- Lundi 17 mai 2021
- Mardi 18 mai 2021
- Mercredi 19 mai 2021
- Désignation de rapporteurs
- Remplacement d'un rapporteur
- Proposition de loi tendant à revoir les conditions d'application de l'article 122-1 du code pénal sur la responsabilité pénale des auteurs de crimes et délits et proposition de loi relative aux causes de l'irresponsabilité pénale et aux conditions de réalisation de l'expertise en matière pénale - Examen du rapport et du texte de la commission
- Proposition de loi pour un meilleur accès des jeunes dans la fonction publique et les entreprises - Examen du rapport et du texte de la commission
- Outils juridiques de prévention et de traitement des difficultés des entreprises à l'aune de la crise de la covid-19 - Examen du rapport d'information
Lundi 17 mai 2021
- Présidence de M. François-Noël Buffet, président -
La réunion est ouverte à 17 h 10.
Projet de loi relatif à la gestion de la sortie de crise sanitaire - Désignation des candidats pour faire partie de l'éventuelle commission mixte paritaire
La commission soumet au Sénat la nomination de M. François-Noël Buffet, M. Philippe Bas, M. Stéphane Le Rudulier, M. Philippe Bonnecarrère, Mme Marie-Pierre de La Gontrie, M. Jean-Yves Leconte, M. Alain Richard comme membres titulaires, et de Mme Catherine Di Folco, M. Christophe-André Frassa, Mme Marie Mercier, M. Hervé Marseille, M. Jérôme Durain, Mme Maryse Carrère, Mme Éliane Assassi comme membres suppléants de l'éventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la gestion de la sortie de crise sanitaire.
Projet de loi relatif à la gestion de la sortie de crise sanitaire - Examen du rapport et du texte de la commission
M. Philippe Bas, rapporteur. - Le Gouvernement nous propose d'instituer un régime de gestion de la sortie de l'état d'urgence sanitaire, qui se distingue en principe de l'état d'urgence sanitaire par l'impossibilité de recourir au couvre-feu et au confinement.
Néanmoins, le régime de l'état d'urgence sanitaire ne serait pas abrogé : il resterait activable jusqu'au 31 décembre prochain, pour le cas où la situation sanitaire devrait se dégrader. Le Gouvernement pourrait donc prendre les mesures qu'il n'a pas le droit de prendre dans le cadre de la gestion de la sortie de l'état d'urgence sanitaire en rétablissant l'état d'urgence sanitaire par un simple décret.
La situation sanitaire s'améliore rapidement depuis une quinzaine de jours, mais elle reste grave : le 17 mai, le nombre de contaminations quotidiennes était en moyenne, sur les sept jours précédents, de 14 000. Le nombre de personnes hospitalisées est plus élevé aujourd'hui que le 11 mai 2020, avec 22 963 patients contre 22 219. Le nombre de patients en réanimation diminue depuis le 3 mai, puisqu'il est passé de 5 630 à 4 255, mais il était de 2 666 le 11 mai 2020.
La situation n'est pas totalement rassurante, ce qui justifie de ne pas baisser la garde.
L'accélération du rythme des vaccinations peut nous laisser entrevoir une amélioration de la situation. Il a été annoncé que plus de 20 millions de personnes ont été vaccinées, ce qui représente moins du tiers de la population française.
Si les chiffres se sont rapidement améliorés lors des dernières semaines, c'est parce que nous sortons d'un troisième confinement. Nous devons décider s'il faut autoriser le Gouvernement à alléger les contraintes et les disciplines qui s'imposent aux Français. C'est un nouveau pari dont il faut avoir conscience.
Quelle est la différence entre l'état d'urgence sanitaire et la sortie de l'état d'urgence sanitaire ? Toutes les restrictions aux libertés sont possibles dans la sortie de l'état d'urgence sanitaire sauf le reconfinement et le couvre-feu. C'est donc un régime qui reste fortement attentatoire aux libertés, pour un motif digne d'être pris en considération : la sécurité sanitaire de nos concitoyens. La liberté de réunion, la liberté de manifestation, la liberté de circulation et la liberté du commerce peuvent être restreintes dans le régime de sortie de l'état d'urgence sanitaire.
Pourquoi instituer un tel régime, alors que le Gouvernement disposerait des mêmes moyens en nous demandant simplement l'autorisation de prolonger l'état d'urgence sanitaire ? Je ne trouve pas de réponse à cette question autre que politique et, à vrai dire, j'ai du mal à blâmer complètement le Gouvernement de prendre une telle position : il a considéré que la loi devait symboliser l'amélioration de la situation sanitaire et l'espoir de venir à bout de l'épidémie, pour améliorer le moral des Français. Néanmoins, sur le plan juridique, absolument rien ne justifie de mettre en place un régime dont tous les moyens d'action existent déjà dans le cadre du régime de l'état d'urgence sanitaire, créé à titre temporaire et jusqu'au 31 décembre 2021 par la loi du 23 mars 2020.
Je ne vous demande pas de faire preuve de mauvaise volonté ou de mauvaise humeur. Je vous propose de vous inscrire dans le cadre d'un choix d'opportunité politique, certes contestable, fait par le Gouvernement. Ce texte repose davantage sur un effet d'annonce que sur une nécessité pratique et juridique.
Si le Gouvernement veut faire une distinction entre le régime de la gestion de la sortie de l'état d'urgence sanitaire et celui de l'état d'urgence sanitaire, alors cette différence doit être claire. Or le Gouvernement a, postérieurement à l'adoption du texte en conseil des ministres, élaboré plusieurs amendements qui ont été adoptés par l'Assemblée nationale et qui me paraissent apporter une certaine confusion. Je pense à la poursuite du couvre-feu, qui s'atténuera étape par étape jusqu'au 30 juin prochain. Je vous proposerai d'accepter cette mesure, mais dans le cadre de l'état d'urgence, lequel serait prolongé jusqu'au 30 juin prochain.
À partir du 1er juillet, nous serons vraiment dans la gestion de la sortie de l'état d'urgence sanitaire. Le Gouvernement veut alors pouvoir rétablir l'état d'urgence sanitaire dans des territoires qui ne sont pas peuplés de plus de 10 % de la population française sans que le Parlement ait à se prononcer au bout d'un mois. Je vous propose que si le Gouvernement déclare, même partiellement, l'état d'urgence sanitaire, c'est-à-dire impose un confinement ou un couvre-feu quelque part en France, alors il ne pourra le faire que pour un mois : au-delà, le Parlement devra l'autoriser à prolonger ces mesures.
Je trouve tout à fait désobligeant pour le Parlement de présenter la position gouvernementale comme une forme d'égard envers les députés et les sénateurs, qui ne siègent pas normalement au mois d'août. On leur permettrait de poursuivre paisiblement leurs vacances alors que la situation sanitaire serait très grave dans le pays : ce n'est pas l'idée que je me fais de la fonction parlementaire !
D'autres sujets sont abordés dans ce texte. D'abord, le passe sanitaire, qui est issu d'un amendement du Gouvernement déposé lors de l'examen du texte à l'Assemblée nationale. Ce passe sanitaire comporte des informations médicales relevant de la vie privée, qui ne peuvent être divulguées à n'importe qui. Les conditions de respect du principe d'égalité doivent aussi être prises en compte. Il m'a semblé que l'amendement du Gouvernement, au principe duquel je ne m'oppose pas, n'était pas suffisamment encadré, et ce avant même que la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), qui curieusement n'avait pas été saisie en temps utile par le Gouvernement, se soit finalement prononcée, dans des conditions assez acrobatiques, postérieurement à l'adoption de l'amendement par l'Assemblée nationale. Je vous proposerai de reprendre de nombreuses propositions de la CNIL.
Le passe sanitaire correspond à une réflexion développée au niveau européen, puisqu'un projet de règlement européen sur le passeport vert a déjà fait l'objet d'un avis du Parlement européen. Il doit pouvoir être établi seulement de manière temporaire, et dans des conditions qui apportent pleine garantie pour nos concitoyens.
Autre disposition : la quarantaine. La quarantaine n'a pas été inventée par l'état d'urgence sanitaire : c'est une disposition permanente du code de la santé publique tellement ancienne et mal rédigée qu'à l'initiative du Sénat, son régime juridique avait été entièrement réécrit dans une des précédentes lois relatives à l'état d'urgence sanitaire. Cette mesure touche de près aux libertés : il faut être extrêmement vigilant.
Je vous proposerai d'introduire dans le dispositif une disposition, que nous avons déjà adoptée, réécrivant entièrement l'article L. 3131-1 du code de la santé publique. Cet article avait permis, pendant quelques jours, de mettre en place le premier confinement en mars 2020 avant l'adoption de la loi du 23 mars 2020. Sauf problème, nous ne devrions plus avoir à examiner, d'ici à l'élection présidentielle, de texte sur l'état d'urgence sanitaire et la lutte contre les épidémies. Or l'article L. 3131-1 du code de la santé publique n'est pas assez précis : selon sa lettre, un ministre de la santé pourrait s'en servir pour prévoir un confinement de la population par un simple arrêté. Le travail que nous avions fait sur la question n'a pas été retenu jusqu'à présent, malgré les votes réitérés du Sénat. Je proposerai que la modernisation de cet article figure dans le texte. C'est le dernier point d'eau avant le désert !
Des dispositions dans le texte du Gouvernement m'ont paru porter à controverse : celles sur le versement au Système national des données de santé (SNDS) de données pseudonymisées recueillies dans le cadre des systèmes d'information mis en place pour lutter contre la covid-19. Sur cette question extrêmement technique, le diable est dans les détails ! Je me suis aperçu que le SNDS, créé par une loi de 2016 et largement étendu par une loi de 2019, comportait assez peu de garanties pour nos concitoyens, même s'il est indiscutablement très utile pour les politiques de santé et la recherche épidémiologique.
Le fait que l'on puisse verser dans le SNDS les données recueillies dans le cadre de la lutte contre la covid-19, pour lesquelles nous avions pris beaucoup plus de précautions, m'a paru être source d'inquiétude. Je vous proposerai un certain nombre de restrictions, notamment pour permettre l'exercice d'un droit d'opposition par les personnes dont les données de santé, même pseudonymisées, rejoindraient le SNDS. Celui-ci permet de réunir pour un même individu des données de santé pseudonymisées recueillies dans des systèmes d'information différents.
Le texte comprend également des dispositions sur les ordonnances : les 95 ordonnances prises dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire concernent tous les pans du droit : le droit du travail, le droit civil, les relations entre locataires et bailleurs, ainsi que le fonctionnement de la justice administrative, de la justice civile et de la justice judiciaire, et j'en passe. De nombreuses dispositions très utiles ont été prises, en particulier pour suspendre un certain nombre de délais qui couraient et qui ne pouvaient plus être respectés compte tenu des confinements successifs.
Puisque le Gouvernement nous propose de maintenir l'application d'une bonne partie de ces 95 ordonnances, je vous proposerai d'en profiter pour régler un certain nombre de points : cessons d'abuser du juge unique quand une formation de jugement collégiale peut être réunie ; n'imposons pas la visioconférence pour faire comparaître des accusés qui le refuseraient ; n'acceptons pas de mettre dans une nouvelle habilitation la prolongation de l'indemnisation des intermittents du spectacle dans des conditions plus favorables qu'à l'ordinaire, mais faisons-la figurer dans le texte même ; ne reconduisons pas la trêve hivernale pendant l'été pour ne pas léser les bailleurs pauvres ; permettons aux bailleurs de prendre des gages quand une entreprise ne paye pas son loyer.
Enfin, certaines dispositions touchent à la vie publique. Le Gouvernement nous propose d'abaisser à un tiers le quorum nécessaire pour élire les exécutifs départementaux et régionaux. Ce sont des décisions tellement importantes que cette diminution me paraît excessive, d'autant qu'il est possible de prévoir des procurations.
Une mesure concerne les Français de l'étranger. Il n'a pas été possible, l'an dernier, d'organiser les élections des conseillers et délégués consulaires, qui ont été reportées à ce mois-ci. Nous savons déjà qu'elles ne pourront pas se dérouler dans un certain nombre de pays. Le vote par internet est certes possible, mais il n'est permis que si les bureaux de vote sont ouverts dans les pays où le vote a lieu : c'est une exigence du Conseil constitutionnel. Dans plusieurs pays, les conseillers et délégués consulaires ne seront donc pas élus au mois de mai. Quelles conséquences doit-on en tirer pour l'élection des sénateurs, qui a été reportée et qui doit avoir lieu en septembre prochain ?
Le Gouvernement a traité à la dernière minute cette question par un amendement adopté à l'Assemblée nationale, que je vous proposerai de retenir moyennant un certain nombre de modifications. Il ne doit pas y avoir de doute sur l'identité des grands électeurs et il ne doit donc pas être possible d'élire des conseillers et délégués consulaires pendant la période de la campagne électorale en vue des élections sénatoriales : par voie de conséquence, les circonscriptions où le scrutin n'aurait pas pu avoir lieu et celles où l'élection aurait été annulée seraient représentées au sein du collège électoral par les conseillers et délégués consulaires dont le mandat aura expiré le 31 mai. Nous espérons que le Conseil constitutionnel admettra cette disposition, car c'est un cas de force majeure.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Nous reprenons encore et encore la même discussion... Le propos de Philippe Bas n'est pas une surprise totale.
La question de savoir pourquoi créer un nouveau régime distinct de l'état d'urgence sanitaire n'a pas grand intérêt. Au fond le texte n'a que deux objets : voter quelques bricoles en matière de droit électoral et, surtout, instaurer le passe sanitaire qui, me semble-t-il, n'aurait pas été possible à droit constant, même sous le régime de l'état d'urgence. À part cela, le texte ne sert effectivement qu'à montrer que les choses bougent...
J'évoquerai rapidement les sujets sur lesquels il faudrait progresser, sachant que sur ces points, depuis plus d'un an maintenant, nous sommes souvent très en phase avec la majorité du Sénat, ce qui est suffisamment rare pour être souligné et apprécié ! Néanmoins, nous aimerions aller plus loin sur certains points.
Philippe Bas l'a dit, ce que propose le Gouvernement est une nouvelle forme d'état d'urgence sanitaire qui permet tout sauf le confinement généralisé. Selon nous, les interdictions de circulation des personnes, le couvre-feu et la possibilité pour le préfet de s'opposer au choix du lieu retenu par une personne placée en quarantaine ne peuvent être acceptées dans la circonstance d'une sortie d'état d'urgence.
Sur le passe sanitaire, le rapporteur fait des propositions qui sont tout à fait bienvenues. Notre groupe en fera lui aussi sur la protection des données personnelles. Qui contrôlera le passe sanitaire ? Qui conservera les données ? Le dispositif sera-t-il régulièrement évalué ? Nous considérons que le passe sanitaire aura une vie courte, mais nous n'en savons rien !
Le point le plus important est celui de l'encadrement du dispositif, que nous avons largement évoqué lors de l'audition du ministre. Il existe deux écoles distinctes : l'une refuse totalement le passe sanitaire ; l'autre l'accepte, mais en l'encadrant de manière très stricte. Cédric O avait dit dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale que la CNIL n'avait rien à voir avec le passe sanitaire ; finalement, elle a été saisie le 4 mai et a rendu son avis le 12 mai...
Il faut un encadrement strict des lieux concernés. Je note avec regret que l'amendement du rapporteur contient une formule assez floue. Nous devons être plus vigilants. Car les Français ne sont intéressés que par une chose : le passe sanitaire. Quand sera-t-il obligatoire et pour faire quoi ? Tous ont évoqué une jauge de 1 000 personnes, le Premier ministre en tête, alors qu'elle n'est inscrite nulle part. Nous proposons de faire figurer un seuil dans le texte avec peut-être - nous aurons ce débat en séance - une jauge distincte pour l'extérieur et l'intérieur.
Nous proposons aussi des dispositions pour renforcer la place des élus locaux et du Parlement dans le dispositif. Nous rejoignons M. Bas : le délai au-delà duquel le Parlement doit être consulté en cas de prolongation d'un éventuel rétablissement de l'état d'urgence sanitaire doit être ramené de deux mois à un mois. Nous demandons également une meilleure coordination entre les élus locaux et le préfet.
De même, comme le rapporteur, nous avons des inquiétudes quant au SNDS. Nous proposons l'anonymisation des données, et non leur simple pseudonymisation, et le recueil du consentement des personnes à la conservation des données au-delà du 31 décembre, date prévue initialement.
Le rapporteur a mentionné les habilitations à légiférer par ordonnances. Nous souhaitons en modifier quatre : celle qui est relative aux dates des congés payés obligatoires, celle sur le nombre maximal de renouvellements de contrats à durée déterminée (CDD), celle qui concerne la prolongation de la trêve hivernale pour les coupures d'électricité, de gaz et de chauffage, et celle qui est relative à la prolongation de la trêve hivernale pour les expulsions locatives.
Nos amendements comportent aussi des dispositions électorales ; nous reprenons des dispositions qui ont été évoquées lors de discussions organisées au ministère de l'intérieur où M. Kerrouche représente notre groupe : obligation d'organiser un débat télévisé, possibilité pour les communes volontaires d'organiser des scrutins sur trois jours, etc.
Nous sommes ainsi dans le même état d'esprit constructif que le rapporteur et voulons améliorer ce texte.
