COMMISSION MIXTE PARITAIRE

Lundi 5 juillet 2021

- Présidence de M. Claude Raynal, président de la commission des finances du Sénat -

La réunion est ouverte à 18 h 30.

Commission mixte paritaire sur le projet de loi de finances rectificative pour 2021

Conformément au deuxième alinéa de l'article 45 de la Constitution et à la demande du Premier ministre, la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2021 se réunit au Sénat le lundi 5 juillet 2021.

Elle procède tout d'abord à la désignation de son bureau, constitué de M. Claude Raynal, sénateur, président, de M. Éric Woerth, député, vice-président, de M. Laurent Saint-Martin, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale, et de M Jean-François Husson, sénateur, rapporteur pour le Sénat.

Étaient également présents MM. Stéphane Sautarel, Bernard Delcros, Rémi Féraud, Didier Rambaud, sénateurs titulaires, et M. Jérôme Bascher, sénateur suppléant, ainsi que M. Alexandre Holroyd, Mmes Bénédicte Peyrol, Cendra Motin, MM. Gilles Carrez, Jean-Noël Barrot, députés titulaires, et Mme Claudia Rouaux, députée suppléante.

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La commission mixte paritaire procède ensuite à l'examen des dispositions restant en discussion.

M. Claude Raynal, sénateur, président. - Je suis heureux de vous accueillir pour cette commission mixte paritaire (CMP), que j'espère conclusive.

Le projet de loi initial comportait 14 articles, dont l'article liminaire. L'Assemblée nationale a introduit 11 articles additionnels en première lecture. Parmi les 25 articles qui étaient soumis au Sénat, 10 articles ont été adoptés conformes et 15 ont été modifiés. Nous avons également introduit 26 nouveaux articles. En fin de compte, 41 articles du projet de loi restent donc en discussion.

Comme il est de tradition, je vous rappelle qu'une CMP est simultanément saisie du texte adopté par l'Assemblée nationale et du texte adopté par le Sénat. Elle peut, sur chaque article restant en discussion, choisir l'une ou l'autre des rédactions, ou retenir une rédaction de compromis, proposée par les rapporteurs ou tout autre membre de la CMP.

Afin de faciliter l'élaboration d'un compromis, lorsque celui-ci apparaît possible, nous avons pris l'habitude d'examiner une rédaction globale élaborée par les rapporteurs qui récapitule l'ensemble des articles du projet de loi de finances rectificative en précisant la rédaction retenue. Ils nous diront ce qu'il en est aujourd'hui.

Le rapporteur général de la dernière assemblée saisie, donc celui du Sénat, va nous présenter les conclusions de ses travaux mais je cède tout d'abord la parole au vice-président de notre CMP, s'il souhaite dire un mot complémentaire en introduction.

M. Éric Woerth, député, vice-président. - Je vous remercie. Nous avions, à l'Assemblée nationale, déjà enrichi le texte, qui comportait à l'origine 14 articles, en introduisant 11 articles additionnels sur des points importants, par exemple la prolongation du tarif réduit de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) applicable au gazole non routier (GNR), celle du régime de déduction des abandons de créances de loyers commerciaux, l'amélioration du dispositif de garantie des ressources du bloc communal qui avait été voté en loi de finances pour 2021, la prise en compte des pertes de versement mobilité pour Île de France Mobilités en 2021, la prolongation de la majoration du dispositif de réduction d'impôt sur le revenu pour l'investissement dans une PME (IR-PME), l'exonération de droits d'accises dans le cadre des liaisons trans-Manche, ou encore l'exonération facultative de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) pour les discothèques.

Le Sénat a amélioré le texte, en reportant du 1er juillet 2022 au 1er janvier 2023 la suppression du tarif réduit de TICPE pour le GNR et en supprimant, pour les entreprises de moins de 50 salariés, les conditions permettant de porter de 1 000 à 2 000 euros le montant de la prime exceptionnelle de pouvoir d'achat exonérée d'impôt sur le revenu et de cotisations sociales.

Des mesures nouvelles introduites par le Sénat ont enrichi le texte et mériteraient d'être retenues par notre CMP : la hausse temporaire du plafond des titres restaurants, l'augmentation des seuils fiscaux applicables aux PME, l'amortissement accéléré de certains matériels, ou encore une période transitoire pour des dons exonérés de droits de mutation.

Mais les rapporteurs vont nous dire s'il est envisageable de parvenir à un accord sur l'ensemble des dispositions restant en discussion.

M. Jean-François Husson, sénateur, rapporteur. - Nous voici réunis en CMP à la suite de l'examen par nos deux assemblées du premier PLFR de l'année 2021. Lors de son examen par le Sénat la semaine dernière, nous avons pris acte de la mise à jour des données macroéconomiques du Gouvernement, en particulier du taux de croissance prudent à 5 % ainsi que du déficit public à 9,4 points de PIB et de l'endettement à 117,2 % du PIB, signes de la très forte dégradation de nos finances publiques. Le rebond d'activité reste fragile et serait moins important que celui de nos principaux partenaires européens. Il convient désormais de regarder l'avenir et de définir une stratégie pour le redressement des comptes publics.

