Mardi 13 avril 2021
- Présidence de M. Jean-Marc Boyer, président -
La réunion est ouverte à 16 h 40.
Audition de MM. Philippe Mauguin, président-directeur général de l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae), Christian Huyghe, directeur scientifique Agriculture de l'Inrae, et Cyril Kao, directeur de l'enseignement supérieur, des sites et de l'Europe (DESSE) de l'Inrae
M. Jean-Marc Boyer, président. - Mes chers collègues, nous poursuivons nos travaux sur l'enseignement agricole en accueillant aujourd'hui trois représentants de l'Inrae, l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement.
Nous recevons ainsi son président-directeur général, M. Philippe Mauguin, qui a occupé des fonctions de recherche, des fonctions en cabinet ministériel et des fonctions exécutives en administration déconcentrée, en administration centrale et en agence.
Philippe Mauguin a notamment été conseiller du Premier ministre pour l'agriculture, la forêt et l'alimentation, directeur régional et interdépartemental de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt d'Ile-de-France et directeur de cabinet du ministre de l'agriculture, avant de prendre la tête de l'Institut national de la recherche agronomique (INRA).
L'INRA est devenu, le 1er janvier 2020, l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae), après sa fusion avec l'IRSTEA, l'Institut national de recherche en sciences et technologies pour l'environnement et l'agriculture.
Nous accueillons à ses côtés M. Christian Huyghe, directeur scientifique Agriculture de l'Inrae, qui interviendra en visioconférence, et M. Cyril Kao, directeur de l'enseignement supérieur, des sites et de l'Europe de l'Inrae.
Messieurs, nous vous remercions pour votre participation à nos travaux et nous vous rappelons qu'en raison du contexte sanitaire, vous devrez conserver votre masque, y compris durant vos interventions.
Je vous rappelle également que cette réunion est captée et diffusée en direct sur le site Internet du Sénat, sur lequel elle pourra ensuite être consultée en vidéo à la demande.
Avec mes 22 collègues membres de la mission d'information, nous sommes convaincus que l'enseignement agricole est une chance pour de nombreux jeunes et un outil indispensable pour l'avenir de nos filières agricoles et alimentaires.
Nous avons d'abord entendu les représentants des différentes fédérations d'établissements de l'enseignement technique agricole. À l'occasion d'un déplacement en Gironde, nous avons également abordé les liens entre l'enseignement technique et l'enseignement supérieur long, mais aussi ceux entre l'enseignement agricole et la recherche, ainsi que la coopération européenne et internationale.
Nous devions poursuivre demain nos auditions concernant l'enseignement supérieur agricole long. Le souhait du Gouvernement d'inscrire à l'ordre du jour du Sénat un débat sur l'organisation des élections départementales et régionales nous a conduits à reporter cette table ronde.
Messieurs, nous souhaitons connaître votre analyse sur notre modèle d'enseignement agricole et, en particulier, votre éclairage sur le lien entre enseignement technique agricole, enseignement supérieur agricole long et recherche.
Notre mission d'information souhaite évaluer la capacité de l'enseignement agricole à répondre aux besoins des filières agricoles et alimentaires, afin de leur permettre de relever les défis auxquels elles sont confrontées, pas uniquement pour produire, mais aussi pour transformer et pour vendre. Nos auditions nous ont notamment conduits à évoquer les compétences en matière de numérique, de comptabilité ou encore de ressources humaines. Je ne doute pas, monsieur Mauguin, que vous aborderez les enjeux liés aux transitions agricoles et au développement de l'agro-écologie, dont nous avons beaucoup parlé lors des précédentes auditions.
Messieurs, vous pourrez nous présenter votre vision des enjeux, à partir du questionnaire qui vous a été adressé par notre rapporteure Nathalie Delattre, pendant une dizaine de minutes chacun. Je passerai ensuite la parole à Nathalie Delattre afin qu'elle puisse vous poser un certain nombre de questions, puis à mes collègues qui le souhaitent.
M. Philippe Mauguin, président-directeur général de l'Inrae. - Merci beaucoup, monsieur le président, mesdames et messieurs les sénateurs et sénatrices, madame la rapporteure, de nous donner l'opportunité de nous exprimer devant vous.
La place de l'enseignement agricole, aujourd'hui et demain, dans la transition des agricultures françaises, et son lien avec la recherche sont, pour nous comme pour vous, un sujet majeur, pour plusieurs raisons. Je propose de ne pas les énumérer, car vous les avez certainement déjà abordées. Je reviendrai plutôt sur le lien nécessaire entre l'enseignement agricole technique, l'enseignement supérieur et la recherche, et les défis auxquels sont confrontés nos agricultrices et nos agriculteurs.
Beaucoup ont malheureusement subi le récent épisode exceptionnel de gel, qui fait suite à toute une série d'événements climatiques antérieurs. Ces événements sont la preuve de l'importance et de l'incidence de la transition climatique. On a souvent tendance à parler du réchauffement à venir, d'ici 2050, et des degrés de température que nous gagnerons. Chaque année qui passe montre toutefois que le changement climatique a déjà lieu. Il présente déjà un impact fort sur les productions agricoles, dans notre pays et dans le monde. On a longtemps pensé que les pays tempérés d'Europe occidentale étaient davantage préservés que d'autres régions de la planète des effets du changement climatique. C'est de moins en moins vrai. Il s'agit de l'une des transitions les plus fortes et les plus évidentes, auxquelles nos agriculteurs doivent faire face.
Il s'en trouve aussi d'autres, qui se combinent et qui sont liées aux attentes sociétales. On attend en effet de l'agriculture qu'elle continue de remplir sa fonction première nourricière et alimentaire, et de faire face à l'augmentation de la population mondiale. Elle doit continuer à assurer la sécurité alimentaire. L'an dernier, les premières semaines de la pandémie ont suscité des moments d'inquiétude concernant la capacité des filières alimentaires françaises à assumer notre souveraineté et à faire face au choc, qui était davantage un choc de l'organisation des filières qu'un choc de l'offre.
L'attente de nos concitoyens est en outre de plus en plus forte en termes de santé et de protection de l'environnement, avec des traductions concrètes qui sont de plus en plus pressantes, notamment dans le champ de la protection des cultures, avec les alternatives aux produits phytosanitaires. Des attentes s'expriment aussi vis-à-vis de l'élevage, qui est beaucoup questionné, parfois justement, parfois injustement. Il est en tout cas important de répondre aux questions qui sont posées, en termes de bien-être animal ou d'impact sur les gaz à effet de serre ou sur les écosystèmes.
Les sujets sont nombreux, ce qui n'est pas une surprise pour les chercheurs de l'Inrae, qui y travaillent depuis un certain nombre d'années en dégageant des axes de recherche, d'innovation et de transition.
Il n'existe pas différentes façons d'amener les résultats de ces recherches auprès des acteurs agricoles et du grand public. Cela passe par l'innovation, le transfert, les brevets, les semences, le progrès génétique ou les progrès sur les capteurs, etc.