M. Jean-Yves Leconte. - Notre rapporteur a été très délicat à l'égard du Gouvernement, car la situation en ce qui concerne les élections des conseillers des Français de l'étranger et des délégués consulaires semble inextricable... Le Gouvernement avait pourtant parfaitement conscience des difficultés qui allaient se poser, mais il n'a rien fait pour les résoudre ! Le vote par correspondance électronique va commencer à la fin de la semaine, les électeurs ont déjà été convoqués, mais, dans certaines circonscriptions, les élections ne pourront avoir lieu, alors que la loi que nous examinons n'aura pas encore été promulguée. Le rapporteur a déposé un amendement qui répond à un certain nombre d'interrogations. Il propose d'organiser des élections partielles consulaires, dans les circonscriptions où l'élection n'aura pu avoir lieu du fait des circonstances locales, après l'élection des sénateurs des Français de l'étranger. Le Gouvernement voulait les tenir avant fin septembre, ce qui créerait aussi des difficultés en raison du chevauchement avec la campagne pour les élections sénatoriales. Il serait aussi inédit de proroger des mandats expirés... Toutefois, comme ces élections ont déjà été reportées trois fois et que les candidats sont fatigués, je ne sais pas s'il vaut mieux tenir ces élections le plus rapidement possible, quitte à repousser un peu la campagne sénatoriale, ou rouvrir les candidatures en octobre, comme vous le proposez, et ainsi contraindre certains candidats à mener une quatrième campagne en deux ans ! Je m'interroge donc sur ce point, même si votre amendement résout de nombreux problèmes.
M. Loïc Hervé. - Je salue l'effort du rapporteur pour revoir le texte de l'Assemblée nationale. Certaines dispositions sont fortement attentatoires aux libertés. Cette loi de sortie de l'état d'urgence sanitaire serait bonne pour le moral, dit-on, mais si les lois avaient des vertus thérapeutiques, cela se saurait ! Je ne suis pas sûr que le passe sanitaire soit le sésame du bonheur. Voilà une mesure censée libérer les Français mais qui les contraint, en fait, davantage. Le Gouvernement avait d'ailleurs déjà essayé de la faire adopter, en vain, en décembre... Quant à la CNIL, elle s'est finalement prononcée, dans des conditions assez acrobatiques, postérieurement à l'adoption de l'article par l'Assemblée nationale... Je suis donc très réservé.
Il faut distinguer le passeport vaccinal, dispositif européen, harmonisé, qui vise à permettre aux citoyens européens de voyager, et le passe sanitaire, qui s'applique à des actes de la vie courante et dont le caractère temporaire n'est pas garanti, faute d'une date de fin. Qui sera chargé de réaliser les contrôles ? Je rappelle qu'en France nous n'avons pas, sauf exception, à prouver notre identité. Avec le passe sanitaire, on nous demandera - c'est une première - de prouver notre état de santé pour accéder à un lieu ou à un événement. Pourtant, rien n'est prévu pour former ou sensibiliser ceux qui réaliseront les contrôles à la manipulation des données personnelles. Si vous voulez aller aux Vieilles Charrues, c'est un bénévole ou un agent de sécurité privée qui contrôlera votre identité et votre état de santé. Si c'est vert, comme dit le ministre, tout va bien, vous entrerez ! Mais que se passera-t-il si un problème surgit, pour quelque raison que ce soit, parce qu'il y a un problème technique sur le QR Code, par exemple, ou un doute sur la validité du test PCR ? Quelle sera la légitimité de la personne qui contrôle pour refuser votre entrée ?
C'est pourquoi j'ai déposé un amendement visant à réserver ce contrôle aux forces de l'ordre. Certes, pour entrer dans un casino, on doit déjà décliner son identité pour vérifier que l'on n'est pas inscrit sur le fichier des interdits de jeux, mais les personnels des casinos sont agréés par le ministère de l'intérieur après une enquête de moralité. Il faut aussi prévoir une date de fin au passe sanitaire. Quant aux dispositions qui rappellent les prérogatives de contrôle du Parlement à l'égard du Gouvernement, elles sont, au mieux, superflues, car ces pouvoirs découlent de la Constitution.
Enfin, je rejoins la position de notre rapporteur sur la durée de conservation des données médicales. Je m'étonne que l'on utilise ce texte pour traiter des sujets aussi graves. Nous avons déjà eu un débat approfondi sur la question au début de la mise en place de l'état d'urgence sanitaire. S'il faut faciliter la recherche, vingt ans me paraît toutefois une durée bien longue.
M. Alain Richard. - Ce projet de loi me paraît nécessaire et aménage la transition en laissant aux autorités la possibilité de prendre des mesures restrictives en cas de reprise des contaminations. Je ne peux que saluer l'état d'esprit constructif de notre rapporteur. S'il convient effectivement de bien encadrer le passe sanitaire, il ne faut pas oublier que celui-ci sera nécessaire si l'on veut organiser des événements où le respect des gestes barrières ne peut être garanti. Nous ne devons pas nous laisser intimider par les messages que nous recevons à l'heure actuelle de la part de ses opposants. Je crois, en outre, que nous devrons introduire des dispositions sur les opérations électorales. Mais vu la date à laquelle cette loi sera promulguée, elle n'aura guère de portée pratique pour les élections régionales et départementales, sinon de régularisation. Nous devons donc améliorer le texte, sans trop nous écarter de la rédaction de l'Assemblée nationale.
Mme Éliane Assassi. - Je salue le travail de notre rapporteur. En dépit de la circulation toujours active du virus, le Gouvernement nous propose un texte censé organiser la sortie de la crise sanitaire. Ce texte est multiforme et soulève de nombreuses questions, à commencer par celle des pouvoirs que s'octroie ainsi l'exécutif. Il crée un nouveau régime transitoire et non de sortie de crise, nous plongeant finalement dans une zone grise. Nous demandons donc la suppression de l'article 1er et partageons les interrogations de M. Hervé quant aux modalités de contrôle du passe sanitaire.
Monsieur Richard, ce n'est pas parce que nous recevons de nombreux messages nous demandant de supprimer le passe sanitaire que nous nous laissons « intimider ». Simplement, certains arguments sont recevables. Il est vrai que l'on peut voir derrière ce dispositif la volonté du Gouvernement de rendre obligatoires la vaccination et l'usage de l'application « TousAntiCovid », qui a été téléchargée par 13 millions de Français, mais qui n'est pas accessible à ceux qui n'ont pas de smartphone, soit un Français sur cinq. L'état d'urgence sanitaire a servi à justifier des mesures sécuritaires et restrictives, et l'équilibre entre la protection des libertés publiques et la protection de la santé n'est plus assuré. Nous sommes gouvernés par des mesures sécuritaires, ce qui est problématique. Je regrette que l'on ait négligé pendant ce temps d'accorder plus de moyens à notre système de santé pour lutter contre l'épidémie. Le groupe communiste républicain citoyen et écologiste refuse l'accoutumance aux régimes d'exception.
M. Philippe Bas, rapporteur. - Merci pour vos analyses et propositions. Madame de La Gontrie, je constate que nous avons relevé les mêmes points problématiques dans ce texte foisonnant. Je crois donc que nous pouvons nous retrouver sur certains amendements, même si nous ne plaçons pas toujours le curseur au même endroit.
Monsieur Leconte, en effet, nous avons à traiter la situation de fait qui ne manquera pas de se produire en mai, là où l'élection des conseillers des Français de l'étranger n'aura pu se tenir ou aura été annulée par le juge. J'ai conscience des difficultés que vous soulevez, mais le droit ne peut pas tout. Cette énième campagne avortée pour les élections consulaires soulève bien des problèmes, qu'il n'est pas aisé de résoudre.
Monsieur Hervé, le passe sanitaire constitue bien un système dérogatoire et une atteinte aux libertés, mais si nous n'avions accepté aucune restriction, nous serions aujourd'hui dans la situation de l'Inde ou du Brésil ! Notre rôle a été de veiller à les limiter. Finalement, nous devons choisir entre l'annulation des fêtes et des événements publics, ce qui constitue aussi une atteinte à nos libertés, et le passe sanitaire, qui marque la soumission volontaire de l'individu à une contrainte afin d'éviter l'annulation de certaines manifestations. N'est-ce pas un moindre mal, dès lors que le dispositif est borné dans le temps - je vous proposerai la date du 15 septembre - et que l'accès aux données est encadré ? Vous souhaitez que les contrôles soient confiés uniquement aux forces de l'ordre, mais je crains que nombre d'événements ne soient, dans ce cas, annulés faute de policiers ou de gendarmes en nombre suffisant.
Je remercie M. Richard d'avoir salué mon état d'esprit constructif - il l'est toujours !
Madame Assassi, comme vous, je n'accepte pas l'accoutumance aux régimes d'exception. C'est pourquoi j'accepte un régime d'exception atténué, qui permet de ne pas prolonger le régime d'exception le plus contraignant. J'espère, évidemment, que l'on en sortira le plus vite possible. Le régime de l'état d'urgence sanitaire est provisoire. Je vous rappelle que nous avions refusé d'en faire une modalité d'action pérenne de l'exécutif, au même titre que l'état d'urgence créé par la loi du 3 avril 1955, comme le Gouvernement nous le demandait.
EXAMEN DES ARTICLES
M. Philippe Bas, rapporteur. - Les amendements COM-21 rectifié et COM-31 visent à supprimer l'article 1er. Avis défavorable, car je vous proposerai de prolonger l'état d'urgence sanitaire jusqu'au 30 juin, afin de bien distinguer le régime de sortie de l'état d'urgence sanitaire, qui ne peut pas selon moi comporter de couvre-feu, de l'état d'urgence lui-même. Quant au passe sanitaire, je vous proposerai de l'encadrer, conformément aux préconisations de la CNIL.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Je ne sais pas ce que mon groupe votera in fine, mais que le texte issu des travaux du Sénat ait comme conséquence la prolongation de l'état d'urgence sanitaire, c'est tout de même un peu particulier !
Je partage l'analyse du rapporteur sur l'aspect spécieux de la distinction, mais je suis surprise qu'il propose purement et simplement de prolonger l'état d'urgence sanitaire pour régler ce problème. J'y suis défavorable.
M. Alain Richard. - Je veux faire une observation désabusée. Cet article 1er est l'exemple de ce qu'il ne faut pas faire en rédaction législative !
M. Loïc Hervé. - Exact !
M. Alain Richard. - Il fait deux pages et demie, il statue sur sept ou huit règles de fond importantes, il est censé être écrit comme une seule phrase mais comporte d'autres phrases en incise... Pardonnez-moi l'expression, mais c'est vraiment un torchon... Nous n'aurons pas le temps de le réécrire convenablement, mais je ferai remarquer au Gouvernement que, du point de vue de la production législative, ce n'est ni fait ni à faire !
M. François-Noël Buffet, président. - Merci de cette observation judicieuse.
M. Loïc Hervé. - Comme montagnard, j'aurais proposé qu'on tronçonne l'article 1er ! Mon amendement de suppression est un clin d'oeil à nos collègues députés : ils n'ont pas supprimé l'article au début de l'examen du texte, ils ont adopté l'amendement introduisant le passe sanitaire et à la fin de la discussion ils n'ont pas voté l'article 1er ! Lors de la deuxième délibération demandée par le Gouvernement, ils ont fini par l'adopter après avoir procédé à quelques modifications de dates...
Les deux amendements de suppression - celui du groupe communiste et le mien - nous permettent d'avoir, en commission et en séance, un débat sur la base juridique du passe sanitaire.
Il aurait été plus simple et plus plaisant intellectuellement d'avoir un article spécifique sur une disposition aussi contestée que celle du passe sanitaire, au lieu d'en débattre dans un article aussi touffu.
Les amendements COM-21 rectifié et COM-31 ne sont pas adoptés.
M. François-Noël Buffet, président. - Nous examinons six amendements en discussion commune.
M. Philippe Bas, rapporteur. - La gestion de la sortie de la crise sanitaire ne doit pas permettre le couvre-feu : puisque le Gouvernement veut le maintenir, il faut prolonger l'état d'urgence sanitaire.
Indépendamment de l'effort qui a été fait à l'Assemblée nationale pour réduire la durée d'application du régime de gestion de sortie de la crise sanitaire, je proposerai que celle-ci s'arrête le 15 septembre prochain, afin de permettre au Parlement de se prononcer plus rapidement. Tel est l'objet de mon amendement COM-34.
M. Alain Richard. - Une observation sur la date du 15 septembre. Le nombre de contaminations dans le monde fait aujourd'hui l'objet de multiples spéculations et interrogations. Par conséquent, nous ne pouvons pas examiner le pilotage de cette sortie de crise espérée comme un sujet purement national dont nous détiendrions toutes les paramètres. Il n'est pas certain que l'on dispose de données suffisamment consolidées à la fin du mois d'août pour prendre les décisions adéquates. Fixer au 15 septembre la date de fin de l'application de ce texte revient à s'imposer de prendre une décision concernant l'éventuel maintien de certaines dispositions entre le 20 et le 25 août. Cette accélération du calendrier peut avoir des effets contreproductifs.
M. Philippe Bas, rapporteur. - Fixer une échéance signifie non pas que tout s'arrêtera, mais que le Parlement devra se prononcer à cette date.
La situation continuera à évoluer entre le 15 et le 30 septembre. Nous aurons toujours, en raison du caractère mondial de cette épidémie, des informations non consolidées qui arriveront au moment où nous devrons prendre une décision, que la date soit fixée au 15 ou au 30 septembre...
Il faut regarder les choses différemment : je vous propose de permettre au Parlement de se prononcer plus tôt.
L'année dernière, lorsque le premier confinement a eu lieu, le Gouvernement a dû revenir devant le Parlement au bout de deux mois. Là, il nous demande davantage. Si le Gouvernement a besoin d'utiliser des pouvoirs exceptionnels après une certaine date, nous devrons l'autoriser.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Puisque il s'agit d'une sortie de l'état d'urgence sanitaire, il est important de prévoir non pas une interdiction de la circulation, mais une réglementation de celle-ci.
S'agissant de la date, Olivier Véran a expliqué lors de son audition qu'il n'était pas souhaitable de faire coïncider rentrée scolaire et discussion sur l'état d'urgence : c'est la raison pour laquelle la date du 30 septembre a été choisie.
Nous ne sommes pas favorables à la prolongation de l'état d'urgence sanitaire. Sans partager la rhétorique « optimisante » du Gouvernement, laisser croire aux Français que l'on va continuer à permettre des restrictions des libertés aussi rudes que celles qu'ils connaissent depuis un an n'a pas de sens.
M. Philippe Bas, rapporteur. - L'avis est défavorable sur l'amendement COM-1 rectifié.
Il en est de même pour l'amendement COM-2.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Pour notre part, nous y sommes favorables.
M. Philippe Bas, rapporteur. - Si mon amendement COM-34 était adopté, l'amendement COM-62 serait satisfait.
L'avis est défavorable sur l'amendement COM-5 rectifié, de même que sur l'amendement COM-73 rectifié.
L'amendement COM-34 est adopté ; l'amendement COM-62 devient sans objet.
L'amendement COM-1 rectifié n'est pas adopté, non plus que les amendements COM-2, COM-5 rectifié et COM-73 rectifié.
M. Philippe Bas, rapporteur. - L'avis est défavorable sur l'amendement COM-61.
L'amendement COM-61 n'est pas adopté.
M. Philippe Bas, rapporteur. - Mon amendement COM-35, de même que l'amendement identique COM-28 de Catherine Deroche, porte sur l'encadrement du passe sanitaire. Les amendements COM-63 et COM-64 sont satisfaits par les garanties que nous apportons au passe sanitaire.
L'avis est défavorable sur les amendements COM-91, COM-92, COM-16 rectifié, COM-9, COM-68 et COM-89.
L'amendement COM-17 est satisfait.
L'avis est défavorable sur les amendements COM-18 rectifié et COM-67.
L'amendement COM-69 est satisfait.
L'avis est défavorable sur l'amendement COM-90.
Enfin, l'amendement COM-4 est satisfait.
Mme Dominique Vérien. - Concernant l'amendement COM-90, comme les maires l'ont fait remarquer, si l'on ne l'autorise pas, ce type de réunions se fera de manière illégale. Nous ne pourrons alors pas veiller au respect d'un minimum de gestes barrières, voire à l'application du passe sanitaire.
M. Alain Richard. - J'ai un peu de mal à percevoir pourquoi le rapporteur ne veut pas inscrire dans la loi le seuil de 1 000 personnes. Nous sommes tous d'accord, les lieux pour lesquels il faut un passe sanitaire doivent être l'exception. Je pense aux grands rassemblements dans lesquels la probabilité que les gestes barrières ne soient pas complètement respectés est très forte.
Je suis tout à fait convaincu par la rédaction proposée par le rapporteur : « lorsque la configuration des lieux, établissements événements ou la nature des activités [...] ne permet pas de garantir la mise en oeuvre de mesures. » Mais nous serions plus convaincants si nous établissions un seuil, que personnellement je fixerai au-delà de 1 000.
M. Philippe Bas, rapporteur. - Le nombre n'est pas un critère sûr de dangerosité. C'est la raison pour laquelle j'ai préféré parler de configuration des lieux, établissements ou événements, ou de la nature des activités. Cette formule laisse une capacité d'appréciation plus large à l'autorité administrative et permet de prendre des décisions mieux adaptées à la situation particulière qu'il s'agit de traiter.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Nous cherchons tous la moins mauvaise solution. Que lit-on dans les journaux ? Que la jauge est fixée à 1 000 personnes. Et c'est ce que les Français ont retenu de la campagne de communication du Gouvernement. Or ce seuil ne figure nulle part. Avec la formulation qu'il a retenue, le rapporteur fait preuve d'une bonne intention, mais il reviendra à l'autorité administrative de prendre la décision. Pour se rendre à un événement, comment savoir si un passe est nécessaire en l'absence de données objectives ?