Concernant le budget de l'État proprement dit, j'ai émis de fortes réserves sur les reports opérés par le Gouvernement et qui atteignent un niveau exceptionnel cette année, allant dès lors, à mon sens, bien au-delà de l'autorisation parlementaire. Il apparaît clairement que l'augmentation des dépenses répond à un objectif de précaution et d'extrême prudence. La demande d'1,5 milliard d'euros supplémentaires au titre de la dotation pour les dépenses accidentelles et imprévisibles en est une parfaite illustration.

Tous, nous espérons que ce PLFR sera bien celui de la sortie de crise avec, en particulier, un soutien en faveur des entreprises encore touchées par les dernières contraintes et une pleine mise en oeuvre du plan de relance. Sur ce dernier point, la consommation des crédits réellement constatée à mi-année nous inquiète.

Plusieurs autres postes de dépenses publiques doivent également être surveillés de près, en particulier s'agissant de l'agriculture, marquée par plusieurs crises cette année.

S'agissant des mesures fiscales et budgétaires de ce texte, il y avait peu de mesures significatives, à l'exception du carry back, pour lequel le Gouvernement a finalement donné raison au Sénat qui l'avait proposé, en vain, dès l'été dernier.

Le Sénat soutient également la prolongation de l'octroi de garantie de l'État au titre des prêts garantis par l'État (PGE) ainsi que la reconduction de la prime exceptionnelle de pouvoir d'achat (PEPA), sur laquelle je reviendrai, car nous avons fait évoluer le dispositif pour le rendre pleinement opérationnel pour les PME de moins de 50 salariés.

Comme dans les précédents collectifs budgétaires pour 2020, le Sénat, en conscience et responsabilité, a donc largement voté les mesures du Gouvernement destinées, non plus à soutenir l'économie mais à l'accompagner en sortie de crise, avec le prolongement des dispositifs tels que le fonds de solidarité ou encore l'activité partielle.

Lors de l'examen en première lecture, le Sénat a adopté 92 amendements qui, outre les amendements rédactionnels et techniques, visent principalement à accompagner la sortie de crise et à soutenir la relance.

Pour soutenir les entreprises mais aussi faciliter la transition énergétique de l'économie, nous avons voté la mise en place d'un mécanisme fiscal de déduction pour le capital à risque ; un amortissement accéléré et temporaire des biens destinés à l'économie d'énergie et des équipements de production d'énergies renouvelables ; l'actualisation des seuils d'imposition pour les PME au titre de l'impôt sur les sociétés ; un relèvement temporaire à 30 % du taux de la réduction d'impôt sur le revenu pour la souscription au capital des PME - dit dispositif « Madelin » - et prorogé jusqu'à fin 2022, avec le même taux, la réduction d'impôt au titre de l'investissement dans les foncières solidaires chargées d'un service d'intérêt économique général (SIEG). Nous avons également prévu le financement d'une aide pour les entreprises issues d'une création en 2020 et qui, à défaut d'avoir repris un fonds de commerce et en l'absence de tout chiffre d'affaires, ne bénéficient d'aucun soutien ; ou encore l'extension aux discothèques, qui ont subi 15 mois de fermeture continue, du dispositif d'aide au paiement des cotisations et contributions sociales prévu par le projet de loi, avec une majoration du taux, à 20 % au lieu de 15 %.

Afin de valoriser la mobilisation des salariés pendant la crise et renforcer leur pouvoir d'achat, le Sénat a également prévu la possibilité de doubler le montant de la PEPA pour toutes les entreprises de moins de 50 salariés, dès lors qu'il est très difficile pour elles, dans les temps impartis, de mettre en place des accords de participation.

Dans le même ordre d'idée et afin d'assurer une égalité de traitement entre les personnels hospitaliers « en première ligne », le Sénat a adopté l'amendement que j'ai proposé à la commission, tendant à exonérer la majoration exceptionnelle des indemnités de gardes des internes durant la première vague de l'épidémie.

En soutien aux associations venant en aide aux personnes les plus défavorisées, nous avons également prorogé jusqu'à la fin de l'année 2022 le relèvement temporaire à 1 000 euros du plafond des dons éligibles à la réduction d'impôt sur le revenu de 75 % au titre du dispositif « Coluche ».

À l'initiative de plusieurs parlementaires, le Sénat a temporairement augmenté le plafond d'exonération d'impôt pour la contribution patronale sur les titres-restaurant, ou encore, dans une logique de relance de la consommation, voté un plafond à 50 000 euros jusqu'à la fin 2021 pour l'exonération de droits de mutation à titre gratuit applicable aux dons familiaux, avec des conditions de réemploi identiques à la mesure votée dans le cadre de la troisième loi de finances rectificative pour 2020 et qui s'est achevée au 30 juin dernier.

Dans le cadre du plan de relance, nous avons aussi adopté un amendement de crédits que j'avais présenté afin que les travaux préalables à la reforestation entrent dans le champ des aides financières apportées aux communes (10 millions d'euros) ainsi qu'un amendement du Président Claude Raynal pour donner une enveloppe complémentaire au financement des autorités organisatrices de mobilités (AOM).