Or l'accélération des questions posées et des défis qui s'entrechoquent rend l'équation de plus en plus complexe. Le besoin de continuum et d'allers-retours entre la recherche, l'enseignement supérieur et l'enseignement technique n'a, à mon avis, jamais été aussi fort. Il ne suffit pas d'affirmer que les résultats de la recherche sont transférés aux instituts techniques, qui les transfèrent aux chambres d'agriculture qui, avec leurs conseillers, les transfèrent ensuite aux agriculteurs, en plusieurs années. Non seulement une accélération du transfert des résultats vers les générations actives est nécessaire, mais il faut aussi porter une attention redoublée et collective au transfert de ces connaissances et à la façon de prendre en compte ces évolutions. Ces dernières vont en effet être finalement encore plus fortes qu'on ne l'imaginait, dans les vingt à trente années à venir.
Tel est le paysage dans lequel vous avez inscrit votre mission. Nous nous sentons très concernés par ces problématiques.
Les missions confiées par le législateur à l'Inrae n'intègrent pas de mission directe dans le champ de l'enseignement technique. Comme les autres établissements publics, nous devons apporter notre contribution à l'enseignement supérieur, de façon explicite. Nous nous y employons, mais nous ne sommes pas un producteur direct de formations au niveau du cycle technique et secondaire. Cela ne nous a toutefois pas empêchés de développer des partenariats. J'y reviendrai.
Nous nous sentons très concernés par notre mission d'accompagnement des transitions, en apportant les résultats de nos recherches. L'enseignement est en effet l'un des vecteurs de transfert des résultats de la recherche.
Je propose de lister quelques têtes de chapitre, avant que Cyril Kao et Christian Huyghe apportent leur témoignage. Nous disposons de lieux où ces interactions peuvent exister, de façon privilégiée. Au vu de l'organisation de l'enseignement agricole français, l'importance des stages et des fermes dans les lycées agricoles est tout à fait claire. Il existe donc un lien privilégié entre les fermes des lycées agricoles - pas toutes mais un certain nombre d'entre elles -, les instituts techniques agricoles et les unités de l'Inrae, notamment les unités expérimentales. Ces lieux sont des lieux privilégiés de confrontations des univers car il est possible d'y traduire de façon concrète les avancées des connaissances techniques. Christian Huyghe évoquera sans doute les réseaux mixtes technologiques, qui associent nos unités expérimentales, les instituts techniques et les fermes des lycées agricoles.
Le deuxième vecteur de transfert des connaissances est constitué des référentiels de formation. Telle est la mission de la direction générale de l'enseignement et de la recherche (DGER) du ministère de l'agriculture et de l'alimentation, que vous avez dû auditionner. Il s'agit, avec les inspections, de produire des référentiels, notamment pour les BTS, avant de servir ensuite de charpente à l'enseignement technique agricole. Même si ce n'est pas inscrit dans notre mission, je trouve légitime - et nous l'avons déjà fait - que nos chercheurs, qui sont les mieux positionnés pour disposer d'une vision globale des défis, des enjeux de la transition agro-écologique et de ses liens avec les enjeux de l'alimentation, soient sollicités. Ils peuvent en effet renouveler, rénover et améliorer ces référentiels. Nous nous sommes engagés dans cette voie en 2016-2017, après les discussions sur la loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt. Un passage en revue des référentiels avait été mené avec des chercheurs Inrae et AgroParisTech, notamment pour les BTSA option Analyse et conduite des systèmes d'exploitation (ACSE). C'était la première fois depuis longtemps que les référentiels étaient renouvelés et pas seulement dépoussiérés. Nous n'en avons pas débattu avec la DGER, qui a évidemment la main sur cette question, mais je pense qu'il serait pertinent de le refaire pour clarifier les nouvelles alternatives, notamment aux produits phytosanitaires, du fait de l'accélération des transitions climatiques et de l'accélération des attentes sociétales.
Au-delà des référentiels - ce que Cyril Kao pourra évoquer -, il faut ensuite se préoccuper de leur mise en oeuvre sur les campus et dans les communautés apprenantes. Sans nous disperser et en nous assurant que les chercheurs se concentrent sur leur travail de recherche, cette question mériterait d'être évoquée dans certains écosystèmes. Nous pourrions pour cela nous appuyer sur nos liens avec l'École nationale supérieure de formation de l'enseignement agricole (ENSFEA) ou avec les écoles du supérieur, qui sont elles-mêmes connectées à l'enseignement technique. Ainsi, des chercheurs pourraient participer à des campus en présentiel ou à des campus numériques, pour faire passer de façon un peu plus régulière les avancées de la recherche et pour valoriser et associer les jeunes à nos programmes de recherche. Nos unités mixtes de recherche associent par exemple des enseignants-chercheurs des différentes écoles d'agronomie, des écoles vétérinaires, de l'Institut Agro ou d'AgroParisTech. De futurs ingénieurs ou doctorants travaillent directement dans nos unités de recherche, pendant leur cycle de formation supérieure. Cette pratique reste évidemment plus rare dans les formations techniques, mais je pense que nous pouvons aussi trouver ici de nouveaux modes de partenariat.
Je propose maintenant que Cyril Kao donne un éclairage complémentaire, avant que Christian Huyghe vous cite des exemples concrets.
M. Cyril Kao, directeur de l'enseignement supérieur, des sites et de l'Europe (DESSE) de l'Inrae. - Comme cela a été rappelé, notre mission principale n'est pas d'intervenir en direct avec l'enseignement agricole technique, mais nos relations restent néanmoins très nombreuses. Nous nous coordonnons avec la tutelle, la DGER, pour apporter au mieux notre contribution. Ainsi, les résultats de la recherche réalisée dans nos laboratoires sont mis à la disposition des enseignants et professeurs des lycées agricoles et transmis, assez classiquement, via des articles vulgarisés ou de recherche, mais aussi par des ressources en ligne. Vous avez sûrement entendu parler des « MOOCs » ou dispositifs de formation à distance massifs, auxquels nous contribuons, en tant qu'Inrae ou avec nos partenaires de l'enseignement supérieur. Ainsi, nous participons au consortium collectif Agreenium qui rassemble l'Inrae, le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad) et les écoles supérieures agronomiques et vétérinaires. Parmi les actions de ce collectif au niveau national, on compte la production de supports de formation en ligne ou de ressources, dont une partie est destinée aux enseignants des lycées qui peuvent s'y référer au cours de leurs activités. C'est une action que nous souhaitons poursuivre et amplifier, car elle permet de disséminer le plus largement possible et de façon très adaptée les résultats de notre recherche.
Des modalités plus partenariales existent aussi, sur la base de projets comme les réseaux mixtes de technologie, qui sont animés et financés par la DGER. Sur une thématique donnée, ils tâchent d'hybrider les instituts techniques agricoles, un certain nombre de lycées et des équipes de recherche, tout en maillant le territoire. Ces démarches sont donc à la fois thématiques et territoriales. Notre implantation territoriale, dans l'essentiel des régions et des territoires, permet des relations de proximité entre certains de ces lycées et nos équipes. Nous pourrons vous transmettre un état des lieux précis de cette cartographie des réseaux mixtes de technologie. Cette disposition tout à fait intéressante repose sur une logique de projets. Les équipes y travaillent de façon assez étroite.