M. Jean-Yves Leconte. - D'autant que ce point fait partie des recommandations de la CNIL.
M. Philippe Bas, rapporteur. - Je m'en tiens à ma proposition.
Les amendements COM-35 et COM-28 sont adoptés ; les amendements COM-63 et COM-64 deviennent sans objet.
Les amendements COM-91, COM-92, COM-16 rectifié, COM-9, COM-68 et COM-89 ne sont pas adoptés.
L'amendement COM-17 rectifié devient sans objet.
L'amendement COM-18 rectifié n'est pas adopté, non plus que l'amendement COM-67.
L'amendement COM-69 devient sans objet.
L'amendement COM-90 n'est pas adopté.
L'amendement COM-4 devient sans objet.
M. Alain Richard. - Plusieurs questions sont restées en suspens. Je pense en particulier à l'observation de Loïc Hervé sur l'habilitation des personnes à constater le contenu et le caractère permissif du passe sanitaire. Je n'avais pas vu cet aspect du sujet, mais je crains que le vide législatif sur ce point ne soit une faiblesse du texte.
Les choses iront très rapidement puisque le texte devrait être adopté le 29 ou le 30 mai. Les organisateurs d'événements vont devoir monter des systèmes de certification pour le début du mois de juillet, mais l'exemple du bénévole qui s'occupe de l'accueil à l'entrée d'un festival montre qu'il faut prévoir un certain nombre de précautions.
M. Jean-Yves Leconte. - Les amendements de Damien Regnard posent le problème de la reconnaissance des certificats établis dans d'autres pays - une question importante pour toutes les activités liées à la culture et au tourisme. Si ses amendements sont rejetés, comment répondre à cette difficulté ?
M. Philippe Bas, rapporteur. - Je n'ai pas eu le temps de détailler toutes les dispositions de mon amendement COM-35. Il prévoit qu'un décret détermine, après avis de la CNIL, les modalités d'application du passe sanitaire, notamment « les personnes et services autorisés à contrôler ces documents » ainsi que « la liste des systèmes d'information constitués au sein des États membres de l'Union européenne reconnus comme supports de présentation des documents » utilisés au titre du passe sanitaire.
L'amendement COM-65 n'est pas adopté.
L'amendement COM-66 est adopté.
Les amendements COM-3, COM-70 et COM-71 ne sont pas adoptés.
M. Philippe Bas, rapporteur. - Je souhaite le retrait des amendements COM-72 et COM-74. Il serait compliqué de les retravailler maintenant, mais, s'ils étaient réécrits, je serais prêt à leur donner un avis favorable.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Je les retire ! Monsieur le rapporteur, vous êtes donc favorable à une sanction en cas d'usage intempestif du passe sanitaire dans des lieux non autorisés ?
M. Philippe Bas, rapporteur. - Tout à fait.
Les amendements COM-72 et COM-74 sont retirés.
L'amendement COM-10 n'est pas adopté.
L'amendement de coordination COM-36 est adopté.
M. Philippe Bas, rapporteur. - L'avis est défavorable sur les amendements COM-75 et COM-76.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Ces amendements prévoient l'association des élus locaux, une idée qui n'est pas complètement invraisemblable...
M. Philippe Bas, rapporteur. - La sortie de l'urgence, c'est encore de l'urgence. Ces consultations sont sans doute incompatibles avec l'opérationnalité des mesures à prendre.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Je me rappelle le sketch - il n'y a pas d'autre mot - qui s'est déroulé à Marseille. La maire s'est exprimée quand elle a appris que des mesures de confinement allaient être prises... Bref, la concertation a eu lieu. Nous avons connu la même situation à Paris. La concertation, c'est trois coups de fil ! Je suis étonnée que le rapporteur ne soit pas favorable à ce principe.
M. Philippe Bas, rapporteur. - Je suis très favorable à ce que les élus soient toujours associés aux décisions de l'État. Mais votre amendement COM-75 vise « toutes les mesures » : cette obligation est trop générale.
Les amendements COM-75 et COM-76 ne sont pas adoptés.
M. Philippe Bas, rapporteur. - L'avis est défavorable sur l'amendement COM-19 rectifié.
M. Loïc Hervé. - Aux termes de l'alinéa 17, « l'Assemblée nationale et le Sénat sont informés sans délai des mesures prises par le Gouvernement au titre du présent article. L'Assemblée nationale et le Sénat peuvent requérir toute information complémentaire dans le cadre du contrôle et de l'évaluation de ces mesures. » Qu'apportent ces phrases aux pouvoirs déjà conférés par la Constitution aux assemblées ?
M. Philippe Bas, rapporteur. - Cette disposition existe dans les précédents textes relatifs à l'état d'urgence. C'est le Sénat qui l'a introduite !
M. Loïc Hervé. - S'il en est ainsi, je retire mon amendement !
L'amendement COM-19 rectifié est retiré.
M. Philippe Bas, rapporteur. - L'amendement COM-77 a les apparences pour lui, mais les mesures que les préfets devraient transmettre au Parlement sont en réalité déjà comprises dans les informations très générales produites régulièrement par le Gouvernement. L'avis est défavorable.
L'amendement COM-77 n'est pas adopté.
M. Philippe Bas, rapporteur. - L'avis est défavorable sur l'amendement COM-78.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Une évaluation du passe sanitaire me semble nécessaire. Nous pouvons faire preuve de naïveté, mais le passe sanitaire ne s'arrêtera pas le 30 septembre prochain comme le prévoit le texte. Sans évaluation, nous ne pourrons pas savoir s'il est opportun de le prolonger. Je regrette la frilosité du rapporteur. Cette mesure correspond par ailleurs à une demande de la CNIL.
M. Philippe Bas, rapporteur. - Cela me fait plaisir que vous releviez ma naïveté...
Puisque nous avons décidé que le passe sanitaire ne pourrait être maintenu au-delà du 15 septembre, la question ne se pose pas. Il me paraît de toute façon très difficile de produire une évaluation sérieuse pour le 15 septembre. C'est la raison pour laquelle je pense qu'il faut se contenter de la disposition de l'alinéa 17. Le président de la commission des lois pourra, s'il le juge utile, demander à tout moment une évaluation.
L'amendement COM-78 n'est pas adopté.
Article additionnel après l'article 1er
L'amendement COM-27 est déclaré irrecevable en application de l'article 45 de la Constitution.
Article 2
L'amendement de suppression COM-32 n'est pas adopté.
L'amendement de coordination COM-37 est adopté.
M. Philippe Bas, rapporteur. - Mon amendement COM-38 et l'amendement identique COM-79 rectifié visent à maintenir l'intervention du Parlement au bout d'un mois en cas de déclaration de l'état d'urgence sanitaire par décret.
Les amendements COM-38 et COM-79 rectifié sont adoptés.
Article 3
L'amendement de coordination COM-39 est adopté.
Article additionnel après l'article 3
M. Philippe Bas, rapporteur. - L'avis est défavorable sur l'amendement COM-80.
M. Jean-Yves Leconte. - Il est dommage que le Parlement ne puisse pas disposer de l'ensemble des pièces que le Gouvernement produit devant le Conseil d'État pour se défendre dans le cadre des affaires liées à l'état d'urgence sanitaire.
M. Philippe Bas, rapporteur. - Je ne change pas d'avis : nous n'avons pas à interférer dans une procédure juridictionnelle.
L'amendement COM-80 n'est pas adopté.
Article 4
L'amendement de suppression COM-11 n'est pas adopté.
M. Philippe Bas, rapporteur. - L'amendement COM-40 vise à apporter quelques modifications au régime de l'état d'urgence sanitaire. Ces mesures avaient déjà été adoptées par le Sénat lors de l'examen de précédents projets de loi liés à la crise sanitaire.
Il s'agit de prévoir expressément qu'en cas de rétablissement de l'état d'urgence sanitaire les pouvoirs publics ne pourront pas réglementer l'accès aux locaux à usage d'habitation.
M. Christophe-André Frassa. - Est-il nécessaire d'inscrire une telle disposition dans la loi ?
M. Philippe Bas, rapporteur. - Toute interprétation contraire serait, me semble-t-il, considérée comme inconstitutionnelle, mais certaines choses vont mieux en les disant ou, en l'occurrence, en les écrivant dans la loi.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - La loi est bavarde !
M. Philippe Bas, rapporteur. - Non, car ce point n'a jamais été jugé. Le Président de la République ou le Premier ministre ont évoqué la nécessité de ne pas inviter plus de six personnes à son domicile. Ils ne sont pas allés plus loin, mais nous avons flirté avec l'idée...
L'amendement COM-40 est adopté.
M. Philippe Bas, rapporteur. - Les amendements COM-87 et COM-88 tendent à supprimer la possibilité pour le préfet de s'opposer au choix du lieu de quarantaine. J'ai proposé une formule différente.
Les amendements COM-87 et COM-88 ne sont pas adoptés.
Article additionnel après l'article 4
M. Philippe Bas, rapporteur. - L'amendement COM-41 vise à réécrire l'article L. 3131-1 du code de la santé publique.
L'amendement COM-41 est adopté.
M. Philippe Bas, rapporteur. - L'article 5 prévoit l'incorporation au SNDS des données qui auront été recueillies dans le cadre de la lutte contre le covid-19 par les systèmes d'information temporairement mis en place.
Ces données ne peuvent pas être conservées plus de trois mois, alors que celles qui sont dans le SNDS peuvent être gardées pendant vingt ans. L'écart est énorme entre ce qui peut être fait dans le droit commun et ce qui peut l'être dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire. Paradoxalement, c'est dans ce second cadre que les textes sont les plus protecteurs.
Le Gouvernement nous demande de régulariser une situation qui, de fait, a commencé à se matérialiser : je veux parler de l'utilisation de données pseudonymisées recueillies dans le cas de la lutte contre le covid-19 pour alimenter le SNDS. Je comprends l'émoi que cette mesure peut provoquer, mais aussi l'intérêt pour la recherche et pour la politique de santé publique de permettre la connexion des données.
J'ai consulté la présidente de la commission des affaires sociales, qui a déposé un amendement visant à encadrer strictement cette possibilité de connexion. Cet amendement tend à autoriser le traitement des données issues des systèmes d'information contre le covid-19 pour, premièrement, l'accomplissement des missions des services de l'État, des établissements publics ou des organismes chargés d'une mission de service public et, deuxièmement, contribuer à la recherche, aux études et à l'innovation en matière de santé. Celles issues du traitement Contact-covid ne seraient accessibles qu'aux organismes figurant sur une liste établie par décret en Conseil d'État, après avis de la CNIL.
Par ailleurs, je vous proposerai que les personnes dont les données ont été collectées soient informées personnellement, sans délai et par tout moyen du versement de leurs données pseudonymisées au SNDS, ainsi que de leur droit d'opposition à la transmission de ces données.
L'avis est donc défavorable sur les amendements identiques COM-20 rectifié et COM-33, au bénéfice de l'adoption de l'amendement COM-29 et de mon amendement COM-42.
M. Alain Richard. - Un décret est nécessaire. Malgré tout, même si le décret précise bien les organismes qui peuvent avoir accès aux données, chaque organisme devra demander une autorisation d'accès, et une décision individuelle sera toujours nécessaire.
M. Loïc Hervé. - Je retire mon amendement COM-20 rectifié au profit de l'amendement COM-29. Néanmoins, mon amendement procédait d'une irritation : ce texte n'est pas le véhicule approprié pour des mesures ce genre. Cet article n'est pas que technique, il entraîne des conséquences importantes pour les données de santé. Nous avions déjà eu un débat sur la durée de conservation. J'ai siégé à la CNIL. Je ne méconnais pas les nécessités de la recherche, mais nous devons être très vigilants en légiférant sur ce type de dispositif.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Les protections évoquées dans l'amendement ne concerneront que les données des traitements SI-DEP et Contact-covid, et non toutes les données versées au SNDS. Dans un même système, des données seront alors protégées, d'autres non.
M. Philippe Bas, rapporteur. - Les données collectées dans le cadre de la pandémie avaient vocation à n'être conservées que trois mois. Il est nécessaire, par loyauté envers les Français, de protéger ces données. C'est pourquoi les règles que je vous propose ne concernent que les données de ces deux fichiers. Il est vrai que le SNDS mériterait à l'avenir un examen plus poussé.
L'amendement COM-20 rectifié est retiré.
L'amendement COM-33 n'est pas adopté.
M. Philippe Bas, rapporteur. - Avis défavorable à l'amendement COM-81 qui prévoit une anonymisation des données. Elles deviendraient alors inutilisables pour la recherche. Restons-en à la pseudonomysation.
L'amendement COM-29 est adopté. L'amendement COM-81 n'est pas adopté.
M. Philippe Bas, rapporteur. - Avis défavorable à l'amendement COM-82.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Les données personnelles recueillies dans le cadre de la lutte contre l'épidémie de covid-19 ne devaient être conservées que jusqu'à la fin de l'année. Avec leur intégration dans le SNDS, leur durée de conservation est portée jusqu'à vingt ans. Il conviendrait donc de conditionner la conservation de ces données au-delà du 31 décembre 2021 au consentement exprès des intéressés. C'est l'objet de l'amendement COM-82.
M. Philippe Bas, rapporteur. - Cet amendement semble difficile à mettre en oeuvre. Il est en partie satisfait par l'amendement que je propose et qui prévoit l'information des personnes concernées du versement de leurs données au SNDS et de leur droit d'opposition à la levée du secret médical rendue nécessaire par un traitement ultérieur de leurs données.
L'amendement COM-82 n'est pas adopté, non plus que l'amendement COM-12.
L'amendement COM-42 est adopté.
M. Philippe Bas, rapporteur. - Mes amendements COM-44 et COM-45 visent à subordonner le recours à la visioconférence devant les juridictions au consentement des parties. L'amendement COM-46 supprime la possibilité pour certaines juridictions pénales de statuer à juge unique.
L'amendement COM-44 est adopté, de même que les amendements COM-45 et COM- 46.
M. Philippe Bas, rapporteur. - L'amendement COM-47 vise à relever le quorum pour l'élection des exécutifs des départements et des régions à la moitié des membres en exercice des assemblées, et non au tiers des membres, comme le souhaite le Gouvernement,
L'amendement COM-47 est adopté.
L'amendement COM-84 n'est pas adopté, non plus que les amendements identiques COM-83 et COM-13.
L'amendement COM-93 est adopté.
L'amendement de précision COM-48 est adopté.
L'amendement de cohérence COM-43 est adopté.
M. Philippe Bas, rapporteur. - L'amendement COM-49 rend aux bailleurs la faculté de pratiquer des mesures conservatoires en cas d'impayés de loyers de la part de locataires professionnels.
L'amendement COM-49 est adopté.
Article 6 bis (nouveau)
L'amendement de cohérence COM-50 est adopté.
Article 7
L'amendement de cohérence COM-51 est adopté.
M. Philippe Bas, rapporteur. - L'amendement COM-7 vise à supprimer l'habilitation à légiférer par ordonnance sur l'activité réduite pour le maintien en emploi. Avis favorable.
L'amendement COM-7 est adopté.
M. Philippe Bas, rapporteur. - Avec l'amendement COM-52, je vous propose de supprimer l'habilitation concernant la trêve hivernale. Avis défavorable aux amendements COM-85, COM-86 et COM-14.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Je comprends le raisonnement du rapporteur : la suspension des expulsions locatives durant depuis le 1er novembre 2019, on peut considérer qu'il y a un risque d'atteinte disproportionnée au droit de propriété. Toutefois, ne faudrait-il pas conserver les dispositions relatives à la fourniture de chauffage, d'eau ou d'électricité, qui relèvent d'une autre problématique ?
M. Philippe Bas, rapporteur. - Si le Gouvernement nous propose de modifier son habilitation, nous en discuterons.
L'amendement COM-52 est adopté ; les amendements COM-85, COM-86 et COM-14 deviennent sans objet.
M. Philippe Bas, rapporteur. - L'amendement COM-8 vise à inscrire « dans le dur » de la loi des mesures en faveur des intermittents du spectacle, et à supprimer l'habilitation. Avis favorable.
L'amendement COM-8 est adopté.
Article additionnel après l'article 7
L'amendement COM-15 rectifié est adopté.
Article 8
L'amendement de précision COM-53 est adopté.
M. Philippe Bas, rapporteur. - L'amendement COM-54 vise à supprimer les dispositions complexes et inopérantes relatives aux panneaux d'affichage électoraux.
L'amendement COM-54 est adopté.
M. Philippe Bas, rapporteur. - L'article 8 prévoit de modifier le code électoral afin que, lorsque deux scrutins sont organisés simultanément dans la même salle, le nombre total d'isoloirs soit celui que la loi prévoit en principe pour chaque bureau de vote. Si ce choix peut se justifier eu égard à la difficulté que représente pour les communes l'organisation simultanée des prochaines élections départementales et régionales, il serait aventureux de modifier de manière pérenne nos règles électorales à l'occasion d'un projet de loi examiné en extrême urgence et adapté à des circonstances exceptionnelles. Tel est l'objet de l'amendement COM-55.
L'amendement COM-55 est adopté.
M. Philippe Bas, rapporteur. - Les électeurs qui ne peuvent se déplacer pour aller voter doivent pouvoir établir leur procuration depuis leur domicile en saisissant les autorités compétentes, sans avoir à fournir de certificat médical. C'est l'objet de l'amendement COM-56. Nous avons déjà adopté une disposition similaire.