Le Sénat a également voté plusieurs amendements du Gouvernement, en particulier l'enveloppe budgétaire destinée à renforcer les moyens de soutien aux collectivités territoriales à la suite de la tempête Alex de l'automne dernier, l'élargissement aux régies départementales du dispositif de compensation des pertes d'épargne brute prévues pour les régies communales ainsi que l'abandon d'une créance du Fonds de développement économique et social (FDES) pour l'entreprise Ascoval.

Je ne cite pas tous les amendements qui ont été votés, faute de temps. Certains sont d'ailleurs assez éloignés des dispositifs liés à la crise sanitaire et économique ainsi qu'aux difficultés rencontrées par le monde agricole.

Par ailleurs, le Sénat a reporté au 1er janvier 2023 la suppression du taux réduit de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) applicable au gazole non routier (GNR). C'est cette date que le Gouvernement avait annoncée aux secteurs concernés, qui ont été durement touchés par la crise et n'ont à ce jour que des solutions balbutiantes comme alternatives à l'utilisation du gazole.

Enfin, soucieux de bien suivre l'usage des crédits votés depuis le début de la crise sanitaire, nous avons prolongé jusqu'à la fin de l'année l'obligation pour le ministre de l'économie d'informer le président et le rapporteur général des commissions des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat, avant toute opération réalisée au titre des participations financières de l'État sur des crédits ouverts sur le budget général ; ensuite, constatant que l'augmentation de 1,5 milliard d'euros demandée par le Gouvernement de la dotation pour dépenses accidentelles et imprévisibles était insuffisamment justifiée, le Sénat a ramené cette ouverture de crédits à 500 millions d'euros.

Le Sénat a été constructif et raisonnable dans ses propositions, preuve en est que l'article d'équilibre a peu évolué à la suite de nos travaux.

Depuis jeudi dernier, nous avons travaillé avec le rapporteur général de l'Assemblée nationale, que je remercie pour son écoute, pour parvenir à un texte commun.

Je suis globalement très satisfait qu'un certain nombre de mesures demeurent dans le texte, fruit de nos échanges ; je ne les cite pas toutes, faute de temps.

Tout d'abord, et assez logiquement, les mesures pour lesquelles le Gouvernement avait émis un avis favorable ou de sagesse ont été conservées, en particulier la reconduction pour 2021 du « filet de sécurité » pour certaines ressources spécifiques des collectivités territoriales d'outre-mer et de la Corse.

Ensuite, figure dans le texte l'exonération de la majoration exceptionnelle des indemnités versées au titre des gardes des internes. Il s'agit là d'une mesure d'équité fiscale.

De même, la PEPA pourra bien être exonérée à hauteur de 2 000 euros, sans condition, pour toutes les entreprises de moins de 50 salariés.

La suppression du tarif réduit de TICPE applicable au GNR est bien reportée au 1er janvier 2023, comme l'a souligné le Président Woerth.

S'agissant du soutien aux entreprises face à la crise, l'aide à la reprise de fonds de commerce sera exonérée d'imposition, au même titre que les aides du fonds de solidarité, par cohérence.

Figure également la prorogation jusqu'à fin 2022 du relèvement temporaire à 25 % du taux de la réduction d'impôt sur le revenu pour l'investissement dans les foncières solidaires chargées d'un service d'intérêt économique général (SIEG).

Par ailleurs, j'espère que le Président Raynal sera satisfait que 50 millions d'euros soient finalement prévus au titre de l'investissement des autorités organisatrices des mobilités (AOM). C'est un compromis raisonnable.

De même, le texte conserve les 10 millions d'euros supplémentaires au titre de la forêt dans le plan de relance. La définition des dépenses couvertes étant de nature réglementaire, il conviendra de s'assurer que l'administration prévoit bien, en conséquence, le bénéfice de ces aides aux travaux préalables à la reforestation comme souhaité.

Le Gouvernement, par la voix du ministre Olivier Dussopt, cherche une solution pour l'aide aux entreprises créées en 2020 et qui n'ont, faute de chiffre d'affaire déclaré, obtenu aucun soutien de l'État. Je surveillerai cela de près, de même que l'intégration dans le dispositif de l'article 10 des quelques cas de régies nouvellement créées et qui n'ont pas de perte d'épargne brute à déclarer.

S'agissant du contrôle de l'usage des crédits ouverts dans le cadre du présent projet de loi de finances rectificative, le texte conserve la prolongation jusqu'à fin 2021 de l'information préalable à l'usage des enveloppes budgétaires accordées au titre des participations financières de l'État.

En retenant la même logique, si l'ouverture d'1,5 milliard d'euros au titre de la dotation pour les dépenses accidentelles et imprévisibles a été rétablie, nous avons toutefois inscrit une obligation d'information du Parlement au moins trois jours avant la publication du décret prévoyant le versement de plus de 100 millions d'euros sur un programme.