Nous avons par ailleurs participé au plan « Enseigner à produire autrement », lancé par Stéphane Le Foll en mars 2014. Un certain nombre de nos chercheurs ont participé au comité de pilotage scientifique mis en place à l'époque par la DGER. Ils ont pu apporter leur avis et leur réflexion au ministère et aux inspections sur la rénovation d'un certain nombre de référentiels. Au-delà du BTS ACSE, le CAP agricole a également été concerné, ainsi que le Bac pro CGEA (conduite et gestion des exploitations agricoles). Différents diplômes ont vu leurs référentiels évoluer à cette occasion. Christian Huyghe, qui était présent à l'époque, pourra compléter mes propos.
Notre relation à l'enseignement et aux écoles passe largement, de façon très organique, par notre relation à l'enseignement supérieur agronomique et vétérinaire. Il est consubstantiel de nos missions et de notre organisation, puisque nous comptons 125 unités mixtes de recherche au niveau national. 70 d'entre elles font partie des équipes de ces écoles. Les enseignants-chercheurs des écoles du supérieur et nos propres chercheurs travaillent conjointement à des projets scientifiques, ce qui participe directement au ressourcement mutuel, pour faire évoluer à la fois les connaissances et les enseignements associés qui sont dispensés aux communautés d'élèves dans ces écoles. La formation par la recherche des futurs ingénieurs apparaît ici déterminante, quand bien même ils ne poursuivraient pas leurs activités en thèse ou en recherche, car c'est un élément essentiel de leur capacité à innover ou en tout cas à se situer à la pointe des connaissances produites par la recherche. Nous partageons aussi un certain nombre de doctorants dans ces écoles, qui participent aux recherches que nous conduisons ensemble. Cet écosystème fonctionne de façon extrêmement coordonnée, planifiée et programmée collectivement. Nous entretenons bien évidemment des relations bilatérales, à travers des conventions signées avec chacune de ces écoles, tandis que le collectif Agreenium permet, au niveau national, de coordonner des actions communes, au bénéfice de l'ensemble des membres.
Je terminerai en évoquant le plan stratégique Inrae 2030, qui vient d'être finalisé. Notre ambition de contribuer à l'enseignement et à la formation, dans le supérieur et avec l'enseignement technique (dans des modalités qui restent peut-être encore à préciser), fait partie des priorités de l'établissement.
M. Christian Huyghe, directeur scientifique Agriculture de l'Inrae. - Je propose d'évoquer la particularité des réseaux mixtes technologiques (RMT). Ils existent maintenant depuis treize ou quatorze ans. La totalité des réseaux mixtes a été renouvelée en 2019 et 2020. Dans la partie agricole, il s'en trouve 22 dans le champ de la production et 7 dans le champ des industries agroalimentaires. Les 22 RMT agricoles sont suivis et chapeautés par le conseil d'orientation scientifique et technique (COST) de l'Association de coordination technique agricole (ACTA) et ceux de l'industrie agroalimentaire par le conseil scientifique et technique (CST) de l'Association de coordination technique pour l'industrie agroalimentaire (ACTIA).
Dans ces dispositifs, un périmètre est d'abord établi, puis les relations entre les acteurs sont définies et maximisées, pour faire communauté. Pour qu'un réseau mixte soit éligible, il doit intégrer la recherche, les acteurs du développement et de la recherche appliquée, ainsi que l'enseignement agricole ou l'enseignement supérieur agronomique.
Nous avons produit un tableau que nous pourrions vous fournir, dans lequel vous verrez que les lycées agricoles présents sont très nombreux, sur les RMT agricoles en particulier, avec 45 lycées agricoles présents pour un total de 200 établissements.
Il est par ailleurs à noter que la DGER a affecté un enseignant par réseau ou par groupe de réseaux, qui dispose d'une décharge horaire (tiers-temps) pour gérer la recherche et le développement. Charge à cet enseignant d'irriguer ensuite largement les établissements agricoles. Ce dispositif riche rapproche l'ensemble des enseignants de la recherche et de la recherche appliquée. Il constitue un complément efficace au plan « Enseigner à produire autrement », grâce à ce lieu de ressourcement.
Dans la planification des réseaux, qui a été bâtie en deux étapes, nous visons une analyse maximale de l'ensemble des thématiques. L'intitulé de chaque périmètre de ces 22 RMT permet d'associer finement l'enseignement agricole à ces dispositifs. Sans qu'ils aient une valeur statistique, les retours ont été très satisfaisants. L'élément le plus limité a été le temps. Les tiers-temps consentis par la DGER permettent de tirer parti de ces dispositifs originaux.
Ces dispositifs ont également été remarqués dans le cadre de la mise en place du partenariat européen pour l'innovation. Les discussions conduites par la direction générale de l'agriculture (DG Agri) de la Commission européenne avaient montré que les RMT étaient des dispositifs extrêmement nouveaux, très originaux à l'échelle européenne et presque préfigurateurs des partenariats européens pour l'innovation, du fait de l'association de ses composantes dans une innovation organisationnelle et pédagogique.
Mme Nathalie Delattre, rapporteure. - Merci pour ces exposés très clairs et très synthétiques, qui vont peut-être nous permettre de poser l'ensemble de nos questions.
Cette mission traite deux problématiques majeures, puis d'autres problématiques, sans doute plus mineures.
Le problème de l'orientation et de l'intérêt pour l'enseignement agricole constitue l'une des problématiques majeures. Lors de notre déplacement à Bordeaux Sciences Agro, nous avons rencontré des jeunes qui se présentaient comme des vétérinaires déçus, voire déchus. Après avoir découvert ce qui était proposé dans l'enseignement supérieur agricole, ces jeunes nous ont dit qu'ils n'auraient pas choisi la voie vétérinaire et qu'ils seraient directement devenus ingénieurs agronomes s'ils avaient été informés en amont des possibilités offertes par ces formations. Comment faire connaître ces enseignements et développer l'attrait de l'enseignement agricole ? Assurez-vous des présentations dans des collèges et des lycées ?
Vous avez évoqué les MOOCs, qui sont très pratiques pour la formation initiale ou continue, mais contrairement à d'autres secteurs, où les réseaux sociaux permettent un ruissellement et de se représenter les métiers, les interventions restent rares dans celui de l'enseignement agricole. N'avez-vous pas un rôle à jouer pour que certains modules puissent se diffuser sur les réseaux et donner envie de s'intéresser au « produire autrement », au « transformer autrement » ou au « vendre autrement » ?
Par ailleurs, quel est votre lien avec la recherche, en amont ? Décidez-vous des recherches à mener ou vous laissez-vous guider par ce que la filière définit comme priorités (cépages résistants, etc.) ?
En outre, quels sont les retours des apprenants, qui viennent chercher des nouvelles technologies ? Leurs retours sont-ils satisfaisants ? Sont-ils satisfaits de l'enseignement qu'ils reçoivent face aux défis qu'ils s'imaginent devoir remplir ?
