvier 2022, de manière à recueillir l'avis du public sur les différentes options qui ont été techniquement définies pour se doter d'une autoroute, à péage ou non, sur l'axe entre Limoges et Poitiers.
S'agissant de la question de monsieur Chevrollier concernant la desserte de la LGV traversant la Mayenne, on pourra, le cas échéant, faire office de médiateur entre la région et la SNCF, comme on le fait souvent, de manière à maintenir les capacités de cadencement et la qualité de l'offre.
Concernant les questions de monsieur Jacquin sur les aides aux véhicules électriques, j'ai cité les primes et les bonus. J'aurais peut-être dû commencer par le nombre de bornes déployées. Nous sommes à 800 000 bornes tous azimuts. À la fin de l'année, nous serons à un million, avec 50 000 bornes ouvertes au public.
Nous avons co-investi aux côtés des concessions à contrat constant pour développer sur les grands axes, à hauteur de 500 millions d'euros, des bornes électriques de puissance importante. On aura couvert d'ici la fin de l'année 50 % des aires de service et, d'ici fin 2022, 100 % de celles-ci. Cela permet de résoudre le sujet de l'itinérance.
Reste à déterminer comment organiser la recharge sur la voie publique - puissances installées, hub de recharge de puissance importante, ce qui est ma préconisation. Ceci est financé au travers du programme Advenir, comme pour les copropriétés, alors que le plan de relance traite du financement des bornes sur les grands axes.
Ce sujet est devant nous. On a aujourd'hui 600 000 véhicules électrifiés, dont 400 000 véhicules électriques purs. On en aura, d'après les prévisions, 3 millions d'ici 2025, 10 millions en 2030 et 21 millions en 2035.
Concernant la LGV, le chiffre de 14 milliards d'euros que vous évoquiez, monsieur le sénateur, inclut le Bordeaux-Dax, soit 10,2 milliards d'euros pour le Grand Paris Seine Ouest (GPSO) stricto sensu. C'est donc bien 4,1 milliards d'euros pour la part État pour le financement de la LGV Bordeaux/Toulouse, qui est confirmé et inscrit dans la trajectoire de la LOM, en excluant le Bordeaux-Dax qui sera dans la prochaine programmation d'investissement.
Monsieur Dantec, la TSE est une demande de la région. Ce sont 24 millions d'euros par an qui viennent se défalquer de la contribution de la région. L'Occitanie ne s'est pas encore prononcée concernant Montpellier-Perpignan mais, en l'état, ces 24 millions d'euros par an sont dédiés au GPSO.
Le bouclage du financement, notamment la taxe sur les bureaux, est réalisé sous l'égide du préfet, avec la volonté politique de toutes les parties de conclure positivement.
S'agissant de la décarbonation de l'aviation et de ses alternatives, Corsia constitue un cadre international qui traite de la compensation. Quand on cumule l'ensemble des actions de décarbonation - optimisation des trajectoires, nouvelles générations d'avions, recours à des carburants alternatifs au kérosène - on a besoin, pour tenir le net zéro en 2050, d'une partie de cette compensation. Elle est, suivant les scénarios, entre 9 % et 15 %. Le mécanisme Corsia le permet.
Les ETS sont quant à eux des systèmes de quotas. Nous cherchons à articuler l'ETS aviation avec Corsia. Nous sommes extrêmement clairs depuis le début : nous voulons éviter les effets d'éviction et que les Chinois ou de grands blocs n'arrêtent tout parce que notre système est mal articulé.
La compensation pèse sur le coût pour les opérateurs aériens, même si le prix à la tonne est faible aujourd'hui, tout comme le TSE et les carburants alternatifs au kérosène, dont le chiffre est multiplié par un facteur de trois à dix, les choses devant bien entendu s'améliorer avec la massification de la production. Certains, par ailleurs, préconisent une taxation du kérosène à l'échelle de l'Union européenne.
Le coût de la décarbonation supporté par le transport aérien est donc extrêmement élevé. Le surcoût des alternatifs au kérosène représente 60 % en plus sur le prix du billet. Les biocarburants seront à ce stade la solution pérenne pour les avions long-courriers, pour lesquels les alternatives technologiques comme les avions hybridés ou à hydrogène ne seront pas tout de suite disponibles.
Enfin, s'agissant de la question de Frédéric Marchand sur le rétrofit, j'ai déjà eu l'occasion de dire que les solutions proposées par l'institut que vous évoquez étaient techniquement pertinentes. Nous avons confirmé qu'elles étaient éligibles à la prime à la conversion pour aider à son déploiement, et que le rétrofit constituait une bonne solution de transition.
On constate un très grand mouvement en faveur de l'électrification pour la mobilité légère et du recours à l'hydrogène pour la mobilité lourde, mais ce que vous dites sur le rétrofit est tout à fait vrai. Le Gouvernement l'encourage.
M. Jean-François Longeot, président. - Monsieur le ministre, merci pour ces échanges intéressants et fructueux.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
La réunion est close à 18 heures 10.