Bien sûr, quelques regrets subsistent et nous devrons continuer de convaincre dans la prochaine loi de finances. Mais ce collectif sera indubitablement enrichi à la suite de son examen par le Parlement, si vous acceptez le texte que nous vous proposons.

M. Laurent Saint-Martin, député, rapporteur. - Nous sommes effectivement parvenus à un compromis et je m'en réjouis. Nous avons préservé la culture des collectifs budgétaires de crise, avec la volonté d'aboutir en CMP à un meilleur texte pour nos concitoyens, tout en respectant les principes que nous nous étions fixés - en particulier ceux de s'en tenir à l'urgence sans créer de fiscalité pérenne, de se focaliser sur les mesures réalisables les plus utiles à nos concitoyens et d'éviter de dégrader davantage le solde budgétaire.

Ce compromis comprend bien entendu les dispositions initiales du texte, très marquées par l'urgence et la nécessité de continuer à accompagner nos compatriotes et nos entreprises dans les mois qui viennent : rechargement des dispositifs d'urgence, activité partielle et fonds de solidarité, pour 10 milliards d'euros - et « remboursement » à l'activité partielle de longue durée des fonds qui ont servi à l'urgence, confortant les 100 milliards du plan de relance.

Je ne reviens pas sur les crédits ouverts en faveur de l'hébergement d'urgence, des étudiants boursiers, des agriculteurs touchés par le gel, tout cela pour répondre aussi aux besoins de nos concitoyens dans les semaines et mois qui viennent.

Je pense important de préserver 1,5 milliard d'euros de crédits pour les dépenses accidentelles et imprévues (DDAI). Le Sénat avait restreint ce montant pour des raisons de principe relatives à l'autorisation parlementaire ; je partage ces préoccupations, mais je crois que l'incertitude sanitaire justifie la position du Gouvernement. Nous proposons de l'accompagner d'un dispositif ad hoc d'information du Parlement.

Bien entendu, nous avons conservé les mesures initiales de ce texte, en particulier l'amélioration du carry back et le renouvellement de la PEPA. S'agissant des entreprises de moins de 50 salariés, nous proposons, à l'initiative du Sénat, d'ouvrir la majoration à toutes les entreprises de moins de 50 salariés. C'est différent de ce que nous avions adopté à l'Assemblée où nous souhaitions encourager la participation, mais celle-ci est encore trop peu développée dans les petites entreprises pour en faire aujourd'hui un levier, une condition à une politique en faveur du pouvoir d'achat. Nous avons aussi conservé le relèvement temporaire de la réduction d'impôt sur les dons pour les associations cultuelles ; la capacité à souscrire un prêt garanti par l'État jusqu'à la fin de l'année 2021 ; la prolongation du fonds de solidarité durant l'été.

Il nous semble important de proposer à la CMP des compléments, apportés au cours de la navette notamment par le Sénat. Je pense à la prorogation, en 2022, de la réduction d'impôt sur le revenu pour l'investissement dans une PME (IR-PME), avec l'ajout par le Sénat de la même prorogation pour le dispositif des foncières solidaires. Nous vous proposons également, à l'initiative de Jean-François Husson, une mesure de justice avec la défiscalisation des rémunérations supplémentaires des internes et étudiants en médecine.

Nous proposons encore d'intégrer le versement mobilité d'Île-de-France Mobilités dans le filet de sécurité des ressources des collectivités territoriales en 2021 et, à l'initiative du Sénat, des ressources spécifiques de certaines collectivités d'outre-mer et de la collectivité de Corse. Nous avons également inclus la prorogation de la déductibilité des abandons de loyers, qui avait été proposée à l'origine par mon collègue Jean-Noël Barrot. Enfin, nous avons prévu la faculté pour les communes d'exonérer de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) les propriétaires des murs de discothèques, quand ils ont consenti des remises de loyers aux gérants.

Ce compromis respecte le travail important effectué par chaque assemblée parlementaire, ainsi que l'esprit du texte que le Gouvernement nous a soumis. Je vous invite à l'adopter.

M. Claude Raynal, sénateur, président. - J'ouvre désormais le débat.

M. Rémi Féraud, sénateur. - Merci pour cette présentation du compromis, nous y retrouvons des éléments votés au Sénat, y compris certains auxquels mon groupe s'était opposé. Je regrette que de nombreux amendements ne s'y retrouvent pas, en particulier les crédits que nous avions votés pour renforcer la lutte contre les violences faites aux femmes, qui se sont accrues pendant les confinements.

M. Gilles Carrez, député. - Je félicite les rapporteurs généraux pour ce compromis. Je tiens cependant à souligner l'urgence qu'il y a de traiter la question du déficit structurel de La Poste au titre du service universel postal : il est évalué à 1,3 milliard d'euros, l'État a donné son accord de principe pour compenser cette somme, mais pour le moment il n'en n'a rien fait. Or, il faut le faire dès cette année, ou bien cette somme va peser non seulement sur La Poste, mais aussi sur la Caisse des dépôts et consignations, qui détient les deux-tiers du capital de La Poste - la perte pour la Caisse avoisinerait le milliard d'euros, ce qui diminuerait mécaniquement le versement qu'elle effectue chaque année à l'État... Le Gouvernement s'est engagé, mais il faut une disposition législative pour que la compensation soit effective et il y a urgence à le faire - je déplore que nous ne le fassions pas dans ce collectif budgétaire.

