Mercredi 22 septembre 2021
- Présidence de Mme Catherine Deroche, présidente -
La réunion est ouverte à 9 h 30.
Soins intensifs et de réanimation - Audition de Mme Véronique Hamayon, conseillère maître, présidente de section à la sixième chambre de la Cour des comptes
Mme Catherine Deroche, présidente. - Nous entendons ce matin des magistrats de la Cour des comptes, pour la présentation d'une enquête demandée par notre commission sur les soins intensifs et de réanimation. M. Denis Morin, président de la sixième chambre de la Cour, ayant eu un empêchement, il est remplacé par Mme Véronique Hamayon, conseillère maître, présidente de section, qui est accompagnée de M. Noël Diricq, conseiller maître, et de M. Nicolas Parneix, rapporteur extérieur.
J'indique que cette audition fait l'objet d'une captation vidéo retransmise en direct sur le site du Sénat, qui sera ensuite disponible en vidéo à la demande.
Quasiment inconnus du grand public avant la crise sanitaire, les soins critiques ont acquis depuis lors une notoriété nouvelle, les capacités des établissements de santé ayant même fini par commander les mesures de restrictions de liberté appliquées à la population.
Au-delà de la gestion de la crise sanitaire, en particulier de sa première vague, que le Sénat a analysée lors des travaux de la commission d'enquête sur le covid-19, il m'a semblé nécessaire d'approfondir les aspects structurels de ce secteur de l'organisation des soins : non seulement le bon dimensionnement des lits, mais sans doute aussi la modularité des organisations, les disparités territoriales, les conditions d'une coopération durable entre les établissements publics et privés et la mise en place de capacités de pilotage plus efficaces, en particulier des systèmes d'information.
La crise sanitaire a également mis en évidence la question cruciale des ressources humaines, en particulier des paramédicaux, dont le manque s'est fait sentir et pose des questions lourdes, comme l'attractivité, la gestion des carrières ainsi que l'organisation des tâches entre les différentes professions de santé.
Nous avons reçu plusieurs témoignages de professionnels faisant état de ces difficultés structurelles. Celles-ci devront trouver des réponses sans tarder, car le principal défi auquel les soins critiques sont confrontés est bien le vieillissement de la population, qui en sollicitera toujours plus les capacités sans que puissent être développées des solutions de substitution.
Madame la présidente, vous avez la parole pour nous exposer les conclusions de votre enquête.
Mme Véronique Hamayon, conseillère maître, présidente de section à la sixième chambre de la Cour des comptes. - Vous connaissez, bien entendu, les conditions de notre saisine et les conditions difficiles dans lesquelles nous avons dû réaliser notre contrôle puisque, en raison du contexte de pandémie, nos interlocuteurs étaient peu disponibles. Néanmoins, nous avons pu la mener et elle a débouché sur deux études de la Cour des comptes.
Faisons d'abord le point sur les définitions : les services de soins critiques, qui ne sont pas forcément comparables à ce que désigne ce terme dans les autres pays européens, recouvrent trois types de service : les services de réanimation, les unités de soins intensifs (USI) et les unités de surveillance continue (USC).
La Cour a instruit son contrôle sur les soins critiques tant au regard de la pandémie que d'un point de vue structurel. Notre étude a donné lieu à une insertion dans le rapport public annuel de la Cour de mars dernier, mais il nous a semblé dommage de ne pas aller plus loin, car nous avions recueilli nombre de données et nous pensions nécessaire d'étudier les deuxième et troisième vagues, afin d'examiner si les enseignements de la première avaient été tirés, si les services avaient adapté leur réponse aux besoins. Nos constats nous ont amenés à émettre trois grands messages : il est indispensable de revenir aux fondamentaux de la planification sanitaire, qui a existé jusqu'en 2014 ; l'adaptation de l'offre de soins ne peut s'envisager que sur le long terme, car faire face à une pandémie ne devrait pas s'improviser ; et la tarification à l'activité (T2A) n'est pas adaptée aux soins critiques.
Nos constats se structurent autour des deux axes annoncés, les enseignements tirés de la crise et ceux qui sont issus de notre analyse structurelle.
En ce qui concerne les enseignements tirés de la crise, nous avons en premier lieu constaté que la France était très mal préparée à la survenue d'une pandémie. Depuis 2014, les outils spécifiques n'existaient plus et les plans Orsan (organisation de la réponse du système de santé en situations sanitaires exceptionnelles) ne sont pas adaptés.
En second lieu, la réponse des autorités sanitaires a été quelque peu tardive. Ces dernières n'ont pas anticipé les effets de la pandémie sur les services de soins critiques puisque ce n'est qu'à la mi-mars 2020 que les autorités se sont organisées pour faire monter en charge les services de soins critiques. Entre les deux premières vagues, entre juillet et octobre 2020, nous n'avons pas relevé de décision annonciatrice d'évolution structurelle, non plus que lors du Ségur de la santé. De même, nous n'avons pas observé d'évolution en matière d'ouverture de places d'interne en anesthésie-réanimation ni dans les dotations en infirmiers en soins critiques.
Toutefois, nous avons constaté qu'une nouvelle doctrine a été mise en place pour éviter les déprogrammations massives de la première vague, une approche régionalisée ayant succédé à une approche nationale ; on a aussi pérennisé les outils de suivi épidémiologique, des capacités hospitalières et des stocks de médicaments et de dispositifs médicaux.
Les leçons tirées de la première vague sont positives : les déprogrammations ont été régionalisées et il y a eu une volonté de structurer une filière hospitalière de covid-19. Néanmoins, l'efficacité de ces solutions s'étiole, car les renforts exceptionnels de ressources humaines ont été difficiles à mobiliser, en raison de la lassitude des acteurs et du développement de la pandémie sur le territoire. Quant aux transferts de patients, ils demeurent lourds à mettre en oeuvre. Enfin, la coopération entre public et privé, assez marquée pendant la première vague, a été difficile à maintenir dans la durée.
Pour ce qui concerne le volet structurel de notre enquête, nous avons cherché à identifier des pistes de réforme.
Nous avons d'abord constaté que la croissance de l'offre en soins critiques a été limitée, entre 2013 et 2019, à la surveillance continue et aux soins intensifs et n'a pas touché la réanimation. Nous constatons également des inégalités territoriales marquées du point de vue de la capacité d'hospitalisation en soins critiques, ainsi que la concentration progressive de l'offre de soins, avec la suppression de petits services et leur regroupement, les créations de lits s'enregistrant dans les centres hospitaliers universitaires (CHU). Malgré cette évolution positive, il reste un grand nombre d'unités de soins critiques de petite taille et isolés.
Par ailleurs, les coopérations territoriales des services de soins critiques sont informelles ; en outre, les groupements hospitaliers de territoire (GHT) sont trop étroits pour permettre une véritable coopération : 65 % des GHT n'ont qu'un service de réanimation.
Enfin, nous avons constaté que les services rendus par les unités de soins critiques n'étaient pas identiques selon la nature, publique ou privée, de l'établissement.
J'en viens à l'évolution de l'activité de soins critiques. La progression de l'activité en volume constatée sur les cinq ou six dernières années va se poursuivre ; le nombre de passages en réanimation a crû de 8,2 % par an entre 2014 et 2019. Par ailleurs, les patients en soins critiques sont de plus en plus âgés.
En ce qui concerne les parcours en soins critiques, nous montrons un manque évident de fluidité en aval. En effet, un certain nombre de patients, faute de débouché, occupent des lits de soins critiques qui font défaut pour des patients en ayant plus besoin. Nous avons été étonnés de constater que l'activité de soins critiques diminue fortement le week-end. Une marge d'amélioration existe certainement en la matière.