Disposez-vous de surcroît d'incubateurs ou de startups, en sortie ?
Enfin, j'imagine que vous rencontrez des problèmes budgétaires. Vous nous les exposerez.
M. Philippe Mauguin. - Merci madame la rapporteure. Nous tâcherons de rester synthétiques.
Nous ne sommes pas mobilisés de façon formelle en tant qu'institution dans l'orientation professionnelle, notamment dans l'enseignement, moment charnière avant Parcoursup, mais certains acteurs le sont, notamment les parents d'élèves. J'ai aussi pu me présenter dans les « amphis retape » des écoles d'ingénieurs, des écoles vétérinaires ou dans le secondaire.
Vous évoquez des jeunes vétérinaires frustrés. Il y a quelques années, la filière agronomique était davantage recherchée dans le classement de sortie des concours que la filière vétérinaire. Dans les années récentes, j'ai vu que le rapport s'était inversé, avec un afflux massif de jeunes femmes et de jeunes hommes vers la filière vétérinaire, plutôt que vers les études agricoles. Tant mieux pour le secteur de la santé animale, qui est important pour la santé globale, mais cette motivation a peut-être été excessive par rapport au marché de l'emploi, tandis que le marché agricole a pu moins faire rêver. C'est un défi assez fort, car les vocations sont effectivement en baisse dans l'enseignement technique agricole. Ce n'est toutefois pas le cas dans l'enseignement supérieur.
Cela a sans doute à voir avec l'image de l'agriculture, qui est en partie injuste. Il faut affronter cette réalité. On parle encore trop de « l'agribashing » ou de l'éloignement des Français vis-à-vis de leurs agriculteurs. Je pense qu'il faut mener une communication plus positive sur les métiers du vivant en général et sur les métiers de l'agriculture et de l'alimentation en particulier.
Il faut montrer de façon vivante et concrète les défis incombant aux prochaines générations comme la transition climatique, la transition alimentaire ou les enjeux du développement durable, sans se concentrer exclusivement sur ceux qui souffrent - même s'il faut traiter les problèmes des agriculteurs en difficulté. Exposer de telles success stories de jeunes agriculteurs qui s'installent, qui développent leur exploitation et qui sont heureux suscitera de nombreux déclics, pour l'enseignement technique comme pour l'enseignement supérieur. Nous y contribuons déjà, sans moyens de communication particuliers. Pour les recrutements de chercheurs, nous sommes présents sur les réseaux sociaux, en France et à l'international. Nous comptabilisons d'ailleurs chaque année 30 % de candidats étrangers dans les concours de chercheurs de l'Inrae.
Il est vrai que nous rencontrons régulièrement la même problématique, autour du choix des jeunes thésards intéressés par les défis à venir, qui peuvent être tentés de se tourner plutôt vers le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) ou le Centre national d'études spatiales (CNES). Nous nous devons de montrer que les enjeux de la recherche agronomique sont des enjeux cruciaux pour l'avenir de la planète. Nous sommes confrontés à cette question, mais plutôt sur le recrutement de chercheurs, et moins sur l'enseignement technique, faute de temps et de moyens. En tout cas, je partage votre diagnostic. Pour assurer le renouvellement des générations, il faut jouer sur le marché, le foncier ou la politique agricole commune (PAC), mais aussi sur l'image que nous renvoyons du secteur agricole.
Les MOOCs ont, pour leur part, surtout été bâtis avec des écoles d'agronomie et des écoles vétérinaires. Ils ont rencontré un vrai succès. Nous disposons d'une université numérique « agri-agro » parmi les mieux organisées au niveau mondial. Elle est francophone pour l'essentiel, ce qui est satisfaisant pour nos jeunes et pour la communauté francophone internationale. Elle pourrait sans doute être rééquilibrée vers l'anglais. Il reste que ces MOOCs n'ont pas été faits pour l'enseignement technique agricole. Quoi qu'il en soit, peut-être pourriez-vous inscrire dans vos recommandations la possibilité pour la DGER de fixer une priorité sur la continuité entre les MOOCs conçus avec les écoles du supérieur, en demandant à l'Ensfea de s'impliquer, en coopération avec Agreenium. Agreenium couvre en effet les organismes du supérieur et les organismes de recherche Inrae et Cirad. Comme nous ne sommes pas nécessairement légitimes pour nous tourner vers l'enseignement technique, une impulsion de la tutelle reste nécessaire.
J'évoquerai ensuite le lien avec les filières pour la recherche. Ce lien est majeur. Il s'exerce pour l'Inrae de différentes façons. Les réseaux mixtes technologiques sont un lieu d'interaction entre les instituts techniques agricoles, qui sont liés aux filières professionnelles. C'est aussi un lien de transfert, où prendre des idées pour lancer nos propres programmes de recherche.
Vous avez cité les cépages résistants. Cet exemple est très intéressant. Ce fut une initiative de l'Inra. À l'époque, ce projet a même été lancé sans trop l'annoncer à la profession viticole. Il y a vingt ou trente ans, il était difficile d'expliquer aux vignerons qu'il n'était peut-être pas pertinent d'utiliser autant de produits pour traiter le mildiou et l'oïdium. Annoncer frontalement que nous envisagions de faire évoluer les cépages aurait été un sacrilège. De nombreuses années plus tard, nous avons commencé à trouver des cépages naturellement résistants, qui ont produit des jus qui n'étaient pas de mauvaise qualité, à un moment où la pression sur les viticulteurs est devenue très forte. Les viticulteurs ont alors su se remettre en cause et ont accepté que nous collaborions. Depuis, les recherches sur les cépages résistants sont menées avec l'Institut français de la vigne et du vin (IFV), en lien avec les interprofessions. C'est une chance pour la France de compter un établissement comme l'Inrae, capable de défricher des approches, sur des financements publics et avec une certaine liberté, sans qu'il soit systématiquement nécessaire de recueillir la validation des professionnels, même si l'interaction reste forte.
Pour ce qui est de la perception des enseignements par les apprenants, nous recevons de très bons retours de la part des jeunes inscrits dans les filières de thèse, de doctorat et de post-doctorat, si j'en juge par le nombre de candidats à nos concours. Le principal problème que je rencontre n'est d'ailleurs pas un problème de budget global, mais de nombre de postes ouverts aux concours. À ce titre, la loi de programmation de la recherche que Frédérique Vidal a fait adopter au Parlement nous apporte une certaine visibilité sur des budgets en croissance. Elle devrait permettre de relancer les recrutements dans la recherche française en général, après une dizaine d'années de tassement ou de léger retrait de l'emploi dans le secteur. Ce n'était certes pas le secteur le plus maltraité de la fonction publique, mais il n'était pas non plus sanctuarisé. La baisse dans la recherche a atteint environ 1 % par an sur dix ans, soit 10 % au global. Nous nous félicitons de la perspective de hausse qui se dessine désormais pour les jeunes du supérieur qui souhaitent s'engager dans la recherche.