M. Jérôme Bascher, sénateur. - J'ai aussi déposé des amendements dans ce sens, ce sujet est majeur. Nous savons que La Poste paie indument environ 300 millions d'euros de taxe sur les salaires. Auparavant, elle payait moins de cotisations sociales, une grande partie de ses salariés étant fonctionnaires. Mais dès lors que les cotisations sociales ont été abaissées dans le privé, La Poste n'a plus cet avantage. Or l'État lui prélève toujours le surcroît de taxe sur les salaires : nous le savons tous, c'est 330 millions d'euros de « surtaxe », le rapport publié en mars dernier par le groupe sénatorial sur l'avenir de La Poste l'a bien montré. Supprimer cette surtaxe n'apporterait certes qu'une partie de la compensation de 1,3 milliard d'euros pour le service universel postal, mais c'est important. Enfin, j'attends le nouveau plan de relance dans un nouveau collectif budgétaire.

M. Claude Raynal, sénateur, président. - Je m'associe entièrement à ces remarques sur la compensation du service universel postal.

Nous devons également nous inquiéter des AOM, qui continuent d'enregistrer des pertes tarifaires d'au moins 20 % par rapport à l'avant-crise sanitaire - avec des conséquences directes sur leurs capacités à financer des projets de rénovation et de développement que nous savons nécessaires, en particulier à la transition énergétique. Le Gouvernement a certes lancé un appel à projets de 450 millions d'euros, mais les travaux utiles s'élèvent à 11 milliards d'euros, c'est dire qu'il y a beaucoup à faire. Je me réjouis qu'il y ait un signal dans ce collectif budgétaire, mais il faudra y revenir en loi de finances, les AOM nous attendent.

M. Laurent Saint-Martin, député, rapporteur. - Nous avons pris pour méthode de ne pas créer de petits programmes dans la maquette budgétaire, pour ne pas la rendre plus complexe et illisible, et nous avons opté pour des augmentations sans changer de maquette. Certains amendements étaient pertinents, en particulier l'objectif de renforcer la lutte contre les violences faites aux femmes, mais ils modifiaient la maquette budgétaire, d'où notre position pour ne pas les reprendre. Cela dit, nous examinons aussi le fond, et nous avons constaté, sur cette question, que depuis la fin avril, 1 000 places supplémentaires ont été ouvertes en accueil et en hébergement d'urgence, auxquelles les femmes victimes de violence ont accès ; les moyens sont renforcés et je considère à ce titre que vos amendements sont satisfaits.

La compensation du service universel postal à La Poste est un problème dont nous avons déjà parlé avec Gilles Carrez, nous sommes mobilisés. Cette compensation ne saurait être seulement budgétaire et financière, la véritable question associée est celle de la transformation de La Poste - et sur ce point, nous savons que des discussions se poursuivent, pour que La Poste adapte son service.

Sur les AOM, je rejoins le Président Claude Raynal. Cependant, nous avions voté il y a un an un acompte de 425 millions d'euros pour Île-de-France Mobilités au titre de la garantie de ressources portant sur le versement mobilité. Eu égard aux modalités de calcul alors votées, le montant définitif garanti devrait s'élever à seulement environ 150 millions d'euros : il est toujours difficile de prévoir avec précision quelles seront les pertes réelles des entreprises.

M. Jean-François Husson, sénateur, rapporteur. - Un mot sur les éléments que nous avions votés au Sénat et qui ne figurent pas dans ce compromis : je n'ai pas obtenu partout satisfaction, c'est la règle, mais je veux souligner que j'ai insisté sur la question des moyens budgétaires de la lutte contre les violences faites aux femmes, nous en débattrons de nouveau en loi de finances.

M. Éric Woerth, député, vice-président. - Un compromis ne peut jamais retenir toutes les propositions, le texte évolue, nous avons bien travaillé. Le sujet sur La Poste n'a rien d'anodin, le problème est structurel, c'est un sujet de loi de finances initiale et nous y reviendrons.

La commission mixte paritaire adopte, dans la rédaction proposée par ses rapporteurs, l'ensemble des dispositions restant en discussion du projet de loi.

La réunion est close à 19 h 15.

Vendredi 9 juillet 2020

- Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet , présidente -

La réunion est ouverte à 8 h 30.

Commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur le projet de loi relatif à la prévention d'actes de terrorisme et au renseignement

Conformément au deuxième alinéa de l'article 45 de la Constitution et à la demande du Premier ministre, la commission mixte paritaires chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la prévention d'actes de terrorisme et au renseignement s'est réunie à l'Assemblée nationale le vendredi 9 juillet 2021.