Je termine par un point sur les ressources humaines consacrées aux soins critiques. Ces services mobilisent 53 000 équivalents temps plein (ETP), soit 9 % des équipes médico-soignantes de médecine-chirurgie-obstétrique (MCO). Les infirmiers en représentent plus de la moitié, les médecins 11 % et les aides-soignants 31 %. On observe des tensions sur les effectifs de médecins anesthésistes-réanimateurs et de médecins intensivistes-réanimateurs. Surtout, on observe un turnover très élevé chez les infirmiers en soins critiques, de l'ordre de 25 % par an, soit le double de ce que l'on observe dans les services de soins conventionnels. C'est très lourd pour les équipes, d'autant qu'il faut former les nouveaux arrivants. Tout départ crée donc une difficulté pour le service.
Sur le fondement de ces constats, la Cour suggère des orientations. Elle propose d'abord de conserver la pluridisciplinarité des spécialités d'anesthésie-réanimation et de médecine intensive-réanimation. Il convient également d'anticiper les tensions sur les effectifs, compte tenu de la dynamique de l'activité et du vieillissement de la population. La Cour suggère de favoriser les passerelles entre spécialités médicales et de renforcer la reconnaissance des infirmiers diplômés d'État (IDE) en soins critiques, au travers d'une formation spécifique et d'une reconnaissance financière.
Par ailleurs, il faut anticiper, sur le plan matériel, l'avenir des soins critiques, afin que les établissements se préparent en amont, car la refonte des services de soins critiques nécessite de repenser les bâtiments. En outre, l'informatisation des services est très insuffisante et les systèmes d'information (SI) ne sont pas compatibles entre eux.
Enfin, il faut réformer le financement des soins critiques. L'ouverture d'un lit en réanimation représente, pour un établissement, un déficit moyen de 115 000 euros par an. Il y a donc une désincitation à ouvrir un lit en soins critiques s'il n'est pas adossé à un service de MCO. Il convient d'annihiler les effets tarifaires de l'ouverture d'un service de soins critiques et d'envisager une tarification permettant de libérer des lits quand ils peuvent l'être.
Mme Corinne Imbert. - L'offre de lits en soins intensifs n'est plus en phase avec la disponibilité de lits en aval. Or les spécialistes de médecine intensive-réanimation recommandent une augmentation du nombre de lits dans les régions déficitaires, tandis que les anesthésistes-réanimateurs sont plus réservés à cet égard. Comment analysez-vous cette différence d'appréciation ? Quel type d'adaptation préconisez-vous ?
Quelles seraient les pistes de réforme du financement ?
Il m'a semblé que vous préconisiez, dans votre rapport, la constitution d'une réserve de soignants en soins critiques. Pouvez-vous en dire deux mots ?
Enfin, cette étude porte sur 2019, mais l'année 2020 a été cruciale, de même que l'année 2021. Avez-vous des éléments sur ces deux années ? Comment analysez-vous la quatrième vague de l'été 2021 ?
Mme Florence Lassarade. - Je connais bien ce secteur en tant qu'ancienne réanimatrice pédiatrique ; bienvenue dans un monde qui était mal connu avant la crise...
Le soignant passe beaucoup de temps à organiser le transfert et le transport d'un patient d'un service à l'autre, et la France est reconnue pour la qualité de ses transferts. Connaissez-vous le coût de ces transferts ? En particulier, pouvez-vous nous dire un mot sur les transferts médiatiques organisés lors de la première vague du covid-19 notamment, qui mobilisaient jusqu'à huit soignants ?
Quant à la question de la formation, des élèves infirmiers et des personnes souhaitant passer une année en centre hospitalier universitaire (CHU) ont été pénalisés, en raison du manque de temps pour les former. C'est paradoxal...
Mme Véronique Guillotin. - Merci de ce rapport qui formalise beaucoup de choses qui étaient déjà dans notre esprit, notamment les tensions dans ces filières.
Vous avez évoqué la question des débouchés en aval et la fluidité de la filière hospitalière. Il manque des services adaptés pour accueillir les patients qui devraient sortir de soins critiques mais qui y restent trop longtemps, aucun service de soins de suite et de réadaptation (SSR) ne pouvant les accueillir. Il faudrait donc créer, dans chaque GHT, un service prenant en charge des patients ne pouvant être admis en SSR. Un lit de réanimation doit rester un lit de réanimation.
Connaissez-vous le nombre de soignants supplémentaires qui seraient nécessaires, sachant que les besoins en soins critiques vont encore augmenter ?
Enfin se pose la question de la collaboration privé-public ; il faudrait être plus dynamique à cet égard. Croyez-vous aux unités mobiles ?
Mme Véronique Hamayon. - Mesdames Imbert et Guillotin, votre remarque sur les lits d'aval rejoint une préconisation de la Cour des comptes : la création de services adaptés, entre les soins critiques et les SSR. Il manque de tels services, pour les patients qui ne relèvent plus des soins critiques mais qui ne sont pas encore prêts pour les SSR. Nous n'avons pas fait de chiffrage, nous nous en sommes tenus au constat.
M. Nicolas Parneix, magistrat à la chambre régionale des comptes d'Occitanie, rapporteur extérieur. - Il y a deux sujets : le nombre de lits requis - c'est vrai, les experts ne sont pas d'accord entre eux sur la question - et la tension en aval : le bon patient doit être dans le bon lit. Certains patients ne sortent pas le week-end, ce qui représente, sur l'année, des centaines de lits bloqués. Il faudrait donc créer des services adaptés, mais il conviendrait également que la MCO puisse fonctionner en permanence, y compris le week-end ; en général, ces secteurs ne peuvent prendre en charge les patients, faute d'effectifs pour traiter les admissions. La Cour propose donc l'expérimentation de ces services d'aval, qui éviterait la création de lits, qui n'est pas forcément nécessaire.
Sur la création de lits, notre analyse n'est pas partagée par les sociétés savantes. Nous constatons qu'il y a de plus en plus de patients âgés en soins critiques - c'est difficile à contester - et que le volume global de patients augmente. Or il y aura 5,2 millions de Français de plus 65 ans d'ici à 2030, donc le phénomène est encore devant nous. Ces patients étant de plus en plus présents dans les soins critiques, on peut anticiper une augmentation des flux.
Toutefois, il faut également prendre en compte les évolutions technologiques de long terme ; aujourd'hui, des actes interventionnels légers se substituent à des actes chirurgicaux lourds, qui nécessitaient de la réanimation. Ainsi, quand l'angioplastie remplace la chirurgie cardiaque « à ciel ouvert », le recours à la réanimation diminue.
Les deux effets se conjuguent mais jouent en sens inverse. Il faut évaluer les besoins sur ces fondements, mais la Cour n'est pas compétente pour cela.
Mme Véronique Hamayon. - J'en viens à la réforme du financement. Notre rapport ne traite pas de la réforme de la T2A ; nous observons simplement qu'un lit de réanimation représente un poste de coût significatif, puisqu'il entraîne en moyenne un déficit annuel de 115 000 euros. Or ces soins ne sont pas remplaçables, il n'y a pas de choix. C'est donc moins le principe de la T2A que son niveau inadapté que nous pointons. Nous avons observé, sur la période étudiée, une baisse de la tarification de ces soins, qui ne se justifie pas. La tarification doit, à tout le moins, couvrir les coûts, en se fondant, bien évidemment, sur les établissements les plus efficients. C'est le principe de la neutralité de la tarification : la tarification ne doit pas avoir d'impact sur l'ouverture et l'organisation d'un tel service.
L'objectif d'une réserve de soignants spécialisés en soins critiques serait de permettre une mobilisation rapide des professionnels. L'idée serait de mobiliser des professionnels qui ont reçu une formation initiale spécifique, actualisée régulièrement : médecins, infirmiers, kinésithérapeutes ou autres. En effet, pendant la crise sanitaire, ce sont non les médecins mais les infirmiers qui ont manqué. Cette idée de réserve de professionnels, notamment d'infirmiers, nous paraît donc indispensable.
Enfin, nous avons entièrement couvert l'année 2020 dans notre étude.