Pour ce qui est des incubateurs ou des startups, ce sont effectivement des lieux importants. Nous sommes présents dans un grand nombre de pôles de compétitivité. Nous sommes associés à un certain nombre d'incubateurs dans les sites universitaires où nous sommes présents. L'Inrae est probablement l'organisme de recherche national le plus décentralisé, davantage que le CNRS, l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) ou le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA). Historiquement, nous nous sommes plutôt développés dans les territoires. Nous sommes présents dans plus de trente sites universitaires en France, dont la plupart hébergent des incubateurs dans lesquels nous sommes des acteurs majeurs. Soit nous créons des startups qui sortent de nos laboratoires, soit nous les accompagnons dans les étapes les plus précoces. En effet, une politique intensive de soutien aux startups a été mise en place depuis quelques années. Nous pouvons les aider en leur cédant de la propriété intellectuelle, plutôt qu'en la leur vendant, comme nous le faisons avec des entreprises installées. Nous leur fournissons en parallèle un accompagnement scientifique, contre une participation minoritaire au capital. Si la startup réussit, nous sortons du capital et l'argent est réinvesti dans la recherche. Si elle ne réussit pas, au moins l'aurons-nous accompagnée le plus possible. Nous investissons dans la Tech, la Food Tech et l'environnement.
M. Jean-Marc Boyer, président. - Je souhaite vous interroger sur le maillage de votre territoire. Vous avez évoqué trente sites universitaires.
M. Philippe Mauguin. - Nous comptons 18 centres régionaux, sur l'ensemble du territoire. La carte des universités et des écoles ou sites universitaires montre que nous comptons des forces présentes sur plus de trente sites.
M. Jean-Marc Boyer, président. - Ce maillage est une force. Il serait intéressant de réfléchir à l'utilisation de ce maillage dans le cadre d'une mission élargie à l'enseignement agricole.
Les élèves de collège pourraient, par exemple, observer comment certains sujets sont diffusés, de façon vulgarisée, ce qui susciterait leur intérêt et celui du public en général.
J'ai toujours été étonné que la communication et la vulgarisation vers le grand public et les collèges restent rares, alors qu'elles peuvent susciter l'intérêt et donner envie de s'orienter vers ces domaines, qui concernent non seulement le domaine agricole mais aussi la transition écologique.
Il faut travailler sur le lien entre la recherche, qui est intéressante et variée, et l'intérêt du public et des jeunes.
M. Philippe Mauguin. - Je ne peux que soutenir vos propos. Nous n'avons pas pu présenter nos travaux au Salon de l'Agriculture cette année compte tenu des conditions sanitaires. Habituellement, nos ingénieurs, chercheurs et techniciens s'y rendent systématiquement. Leurs démonstrations rencontrent toujours un grand succès, notamment chez les jeunes.
Nous participons aussi à la Fête de la science, par des journées portes ouvertes qui rencontrent un grand succès.
Le centre de Clermont-Ferrand propose lui aussi des journées portes ouvertes sur le monde agricole, tous les deux ans. La participation est énorme. C'est un événement très positif car les familles, les enfants, les agriculteurs et les citadins s'y retrouvent.
Ces événements sont intéressants mais je pense que nous pourrions en proposer encore davantage. Il faut aussi chercher à profiter du maillage territorial et de ce que l'on sait faire sur une unité territoriale, ces unités étant de véritables bijoux, comme la station d'Époisses. Il s'en trouve de nombreuses autres, tout aussi intéressantes, dans d'autres régions. Ces innovations concrètes, de terrain, en situation agricole, sont des lieux où sont proposées des portes ouvertes ou de la formation de jeunes apprenants.
M. Cyril Kao. - De nombreuses actions sont menées par nos unités expérimentales, nos centres de recherche, nos équipes et des lycées, de façon plutôt spontanée. Ainsi, l'ensemble des cadres de l'enseignement agricole régional a été accueilli sur le centre de l'Inrae lors de la journée de rentrée de l'enseignement agricole, à Dijon.
Nous pourrions réfléchir à nous organiser de façon plus systématique dans les régions, notamment dans la relation entre les présidents de centres et les directions régionales de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt (DRAAF), à travers leurs services régionaux d'information de développement du fonctionnement pédagogique des lycées. Nous en avons débattu avec la DGER.
Mme Annick Billon. - Vous avez évoqué dix-huit centres régionaux et trente sites. Quelle est l'articulation avec les réseaux mixtes de technologie ? Sont-ils identifiés par rapport à ces centres régionaux ou sites ? Leurs totaux se rapprochent.
Dans ces réseaux mixtes de technologie, vous avez surtout évoqué les lycées agricoles. Y a-t-il d'autres acteurs ?
Par ailleurs, vous avez évoqué un tiers temps pour le référent : cette proportion me semble bien limitée.
En outre, les référentiels de connaissance me sont surtout apparus comme une boîte à outils. Comment les référentiels sont-ils utilisés ? Le sont-ils de façon uniforme ?
Est-ce que la mission qui vous est confiée dans le cadre de la loi est amenée à évoluer ou à être précisée ?
Enfin, vous avez évoqué en propos liminaire les enjeux de l'agriculture et de l'enseignement agricole (réchauffement climatique, santé, bien-être animal, etc.). Priorisez-vous ces enjeux ou les évoquez-vous de façon globale ?
M. Vincent Segouin. - L'Inrae mène de la recherche fondamentale et a des liens avec la recherche privée. Or vous n'évoquez pas la question des salaires. Souvent, les jeunes en études supérieures ont en tête le revenu annuel auquel ils pourront prétendre en sortant d'école. Est-ce un tabou ou un point que vous mettez en avant ?
M. Cyril Kao. - J'évoquerai tout d'abord le réseau territorial. Nous comptons 18 centres au niveau national, liés à 33 sites universitaires. Nous comptons beaucoup d'implantations rattachées à des centres. Il n'y a pas de bijection programmée entre ce maillage territorial et l'organisation des RMT. Un RMT peut étudier un thème avec plusieurs lycées au niveau national, en fonction de la compétence et de la contribution des acteurs. Ainsi, un RMT sur le fromage rassemble des équipes et des lycées tournés vers la transformation fromagère, en région Auvergne-Rhône-Alpes, en région Grand-Est, etc. Les RMT ne sont pas programmés par la DGER dans une logique de territoire. Cela dépend plutôt des projets, des contributeurs et des implantations.
Pour ce qui est de l'accompagnement au développement et à l'innovation des lycées agricoles, les tiers-temps constituent un dispositif important, tout comme l'animation nationale des directeurs d'exploitations de ces lycées, assurée par la DGER et à laquelle nos chercheurs peuvent contribuer. L'Inrae accueille aussi une dizaine de chefs de projet, qui sont des ingénieurs de l'agriculture et de l'environnement et qui participent en premier poste à des projets dans les lycées. C'est par ces dispositifs variés que nous accompagnons les lycées.
S'agissant enfin des référentiels, il faut distinguer les référentiels métiers, les référentiels de compétences et les référentiels de diplômes. La liberté pédagogique des enseignants s'applique ensuite, pour atteindre les objectifs fixés. Dans ce contexte, nous apportons de la matière aux enseignants, la plus produite, la plus à jour et la plus construite possible, ce qui renvoie aux questions de moyens et aux accompagnements des écoles.