Elle procède tout d'abord à la désignation de son bureau, constitué de Mme Yaël Braun-Pivet, députée, présidente, de M. François-Noël Buffet, sénateur, vice-président, de MM. Raphaël Gauvain et Loïc Kervran, députés rapporteurs pour l'Assemblée nationale, et de M. Marc-Philippe Daubresse et Mme Agnès Canayer, sénateurs, rapporteurs pour le Sénat.

La commission mixte paritaire procède ensuite à l'examen des dispositions restant en discussion.

Mme Yaël Braun-Pivet, députée, présidente. - Le projet de loi relatif à la prévention d'actes de terrorisme et au renseignement, déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale le 28 avril et complété par une lettre rectificative en date du 12 mai, a été adopté par l'Assemblée nationale le 2 juin et par le Sénat le 29 juin.

Dans sa rédaction initiale, le projet de loi comportait vingt-neuf articles ; il en comprenait trente-cinq à l'issue de son examen à l'Assemblée nationale, trente-six au terme de son examen au Sénat. Dix-sept articles ont été adoptés dans les mêmes termes par nos deux assemblées. La commission mixte paritaire qui nous réunit ce matin a donc pour objectif de parvenir à une rédaction commune des dix-neuf articles restant en discussion.

M. Marc-Philippe Daubresse, sénateur, rapporteur pour le Sénat. - À défaut d'une intervention du législateur, plusieurs dispositions du code de la sécurité intérieure, issues notamment de la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, dite SILT, arriveront à échéance en 2021. Sont concernés les périmètres de protection, la fermeture des lieux de culte, les mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance (MICAS), les visites domiciliaires et, pour la partie du texte relative au renseignement, la technique dite de l'algorithme.

Le projet de loi vise ainsi à pérenniser les mesures administratives de lutte contre le terrorisme en y apportant quelques ajustements. Je pense notamment à l'élargissement de la mesure de fermeture administrative des lieux de culte aux locaux annexes afin de faire face aux stratégies de contournement parfois observées. Nous ne pouvons que souscrire à cette pérennisation et aux ajustements proposés puisqu'ils reprennent des recommandations formulées par la commission des lois du Sénat lors des travaux d'évaluation de la loi SILT. Nous les avons d'ailleurs votées dès octobre 2020 ; je regrette que nous ayons perdu huit mois pour aboutir au même résultat.

Plus compliquée est la question des modalités de suivi des personnes condamnées pour des actes de terrorisme sortant de détention. Nous sommes bien d'accord avec nos collègues députés sur le constat : les dispositifs existants ne permettent pas d'assurer un suivi satisfaisant de ce public, qui représente pourtant une menace majeure pour notre société.

Deux voies se présentent. Le Gouvernement et l'Assemblée nationale proposent de porter la durée des MICAS à deux ans afin d'assurer la surveillance de ce public, tout en instaurant une mesure judiciaire qui se concentrerait sur leur réinsertion. Nous proposons, quant à nous, de remettre sur le métier la loi du 10 août 2020 instaurant des mesures de sûreté à l'encontre des auteurs d'infractions terroristes à l'issue de leur peine, dont je rappelle qu'elle instaure une mesure judiciaire visant, non seulement la réadaptation sociale, mais aussi la surveillance de l'individu.

Nous étions éventuellement prêts à céder sur l'allongement à deux ans de la durée des MICAS, dont la constitutionnalité nous paraissait douteuse, mais cette concession supposait le maintien d'une mesure de sécurité qui ait une dimension d'ensemblier et dont l'architecture soit cohérente.

Nous considérons, en effet, que les mesures de suivi judiciaire présentent plusieurs avantages : prononcées par un juge, elles offrent des possibilités de surveillance plus longues et potentiellement plus contraignantes ; elles présentent des garanties plus importantes pour les individus concernés, car elles sont prononcées à l'issue d'une procédure contradictoire ; elles permettent d'associer aux mesures de surveillance des mesures sociales visant à favoriser la réinsertion de la personne.

Je remercie beaucoup Raphaël Gauvain pour les nombreux échanges que nous avons eus dans le but d'aboutir à une solution. Nous avons fait de multiples propositions de compromis sur le fameux article 5 relatif à la mesure de sûreté judiciaire, dont l'une consistait à donner une priorité à ce que j'appelle le « système Assemblée nationale » les premières années, puis à passer au « système Sénat ». Nous avons fait un pas en acceptant la prolongation des MICAS, mais si nos propositions concernant notamment l'architecture de la mesure et la notion d'ensemblier ne rencontrent pas un écho favorable, nous ne trouverons, hélas ! pas d'accord.

Mme Agnès Canayer, sénateur, rapporteur pour le Sénat. - Nous avons abordé le volet du texte consacré au renseignement avec l'objectif de donner à nos services de renseignement les moyens de faire face aux nouvelles menaces et, surtout, de nous doter de dispositifs adaptés à l'évolution des technologies. Il s'agit d'assumer nos responsabilités et de prendre en considération les enjeux liés à la fois à la sécurité et au respect des libertés.