L'amendement COM-56 est adopté.
M. Philippe Bas, rapporteur. - Afin d'améliorer la couverture de la campagne électorale, l'article 8 prévoyait, dans sa rédaction initiale, que le service public audiovisuel et radiophonique organise, dans chaque région, un débat entre les candidats têtes de liste ou leurs représentants, diffusé au cours de la semaine précédant chaque tour de scrutin. Finalement, le Gouvernement s'est ravisé, demandant juste aux chaînes de rendre compte de la campagne dans leurs émissions d'information. Certains médias avaient en effet considéré que l'obligation qui était créée était source d'inégalité entre les médias publics et privés et qu'elle portait atteinte à leur liberté d'informer. Je propose, avec l'amendement COM-57 de reprendre la rédaction initiale du Gouvernement, avec quelques aménagements. L'amendement COM-22 rectifié bis est identique.
M. Alain Richard. - Vous voulez faire sonner les trompettes de Jéricho autour des murailles de la forteresse France 3 !
Les amendements COM-57 et COM-22 rectifié bis sont adoptés ; l'amendement COM-30 devient sans objet.
L'amendement COM-6 n'est pas adopté.
Les amendements COM-23 rectifié et COM-26 rectifié ne sont pas adoptés.
Articles additionnels après l'article 8
M. Philippe Bas, rapporteur. - Les amendements COM-24 rectifié et COM-25 rectifié, relatifs au vote anticipé, sont contraires à la position constante du Sénat. Il est problématique de commencer à voter alors que la campagne électorale n'est pas terminée.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Mais la campagne est déjà terminée le samedi !
M. Alain Richard. - Nous avons longuement débattu du vote anticipé. Si on l'autorise, les modalités de vote seront substantiellement différentes entre les communes.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - C'est déjà le cas, puisque le vote électronique existe dans certaines communes, mais pas dans d'autres !
M. François-Noël Buffet, président. - Des événements peuvent se produire à la fin de la campagne qui auraient pu inciter des électeurs ayant déjà voté à changer leur vote, mas ils ne le peuvent plus.
M. Jean-Yves Leconte. - Le vote anticipé est pourtant en vigueur, avec le vote électronique, pour l'élection des conseillers des Français de l'étranger et des délégués consulaires !
M. Philippe Bas, rapporteur. - C'est un cas particulier adapté à une situation spécifique.
Les amendements COM-24 rectifié et COM-25 rectifié ne sont pas adoptés.
Article 9 (nouveau)
L'amendement de coordination COM-58 est adopté.
Article 11 (nouveau)
L'amendement rédactionnel COM-59 est adopté.
M. Philippe Bas, rapporteur. - L'amendement COM-60 concerne l'organisation des élections consulaires et ses conséquences sur la désignation des grands électeurs pour l'élection des sénateurs représentants les Français établis hors de France. Il vise à remédier, autant que faire se peut, aux conséquences des situations de fait qui apparaîtront inévitablement puisque le processus électoral est déjà lancé, alors même que nous savons très bien que, dans certains pays, le scrutin ne pourra avoir lieu ou que ses résultats risquent d'être invalidés par un juge. Il s'agit alors de savoir comment organiser des élections partielles, à quelle date, et de déterminer le collège électoral pour l'élection des sénateurs des Français de l'étranger. Cet amendement vise à répondre à ces trois questions. Il prévient notamment la tenue d'élections consulaires partielles dans le mois précédent les élections sénatoriales, afin que les candidats connaissent le collège électoral et puissent faire campagne.
M. Christophe-André Frassa. - Je remercie le rapporteur d'avoir déposé cet amendement qui est conforme aux positions de tous les groupes de l'Assemblée des Français de l'étranger et de leurs parlementaires. Le texte issu des travaux de l'Assemblée nationale était fragile sur le plan juridique, car il prévoyait un report des élections consulaires partielles dans un délai de quatre mois. Or les Français de l'étranger rentrent souvent en France pendant les vacances d'été et n'auraient pas pu voter à l'urne en juillet et en août. Les élections consulaires auraient donc dû être reportées en septembre, au moment de la campagne pour les élections sénatoriales des Français de l'étranger. Les candidats à ces dernières n'auraient donc pas connu le collège électoral dans son intégralité ; un tel calendrier aurait aussi empêché certains candidats à ces élections partielles d'être eux-mêmes candidats aux sénatoriales.
Le projet de loi vise, selon le Gouvernement, à tirer les conséquences de l'avis du comité scientifique du 18 février. Mais pourquoi ne pas l'avoir fait avant ? Aujourd'hui, il est bien tard, les opérations de vote par internet sont déjà lancées. Le vote électronique commencera le 21 mai, à midi. Il est probable que la loi que nous examinons n'aura pas été promulguée avant cette date. Je remercie le rapporteur pour son effort pour sécuriser le cadre juridique.
M. Jean-Yves Leconte. - Cet amendement répond à de nombreuses incertitudes liées au fait que la loi a fort peu de chances d'être promulguée avant le scrutin, même à l'urne. Toutefois, compte tenu de la fatigue des candidats et de la multiplication des reports, je ne sais pas si le report, après les élections sénatoriales, des élections consulaires qui n'auront pu se tenir pour raison de force majeure est bien la meilleure solution, et je me demande s'il ne vaudrait pas mieux organiser le plus vite possible les élections consulaires, quitte à reporter légèrement les élections sénatoriales. Malgré tout, l'amendement de notre rapporteur est indispensable pour corriger le texte de l'Assemblée nationale.
L'amendement COM-60 est adopté.
Le projet de loi est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :
La réunion est close à 19 h 20.
Mardi 18 mai 2021
- Présidence de M. François-Noël Buffet, président -
La réunion est ouverte à 16 h 20.
Projet de loi relatif à la gestion de la sortie de crise sanitaire - Examen des amendements au texte de la commission
M. François-Noël Buffet, président. - Nous examinons les amendements de séance sur le projet de loi relatif à la gestion de la sortie de crise sanitaire.
EXAMEN DES AMENDEMENTS DU RAPPORTEUR
Article 4
L'amendement de précision n° 100 est adopté.
Article 8
L'amendement de coordination n° 101 est adopté.
EXAMEN DES AMENDEMENTS AU TEXTE DE LA COMMISSION
Article 1er
Auteur |
N° |
Avis de la commission |
15 rect. |
Défavorable |
|
16 rect. septies |
Défavorable |
|
Défavorable |
||
Défavorable |
||
Défavorable |
||
Défavorable |
||
Défavorable |
||
Défavorable |
||
Défavorable |
||
24 rect. |
Défavorable |
|
Défavorable |
||
Défavorable |
||
M. Philippe Bas, rapporteur. - J'émets un avis défavorable à l'amendement n° 91 rectifié.
M. Alain Richard. - Il me semble préférable de préciser que le passe sanitaire s'applique à des catégories de lieux, d'établissements ou d'événements de manière que tous les professionnels soient avisés suffisamment tôt.
M. Philippe Bas, rapporteur. - Pour ma part, je préfère une appréciation de chaque lieu en fonction de ses spécificités : une foire millénaire organisée dans la Manche n'attire pas le même public qu'une autre foire millénaire en Corse. Ce n'est pas tant la catégorie de l'événement que la nature particulière de cet événement qu'il faudra examiner. L'amendement que la commission a adopté hier renvoie précisément à une appréciation particulière de chaque événement, pour éviter les jauges. Le passe sanitaire restera d'ailleurs, je le crois, un instrument exceptionnel.
M. Alain Richard. - Certains organisateurs n'auront pas leur réponse au 15 juillet !
M. Philippe Bas, rapporteur. - Le problème du délai peut être traité différemment.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 91 rectifié.
Auteur |
N° |
Avis de la commission |
Saisine du Président du Sénat au titre de l'article 41 de la Constitution |
||
57 rect. bis |
Saisine du Président du Sénat au titre de l'article 41 de la Constitution |
|
58 rect. bis |
Saisine du Président du Sénat au titre de l'article 41 de la Constitution |
|
47 rect. |
Saisine du Président du Sénat au titre de l'article 41 de la Constitution |
|
48 rect. |
Demande de retrait |
|
Défavorable |
||
Défavorable |
||
Défavorable |
||
Défavorable |
||
7 rect. |
Défavorable |
|
19 rect. |
Demande de retrait |
|
Défavorable |
||
Demande de retrait |
||
21 rect. |
Défavorable |
|
28 rect. |
Favorable |
|
Favorable |
||
Favorable |
||
8 rect. |
Défavorable |
|
Favorable |
||
Favorable |
||
94 rect. |
Demande de retrait |
|
93 rect. |
Défavorable |
|
Défavorable |
||
Défavorable |
||
76 rect. |
M. Philippe Bas, rapporteur. - Je suis favorable à l'amendement n° 17 rectifié bis et demande le retrait de l'amendement n° 38 à son profit.
M. Jean-Yves Leconte. - Même si mon amendement n° 38 procède de la même philosophie que celui de M. Regnard, l'amendement n° 17 rectifié bis fait une distinction selon la nationalité des porteurs de ces certificats. L'essentiel est de pointer le fait que certains certificats émis à l'étranger peuvent, sous certaines conditions, être reconnus. Quid d'un non-ressortissant de l'Union européenne détenant une carte de séjour en France qui présenterait un certificat émis par le Canada ?
M. Philippe Bas, rapporteur. - Vous avez raison, le critère de nationalité n'est pas pertinent. En conséquence, je vous propose un avis favorable à l'amendement n° 17 rectifié bis s'il est rectifié et un avis favorable à l'amendement n° 38.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 17 rectifié, sous réserve de rectification.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 38.
Auteur |
N° |
Avis de la commission |
78 rect. |
Demande de retrait |
|
Défavorable |
||
34 rect. |
Favorable |
|
Défavorable |
||
Défavorable |
Article 2
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 52.
M. Philippe Bas, rapporteur. - L'amendement n° 79 rectifié tend à ce que le congrès de Nouvelle-Calédonie donne son avis sur les mesures relatives aux déplacements à destination ou en provenance de Nouvelle-Calédonie, mais à l'instar de ce qui est prévu dans l'Hexagone, c'est l'autorité exécutive qui donne son avis. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 79.
La commission demande le retrait de l'amendement n° 77 rectifié et, à défaut, y sera défavorable.
Article additionnel après l'article 3
Article 4
Article 4 bis
Article 5
Article 6
Auteur |
N° |
Avis de la commission |
90 rect. |
Défavorable |
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Défavorable |
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Défavorable |
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Défavorable |
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Défavorable |
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Défavorable |
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M. Philippe Bas, rapporteur. - L'amendement n° 13 rectifié de Mme Puissat prévoit le report au 15 septembre de l'application des sanctions liées au non-respect de l'obligation d'organiser tous les six ans un entretien professionnel avec chaque salarié. Le Gouvernement, au travers de l'amendement n° 81, propose la date du 30 septembre. Je propose le retrait de cet amendement au profit de celui de Mme Puissat.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 13 rectifié.
La commission demande le retrait de l'amendement n° 81 et, à défaut, y sera défavorable.
Articles additionnels après l'article 6
M. Philippe Bas, rapporteur. - Je suis défavorable aux amendements nos 63 et 64 qui visent à interdire tout licenciement pendant l'état d'urgence sanitaire.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 63, de même qu'à l'amendement n° 64.
M. Philippe Bas, rapporteur. - L'amendement n° 98 du Gouvernement impose aux conseils départementaux de poursuivre la prise en charge des ressortissants de l'aide sociale à l'enfance (ASE), notamment les mineurs étrangers isolés, au-delà de leur dix-huitième anniversaire pendant les mois suivant la fin de l'état d'urgence sanitaire. On ne saurait traiter à la sauvette un sujet d'une telle importance sociale et politique. Il importe d'avoir un véritable débat sur ce sujet.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Ce sujet est effectivement très important. La réticence du rapporteur est-elle liée à des considérations financières ? Il est vrai que le paragraphe II ne fait qu'effleurer la question. Je ne méconnais pas les problèmes liés aux finances locales, mais si la compensation de cette mesure était assurée, il conviendrait, à mon sens, de voter cet amendement.
M. Philippe Bas, rapporteur. - Nous n'avons pas le pouvoir, en tant que parlementaires, de déposer un amendement en ce sens qui imposerait à l'État une dépense supplémentaire.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 98.
M. Philippe Bas, rapporteur. - L'amendement n° 66 est contraire à la position de la commission. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 66.
M. Philippe Bas, rapporteur. - Il en est de même pour l'amendement n° 87.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 87.
M. Philippe Bas, rapporteur. - Avis défavorable à l'amendement n° 88, car nous avons inscrit dans le texte même du projet de loi l'indemnisation des intermittents du spectacle. Le Gouvernement propose de procéder par ordonnance, nous faisons mieux et plus vite.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 88.
Article additionnel après l'article 7
M. Philippe Bas, rapporteur. - Par l'amendement n° 99, le Gouvernement propose d'instituer une procédure simplifiée de redressement judiciaire au bénéfice des petites entreprises. Je n'ai pas eu le temps d'examiner les dispositions de manière approfondie. La période d'observation serait raccourcie ; les créances prises en compte seraient celles qui ressortent de la comptabilité du débiteur ; le mandataire de justice assumerait à la fois le rôle de l'administrateur judiciaire et du mandataire judiciaire ; le débiteur ne serait jamais dessaisi de la gestion de son entreprise, mais seulement placé sous la surveillance du mandataire ; enfin, la procédure ne pourrait s'achever par un plan de cession. J'ajoute que cet amendement fait suite à une recommandation du rapport de René Ricol. Je vous propose d'émettre un avis favorable à cet amendement, qui pourrait être de nature à faciliter le traitement des difficultés des petites entreprises pendant la sortie de crise, et d'approfondir cette question d'ici à la réunion de la commission mixte paritaire
Le sous-amendement n° 102 vise à rendre applicable cette nouvelle procédure collective à l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée.
Le sous-amendement n° 102 est adopté.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 99, ainsi sous-amendé.
Article 7 bis
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 85.
M. Philippe Bas, rapporteur. - Avis défavorable à l'amendement n° 82 du Gouvernement.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 82.
M. Philippe Bas, rapporteur. - Avis favorable à l'amendement n° 84. Le Gouvernement se rallie à notre position d'alléger les conditions permettant à un électeur de demander le déplacement d'un agent habilité à établir des procurations à son domicile : il demande toutefois que celui-ci fournisse une attestation sur l'honneur et non un certificat médical. On fait confiance à l'électeur.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 84.
M. Philippe Bas, rapporteur. - Avis défavorable à l'amendement n° 83, qui supprime l'obligation pour le service public audiovisuel de retransmettre un débat entre les candidats aux élections régionales avant chaque tour. Le Gouvernement le proposait lui-même. Il est vrai que cette disposition est bien tardive...
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 83.
M. Philippe Bas, rapporteur. - Avis défavorable à l'amendement n° 6 : on ne peut pas imposer à la presse quotidienne régionale de promouvoir les élections départementales et régionales.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 6.
Articles additionnels après l'article 8
Auteur |
N° |
Avis de la commission |
Défavorable |
||
Défavorable |
||
1 rect. |
Défavorable |
Article additionnel après l'article 9 (Supprimé)
M. Philippe Bas, rapporteur. - L'amendement n° 56 concerne le renouvellement de l'assemblée de Guyane. La situation épidémique en Guyane est très grave en raison notamment de sa proximité avec le Brésil. La population ayant été reconfinée le 14 mai, il est fort probable qu'il ne sera pas possible d'organiser l'élection en juin prochain. Le Gouvernement souhaite pouvoir annuler le scrutin par un décret qui serait publié au plus tard le 12 juin si l'évolution de la situation sanitaire locale ne permettait pas sa tenue. Ce décret serait publié après avis du comité de scientifiques, qui serait rendu public, et après information de l'Assemblée nationale et du Sénat. Dès lors, se pose la question de la prolongation des mandats en cours : l'amendement en fixe le terme à la date du scrutin organisé ultérieurement, qui dépendrait lui-même d'une décision administrative. Je n'aime pas beaucoup cela, mais nécessité fait loi...
Cet amendement n'étant pas déraisonnable, je vous propose un avis favorable.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 56.
M. Philippe Bas, rapporteur. - Je demande le retrait de l'amendement n° 20 rectifié, qui prévoit l'annulation du scrutin à Madagascar. Pourquoi adopter deux voies concurrentes : ici, annuler le scrutin avant qu'il ne puisse être tenu, là, constater à la date du scrutin qu'il n'est pas tenu ? Cela complexifie les choses.
M. Jean-Yves Leconte. - Je pourrais vous rejoindre, mais nous visons trois circonscriptions. Les opérations électorales ont déjà commencé et il est étonnant que la loi donne toute latitude au Gouvernement de reporter au dernier moment toutes les élections, avec les délits d'initiés politiques qui peuvent s'ensuivre, alors que l'on sait qu'il est particulièrement raisonnable de les annuler dans ces trois circonscriptions.
M. Philippe Bas, rapporteur. - Cet amendement a en effet l'avantage d'écarter le soupçon dans ces circonscriptions, mais uniquement dans celles-ci. Par ailleurs, dans un État de droit, la décision de ne pas organiser un scrutin peut être contestée en justice. On peut faire confiance à la juridiction administrative pour vérifier que les raisons de l'annulation ne relèvent pas d'un détournement de pouvoir.
Ne compliquons pas les choses en mentionnant nominativement certaines circonscriptions. Le dispositif plus général que la commission a adopté hier s'inspire du texte du Gouvernement, mais apporte davantage de garanties.