M. Nicolas Parneix. - Madame Lassarade, les transferts ont été importants médiatiquement, mais n'ont concerné que 660 personnes en 2020. Nous n'avons pas analysé les coûts complets de ces transferts, non plus que le fait, polémique, d'avoir transféré des patients à travers le pays en les faisant passer devant des cliniques. Cela est peut-être arrivé, mais ne représentait pas grand-chose du point de vue du coût et cela ne s'est pas reproduit. En revanche, les patients ont dû être transférés avec leur dossier papier, car il n'était pas possible de transférer le dossier informatique. C'est l'objet de l'une de nos alertes.
Quant au paradoxe consistant à ne pas dispenser la formation des infirmiers du fait de la pandémie, alors que c'était une bonne occasion de les former aux soins critiques, je pense que la solution passe avant tout par la révision de la maquette de formation des IDE. Si cette maquette avait intégré, dès l'origine, la formation aux soins critiques, on aurait eu moins de pertes d'opportunité. La réponse est donc structurelle : il faut réviser cette maquette. Un patient en soins critiques génère 10 000 données biologiques par jour, principalement via des équipements informatiques. Une infirmière ne gère pas tous ces signaux, bien sûr, mais cela requiert un système informatisé performant et une formation adéquate.
Mme Véronique Hamayon. - Nous n'avons pas quantifié le nombre d'infirmiers nécessaires en services de soins critiques, mais il faut réviser la formation initiale et continue, et s'attaquer au problème du turnover.
M. Nicolas Parneix. - Sur les unités mobiles de réanimation, il y a eu plusieurs initiatives en la matière. La question de la logistique et des équipements n'a pas été le problème fondamental, en dehors du premier mois, lorsque l'on a manqué de respirateurs ou de médicaments - d'ailleurs, les outils ad hoc créés pour suivre l'approvisionnement en médicaments perdureront, ce qui montre que l'on bénéficie toujours, après une crise, de l'inventivité dont on a fait preuve pendant son déroulement - ; en réalité, on a surtout besoin de médecins et d'infirmières pour former une unité mobile. D'ailleurs, certains lits de réanimation n'ont pas été ouverts, faute de personnel disponible. C'est donc un problème non pas capacitaire mais de ressources humaines, ce qui soulève à nouveau la question de la formation, initiale et actualisée, des infirmières aux soins critiques.
Mme Victoire Jasmin. - Les services support ne sont pas pris en compte dans votre rapport alors qu'ils sont des maillons importants de la chaîne. Je pense aux laboratoires ; lors de la première vague, certains ne pouvaient pas faire de tests de réaction de polymérisation en chaîne, ou PCR. Or il est important de disposer de diagnostics fiables.
La compatibilité entre les systèmes d'information est effectivement importante, car il peut y avoir des problèmes d'homonymie et cela permet de gagner du temps.
Enfin, il convient, pour les futures crises, de prendre en compte l'ensemble des professionnels, y compris les « invisibles », qui manquent sur notre territoire.
Mme Laurence Cohen. - Ce rapport corrobore les positions du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, qui dénonce de longue date l'insuffisance des budgets hospitaliers.
La formation est importante, certes, mais la question majeure est celle du manque d'attractivité de ces métiers ; le personnel quitte, sur la pointe des pieds, les établissements hospitaliers, ce qui aggrave les difficultés. Avez-vous observé cela ?
Selon vous, la solution ne passe pas nécessairement par l'ouverture de lits, mais, pendant la pandémie, des lits et du personnel ont été redéployés temporairement en réanimation. Donc, oui pour la formation initiale, mais il faut un personnel suffisant, c'est-à-dire une profession attractive.
Vous remettez par ailleurs en cause la T2A et Agnès Buzyn elle-même nous avait indiqué que ce mode de financement n'était pas complètement adapté ; nombre de directeurs d'hôpital pensent la même chose. Donc tout le monde le dit, mais on n'avance pas et on élargit même la T2A aux hôpitaux psychiatriques, ce qui me semble aberrant. Que recommandez-vous ?
Enfin, pourriez-vous compléter votre évaluation des services de soins critiques en incluant les consultations post-réanimation ?
Mme Élisabeth Doineau. - Vous avez dit à quel point nous étions mal préparés. Que préconisez-vous pour les prochains projets de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) ? Il faut un véritable plan, car ce manque d'anticipation a entraîné une perte de chance pour certains patients. Il faut donc se préparer, c'est-à-dire faire des choix : lesquels ?
Le vieillissement de la population représente une pression importante pour l'hôpital. Le projet de loi Grand âge et autonomie a été enterré, donc quelle piste envisager pour remédier à l'occupation de ces lits par des personnes âgées ?
Enfin, le ministère de la santé vous semble-t-il sensible à vos préconisations sur la reconnaissance et la formation des infirmiers ?
Mme Raymonde Poncet Monge. - Vous avez observé des différences dans le service rendu par le secteur public et par le secteur privé. Pouvez-vous développer ce point ? Quelles en sont les conséquences financières ? La différence des niveaux de sévérité a-t-elle pu entraîner des différences de coûts ?
Mme Cathy Apourceau-Poly. - Je partage nombre de vos constats et de vos positions : sur la T2A, sur les passerelles médicales, sur la formation et sur le Ségur de la santé, qui n'a pas pris de décisions sur les services de soins critiques.
Nous avons adopté, de façon transpartisane, une mesure sur la reconnaissance des infirmiers anesthésistes diplômés d'État (IADE) et sur les infirmiers de bloc opératoire diplômés d'État (Ibode), mais cela n'a pas abouti. Aujourd'hui, les professionnels de santé n'ont plus envie de se former car, s'ils reprennent leurs études, ils subissent une perte de salaire pendant leur formation. Qu'en pensez-vous ?
Tant qu'on n'abordera pas le problème de la reconnaissance des métiers et celui des fermetures de lit, on ne réglera rien. À Douai, les urgences pédiatriques ferment le week-end, donc les familles doivent aller à Lens, mais on y manque aussi de personnel.
Mme Laurence Garnier. - Je veux revenir sur notre impréparation face à la crise. Celle-ci a surpris tout le monde, mais nombre d'experts expliquaient, dès la fin des années 1990, que les pandémies se développeraient au XXIe siècle. Or, malgré une prise de conscience au début des années 2000, ce risque a été complètement occulté par la suite. Pourquoi le risque de pandémie, qui était à l'esprit des dirigeants au début des années 2000, a-t-il disparu ensuite ?
M. René-Paul Savary. - Selon vous, les GHT sont trop petits et n'intègrent pas l'offre de soins privée ; c'est vrai. Comment faire évoluer cela ?
M. Jean Sol. - Il est difficile d'anticiper les tensions à venir des effectifs et des compétences, dans un contexte de pénurie des effectifs.
Les effectifs d'unité de soins critiques sont normés. Serait-il pertinent de réviser ces normes ? Vous parlez d'immobilisation des lits ; pouvez-vous développer ce point ?
La formation des infirmiers en soins critiques doit être corrélée aux évolutions technologiques. En outre, il est déjà difficile de détacher du personnel vers une formation en temps normal, donc c'est pire pendant une crise. Par ailleurs, cela fait longtemps que l'on souhaite une reconnaissance des infirmiers, mais, pour l'instant, cela ne se fait pas.
Enfin, je ne vois rien sur l'amélioration des conditions de travail, notamment sur le travail en douze heures ; la possibilité de récupérer accroîtrait l'attractivité de ces services.
M. Alain Milon. - Les questions de mes collègues touchent à l'approche comptable du financement de la sécurité sociale. Si nous devions abandonner cette approche, quel type d'approche recommanderiez-vous ?
Mme Véronique Hamayon. - Madame Jasmin, la réanimation représente un moment de l'hospitalisation et il était impossible de prendre en compte toute la chaîne hospitalière. Notre rapport s'est concentré sur les soins critiques, sans préoccupation du service d'aide médicale urgente (SAMU), des urgences, etc. J'entends bien votre question, mais tout cela constitue un continuum. Nous n'avons donc pas étudié les services support, à l'exception des SI, compte tenu du nombre d'informations générées par ces services. Or non seulement les systèmes des établissements d'un même GHT ne sont pas compatibles entre eux, mais, au sein d'un même établissement, il n'y a pas d'interface non plus ! Les informations sont ressaisies, avec tous les risques d'erreur et le temps perdu que cela entraîne.