M. Philippe Mauguin. - Avec des moyens supplémentaires mobilisables, nous pourrions passer d'un tiers-temps à un mi-temps ou mobiliser davantage de personnes. À l'heure actuelle, nous comptons cent tiers-temps dans deux cents établissements.
M. Christian Huyghe. - Tous les tiers-temps ne sont toutefois pas affectés aux RMT.
M. Philippe Mauguin. - En effet. C'est plutôt à la DGER d'y réfléchir.
Compter des personnes ressources à temps partiel ou à temps plein, engagées dans des problématiques concrètes, assurant un lien entre l'enseignement technique et la recherche, est très précieux. Un petit effort pourrait avoir de grands effets.
Pour ce qui est de faire évoluer les missions de l'Inrae prévues dans la loi, ce n'est pas notre priorité. L'Inrae reste largement embarquée sur la recherche et l'innovation au niveau du supérieur. Si l'enseignement technique s'y ajoutait, ce pourrait ne pas être très bien compris.
S'agissant de la coordination, le législateur, dans la loi de programmation de la recherche, a confié la gestion d'Agreenium à l'Inrae. Malgré notre taille, nous tâchons d'être au service de la communauté, sans jouer un rôle dominateur. Nous apportons donc du soutien à Agreenium, tout en respectant le rôle de l'ensemble des écoles. Je crois que ces dernières ont vraiment conscience de leur rôle. Le premier président d'Agreenium est d'ailleurs le directeur d'Agrosup Dijon. Je ne représente de surcroît qu'une voix dans le collège composé de l'ensemble des directeurs des écoles.
Agreenium pourrait travailler avec l'Ensfea et la DGER sur l'évolution des référentiels, pour que nos travaux sur les transitions agro-écologiques et alimentaires soient identifiés dans les référentiels, par les tiers-temps, dans les RMT, etc. Il pourrait être pertinent que le Sénat envoie un message à ce sujet, peut-être à travers une recommandation.
Nous tâchons d'appréhender les différents enjeux. Nous sommes peut-être l'un des établissements de recherche les mieux positionnés au niveau mondial. Nous travaillons beaucoup à l'international et nous n'avons pas à rougir de notre positionnement sur l'adaptation au changement climatique, vis-à-vis des filières végétales. Ainsi, nous savons à partir des prévisions du climat pour 2050 comment nos blés ou nos orges évolueront et quels idéotypes viser en sélection génétique, afin de disposer de variétés adaptées à des températures en croissance, mais aussi à des chocs climatiques ou des alternances entre des saisons parfois douces, des gels et des inondations. Les programmes de recherche génétique sont nombreux, puis nous passons ces résultats au crible du phénotypage, grâce à des stations qui permettent des simulations. C'est le cas pour le blé à Clermont-Ferrand ou pour la prairie près de Poitiers. Nous pouvons par exemple recréer de la pluie ou de l'absence de pluie, les conditions de CO2, etc. Nous préparons ainsi les variétés qui répondront aux enjeux climatiques des vingt prochaines années. Nous le faisons pour le végétal mais aussi sur les filières animales.
S'agissant du bien-être animal, qui constitue bien sûr un enjeu d'envergure, nous avons lancé un projet que vous connaissez peut-être, à travers un territoire d'innovation autour des filières d'élevage, dans trois régions pilotes : la Normandie (bovins lait), les Pays de la Loire (volailles) et la Bretagne (porcs). Les coopératives, les chambres régionales d'agriculture et les conseils régionaux y sont associés, ainsi que les ONG environnementales, les ONG welfaristes de protection du bien-être animal (à l'exception évidemment de L214 et des plus extrêmes) et les grandes surfaces. Nous avons tenu à associer les enseignes de distribution, pour que les investissements sur le bien-être animal aillent jusqu'au consommateur. Le projet comporte donc à la fois une dimension de recherche de base, tout en étant très orienté vers des applications à court et moyen terme pour faire progresser nos filières animales sur la question du bien-être.
De son côté, la question des salaires n'est pas taboue. Ce sujet a été porté dans le cadre de la discussion sur la loi de programmation de la recherche. Nous avons été en partie entendus car une revalorisation des rémunérations sera introduite. Quand il était Premier ministre, Édouard Philippe avait été surpris du faible niveau de rémunération des jeunes chercheurs. Il ne sera désormais plus possible de démarrer en deçà de deux fois le SMIC après un doctorat, deux post-docs et des études aux États-Unis, ces chercheurs pouvant être âgés de plus de trente ans et avoir charge de famille. J'ai moi-même contribué à un rapport sur la question. J'ai souligné que les rémunérations moyennes des chercheurs français étaient de 30 % inférieures à la moyenne de l'OCDE, sans parler des pays les mieux positionnés. Ce niveau était assez indécent. Il est logique que cette question constitue l'une des priorités de la loi de programmation de la recherche. Les régimes indemnitaires vont donc augmenter cette année. Ainsi, nous nous rapprocherons de la moyenne de l'OCDE, toutes choses égales par ailleurs, montant qui n'est pas particulièrement élevé mais qui apparaît déjà comme une marque de considération. Ceux qui veulent gagner de l'argent ne se tournent généralement pas vers la recherche publique, ce qui ne signifie pas qu'ils doivent accepter de vivre dans la précarité. Certains peuvent aussi vouloir créer leur entreprise ou leur startup, pour développer une activité en parallèle.
Mme Marie-Pierre Monier. - Votre ouverture à l'international est-elle assez intégrée dans le parcours des étudiants de l'enseignement agricole ? Avez-vous dressé des comparaisons avec d'autres modèles étrangers ?
Quel est le profil des doctorants à l'Inrae ? Sont-ils surtout issus de l'enseignement agricole ? Vers quel parcours se tournent-ils ensuite ?
Je souhaite évoquer également les nouveaux enjeux liés à la transition écologique et aux fortes attentes sociétales. Estimez-vous que ce sujet fasse partie intégrante de l'enseignement supérieur agricole ? Avez-vous une vision des sujets qui pourraient s'imposer dans les années à venir ?
Dans le domaine de la recherche du monde professionnel agricole, identifiez-vous un manque de vocations et de candidats ? Quels sont les leviers susceptibles d'accroître l'attractivité ?
Pour ma part, j'ai toujours beaucoup apprécié ce que votre structure propose au Salon de l'Agriculture. J'ai dégusté des vins issus des cépages résistants et je me suis toujours interrogée à ce sujet. Le goût des côtes-du-Rhône, des syrahs et autres grenaches est apprécié par le consommateur. Si les cépages doivent être changés, il faut aussi réfléchir à la question du changement du goût du vin.
M. Frédéric Marchand. - Merci pour toutes ces informations.
Je souhaite revenir d'abord sur le maillage territorial et les projets de territoire. Quelle est l'articulation développée avec ce qui monte actuellement en puissance dans les territoires, notamment dans le cadre du plan de relance, à savoir l'appétence des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) pour les projets alimentaires territoriaux (PAT) ? Êtes-vous des acteurs de ces PAT ?