La commission demande le retrait de l'amendement n° 20 rectifié.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 2.
Article additionnel après l'article 12
M. Philippe Bas, rapporteur. - Je demande le retrait de l'amendement n° 3, qui prévoit une demande de rapport.
La commission demande le retrait de l'amendement n° 3 et, à défaut, y sera défavorable.
Le sort des amendements du rapporteur examinés par la commission sont retracés dans le tableau suivant :
La commission a donné les avis suivants sur les autres amendements de séance :
Mercredi 19 mai 2021
- Présidence de M. François-Noël Buffet, président -
La réunion est ouverte à 9 heures.
Désignation de rapporteurs
La commission désigne M. Marc-Philippe Daubresse et Mme Agnès Canayer rapporteurs sur le projet de loi (A.N. XVe leg.) relatif à la prévention d'actes de terrorisme et au renseignement, sous réserve de sa transmission.
Remplacement d'un rapporteur
La commission désigne M. Stéphane Le Rudulier rapporteur pour avis sur le projet de loi n° 551 (2020-2021) portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience, en remplacement de M. Arnaud de Belenet, empêché.
Proposition de loi tendant à revoir les conditions d'application de l'article 122-1 du code pénal sur la responsabilité pénale des auteurs de crimes et délits et proposition de loi relative aux causes de l'irresponsabilité pénale et aux conditions de réalisation de l'expertise en matière pénale - Examen du rapport et du texte de la commission
M. François-Noël Buffet, président. - La commission examine conjointement deux textes, la proposition de loi (PPL) tendant à revoir les conditions d'application de l'article 122-1 du code pénal sur la responsabilité pénale des auteurs de crimes et délits de Mme Goulet et la proposition de loi relative aux causes de l'irresponsabilité pénale et aux conditions de réalisation de l'expertise en matière pénale de M. Sol. La commission établira un texte unique sur ces deux PPL, qui reprendra l'intégralité des amendements que la commission des lois aura adoptés.
Mme Nathalie Goulet, rapporteur. - La proposition de loi que j'ai déposée en janvier 2020 fait suite aux événements qui se sont déroulés au début de ce même mois : plusieurs attaques au couteau ont eu lieu, et leurs auteurs ont été jugés irresponsables. Nous avions par ailleurs alors eu connaissance de l'arrêt de la chambre de l'instruction concernant l'affaire Halimi. L'objet de ce texte était de modifier les dispositions de l'article 122-1 du code pénal sur la responsabilité pénale des auteurs de crimes et délits pour exclure de son bénéfice la faute préalable de l'auteur ou une infraction concomitante. Nous voulions procéder à une sorte de transposition de la règle Nemo auditur pour qu'elle s'applique à l'irresponsabilité.
Cette proposition de loi a donné lieu à un débat de contrôle le 18 février 2020 devant Mme Belloubet, qui s'était engagée à travailler sur ce sujet. Dans le même temps, la commission des affaires sociales et la commission des lois, avec nos collègues Jean Sol et Jean-Yves Roux, ont réalisé un travail sur l'expertise psychiatrique et psychologique dans le cadre d'une mission commune et ont déposé une proposition de loi. À l'issue de nos travaux, le texte de Jean Sol et le mien seront réunis pour devenir le texte de la commission.
Depuis le dépôt de nos textes, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé par la famille de Sarah Halimi, ce qui a suscité une vague d'émotion et entraîné des déclarations du Président de la République et du garde des sceaux ainsi que des manifestations. La Cour de cassation a dû publier des communiqués pour s'expliquer, ce qui est quasiment inédit. En outre, l'avocate générale près la Cour de cassation a été menacée personnellement. Je tiens à souligner la qualité de son travail et j'encourage nos collègues à lire les 87 pages de ses conclusions pour mieux comprendre le contexte juridique.
Parallèlement, l'Assemblée nationale a confié à Mme Naïma Moutchou et à M. Antoine Savignat une mission flash sur la question de l'irresponsabilité pénale, tandis que la Chancellerie élabore un nouveau projet de loi.
Nous nous sommes saisis les premiers de cette question extrêmement importante. Pour y avoir travaillé en amont depuis plus d'un an, le Sénat est légitime à présenter un texte le plus complet possible sur un sujet délicat qui se situe entre le droit et la santé, sans véritable définition de la notion de discernement.
La question récurrente que nous devons trancher porte sur les conséquences de la faute préalable sur l'irresponsabilité pénale. Il s'agit non pas de juger la folie, mais de repenser, dans les cas où l'irresponsabilité pénale est contestée, l'accès au juge. Plusieurs affaires tragiques ont souligné la complexité des cas. Aux termes de l'article 122-1 du code pénal, le juge doit prendre en compte l'état mental de l'auteur de l'acte au moment des faits.
Après avoir lu et relu l'avis de l'avocat général près la Cour de cassation et auditionné de nombreuses personnalités, il s'avère que l'article 122-1 du code pénal constitue une sorte de totem, un principe de notre droit pénal. Modifier cet article conduirait probablement à des difficultés d'application et ne produirait pas l'effet escompté car il est extrêmement compliqué de fixer le curseur pour apprécier la folie. Aussi, j'ai choisi une évolution procédurale très lisible, qui s'inscrit dans le continuum de la loi Dati de 2008, laquelle a ouvert un débat contradictoire devant la chambre de l'instruction en ce qui concerne l'irresponsabilité. Toutefois, la chambre de l'instruction n'est pas une juridiction de jugement. C'est pourquoi je propose qu'il y ait un véritable procès - ce que souhaitent les associations de victimes - en modifiant l'article 706-120 du code de procédure pénale : en cas de faute préalable de l'auteur, la juridiction de jugement sera saisie. Nous ne touchons pas au socle de l'irresponsabilité pénale ; nous respectons l'article 10 du code de procédure pénale qui prévoit les garanties pour le justiciable. Outre les associations de victimes, plusieurs des professeurs de droit et magistrats auditionnés ont donné leur feu vert à ce changement de braquet.
Permettez-moi de porter à votre attention deux chiffres très importants. En 2018, on a enregistré 13 495 classements sans suite et 326 ordonnances d'irresponsabilité. Plus de 20 000 victimes se sont retrouvées avec une ordonnance de non-lieu ou un classement sans suite. Parallèlement, ce sont donc 20 000 auteurs, dont certains présentent une certaine dangerosité, qui ont été reconnus irresponsables pour des faits plus ou moins graves. Or aucun suivi n'est réalisé ; la commission pourrait à l'avenir se saisir de cette question.
L'article 1er de ma proposition de loi serait ainsi rédigé : « Lorsque le juge d'instruction au moment du règlement de son information estime que l'abolition temporaire du discernement de la personne mise en examen résulte au moins partiellement de son fait fautif, il renvoie devant la juridiction de jugement compétente qui statuera sur l'application de l'article 122-1 du code pénal et éventuellement sur la culpabilité. » Par ailleurs, je le répète, les dispositions de l'article 10 du code de procédure pénale continueront à s'appliquer.
En outre, le code pénal considère que l'alcool et les stupéfiants sont des causes aggravantes de responsabilité pour le viol, mais pas pour les actes de torture et de barbarie, le meurtre, l'homicide involontaire, les violences et la mutilation. Aussi, je propose de remédier à cette lacune en créant un article nouveau qui institue l'alcool et les stupéfiants comme cause aggravante pour tous les crimes et délits car ils sont des causes fréquentes d'irresponsabilité.
Enfin, les dispositions adoptées hier par la commission des affaires sociales feront l'objet d'une série d'amendements que nous allons examiner.
Permettez-moi d'ajouter trois éléments.
Premièrement, j'ai saisi notre collègue Antoine Lefèvre, rapporteur du budget de la justice au nom de la commission des finances, pour qu'il nous fasse un point sur les moyens mis à disposition pour procéder à des expertises psychiatriques. Il faut que la justice bénéficie maintenant du « quoi qu'il en coûte », notamment pour ce qui concerne les dispositifs psychiatriques, dont les budgets sont totalement indigents, ainsi que l'ont souligné les experts que nous avons auditionnés.
Deuxièmement, il convient d'améliorer le droit des victimes. De nombreuses difficultés nous ont été signalées. Aussi, je propose à notre commission de travailler à l'amélioration des dispositifs d'aide aux victimes.
Troisièmement, enfin, je proposerai avant nos travaux en séance publique un dispositif concernant le contrôle de l'hospitalisation complète. Il y a là un problème auquel il faut trouver une solution.
Mme Dominique Vérien. - Merci pour cette présentation. L'affaire Halimi a été le point de départ. Il n'y a pas eu de jugement aux assises, mais une confrontation a bien eu lieu pendant huit heures entre l'auteur du crime et la famille de Sarah Halimi. L'auteur est resté en hôpital psychiatrique, mais une peine de sûreté a-t-elle été prononcée ?
Vous confiez donc aux juges du fond l'appréciation de l'irresponsabilité pénale, donc à une cour d'assises pour un crime. Or, lors des auditions, certains ont préféré que l'on s'en tienne à des juges professionnels, soulignant le manque d'empathie des jurés pour l'auteur du crime. Comment contrebalancer ? Quid d'une personne qui n'aurait pas recouvré sa lucidité au moment du procès ? Un délai est-il prévu pour organiser in fine le procès ?
M. Jean-Pierre Sueur. - Ce sujet est très délicat et complexe. Il n'est pas certain que les propositions de loi qui nous sont soumises prospèrent, d'autant que la Chancellerie prépare un projet de loi.
Nous partageons certainement tous l'émotion que suscite cette question. Même si nous pouvons entendre les juristes, il est difficile de comprendre qu'un acte soit déclaré antisémite et condamné comme tel et que son auteur soit déclaré irresponsable. Si l'acte est antisémite, c'est que son auteur a la volonté de le poser comme tel. Il est normal que nos concitoyens s'interrogent sur ce paradoxe.
Notre groupe a lancé une réflexion approfondie sur le sujet ; nous vous soumettrons des amendements de séance - nous voulions entendre Mme le rapporteur auparavant.
La proposition de loi que vous avez présentée était simple au départ : elle avait pour objet de modifier l'article 122-1 du code pénal. Mais après avoir procédé à des auditions, d'autres dispositions nous sont proposées. C'est dire si cette question n'est pas simple !
Dans leur rapport sur l'irresponsabilité pénale, Dominique Raimbourg et Philippe Houillon appellent à ne pas modifier l'article précité, de même que les professeurs de droit, les représentants des syndicats de magistrats, les représentants des avocats pénalistes. Autant nous pouvons modifier certains articles, autant il semble difficile effectivement de toucher au principe général posé par cet article - telle est d'ailleurs la position de Mme le rapporteur.
L'idée de recourir à la juridiction de jugement se heurte aux observations de Mme Vérien. Cette procédure risque de mettre fin au prononcé des irresponsabilités. La juridiction de jugement ne prononce que des peines, mais ne décide pas de l'irresponsabilité. Pensez-vous que des jurés d'assises déclareront, après des heures et des heures d'audiences, que la personne est irresponsable ? Non, c'est la chambre de l'instruction qui prononce l'irresponsabilité au vu d'expertises psychiatriques.
Sept experts psychiatriques, sauf peut-être l'un d'entre eux, se sont prononcés dans le même sens dans l'affaire Halimi : ils ont retenu la bouffée délirante. Je ne suis pas spécialiste, mais ils affirment que cette bouffée délirante est indépendante de l'état de toxicomanie. Mais la cour d'assises prononce une peine, la question de l'irresponsabilité ne se pose plus. Y a-t-il des cas où des cours d'assises ont prononcé l'irresponsabilité pénale ?
M. Thani Mohamed Soilihi. - Oui.
M. Jean-Pierre Sueur. - La question que l'on peut se poser est la suivante : la personne décide-t-elle intentionnellement ou non de se mettre en état d'irresponsabilité ? Peut-on prévoir une disposition à ce sujet ? Si je décide volontairement de créer l'irresponsabilité, alors je ne suis pas irresponsable. Cela pose des questions sur l'acte initial d'alcoolisme, de toxicomanie. Comment l'appréhender dans le processus judiciaire ?
Saluons le travail de M. Sol sur l'expertise psychiatrique : j'espère que ses propositions utiles seront reprises, avec un bémol. Il n'est pas évident que l'expert puisse avoir accès à l'ensemble du dossier médical de l'intéressé.
À mon sens, le statu quo n'est pas possible. Il faut préserver l'article 122-1 du code pénal dans sa rédaction actuelle, mais il n'est pas facile de trouver une alternative. C'est pourquoi je me garderai, au nom de mon groupe, de prendre une position très ferme. Nous poursuivons notre réflexion.
M. André Reichardt. - Je tiens à saluer le travail de Mme le rapporteur sur ce sujet très sensible. Les personnes auditionnées ont largement insisté sur les dégâts causés dans l'opinion publique par l'affaire Halimi. J'ai cosigné en janvier 2020 la proposition de loi de Mme Goulet tant le statu quo me paraissait impossible. Mme le rapporteur nous propose aujourd'hui de changer de braquet, en choisissant une évolution procédurale tendant à confier à une juridiction de jugement l'appréciation et, donc, la décision de l'irresponsabilité pénale. À la réflexion, il me semble que c'est une bonne idée. L'opinion publique s'était émue du fait qu'il n'y avait pas eu de jugement. Pourquoi une cour d'assises ne pourrait-elle pas exonérer un coupable si son irresponsabilité est reconnue, monsieur Sueur ? Cette procédure fait droit à l'attente légitime des victimes de bénéficier d'un procès.
Toutefois, se pose la question des conséquences de cette décision d'irresponsabilité, comme l'a souligné Mme Vérien. Je suis atterré d'apprendre que 20 000 auteurs d'actes ont été déclarées irresponsables. L'affaire Halimi est loin d'être un cas isolé ! Au moment où l'on met en place un suivi des terroristes sortant de prison, que deviennent ces coupables déclarés irresponsables ? Et c'est d'ailleurs l'une des préoccupations de Mme le rapporteur.
Enfin, Mme le rapporteur a indiqué que l'alcool et les stupéfiants ne sont pas considérés comme cause aggravante dans certains cas - je l'ignorais. Si nous voulons traiter cette question dans son intégralité, nous devons effectivement légiférer en la matière, mais ces dispositions ne risquent-elles pas d'être irrecevables au titre de l'article 45 de la Constitution ?
M. Guy Benarroche. - Je remercie Mme le rapporteur d'avoir changé de doctrine au fil des auditions. Je partage quelques questionnements de mes collègues. Pour ma part, je me demande quels critères seront retenus pour renvoyer devant la juridiction de jugement - nous en avons discuté avec M. Molins. L'objectif est effectivement de répondre au besoin de procès des victimes. Est-il possible d'introduire une notion de délit lié à la décision volontaire de l'auteur de créer une irresponsabilité pénale, comme l'a indiqué M. Sueur ? Cette décision antérieure à la décision d'irresponsabilité pénale pourrait faire l'objet d'un jugement. Concernant le statut de victime, pouvons-nous prévoir que la chambre d'instruction soit également être compétente quant à la responsabilité civile, comme cela nous a été proposé ? J'aimerais avoir des précisions sur ces points.
M. Thani Mohamed Soilihi. - Cette question grave, on ne le dira jamais assez, est très sensible. Je remercie Mme le rapporteur de ne pas modifier l'article 122-1 du code pénal et d'avoir trouvé une alternative. Pour autant, je demeure, à titre personnel, interrogatif pour deux raisons.
Premièrement, les notions d'abolition temporaire de discernement et de fait fautif sont trop larges pour être acceptées telles quelles dans le droit pénal. Nous savons ce que sont l'abolition du discernement, l'altération du discernement, mais pas ce qu'est l'abolition temporaire du discernement. Quid de l'abolition du discernement au moment de l'acte - c'est bien de cela qu'il s'agit ? Si l'abolition même temporaire est établie la question de l'irresponsabilité pénale est tranchée.
À cet égard, monsieur Sueur, la cour d'assises peut décider de l'abolition du discernement. Elle ne fait d'ailleurs que répondre par oui ou non à la question de savoir si la personne mise en examen a commis l'acte qui lui est reproché et, dans l'affirmative et si la question lui a été posée, elle répondra également par oui ou non à la question de savoir si l'abolition du discernement est avérée.
Deuxièmement, quelle est la portée du dispositif que vous proposez au regard de la réforme de 2008 : les articles 706-19 et suivants du code de procédure pénale permettent d'ores et déjà un débat public devant la chambre de l'instruction à la demande des parties. Il revient à un juge professionnel de conduire ce travail minutieux et très technique juridiquement - ce ne sont pas des jurés d'assises, madame Vérien.
Sans plaider pour le statu quo, je ne suis convaincu qu'il faille légiférer dans le sens que vous proposez. N'oublions pas que, dans notre système judiciaire, une première instance apprécie les faits, une procédure d'appel est prévue, un pourvoi en cassation, voire un recours devant la Cour européenne des droits de l'homme. Aussi, il importe, à mon sens, d'élargir notre réflexion. À titre personnel, je ne suivrai pas la position de Mme le rapporteur en dépit de son travail d'amélioration.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Merci de ce débat de qualité. Nous avons peut-être la possibilité de trouver la solution adaptée à cette question très délicate, même si nous voyons la difficulté juridique. La Chancellerie prépare un projet de loi ; je ne suis pas convaincu que le garde des sceaux soit très favorable à cette réforme.