Le département de la Guadeloupe a été en forte tension, d'où l'envoi de renforts. Je renvoie à mes observations sur la réserve en soins critiques, qui devrait être, d'après nous, régionalisée.
Madame Cohen, sur le manque d'attractivité, il faut être prudent. Pour les médecins, il n'y a pas de manque d'attractivité des soins critiques, puisque ces spécialités ressortent à un niveau élevé dans les épreuves classantes. Pour les infirmières, effectivement, la pénibilité et le stress sont à prendre en compte, d'où la nécessité d'un volet spécifique dans la formation initiale, avec, en regard, une possible revalorisation financière.
Le rapport ne porte pas sur la refonte de la T2A, mais, je vous l'annonce, ce sujet est prévu dans les prochains travaux de la Cour. Néanmoins, nous pointons la baisse tendancielle de la tarification des soins critiques, qui n'est pas justifiée. C'est donc le niveau de la tarification qui nous semble poser problème, non la T2A en soi.
Nous n'avons pas étudié la question des consultations post-réanimation, afin de nous focaliser sur un moment, celui des soins critiques.
Madame Doineau, la question sur les capacités relève du politique, non de la Cour. Les sociétés savantes et l'inspection générale des affaires sociales (IGAS) se sont prononcées sur ce point. L'évolution des capacités est une question essentielle, mais elle n'est pas univoque, car, pour les soins critiques, elle dépend du vieillissement inéluctable de la population, mais aussi du progrès technique, qui peut réduire ou supprimer le passage en soins critiques. La Cour n'est pas compétente sur cette question, mais l'analyse doit être conduite par les sachants afin que le politique s'en saisisse.
Je suppose que le ministre est sensible à la question de la formation des infirmiers en soins critiques, car la Cour n'est pas la seule à recommander une adaptation. Nous verrons si les recommandations de la Cour sont suivies d'effets.
Sur la comparaison du financement et du service rendu entre public et privé, il est difficile de répondre. Dans le privé, la réanimation est directement adossée à une activité rémunératrice de MCO, car elle vient à l'appui d'actes chirurgicaux, alors que, dans le public, ces services peuvent exister sans acte classant.
M. Nicolas Parneix. - En effet, le recours aux soins de critiques n'est pas le même. Dans le secteur privé, les patients sont programmés et le passage en soins critiques est lié à un acte rémunérateur, donc le déficit lié à la réanimation est compensé par l'acte chirurgical rémunérateur, tandis que les soins critiques non liés à un acte interventionnel, sans acte classant, se portent majoritairement vers le public. Ainsi, le service rendu n'est pas le même, mais on ne peut donc pas se prononcer sur la qualité de ce service.
Mme Véronique Hamayon. - Il n'y a pas eu de fermeture de lits en soins critiques ; des services ont fermé et se sont regroupés pour atteindre une taille critique, mais, globalement, il y a eu un accroissement du nombre de lits, lequel, peut-être, n'est pas adapté aux besoins. Évidemment, on ne peut pas adapter la jauge à la crise que l'on a connue. La jauge doit être liée au vieillissement de la population et au progrès technique et c'est cette balance qui doit permettre de déterminer la jauge idéale à moyen et long termes. Peut-être faudra-t-il créer des lits, mais peut-être pas ; la Cour ne peut pas le dire.
Nous avons analysé le sujet de la préparation face à la crise non pas dans toute son ampleur, mais uniquement du point de vue des soins critiques. Nous montrons que ces services n'ont plus été un sujet spécifique du plan Orsan. Nous le regrettons et nous proposons de les y réintégrer.
Monsieur Savary, la Cour a publié un rapport assez complet sur les GHT, avec des réponses à cette question. Je vous y renvoie.
Monsieur Sol, la Cour ne parle pas de « pénurie d'effectifs » ; nous nous sommes bornés à évoquer la formation des infirmiers en soins critiques et la meilleure coordination des différentes professions. C'est vrai, les soins critiques engendrent des conditions de travail difficiles, parce qu'il y a un taux de mortalité élevé et parce que l'on est dans une situation de stress, avec beaucoup de gestes techniques, pouvant avoir des conséquences dommageables. La reconnaissance financière et une formation spécifique seraient donc à envisager.
M. Nicolas Parneix. - Les soins critiques sont assez recherchés par les infirmiers, notamment jeunes, parce qu'ils requièrent des gestes techniques et valorisants, mais on y enregistre aussi le taux de mortalité le plus fort de l'hôpital. Cela dit, la pénibilité est compensée par le fait que les effectifs y sont normés ; c'est le seul service à en bénéficier. Le Gouvernement, avec les sociétés savantes, veut faire évoluer cette norme, mais celle-ci compense les conditions de travail. Néanmoins, c'est vrai, le turnover y est très élevé.
Mme Catherine Deroche, présidente. - Madame la présidente, messieurs, je vous remercie.
La commission autorise la publication du rapport
. Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
Audition de Mme le professeur Dominique Le Guludec, présidente de la Haute Autorité de santé
Mme Catherine Deroche, présidente. - Nous poursuivons nos travaux avec l'audition de Mme le Pr Dominique Le Guludec, présidente de la Haute Autorité de santé.
J'indique que cette audition fait l'objet d'une captation vidéo retransmise en direct sur le site du Sénat, qui sera ensuite disponible en vidéo à la demande.
Créée par la loi du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie, la Haute Autorité de santé (HAS), autorité publique indépendante à caractère scientifique, exerce trois missions principales : évaluer les médicaments, dispositifs médicaux et actes professionnels en vue de leur remboursement, recommander les bonnes pratiques professionnelles et élaborer de bonnes pratiques vaccinales et de santé publique, et contrôler la qualité dans les hôpitaux, les cliniques, en médecine de ville et dans les structures sociales et médico-sociales.
J'ai souhaité que notre commission puisse faire un tour d'horizon de l'actualité de la Haute Autorité de santé en cette rentrée. Nous aurons bien sûr à évoquer la vaccination dans un contexte de pandémie toujours en cours, ou le sujet complexe de la pertinence, qui recouvre bien sûr la capacité de la HAS d'élaborer des recommandations, mais aussi celle de les diffuser chez les professionnels de santé et d'assurer que le patient soit bien pris en charge au meilleur standard disponible. Nous avons de nouveau constaté au cours de la crise que ce sujet de la pertinence était loin d'être une évidence.
Vous consacrez enfin votre colloque annuel à la question de l'expertise scientifique face aux crises et j'aimerais que vous puissiez nous dire en quelques mots dans quels termes vous envisagez aujourd'hui cette question.
Pr Dominique Le Guludec. - La HAS, comme d'autres institutions, a été très sollicitée ces dix-huit derniers mois. Je vous présenterai notre action pendant la crise, ainsi que les évolutions, liées à cette dernière, pour la HAS, dans son travail ou son organisation.
Vous avez rappelé nos missions. Nous avons essayé d'assurer la prise en charge de la covid, tout en nous efforçant de poursuivre le reste de nos missions. Nous avons ainsi publié 500 avis sur les médicaments, 250 sur les dispositifs médicaux. Nous avons poursuivi notre travail d'élaboration de recommandations professionnelles ou de santé publique : sur le repérage des violences faites aux femmes au sein du couple, sur l'accompagnement des personnes atteintes de maladies neurodégénératives, sur le repérage du risque de suicide chez les enfants et les adolescents, etc. Nous avons accrédité 1800 médecins, certifié 2300 établissements, revu le système de certification des établissements pour diffuser la culture de la qualité et de la sécurité dans les équipes. La certification concernait initialement surtout les structures et les processus. Il était temps de passer à une autre étape. Nous recevons actuellement les premiers retours d'expériences des nouvelles certifications, et ils sont très bons.