M. Pierre Louault. - Les chercheurs ne sont-ils pas démobilisés, notamment dans leurs relations avec le milieu enseignant ? Un certain obscurantisme s'observe parfois, avec un retour à ce qu'on considère être des traditions et une tendance à renier tout ce qui est nouveau. Vos chercheurs peuvent parfois se sentir inutiles face à une telle résistance. Nous avons constaté ce manque d'ouverture, jusqu'au sein du ministère de l'agriculture et de l'alimentation, alors que nous avons besoin de la recherche sur l'évolution génétique ou la résistance des plantes pour nous débarrasser des pesticides. Je doute que le milieu enseignant soit très ouvert. Il est aujourd'hui très différent de ce qu'il était il y a trente ans, quand les enseignants avaient soif de recherche. Je m'en inquiète.
M. Serge Mérillou. - L'apport de l'Inrae dans la formation et l'enseignement agricole peut être extrêmement important. Je m'inquiète toutefois d'une possible dispersion, entre la recherche fondamentale que l'Inrae incarne et les centres expérimentaux, si chacun se met à tout faire. Alors que la recherche fondamentale est extrêmement importante face aux enjeux climatiques, ne risquez-vous pas de perdre peu à peu ce qui constitue votre ADN ? La transversalité est importante mais j'y vois tout de même un risque.
M. Jean-Marc Boyer, président. - Quel lien existe-t-il entre les travaux et la recherche de l'Inrae et la recherche privée, par exemple entre l'Inrae et Limagrain, en Auvergne et ailleurs ?
Pour ce qui est du bien-être animal, la vache à hublot a défrayé la chronique dans des émissions télévisées, alors que ces expériences existent depuis une quarantaine d'années. Êtes-vous en recul sur ces recherches, du fait de la montée de mouvements qui défendent le bien-être animal et estiment que l'animal souffre dans ces recherches ?
Enfin, dans le cadre du réchauffement climatique, la recherche permettra-t-elle d'améliorer la qualité du vin auvergnat ?
M. Cyril Kao. - Parmi les missions de l'enseignement agricole au niveau technique se trouvent des missions tournées vers la mobilité internationale des jeunes. Pour des raisons territoriales, familiales ou économiques, beaucoup de ces jeunes bougent peu.
La mobilité internationale est favorisée. L'enseignement agricole bénéficie d'ailleurs d'un effet de levier considérable, car il représente 1 % de l'enseignement en France et mobilise 6 % à 7 % des crédits Erasmus+.
Au niveau du supérieur, écosystème qui est proche du nôtre et avec lequel nos relations sont peut-être plus directes, le cahier des charges du diplôme d'ingénieur en France, et en particulier d'ingénieur agronome, considère la mobilité internationale comme un prérequis. C'est devenu un passage quasi obligé et même un facteur d'attractivité des écoles. Je ne suis donc guère inquiet à ce sujet.
C'est également un sujet important dans les formations par la recherche, notamment au niveau doctoral. Je précise que j'ai moi-même dirigé une école doctorale. 30 % à 40 % des doctorants sont aujourd'hui des étudiants étrangers. L'internationalisation est donc organisée et apparaît assez claire au niveau de l'enseignement supérieur.
M. Christian Huyghe. - Je souhaite revenir sur la bonification des vins d'Auvergne et la question de Mme Monier sur les cépages résistants. Après avoir fait la démonstration de la preuve du concept avec quatre premiers cépages, que nous avons inscrits et qui sont aujourd'hui en développement, nous menons désormais un travail avec toutes les interprofessions, pour convertir les vins les plus emblématiques et les rendre résistants, avec des constructions génétiques solides, conférant une résistance au mildiou et à l'oïdium. La syrah et le grenache font partie des cépages cibles, en cours de conversion. À ce jour, nous comptons actuellement en test, avec l'Institut français de la vigne et du vin (IFV), plus de 2 500 génotypes qui affichent les bons gènes. Ils sont en cours d'évaluation. Je doute en revanche que l'interprofession des vins d'Auvergne se soit signalée pour s'inscrire dans cette logique. Peut-être pourrions-nous y arriver, avec un petit coup de pouce...
M. Philippe Mauguin. - Madame Monier, vous nous avez interrogés sur les attentes de la recherche au niveau des compétences dispensées dans l'enseignement agricole. En premier lieu, il ne faut pas céder aux effets de mode. Le terme de transition est, par exemple, repris un peu partout. Il convient d'abord de dispenser des formations de base (modalités de transformation des produits pour l'agroalimentaire, formations en économie ou en gestion, etc.). Pour autant, la question des transitions doit être prise au sérieux, non pas comme un terme magique, mais sur la façon de nous projeter à horizon de quinze ou vingt ans. Ce sujet peut être inclus de façon très concrète dans les corpus d'enseignement, autour d'une vision agroclimatique qui peut être située dans les territoires. C'est valable pour le vin, mais aussi pour l'ensemble des productions. Ainsi, il est intéressant de se pencher sur les conditions de production en Auvergne en 2050, sur la pousse de l'herbe sur le bassin allaitant, sur les ressources hydriques pour conduire les ruminants ou sur la situation du couloir rhodanien pour les arboriculteurs, dont la situation est déjà difficile, du fait de la hausse des températures et de l'accélération des chocs climatiques.
Nous travaillons, sur la base des projections du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec), pour bâtir des scénarios climatiques. Progressivement, les écoles de l'enseignement supérieur et les écoles de l'enseignement technique pourront accéder à ces éléments, non pas pour les théoriser, mais pour confronter les jeunes à ces évolutions. Alors que le consommateur a l'habitude d'un certain type de vin, de la syrah ou du grenache, il serait pertinent que nous arrivions à absorber les chocs de température par l'amélioration des cépages, en restant le plus proche possible de l'identité organoleptique. Nous devrions y arriver à 98 %, sachant que les vins ont déjà évolué dans le temps. Les Châteauneuf-du-Pape que nous buvons aujourd'hui ne sont pas ceux de la première moitié du XXème siècle.
De plus, la carte de la viticulture française est appelée à se déplacer. De la même manière que les Bourguignons ont commencé à investir l'Ardèche, des stratégies de développement dans certaines zones s'observeront. Cela fait partie des compétences que les formations les plus longues devront étudier, par des stages, des mémoires ou des jeux de rôle, en se rapprochant de sujets comme l'alternative aux phytosanitaires, le bien-être animal ou la transition climatique.