Le dispositif proposé par Mme le rapporteur soulève plusieurs questions. Quid de la pertinence de transférer à une juridiction de jugement ce qui relève de la procédure pénale ? Quid des jurés populaires ? M. Molins, lors de son audition, a évoqué des critères que je ne retrouve pas dans l'amendement de Mme le rapporteur. Notre collègue Thani Mohamed Soilihi s'interroge sur la notion d'abolition temporaire de discernement ; nous pouvons surmonter cette difficulté. Mais a été évoqué le fait que la personne devait avoir recouvré son discernement au moment du procès - c'est une question non pas morale, mais conventionnelle. La convention européenne des droits de l'homme impose le principe du procès équitable.
Je ne retrouve pas non plus, dans la rédaction que vous nous proposez, l'hypothèse d'une divergence des experts : cela n'est-il plus pertinent ?
Manifestement, nous ne sommes pas au bout de nos questions.
M. Philippe Bas. - Je remercie notre rapporteur pour son travail.
J'ai partagé le sentiment de stupéfaction de nos concitoyens au prononcé de l'irresponsabilité pénale de l'assassin de Mme Sarah Halimi et je m'interroge sur les éléments retenus par le juge. L'auteur du crime est certes toxicomane, mais il n'aurait pas agi sous la seule emprise des stupéfiants, il aurait également été sous le coup d'une bouffée délirante. Une distinction semble donc être faite par le juge entre drogue et pathologie.
Une clarification est sans doute nécessaire pour prévoir expressément que l'alcoolisme et, plus généralement, la toxicomanie ne peuvent à eux seuls justifier l'irresponsabilité pénale. Cette précision serait une première étape dans notre travail pour envoyer une consigne législative au juge. Cela n'aurait toutefois pas empêché le prononcé de l'irresponsabilité pénale du meurtrier de Mme Halimi...
Je m'interroge encore sur le réglage du dispositif législatif qui nous est proposé. Il est fait mention à l'article 1er du « fait fautif » de l'auteur du crime, qui provoquerait l'abolition temporaire de son discernement et dont il ne pourrait se prévaloir pour échapper à une condamnation pénale. Mais mettons-nous du côté du juge qui va devoir appliquer ces textes : être drogué est-il un fait fautif ? Cela peut s'examiner sous un angle moral, mais aussi sanitaire : l'addiction est-elle un fait fautif ou une maladie ? Quand il y a abolition de la volonté, comme dans le cas d'une addiction, la caractérisation de la faute et de l'intention devient très difficile. Nous tâtonnons, sans encore trouver de dispositif véritablement opérationnel.
Je suis également troublé par une sorte de miroitement à l'article 2 : le maximum de la peine privative serait relevé dans le cas où l'individu serait sous l'emprise d'une addiction. Mais que se passe-t-il si l'individu est de surcroît sous l'emprise d'un trouble psychique aigu, comme ce fut le cas pour le meurtrier de Mme Halimi ? J'ai des doutes sur l'applicabilité de ce dispositif.
Je tenais à exprimer mes doutes très sincèrement : je veux aller dans votre sens, mais il me semble que notre dispositif n'est pas encore abouti.
M. Patrick Kanner. - Il est rare que notre commission des lois soit à ce point dans l'incertitude et le doute. Les conditions atroces de la mort de Mme Halimi ont beaucoup choqué les Français et la réponse judiciaire n'a fait que renforcer cette émotion. Notre groupe poursuit sa réflexion, avec le plus de pragmatisme possible.
Le Président de la République s'est exprimé très tôt sur le sujet. Le 23 janvier 2020, il déclarait : « même si à la fin le juge décidait que la responsabilité pénale n'est pas là, le besoin de procès est là. » La magistrature s'était d'ailleurs émue, à juste titre, de cette étrange conception de la séparation des pouvoirs... L'exécutif a annoncé un projet de réforme avant la fin du mois de mai en conseil des ministres, mais rien ne semble prévu dans le projet de loi porté par le garde des sceaux... Que prévoit l'exécutif ?
Il semblerait toutefois que le code pénal espagnol ait traité cette question.
Je remercie notre rapporteur de ses évolutions personnelles sur le sujet, qui témoignent de nos interrogations collectives.
Mme Marie Mercier. - Je félicite notre rapporteur pour son travail.
C'est un sujet difficile, aux confins du droit et de la santé. N'oublions pas que l'addiction n'est pas une question de volonté : on ne choisit pas de se droguer ; sortir de la drogue, c'est une question de motivation positive. La drogue révèle-t-elle une pathologie psychiatrique sous-jacente ou la crée-t-elle ? Le travail du psychiatre est de remettre le patient dans notre réalité et le procès participe de la prise de conscience de ce patient.
Mme Nathalie Goulet, rapporteur. - Nous avons beaucoup auditionné : Mme Valérie Dervieux, présidente de la chambre d'instruction près la cour d'appel de Paris, M. Régis de Jorna, premier président de chambre à la cour d'appel de Paris, coordonnateur de la cour d'assises de Paris, M. Jean-Christophe Muller, avocat général, adjoint au chef du service des Assises de la cour d'appel de Paris qui préside l'Association nationale des praticiens de la Cour d'assises, M. Charles Prats, juge des libertés, vice-président du tribunal judiciaire de Paris, et bien sûr le procureur général.
La piste de la loi Dati n'est pas satisfaisante, car elle renvoie à une juridiction d'instruction - et non de jugement -, qui ne prononce pas de peine, dont les débats peuvent se tenir en l'absence de la personne mise en examen et qui exclut les voies de recours ordinaires. C'est donc une impasse et cela ne constitue pas une amélioration du point de vue des victimes.
Le dispositif que nous proposons a été soumis aux personnes auditionnées et la plupart l'ont soutenu sans réserve. Même le rapport Houillon, qui pourtant ne formule pas à mon sens de vraies propositions, va dans notre sens...
M. Jean-Pierre Sueur. - Ce rapport n'est pas inintéressant.
Mme Nathalie Goulet, rapporteur. - Certes, mais c'est Le Guépard : il faudrait que tout change pour que rien ne change...
Notre proposition ne change rien à la procédure de l'instruction. Mais en cas de fait fautif, l'auteur sera renvoyé devant la juridiction de jugement, à condition toutefois qu'il soit en capacité de comparaître conformément à l'article 10. Et en cas de divergence flagrante entre experts, le renvoi se fait aussi devant la juridiction de jugement. Cela n'est pas écrit noir sur blanc, mais c'est la pratique. Nous pourrions l'ajouter si Mme de La Gontrie y tient. Nous pourrions également ajouter que cela se fait à la demande de la partie civile, mais cela serait systématique. Nous sommes bien dans le continuum de la loi Dati.
La piste de la modification de l'article 122-1 du code pénal ne me semble plus pertinente : je reconnais que j'ai changé d'avis.
Pourquoi avoir choisi la juridiction de jugement ? Parce que tous les arrêts de la Cour de cassation - y compris celui de 2018 qui ne constitue en réalité pas un revirement de jurisprudence - confirment que ce sont toujours les juges du fond qui se prononcent sur la responsabilité et la capacité.
La piste de la définition d'un délit distinct non intentionnel ne tient pas la route. Mme l'avocat général près la Cour de cassation appelle le législateur à statuer en ce sens, mais elle ne propose aucune rédaction, pas plus que le rapport Houillon. Comment faire cohabiter dans une même phrase « non intentionnel » et « fautif » ? Je ne sais pas faire...
Notre dispositif n'est peut-être pas parfait, mais il a été validé par de nombreux acteurs, comme je l'ai indiqué.
Dans huit cas d'irresponsabilité sur dix, l'alcool ou les stupéfiants sont en cause. Souvenez-nous de cet homme qui rentre saoul de la fête des betteraves, se trompe d'immeuble, d'appartement, de lit et poignarde l'homme qu'il y trouve et qu'il pense être l'amant de sa femme... Il a été jugé irresponsable, car il était sous l'emprise de l'alcool. Dans notre droit, sept infractions - et non des moindres, je l'ai dit - ne sont pas aggravées par la prise d'alcool et de stupéfiants, contrairement aux autres crimes et délits, comme le viol par exemple. Il convenait donc d'y remédier et d'harmoniser les textes. Il y a une connexité entre cette disposition et la question de l'irresponsabilité pénale.
M. Bennarroche m'interroge sur la possibilité pour la chambre de l'instruction de régler la question des dommages civils : c'est déjà prévu par le code.
Il semblerait que l'exécutif travaille sur une exonération de responsabilité en cas de cause exclusive, mais c'est un cas qui ne se produit pratiquement jamais...
Quelqu'un qui arrête volontairement de prendre une médication obligatoire voit-il son discernement aboli ? Si oui, à partir de quand ? Le curseur est manifestement très difficile à placer, mais ce n'est pas la faute des victimes : elles ont besoin d'un procès, sous réserve que les conditions soient remplies.
Pour répondre à Mme Vérien, M. Kobili Traoré est actuellement hospitalisé sous contrainte. Mais sa sortie dépendra des médecins et non des juges.
D'après une étude de droit comparé réalisée par les services du Sénat à ma demande en janvier 2020, les codes pénaux suisse et espagnol prévoient une sorte de délit non intentionnel ; cette étude s'est également penchée sur les jurisprudences allemande, américaine, britannique et italienne, mais je n'y ai rien trouvé de pertinent à transposer dans le système français.
M. François-Noël Buffet, président. - Merci, madame le rapporteur. L'exercice est difficile, mais nous devons avancer, car le problème juridique est réel. Nous avons la certitude qu'il ne faut pas toucher aux dispositions de l'article 122-1 du code pénal : on ne juge pas les fous, cela est totalement acquis.
Si un article spécifique devait être écrit, destiné à prendre en compte, pour le sanctionner, le fait fautif de l'auteur, il faudrait définir un quantum de peine et caractériser cet acte : cela est loin d'être simple.
La piste proposée par notre rapporteur permet un renvoi devant la juridiction de jugement, sous conditions. Il y aura donc un premier filtre et il n'y a pas lieu de craindre une arrivée massive de dossiers. Même s'il convient de rester prudent sur le sujet, sachons entendre que les victimes ont besoin d'un procès.
Un texte du Gouvernement semble en préparation ; nous n'en disposons pas encore.
Notre dispositif est certainement encore améliorable, mais un chemin est désormais ouvert. Avançons, prudemment, mais avançons.
Nous examinons ce matin conjointement deux textes, la proposition de loi de Mme Goulet et celle de M. Sol. La commission établira un texte unique sur ces deux propositions de loi, qui reprendra l'intégralité des amendements que nous aurons adoptés. Formellement, c'est en l'occurrence sur le plus volumineux de ces deux textes - celui de M. Sol - que sera établi le texte de la commission et qui sera, après l'examen en séance publique par le Sénat, transmis à l'Assemblée nationale pour la suite de la navette, les amendements portant sur l'irresponsabilité proprement dite ayant été dupliqués sur les deux textes.
S'agissant du périmètre de l'article 45, je vous propose de considérer qu'entretiennent une relation avec l'objet du texte, les amendements relatifs au régime de l'irresponsabilité pénale, à l'expertise psychiatrique et aux conséquences pénales de l'intoxication alcoolique ou du fait de stupéfiants.
EXAMEN DES ARTICLES
Mme Nathalie Goulet, rapporteur. - Mon amendement COM-8 prévoit que lorsque le juge d'instruction estime que l'abolition temporaire du discernement de la personne mise en examen résulte au moins partiellement de son fait fautif, il renvoie devant la juridiction de jugement compétente qui statuera sur l'application de l'article 122-1 du code pénal et éventuellement sur la culpabilité.
M. Jean-Pierre Sueur. - Ainsi que nous l'avons exposé plus tôt, notre groupe poursuit ses réflexions sur ce sujet et déposera des amendements en vue de la séance publique. Il ne prendra donc pas part aux votes en commission.
Mme Nathalie Goulet, rapporteur. - Je souhaite rectifier mon amendement pour remplacer « éventuellement » par « le cas échéant ».
L'amendement COM-8 rectifié est adopté.
Article additionnel après l'article 1er
Mme Nathalie Goulet, rapporteur. - L'amendement COM-10 tend à reconnaître l'impact des violences conjugales sur l'état psychique de la personne et à prévoir une irresponsabilité pénale étendue. Il s'agit d'une question très importante, mais il me semble toutefois que cette disposition aurait plus sa place aux articles 122-2 ou 122-5 du code pénal. Je demande donc le retrait de cet amendement, dans l'attente d'une meilleure insertion d'ici la séance publique.
Mme Valérie Boyer. - Je vous remercie de votre attention aux violences conjugales. Dans la sinistre affaire Valérie Bacot, l'expert psychiatrique a reconnu qu'elle était atteinte, au moment des faits, du syndrome de la femme battue : c'est une première qu'il faut saluer !
L'amendement COM-10 est retiré.
Mme Nathalie Goulet, rapporteur. - Mon amendement COM-9 insère, dans le code pénal, un nouvel article général d'aggravation des délits et des peines en cas de consommation d'alcool ou de stupéfiants.
M. Alain Richard. - Cet amendement élargit-il l'éventail des infractions concernées ?
Mme Nathalie Goulet, rapporteur. - Désormais, cette aggravation s'appliquera à tous les crimes et délits. Pour les crimes et délits existants, nous préparerons si besoin un amendement de coordination en vue de la séance publique.
M. Jean-Pierre Sueur. - Cet amendement n'excède-t-il pas l'objet du texte ? Il entre certes dans le champ de l'article 45 tel que l'a défini notre président, mais celui-ci me semble très large par rapport à l'objet des propositions de loi.
Mme Nathalie Goulet, rapporteur. - Nous avons étudié la jurisprudence avec attention : dans plus de 80 % des cas, l'irresponsabilité est prononcée en raison de l'alcool ou de stupéfiants. L'édiction d'un principe général aidera nos magistrats.
L'amendement COM-9 est adopté.
Mme Nathalie Goulet, rapporteur. - Il faut qu'une expertise clinique soit réalisée lors de la garde à vue, mais le rapport de Jean Sol montre que l'expertise psychiatrique est difficile à ce stade et doit être proscrite. Les amendements identiques COM-2 et COM-5 prévoient toutefois le cas des infractions sexuelles pour lesquelles l'examen psychiatrique est obligatoirement prévu, aux termes de l'article 706-47-1 du code de procédure pénale.
Mme Brigitte Lherbier. - Il est certes préférable de réaliser l'expertise pendant la garde à vue, mais il est parfois difficile de trouver un expert disponible, par exemple pendant les vacances ou les ponts !
Les amendements COM-2 et COM-5 sont adoptés.
Mme Nathalie Goulet, rapporteur. - Les amendements identiques COM-3 et COM-6 prévoient un mécanisme de transmission des documents de médecin à médecin, sans passage par le juge. C'est une proposition de la commission des affaires sociales.
Les amendements COM-3 et COM-6 sont adoptés.
Mme Nathalie Goulet, rapporteur. - Les amendements identiques COM-4 et COM-7 limitent l'expression publique des experts : ils ne pourront plus s'exprimer sur une affaire en cours, comme nous l'avions vu dans l'affaire Lelandais.
M. Alain Richard. - Avec quelle sanction ?
Mme Nathalie Goulet, rapporteur. - Le retrait de la capacité d'être expert.
Les amendements COM-4 et COM-7 sont adoptés.
Intitulé de la proposition de loi
Mme Nathalie Goulet, rapporteur. - L'amendement COM-1 propose de donner le nom de Sarah Halimi au projet de loi. Je comprends l'intention, mais j'y suis défavorable.
L'amendement COM-1 n'est pas adopté.
La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :
Proposition de loi pour un meilleur accès des jeunes dans la fonction publique et les entreprises - Examen du rapport et du texte de la commission
M. François-Noël Buffet, président. - Nous examinons maintenant la proposition de loi pour un meilleur accès des jeunes dans la fonction publique et les entreprises, sur le rapport de Mme Jacky Deromedi.
Mme Jacky Deromedi, rapporteur. - À l'heure où la jeunesse est particulièrement touchée par la crise sanitaire et les mesures de restrictions d'activité qui en découlent, nous ne pouvons que partager l'objectif de la proposition de loi de Mme Conway-Mouret. Le Sénat consacre d'ailleurs actuellement trois missions d'information à des problématiques proches : les conditions de vie étudiante en France, la politique en faveur de l'égalité des chances et de l'émancipation de la jeunesse, ainsi que l'évolution et la lutte contre la précarisation et la paupérisation d'une partie des Français.
Notre collègue s'est appuyée sur les nombreux travaux menés ces dernières années sur le thème de la diversité et de l'égalité des chances qui établissent la réalité des inégalités de traitement que subissent les personnes selon leur origine sociale, culturelle ou géographique.
La proposition de loi vise à compléter le droit existant par une série de mesures ponctuelles tendant tout d'abord à favoriser l'entrée des jeunes des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) et des zones de revitalisation rurale (ZRR) dans la fonction publique de l'État, et également à limiter les risques de discrimination à leur égard dans le monde de l'entreprise.
L'article 1er propose de réserver une proportion minimale des nominations aux emplois de la haute fonction publique de l'État qui sont laissées à la décision du Gouvernement à des personnes, appartenant ou non à l'administration, qui exercent ou ont exercé une activité professionnelle pendant au moins deux ans dans un QPV, dans le respect de la parité. Il créerait un même mécanisme pour les nominations aux postes de délégué du représentant de l'État dans le département dans les QPV.