La HAS a été très touchée par la crise sanitaire. Il faut être honnête, nous n'étions pas totalement préparés à une crise aussi brutale et soudaine. Nous avons d'abord voulu exercer au mieux notre rôle d'expertise scientifique indépendante, en apportant au Gouvernement des analyses et des données fiables pour qu'il puisse prendre les meilleures décisions. Nous avons aussi aidé les professionnels de santé en leur adressant des recommandations, des informations et des réponses à leurs questions. Nous avons aussi cherché à informer les patients sur la maladie, dans une période où la pandémie donnait lieu à l'expression de positions diverses et contradictoires, pas toujours fondées sur la science...
Nous avons mis en place une gestion de crise dédiée et agile pour rendre nos avis plus rapidement. Nous recherchons traditionnellement le consensus lorsque nous rendons un avis, mais cela prend du temps. Il a donc fallu s'adapter, dans un contexte d'incertitude scientifique extrême, avec des données très mouvantes : nous avons dû définir des processus rapides pour gagner en agilité, tout en conservant notre exigence de qualité - base scientifique, indépendance des experts, processus de validation, etc. Nous avons donc mis en oeuvre des méthodologies ad hoc, constitué des groupes d'experts, de professionnels et d'usagers qui ont été très sollicités : nous avons rendu plus de 150 avis sur la covid, 90 avis sur les produits de santé et les actes professionnels, 45 réponses rapides à destination des professionnels de santé, etc. Nos avis sont coconstruits dans le pluralisme : il a donc fallu que les personnes consultées répondent très vite. Nous leur envoyions les propositions d'avis le vendredi et ils devaient répondre le lundi. La charge de travail était lourde, mais tout le monde a joué le jeu.
Nous avons fixé trois principes : protéger, traiter et prévenir. Protéger, d'abord. Nous avons évalué tous les tests de dépistage. Dès le 6 mars, nous rendions des avis sur les tests, les critères de fiabilité. Fin mars, nous avons publié nos premières réponses rapides à destination des professionnels, sur la prise en charge des patients covid en ambulatoire comme sur la prise en charge des patients non-covid - celle des femmes enceintes en période de confinement par exemple.
Traiter, ensuite. Nous avons évalué tous les traitements proposés et assuré une veille de toutes les publications. Je reviendrai sur les médicaments en accès précoce tout à l'heure.
Prévenir, enfin : vous connaissez notre position sur la stratégie vaccinale et nous poursuivons nos réflexions sur ce sujet.
Nous avons rendu 150 avis, la plupart sur saisine du ministère, en conservant notre méthodologie, ce qui ne nous a pas empêchés d'aller vite, afin que nos avis soient le plus étayés possible.
Nous avons eu recours au télétravail. Même si nous n'avons pas un service de communication très développé, nous avons organisé de nombreuses conférences de presse pour expliquer nos positions, ce qui était important à une époque où les opinions de toutes sortes, pas toujours scientifiques, se multipliaient.
Il nous a fallu trouver les voies pour travailler avec les autres institutions, le ministère, les comités ad hoc créés par le Gouvernement ; toutefois, la multiplication des instances, le chevauchement parfois des compétences, les saisines multiples font que le dispositif de coordination pourrait être amélioré à cet égard en cas de nouvelle crise.
La crise nous a conduits à poursuivre nos adaptations organisationnelles. Nous avons ainsi continué notre travail sur l'accès aux innovations engagé en janvier 2020. Cet été nous avons mis en place une réforme de l'accès précoce aux médicaments innovants pour les patients atteints de maladies graves dans une impasse thérapeutique, afin qu'ils bénéficient de produits prometteurs qui n'ont pas encore reçu l'autorisation de mise sur le marché. Cette réforme a été préparée pendant plus d'un an, en lien avec les usagers, les industriels ou les professionnels : le but est de simplifier le dispositif très complexe, d'accélérer les procédures, de renforcer le suivi de ces produits grâce à la collecte et à l'analyse des données en vie réelle. La France avait été précurseur sur ce sujet avec les autorisations temporaires d'utilisation (ATU), ce mécanisme va plus loin. Nous avons travaillé en lien avec l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, l'ANSM, qui sera compétente pour les autorisations précoces à titre compassionnel et pour l'évaluation du rapport bénéfice-risque. La HAS prendra une décision, non un avis : c'est une petite révolution pour notre institution.
Nous avons aussi travaillé sur le numérique en santé. Il fallait commencer par classer les outils numériques en santé pour pouvoir les évaluer, déterminer leur usage, leur utilité. La crise a accéléré les évolutions. La e-santé s'est développée. Le recours aux data s'est accru. Autant de changements qui nous concernent directement à la HAS.
Un autre chantier est celui de la mesure de la qualité, de la sécurité et de la pertinence des soins. Nous avons poursuivi nos travaux sur les indicateurs de la qualité des soins, qui sont élaborés avec les usagers et les professionnels : nous utilisons les indicateurs figurant dans les dossiers, mais, comme les professionnels n'ont plus le temps de récupérer ces indicateurs, nous utilisons les bases médico-administratives. La France a du retard dans la médicalisation de ces bases : on y trouve la consommation de soins, mais non des données médicales, ce qui limite l'intérêt de ces bases pour apprécier la pertinence des soins. On réfléchit à la manière de les améliorer, pour qu'elles contiennent des renseignements médicaux permettant d'apprécier la qualité de la prise en charge.
Nous réfléchissons avec la CNAM pour définir des parcours pertinents de soins selon les pathologies. Nous élaborons des indicateurs pour évaluer la qualité de ces parcours. Il s'agira ensuite de les décliner dans les territoires pour que les professionnels s'en emparent.
J'en viens au social et au médico-social : nous avons émis des recommandations très importantes, proposant par exemple la création d'un référentiel national sur les enfants en danger ; nous sommes en train de revoir le processus d'évaluation externe des établissements médico-sociaux.
La HAS est aussi active au niveau international, notamment européen : la Commission européenne est en train de rédiger un règlement d'évaluation commun des produits de santé, notamment en matière d'innovation.
Si vous le souhaitez, nous évoquerons la certification périodique des médecins, et la santé publique en France : une mission a été confiée à M. Franck Chauvin.
En conclusion, la HAS et la communauté de santé ont su se mobiliser avec agilité pendant la crise de la covid, dans un contexte tendu, en dépit du télétravail qui ne facilite pas toujours les échanges.
Mme Catherine Deroche, présidente. - Merci d'avoir expliqué votre rôle pendant la crise, dans une période où la multiplication des avis contradictoires ne contribuait pas à installer la confiance parmi nos concitoyens.
Mme Michelle Meunier. - Le champ d'intervention de la HAS est vaste. Vous avez évoqué l'enfance et l'enfance en danger. Vos prédécesseurs avaient déjà commencé à travailler sur ce sujet. Vous publiez des fiches et des recommandations permettant de repérer des enfants en danger, mais nombre de professionnels de santé ne les connaissent pas. Comment améliorer leur diffusion ?
M. Jomier voulait vous interroger sur la vaccination obligatoire. La Haute Autorité de santé a pris sa part au débat sur la vaccination obligatoire. Dès décembre 2020, elle a posé trois conditions pour l'acceptation d'une vaccination obligatoire sur le plan éthique : la capacité effective des vaccins à limiter la contagion du virus ; la possibilité pour les personnes soumises à l'obligation vaccinale d'accéder à la vaccination ; et une adhésion large de la population à la vaccination. Ces conditions vous semblent-elles désormais réunies ?
Quels sont les principaux groupes populationnels insuffisamment vaccinés qui constituent des « réservoirs » potentiels de circulation du virus ? Les injections pratiquées aujourd'hui sont désormais essentiellement des secondes injections : n'est-ce pas le signe que les stratégies de conviction et d' « aller vers » sont insuffisantes pour atteindre ces groupes et parvenir à une couverture vaccinale suffisante ?
Mme Laurence Cohen. - La HAS recommande une troisième dose pour les personnes de plus de 65 ans et pour les personnes fragiles, et a recommandé une nouvelle campagne de vaccination à partir du 15 septembre. Mais le Centre européen pour la prévention et de contrôle des maladies estime que cela n'est pas nécessaire pour le moment, en l'état actuel des connaissances. Comment comprendre cette divergence ?