C'est la raison pour laquelle nous avons adopté l'ensemble des dispositions relatives au renseignement, moyennant quelques améliorations et précisions rédactionnelles. Un désaccord avec l'Assemblée nationale subsiste néanmoins sur deux points.

Le premier a trait à l'extension des algorithmes aux adresses complètes de ressources sur internet (URL), dont nous souhaitons qu'elle fasse l'objet d'une expérimentation. Si nous considérons que le système des algorithmes doit être pérennisé en raison de son utilité pour le renseignement, il nous semble que son extension aux URL doit demeurer expérimentale, compte tenu du peu de recul que nous avons sur la mise en oeuvre de cette technologie. Il nous paraît, en outre, important que le Parlement exerce un contrôle sur cette expérimentation.

Le second a trait à la possibilité pour les services de renseignement du second cercle d'avoir accès à l'expérimentation de l'interception des communications satellitaires. Nous estimons que cette expérimentation devrait être, dans un premier temps, réservée aux services du premier cercle puisque, là encore, nous n'avons pas le recul nécessaire sur cette technologie, dont le développement est encore embryonnaire.

Enfin, nous avons également discuté de l'article 19 relatif à l'accès aux archives relatives à la défense nationale. Nous considérons, sous réserve de l'acceptation des améliorations ou précisions apportées par le Sénat, que le dispositif proposé atteint un juste équilibre entre la préservation de la défense nationale, donc de la sécurité, et la préservation des libertés, en l'espèce celle d'accéder à ces archives.

Les nombreux échanges que nous avons eus avec Loïc Kervran nous ont permis de nous accorder sur le volet renseignement, mais celui-ci est évidemment indissociable du volet consacré à la lutte contre le terrorisme.

M. Raphaël Gauvain, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Je dois reconnaître avec très grand regret que les très nombreux échanges que nous avons eus, jusque tard dans la nuit hier, ne nous ont, hélas ! pas permis d'aboutir à un texte commun. Si nos deux assemblées étaient en mesure de s'accorder sur un certain nombre d'articles, pour lesquels nos divergences étaient surmontables - je pense notamment aux dispositions relatives au renseignement -, un désaccord majeur subsiste sur l'articulation des mesures de l'article 3 et de celles de l'article 5 concernant la question centrale du texte, celle des sortants de prison.

La principale divergence porte sur l'article 3, relatif à la durée maximale des MICAS. Nous pensons, avec le Gouvernement, que ce dispositif strictement limité passera le cap du Conseil constitutionnel, car il ne s'appliquerait qu'aux personnes sortant de prison les plus dangereuses, c'est-à-dire celles qui ont été condamnées pour des faits de terrorisme et dont le profil demeure très dangereux. Qui plus est, en raison des mesures législatives sur l'aménagement de peine intervenues notamment en 2016, ces individus sortiront de manière sèche.

Des mesures de suivi sont donc absolument nécessaires. Notre divergence est en réalité de nature opérationnelle, car il ressort de nos travaux et des échanges que nous avons avec les acteurs de terrain que les MICAS sont un outil indispensable pour les personnes qui sont au front et nous défendent. La mesure, de nature administrative, peut en effet être prise de manière très rapide, tout en restant soumise au contrôle ex post du juge administratif. C'est pourquoi l'Assemblée nationale tient absolument à préserver cet outil et à porter sa durée de douze à vingt-quatre mois pour les personnes condamnées pour des faits de terrorisme.

Cette divergence se retrouve à l'article 5. De fait, si nous voulons - et c'est le cas de l'Assemblée nationale et du Gouvernement - donner la priorité à la mesure administrative, il n'est pas possible que celle-ci soit concurrencée par une mesure judiciaire. Certes, le cumul de ces deux types de mesures existe, mais il n'est possible que si celles-ci ont des finalités différentes. Or, en l'espèce, leur finalité serait identique : la sûreté. Encore une fois, si nous voulons préserver la MICAS, notamment sur le plan constitutionnel, les deux mesures doivent être différentes.

C'est parce que, sur ce point, les visions respectives de l'Assemblée et du Sénat sont irréconciliables que, malgré les nombreux échanges que nous avons eus et qui se prolongés jusqu'à ces dernières heures, nous ne pouvons que constater l'échec des discussions entre nos deux assemblées.

M. Loïc Kervran, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - À l'issue de l'examen du texte par nos deux assemblées, deux différences notables subsistaient concernant les dispositions relatives au renseignement : la nécessité, ou non, d'une expérimentation s'agissant de l'extension de l'algorithme aux URL et la question des interceptions satellitaires. Sur le premier point, alors que le Sénat plaide pour une expérimentation, l'Assemblée estime que nous ne sommes plus dans la situation de 2015. En outre, la technique en question se distingue de celle relative à l'interception satellitaire, qui justifie la mise en place d'une expérimentation. Sur le second point, nous pensons qu'il ne faut pas réserver les interceptions satellitaires au premier cercle, mais aux services qui en ont besoin. Or il se trouve que quelques services du second cercle sont dans cette situation. Bien entendu, le second cercle étant très large, il faut être extrêmement vigilant.