Dans l'esprit, cette disposition s'inspire du dispositif dit des « nominations équilibrées », qui oblige certains employeurs publics à nommer 40 % de personnes de chaque sexe dans les emplois supérieurs et de direction. Toutefois, ce modèle est difficilement transposable faute de base constitutionnelle. Les nominations par priorité de certaines catégories de personnes sont en effet contraires au principe d'égalité, ainsi que l'avait jugé le Conseil constitutionnel dans sa décision du 16 mars 2006 relative à la loi en matière d'égalité salariale entre les femmes et les hommes. L'introduction en droit français de quotas pour assurer l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans la vie politique et professionnelle a nécessité deux réformes constitutionnelles successives.
Par ailleurs, cet article introduit un nouveau critère de différenciation : l'expérience professionnelle dans un quartier prioritaire. Or ce critère est ambigu : vise-t-il à enrichir les parcours des hauts fonctionnaires en les incitant à aller travailler dans un quartier prioritaire ou à favoriser la nomination de personnes issues de ces quartiers ? Dans le premier cas, il s'agirait d'exiger une expérience qui ne serait pas toujours en lien avec les capacités requises pour exercer le poste. Dans le second, il s'agirait de poser de manière indirecte un critère social qui n'est pas forcément opérant : travailler dans un quartier prioritaire n'est pas le gage d'être issu d'un milieu modeste. Par ailleurs, il faut se méfier des catégorisations sur des critères géographiques ou financiers : une valorisation des parcours des candidats sur les territoires et de leur expérience de vie semble davantage avoir la faveur des associations.
L'article 2 crée de nouvelles différenciations en faveur des bacheliers ayant obtenu leur diplôme au sein d'un établissement scolaire situé dans un QPV, ou dans une ZRR en qualité d'élèves boursiers, à l'entrée dans des établissements d'enseignement supérieur ou de la fonction publique de l'État. Or les textes prévoient déjà la possibilité d'assurer une mixité sociale et géographique.
L'article 3 tend à diversifier les recrutements en rendant obligatoire la présence d'au moins 50 % de personnes extérieures à l'administration dans les jurys et les comités de sélection constitués pour le recrutement ou la promotion des fonctionnaires de l'État. Il prévoit également la présence d'au moins une personne extérieure à l'établissement ou aux services de l'autorité académique dans les commissions d'examen des voeux exprimés sur Parcoursup.
La diversification et la formation des membres qui siègent dans les jurys sont des enjeux bien identifiés depuis plusieurs années, en particulier par le rapport L'Horty de 2016 qui a mis au jour de manière objective l'existence de biais évaluatifs. Toutefois, imposer la présence obligatoire dans chaque jury de personnes extérieures à l'administration - dans le respect de l'obligation de nomination équilibrée entre les femmes et les hommes qui s'applique déjà - risque de créer de véritables casse-têtes pour les organisateurs, surtout dans la proportion de 50 % souhaitée par l'auteure de la proposition de loi. D'un point de vue pratique et au-delà du débat sur le profil des personnes à choisir, il semble compliqué de recruter suffisamment de personnes extérieures à l'administration ayant la disponibilité nécessaire pour siéger dans les très nombreux jurys organisés par l'État. À titre d'illustration, en 2018, plus de 41 000 postes de la fonction publique de l'État ont été offerts par voie de concours externes, ce qui donne une idée du volume de concours à organiser et de jurys à constituer.
L'article 4 prévoit la création d'une nouvelle autorité publique indépendante, l'Autorité pour l'égalité des chances dans la fonction publique, chargée notamment de rassembler, d'analyser et de diffuser les informations et données relatives à la promotion de l'égalité des chances dans l'accès à la fonction publique. La commission d'enquête du Sénat de 2015 sur les autorités administratives indépendantes avait souligné le risque d'illisibilité que faisait peser un nombre trop important d'autorités indépendantes et la nécessité de limiter la création de ce type de structures, par ailleurs coûteuses pour le budget de l'État.
Dans le cas présent, la direction générale de l'administration et de la fonction publique (DGAFP) et le Défenseur des droits sont déjà chargés d'un rapport biennal relatif à la lutte contre les discriminations et à la prise en compte de la diversité de la société française dans la fonction publique, dont la première édition est parue en juin 2019. Il peut probablement être amélioré, mais il a le mérite d'exister. Je souligne que le service statistique de la DGAFP travaille en toute indépendance professionnelle dans le cadre du code de bonnes pratiques de la statistique européenne.
Par ailleurs, avant de créer cette nouvelle autorité, il faudrait déterminer quels indicateurs lui permettraient d'évaluer les politiques publiques de promotion de l'égalité des chances, par qui et comment ils seraient construits. La « diversité » ou « l'égalité des chances » sont en effet des concepts à préciser. S'agit-il de s'intéresser aux minorités ethniques ou à d'autres groupes ciblés selon leur âge, leur handicap ou leur orientation sexuelle ? Comment prendre en compte le facteur social ou le niveau d'étude ? De plus, la création de tels indicateurs suppose la collecte et le traitement de données qualifiées de « sensibles » par la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL).
L'article 5 introduit un nouveau critère de non-discrimination en fonction du lieu d'origine. Les critères d'origine et de lieu de résidence existant déjà, cette addition ne paraît pas nécessaire.
L'article 6 tend à imposer aux entreprises de justifier les motifs de non-embauche auprès de tout candidat refusé. Cette obligation nouvelle risque de créer un contentieux prud'homal et des contraintes administratives lourdes pour les petites et moyennes entreprises.
Enfin, l'article 7 prévoit l'obligation, pour les entreprises de plus de 50 salariés, de recueillir des données permettant une mise à disposition d'indicateurs sur l'égalité des chances au comité social et économique, les soumettant à des règles de collecte et de conservation très contraignantes s'agissant de données personnelles sensibles. Cet article étend également les missions du conseil social et économique à l'égalité des chances, ajout qui paraît redondant.
Ces deux dernières mesures pèseraient de manière très contraignante sur les petites et moyennes entreprises. De plus, comme l'a relevé le président de la délégation sénatoriale aux entreprises, celles-ci laissent à penser que les employeurs seraient a priori discriminants, alors que leurs difficultés actuelles à recruter les conduisent au contraire à diversifier leurs viviers de candidats. Par ailleurs, une non-embauche est souvent liée à un manque d'« employabilité » en termes de formation ou de savoir-être.
Si l'intention des auteurs de la proposition de loi est louable et rejoint les préoccupations actuelles du Sénat au sujet de la jeunesse, les mesures proposées soulèvent des objections à la fois juridiques et pratiques.
Le groupe socialiste a déposé des amendements visant à réduire le champ de certains de ces dispositifs en supprimant le quota de l'article 1er, en limitant le nombre de personnes extérieures dans les jurys à une ou en n'obligeant les entreprises à motiver les refus d'embauche qu'en cas de demande du candidat.
Malgré ces propositions, il ne semble pas possible à ce stade d'adopter une version qui respecte les intentions de la proposition de loi. Dans ces conditions, je suis au regret de vous proposer de ne pas adopter le texte, ce qui permettra de débattre en séance de l'intégralité des dispositifs proposés.
Comme les auteurs de cette proposition de loi, j'estime qu'il reste encore beaucoup à faire pour les jeunes, par exemple dans le secteur de l'apprentissage et de la formation en alternance. Je crois beaucoup à ces formations, si possible dès quatorze ans et avec des garanties d'instruction générale. De nombreux jeunes pourraient ainsi s'épanouir en apprenant un métier et avoir des perspectives d'avenir. J'ai envisagé de déposer des amendements en ce sens, mais j'y ai renoncé, car telle n'était pas l'intention initiale de ce texte.
M. Alain Marc. - Je salue le travail du rapporteur. L'intitulé de la proposition de loi m'interpelle : ses auteurs semblent tenir pour acquis que l'accès à la fonction publique serait le Graal, or j'observe, pour ma part, que les jeunes n'aspirent pas à des carrières linéaires.
Le département de l'Aveyron, pourtant entièrement en ZRR, se place au deuxième rang français en termes de résultats scolaires. Le fait d'être issu d'un département placé en ZRR n'a donc pas de lien avec la capacité d'entrer ou non dans la fonction publique.
Par ailleurs, la recherche de l'égalité des sexes dans la fonction publique risque de poser quelques problèmes comme le démontre la parité femme-homme. Aujourd'hui, l'écrasante majorité des candidats reçus aux concours de l'enseignement dans le premier degré sont des femmes. C'est un fait qu'il faut prendre en considération afin de prendre des mesures véritablement utiles à la société.
M. Jean-Pierre Sueur. - Nul ne peut ignorer que la situation des jeunes, en particulier des quartiers en difficulté, est préoccupante. La crise que nous vivons a terriblement accentué ce phénomène.
Je rappelle que lorsque j'ai manifesté le souhait d'être nommé rapporteur de cette proposition de loi, cela m'a été refusé au motif que j'appartenais au même groupe que ses auteurs. Or ce principe a été démenti immédiatement après sur un autre texte, preuve que les évolutions sont parfois très rapides !
Le rapporteur a mis en évidence un certain nombre de difficultés techniques ; les amendements que j'ai déposés visent à en lever certaines. Ainsi amendé, ce texte resterait de portée assez générale.
Madame le rapporteur, je sais que vous avez beaucoup dialogué avec Mme Conway-Mouret. C'est pourquoi je suis surpris que vous nous annonciez que vous n'êtes pas en situation de présenter des amendements et que vous préconisez le rejet de ce texte. Sur un tel sujet, j'estime qu'il n'est pas bien que la commission des lois procède ainsi, et nous le dirons. Nous aurions dû travailler à améliorer ce texte.
M. Patrick Kanner. - Cette proposition de loi vise à attirer l'attention sur ce sujet ; en aucun cas, elle n'apporte de réponse idéologique. Quelque 5 millions de nos concitoyens vivent dans des quartiers prioritaires de la politique de la ville. Le taux de chômage des jeunes y est deux fois plus élevé. Nous devons répondre à la désespérance que connaissent ces jeunes. Si trois missions d'information ont été lancées autour de cette thématique, c'est bien parce que la réponse sécuritaire, bien qu'indispensable, n'est pas suffisante.
Le Président de la République a indiqué qu'il fallait travailler pour favoriser l'égalité des chances. Or à ce jour, aucun projet de loi n'est en voie d'être adopté en conseil des ministres. Malgré toutes ses imperfections et ses imprécisions, notre texte permet de mettre en évidence qu'une partie de la jeunesse de ces quartiers a besoin de réponses.
Mme Jacky Deromedi, rapporteur. - Malgré de longues discussions avec Mme Conway-Mouret, nous n'avons pu trouver d'amendements satisfaisants. Nous aurons donc le débat en séance.
En application du vade-mecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des présidents, il nous revient d'arrêter le périmètre indicatif de la proposition de loi.
Je vous propose d'indiquer que ce périmètre comprend les dispositions relatives aux règles d'accès à la fonction publique, aux procédures d'admission dans les établissements dispensant une formation d'enseignement supérieur, à la composition des jurys et des comités de sélection dans la fonction publique ainsi qu'aux commissions d'examen des voeux dans le cadre de la procédure Parcoursup, au suivi statistique et à l'étude de la promotion de l'égalité des chances dans l'accès à la fonction publique, à la lutte contre la discrimination au travail, aux procédures de recrutement dans les entreprises et aux missions du comité social et économique en matière d'égalité des chances.
EXAMEN DES ARTICLES
Mme Jacky Deromedi, rapporteur. - L'amendement COM-1 vise à remplacer le quota fixé par décret initialement prévu par l'objectif plus général de « favoriser la nomination » de personnes ayant ou ayant eu une expérience professionnelle de deux ans dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville. Ce critère ne paraît pas forcément opérant et créerait une nouvelle catégorisation.
Si la valorisation d'une expérience dans un QPV paraît tout à fait intéressante pour certaines nominations - cela semble même aller de soi pour un délégué du préfet dans un QPV -, il ne faut pas en faire un critère de priorisation systématique. Avis défavorable.
L'amendement COM-1 n'est pas adopté.
Mme Jacky Deromedi, rapporteur. - L'amendement COM-2 tend à modifier la rédaction de l'alinéa 2.
La loi du 24 décembre 2020 de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 prévoit déjà que les établissements d'enseignement supérieur peuvent diversifier leur recrutement pour « assurer une mixité sociale et géographique ». Nous venons de voter cette loi ; attendons d'en évaluer les résultats avant de la changer.
Les précisions apportées par l'article 2, même amendé, sont de nature réglementaire. Par ailleurs, le renvoi à un décret semble incompatible avec le principe d'autonomie des établissements. Le texte actuel prévoit que ceux-ci fixent leurs modalités selon des objectifs arrêtés par les ministres de tutelle, ce qui semble préférable. Avis défavorable.
L'amendement COM-2 n'est pas adopté.
Mme Jacky Deromedi, rapporteur. - L'amendement n° COM-3 vise à réduire la proportion de personnes extérieures à l'administration qui serait exigée dans la composition des jurys. De 50 % du panel, on passerait à une personne minimum.
Malgré tout, cette disposition, qui se cumulerait avec le principe de nomination équilibrée de 40 % de personnes de chaque sexe, ajouterait de la complexité pour les organisateurs de concours. Il semble donc préférable que cela reste une bonne pratique réservée à certaines épreuves telles que le grand oral. Avis défavorable.
L'amendement COM-3 n'est pas adopté.
Mme Jacky Deromedi, rapporteur. - Cet amendement vise à restreindre l'obligation pour les entreprises de justifier les non-embauches aux seuls cas où le candidat en fait la demande.
Il reprend une préconisation de l'association française des managers de la diversité dont les représentants nous ont indiqué que certains candidats ne sont pas prêts à entendre des critiques sur leur comportement en entretien.
Cette disposition engendrerait une charge administrative certes moins importante pour les entreprises, mais le risque de contentieux demeurerait. À ce stade, avis défavorable.
M. Jean-Pierre Sueur. - Il s'agit simplement de permettre aux personnes qui ont été reçues pour un entretien et qui en font la demande de connaître les raisons pour lesquelles leur candidature n'a pas été retenue. Cette proposition ne me paraît pas inacceptable, et pourtant, elle sera rejetée également. Nous nous heurtons à une fin de non-recevoir !
Mme Jacky Deromedi, rapporteur. - En tant qu'entrepreneur, je peux vous dire que lors d'un recrutement, on cherche le meilleur candidat pour le poste. À mon avis, il s'agit davantage d'un problème de formation que de discrimination.
L'amendement COM-4 n'est pas adopté.
La proposition de loi n'est pas adoptée.
Conformément au premier alinéa de l'article 42 de la Constitution, la discussion en séance portera en conséquence sur le texte initial de la proposition de loi déposée sur le Bureau du Sénat.
Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :
Outils juridiques de prévention et de traitement des difficultés des entreprises à l'aune de la crise de la covid-19 - Examen du rapport d'information
M. François-Noël Buffet, président. - Nous examinons à présent le rapport d'information sur les outils juridiques de prévention et de traitement des difficultés des entreprises à l'aune de la crise de la covid-19.
M. François Bonhomme, rapporteur. - Je remercie Thani Mohamed Soilihi pour la qualité de nos échanges.
Le surgissement de l'épidémie de covid-19 pendant l'hiver 2020 et les mesures de police sévères prises par les autorités publiques pour en enrayer sa progression ont provoqué au niveau international la plus grave crise économique depuis la Seconde Guerre mondiale. En France, selon l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), le produit intérieur brut a diminué de 8,3 % en 2020.
Toutefois, le nombre de défaillances d'entreprises a diminué de 40 %, passant de 52 000 en 2019 à 32 000 en 2020. Ce paradoxe apparent s'explique aisément : nos entreprises, depuis plus d'un an, sont maintenues sous « perfusion » financière, grâce aux aides des pouvoirs publics, ou ont bénéficié de mesures pour prévenir ou retarder leur dépôt de bilan comme le « gel » de la situation des débiteurs pour l'appréciation de l'état de cessation des paiements, ou encore l'instruction informelle donnée à l'administration fiscale et aux Urssaf de suspendre les assignations d'entreprises en redressement ou en liquidation judiciaire.
La fin prochaine des aides publiques risque de se traduire par la défaillance et la disparition de nombreuses entreprises viables, confrontées à de graves problèmes de liquidité alors même qu'elles dégagent, à moyen et long terme, des bénéfices suffisants pour couvrir leurs besoins de financement.
Par ailleurs, on pourrait assister à la multiplication des entreprises « zombies », insuffisamment rentables pour faire face à une dette trop lourde. Cela résulte d'abord du fait que des entreprises, qui étaient déjà en difficulté avant la crise, ont bénéficié de mesures de soutien public indifférenciées, et ont ainsi été maintenues artificiellement en vie. Mais même parmi les entreprises qui étaient en bonne santé avant la crise, beaucoup pourraient avoir des difficultés à s'en remettre, car elles devront consacrer une part accrue de leurs bénéfices à rembourser les dettes accumulées, au détriment de leurs investissements et de leur productivité à long terme.
Dans ce contexte, nos recommandations s'articulent autour de trois axes : consolider les outils de détection et de prévention précoce des difficultés des entreprises ; renforcer l'efficacité de nos procédures collectives ; créer une nouvelle juridiction économique.
M. Thani Mohamed Soilihi, rapporteur. - Je développerai le premier point, relatif à la consolidation des outils de détection et de prévention précoce des difficultés des entreprises.
La prévention de l'insolvabilité des entreprises repose sur un ensemble de dispositifs de détection et de traitement précoce des difficultés, particulièrement diversifié dans notre pays, et qui fait appel à un grand nombre d'acteurs.