Vous émettez des recommandations de bonnes pratiques, notamment sur les psychothérapies : des psychologues s'alarment. La psychiatrie relève-t-elle de votre champ ? Ces bonnes pratiques sont-elles obligatoires ? On sait qu'il existe de nombreuses approches en psychologie et il semble difficile d'institutionnaliser un protocole au détriment des autres.
Mme Florence Lassarade. - Quels sont vos rapports avec le Conseil scientifique ? Pourquoi n'avez-vous pas proposé en décembre 2020 la vaccination de tous les soignants volontaires ? Enfin j'aimerais savoir pourquoi le réseau Obépine, qui analysait les eaux usagées pour détecter les traces de covid, a été abandonné ? C'était pourtant une méthode fiable et peu chère.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - Le 2 décembre, vous annonciez l'autorisation en accès précoce du Trodelvy. Nous avions tous été émus par la campagne du collectif « Mobilisation Triplettes » concernant le cancer du sang. Quand les patients pourront-ils bénéficier de ce médicament, car il n'a pas reçu, pour le moment, d'autorisation de mise sur le marché ?
J'ai été saisie par les éditeurs de logiciels d'aide à la prescription (LAP) et d'aide à la dispensation (LAD), qui considèrent que les sanctions financières qu'ils encourent dans le processus de certification volontaire sont inadaptées. Un nombre croissant d'éditeurs font le choix de ne pas certifier leurs logiciels. Il semble nécessaire d'assouplir le dispositif. Comment la HAS entend-elle redonner de l'attractivité au dispositif de certification ?
Mme Catherine Procaccia. - Pourquoi ne demande-t-on pas la réalisation d'un test sérologique avant de proposer une troisième vaccination ? Si le taux d'anticorps est encore élevé, l'injection d'une troisième dose ne semble pas nécessaire. Quel est votre avis sur les vaccins nasaux ? Enfin, que pensez-vous de la phagothérapie ?
M. Philippe Mouiller. - Comment voyez-vous l'articulation entre la poursuite de la vaccination contre la covid et l'ouverture de la campagne de vaccination contre la grippe ? La communication doit-elle être commune ? Peut-on vacciner en même temps le bras gauche et le bras droit ?
Vous avez évoqué certaines réformes concernant les pratiques. La réforme Serafin-PH est en cours en ce qui concerne le handicap. Le dispositif doit intégrer les préconisations de la HAS. Comment cela se passe-t-il ?
Pr Dominique Le Guludec. - Mieux faire connaître nos recommandations constitue pour nous un véritable enjeu, en effet. Nous essayons, dans la mesure de nos moyens, de diffuser auprès de nos partenaires nos recommandations et comptons sur eux pour les relayer ensuite. C'est pourquoi nous participons à des congrès de médecins, où nos préconisations sont reprises. En ce qui concerne les patients, nous essayons de réaliser des documents ad hoc, mais ce n'est pas notre point fort : vulgariser est un métier et suppose des ressources spécifiques. Nous faisons ce que nous pouvons avec nos moyens, et là aussi nous comptons sur nos partenaires et les associations de patients.
J'ai créé à mon arrivée une commission « impact des recommandations » : nous élaborions des recommandations, mais n'en mesurions pas l'impact. Nous aurons désormais un feed-back, ce qui nous permettra de comprendre comment mieux les présenter. Les patients, comme les professionnels, ont besoin de présentations simples et schématiques. J'espère que cette commission nous permettra de progresser en matière de présentation et de vulgarisation de nos travaux.
En ce qui concerne l'obligation vaccinale, la HAS avait émis plusieurs conditions, parmi lesquelles figurait le niveau de l'épidémie. Dans notre avis du 15 juillet sur l'obligation des soignants, nous avons recommandé l'ouverture rapide d'un large débat sur l'élargissement de l'obligation vaccinale pour que les pouvoirs publics puissent s'appuyer sur ces discussions pour élargir le champ de la vaccination, en fonction du rythme de diffusion de l'épidémie et de la situation à l'hôpital. Nous ajoutions qu'il fallait en savoir plus sur les déterminants sociaux du non-recours à la vaccination. Votre proposition de loi a le mérite d'ouvrir le débat. Il n'appartient pas à la HAS de le trancher. Il est d'ordre politique. Aujourd'hui l'épidémie décroît, mais nul ne sait si cela durera. La couverture vaccinale n'est pas encore suffisante pour garantir que l'hôpital ne sera pas saturé en cas d'apparition d'un nouveau variant virulent.
La couverture vaccinale est inégale selon les âges : si les 70-80 ans sont bien vaccinés, il reste encore plus de 15 % des plus de 80 ans à convaincre. Il faut poursuivre la démarche d' « aller vers » les groupes sociaux les plus fragiles et les personnes âgées à domicile pour leur permettre d'avoir accès à la vaccination. Il semble prioritaire pour nous d'étendre la couverture vaccinale à toute la population française avant d'envisager une troisième dose.
Nous n'avons pas dit qu'il fallait commencer la campagne de rappels dès le 15 septembre, mais qu'il fallait attendre l'avis de l'Agence européenne du médicament, l'EMA. Les données disponibles en vie réelle montrent une baisse de la protection avec le temps, tandis que le variant delta semble plus résistant. Une dose supplémentaire permet de retrouver un niveau d'anticorps efficace. Ces données nous semblent justifier un rappel pour les plus âgés, dès que l'EMA se sera prononcée. Nous n'avons jamais recommandé une généralisation de la dose de rappel à toute la population, nous attendons encore davantage de données sur le bénéfice-risque.
Nous avons un programme pluriannuel sur la psychiatrie et la santé mentale. Un comité de concertation nous aide à construire notre programme de travail et à prioriser les sujets. Ce domaine est vaste et nous occupe beaucoup. Outre les recommandations, nous essayons de construire avec les professionnels des indicateurs de qualité. Je ne comprends pas pourquoi nos recommandations pourraient susciter de l'inquiétude. Au contraire, nous essayons de trouver des consensus dans un domaine où il existe de nombreux courants assez hétérogènes.
Mme Laurence Cohen. - Justement, les professionnels craignent une protocolisation des pratiques en psychiatrie et en psychothérapie, avec le risque d'écarter certaines pratiques. Chaque patient est un cas particulier, il faut laisser leur liberté aux praticiens.
Pr Dominique Le Guludec. - Libres, oui, mais dans un certain cadre ! Il existe des études cliniques en psychiatrie qui démontrent l'efficacité de certaines pratiques. Il semble donc pertinent de favoriser celles qui ont fait la preuve de leur efficacité. Évidemment, il ne faut pas être rigides, la relation entre le soignant et le soigné est primordiale, mais il n'en demeure pas moins que l'on peut émettre des recommandations de bonnes pratiques, comme le font les pays les plus avancés en la matière, ce qui permet d'éviter certaines mauvaises pratiques.
Le Gouvernement s'est appuyé pendant la crise sur des institutions spécialisées, comme la HAS, Santé publique France, le Haut Conseil de la santé publique, l'ANSM, etc., qui ont travaillé avec leurs procédures bien rodées, qui sont des gages de la qualité de l'expertise et de sa pluralité. Nous avons essentiellement travaillé sur saisine du ministère. Le Gouvernement a aussi créé différents comités. Nous avons eu des contacts avec le Conseil scientifique. J'ai souvent échangé avec M. Delfraissy au téléphone. Il n'y avait pas de rapports institutionnalisés ou de gouvernance globale. C'est avec le Conseil d'orientation de la stratégie vaccinale que le partage des missions a été le plus difficile, car certaines saisines lui sont adressées tandis que d'autres le sont à nous. La confusion est possible.
M. Thomas Wanecq, directeur général de la HAS. - Le réseau Obépine nous a fourni des informations, que nous avons utilisées, mais la Haute Autorité n'est pas un régulateur et n'est pas consultée sur le maintien de tel ou tel réseau. Cela relève du HCSP.