Je salue l'esprit dans lequel nous avons travaillé avec ma collègue Agnès Canayer. Il nous a permis d'aboutir à un accord sur les dispositions relatives au renseignement, dans l'esprit du vote en première lecture à l'Assemblée nationale - les dispositions ayant alors été adoptées tant par les Républicains que les Socialistes, en passant par les différentes composantes de la majorité. C'est aussi l'esprit qui nous anime au sein de la délégation parlementaire au renseignement, afin de garantir la sécurité de nos concitoyens.

M. Jean-Pierre Sueur, sénateur. - Je souhaite revenir sur les dispositions de l'article 19. Nous avons tous été informés de l'émotion très forte que suscitent ces dispositions parmi les associations, qu'elles rassemblent les personnels des archives ou de nombreux universitaires, notamment ceux qui travaillent sur l'histoire contemporaine. Tel qu'il est rédigé, l'article 19 apporte de grandes restrictions à l'accès aux archives et peut être lourd de conséquences. Il constitue un recul par rapport à la loi du 15 juillet 2008 relative aux archives, adoptée dans un climat consensuel tant à l'Assemblée qu'au Sénat.

Les quatre restrictions apportées à la communication des archives après cinquante ans sont très imprécises et peuvent donner lieu à beaucoup de refus. Ainsi quand et comment un dispositif cesse d'être « opérationnel » ? Qui en décide ?

En outre, les documents pourraient ne jamais être communiqués, sans aucun garde-fou. C'est pourquoi j'ai proposé une nouvelle rédaction de l'article, reprise par cinq groupes politiques au Sénat qui ont tous défendu le même amendement. Il s'agit de prendre en compte les raisons impérieuses de sécurité nationale, mais aussi de prévoir que la non-communication doit rester exceptionnelle et justifiée, tout en insérant une clause de revoyure après dix ans. La proposition est issue d'un travail conjoint avec les associations, les universitaires et les historiens. Le débat a été extrêmement long au Sénat, et l'amendement repoussé après six scrutins publics successifs, ce qui me semble un peu beaucoup...

Je comprends que la commission mixte paritaire va échouer, les articles 3 et 5 suscitant un important débat - nous en avons d'ailleurs discuté au sein du groupe socialiste, écologiste et républicain avec Yannick Vaugrenard -, mais j'aurais souhaité une avancée concernant les dispositions relatives aux archives.

Mme Nathalie Goulet, sénateur. - Je voulais appeler votre attention sur l'article 15. Il a provoqué un émoi inédit parmi les procureurs, qui estiment qu'il les priverait de moyens. Il existe donc un hiatus, c'est le moins que l'on puisse dire, entre la position des services et celle des procureurs. En conséquence, il conviendrait que cet article fasse l'objet d'une évaluation très précise. Si les craintes sont avérées, les procureurs vont voir leur capacité de poursuites considérablement réduites.

Mme Agnès Canayer, sénateur, rapporteur pour le Sénat. - Après des discussions avec le Gouvernement, nous avons étendu la notion de criminalité grave aux actes de délinquance grave. Cela répondra en partie à l'attente des procureurs, dans les limites autorisées par la Cour de justice de l'Union européenne.

M. François-Noël Buffet, sénateur, vice-président. Nous ratons la marche de peu ! Nous avons abouti à un accord sur les dispositions relatives au renseignement, mais nous bloquons sur la compatibilité entre mesures judiciaires et MICAS. Même si nous avions des réserves, nous étions prêts à accepter la prolongation à 24 mois des MICAS. Nous divergeons, non sur le principe, mais sur la nature des mesures judiciaires. Je le regrette, mais je tiens à saluer l'énorme travail des quatre rapporteurs ; il n'est pas vain pour la suite de la procédure.

Mme Yaël Braun-Pivet, députée, présidente. - À mon tour, je remercie les quatre rapporteurs, qui n'ont pas ménagé leurs efforts. Sur le renseignement, nous avons trouvé un compromis, mais ce n'est pas le cas pour les autres dispositions. Nous sommes tous d'accord sur les objectifs à atteindre - les sortants de prison condamnés pour des faits de terrorisme doivent faire l'objet d'un suivi, mais nous ne le sommes pas sur la nature et le contenu des mesures. L'an dernier, avec votre prédécesseur, Philippe Bas, nous avions trouvé un compromis sur cette mesure, malheureusement censurée par le Conseil constitutionnel qui l'avait estimée trop rigoureuse dans sa durée et dans sa nature.

C'est pourquoi nous ne pouvons souscrire à la version proposée par le Sénat, trop contraignante, et qui implique des mesures de surveillance judiciaire plus nombreuses que celles votées et censurées en 2020.

Personne ne détient la vérité en la matière et nous faisons tous de notre mieux. Nous n'avons pas réussi à aboutir ; je le regrette comme vous.

La commission mixte paritaire constate qu'elle ne peut parvenir à l'adoption d'un texte commun sur les dispositions restant en discussion du projet de relatif à la prévention d'actes de terrorisme et au renseignement.

La réunion est close à 8 h 55.