Si la source la plus directe d'informations pour détecter les difficultés d'une entreprise est sa comptabilité, l'exploitation des « signaux faibles » est de plus en plus utilisée. Parmi ces signaux, je citerai le non-respect de l'obligation légale de dépôt des comptes annuels, les incidents de paiement, les procédures contentieuses ou encore le recours à l'activité partielle. Il existe aussi des outils d'autodiagnostic et, enfin, des procédures d'alerte des dirigeants et des associés ou du président du tribunal de commerce.
Nous estimons à cet égard indispensable d'encourager les entrepreneurs à renforcer leurs outils d'analyse comptable et financière. Nous proposons notamment d'améliorer l'accès des dirigeants à la formation, qui deviendrait une mission prioritaire des réseaux consulaires, et de définir un socle de prestations d'expertise comptable qui donnerait droit à un soutien financier public. En particulier, il faut aider les petites entreprises à se doter d'un « tableau de bord financier », c'est-à-dire d'un outil de prévision des flux de trésorerie à court et moyen terme.
Un très grand nombre d'acteurs publics et privés interviennent dans la prévention des difficultés des entreprises de manière assez dispersée : outre les administrations de l'État et les juridictions, on peut citer les collectivités territoriales, la Banque de France, les réseaux consulaires, les organisations patronales et professionnelles, les organismes de sécurité sociale, les groupements de prévention agréés ou encore les centres d'information sur la prévention créés à l'initiative des professionnels du chiffre et du droit.
L'État joue un rôle particulièrement important, via ses commissaires aux restructurations et à la prévention des difficultés d'entreprises, compétents pour les entreprises comptant entre 50 et 400 salariés, le comité interministériel de restructuration industrielle, pour les entreprises de plus de 400 salariés, ou encore les comités départementaux d'examen des problèmes de financement des entreprises (Codefi) réunis sous la présidence du préfet.
Il conviendrait toutefois de mieux coordonner ces acteurs. Les administrations de l'État étant les mieux placées pour cela, nous recommandons de confier à la direction générale des entreprises et à ses services déconcentrés le soin de créer une plateforme d'information destinée aux entreprises en difficulté recensant l'ensemble des outils et interlocuteurs disponibles dans chaque département et d'encourager la conclusion de contrats départementaux de prévention pour coordonner l'intervention des acteurs locaux.
Il nous semble également indispensable de mettre fin au cloisonnement des informations entre administrations et juridictions. Les juridictions sont en effet l'un des acteurs essentiels de la prévention. Les présidents de tribunaux judiciaires et de commerce disposent de pouvoirs d'enquête et peuvent convoquer les dirigeants à un entretien en s'appuyant sur les données détenues par les greffes, notamment des tribunaux de commerce. Il conviendrait toutefois d'améliorer l'accès des présidents aux informations utiles à l'exercice de leur mission en imposant à l'administration fiscale et aux organismes de sécurité sociale de transmettre au greffe la liste des entreprises présentant un retard de plus de trois mois dans le paiement de leurs impôts et cotisations, et en mettant en place un système d'information commun aux administrations et juridictions pour la détection des signaux faibles.
La réticence des chefs d'entreprise à se tourner vers le tribunal de commerce, associé aux procédures collectives et à la faillite, a souvent été citée lors de nos auditions. Pour dédramatiser ce moment, nous proposons que les juges puissent tenir leurs entretiens de prévention hors des locaux du tribunal.
Enfin, nous souhaitons renforcer l'attractivité des procédures amiables, qui sont trop peu utilisées, en particulier par les petites et moyennes entreprises (PME). Le livre VI du code de commerce prévoit deux procédures de ce type qui ont l'avantage d'être confidentielles. Le président du tribunal peut désigner un mandataire ad hoc pour exercer une mission qu'il détermine et sans limite de temps. En outre, il existe une procédure de conciliation ouverte aux entreprises qui éprouvent « une difficulté juridique, économique ou financière, avérée ou prévisible » et ne se trouvent pas en état de cessation des paiements depuis plus de quarante-cinq jours. Le tribunal peut homologuer l'accord, ce qui lui donne force exécutoire.
Pour encourager le recours à ces procédures, nous proposons de pérenniser la faculté introduite pendant la crise sanitaire pour le président du tribunal de suspendre les poursuites de certains créanciers et de reporter le paiement des sommes dues pour la durée de la procédure de conciliation. Nous proposons également de mieux encadrer le coût de ces procédures en fixant une grille tarifaire pour la rémunération des mandataires ad hoc et des conciliateurs et en assurant leur prise en charge au moins partielle pour les PME. Nous proposons, enfin, de développer le vivier de mandataires et de conciliateurs en recourant aux professionnels du droit et du chiffre et aux chambres consulaires.
Dans le domaine de la prévention, nos préconisations rejoignent en grande partie celles formulées dans le rapport remis en février dernier au garde des sceaux par Georges Richelme, ancien président de la conférence générale des juges consulaires de France.
M. François Bonhomme, rapporteur. - Les mesures d'accompagnement et les négociations amiables ne suffisent pas à résoudre toutes les difficultés.
Qu'elles se trouvent dans une situation trop compromise ou qu'elles se heurtent à la mauvaise volonté de leurs créanciers, certaines entreprises sont contraintes de se placer sous la protection de la justice ; à l'inverse, les intérêts légitimes des créanciers et des motifs tirés de l'ordre public économique peuvent justifier que l'entreprise soit placée sous le contrôle d'un tribunal. Tel est l'objet des procédures judiciaires de traitement de l'insolvabilité des entreprises, également dénommées procédures collectives.
Du point de vue économique, les procédures collectives doivent répondre à un double impératif : d'une part, assurer un filtrage entre les entreprises viables et non viables, et d'autre part, assurer une protection suffisante des créanciers pour ne pas pénaliser le financement des entreprises.
De ce double point de vue, le droit français est souvent critiqué. Nous avons constaté que les pouvoirs publics manquent d'outils statistiques pour mesurer l'efficacité des procédures collectives, si bien que nous légiférons parfois « à l'aveugle ». Nous formulons des propositions pour y remédier.
Selon nous, une réforme des procédures collectives suppose d'abord de clarifier leurs objectifs et de mieux les articuler avec d'autres politiques publiques. En particulier, on a trop souvent tendance à considérer les procédures collectives, soit comme une forme de sanction à l'égard des dirigeants, soit au contraire comme une bouée de secours pour ces derniers. Cela aboutit à des solutions aberrantes d'un point de vue économique. Dans le cadre des procédures collectives elles-mêmes, la seule chose qui doit compter, c'est l'intérêt public économique et sa conciliation avec les intérêts légitimes des créanciers.
Par ailleurs, notre législation n'a que trop peu évolué depuis la loi Badinter de 1985, alors que l'économie s'est transformée, notamment dans le sens d'une financiarisation accrue. Nos procédures collectives doivent prendre en compte ces évolutions.
Nous souhaitons d'abord que la transposition prochaine de la directive Restructuration et insolvabilité du 20 juin 2019 soit l'occasion pour la France de moderniser les conditions d'adoption des plans de restructuration judiciaire d'entreprises, en faisant en sorte qu'elles opèrent une sélection plus efficace entre entreprises viables et non viables tout en tenant compte des spécificités des petites et moyennes entreprises.
À cet égard, il nous semble que l'avant-projet d'ordonnance publié par le Gouvernement au mois de janvier comporte certaines imperfections, voire certaines contradictions. Pour de plus amples développements sur ce sujet assez technique, je vous renvoie au rapport écrit.
Au-delà de la directive, nous avons examiné les conditions dans lesquelles les procédures de sauvegarde et de redressement judiciaire pourraient être fusionnées. Plusieurs personnes que nous avons entendues ont plaidé en ce sens au nom de la simplification. Nous proposons également de revoir l'appréciation du critère de la cessation des paiements, qui conditionne l'ouverture d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire, mais qui paraît en partie obsolète. Il existe d'autres indices de l'insolvabilité d'une entreprise. Il conviendrait donc que le ministère public puisse requérir l'ouverture d'une procédure collective s'il résulte de ces indices que l'entreprise est insolvable.
Nous proposons également d'imposer des garde-fous pour éviter les cessions à vil prix d'entreprises en procédure collective.
S'agissant enfin des entreprises pour lesquelles seule la liquidation est envisageable, il importe de favoriser le rebond des entrepreneurs, ce que notre droit ne fait pas suffisamment. Nous préconisons à cet effet d'autoriser la reprise d'une entreprise en difficulté par l'exploitant personne physique, les dirigeants de la personne morale ou leurs proches, si leur offre correspond au meilleur intérêt des créanciers, et en prenant en compte la contribution personnelle des dirigeants de PME à la viabilité de leur entreprise. Une incapacité d'acquérir assez stricte frappe aujourd'hui les dirigeants et leurs proches, ce qui a conduit le Gouvernement à assouplir cette procédure pendant la crise sanitaire : nous avons déjà évoqué ce sujet lors de l'examen d'une proposition de loi de Sophie Taillé-Polian. Il nous semble opportun de pérenniser cette mesure tout en l'encadrant.
Dans le même esprit, nous reprenons une suggestion de notre collègue Nathalie Goulet, qui proposait d'étendre le bénéfice de la procédure de rétablissement professionnel sans liquidation aux personnes morales, afin de mettre fin à une différence de traitement entre petits entrepreneurs exploitant personnellement ou sous forme sociétaire.
Enfin, nous proposons plusieurs mesures visant à mieux protéger le patrimoine personnel des entrepreneurs, à revoir le régime de la faillite et des interdictions professionnelles et à faciliter les opérations de liquidation.
M. Thani Mohamed Soilihi, rapporteur. - J'en viens à la création d'une nouvelle juridiction économique.
L'existence de juridictions spécialisées, composées de magistrats non professionnels issus du monde de l'entreprise, doit être comptée parmi les atouts du droit économique français. S'agissant de la prévention et du traitement des difficultés des entreprises, le tribunal de commerce n'est toutefois compétent qu'à l'égard des commerçants et artisans. C'est le tribunal judiciaire qui est compétent pour les exploitants agricoles et les professionnels libéraux, y compris les professions réglementées, ainsi que pour les personnes morales de droit privé non commerçantes, c'est-à-dire essentiellement des associations ayant une activité économique.
Des spécificités existent pour les agriculteurs, qui bénéficient notamment du règlement amiable agricole, inspiré de la procédure de conciliation, et pour les professions réglementées dont les instances ordinales ou professionnelles sont associées à la procédure par le tribunal.
Dans la continuité des travaux antérieurs du Sénat - je pense notamment à la mission d'information sur le redressement de la justice conduite par Philippe Bas et au projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, dont l'un des rapporteurs était François-Noël Buffet - nous proposons de revoir l'organisation judiciaire pour créer une véritable justice économique, en confiant au tribunal de commerce, qui serait renommé « tribunal des affaires économiques », une compétence exclusive pour l'ensemble des mesures et procédures relevant du livre VI du code de commerce, quel que soit le statut du débiteur.
Nos auditions ont mis en évidence la nécessité de préserver les garanties et règles actuelles bénéficiant aux agriculteurs et aux professions libérales, notamment règlementées, ce à quoi nous sommes attachés ; c'est la raison pour laquelle nous proposons en parallèle de former les juges consulaires aux spécificités des nouveaux ressortissants du tribunal des affaires économiques.
Dans la même logique, nous proposons notamment d'attribuer aux tribunaux de commerce compétence pour statuer sur tout litige relatif au bail du débiteur dans une procédure collective, afin d'éviter le ralentissement des procédures. Plus largement, les tribunaux de commerce deviendraient compétents pour statuer sur les litiges relatifs aux baux commerciaux ou professionnels et aux conventions d'occupation précaire opposant des commerçants ou artisans.
Cette extension de compétence irait de pair, selon nous, avec la poursuite de la modernisation de cette juridiction. Le corps électoral des juges consulaires et l'éligibilité à ces fonctions pourraient ainsi être élargis aux nouvelles professions ressortissantes, pour leur permettre d'être représentées parmi les juges consulaires formant ce tribunal. Les garanties entourant le statut des juges consulaires seraient renforcées, notamment par l'instauration d'une obligation de formation pour les présidents de juridiction à leur prise de fonctions. Enfin, la spécialisation de certains tribunaux de commerce pourrait être approfondie afin d'aligner leur compétence sur les seuils prévus pour la mise en place obligatoire de comités de créanciers, qui deviendront demain les « classes de parties affectées » ; l'extension outre-mer de cette spécialisation pourrait être envisagée.
Nous avons toutefois choisi d'écarter, à ce stade, toute évolution générale vers l'échevinage de cette juridiction, c'est-à-dire la présence au sein des tribunaux de commerce de magistrats professionnels en plus des juges consulaires, compte tenu notamment de la qualité des décisions des tribunaux de commerce, qui n'est pas contestée, mais aussi de la présence des magistrats du parquet, de l'appel jugé par des magistrats professionnels et, surtout, de la consolidation récente du statut des juges consulaires, qui a permis de renforcer l'impartialité de ce tribunal. Enfin, dans un contexte budgétaire difficile, créer plusieurs centaines de postes de magistrats professionnels ressemble à une gageure. Je note qu'en outre-mer, c'est au contraire l'échevinage qui prévaut.
Je remercie à mon tour chaleureusement mon collègue et ami François Bonhomme.
Mme Nathalie Goulet. - Je vous remercie d'avoir pris en considération certaines de mes propositions. Lorsque les aides publiques actuelles seront suspendues, les dispositions que vous proposez seront très utiles.
Je suis sensible à la détection précoce des difficultés des entreprises. De ce point de vue, il me semble important de souligner l'utilité du dispositif nommé Banque-Carrefour des entreprises mis en place en Belgique. Celui-ci permet une concentration des informations, si bien que les huissiers, par exemple, sont avisés lorsqu'une même personne reçoit plusieurs assignations et peuvent déclencher des procédures de protection et d'information. Il s'agit d'un dispositif peu onéreux et très efficace.
Quoi qu'il en soit, j'espère que vos propositions pourront être mises en oeuvre au plus vite.
M. André Reichardt. - Je remercie et félicite à mon tour les deux rapporteurs.
Je souhaite insister sur le rôle des réseaux consulaires. Dans mon département, les chambres consulaires sont montées en puissance à l'occasion de la crise. J'estime qu'il faudrait pérenniser ce mode de fonctionnement, notamment en matière d'assistance collective et individuelle. Il revient également à ces réseaux, dont la vocation est d'accompagner les entreprises, de fournir des statistiques aux pouvoirs publics.
Vous soulignez à juste titre la nécessité de former les chefs d'entreprise en matière de gestion. Je rappelle que la loi relative à la croissance et la transformation des entreprises (Pacte) a détricoté les exigences de formation dans un certain nombre de secteurs, notamment l'artisanat. J'estime au contraire que le temps est venu d'une plus grande qualification de toutes les entreprises, y compris les autoentrepreneurs, en matière de gestion.
En Alsace, nous n'avons pas de tribunaux de commerce. La chambre commerciale du tribunal judiciaire est l'instance compétente en la matière, et cela fonctionne bien. Vos préconisations devront être examinées en conservant à l'esprit les spécificités du droit alsacien et mosellan.
M. Alain Richard. - Les experts-comptables n'ont-ils pas un rôle à jouer pour aider les entreprises à détecter les risques ? Sont-ils actuellement soumis à une obligation d'information à l'extérieur de l'entreprise ?
Si les statistiques relatives au déroulement des procédures sont nombreuses, nous ne disposons pas de statistiques sur le contenu des jugements rendus par les tribunaux de commerce. Il semblerait pourtant intéressant que notre justice analyse ses propres tendances jurisprudentielles.
Mme Brigitte Lherbier. - Il n'a pas été simple de mettre en place la formation proposée par le tribunal de commerce de Lille. Toutefois, ce dispositif devrait à mon sens être beaucoup plus systématique.
M. François Bonhomme, rapporteur. - Je partage votre intérêt pour les réseaux consulaires, monsieur Reichardt. La loi Pacte a effectivement supprimé l'obligation de formation des artisans. Nous préconisons pour notre part un dispositif incitatif.
Par ailleurs, nous avons bien pris en considérations les spécificités du droit alsacien-mosellan, quoique nous n'envisagions pas de l'étendre à tout le territoire !
M. Thani Mohamed Soilihi, rapporteur. - Madame Goulet, nous nous sommes directement inspirés du droit belge, notamment en ce qui concerne la transmission d'informations au tribunal par les administrations.
À la différence des commissaires aux comptes, les experts-comptables ne sont pas investis par la loi d'une mission d'alerte. De nombreuses personnes auditionnées ont cependant souligné qu'il conviendrait de mieux utiliser leurs compétences.
M. François Bonhomme, rapporteur. - Néanmoins, la rupture de la confidentialité changerait considérablement la nature de leur mission.
M. Thani Mohamed Soilihi, rapporteur. - Par ailleurs, monsieur Richard, nous manquons effectivement de données sur le contenu des jugements et, surtout, sur l'exécution des plans de sauvegarde ou de redressement. Je le regrette, car la moindre des choses serait d'étudier l'efficacité des procédures collectives.
Mme Nathalie Goulet. - Le premier à se faire payer, c'est bien l'expert-comptable. Dans la vraie vie, ce n'est pas toujours le premier partenaire de l'entreprise... Il y a donc un dispositif d'alerte à trouver.
M. Thani Mohamed Soilihi, rapporteur. - Notre rapport est attendu. Le cabinet du Premier ministre semble intéressé.
M. Alain Richard. - J'espère que le garde des sceaux l'est également !
M. François-Noël Buffet, président. - Je vous remercie.
La commission autorise la publication du rapport.
La réunion est close à 11 h 45.