Pr Dominique Le Guludec. - Une question importante concerne la vaccination de tous les soignants. Toute notre stratégie, qui est soumise à consultation publique, est fondée sur l'évaluation du rapport bénéfice-risque. Les essais cliniques des vaccins ne disent pas tout, car il s'agit de populations réduites et sélectionnées. En décembre, le bénéfice-risque était favorable pour les personnes présentant un risque de développer une forme sévère, mais n'était pas encore assez documenté pour les autres. C'est pourquoi nous avons proposé alors de vacciner d'abord les professionnels de santé de plus de 50 ans. Nous avons adapté ensuite notre stratégie en fonction des données disponibles. Nous adoptons les mêmes principes pour la troisième dose : nous ciblons pour l'instant les personnes présentant un risque de développer une forme sévère, pour lesquelles le bénéfice-risque est démontré, et attendons l'avis de l'EMA pour nous assurer que le bénéfice-risque sera positif pour les autres populations : il faut s'assurer par exemple que le risque de myocardite chez les hommes jeunes n'augmente pas.
Notre but avec « l'accès précoce » est d'accélérer l'accès des patients aux médicaments innovants, dès qu'apparaît une présomption d'efficacité. Ce fut le cas pour le Trodelvy en septembre : nous avons rendu notre avis en un mois et demi. L'avis de la HAS vaut décision. L'industriel doit mettre à disposition des patients des doses. J'espère qu'elles seront rapidement disponibles.
Nous travaillons aussi sur la certification des logiciels LAP et LAD. Ces outils informatiques sont très utiles.
M. Thomas Wanecq, directeur général de la HAS. - Nous entendons l'intérêt du Sénat pour ces logiciels d'aide à la prescription et à la dispensation, qui constituent des outils utiles pour aider les professionnels de santé et leur transmettre des messages de santé publique - la HAS a ainsi validé récemment le recours à des systèmes de pop-up pour envoyer des alertes à ces professionnels. La Cour de justice de l'Union européenne a estimé que ces logiciels étaient des dispositifs médicaux. Notre régulation fondée sur l'obligation d'utiliser des logiciels certifiés devenait alors caduque, car on ne peut interdire l'utilisation d'un dispositif médical qui a le marquage CE, même si on peut jouer sur les règles de remboursement. Le régulateur a donc choisi un système incitatif pour développer l'usage de ces logiciels certifiés, assorti d'un régime de sanctions, classique en santé publique et qui a été adopté par le Parlement. Néanmoins, celui-ci a été perçu comme une épée de Damoclès par les éditeurs. Il n'appartient pas à la HAS de se prononcer sur le régime juridique ni sur les sanctions. Cela relève du Parlement ou du Gouvernement. Le rôle de la HAS se limite à la construction du référentiel de certification. Nous avons travaillé en lien avec les éditeurs. L'enjeu est de faire en sorte que le plus grand nombre de logiciels respectent ce référentiel. En tout cas, le rôle de la HAS est purement scientifique et pour le reste, c'est le Gouvernement et le législateur qui sont compétents.
Pr Dominique Le Guludec. - J'en viens à la question sur les tests sérologiques avant un rappel vaccinal. Malheureusement, nul ne sait aujourd'hui à partir de quel seuil d'anticorps on est protégé. Les tests ne visent pas tous les mêmes anticorps. Ils ne visent pas non plus les anticorps neutralisants, qui sont vraiment protecteurs et qui sont étudiés dans le cadre de travaux de recherches. Ces derniers nous fournissent des éléments sur les taux et leur évolution dans le temps, mais il s'agit d'articles scientifiques, non de données en situation de vie réelle. On n'a pas encore établi de corrélat de protection, une correspondance entre un taux d'anticorps et l'effectivité de la protection, qu'il s'agisse des anticorps développés en cas de maladie ou des anticorps vaccinaux. Quant aux tests, ils sont très hétérogènes. Nous avons fait une recommandation pour les personnes immunodéprimées, car elles manquent d'anticorps et ne parviennent pas à en produire même après avoir été vaccinées ; nous recommandons l'accès précoce aux anticorps monoclonaux pour ceux qui ne développent pas d'anticorps, même de manière préventive.
Les vaccins nasaux sont encore en cours d'élaboration. Aucun dossier n'a été déposé à ma connaissance, ni à l'ANSM ni à la HAS.
Les traitements par les phages semblent très intéressants pour les maladies résistantes aux antibiotiques et donnent lieu à des travaux de recherche, à Lyon par exemple : nous attendons avec impatience les tests cliniques, qui ne devraient pas intervenir avant deux ans.
La question de la coordination entre les campagnes de vaccination contre la grippe et la covid sera examinée par notre collège cet après-midi. Dans un avis précédent, nous avions dit qu'il était possible de faire les deux vaccins de manière concomitante en utilisant les deux bras. Il s'agit à peu près des mêmes publics, et cela simplifierait les démarches.
J'avoue ne pouvoir répondre à la dernière question sur le handicap, mais j'essaierai de vous répondre par écrit.
M. Daniel Chasseing. - L'activité de la HAS a été intense et je salue son agilité pendant la crise. Le dosage d'anticorps n'apporte pas de précisions suffisantes. Cela va dans le sens d'un troisième rappel vaccinal. Le passe sanitaire a été un succès, mais n'a pas permis, pour l'instant, d'atteindre l'immunité collective. Ma question portera sur la coordination des soins. La Cour des comptes estime que l'on dispose d'assez de lits médicaux globalement, mais qu'ils ne sont pas adaptés : on manque de personnels formés en réanimation et en soins critiques, et on manque de lits pour désengorger ces services. Vu le vieillissement de la population, faudra-t-il créer des lits pour assurer la suite après la réanimation et éviter d'engorger ces services ?
Enfin, on manque de médecins dans les territoires ruraux ou périphériques. Comment faire pour disposer de médecins partout ?
Mme Corinne Imbert. - Comment expliquez-vous le délai de 15 jours entre la publication de votre avis sur la vaccination des adolescents par le vaccin Moderna et la décision de la direction générale de la santé ? Est-ce lié aux stocks de vaccins ?
Vous avez souligné la difficulté à définir des indicateurs sur la pertinence des soins. Placez-vous des espoirs dans les espaces numériques de santé ?
Vous avez aussi évoqué la réforme de l'accès précoce aux médicaments. Nous avions soutenu le principe de cette réforme. Comment appréciez-vous la notion de médicament présumé innovant ?
Enfin, M. Bernard Bonne souhaitait vous demander si vous envisagiez une simplification du référentiel relatif aux enfants en danger ? Les professionnels de l'action sociale ou de l'éducation nationale sont très occupés et ils ont besoin de fiches simples et claires.
Mme Victoire Jasmin. - Les recommandations de la HAS visent à améliorer la pertinence des soins. Ne serait-il pas judicieux de réaliser un diagnostic et un bilan d'hémostase, à cause du risque de thrombose, avant de procéder à des rappels vaccinaux contre la covid ? En ce qui concerne la cinétique vaccinale, avez-vous prévu des études pour évaluer les effets des vaccins dans la durée ? Enfin, il existe des normes pour la certification des services hospitaliers et l'amélioration continue de la qualité des soins dans les services, mais les moyens manquent.
Mme Annick Jacquemet. - Menez-vous déjà une réflexion sur les campagnes de vaccination futures ? Les laboratoires Pfizer et BioNTech ont publié le 20 septembre des résultats sur les essais cliniques concernant la vaccination des enfants de cinq à onze ans : qu'en pensez-vous ?
La non-communicabilité entre les différents logiciels médicaux utilisés semble avoir renforcé la crise. Quelles solutions-vous ?
Mme Brigitte Devésa. - Vos avis sont essentiels pour éclairer la décision politique. Or vous avez expliqué que vous aviez été affectés par la violence de la crise sanitaire et que vous n'y étiez pas préparés. Comment expliquer cette situation ? Cela a-t-il retardé vos avis ? Vous avez aussi évoqué la santé mentale. On sait que les enfants et les adolescents confiés aux services de la protection de l'enfance des départements sont très touchés. Quelles sont vos propositions ?