Le sénateur Marchand a évoqué les projets alimentaires territoriaux. Ces outils et approches sont extrêmement intéressants. Nous nous y investissons, d'abord autour de l'évolution des régimes et des systèmes alimentaires. Nous ne réussirons pas la massification de la transition écologique si elle reste circonscrite à l'exploitation agricole. Toute une série de solutions nécessitera une modification des systèmes de production, ce qui entraînera une nouvelle diversité des productions. Il faudra que la transformation suive et que les marchés évoluent. Les systèmes agricoles et alimentaires doivent donc être revus, ce qui est vertigineux, y compris pour les enseignants. Pour cela, il faut disposer de bases et de dominantes solides, en travaillant ensuite sur des études de cas. Les outils comme les PAT, qui réunissent des acteurs de l'agriculture, de la transformation alimentaire et les collectivités territoriales, pour se projeter dans les quatre à cinq années à venir apparaissent très intéressants. Nous y participons, mais il faut aussi que des jeunes puissent y contribuer, car cela nous projette de façon non théorique dans la nécessité de repenser globalement le système alimentaire.
J'en arrive aux débats qui traversent la société et à la façon dont la science est à la fois très attendue et très critiquée. Cette relation ambivalente varie selon les sujets et les citoyens. Les succès de la recherche sur les vaccins sont salués, encore dernièrement avec la Covid-19. Jamais des vaccins sur un virus n'ont été trouvés aussi rapidement, tout en sachant que les scientifiques ne sont pas toujours d'accord et que les autorités sont remises en cause assez largement par les citoyens. Dans l'enseignement, certains peuvent effectivement prendre leurs distances vis-à-vis du progrès scientifique, alors qu'il était considéré comme intouchable il y a une vingtaine d'années. Nous tâchons d'accompagner nos chercheurs dans leurs relations avec la presse, dans leurs auditions au Parlement ou face à des questions qui peuvent être très dures, en particulier quand elles mettent en doute leur utilité ou renvoient à des sujets controversés, comme les nouvelles biotechnologies - les new plant breeding techniques (NBT) - ou la place de l'élevage. Or il est toujours intéressant d'entendre différents points de vue, y compris dans la communauté scientifique, sur les OGM ou les NBT.
Il est important que l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et techniques (Opecst) se saisisse de ces débats. Des chercheurs sont récemment venus témoigner. Nous devons accepter de faire de la culture scientifique, de présenter et d'éclairer les choix scientifiques, par exemple en expliquant comment intégrer des gènes de résistance. Nous nous y consacrons, en participant au débat public.
N'ayons pas la nostalgie du temps où l'Inrae ou le CNRS fixaient des lignes. Il faut intégrer les questions posées dans le débat public, sans qu'elles nous paralysent. Après avoir apporté des éclairages, il faut ensuite qu'une certaine liberté de la recherche perdure, dans des laboratoires et en serre, dans le respect de la réglementation.
Je reste optimiste. Je pense que la complexité des défis auxquels nous serons confrontés sera telle que le rôle des scientifiques sera de plus en plus reconnu. Il faut que nous les accompagnions dans les situations de controverse, en sachant aussi les protéger, notamment quand les responsables politiques mettent sur eux toute la pression de la décision.
M. Jean-Marc Boyer, président. - Certains contestent-ils les résultats de vos recherches ?
M. Philippe Mauguin. - La contestation est difficile quand les résultats sont publiés dans des revues à comité de lecture. Ces contestations portent plutôt sur certains choix de politique scientifique, qui écartent d'autres pistes.
Certains observateurs du monde agricole estiment que nous sommes trop proches du monde écologique, et inversement. Certains chercheurs sont parfois contestés, y compris de façon violente, notamment ceux qui travaillent sur la génétique animale. J'ai moi-même été menacé pour nos recherches sur les animaux, même si nous sommes peu présents sur le champ de l'expérimentation animale et si nous faisons toujours très attention.
Une question a été posée sur l'équilibre entre la recherche fondamentale et d'autres activités. Il est important que les instituts de recherche fondamentale travaillent avec les instituts techniques et les chambres d'agriculture, mais chacun doit se concentrer sur sa mission principale. Dans l'enseignement supérieur, nos chercheurs ne peuvent pas se substituer aux professeurs. Ils peuvent apporter un soutien ciblé sur les enseignements de doctorat ou de master, mais uniquement sur un temps limité, pour témoigner devant les étudiants de leurs résultats de recherche. Il en va de même dans les lycées agricoles. Il faut être présent au bon endroit. Je pense que le ministère pourrait nous solliciter davantage sur la formation des professeurs. En tout cas, nous devons suivre notre ADN, qui est la production de connaissances nouvelles.
Au niveau de la recherche privée, nous avons tissé des liens avec de nombreux partenaires : petites et grandes entreprises, coopératives, associations ou réseaux associatifs comme France Nature Environnement ou Limagrain, qui affichent une forte capacité de recherche ou un véritable intérêt pour la recherche. Nous signons des accords-cadres avec ces partenaires, tout en conservant notre liberté de publication scientifique des résultats. Les résultats de la recherche menée dans nos laboratoires ne sauraient en effet être privatisés. Ils bénéficient toutefois de la primeur du partenariat et reçoivent ainsi un éclairage scientifique. Limagrain est par exemple l'un des acteurs historiques avec lesquels nous avons noué des liens forts.
Pour ce qui est des vaches à hublot, dont les images peuvent être choquantes, il est important de préciser que ces techniques sont les mêmes techniques de fistule que celles utilisées chez l'homme, au bloc chirurgical, dans les mêmes conditions opératoires et anesthésiques. Cette intervention est considérée comme sans douleur par les chercheurs et les éthologues. Elle est réalisée dans le respect de la sensibilité animale. Le hublot permet d'étudier le fonctionnement du rumen et la façon dont la cellulose se dégrade dans le rumen. Il n'est pas possible pour le moment de procéder autrement. Cette recherche est déterminante pour comprendre la production du méthane, qui est un puissant gaz à effet de serre, dans la digestion des bovins.
Si nous cessions cette recherche face à l'émotion suscitée par l'image, nous perdrions des années de recherche sur la réduction des gaz à effet de serre dans l'élevage. Les pouvoirs publics ont demandé à réduire le nombre de vaches appareillées. Nous travaillons de surcroît sur des simulateurs, renseignés grâce à ces expérimentations. Peut-être pourrons-nous conduire nos recherches en modélisation sous quatre ou cinq ans, via des fermenteurs et des rumens artificiels. Certaines techniques de recherche du CEA ont d'ailleurs pu être modélisées, alors qu'on pensait cette modélisation impossible. Il est très intéressant de travailler sur de tels jumeaux numériques, qui reproduisent un organisme vivant de façon quasi parfaite et permettent la modélisation de tous les flux, à l'échelle d'un organisme ou d'un organe.
M. Jean-Marc Boyer, président. - Un simulateur ne ressent pas la souffrance.
M. Philippe Mauguin. - En effet. C'est bien l'objectif. C'est pour cette raison que le ministère de la recherche a lancé un plan visant à trouver des méthodes alternatives à la recherche sur animaux. C'est un sujet sur lequel nous sommes mobilisés.
M. Jean-Marc Boyer, président. - Merci pour cette audition très intéressante, qui donne une vision de la recherche qui nous ouvre l'esprit.
M. Philippe Mauguin. - Nous restons à votre disposition pour répondre à vos éventuelles questions additionnelles.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
La réunion est close à 18 h 20.
La réunion est close à 18 h 20.