Mme Véronique Guillotin. - La HAS a-t-elle émis un avis sur l'utilisation des purificateurs d'air dans les classes ?
Avec René-Paul Savary, nous avons rédigé un rapport qui a été très commenté sur le numérique et l'utilisation des données de santé pendant la crise sanitaire, Crises sanitaires et outils numériques : répondre avec efficacité pour retrouver nos libertés. Nous proposions de créer une plateforme spécifique, un health data hub. Qu'en pensez-vous ?
Pr Dominique Le Guludec. - En ce qui concerne la sérologie, rien n'est figé : nous finirons par trouver un corrélat de protection et être capables de faire le tri dans les tests pour savoir comment nous en servir. Ce n'est pas encore le cas, mais nos avis évoluent en fonction des données disponibles.
La question du nombre de lits de réanimation et de l'articulation entre les lits de réanimation et les lits de médecine constitue un sujet de santé publique dont le Gouvernement devrait s'emparer. La HAS n'a pas été saisie sur ce sujet et je ne peux donc pas vous répondre plus précisément. Avant la crise, nous étions déjà confrontés aux problématiques du vieillissement et des maladies chroniques, il faudra désormais y ajouter le risque de pandémie. Ce n'est pas simple.
La HAS a pour mission d'élaborer des recommandations, mais nous ne sommes pas responsables des moyens... ni de la formation. Nous travaillons toutefois sur la formation continue avec l'Agence nationale du développement professionnel continu, sur l'accréditation des professionnels des professions à risques, sur la certification périodique des médecins. Nous avons rendu des avis sur la télémédecine, qui peut être un moyen de renforcer la prise en charge des patients même si le territoire ne compte pas de spécialistes médicaux disponibles, si les conditions que nous avons définies sont remplies. Dans ce cadre, nous n'y voyons pas un risque de détérioration des soins, mais plutôt une amélioration pour les patients.
Nous avons rendu un avis sur la vaccination des adolescents, mais il ne m'appartient pas de faire des commentaires sur la manière dont le Gouvernement s'en saisit.
Le regard des patients sur les soins qui leur sont prodigués est un élément de responsabilisation important dans la prise en charge de leur pathologie. Les espaces numériques de santé nous permettront, je l'espère, de recueillir des indicateurs sur la qualité et la sécurité des soins - indicateurs PREMS et PROMS - et d'améliorer la coordination des soins.
Les médicaments présumés innovants peuvent être disponibles en accès précoce, sous réserve de remplir certaines conditions : l'existence d'une maladie grave, l'absence d'alternatives, une présomption forte d'efficacité. Le collège de la HAS décide, mais s'appuie sur l'expertise de la commission de la transparence.
Nous avons été surpris par la brutalité de la crise et nous n'étions pas totalement préparés. Mais qui, dans le monde, l'était ? Les institutions françaises ont été au même niveau que les institutions internationales et des pays les plus développés. Nous avons pu nous appuyer sur des infrastructures solides. Il me semble que la crise n'a pas retardé nos avis : nos premiers avis ont été rendus dès le 6 mars et concernaient les tests. Nous n'avons donc pas eu de retard à cet égard.
Nous menons un programme important en matière de santé mentale et notamment de pédopsychiatrie. Tous les pays connaissent des difficultés pour recruter des professionnels dans ce domaine. Nous nous appuyons sur un comité de concertation spécifique.
La HAS ne s'est pas prononcée sur l'aération des classes. Cela relève du HCSP.
Vous avez évoqué les health data hubs. Il est vrai que nous avons du retard en matière de numérisation des données médicales et quant à leur échangeabilité. Des crédits ont été débloqués. M. Dominique Pon est responsable du chantier de la transformation numérique du secteur de la santé. Cette transformation constitue une condition pour avancer dans la qualité des soins. Cela permettra de recueillir des données et de progresser.
En ce qui concerne la simplification des référentiels, vous avez raison, il importe de produire des documents adaptés aux différents publics. C'est pourquoi nous commençons à rédiger des fiches-outils qui déclinent de façon pratique nos recommandations. J'aimerais que l'on puisse faire davantage, mais c'est aussi une question de moyens...
M. Thomas Wanecq. - Certes, la HAS n'était pas prête à affronter une pandémie mondiale de coronavirus, mais une réflexion était déjà menée en interne sur ce que nous devions faire en cas d'événement imprévu. C'est ce qui nous a permis de mettre en place assez vite notre méthodologie de réponse rapide. Nous avons pu rendre nos avis avec un délai moyen de dix jours. La crise a ainsi accéléré les mutations. Je tiens à saluer toutes les équipes de la HAS qui n'ont pas compté leur temps et leur énergie pour se mobiliser.
Pr Dominique Le Guludec. - Nous avions préconisé de réaliser, lorsque cela est possible, un test de sérologie prévaccinal, notamment pour les adolescents, lorsque cela ne retarde pas la campagne de vaccination, pour apprécier si la personne a besoin d'une ou de deux doses. Le test sérologique permet de savoir si le patient a déjà rencontré le virus et a développé des anticorps. Cela permet d'économiser des vaccins.
Le risque de thrombose n'a été avéré que pour le vaccin AstraZeneca. La pharmacovigilance a été efficace : on a identifié le problème très vite et le vaccin a été suspendu un moment.
En ce qui concerne la poursuite de la vaccination au cours des années à venir, j'aimerais pouvoir vous répondre, mais les scientifiques ne savent pas encore : cela dépendra de la durée de l'épidémie, de l'efficacité du vaccin et de la protection vaccinale, de l'apparition de nouveaux variants. Quant à la vaccination des enfants, l'EMA ne s'est pas encore prononcée et nous attendons de disposer de données solides pour nous prononcer.
Mme Catherine Deroche, présidente. - Notre commission mènera une réflexion sur la question récurrente des données de santé. De nouveaux traitements contre la covid sont-ils en cours d'évaluation ? Menez-vous une étude sur le covid long ?
Pr Dominique Le Guludec. - De nouveaux traitements à base d'anticorps ou de combinaisons d'anticorps apparaissent. Ils étaient utilisés initialement en prévention pour empêcher l'apparition de formes sévères ; puis leur usage s'est étendu aux personnes immunodéprimées qui avaient été exposées au virus et, sous la forme d'injections continue, aux personnes qui ne parviennent pas à développer des anticorps. Nous réfléchissons à autoriser plusieurs combinaisons d'anticorps en accès précoce. Nous attendons aussi l'apparition avant la fin de l'année de médicaments à base d'antiviraux, mais aucun dossier n'a encore été déposé.
Nous avons rendu un premier avis sur la prise en charge du covid long avant l'été, en décrivant les symptômes et en conseillant des modalités de prise en charge. Des articles scientifiques sont parus sur ce sujet. Nous allons examiner une actualisation de notre réponse rapide prochainement. Nous cherchons toujours à actualiser nos réponses en fonction des données pour éviter que de mauvaises pratiques ne s'installent. Enfin, la question des données de santé est, en effet, fondamentale.
M. René-Paul Savary. - Lisez notre rapport !
Mme Catherine Deroche, présidente. - Je vous remercie.
Désignation d'un rapporteur
La commission désigne Mme Frédérique Puissat rapporteur sur le projet de loi (A.N., n° 4361) ratifiant l'ordonnance n° 2021-484 du 21 avril 2021, relative aux modalités de représentation des travailleurs indépendants recourant pour leur activité aux plateformes et aux conditions d'exercice de cette représentation, et portant habilitation du Gouvernement à compléter par ordonnance les règles organisant le dialogue social avec les plateformes.
Mme Catherine Deroche, présidente. - J'avais aussi prévu la désignation ce matin des membres de la CMP sur les textes relatifs aux lois de financement de la sécurité sociale que nous examinerons en séance publique lundi prochain. La date de la CMP n'étant pas encore fixée, je vous propose de reporter cette désignation à une date ultérieure, une fois que nous disposerons du résultat de la séance. Les groupes qui connaissent déjà leur candidat peuvent bien sûr l'indiquer au service de la commission.
La réunion est close à 12 h 40.